Ce chapitre a pour objet de déterminer l’influence des relations professionnelles sur l’avenir du travail. Dans un premier temps, il analyse en quoi le dialogue social, et la négociation collective en particulier, peuvent constituer un outil flexible et complémentaire à la réglementation du marché du travail en vue d’assurer un avenir plus productif et plus inclusif dans ce domaine. Il examine ensuite les types d’interventions publiques éventuellement nécessaires pour que les systèmes de négociation demeurent pertinents, et pour tirer pleinement parti de la négociation collective dans un monde du travail en mutation. Enfin, il passe en revue les moyens mis en œuvre par les institutions et les partenaires sociaux pour s’adapter aux nouveaux enjeux du marché du travail, ainsi que le rôle des nouveaux acteurs et les nouvelles pratiques.
Perspectives de l'emploi de l'OCDE 2019
5. Faire face au monde du travail de demain : ce que peut faire la négociation collective
Abstract
Les données statistiques concernant Israël sont fournies par et sous la responsabilité des autorités israéliennes compétentes. L’utilisation de ces données par l’OCDE est sans préjudice du statut des hauteurs du Golan, de Jérusalem Est et des colonies de peuplement israéliennes en Cisjordanie aux termes du droit international.
En Bref
La négociation collective et le dialogue social peuvent apporter des solutions aux défis que pose la mutation du monde du travail. La négociation collective peut donner aux entreprises les moyens de faire face de manière souple et pragmatique aux évolutions démographiques et technologiques en cours, en adaptant les rémunérations, le temps de travail, l’organisation du travail et son contenu aux nouveaux besoins. Elle peut aider à définir de nouveaux droits, à adapter les droits existants, à réglementer l’utilisation des nouvelles technologies, à apporter un soutien constructif aux travailleurs en reconversion professionnelle et à anticiper les besoins de compétences.
Or, les taux de syndicalisation et de couverture conventionnelle sont en recul dans de nombreux pays de l’OCDE. Par ailleurs, le développement de différentes formes d’emploi atypique dans plusieurs pays fragilise l’exercice de la négociation collective, car les travailleurs atypiques tendent à être sous-représentés par les syndicats. Cette sous-représentation tient à la foi aux difficultés pratiques auxquelles ces travailleurs se trouvent confrontés pour s’organiser et à une traditionnelle concentration de la négociation collective sur les préoccupations des salariés standards, mais aussi aux obstacles juridiques posés par la représentation de certaines catégories de travailleurs tels que les travailleurs indépendants. En effet, si le droit du travail accorde à tous les salariés – en CDI ou atypiques – un droit juridique incontesté à la négociation collective, celui-ci peut être jugé contraire au droit de la concurrence pour les travailleurs généralement classés comme indépendants, et ce bien que la Convention sur le droit d'organisation et de négociation collective de l’Organisation internationale du travail (OIT) porte sur les travailleurs en général. Dans ce contexte, le chapitre avance ce qui suit :
Les mesures visant à faire appliquer une classification correcte des emplois revêtent une importance particulière pour permettre aux travailleurs atypiques de bénéficier des droits et protections auxquels ils peuvent prétendre.
Un nombre substantiel de travailleurs risque néanmoins de rester dans la « zone grise » située entre le statut de salarié et celui de travailleur indépendant, où une réelle ambiguïté existe quant à leur statut d’emploi. Pour ces travailleurs, qui partagent les mêmes vulnérabilités que les salariés, et pour certains indépendants exposés à des rapports de force déséquilibrés, une adaptation des réglementations existantes pourrait être nécessaire afin de leur donner le droit à la négociation collective. Plusieurs pays de l’OCDE ont ainsi déjà cherché à accorder les droits de négociation collective à certains d’entre eux moyennant des adaptations spécifiques du droit du travail ou des exemptions explicites de la législation anticartels.
Bien que l’histoire, la situation et les cadres réglementaires de chaque pays diffèrent, ce chapitre fait valoir que, malgré les problèmes susmentionnés, les systèmes de négociation collective peuvent encore jouer un rôle déterminant dans la mise en place de marchés du travail inclusifs pour les travailleurs et de conditions de concurrence équitables pour toutes les entreprises, y compris les nouvelles. Ainsi :
Les partenaires sociaux ont élaboré des stratégies permettant de défendre les intérêts des travailleurs atypiques, d’abord en contestant leur statut et leur classification, mais aussi en défendant leurs droits, en adaptant leurs propres pratiques de négociation collective de manière à les rendre plus inclusives, ou en participant à des projets visant à renforcer la représentation de ces travailleurs. Dans certains pays de l’OCDE, les syndicats ont modifié leur statut juridique de manière à autoriser l’affiliation de travailleurs indépendants, tandis que d’autres ont établi des sections réservées aux travailleurs atypiques. De nouveaux syndicats indépendants ont également été créés.
De nouvelles structures de représentation des intérêts des travailleurs se développent dans quelques pays de l’OCDE, comme les Worker Centers ou la Freelancers Union aux États-Unis, ou encore les coopératives de travailleurs dans certains pays européens. Ces organisations peuvent certes améliorer les relations et la communication entre les travailleurs atypiques, mais elles ne peuvent remplacer les syndicats. En particulier, la loi ne leur reconnaît pas le droit de participer à des négociations collectives pour le compte de leurs membres, et elles n’ont pas la capacité de garantir la mise en œuvre des accords négociés. Elles peuvent donc compléter l’action des syndicats, mais non se substituer à eux ; une coopération entre les modèles traditionnels et nouveaux de représentation des travailleurs prend actuellement forme dans certains contextes.
Les mutations du monde du travail mettent aussi les organisations patronales à l’épreuve. Celles-ci ont intérêt à assurer des conditions de concurrence équitables à leurs membres face à l’arrivée de nouveaux rivaux susceptibles de contourner la réglementation du travail en vigueur, à l’instar des plateformes numériques qui se voient souvent comme des intermédiaires de mise en relation et non comme des employeurs.
Des exemples de négociations collectives réussies dans le secteur du travail intérimaire (une forme d’emploi innovante quand elle est apparue il y a plusieurs dizaines d’années) ou dans des secteurs où le travail atypique est largement répandu, comme les industries culturelles et créatives, montrent que les systèmes sont capables de s’adapter à des modes de travail différents et inédits.
Quelques accords collectifs novateurs ont aussi été conclus récemment dans des pays européens membres de l'OCDE entre des syndicats et des entreprises, y compris des plateformes numériques, mais ils demeurent très rares. Les plateformes ont pris certaines mesures pour offrir aux travailleurs la possibilité d’exprimer leurs revendications et éviter l’adoption de nouvelles lois régissant leur fonctionnement
Introduction
Depuis trente ans, les systèmes de négociation collective et de dialogue social sont confrontés à plusieurs défis majeurs dus aux évolutions technologiques et organisationnelles, à la mondialisation, au déclin du secteur manufacturier, au développement de formes atypiques de travail et au vieillissement démographique (chapitre 2)1. Par ailleurs, les réformes qui ont conduit à une décentralisation des systèmes de négociation collective, conjuguées à l’érosion continue et quasi-générale des taux de syndicalisation et à une individualisation croissante des relations d’emploi, ont encore affaibli la négociation collective. Depuis 1985, le taux de syndicalisation a globalement diminué de moitié dans les pays de l’OCDE, le taux de couverture des conventions collectives signées à l’échelon national, sectoriel, ou à celui des entreprises ayant pour sa part reculé d’un tiers – voir OCDE (2017[1]) pour une analyse détaillée de ces évolutions.
L’effritement des relations employeurs/employés présente un sérieux défi pour les droits, les prestations et la protection des travailleurs. Il prive aussi les organisations patronales et syndicales d’interlocuteurs précis pour discuter des problèmes propres à un secteur ou à une entreprise. Ce phénomène peut atténuer les conflits du travail ou accroître la marge de manœuvre des entreprises dans certains contextes, mais il risque aussi de donner lieu à d’autres formes de conflit social, comme les boycotts ou les campagnes sur réseaux sociaux, et à d’autres types de réglementations du fait que les employeurs et les travailleurs ont moins de possibilités de régler les problèmes directement sur le terrain.
La négociation collective et le dialogue social sont certes confrontés à des défis de plus en plus nombreux dans un monde du travail en mutation, mais ils offrent un moyen de maîtriser sa complexité et sa diversité croissante. De nombreux exemples montrent que les partenaires sociaux et les systèmes de négociation collective peuvent s’adapter, élaborer de nouvelles stratégies et réorganiser les institutions existantes. Ils peuvent notamment apporter des solutions aux enjeux liés à l’existence de marchés mondiaux, à l’intensification de la concurrence et à la fragmentation de la production, et veiller à ce que tous les travailleurs et toutes les entreprises, PME comprises, tirent profit de l’innovation technologique, des changements organisationnels et de la mondialisation (European Commission, 2018[2]).
Dans ce contexte, il convient de tenir compte de la souplesse que le dialogue social et la négociation collective peuvent offrir pour trouver des solutions aux problèmes d’intérêt commun2 et d’examiner en quoi ils peuvent compléter les politiques publiques en matière de régimes de protection sociale, de dispositifs de formation continue et de réglementation des relations de travail (ILO, 2019[3]). Ce chapitre s’intéresse au rôle de la négociation collective en tant que « principe et droit fondamental au travail »3 et en tant qu’institution essentielle du marché du travail qui permet aux partenaires sociaux de conclure des accords mutuellement avantageux sur l’organisation et les conditions de travail et d’enrichir leurs échanges. Son influence concrète sur le monde du travail à venir dépendra des pratiques, des traditions et des cadres institutionnels nationaux (OCDE, 2019[4]).
Le chapitre prolonge l’analyse du fonctionnement des systèmes de négociation collective présentée dans OCDE (2017[1]) et celle de leur contribution au bon fonctionnement du marché du travail [OCDE (2019[4])], et se penche sur le débat actuel concernant le rôle des relations professionnelles dans un monde du travail en évolution. Il évalue notamment dans quelle mesure les modèles actuels demeurent adaptés aux besoins, et s’interroge sur la façon dont les acteurs traditionnels peuvent faire face aux nouveaux défis4. La section 5.1 explique en quoi la négociation collective peut compléter les politiques publiques en renforçant la sécurité sur le marché du travail et l’adaptabilité. La section 5.2 se penche sur les adaptations qu’il conviendra éventuellement d’apporter aux réglementations en vigueur pour que tous les travailleurs en situation de vulnérabilité soit correctement représentés et aient accès à la négociation collective. La section 5.3 analyse les stratégies définies par les partenaires sociaux pour se faire connaître des personnes exerçant des emplois atypiques et de nouvelles formes de travail et d’activité. La section 5.4 examine d’autres modes d’organisation du travail qui se mettent en place dans certains pays de l’OCDE et leurs liens avec les formes plus traditionnelles.
5.1. La négociation collective dans un monde du travail en mutation
5.1.1. Les conventions collectives peuvent être des outils flexibles permettant de traiter certains problèmes actuels et futurs
C’est dans le cadre de la négociation collective et du dialogue social que les syndicats remplissent la fonction essentielle consistant à formuler et revendiquer des augmentations salariales et, plus généralement, à représenter les intérêts collectifs des travailleurs et à favoriser les échanges sur divers aspects de la vie professionnelle entre les salariés et leurs employeurs (Freeman et Medoff, 1984[5]).
Selon les cadres réglementaires nationaux, et suivant les traditions et pratiques en vigueur, l’accès des syndicats à l’information, leur participation aux décisions sur le lieu de travail, et leur consultation peuvent aussi renforcer la santé et la sécurité professionnelles et améliorer l’organisation du travail –en encourageant par exemple des pratiques professionnelles performantes comme le travail d’équipe, l’autonomie, le choix des tâches à réaliser, le mentorat, la rotation du travail et la mise en pratique des compétences nouvellement acquises (OCDE, 2016[6]). Par le biais des conventions collectives, notamment celles conclues au niveau sectoriel, qui couvrent également les petites et moyennes entreprises, la négociation collective peut aussi contribuer à diffuser les pratiques optimales en matière de gestion du personnel, de formation, de santé et de sécurité, d’utilisation des technologies, de régimes d’assurance ou de retraite.
Lorsqu’elle se déroule dans un esprit constructif, sensible à la nécessité de concilier inclusivité et flexibilité (OCDE, 2019[7]), et dans un cadre qui garantit le respect des droits fondamentaux du travail et l’équilibre du pouvoir de négociation, la négociation collective peut aider les entreprises à faire face aux évolutions démographiques et technologiques. Elle leur permet d’adapter les rémunérations, le temps de travail, l’organisation du travail et les emplois eux-mêmes aux nouveaux besoins, de manière plus souple et pragmatique – mais équitable – que ne le ferait une réforme du droit du travail.
Des accords récemment conclus dans certains pays de l’OCDE montrent que les problématiques nouvelles, liées à l’équilibre entre vie professionnelle et personnelle, à l’aménagement du temps de travail ou à la réglementation de l’utilisation des nouveaux outils technologiques gagnent du terrain dans la négociation collective – voir Commission européenne (2018[2]).
En France, par exemple, le « droit à la déconnexion », à savoir le droit de ne pas lire les messages et de ne pas répondre aux appels professionnels en dehors des heures de travail, a été établi en 2014 dans une convention du secteur du conseil aux entreprises, suivi en 2016 par celui du commerce de gros. Ces conventions instaurent « l’obligation de se déconnecter des outils de communication à distance ». Des clauses similaires ont été signées à l’échelon des entreprises, par exemple par la compagnie d’assurance AXA, l’entreprise énergétique Areva et l’entreprise de télécommunications Orange. Le DRH d’Orange a ultérieurement publié un rapport très influent sur la transformation numérique et la qualité de la vie au travail (Mettling, 2015[8]). Celui-ci a servi de fondement à la loi de 2017 qui reconnaissait le « droit à la déconnexion » parmi les thèmes devant faire obligatoirement l’objet de négociations annuelles avec les syndicats. En l’absence de convention, les employeurs doivent rédiger une charte en concertation avec le comité d’entreprise ou les représentants des employés.
Des accords analogues, établissant le droit d’éteindre les téléphones professionnels ou de ne pas répondre aux appels professionnels en dehors des heures de travail, ont été signés à l’échelon des entreprises. Volkswagen a été la première, en 2012, à interdire les échanges de courriels sur ses serveurs internes entre 18h15 et 7h00. AXA et la Confédération syndicale des Commissions ouvrières (CCOO) espagnole ont également conclu un accord de cette nature en Espagne en 2017.
Il apparaît en outre que les conventions collectives font une place grandissante aux questions plus générales de l’équilibre entre vie personnelle et professionnelle et de l’aménagement du temps de travail, ce qui tient peut-être à l’évolution des préférences des travailleurs et au fait que les entreprises prennent conscience des retombées négatives des tensions au travail sur la productivité (Saint-Martin, Inanc et Prinz, 2018[9]). En 2018, dans la région du Bade-Wurtemberg, en Allemagne, une convention appelée à faire date dans le secteur de la métallurgie a accordé la possibilité aux travailleurs de réduire leur semaine de travail des 35 heures conventionnelles à 28 heures tout en conservant le droit de revenir à un temps plein. En contrepartie, les entreprises ont obtenu la possibilité d’offrir un plus grand nombre de contrats de 40 heures de travail hebdomadaires aux salariés désireux de travailler davantage.
Des conventions similaires ont été négociées dans d’autres secteurs en Allemagne : pour améliorer l’équilibre entre vie professionnelle et personnelle, celles qu’ont négociées Deutsche Bahn, Deutsche Post, et des sociétés de transport locales en Bavière donnent le choix entre une rémunération plus élevée et davantage de temps libre. Au Danemark et aux Pays-Bas, les conventions sectorielles « à la carte » (Ibsen et Keune, 2018[10]) donnent aussi aux salariés une grande latitude à cet égard.
Enfin, les syndicats et les employeurs se lancent dans des « négociations algorithmiques », à savoir qu’ils intègrent aux thèmes de négociation l’utilisation de l’intelligence artificielle, les mégadonnées et le contrôle automatisé du travail (« l’analytique des ressources humaines ») sur le lieu de travail, ainsi que leurs conséquences sur la santé et la sécurité professionnelles, le respect de la vie privée, l’évaluation du rendement au travail et les décisions d’embauche et de licenciement (De Stefano, 2018[11]). Plusieurs conventions collectives ont entrepris de réglementer l’utilisation des technologies pour contrôler les travailleurs, mais aussi pour orienter leur travail (Moore, Upchurch et Whittaker, 2018[12]).
5.1.2. La négociation collective peut compléter les politiques publiques en renforçant la sécurité du marché du travail et l’adaptabilité
Les travaux de l’OCDE sur les licenciés économiques (OCDE, 2019[4]) ont mis en lumière le rôle important que la négociation collective, au niveau sectoriel notamment, peut jouer pour renforcer la sécurité du marché du travail5 et accroître l’adaptabilité des travailleurs à ce dernier. À l’heure où l’évolution de la demande de produits et de services et la mutation technologique modifient rapidement les besoins en compétences, les partenaires sociaux peuvent apporter un soutien actif aux licenciés économiques pour les aider à retrouver un emploi de qualité.
Les Conseils de sécurité de l’emploi (CSE) suédois en sont l’un des exemples les plus notables (OCDE, 2015[13]). Ils proposent des services d’accompagnement et d’orientation aux travailleurs licenciés avant même qu’ils ne perdent leur emploi, et des services de formation et de reconversion en cas de fermeture d’usine et de licenciement massif. Les CSE autorisent les entreprises et les syndicats à négocier des exemptions à la règle du « dernier entré, premier sorti »6 qui régit les licenciements collectifs en contrepartie d’une réaffectation efficace et en temps opportun7 des travailleurs licenciés (Engblom, 2017[14]). Les CSE sont gérés conjointement par les organisations patronales et les syndicats (l’État n’intervient pas). Leur financement (intégralement assuré par les employeurs) est négocié dans le cadre des conventions collectives, parallèlement aux augmentations salariales, que les syndicats modèrent souvent pour préserver le financement des CSE. Les CSE illustrent en outre les avantages de la négociation sectorielle8, qui permet de répartir les risques et les coûts corollaires des licenciements sur l’ensemble d’un secteur. Tous les salariés couverts par une convention collective le sont également par le CSE, même les non syndiqués. Pour bénéficier de ses services, les salariés doivent avoir travaillé au moins 12 mois dans l’entreprise. L’action des CSE complète celle du Service public de l’emploi (SPE). Ils peuvent verser un complément d’allocations chômage et fournir des services d’accompagnement, de formation et de reconversion. Un dispositif analogue est en place en Autriche, où les Fondations de travail pour le reclassement apportent une assistance, des conseils, des services de reconversion et de formation pratique aux travailleurs licenciés. Elles leur assurent également un prolongement des prestations de chômage, surtout à ceux qui en ont le plus besoin.
Outre l’aide apportée aux licenciés économiques, les partenaires sociaux peuvent anticiper les besoins en matière de compétences. Les syndicats et les organisations patronales participent aux exercices d’évaluation et d’anticipation des compétences dans la majorité des pays de l’OCDE (OCDE, 2016[15]). Pour établir leurs services de reconversion, par exemple, les CSE se fondent en partie sur un baromètre des compétences qui est appliqué deux fois par an et qui leur permet d’anticiper les besoins en la matière. Outre les fondations de « reclassement », l’Autriche a mis en place des Fondations du travail pour le reclassement interne, de caractère plus prospectif, qui aident les entreprises et les secteurs à recruter du personnel qualifié en cas de pénurie. Comme elles appartiennent aux partenaires sociaux, les Fondations sont en mesure de recenser rapidement les besoins en matière de compétences. En Allemagne, en vertu d’un accord conclu en 2016, intitulé « Formation et qualifications pour l’industrie 4.0 – pour une gestion réussie du changement », le secteur de la métallurgie, de l’ingénierie et de la technologie s’est engagé à examiner tous ses programmes de formation professionnelle et continue afin d’en vérifier l’adéquation à l’utilisation croissante de l’échange de données et de l’automatisation dans le secteur manufacturier. Plus généralement, dans plusieurs pays de l’OCDE, les partenaires sociaux sont représentés aux conseils sectoriels des compétences, qui établissent des projections sectorielles à long terme pour vérifier que les qualifications existantes pourront satisfaire à la demande future (OCDE, 2019[16]).
Point essentiel, les partenaires sociaux peuvent veiller à ce que les salariés bénéficient d’un nombre suffisant de programmes de formation continue pour s’adapter aux évolutions en cours. Comme analysé au chapitre 6, dans un contexte de mutation technique et professionnelle, il est indispensable de les doter des compétences nécessaires pour instaurer un monde du travail plus inclusif et plus enrichissant. L’accès des salariés à la formation continue peut être négocié et garanti dans les conventions collectives ; ce thème gagne d’ailleurs une importance croissante dans les négociations collectives. Ainsi, en 2016, les syndicats italiens de la métallurgie ont accepté une augmentation salariale inférieure aux prévisions en échange d’une nouvelle clause sectorielle garantissant à tous les salariés un nombre minimum d’heures de formation annuelles, financées par l’employeur, quelle que soit l’entreprise9. Au Danemark, un accord tripartite national portant sur la formation pour adultes et la formation continue a été signé en 2017. Celui-ci prévoyait la mise en œuvre, sur quatre ans, de plusieurs initiatives destinées à accroître et améliorer l’accès à la formation pour adultes et sa qualité. Il a notamment établi un « fonds de reconversion » d’un montant de 53 millions EUR environ pour permettre aux salariés de suivre des formations de leur propre initiative. Il n’en demeure pas moins que beaucoup reste à faire pour améliorer l’intégration de dispositions relatives à la formation dans la négociation collective : globalement, dans les pays de l’OCDE, 15 % seulement des entreprises sont couvertes par une convention comportant des dispositions à cet effet10 (OCDE, 2019[16]). Encourager la négociation collective à ce sujet est un moyen d’assurer un accès généralisé à la formation et à l’apprentissage tout au long de la vie aux salariés de demain.
Les partenaires sociaux peuvent aussi jouer un rôle important dans la gestion et le financement des programmes de formation, et participer à leur conception et à leur évaluation. Le Tableau 5.1 montre qu’ils apportent une contribution notable à la gestion et au financement de ces programmes dans plusieurs pays de l’OCDE. Un cas particulièrement intéressant est celui des fonds O&O (Opleidings- en Ontwikkelingsfonds) aux Pays-Bas, qui sont essentiellement financés par un prélèvement sur les salaires dont le montant est déterminé dans les conventions collectives. Ils proposent aux salariés des formations qui leur permettent de mettre leurs compétences à niveau et de se préparer aux emplois de demain. Ils organisent également des campagnes de sensibilisation à l’importance de la formation, et financent ou mènent des projets sur le terrain. Dans ce cas également, les échanges constants entre les partenaires sociaux permettent aux fonds O&O d’anticiper les besoins en matière de compétences.
Tableau 5.1. Degré de participation des partenaires sociaux aux programmes de formation dans les pays de l’OCDE
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Pays |
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1) Les syndicats et/ou les employeurs financent quelques programmes de formation ponctuels |
Australie Chili République tchèque |
Estonie Finlande |
Lettonie Norvège |
États-Unis Royaume-Uni |
2) Les employeurs versent à un fonds public une taxe obligatoire à la formation |
Canada (QB) Irlande |
Corée Pologne |
Espagne |
|
3) Les partenaires sociaux sont responsables de la gestion des fonds de formation1 |
Autriche Belgique Danemark |
Allemagne France Grèce |
Islande Italie Luxembourg |
Pays-Bas Suède Suisse |
Note : QB = Québec. Le terme « formation » se rapporte ici à la formation professionnelle et à la formation continue. Les catégories 1 à 3 ne s’excluent pas les unes les autres. Les pays sont classés en fonction du niveau de participation moyen le plus élevé des partenaires sociaux sur l’ensemble des secteurs. Autrement dit, des pays classés en catégorie 3 peuvent aussi relever des catégories 1 ou 2 (et ceux de la catégorie 2 peuvent aussi appartenir à la catégorie 1). En France, par exemple, une taxe est imposée aux grandes et moyennes entreprises (pour financer le Compte personnel de formation), mais les partenaires sociaux participent également au financement et à la gestion des fonds de formation– la France figure donc également dans la catégorie 3. Par ailleurs, dans les pays inscrits dans les catégories 1 ou 2, il se peut que les partenaires sociaux gèrent également un fonds de formation dans un secteur précis : c’est le cas en Espagne et aux États-Unis, où ils gèrent des fonds de formation dans le secteur de la construction. Ces cas ne sont cependant pas représentatifs de la situation dans l’ensemble du pays.
1. Dans plusieurs secteurs au moins. Les fonds sont obligatoires ou facultatifs, selon les pays, et peuvent être soit imposés par la loi, soit établis en vertu d’un accord conclu dans le cadre des négociations collectives.
Source : Questionnaires de l’OCDE sur la négociation collective et informations recueillies dans le cadre du projet de l’OCDE « Getting skills right : promoting workforce adaptability ».
Enfin, dans plusieurs pays (Finlande, Luxembourg, République tchèque, Royaume-Uni ou Slovénie par exemple), les partenaires sociaux assurent aussi directement la formation – voir OCDE (2019[16]) et le chapitre 6 pour une étude détaillée du rôle des partenaires sociaux dans la formation pour adultes et de la nécessité de vérifier la qualité des formations proposées.
En cette époque marquée par des changements rapides, et malgré le recul des taux de syndicalisation et de couverture conventionnelle, il se peut que les partenaires sociaux aient un rôle grandissant à jouer pour trouver des solutions adaptées, gérer les transitions, anticiper les besoins en matière de compétences et y pourvoir. Klindt (2017[17]) fait en outre valoir que l’investissement dans les compétences ne permet pas seulement de renforcer l’adaptabilité du marché du travail et d’aider les salariés victimes d’un licenciement économique, mais qu’il favorise également le renouveau syndical. Le partenariat avec les employeurs peut constituer pour les syndicats faibles une stratégie de redynamisation en vue de mobiliser de nouvelles adhésions, mais peut aussi offrir aux syndicats mieux établis un moyen de préserver leur ancrage local.
5.1.3. Mais les défis s’accumulent …
Depuis trente ans, les systèmes de négociation collective sont confrontés à des difficultés croissantes : le pourcentage de salariés syndiqués dans l’OCDE a chuté, passant de 30 % en 1985 à 16 % en 2016, la proportion de salariés conventionnés reculant pour sa part de 45 % à 32 %11. L’émergence de divers modes de travail atypique dans plusieurs pays de l’OCDE (examinés au chapitre 2) présente un nouveau problème pour la négociation collective, car les travailleurs atypiques sont moins susceptibles d’être syndiqués que les salariés traditionnels (Graphique 5.1). À l’exception d’Israël, cela se vérifie même lorsque l’on tient compte des effets de composition (liés au sexe, à l’âge, au niveau d’instruction, au secteur d’activité, à la profession, à la taille de l’entreprise et au type d’emploi - à temps plein ou à temps partiel)12. Globalement, lorsque ces effets sont pris en compte, le ratio du taux de syndicalisation des travailleurs atypiques à celui des salariés traditionnels n’est pas sensiblement supérieur dans les pays où le taux de syndicalisation est plus élevé chez les seconds, et il est remarquablement homogène dans les trois diagrammes13. Il semblerait donc que le taux de syndicalisation plus faible des travailleurs atypiques ne tienne pas à des caractéristiques propres aux pays, mais plutôt à des difficultés d’organisation de ces travailleurs qui sont inhérentes à leur statut.
Les travailleurs atypiques, notamment, se heurtent à des difficultés pratiques et à des obstacles juridiques pour se syndiquer (voir la Section 5.1.4). Il se peut que leurs taux de syndicalisation inférieurs tiennent également au fait que les syndicats ont de tous temps donné priorité aux besoins des salariés traditionnels, et non à ceux des autres. Selon les théories relatives aux « travailleurs intégrés, travailleurs exclus », non seulement les syndicats négligeraient les intérêts des travailleurs exclus (chômeurs, travailleurs peu qualifiés, jeunes, et travailleurs atypiques), mais ils accepteraient parfois le développement du travail temporaire et à temps partiel afin de protéger leurs membres (les travailleurs intégrés, à savoir les salariés à temps plein titulaires d’un contrat à durée indéterminée), accentuant ainsi la dualité des marchés du travail (Saint-Paul, 1996[18] ; Bertola, 1999[19] ; Lindbeck et Snower, 1986[20]).
Les données empiriques étayant ces théories sont toutefois partielles et contrastées : le rapport OCDE (2019[7]) montre que si la part de l’emploi temporaire ne varie pas selon les systèmes de négociation collective, elle est plus importante dans les pays où le taux de couverture conventionnelle est plus élevé. Cette conclusion rejoint celle de Salvatori (2009[21]), dont l’examen de 21 pays européens montre que les entreprises syndiquées sont plus susceptibles de faire appel à l’emploi temporaire. D’autres études aboutissent toutefois à des résultats différents ; Gramm and Schnell (2001[22]) et Autor (2003[23]), par exemple, n’observent aucun élément en ce sens dans leurs travaux sur le travail intérimaire aux États-Unis. Par ailleurs, selon d’autres études fondées sur le contenu des conventions collectives, le fait qu’un syndicat défende les intérêts des travailleurs intérimaires n’est pas forcément lié à la composition de ses effectifs (Benassi et Vlandas, 2016[24]).
La baisse générale du taux de syndicalisation est parfois interprétée comme résultant de l’évolution des comportements et des préférences des travailleurs, en particulier ceux des jeunes générations. Or, comme indiqué à l’Encadré 5.1, on ne peut voir dans la faiblesse des taux de syndicalisation des jeunes travailleurs le signe d’un renoncement à l’action collective, ou d’un rejet des syndicats en soi. De fait, l’Encadré 5.1 montre que, dans la majorité des pays, le soutien à l’action collective et la confiance dans les syndicats sont plus élevés chez les jeunes que chez les travailleurs plus âgés.
Même si les relations du travail, sous leurs formes habituelles, sont assujetties à des pressions croissantes, le besoin d’expression collective et de représentation des intérêts des travailleurs et des employeurs ne va pas disparaître au moment où le marché du travail accueille de jeunes travailleurs dans de nouveaux types d’emplois. À vrai dire, l’alternative à la négociation collective n’est pas la négociation individuelle, mais la réglementation par l’État, ou l’absence totale de négociation, car très rares sont les salariés qui sont en mesure de négocier efficacement leurs conditions de travail avec leur employeur (OCDE, 2017[1]).
Enfin, sur le plan fonctionnel, accorder aux travailleurs atypiques les prestations sociales liées à l’emploi (salaire minimum, assurance-maladie, allocations de chômage, etc.) (voir les chapitres 4 et 7) ou améliorer leurs perspectives de mobilité professionnelle ne revient pas au même que leur garantir l’accès à la négociation collective. Comme précédemment souligné, la négociation collective n’est pas seulement un droit fondamental ; elle est aussi un instrument flexible auquel les travailleurs et les employeurs peuvent faire appel pour résoudre des problèmes liés à l’emploi (dont certains ne peuvent être actuellement anticipés) au niveau national, sectoriel ou à celui de l’entreprise.
Encadré 5.1. Les jeunes dédaignent-ils les syndicats ?
Le taux de syndicalisation est particulièrement faible chez les jeunes salariés ; depuis 2000, il a davantage baissé que celui des travailleurs plus âgés dans près de la moitié des pays figurant au Graphique 5.2. D’aucuns avancent que cette évolution traduit les différences de priorités des jeunes générations (Blanchflower, 2007[25]). Les jeunes seraient plus individualistes (Berry et Mcdaniel, 2018[26]), et moins enclins à participer à l’action collective. Selon d’autres, ils privilégient les organisations de défense de l’environnement et des consommateurs au détriment des syndicats (Inglehart, 1997[27]). Une autre hypothèse parfois évoquée est que les jeunes travailleurs jugent les syndicats peu attrayants et obsolètes. Ce dernier argument a été repris par les syndicats eux-mêmes (Vandaele, forthcoming[28]). Les préférences systématiquement différentes des jeunes travailleurs pourraient-elles expliquer leur faible taux de syndicalisation ?
Les données résultant d’enquêtes longitudinales sur les comportements ne fournissent pas d’éléments étayant clairement cette hypothèse. Comme l’indique le Graphique 5.3 (parties A et B), dans la majorité des pays, les répondants âgés de 20 à 34 ans sont plus attachés aux libertés individuelles et à la solidarité que ceux de la tranche des 35‑54 ans. Dans la plupart des pays, les jeunes répondants sont aussi plus favorables que les plus âgés aux actions collectives, comme la participation à une manifestation ou la levée de fonds destinés à une cause sociale ou politique (parties C et D). Enfin, la proportion des jeunes âgés de 20 à 34 ans membres d’organismes de défense de l’environnement (8.4 %) ou des consommateurs (6.5 %) est équivalente à celle des répondants plus âgés (9.5 % et 7.7 %) (World Value Survey, 2010‑2014, voir l’annexe pour de plus amples informations). En outre, contrairement à l’hypothèse selon laquelle ils privilégieraient ces organismes au détriment des syndicats, Ebbinghaus et al. (2011[29]) constatent que ce type d’engagement est en fait positivement corrélé à l’appartenance syndicale.
De surcroît, contrairement à l’idée répandue selon laquelle les jeunes travailleurs seraient hostiles aux syndicats, leur taux de confiance envers ces derniers est supérieur à celui des travailleurs plus âgés dans 23 pays sur 32 (Graphique 5.4, partie A). Ces résultats correspondent à ceux de plusieurs études de cas nationales : Bryson et al. (2005[30]), par exemple, ont constaté une demande de syndicalisation insatisfaite substantielle chez les jeunes travailleurs au Canada, aux États-Unis et au Royaume-Uni.
Aux États-Unis et au Royaume-Uni, le taux de confiance plus élevé des jeunes dans les syndicats est associé à un sentiment plus fort du caractère indispensable des syndicats pour protéger les droits des travailleurs. En revanche, dans deux tiers des pays figurant au Graphique 5.4 (partie B), les jeunes travailleurs semblent moins convaincus que les plus âgés de la nécessité de syndicats puissants pour défendre leurs intérêts. Cela se traduit par des schémas surprenants dans des pays comme le Danemark, la France, la Lettonie, la Lituanie, la Slovénie, ou la Suède, où les jeunes répondants font preuve d’une plus grande confiance dans les syndicats que les plus âgés, mais sont moins convaincus que les travailleurs ont besoin d’eux pour défendre leurs droits. Les raisons expliquant cette contradiction dépassent le propos de cet encadré. Néanmoins, ces données ne corroborent pas les affirmations catégoriques selon lesquels un moindre intérêt des jeunes pour l’action collective serait à l’origine de l’écart du taux de syndicalisation en fonction de l’âge.
Si les préférences ne sont pas à l’origine de cet écart, qu’est-ce qui pourrait l’expliquer ? Il pourrait bien tenir aux facteurs structurels du marché du travail. En effet, les jeunes travaillent généralement dans des secteurs caractérisés par une faible présence syndicale, ce qui restreint d’emblée leurs possibilités de se syndiquer. Un pourcentage disproportionné de ces jeunes sont par ailleurs embauchés dans le cadre de contrats atypiques, ce qui diminue les avantages de l’adhésion à un syndicat et en augmente les coûts (Ebbinghaus, Göbel et Koos, 2011[29]). Le Graphique d’annexe 5.B.1 à l’Annexe 5.B montre que les effets de composition apportent une réponse partielle à l’énigme du faible taux de syndicalisation des jeunes. Lorsque l’on neutralise plusieurs facteurs, à savoir le sexe, le niveau d’instruction, le type de contrat (à durée déterminée ou indéterminée), le secteur d’activité, l’appartenance au secteur public ou privé, la profession, la taille de l’entreprise et le type d’emploi (à temps plein ou partiel), l’écart entre le taux de syndicalisation des jeunes et des adultes diminue dans tous les pays considérés. Il ne disparaît cependant nulle part. Les effets de composition comblent significativement l’écart aux États-Unis, au Canada, ou en France, mais l’expliquent relativement peu au Royaume-Uni ou en Allemagne – un écart de 30 % environ persistant dans ces trois derniers pays. Alors que l’emploi atypique gagne du terrain depuis vingt ans, les effets de composition n’expliquent pas davantage l’écart observé ces dernières années que dans les années 2000.
Une autre explication couramment évoquée dans les études est que la densité syndicale est inférieure chez les jeunes parce qu’ils n’ont pas encore eu l’occasion d’évaluer les avantages de la syndicalisation. Après examen des données de 24 pays, Givan and Hipp (2012[31]) constatent une corrélation positive entre la syndicalisation et le sentiment que les syndicats sont efficaces. L’adhésion à un syndicat et les avantages en découlant créeraient un cercle vertueux et synergique. Or, du fait de leur expérience limitée sur le marché du travail, les jeunes connaîtraient mal les syndicats et leur finalité (Keune, 2015[32]) – autrement dit, la probabilité qu’ils n’aient pas encore intégré ce cercle vertueux est forte. Selon Bryson et al. (2005[30]), l’écart entre les taux de syndicalisation n’est pas si surprenant si l’on tient compte du fait que l’adhésion syndicale est le produit d’une expérience : on ne peut la juger correctement qu’après l’avoir testée.
Outre les différences en matière d’expérience professionnelle, les auteurs avancent que les jeunes travailleurs sont également confrontés à des obstacles plus importants à la syndicalisation. Des contraintes du côté de l’offre, comme la résistance des employeurs au syndicalisme, l’absence de programmes de recrutement dans les syndicats (Vandaele, 2012[33]), ou le montant relativement élevé des cotisations syndicales sont autant de facteurs susceptibles d’expliquer le faible taux de syndicalisation des jeunes travailleurs.
5.1.4. …et il existe des obstacles juridiques à surmonter
Outre les entraves à l’échelon individuel, des barrières juridiques concrètes font obstacle à l’organisation et à la représentation de certaines formes atypiques d’emploi. SI la Convention 98 de l’OIT sur le droit d’organisation et de négociation collective désigne les travailleurs en général14, dans la pratique, le droit de négociation collective des travailleurs non salariés fait l’objet d’un débat juridique dans la mesure où il pourrait contrevenir à l’application des règlementations antitrust (Aloisi, 2018[34] ; Linder, 1999[35]).
Comme l’illustre le Graphique 5.5, les seules difficultés auxquelles se heurtent les salariés pour exercer leurs droits collectifs sont d’ordre pratique (voir les sections 5.3 et 5.4), alors que les travailleurs se situant dans la « zone grise » entre l’emploi salarié et l’emploi indépendant (voir le chapitre 4 et l’Encadré 5.2) ainsi que les véritables travailleurs indépendants, qui n’en sont pas moins exposés au risque d’un rapport de force déséquilibré avec leur employeur/client, pourraient aussi être exclus de la négociation collective en raison des lois interdisant les cartels, qui les assimilent généralement à des « entreprises » (Daskalova, 2018[36]).
De tous temps, l’objectif premier du droit de la concurrence a été de mettre les consommateurs à l’abri des pratiques anticoncurrentielles des vendeurs. Lorsque cet objectif s’est trouvé en contradiction avec celui du droit du travail qui consiste à protéger les travailleurs, les tribunaux et les législateurs sont intervenus pour préciser les relations juridiques entre les deux. En particulier, les tribunaux ont clairement défini les conditions dans lesquelles la négociation collective pouvait être exemptée de l’interdiction de cartel établie par le droit de la concurrence. Aux États-Unis par exemple, le Clayton Antitrust Act de 1914 établit que « le travail d'un être humain n'est pas une marchandise ou un article de commerce ». En conséquence, « les organisations ouvrières (…) [ne seront pas] considérées comme des combinaisons ou conspirations illégales entravant la liberté du commerce du point de vue des lois antitrust » (§7 Clayton Act, 15 U.S.C. § 18). S’agissant du droit européen de la concurrence, c’est la Cour de justice qui a apporté les précisions nécessaires dans l’affaire dite Albany (C-67/96) – résultant d’un différend entre une entreprise et un fonds de pension réglementé par une convention collective en 1999. À cette occasion, la Cour européenne de justice a également arrêté que les conventions collectives couvrant les salariés sont exclues du champ d’application du droit de la concurrence15.
Or, la multiplication des modes de travail et la progression de l’emploi indépendant, dans le contexte de la prestation de services par l’intermédiaire de plateformes notamment, posent aux tribunaux et aux législateurs de nouveaux problèmes. L’approche courante à l’application de la loi antitrust a souvent été d’assimiler tous les travailleurs indépendants à des entreprises et, par conséquent, tout accord collectif conclu par ces travailleurs - à savoir ceux relevant de la « zone grise » et les travailleurs indépendants se trouvant dans un rapport de force déséquilibré avec leurs employeurs – à un cartel.
En Irlande, par exemple, l’autorité nationale de la concurrence a décidé en 2004 que les travailleurs non salariés ne pouvaient établir les tarifs et les conditions contractuelles collectivement16. Aux Pays-Bas, en 2006 et 2007, des associations représentant les travailleurs indépendants dans le secteur des arts du spectacle et une association représentant les orchestres ont signé un accord prévoyant une rémunération minimum pour les musiciens indépendants remplaçant temporairement des membres d’un orchestre. En réaction, l’autorité néerlandaise de la concurrence a publié un document de réflexion selon lequel l’établissement d’un tarif minimum par un syndicat représentant des travailleurs indépendants constituait un mécanisme de fixation des prix contraire au droit de la concurrence17. Suite à cette prise de position, l’association patronale s’est retirée de l’accord (Daskalova, 2018[36]). L’argument selon lequel la négociation collective pour les travailleurs indépendants était incompatible avec le droit de la concurrence a également été évoqué aux États-Unis par Uber pour contester une ordonnance de 2017 de la municipalité de Seattle qui autorisait les chauffeurs à se syndiquer et à négocier collectivement18.
Encadré 5.2. Qui sont les travailleurs de la « zone grise » ?
Dans la plupart des cas, les critères établis par la loi ou la jurisprudence permettront aux tribunaux de déterminer assez aisément qu’un individu a été classé à tort dans la catégorie des travailleurs indépendants (dans le cadre d’un contrat écrit entre employeurs et travailleurs par exemple) (Graphique 5.5). Pour déterminer si un travailleur est un salarié, les tribunaux examinent généralement les éléments suivants : la dépendance financière ; le degré de contrôle et de subordination ; l’intégration du travailleur à l’entreprise : qui fournit les outils, les matériaux ou les machines ; la régularité des paiements ; le degré de risque financier/entrepreneurial assumé par le travailleur ; le degré de latitude quant à la poursuite de la relation professionnelle, etc.
Dans certains cas, toutefois, une véritable ambiguïté persiste car les critères aboutissent à des résultats contradictoires. Ces cas relèvent de la « zone grise », entre l’emploi indépendant et le salariat. Les travailleurs qui se situent dans cette zone sont généralement classés, officiellement, dans la catégorie des travailleurs indépendants, mais partagent diverses caractéristiques avec les salariés, ce qui les place généralement dans un rapport de force déséquilibré avec leur employeur/client. Il paraît donc justifié de leur conférer certains des droits et protections que le droit du travail accorde généralement aux salariés.
Pour ce faire, les pays ont adopté des stratégies différentes. Certains ont défini une liste de professions très précises auxquelles ils ont étendu certains droits et protections. D’autres ont ciblé la catégorie des travailleurs dont l’essentiel du revenu dépend d’un seul employeur/client (le travailleur « indépendant dépendant »).
Quelques pays ont créé un statut intermédiaire (ou « troisième catégorie de travailleurs »), à la définition plus floue, auquel certains des droits et protections dont bénéficient les salariés ont été accordés. Cette solution permet certes de couvrir un éventail plus large de travailleurs, mais elle risque aussi d’accroître le danger que les actions en justice ne cherchent plus qu’à obtenir le statut de travailleur, et non celui de salarié, et pourrait être utilisée pour diminuer le degré de protection de travailleurs qui auraient autrement été qualifiés de salariés.
Enfin, une dernière approche consiste à assimiler tous les travailleurs se situant dans la zone grise à des salariés pour certains aspects du droit du travail. Concrètement, cela revient à définir une « catégorie résiduelle » recouvrant les cas où les critères d’emploi ne permettent pas d’établir clairement le statut de travailleur indépendant. À ce stade, aucun pays n’a systématiquement suivi cette approche ; elle a toutefois été appliquée deux fois, par la cour suprême de Californie et par la cour suprême suédoise. Cette dernière a conclu que, parce que les conditions régissant la relation étaient ambiguës et qu’il était difficile de rendre un jugement clair, une relation d’emploi serait présumée (voir le chapitre 4 pour une analyse approfondie).
La Cour de justice européenne (CJE), saisie de l’affaire des musiciens néerlandais remplaçants, a arrêté en 2014 que si les véritables travailleurs indépendants devaient continuer à être considérés comme des « entreprises », les « faux-indépendants » ne devaient pas être considérés comme tels pour l’application des règles de la concurrence (Daskalova, 2018[36] ; Aloisi, 2018[34])19. Si la CJE a laissé la porte ouverte aux conventions signées pour le compte des faux indépendants (Ankersmit, 2015[37]), elle a également abandonné aux législateurs et aux juridictions inférieures le soin de distinguer le véritable travail indépendant et l’entrepreneuriat du faux travail indépendant.
Par ailleurs, cet arrêt ne confère toujours pas le droit à la négociation collective aux travailleurs de la zone grise qui partagent certaines des vulnérabilités inhérentes à un statut de salarié mais qui ne sont pas de faux indépendants. Il interdit en outre la négociation collective aux travailleurs véritablement indépendants qui sont néanmoins dans un rapport de force déséquilibré avec leur employeur/client.
À l’heure où les modes de travail continuent de se diversifier, la question de l’accès à la négociation collective des nouvelles formes d’emplois créées par les technologies (à savoir le travail sur plateformes numériques – voir le chapitre 2) et d’autres emplois au statut indéterminé, comme le travail indépendant dépendant – en vertu duquel un travailleur indépendant est tributaire d’un petit nombre de clients, ou d’un seul - représente aujourd’hui un enjeu central pour les relations du travail (ILO, 2019[3]).
5.2. Adapter les réglementations à des formes d’emploi plus diverses
Compte tenu des obstacles juridiques examinés à la section précédente, les législateurs pourraient avoir un rôle à jouer pour adapter les règles existantes à l’évolution du monde du travail et étendre le droit de négociation collective à une plus large proportion de travailleurs, notamment ceux de la « zone grise » et certains indépendants se trouvant dans une relation de travail déséquilibrée.
Le Comité européen des Droits sociaux du Conseil de l’Europe a récemment fait valoir que pour établir des droits à la négociation collective, « il ne suffit pas de s’appuyer sur la distinction entre travailleur et travailleur indépendant. (…) Lorsque les fournisseurs de main-d'œuvre n'ont pas d'influence substantielle sur le contenu des conditions contractuelles, ils doivent avoir la possibilité d'améliorer ce déséquilibre de pouvoir par la négociation collective»20.
L’octroi de droits de négociation collective aux travailleurs de la « zone grise » et aux travailleurs indépendants dans un rapport de force déséquilibré n’est pas seulement souhaitable pour des raisons d’équité, mais aussi pour des raisons d’efficacité. En effet, comme analysé au chapitre 4 (voir notamment l’annexe 4.A), un pouvoir disproportionné de l’acheteur que ne compenserait pas un pouvoir de négociation suffisant du côté des travailleurs (indépendants compris) peut se traduire par une situation sous-optimale sur le front de l’emploi et des salaires, et par de mauvaises conditions de travail (Daskalova, 2018[36]). Dans ce contexte, l’extension du droit à la négociation ou la levée de l’interdiction de négocier collectivement au cas par cas pourraient renforcer à la fois l’équité et l’efficacité du marché21.
Dans la pratique, la principale difficulté consiste à définir certains critères d’accès à la négociation collective pour ne pas donner aux travailleurs pour compte propre – autrement dit, les travailleurs indépendants sans personnel – une liberté non réglementée de former des cartels (même de taille restreinte), car cela pourrait avoir des conséquences manifestement négatives sur le bien-être du consommateur. De manière générale, il convient d’éviter les situations souvent observées dans lesquelles, par exemple, des plombiers ou prestataires de services professionnels se répartissent les marchés locaux ou s’accordent sur les prix22.
L’adaptation des réglementations afin de permettre aux travailleurs de la « zone grise » et à certains travailleurs indépendants victimes d’un rapport de force défavorable de négocier collectivement s’inscrit dans le cadre d’une action plus large visant à protéger les travailleurs et à remédier à des situations délicates, comme celle du pouvoir de marché disproportionné des employeurs, évoquées dans d’autres chapitres. Donner à ces travailleurs la possibilité de « sortir » volontairement de cette relation, autrement dit de trouver un autre emploi (en agissant sur leurs compétences, mais aussi sur les restrictions à la mobilité contenues dans les contrats de travail) s’ils ne parviennent pas à se faire entendre concourrait aussi à renforcer leur pouvoir de négociation (voir également le chapitre 4)23.
Les sections qui suivent examinent quelques-unes des mesures envisagées dans les pays de l’OCDE pour accorder le droit de négociation collective aux travailleurs atypiques officiellement qualifiés de travailleurs indépendants mais qui présentent certaines des caractéristiques des salariés et se trouvent dans un rapport de force déséquilibré avec leur employeur.
5.2.1. Assurer la qualification correcte du statut d’emploi
Comme indiqué au chapitre 4, il est absolument nécessaire de veiller à ce que le statut d’emploi des travailleurs soit correctement qualifié pour assurer l’application des réglementations en vigueur et offrir un accès à la négociation collective à ceux qui en seraient autrement injustement exclus. C’est la stratégie à laquelle les syndicats ont souvent recouru pour intégrer tous les modes d’emploi atypiques aux conventions collectives existantes (section 5.3), car elle marque la première étape vers le droit de négociation collective et offre un accès direct à la sécurité sociale et à la protection de l’emploi. Cela dit, même si le statut d’emploi de tous les travailleurs était correctement qualifié, la question des droits à la négociation collective continuerait de se poser pour ceux qui se situent dans la zone grise et dont le statut n’est pas aisément définissable, et pour ceux qui sont véritablement indépendants mais se trouvent dans un rapport de force déséquilibré avec certains clients et ont peu de possibilités d’offrir leurs services à d’autres.
5.2.2. Adapter le droit du travail pour accorder un accès à la négociation collective aux travailleurs de la zone grise
Certains pays de l’OCDE ont accordé à certains travailleurs de la zone grise le droit à la négociation collective en élargissant la définition du terme « employé » du point de vue de la législation relative aux relations de travail. Cette approche est celle que privilégie le Canada depuis le milieu des années 60 ; dans ce pays, la législation du travail fédérale et celle de nombreuses provinces considèrent dans leur définition du terme « employé » que la négociation collective s’applique explicitement aux « entrepreneurs dépendants »24, ce qui permet de les intégrer à la même unité de négociation25 que les employés permanents à temps complet et, généralement, de les faire bénéficier des mêmes conventions collectives (même s’il est rare que les entrepreneurs dépendants relèvent d’une convention collective distincte de celle des employés permanents, la loi le permet)26.
Dans d’autres pays de l’OCDE, certaines catégories de travailleurs de la « zone grise », comme les entrepreneurs dépendants en Corée, les parasubordinati en Italie, les Arbeitnehmerähnliche Personen en Allemagne, les workers au Royaume-Uni, les TRADE en Espagne ou encore, depuis janvier 2019, toute « personne travaillant pour de l’argent »27 en Pologne, sont intégrées à la négociation collective (ou bien, dans le cas de l’Espagne, ces travailleurs peuvent signer des « accords d’intérêt professionnel » (acuerdos de interés profesional) même s’ils ne sont pas officiellement des employés).
5.2.3. Exempter certaines formes de travail indépendant ou certains secteurs ou professions de l’interdiction de négocier collectivement
Une mesure complémentaire envisagée par certaines autorités consiste à lever l’interdiction de négocier collectivement dont font l’objet certains travailleurs qui sont véritablement indépendants, mais se trouvent dans une relation de pouvoir asymétrique par rapport à leur client/employeur. C’est le cas des travailleurs indépendants qui font face à des employeurs/clients bénéficiant d’une puissance d’achat ou d’un pouvoir de monopsone disproportionné alors que leurs autres possibilités de travail sont limitées (chapitre 4 et ci‑après). On citera pour exemples les musiciens, acteurs, artistes de scène ou journalistes indépendants – pour lesquels la possibilité de lever l’interdiction de négociation collective a été envisagée dans plusieurs pays, et accordée dans certains.
L’adoption d’une approche pragmatique à l’égard des groupes de travailleurs indépendants les plus exposés à des rapports de force déséquilibrés ou l’établissement d’exemptions juridiques officielles de l’interdiction de négociation collective permettraient de concrétiser ces objectifs.
Dans de nombreux cas, les autorités de réglementation et d’application ont procédé au cas par cas pour éviter une analyse strictement procédurale des affaires concernant des travailleurs qui n’ont pas ou peu de pouvoir de négociation ou d’alternative réelle. Par ailleurs, dans plusieurs pays (Espagne, France, Italie, etc.), des syndicats indépendants de travailleurs des plateformes numériques négocient de fait les conditions de travail de leurs adhérents, même si ceux-ci sont qualifiés de travailleurs indépendants, sans aucune intervention des autorités antitrust nationales. Le risque associé à cette démarche est qu’elle engendre une incertitude puisque les conditions négociées pourraient être annulées sans réforme législative.
Une autre stratégie suivie par un petit nombre de pays de l’OCDE a consisté à établir des exemptions à l’interdiction de cartel pour certaines formes de travail indépendant, certains secteurs ou certaines professions (Daskalova, 2018[36]). En 2017, le parlement irlandais a amendé la Competition Act de manière à ajouter les acteurs de doublage, les musiciens de studio et les journalistes indépendants aux catégories de professions bénéficiant du droit de négocier. Il a en outre accordé l’accès à la négociation collective aux « travailleurs indépendants entièrement dépendants »28 et pas seulement aux « faux travailleurs indépendants » (conformément à l’arrêté de la CJE de 2014 – voir plus haut). En vertu de la loi irlandaise, les syndicats doivent déposer une demande d’exemption, prouver que les travailleurs qu’ils souhaitent représenter s’inscrivent dans l’une de ces deux catégories, et démontrer que leur demande « aura une incidence économique nulle ou minime sur le marché dans lequel » ils opèrent, et « n’entraînera pas de coûts significatifs pour l’État ou ne se traduira pas par de tels coûts ».
L’amendement de 2017 à la loi irlandaise a suscité de nombreuses critiques et fait actuellement l’objet de discussions à l’OIT. Les employeurs irlandais et l’Organisation internationale des employeurs se sont inquiétés du manque de clarté des critères utilisés pour distinguer les travailleurs indépendants « entièrement dépendants » des « faux » indépendants. Ils ont également contesté l’absence de consultation des employeurs pour définir ces critères – actuellement, la loi établit que les autorités arrêtent leur décision en consultation avec un syndicat seulement29. En revanche, les parties favorables à une extension des droits de négociation collective aux travailleurs indépendants victimes d’un rapport de force déséquilibré jugent les critères établissant la dépendance trop rigoureux (un travailleur sur plateforme numérique peut travailler pour plus de deux plateformes et être tout de même économiquement dépendant). La condition relative à l’« incidence économique nulle ou minime sur le marché » est aussi jugée représenter un problème pratique potentiellement insurmontable pour les travailleurs (De Stefano et Aloisi, 2018[38]).
L’Australian Competition and Consumer Act autorise également les entreprises à négocier collectivement avec les fournisseurs ou les clients si l’Australian Competition and Consumer Commission estime que la négociation collective apporterait des avantages à l’ensemble de la collectivité. La Commission procède actuellement à une consultation publique concernant la création d’une exemption de catégorie afin d’autoriser les petites entreprises (entrepreneurs indépendants compris) à négocier collectivement. Une telle exemption constituerait en fait un « régime de protection », de sorte que les entreprises qui satisfont aux critères d’admissibilité pourraient participer à des négociations collectives sans contrevenir au droit de la concurrence et sans avoir à obtenir l’approbation de la Commission.
D’autres pays de l’OCDE accordent des exemptions juridiques à certaines catégories de travailleurs indépendants. En 1996, le Department of Justice et la Federal Trade Commission des États-Unis ont décidé d’un commun accord que les réseaux de médecins qui « s’accordent sur les prix ou les conditions liées aux prix et commercialisent conjointement leurs services » ne violent pas la réglementation dans la mesure où « ils représentent 20 % ou moins des médecins dans chaque spécialité médicale du marché géographique concerné » - 30 % s’ils font partie d’un réseau non exclusif30 – voir DOJ/FTC (1996[39]).
Concrètement, les exemptions ciblées par secteur ou profession ne sont pas toujours faciles à définir et appliquer ; la liste risque de devoir être souvent actualisée, et l’annulation potentielle des exemptions est une source d’incertitude juridique pour les travailleurs comme pour les entreprises31.
De surcroît, comme précédemment indiqué, les petits cartels peuvent créer des situations sous-optimales pour les consommateurs. C’est pourquoi toute exemption visant à accorder des droits de négociation collective aux travailleurs indépendants se trouvant dans un rapport de force déséquilibré doit être décidée sur la base d’une analyse coûts-avantages approfondie. Un moyen de cibler les travailleurs qui ont véritablement besoin de ces droits consisterait à accorder en priorité des exemptions aux catégories de travailleurs indépendants qui ont sans doute peu d’autres débouchés.
Dans l’ensemble, la solution consistant à accorder quelques exemptions à l’interdiction de négocier collectivement à des travailleurs indépendants exerçant dans certains secteurs ou professions vaut la peine d’être étudiée et analysée de manière plus approfondie32.
5.3. Comment les partenaires sociaux peuvent-ils renforcer la négociation collective et le dialogue social dans les formes nouvelles et atypiques d’emploi ?
Outre les obstacles juridiques, les syndicats se heurtent dans la plupart des pays à diverses difficultés d’ordre pratique pour organiser et négocier des conventions collectives pour le compte de travailleurs atypiques. Ces difficultés sont en partie liées à certaines des caractéristiques inhérentes au travail atypique, comme le renouvellement fréquent des effectifs et un faible attachement à un lieu de travail unique, et à leurs retombées défavorables, comme la réticence à s’organiser par crainte de représailles ultérieures, ou une connaissance limitée des droits de négociation. Le Comité de la liberté syndicale (CLS) et la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations (CEACR) de l’OIT ont tous deux examiné différents cas et situations dans lesquels l’exercice du droit à la liberté syndicale et du droit à la négociation collective des travailleurs atypiques a été restreint (ILO, 2016[40]).
Il se peut en outre que certains syndicats aient par le passé privilégié les salariés traditionnels33. Or, il existe aujourd’hui des syndicats qui, dans plusieurs pays de l’OCDE, s’efforcent d’étendre leurs services à de nouveaux membres potentiels, notamment les travailleurs atypiques et jeunes, en adaptant leurs stratégies et en modifiant leur structure– voir Benassi and Dorigatti (2014[41]) ou Durazzi, Fleckenstein and Lee (2018[42]).
Plus généralement, les systèmes de dialogue social et de négociation collective ont démontré à diverses reprises leur aptitude à s’adapter de manière à couvrir des relations d’emploi différentes et nouvelles. Le développement de la négociation collective dans le secteur du travail intérimaire, par exemple, illustre la façon dont les partenaires sociaux ont résolu des problèmes délicats, comme la réglementation des relations de travail triangulaires – voir l’Encadré 5.4 et WEC and Uni Global (2018[43]). Des mesures en faveur de la négociation collective et du dialogue social prises dans le secteur culturel et créatif témoignent de la façon dont les relations de travail peuvent se développer dans les secteurs comptant une forte proportion de travailleurs atypiques (Encadré 5.3). Ces deux exemples peuvent offrir une source d’inspiration en vue d’améliorer le dialogue social et la négociation collective pour les travailleurs exerçant de nouvelles formes d’emploi, comme le travail sur plateforme numérique, ou les travailleurs de la « zone grise » en général.
5.3.1. Les syndicats diversifient leurs stratégies pour s’ouvrir à de nouveaux membres
Les syndicats ont mis en œuvre plusieurs stratégies pour élargir leurs services aux formes d’emploi atypiques, notamment les plus précaires. Dans la plupart des pays de l’OCDE, la méthode le plus souvent retenue à cet égard a consisté à contester le statut des travailleurs (c’est-à-dire à les requalifier, comme nous l’avons vu plus haut). Depuis des décennies, les syndicats s’efforcent d’obtenir le rattachement juridique des travailleurs atypiques à un contrat-type - voir Linder (1999[35]) pour des exemples de requalification aux États-Unis : ensacheurs, travailleurs du secteur du divertissement pour adultes, testeurs de médicaments, chauffeurs de taxi locataires, cueilleurs de fruits et chauffeurs de camions.
Dernièrement, la question de la qualification du statut des travailleurs a pris une importance nouvelle avec l’arrivée des plateformes numériques. Au Royaume-Uni, par exemple, le syndicat GMB, qui représente les chauffeurs privés, a porté le cas des chauffeurs Uber devant un tribunal du travail qui a requalifié les chauffeurs indépendants d’Uber en salariés couverts par la législation relative au salaire minimum et les dispositions juridiques en matière de congés rémunérés et de pauses régulières34. Des décisions similaires ont récemment été prises par des tribunaux en Italie35, en France36 et aux Pays-Bas37. D’ailleurs, avant même que les tribunaux se soient prononcés, le risque de requalification avait amené les plateformes numériques en France et en Italie à accepter d’engager des discussions ou des négociations avec des syndicats reconnus ou des représentants des travailleurs (Section 5.4.2).
Une autre stratégie a consisté à militer à l’échelon national ou local en faveur d’interventions publiques visant à limiter le recours aux formes de travail atypiques ou à rehausser la qualité de ces emplois. En Corée, par exemple, les syndicats et les organisations de la société civile ont créé en 2000 « l’Alliance en faveur des travailleurs atypiques » qui a réussi, en 2006, à obtenir du gouvernement qu’il limite l’utilisation des contrats à durée déterminée et interdise toute discrimination fondée sur le statut d’emploi38 (Fleckenstein et Lee, 2018[44]).
Dans certains cas, les syndicats ont également modifié les pratiques de négociation collective afin d’obtenir de meilleurs résultats pour les travailleurs atypiques. La Confédération coréenne des syndicats a ainsi lancé en 2013 son projet « salaire de solidarité » qui militait en faveur d’une augmentation forfaitaire des rémunérations plutôt que d’augmentations en pourcentage dans l’objectif explicite de « combler l’écart salarial entre salariés traditionnels et travailleurs atypiques » (Durazzi, Fleckenstein et Lee, 2018[42]).
Enfin, les syndicats testent d’autres moyens de renforcer le représentation des travailleurs, soit en exerçant des pressions sur les employeurs – comme aux États-Unis, au travers de « campagnes d’entreprise » visant à se faire reconnaître ou à conclure un accord (McCartin, 2014[45]) ‑, soit en définissant de nouveaux modes d’organisation et de diffusion de l’information pour les travailleurs atypiques. À titre d’exemple, le syndicat allemand de la métallurgie IG Metall, la Confédération autrichienne des syndicats, en association avec la Chambre du travail autrichienne, et le syndicat suédois Unionen, ont lancé l’une des premières initiatives syndicales internationales consacrée au travail sur plateforme numérique avec le site web faircrowd.work ; celui-ci fournit des informations et des conseils aux travailleurs concernés, notamment des appréciations des conditions de travail sur les différentes plateformes établies à partir d’enquêtes auprès des travailleurs (voir la section 5.4.3 pour un examen du recours aux nouvelles technologies pour renforcer les droits des travailleurs).
Encadré 5.3. La négociation collective dans le secteur créatif
Dans le secteur créatif, où le travail indépendant occupe une place importante, les questions liées à l’organisation collective et au droit de négociation ne datent pas d’hier. Dans les années 20 et 30, c’est le statut des scénaristes des studios de production de Hollywood qui a fait l’objet de débats. Les studios ont dans un premier temps privilégié le recrutement des scénaristes en qualité d’employés, ceux-ci n’étant pas autorisés à réclamer des droits de propriété intellectuelle en vertu du Copyright Act de 1909 (Fisk, 2018[46]). Mais lorsque, en 1935, le National Labour Relations Act a accordé aux employés le droit d’organisation, les studios ont tenté de contester le droit de syndicalisation des scénaristes devant les tribunaux. Cette action a amené le National Labour Relations Board à confirmer, en 1937, que les scénaristes indépendants, à l’instar des contractuels, avaient le droit à la négociation collective (Fisk, 2018, p. 186[46]). Au fil du temps, et moyennant de fréquents passages devant les tribunaux, d’autres métiers artistiques ont suivi l’exemple des scénaristes et constitué leurs « guildes » ; le phénomène s’est étendu, au-delà de l’industrie cinématographique, à la radio, à la télévision et au théâtre. Le système actuel est caractérisé par un taux de syndicalisation élevé et une culture de la négociation collective similaire à celle de certains pays européens corporatistes. Chaque guilde participe à des négociations multipatronales qui se déroulent sous une forme similaire à celle de négociations pilotes – c’est généralement la Writers’ Guild qui établit la norme pour les autres (Kleingartner, 2001[47]). Aujourd’hui, les studios voient dans les syndicats des partenaires de négociation efficaces (Frommer, 2003[48]).
Dans d’autres cas, l’accès à la négociation collective des travailleurs créatifs a été lié à l’instauration de statuts spéciaux. En Autriche, une loi de 1920 a accordé aux journalistes indépendants le droit de négocier collectivement leur rémunération (Fulton, 2018[49]). En France, des amendements apportés au droit du travail dans les années 70 ont conféré aux journalistes et aux artistes-interprètes le statut de salariés aux fins de négociation collective. En Allemagne, la loi sur la négociation collective de 1949 a été amendée en 1974 afin de couvrir les personnes « assimilables à des salariés » ; pour les écrivains et journalistes, les critères définissant l’accès à ce statut sont souples. Au Danemark, depuis 2002, les syndicats sont autorisés à négocier pour le compte des journalistes, des scénographes et des graphistes qualifiés de « salarié indépendants ».
Par ailleurs, en 1980, l’Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO) a adopté la Recommandation relative à la condition de l'artiste qui reconnaît le droit des artistes à s’organiser sous forme de syndicats ou d’organisations professionnelles en mesure de représenter et de défendre les intérêts de leurs membres (UNESCO, 1980[50]). Suite à cette recommandation, le Canada a voté en 1995 la loi sur le statut de l’artiste, qui autorise les artistes indépendants à être reconnus et accrédités par le Conseil canadien des relations industrielles (CCRI) sous forme d’associations bénéficiant du droit exclusif de négocier des conventions collectives avec les producteurs.
Lorsque les créatifs indépendants n’ont pas accès à la négociation collective, les syndicats et les associations professionnelles publient souvent des recommandations de taux minimaux de rémunération conseillés (ILO, 2014[51]): Ainsi, l’association professionnelle néerlandaise des graphistes (BNO) a élaboré des directives concernant la rémunération minimum, et sa consœur italienne (l’AIAP) a établi un guide des tarifs. Les directives couvrent également d’autres thèmes, comme l’organisation du travail et les horaires de travail. Des sociétés de recouvrement ont été créées pour gérer le paiement des redevances dues aux écrivains, photographes, musiciens ou acteurs au titre de la législation sur les droits d’auteur (Gherardini, 2017[52]). Les syndicats ont établi des listes pour mettre les travailleurs indépendants en garde contre les mauvais payeurs, comme la liste « ask first » créée par le syndicat britannique des médias et du divertissement BECTU pour l’industrie cinématographique (Charhon et Murphy, 2016[53]).
Enfin, des coopératives se sont créées pour apporter des solutions à certains des problèmes auxquels se heurtent les artistes indépendants intermittents. Généralement, ces structures embauchent officiellement des artistes, qui obtiennent de ce fait accès aux régimes de sécurité sociale – assurance chômage comprise. Les coopératives mutualisent les ressources pour garantir une rémunération régulière aux artistes indépendants, ce qui permet à ces derniers de faire face aux retards de paiement auxquels ils sont souvent confrontés. Les artistes demeurent complètement indépendants dans l’organisation et la gestion de leurs projets. Ils versent un droit équivalent à un pourcentage de leur revenu et ont accès à tout un éventail de services. Certaines de ces coopératives ont été instituées par des syndicats (au Danemark, l’association des techniciens professionnels, Teknisk Landsforbund, a établi en 1992 le Bureau danois des travailleurs indépendants de la technologie et du design), d’autres sont le fruit d’initiatives privées – comme Smart, créée en 1998 à Bruxelles – voir la Section 5.4 (Gherardini, 2017[52]).
5.3.2. Les syndicats adaptent leur organisation et leur structure
Dans plusieurs pays de l’OCDE, les syndicats acceptent désormais l’affiliation des travailleurs atypiques, indépendants compris, et ont entrepris de défendre les droits des travailleurs des plateformes numériques. En Suède, Unionen, un syndicat de travailleurs non manuels, est ouvert aux travailleurs indépendants depuis 1998. En Allemagne, le plus grand syndicat, IG Metall, a amendé ses statuts en 2015 afin d’autoriser leur affiliation.
Dans d’autres pays, des syndicats ont créé des sections spécifiquement destinées aux travailleurs indépendants. Selon une enquête de la Confédération européenne des syndicats (Fulton, 2018[49]), l’Unión General de Trabajadores (UGT) en Espagne, la Confederazione Italiana Sindacati Lavoratori (CISL) en Italie et la Federatie Nederlandse Vakbeweging (FNV) aux Pays-Bas – ou le travail indépendant a enregistré une très nette progression (Baker et al., 2018[54]) – en sont les exemples les plus notables.
Par ailleurs, certains syndicats ont créé des sections ou des guildes réservées aux modes atypiques de travail en général. Depuis 1998, le plus grand syndicat italien, la Confederazione Generale Italiana del Lavoro (CGIL), comprend une section réservée aux travailleurs atypiques, la Nuove Identità di Lavoro (NiDIL). Aux États-Unis, la National Taxi Workers Alliance est le premier membre de l’AFL-CIO (la fédération des syndicats étatsuniens) qui représente des entrepreneurs indépendants. En Slovénie, Sindikat prekarcev, qui fait partie de la principale confédération syndicale (ZSSS – Association slovène des syndicats libres), s’efforce depuis 2016 de représenter les « travailleurs non classiques ».
Enfin, quelques syndicats indépendants ont été créés, notamment dans les secteurs des VTC ou de la livraison de repas. L’exemple le plus notable est celui de l’Independent Worker Union of Great Britain (IWGB), qui n’est pas affilié à la Trade Union Confederation mais a remporté plusieurs victoires de premier plan devant les tribunaux et dans le cadre de négociations avec les plateformes numériques. En Italie, les livreurs de repas à domicile ont créé leurs propres associations, qui ne sont pas affiliées à un syndicat établi, mais sont reconnues en tant qu’interlocutrices des plateformes de livraison de repas. En France, les chauffeurs de VTC ont établi un syndicat indépendant. Des évolutions analogues ont été observées en Belgique, en Allemagne, aux Pays-Bas et en Espagne (Vandaele, 2018[55]).
5.3.3. Les organisations patronales s’adaptent lentement
Les employeurs, les entreprises et les organisations patronales sont les autres acteurs clés de la négociation collective. Le rapport OCDE (2017[1]) a montré que le taux d’affiliation aux organisations patronales (tout au moins dans les pays pour lesquels on dispose de séries chronologiques) est remarquablement stable, ce qui marque un net contraste avec la chute observée des taux de syndicalisation.
Néanmoins, selon l’Organisation internationale des employeurs (IOE, 2017, p. 46[56]), « le rôle des organisations d’employeurs et d’entreprises sera aussi altéré [par les mégatendances présentées au chapitre 2] lorsque la notion de travail dépendant sera débattue », et doit évoluer, passant d’une fonction de soutien à l’offre de conseils, de représentation et de solutions concrètes.
Le rapport ILO ACT EMP et IOE (2019[57]) souligne également la nécessité pour les organisations patronales d’améliorer leur représentativité, d’établir des contacts avec les acteurs économiques nouveaux ou sous-représentés, et en particulier de permettre aux petites et moyennes entreprises de participer au débat. C’est ainsi que certaines organisations patronales s’efforcent actuellement de recruter de nouveaux membres. La Fédération ibéro-américaine de jeunes entrepreneurs (FIJE), par exemple, qui regroupe 150 000 jeunes entrepreneurs dans 20 pays, mène des activités de coordination, de formation et de représentation visant à encourager l’affiliation des jeunes aux organisations patronales.
Les organisations patronales sont par ailleurs confrontées à l’essor de nouveaux secteurs et industries fondés sur de nouveaux modèles économiques. Le développement de nouvelles entreprises en dehors de leur structure coordonnée et organisée constitue un défi pour ces organisations, qui ont tout intérêt à assurer des règles du jeu uniformes à leurs membres face à de nouveaux concurrents susceptibles de contourner la réglementation du travail. L’émergence de ces nouveaux secteurs pose en outre un problème aux organisations traditionnelles, car les entreprises peuvent choisir de s’associer dans le cadre d’accords plus informels, motivés par des projets ou des problèmes temporaires, pour représenter leurs intérêts, en particulier sur les marchés du travail très locaux. Pour attirer les entreprises sous-représentées, les organisations patronales mettent au point de nouveaux services et des solutions adaptées à celles dont le modèle économique n’entre pas (encore) dans un cadre réglementaire clairement défini (IOE, 2017[56] ; ILO ACT EMP et IOE, 2019[57]).
Il ne sera cependant pas toujours facile aux organisations patronales classiques de concilier les besoins de leurs membres historiques et ceux des nouvelles entreprises de plateformes numériques (Johnston et Land-Kazlauskas, 2018[58]). Les plateformes, par exemple, se considèrent souvent comme des intermédiaires, et non comme des employeurs (chapitre 4)39. Dans ces conditions, il sera plus difficile de définir un interlocuteur pour les négociations.
Cela dit, le cas des agences de travail intérimaire (voir l’analyse à l’Encadré 5.4) montre que cet obstacle n’est pas insurmontable s’il existe une volonté de négocier ou un risque d’intervention publique en l’absence d’accord. En Italie, par exemple, un groupe de grandes entreprises de livraison de repas à domicile a annoncé en juillet 2018 la création d’une nouvelle association patronale chargée de les représenter et de négocier avec l’État et les associations de livreurs. En République slovaque, Uber a adhéré à l’Union nationale des employeurs et à l’association professionnelle des entreprises des technologies de l’information (ITAS).
Outre les difficultés que présente l’organisation des nouvelles entreprises, les associations patronales traditionnelles sont menacées par l’affaiblissement de la représentation des travailleurs. Aux Pays-Bas, l’une d’elles, AWVN, a publié en 2018 un rapport dans lequel elle s’inquiétait de la viabilité du modèle de négociation néerlandais en l’absence d’une forte participation des travailleurs (AWVN, 2018[59]). AWVN a proposé deux solutions pour renforcer la représentation directe des salariés. La première est de laisser ces derniers élire leurs représentants au processus de négociation à l’échelon de l’entreprise ou du secteur (actuellement, les syndicats assurent la représentation des travailleurs sans avoir été officiellement élus). Le syndicat percevrait pour chaque voix un droit de faible montant (10 EUR par exemple) à titre de compensation des coûts de négociation. La deuxième consiste à offrir aux nouveaux embauchés une adhésion provisoire d’un an à un syndicat, gratuitement ou en contrepartie d’une cotisation très réduite. À titre incitatif, les employeurs communiqueraient des informations détaillées aux futurs employés et les syndicats leur proposeraient une réduction sur les frais d’adhésion. AWVN a proposé de mettre les deux solutions à l’essai dans plusieurs entreprises pour déterminer laquelle obtient les meilleurs résultats.
Encadré 5.4. Négociation collective et travail intérimaire
L’intégration des travailleurs atypiques, et notamment des travailleurs de plateformes numériques, dans les négociations collectives exige un certain degré d’organisation des travailleurs, mais aussi l’identification précise de l’employeur. Dans le cas de relations triangulaires comme celles intervenant entre une entreprise, une plateforme et un client, il est parfois difficile de définir qui est le véritable employeur et, par conséquent, l’interlocuteur dans le cadre des négociations. À la différence des plateformes, qui sont un phénomène récent et, pour l’heure, de portée limitée, les relations de travail triangulaires ne sont pas nouvelles. Les travailleurs intérimaires sont recrutés par une agence et mis temporairement à la disposition d’une entreprise utilisatrice (OCDE, 2013[60]). Une différence essentielle entre les agences de travail intérimaire et les plateformes tient toutefois à ce que les intérimaires ont un contrat de travail, alors que la plupart des travailleurs de plateformes sont classés (à tort ou à raison) dans la catégorie des travailleurs indépendants (WEC et Uni Global, 2018[43]).
Dans les premières phases de leur développement, les agences de travail intérimaire ont été jugées aussi déstabilisantes que les plateformes numériques aujourd’hui, et ont fait l’objet d’une vive opposition, voire d’interdictions, dans plusieurs pays. Les autorités sont intervenues afin de réglementer le secteur, et les conventions collectives sont aujourd’hui un mode de réglementation important dans de nombreux pays de l’OCDE (Eurofound, 2008[61]), malgré les taux de syndicalisation très faibles. Des conventions collectives couvrant les travailleurs intérimaires sont désormais négociées dans plusieurs pays de l’OCDE (Tableau 5.2). Dans certains pays, le travail intérimaire est simplement intégré à la convention sectorielle (ou d’entreprise) de référence applicable à l’entreprise utilisatrice (en Finlande ou en Espagne par exemple). Dans d’autres, des accords spécifiques sont conclus directement avec les agences d’intérim (en Australie ou en Italie par exemple), à l’échelon sectoriel ou à celui des agences.
En Europe, la Directive européenne relative au travail intérimaire, qui réglemente les agences spécialisées, a instauré le principe de l’égalité de traitement des intérimaires avec les travailleurs de l’entreprise utilisatrice afin d’établir des conditions de travail équitables. Comme la directive envisageait la possibilité que les conventions collectives dérogent au principe global de l’égalité de traitement sous réserve que certaines conditions d’ordre qualitatif soient respectées, comme le droit à un niveau de protection égale, les agences d’intérim se sont senties encouragées par la loi à participer à des négociations collectives (IDEA Consult, 2015[62]). En conséquence, dans de nombreux pays européens, on fait désormais appel aux conventions collectives pour établir conjointement la réglementation du secteur. En Allemagne notamment, le droit du travail autorise des dérogations au principe d’égalité de rémunération lorsque les travailleurs intérimaires ont un contrat à durée indéterminée avec l’agence et perçoivent l’intégralité de leur rémunération entre deux missions d’intérim. Néanmoins, jusqu’en 2008, la réglementation du travail intérimaire relevait de la responsabilité des comités d’entreprise, et non des syndicats ou des conventions collectives. Le syndicat allemand de la métallurgie, IG Metall, a donc lancé une campagne de recrutement de travailleurs intérimaires et fixé en parallèle un plancher de négociation commun pour toutes les entreprises. Cette campagne a débouché en 2010 sur un accord sectoriel sur l’égalité de rémunération des intérimaires dans le secteur de la métallurgie, suivi en 2012 d’une convention collective pour l’industrie métallurgique et électronique (Benassi, 2016[63]). Les conventions collectives couvrant le travail intérimaire servent également à établir des fonds réservés à la formation, aux retraites et aux congés de maladie (en Belgique, en France, en Italie et aux Pays-Bas), souvent plus généreux que ceux offerts aux employés titulaires d’un contrat à durée déterminée. Enfin, les conventions collectives dans le secteur de l’intérim ont permis de mettre en place des organismes chargés de protéger la santé et la sécurité au travail des travailleurs intérimaires comme le Stichting Arbo Flexbranche (STAF) néerlandais.
Tableau 5.2. Conventions collectives des personnels intérimaires
|
Pays |
|||||
---|---|---|---|---|---|---|
Aucune ou très rare |
Canada |
République tchèque |
Japon |
Lettonie |
Mexique |
États-Unis |
Couverts par un accord si celui-ci est applicable à l’entreprise utilisatrice |
Colombie Estonie Finlande |
Grèce Hongrie Islande |
Irlande Corée Lituanie |
Nouvelle-Zélande Pologne Portugal |
Espagne Slovénie République slovaque |
Royaume-Uni |
Couvert par un accord avec l’agence d’intérim |
Australie Autriche1 Belgique |
Chili Danemark France |
Allemagne Israël Italie |
Luxembourg Pays-Bas |
Norvège Suède |
Suisse Turquie |
1. En Autriche, la convention relative aux travailleurs intérimaires s’applique uniquement si les dispositions de l’accord couvrant l’entreprise utilisatrice sont moins favorables pour les travailleurs.
Source : Questionnaires de l’OCDE sur la négociation collective.
5.3.4. Quelques accords innovants ont été signés en Europe
Les négociations menées par les syndicats avec les plateformes numériques pour le compte des travailleurs atypiques ont dans certains cas porté leurs fruits, et abouti à la signature d’un petit nombre de conventions collectives en Europe. En Suède, par exemple, la jeune entreprise de transport Bzzt a conclu un accord avec le syndicat suédois des travailleurs des transports (Johnston et Land-Kazlauskas, 2018[58]). Au Danemark, Hilfr.dk, une plateforme de services de ménage, a signé en avril 2018 une convention collective avec le syndicat 3F. Celle-ci prévoit pour les travailleurs de la plateforme des congés de maladie, des indemnités de congés payés et une contribution à leur retraite.
En Autriche, le syndicat des transports et des services vida a annoncé en avril 2017 la création d’un comité d’entreprise (Betriebsrat) pour les coursiers de Foodora ; celui-ci pourra négocier une convention collective portant sur les conditions de travail. En avril 2018, un accord établissant un comité d’entreprise européen chez Delivery Hero, un service en ligne de livraison de repas à domicile coté en Bourse et établi à Berlin (propriétaire de Foodora), a été signé, qui prévoit la désignation de représentants des employés au conseil de surveillance de l’entreprise.
5.4. Les pressions croissantes et les nouveaux défis ont suscité des initiatives inédites
L’érosion des taux de syndicalisation et de couverture conventionnelle, de même que la représentation insuffisante de certaines catégories de travailleurs et d’entreprises, ont amené de nouveaux acteurs, comme les plateformes numériques et les organisations du travail non traditionnelles, à mener d’autres formes d’action dans le but de défendre les intérêts des travailleurs. À certains égards, on peut voir dans ces nouveaux types de mouvements syndicaux des équivalents fonctionnels des syndicats « classiques » dans la mesure où ils réduisent les asymétries d’information, mobilisent collectivement les travailleurs, et peuvent renforcer leur pouvoir de négociation et appuyer des actions en justice et des recours collectifs (Silberman et Irani, 2016[64]). Un examen plus attentif révèle toutefois qu’ils servent des objectifs distincts, non liés à la négociation collective, et qu’ils ont des structures d’organisation différentes.
5.4.1. Un nouveau mutualisme
On trouve des exemples notables d’organisations nouvelles chargées de représenter les intérêts collectifs des travailleurs aux États-Unis avec le développement des Worker Centers40 (qui représentent les travailleurs à faible revenu, essentiellement immigrés) ou de la Freelancers Union (qui représente les entrepreneurs indépendants très qualifiés)41. Des évolutions similaires ont été observées au Canada, avec le Syndicat des pigistes, qui représente les travailleurs indépendants des secteurs des médias et des communications, ou le Workers’ Action Centre, qui défend les travailleurs exerçant des formes d'emploi atypiques dans l’Ontario, ainsi qu’en Europe, où des coopératives de travailleurs se sont créées. Ces initiatives évoquent à certains égards les organisations mutualistes qui, au XIXe siècle, ont constitué la première forme d’organisation du travail et ont assuré aux travailleurs une protection de base et des services d’entraide42.
Ces organisations sont juridiquement distinctes des syndicats traditionnels, mais présentent parfois des liens formels ou informels avec eux (Manheim, 2017[65]). Aux États-Unis, la culture des Worker Centers se distingue de celle des syndicats classiques, et leurs activités sont assujetties à moins de restrictions légales ; c’est pourquoi certains y voient des « laboratoires d’organisation » où des stratégies innovantes peuvent être élaborées et mises à l’essai (Fine, 2006[66]). Si les organisations du mouvement syndical traditionnel ont dans un premier temps exprimé des avis partagés à leur égard, elles s’y sont montrées de plus en plus favorables, et en ont invité certains à adhérer à l’AFL-CIO, la fédération américaine des syndicats (Gaus, 2011[67]).
Une stratégie utilisée par les Worker Centers pour organiser les travailleurs a consisté à établir et/ou mettre en application des normes juridiques régissant le travail43. Ils ont également mené des actions directes contre les employeurs, souvent sous la forme de grèves44. Ils se sont en outre appuyés sur les consommateurs, qu’ils ont mobilisés sur l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement, pour modifier le comportement des employeurs45. La prestation de services, depuis des cours de langue pour les immigrés récemment arrivés jusqu’aux prestations transférables à faible coût offertes aux entrepreneurs indépendants par la Freelancers Union, est un autre moyen pour les Worker Centers et les organisations non syndicales similaires de répondre aux besoins des travailleurs.
Ces organisations ont aussi mobilisé des moyens politiques pour faire adopter divers textes de loi, ce qui a conduit de nombreuses entreprises à relever les salaires et les normes (Fine, 2005[68]). Elles ont toutefois des difficultés à se développer et à assurer la pérennité de leurs financements (Strom, 2016[69]).
Une autre catégorie d’intervenants est également apparue dans plusieurs pays : les coopératives qui organisent les travailleurs indépendants et leur proposent un éventail de services. L’une des plus reconnues est SMart, fondée en Belgique en 1998 sous forme d’association des travailleurs indépendants des secteurs créatif et culturel, et ultérieurement transformée en une coopérative sans but lucratif (Graceffa, 2016[70]). SMart est aujourd’hui implantée dans neuf pays européens, et a élargi son activité à d’autres secteurs que le travail créatif. Contre versement d’un droit, elle offre aux travailleurs indépendants une large gamme de services : aide à la facturation et à la déclaration des revenus ; rémunération salariale (donnant droit à la protection sociale) ; recouvrement de dette ; avance sur salaire (par l’intermédiaire d’un fonds mutuel de garantie) ; et accès à des formations et à des espaces de travail partagés.
SMart est fondée sur un processus participatif : tous les membres sont invités à participer à l’assemblée générale, et tous les profits sont réinvestis. SMart, et d’autres coopératives de travailleurs de même nature, ne mènent généralement pas de négociations46 pour le compte de leurs membres. À l’occasion, elles expriment publiquement les inquiétudes des travailleurs indépendants et plaident leur cause, mais ce n’est pas là leur objectif premier. Le modèle proposé par SMart ne fait pas l’unanimité et a suscité les critiques de certains syndicats dans la mesure où il « légitime les zones grises » au lieu de les combattre (Xhauflair, Huybrechts et Pichault, 2017[71]).
En dehors de leur caractère non lucratif, ces coopératives ressemblent aux entreprises de services à but lucratif qui traitent les factures et mutualisent les risques des travailleurs indépendants, leur offrant des indemnités de maladie, de maternité et de congé et des conseils juridiques. Ces entreprises existent dans plusieurs pays, notamment en Belgique, en France (« portage salarial »), aux Pays-Bas (« entreprise de traitement de la paie »), en Norvège (« Egenanstillingsförrettning »), en Suède (« Egenanställningsföretag »), au Royaume-Uni et aux États-Unis (Arvas, 2011[72]), et couvrent un large éventail de professionnels indépendants dans de nombreux secteurs.
5.4.2. Les plateformes numériques prennent aussi des mesures
Outre les initiatives lancées par les travailleurs, certaines plateformes ont commencé à prendre des mesures pour améliorer l’accès restreint de leurs travailleurs à la représentation et au dialogue social. Comme indiqué précédemment, le risque de requalification et d’intervention gouvernementale en ont amené quelques-unes à engager des négociations avec des représentants syndicaux dans plusieurs pays47. En Italie, suite à une menace de requalification des travailleurs par décret gouvernemental à l’été 2018, les plateformes de livraison de repas à domicile ont consenti à entamer des négociations sur les conditions de travail avec les associations de livreurs. Bien que ces négociations n’aient toujours pas débouché sur des résultats concrets, l’exemple susmentionné de la plateforme danoise Hilfr.dk montre qu’elles aboutissent parfois à des accords.
Outre les négociations formelles, les plateformes ont pris des dispositions pour donner aux travailleurs la possibilité d’exprimer leurs inquiétudes. Uber, par exemple, a accepté la création de la New York City Independent Drivers’ Guild (IDG)48. L’IDG ne peut négocier pour le compte des chauffeurs, mais elle peut faire remonter leurs préoccupations dans le cadre de réunions mensuelles avec la direction de l’entreprise.
Les échanges entre les autorités et les plateformes numériques en vue de remédier à certains des problèmes liés au travail exécuté dans ce cadre ont aussi abouti à la mise en place d’un dialogue social, sinon de négociations formelles. En France, une disposition juridique encourageant les plateformes à publier des « chartes de responsabilité sociale » en ligne et en annexe aux contrats de travail est actuellement examinée. Ces chartes énonceraient la politique des plateformes à différents égards, notamment la prévention des risques professionnels, le développement professionnel, les mesures visant à garantir un « revenu décent » aux travailleurs, ainsi que des règles encadrant la communication des modifications aux conditions de travail. Dans le même ordre d’idée, mais sur l’initiative d’une plateforme de crowdworking, un code de conduite a été établi en Allemagne et signé en 2017 par huit plateformes numériques implantées dans le pays.
Les mesures prises par les plateformes numériques ont donc généralement été élaborées en dehors des institutions traditionnelles de négociation collective, et non dans leur cadre. Ainsi, alors que les plateformes demeurent peu représentées au sein des organisations patronales classiques, des associations spécialisées se sont mises en place dans certains pays, comme la Deutscher Crowdsourcing Verband en Allemagne. Plutôt que de négocier avec les travailleurs, certaines plateformes se sont efforcées de proposer des solutions aux problèmes nouveaux (concernant l’assurance professionnelle par exemple) tout en parant au risque de requalification des contrats de travail. Leur action en ce sens a revêtu des formes diverses, depuis l’établissement de partenariats avec des associations professionnelles (comme celui d’Uber avec l’Association of Independent Professionals and the Self-Employed au Royaume-Uni) offrant aux travailleurs des accords préférentiels sur divers biens et services, jusqu’à la fourniture d’une assurance professionnelle gratuite ou à tarif réduit.
Cette approche, qui consiste à offrir des prestations d’assurance pour éviter la requalification, est préconisée par Uber, qui propose la création de « régimes de protection » législatifs pour « garantir que l’offre de prestations sociales ou de formation ne pourrait servir d’argument à l’appui des demandes de requalification des contrats de travail » (Uber, 2018[73]). Autrement dit, les mesures prises par les plateformes consistent généralement à offrir directement des prestations pour éviter la requalification des contrats. Cette approche soulève toutefois la question de la coordination entre les différentes plateformes et de la portabilité de la protection sociale des travailleurs, car ces mesures sont prises par chaque plateforme séparément (voir l’analyse au chapitre 4). Leur caractère unilatéral pose aussi question puisqu’elles ne résultent pas de discussions entre les différents intervenants (travailleurs compris).
5.4.3. Les nouvelles technologies peuvent aussi donner aux travailleurs les moyens de mieux se faire entendre
La technologie numérique utilisée par les plateformes peut également être mobilisée pour organiser les travailleurs et améliorer la qualité des emplois. Un bon exemple en est donné par Turkopticon, un site entièrement bénévole qui a été lancé dans le cadre d’un travail universitaire par deux informaticiens devenus organisateurs syndicaux (Silberman et Irani, 2016[64]). Depuis dix ans, Turkopticon donne aux travailleurs d’Amazon Mechanical Turk, une plateforme en ligne de microtravail, la possibilité de noter les « demandeurs » (les particuliers ou entreprises qui proposent les tâches à effectuer). Il leur permet ainsi de distinguer les « mauvais » demandeurs, qui tardent à payer ou ne paient jamais, des bons49. D’autres sites facilitent l’organisation des travailleurs, comme Coworker.org, qui les aide à créer des réseaux d’entreprises pour recueillir des données et regrouper leurs revendications sous forme de campagne structurée.
Les applications de messagerie instantanée, les réseaux sociaux, les forums électroniques et les sondages en ligne revêtent une grande importance pour les travailleurs qui ne partagent pas avec d’autres un lieu de travail physique et ne peuvent discuter directement de questions d’ordre professionnel avec leurs collègues. Ces technologies leur permettent d’échanger des informations sur les clients et les travaux à accomplir, de mettre les autres en garde contre les escroqueries, de discuter des pratiques optimales, de fixer des normes tarifaires informelles, et de coordonner leur action. Elles leur apportent en outre un soutien de la communauté. Ces communautés virtuelles de microtravailleurs indépendants établissent parfois des liens avec des syndicats institutionnalisés, mais elles existent aussi dans des environnements dont ceux-ci sont absents – voir par exemple Wood, Lehdonvirta and Graham (2018[74]) sur les communautés virtuelles de microtravailleurs et de travailleurs indépendants en ligne au Nigéria, en Afrique du Sud, au Kenya, aux Philippines, en Malaisie et au Vietnam.
Les innovations technologiques offrent aussi de nouveaux moyens de protéger la partie relativement plus faible d’une relation contractuelle/de travail. La plateforme Bitwage, par exemple, fait appel à la technologie des chaînes de blocs50 pour accélérer et sécuriser le paiement d’entrepreneurs établis à l’étranger.
Enfin, les algorithmes, données massives et outils d’intelligence artificielle courants auxquels les grandes entreprises font appel pour gérer leurs ressources humaines pourraient également être utilisés par les syndicats pour exploiter les informations concernant leurs membres et guider leur action. Dans de nombreux pays de l’OCDE, les syndicalistes se fondent également sur les informations figurant au registre des entreprises pour évaluer les résultats des sociétés avant de décider de réclamer des augmentations salariales ou de négocier une nouvelle convention collective. De nouvelles données et de nouveaux outils statistiques leur permettraient de faire un usage plus rapide et efficace de ces informations sur la situation de l’entreprise51.
En d’autres termes, certaines innovations technologiques offrent une occasion d’encourager le dialogue social et de l’élargir aux travailleurs atypiques. Les autorités pourraient aider les partenaires sociaux à la saisir en établissant des plateformes communes d’informations qui permettraient l’échange de pratiques et d’expériences entre les différents intervenants.
5.4.4. L’action des intervenants non traditionnels peut compléter celle des partenaires sociaux, mais pas s’y substituer
Si les nouvelles organisations syndicales peuvent contribuer à améliorer les conditions de travail d’un plus grand nombre de travailleurs atypiques, elles ne peuvent remplacer complètement les syndicats. En effet, leurs prérogatives s’en distinguent sur plusieurs plans : i) la capacité juridique à négocier collectivement pour le compte de leurs membres et à signer une convention ; ii) la capacité à garantir l’application de ladite convention ; et iii) la possibilité de bénéficier de droits d’information et de consultation (dans certains pays) qui réduisent les asymétries d’information par rapport aux employeurs et jouent un rôle essentiel dans la définition et le renforcement de la position de négociation des syndicats. Les organisations non traditionnelles peuvent participer à des actions (boycotts, pétitions, etc.) qui permettent aux travailleurs de mieux se faire entendre, mais celles-ci n’aboutissent pas forcément à un accord.
Qui plus est, dans certains cas, les acteurs non traditionnels ne souhaitent même pas jouer ce rôle. Ces organisations sont souvent des associations professionnelles, créées pour fournir des services, regrouper des individus autour d’une identité commune et les aider à se constituer des réseaux, mais qui n’ont pas nécessairement vocation à négocier ou signer des conventions collectives formelles.
En revanche, elles peuvent remédier à certains des décalages ressentis entre l’identité professionnelle des travailleurs indépendants et les syndicats traditionnels (King, 2014[75]). Saundry, Stuart and Antcliff (2012[76]) ont montré que les réseaux de travailleurs indépendants dans le secteur audiovisuel britannique savaient, mieux que les syndicats, créer un sentiment d’identité et de communauté chez ces travailleurs, mais n’avaient ni les moyens d’obtenir des résultats dans le cadre des relations industrielles, ni le cadre juridique leur permettant de signer des conventions collectives et d’en garantir la validité et le caractère contraignant. En « associant des réseaux à des réservoirs de compétences et d’influence » (Saundry, Stuart et Antcliff, 2012, p. 282[76]), les syndicats étaient en mesure de mobiliser toutes ces ressources pour obtenir des avancées en faveur de ces travailleurs. Plus généralement, les nouvelles formes d’organisations peuvent réunir des travailleurs atypiques avec lesquels, pour des raisons pratiques et historiques, les syndicats traditionnels ont plus de difficultés à entrer en contact. En ce sens, leur action peut compléter, plutôt que remplacer, celle des acteurs habituels. Une collaboration entre les intervenants traditionnels et nouveaux s’impose pour traiter pleinement les problèmes posés par l’évolution du monde du travail, et doit être encouragée.
5.5. Conclusions
Si la pratique de la négociation collective reflète les normes culturelles et sociales, et les différences institutionnelles, et varie de ce fait considérablement d’un pays de l’OCDE à l’autre, le chapitre fait valoir qu’elle peut contribuer à traiter un certain nombre de défis posés par les évolutions technologiques et démographiques, et l’intensification de la concurrence mondiale.
Lorsque les partenaires sociaux travaillent de facon coopérative et anticipent les nouveaux défis, la négociation collective peut appuyer et compléter utilement les politiques publiques. C’est notamment le cas en ce qui concerne la réglementation des nouvelles formes de travail, l’anticipation et la satisfaction des besoins en compétences, et l’élaboration de mesures pour accompagner la transition des travailleurs vers de nouveaux emplois. La négociation collective, tant au niveau sectoriel qu’au niveau des entreprises, peut également aider ces dernières à évoluer, moyennant des accords adaptés et une réorganisation du travail permettant de répondre à leurs besoins particuliers. Enfin, la négociation collective et le dialogue social peuvent aider les travailleurs à participer à l’élaboration des stratégies nationales, sectorielles, ou propres à leur entreprise, et assurer une juste répartition des avantages dérivant des nouvelles technologies et de la mondialisation des marchés.
L’influence de la négociation collective sur l’avenir du travail dépend essentiellement de la volonté des travailleurs et des entreprises à coopérer et à négocier des accords contraignants qui répondent aux besoins de tous et de leur capacité à le faire. Or, depuis les années 80, les taux de couverture conventionnelle et de syndicalisation ont fortement diminué dans la plupart des pays. Le développement de différentes formes de travail atypique dans plusieurs pays de l’OCDE analysé au chapitre 2 est un nouvel enjeu pour la négociation collective, car les travailleurs atypiques sont moins susceptibles d’être syndiqués que les salariés traditionnels.
Les syndicats s’efforcent d’intégrer les travailleurs qui exercent des formes atypiques d’emploi et élaborent de nouvelles stratégies pour négocier avec les employeurs. En parallèle, de nouveaux modes d’organisation collective surgissent, mais ils servent généralement d’autres objectifs et reposent sur des structures différentes. Les organisations patronales aussi sont confrontées au développement de nouveaux types d’entreprises et à l’affaiblissement de leurs interlocuteurs traditionnels. Les exemples probants des conventions collectives signées dans le secteur du travail intérimaire et dans celui des industries culturelles et créatives, même dans des pays où le taux de syndicalisation est généralement faible, montrent que la négociation collective peut s’adapter à des formes de relations du travail différentes et nouvelles.
Une évolution de la législation pourrait aussi s’imposer pour tenir compte du développement de ces diverses formes d’emplois et d’entreprises, très différentes de celles en vigueur il y a un demi-siècle, lorsque bon nombre des systèmes de négociation collective de l’OCDE ont été établis. Il convient donc de résoudre le problème de la qualification du statut d’emploi des travailleurs pour que les contrats de travail correspondent à la nature réelle de la relation de travail. Par ailleurs, les autorités de réglementation et de contrôle doivent réfléchir à la façon de donner aux travailleurs qui se situent dans la zone grise située entre travail dépendant et indépendant et à ceux qui se trouvent dans une relation très déséquilibrée avec leur client/employeur les moyens de négocier et de s’organiser collectivement.
Ce chapitre a présenté diverses mesures et politiques mises en place par les employeurs, les syndicats et les nouvelles organisations de travailleurs pour s’adapter aux enjeux que soulève l’avenir du travail. Même si, dans la plupart des cas, elles n’ont pas fait l’objet d’évaluations rigoureuses, ces mesures peuvent être une source d’inspiration utile dans d’autres contextes.
Encadré 5.5. Orientations stratégiques
Chaque pays a un contexte et des traditions qui lui sont propres ; pour autant, un système de relations du travail performant peut contribuer à bâtir un avenir du travail plus productif et plus inclusif. En fonction du contexte national, les décideurs devraient prendre en considération les possibilités suivantes :
Encourager les discussions nationales sur l’avenir du travail avec les partenaires sociaux et les autres organisations représentant les travailleurs et les employeurs, afin de poser un diagnostic commun des enjeux, de partager les pratiques, et d’échanger par le bias de plateformes de connaissances communes sur les nouvelles initiatives, y compris celles faisant usage des innovations technologiques.
Laisser de la place pour la négociation collective et encourager l’autorégulation des acteurs sur ces questions par un usage limité mais stratégique de l’intervention législative (comme l’illustre l’exemple du secteur des agences de travail temporaire dans plusieurs pays).
Assurer un large accès à la formation et à l’apprentissage tout au long de la vie en faisant la promotion de la négociation collective sur ces questions.
Accompagner les syndicats et les organisations patronales dans leurs efforts déployés pour inclure les formes d’emploi et d’activité atypiques, sans freiner l’émergence d’autres modalités d’organisation.
Les mesures visant à faire appliquer la qualification correcte du statut d’emploi des travailleurs doivent marquer la première étape dans l’accès de tous à la négociation collective. Néanmoins, la réglementation existante pourrait être encore adaptée pour permettre aux travailleurs situés dans la zone grise et aux travailleurs indépendants qui n’ont qu’un pouvoir limité sur leurs dispositions contractuelles d’accéder à la négociation collective. Dans cette optique, il pourrait être envisagé :
d’élargir la définition du salariat dans le droit du travail, s’agissant de la réglementation des relations du travail, afin d’inclure certaines catégories de travailleurs situés dans la zone grise ;
et de prévoir des exemptions à l’interdiction de négocier collectivement pour certaines catégories de travailleurs ou certaines professions, lorsque les rapports de force sont susceptibles d’être trop déséquilibrés.
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Annexe 5.A. Taux de syndicalisation et formes d’emploi : sources et autres documents
Les travailleurs traditionnels et atypiques du Graphique 5.1 correspondent, dans toute la mesure du possible, aux catégories figurant dans le Graphique 5.5, à l’exception notable des emplois à temps partiel : en général, l’emploi régulier se rapporte aux salariés (à temps plein et à temps partiel) titulaires d’un contrat à durée indéterminée (CDI) ; l’emploi atypique comprend, dans toute la mesure du possible, le travail occasionnel ou intermittent, les emplois fournis par une agence de travail intérimaire ou par un contractant principal (dont les employés travaillent pour un tiers dans le cadre d’un contrat de sous-traitance), les entreprises indépendantes, les stagiaires ou les apprentis, les travailleurs indépendants dépendants et, dans quelques pays émergents, les emplois informels.
Néanmoins, compte tenu de l’hétérogénéité des sources de données utilisées (voir le Tableau d’annexe 5.A.1), de l’ampleur des questions liées aux formes contractuelles d’emploi, de la nature du travail, et de l’adhésion syndicale (généralement limitée aux travailleurs qualifiés de salariés), les formes atypiques d’emploi ne couvrent pas nécessairement toutes ces catégories.
Dans quatre pays (Canada, Corée, Estonie et Hongrie), les données disponibles ne permettent pas de dépasser la simple distinction entre emploi temporaire et emploi permanent tels que définis dans la Base de données de l'OCDE sur l'emploi (pour de plus amples détails, voir les définitions précises des sources, de la couverture et des définitions figurant au tableau 3 des Statistiques de la population active dans les pays de l’OCDE)52, et ne couvrent pas les travailleurs indépendants dépendants.
Les travailleurs intérimaires (outre les titulaires de contrats à durée déterminée ou de contrats de projet et, parfois, les stagiaires et apprentis) sont clairement identifiables dans sept pays (Allemagne, Chili, Finlande, France, Irlande, Royaume-Uni et Suède) et permettent une meilleure définition de la catégorie des contrats à durée indéterminée, qui dans ce cas exclut tous les travailleurs intérimaires susceptibles de travailler dans le cadre d’un CDI.
Les États-Unis constituent un cas particulier du fait qu’ils utilisent une autre définition de l’emploi temporaire, fondée sur la troisième définition des travailleurs « d’appoint » (tels que définis par le BLS). Les travailleurs d’appoint comprennent les salariés qui ne s’attendent pas à ce que leur emploi perdure et les travailleurs indépendants constitués en société (sans salariés) s’ils prévoient de conserver le leur un an de plus au maximum. Outre ce critère, d’autres modalités d’emploi (travailleurs intérimaires, CDD, contrats de projets et entrepreneurs indépendants) sont prises en compte en tant que telles, quelle que soit la durée prévue du contrat.
L’emploi informel, qui vient s’ajouter aux catégories énumérées ci-dessus, constitue une catégorie à part dans certains pays émergents. Dans le cas de la Colombie, cette catégorie recouvre tous les travailleurs non titulaires d’un contrat écrit, et, dans celui du Mexique, tous ceux relevant de l’emploi informel (d’après la définition TIL1 fournie par l’INEGI).
Selon l’Enquête sociale européenne (ESS), les travailleurs indépendants dépendants sont ceux qui n’exercent pas un plein contrôle sur l’organisation du travail à effectuer ou sur les décisions concernant les activités de l’organisation.
L’Australian survey Characteristics of Employment (COE) définit les travailleurs indépendants dépendants comme des entrepreneurs indépendants qui ne sont pas en mesure d’avoir plus d’un contrat en cours ni de sous-traiter leur travail, et qui sont placés sous l’autorité d’une autre personne en ce qui concerne la réalisation de leur travail.
Tableau d’annexe 5.A.1. Formes atypiques d’emploi figurant dans le graphique 5.1.
Pays |
Source |
Contrat temporaire |
CDD |
Contrats de projet |
Travailleurs intérimaires |
Travailleurs occasionnels |
Entrepre-neurs indépen-dants |
Travail-leurs informels |
Travailleurs non salariés dépendants |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Australie |
COE2 |
● |
● |
● |
● |
● |
|||
HILDA |
● |
● |
● |
● |
|||||
Pays européens |
ESS |
● |
● |
||||||
Canada |
LFS |
● |
|||||||
Chili |
CASEN |
● |
● |
||||||
Colombie |
GEIH |
● |
● |
● |
|||||
Estonie |
LFS2 |
● |
|||||||
Finlande |
FWLB |
● |
● |
||||||
France3 |
SRCV |
● |
● |
||||||
Allemagne3 |
SOEP |
● |
● |
||||||
Hongrie |
LFS2 |
● |
|||||||
Irlande3 |
QHNS |
● |
● |
||||||
Corée |
EAPS2 |
● |
|||||||
KLIPS |
● |
● |
● |
● |
● |
||||
Mexique |
ENOE |
● |
● |
● |
|||||
Suède3 |
LFS2 |
● |
● |
● |
|||||
Royaume-Uni3 |
LFS |
● |
● |
||||||
États-Unis |
CPS |
● |
● |
● |
● |
● |
CASEN : Encuesta de Caracterización Socioeconómica Nacional ; COE : Characteristics of Employment Survey ; CPS : Current Population Survey, May Supplement ; EAPS : Economically Active Population Survey ; ENOE : Encuesta Nacional de Ocupación y Empleo ; ESS : Enquête sociale européenne ; FWLB : Finnish Working Life Barometer ; GEIH : Gran Encuesta Integrada de Hogares ; HILDA : Household, Income and Labour Dynamics in Australia ; KLIPS : Korean Labor and Income Panel Study ; LFS : Labour Force Survey ; QHNS : Quarterly National Household Survey ; SOEP : panel socioéconomique allemand ; SRCV : Enquête statistique sur les ressources et conditions de vie.
1. Autriche, Belgique, Danemark, Espagne, Grèce, Hongrie, Islande, Israël, Italie, Lituanie, Norvège, Pays-Bas, Pologne, Portugal, République slovaque, République tchèque, Slovénie, Suède et Suisse.
2. Données aimablement fournies par l’institut statistique national.
3. Les données relatives aux stagiaires/apprentis constituent dans ce pays une catégorie d’emploi distincte (qui ne figure pas dans ce tableau).
Note : pour l’Australie, la Corée, la Hongrie, et la Suède, le ratio réel se rapporte aux estimations nationales fournies par les autorités statistiques nationales ; le ratio corrigé est une estimation fondée sur d’autres microdonnées disponibles (HILDA, ESS, KLIPS et ESS, respectivement).
Contrat temporaire : contrat dont l’employeur et le salarié s’accordent sur le fait que la date de fin est déterminée par des règles objectives (généralement écrites dans un contrat de travail de durée limitée). Ces règles peuvent être une date précise, la fin d’une tâche ou le retour d’un autre salarié qui a été remplacé temporairement. Les cas typiques sont : Les employés saisonniers ; Les personnes engagées d’abord par une agence ou lors d’un échange d’emploi et ensuite embauchés par un tiers pour réaliser une tâche spécifique (à moins qu’il y ait un contrat de travail écrit de durée illimitée) ; les personnes avec des contrats de formation spécifiques.
Contrat à durée déterminée (CDD) : relation contractuelle d’une durée déterminée entre un employé et un employeur.
Contrat de projet : contrat à durée déterminée dont la date de fin est déterminée par l’achèvement d’un projet ou d’un travail précis.
Travailleur intérimaire : travailleur titulaire d’un contrat dans le cadre duquel l’employeur (l’agence d’intérim) met, en sa qualité d’entreprise ou de professionnel libéral, le salarié à disposition d’un tiers (l’entreprise utilisatrice) pour qu’il accomplisse un travail (la mission) sous la supervision et l’autorité de l’entreprise utilisatrice en vertu d’un contrat de fourniture de services conclu entre elle et l’agence.
Travailleurs occasionnels : employés qui ont travaillé de manière irrégulière au cours de l’année. Il peut s’agit de travailleurs à la demande, de travailleurs saisonniers, ou de travailleurs intermittents.
Stagiaires/apprentis : contrats comportant une période de formation professionnelle de durée limitée assurée par une organisation.
Travailleurs informels : sont considérés comme des travailleurs informels les employés dont la relation de travail n’est pas assujettie, en droit ou en pratique, à la législation nationale du travail ou à la règlementation en matière d’impôt sur le revenu, et qui ne sont pas couverts par la protection sociale ou ne bénéficient pas de certains avantages liés à l’emploi. Dans le cas de la Colombie, cette catégorie englobe tous les travailleurs non titulaires d’un contrat écrit, ou d’un quelconque contrat, et, dans celui du Mexique, elle correspond à la définition nationale de l’emploi informel (l’indicateur dit TIL1).
Travailleurs non salariés dépendants : travailleurs non salariés dépendants qui travaillent pour une (ou plusieurs) entreprise(s)-cliente(s) et dont l’autonomie est limitée.
Annexe 5.B. Données complémentaires sur les jeunes et les actions collectives
Les valeurs individuelles et le soutien à l’action collective chez les jeunes
Les statistiques figurant dans les parties A et B du Graphique 5.3. sont fondées sur la fréquence des réponses « libertés individuelles » et « solidarité et soutien envers les autres » tirées de la liste des trois valeurs personnelles les plus importantes pour les jeunes âgés de 20 à 34 ans et des adultes âgés de 35 à 54 ans. La question de l’Eurobaromètre est formulée comme suit : « Dans la liste suivante, quelles sont les trois valeurs qui comptent le plus pour vous ? »
Les statistiques contenues aux parties C et D du Graphique 5.3. sont calculées sous forme de pourcentage des jeunes âgés de 20 à 34 ans et des adultes âgés de 35 à 54 ans qui ont déclaré avoir participé par le passé/récemment aux actions suivantes ou ont indiqué qu’ils y participeraient à l’avenir : prendre part à une manifestation, donner de l’argent ou collecter des fonds pour une cause sociale ou politique. La question figurant dans le module II, Citoyenneté, de l’ISSP 2014, est formulée comme suit : « Voici différentes formes d’action politique et sociale que les gens peuvent faire. Pour chacune d’elles, pouvez-vous indiquer si : vous l’avez faite dans l’année qui vient de s’écouler ; vous l’avez faite dans un passé plus lointain ; vous ne l’avez pas faite mais vous auriez pu la faire ; vous ne l’avez pas faite et vous ne l’auriez jamais faite, quelles que soient les circonstances ». Pour les deux formes suivantes d’action politique : « Prendre part à une manifestation (n’importe quel type de manifestation) » et « Donner de l’argent ou collecter des fonds pour une activité sociale ou politique ».
Les chiffres relatifs à la nécessité perçue des syndicats (Graphique 5.4. partie B) se rapportent au pourcentage de personnes qui estiment que « les travailleurs ont besoin de syndicats forts pour défendre leurs intérêts ». Pour les États-Unis, cela correspond au pourcentage de personnes qui estiment que le recul de la représentation syndicale au cours des vingt dernières années a été essentiellement préjudiciable aux travailleurs (« comme vous le savez peut-être, le pourcentage de travailleurs représentés par les syndicats a sensiblement diminué au cours des vingt dernières années. Pensez-vous que cette baisse de la représentation syndicale est essentiellement favorable ou essentiellement préjudiciable aux travailleurs ? »). Les tranches d’âge correspondent aux personnes âgées de 20 à 34 ans pour les jeunes, et de 35 à 54 ans pour les adultes, sauf au Danemark (26‑35 ans et 36‑55 ans respectivement). Les chiffres pour la Belgique concernent uniquement la Flandre.
Confiance dans les syndicats et nécessité perçue des syndicats
Tableau d’annexe 5.B.1. Confiance dans les syndicats: Sources et définitions
Pays |
Source |
Année |
Question |
Réponses possibles |
Statistiques communiquées (% de personnes) |
---|---|---|---|---|---|
Australie |
Australian Election Study |
2016 |
Dans quelle mesure avez-vous confiance dans les syndicats? |
Quatre catégories : 1. Degré de confiance très élevé ; 2. Degré de confiance élevé ; 3 Degré de confiance faible; 4. Aucune confiance |
Degré de confiance très élevé ou élevé |
Allemagne, Autriche, Belgique, Danemark, Espagne, Estonie, Finlande, France, Grèce, Hongrie, Irlande, Italie, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Pays-Bas, Pologne, Portugal, République slovaque, République tchèque, Royaume-Uni, Slovénie, Suède et Turquie |
Eurobaromètre 89.1 |
2018 |
Pourriez-vous me dire si le terme « syndicats » évoque pour vous quelque chose de très positif, de plutôt positif, de plutôt négatif ou de très négatif ? |
Quatre catégories : 1. Très positif ; 2. Plutôt positif ; 3. Plutôt négatif ; 4. Très négatif |
Très positif ou plutôt positif |
Chili, Colombie, Corée, États-Unis, Japon, Mexique et Nouvelle-Zélande |
World value Survey |
2010 (JPN, KOR) ; 2011 (CHL, NZL, USA) ; 2012 (COL, MEX) |
Dans quelle mesure avez-vous confiance dans vos syndicats? |
Quatre catégories : 1. Degré de confiance très élevé ; 2. Degré de confiance élevé ; 3 Degré de confiance faible; 4. Aucune confiance |
Degré de confiance très élevé ou élevé |
Notes
← 1. OCDE (forthcoming[87]) procède à un examen approfondi des facteurs à l’origine de la baisse du taux de syndicalisation .
← 2. La négociation collective et le dialogue social sont deux formes d’action distinctes auxquelles participent les partenaires sociaux. Le dialogue social recouvre tous les modes de négociation, de concertation ou, simplement, d’échange d’informations intervenant à tous les niveaux entre employeurs et travailleurs. Il procède souvent d’une démarche volontaire et peut se dérouler dans un cadre structuré (les « comités d’entreprise » en Allemagne par exemple) ou non structuré (échanges informels sur le lieu de travail ou déclarations d’intention à l’échelon national). La négociation collective est un processus organisé qui est le plus souvent fondé sur un cadre juridique (national) définissant les droits et obligations des parties et qui, à l’issue de la période de négociation, aboutit généralement à des conventions collectives juridiquement contraignantes.
← 3. Tel que défini, parallèlement au « droit d’organisation », par la Convention n° 98 de l’OIT.
← 4. L’analyse présentée dans le chapitre s’appuie sur les réponses aux Questionnaires de l’OCDE sur la négociation collective (OCDE, 2017[1]), actualisés fin 2018 pour tenir compte des dernières évolutions, et sur un ensemble d’entretiens et d’échanges avec des universitaires, des responsables publics, des syndicalistes et des représentants d’organisations patronales. La dernière section fait également fond sur les réponses au Questionnaire sur les mesures prises par les pouvoirs publics face aux nouvelles formes d’emploi (OCDE, 2019[86]).
← 5. Dans certains pays de l’OCDE, par exemple, dit pays « du système de Gand », les partenaires sociaux jouent un rôle central dans la gestion du régime d’assurance chômage.
← 6. La politique du « dernier entré, premier sorti » établit l’ordre des licenciements en fonction de l’ancienneté.
← 7. Les travailleurs menacés de licenciement bénéficient d’une assistance bien avant que celui-ci n’intervienne.
← 8. Voir OCDE (2017[1]) et OCDE (2019[7]) pour une analyse détaillée du fonctionnement de différents systèmes de négociation collective et de leur influence sur le comportement du marché du travail.
← 9. L’accord n’a cependant pas encore porté ses fruits, car les entreprises, mais aussi les syndicats locaux, éprouvent des difficultés à mettre en œuvre ce dispositif.
← 10. La situation varie toutefois considérablement d’un pays à l’autre : en effet, le pourcentage d’entreprises couvertes par de telles dispositions est quasiment nul dans les pays d’Europe centrale et de l’Est, se situe aux environs de 10 % en Finlande ou au Danemark, et atteint 79 % en Franc (OCDE, 2019[16]) e. Il convient en outre de noter que les entreprises peuvent assurer des formations en l’absence de conventions collectives.
← 11. Source : OCDE/ base de données ICTWSS.
← 12. Les schémas présentés dans le graphique ne varient pas lorsque l’on retient uniquement les salariés du secteur privé (Graphique d’annexe 5.A.2).
← 13. La corrélation entre le ratio corrigé du taux de syndicalisation des travailleurs atypiques à celui des salariés réguliers est faible (0.39) et pas très significative ; elle devient non significative (et encore plus faible, 0.24) lorsque l’on exclut la Finlande et l’Islande.
← 14. Selon la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations de l’OIT (CEACR), « ce droit ne doit pas se fonder sur l’existence d’un relation d’emploi, souvent inexistante ». Le récent rapport de la Commission mondiale sur l’avenir du travail de l’OIT établit par ailleurs que « Tous les travailleurs et les employeurs doivent jouir (…) de la reconnaissance du droit à la négociation collective » (ILO, 2019, p. 12[3]).
← 15. Si les économistes ont étudié la façon dont les entreprises établies, à savoir celles qui opèrent déjà sur le marché, peuvent utiliser les extensions de conventions collectives pour augmenter les coûts des entreprises rivales ou relever les obstacles à l’entrée sur le marché – voir par exemple. Haucap et al. (2001[79]), – ces comportements anticoncurrentiels résultent d’une stratégie délibérée des employeurs, et non du pouvoir de négociation des syndicats. En conséquence, ils ne contredisent pas les arguments juridiques qui exemptent les organisations syndicales des réglementations antitrust, la négociation collective étant considérée du point de vue des travailleurs. En fait, Haucap et al. (2001[79]) font valoir que, dans certains cas, un syndicat puissant peut exercer un contre-pouvoir propre à rehausser l’efficience face aux associations patronales.
← 16. Décision n° E/04/002 (Case COM/14/03) Agreements between Irish Actors’ Equity SIPTU and the Institute of Advertising Practitioners in Ireland concerning the terms and conditions under which advertising agencies will hire actors
← 17. Autorité néerlandaise de la concurrence (Nederlandse Mededingingsautoriteit), Cao-tariefbepalingen voor zelfstandigen en de Mededingingswet : visiedocument (Conventions collectives fixant les tarifs des travailleurs indépendants et droit de la concurrence : document de réflexion), 2007.
← 18. États-Unis, Court of Appeals for the Ninth Circuit, No. 17-35640.
← 19. Cette affaire est souvent évoquée sous le nom d’affaire FNV Kunsten (Case C‑413/13). Elle a également été soumise à la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations (CEACR) de l’OIT, qui a réitéré que la Convention n° 98 « établit le principe de la négociation collective libre et volontaire et de l’autonomie des parties à la négociation » (ILO, 2016[40]).
← 20. Plainte collective n° 123/2016 ICTU v. Irlande, décision adoptée le 12 septembre 2018, par. 38.
← 21. Par ailleurs, comme signalé à l’annexe du chapitre 4, un débat actuel dans le domaine du droit de la concurrence porte sur la question de savoir si le bien-être des travailleurs doit être intégré à la définition du « bien-être du consommateur », qui guide l’action des autorités antitrust, et sur celle de savoir si les analyses de ces dernières doivent tenir compte des pertes de bien-être autres que celles qui touchent le consommateur final.
← 22. Par exemple, U.S. v. Joseph P. Cuddigan, et al., U.S. District Court D.R.I., Civil Action N.3843, 15 June 1970.
← 23. Néanmoins, lorsque le réservoir de main d’œuvre est vaste (dans le cas des plateformes de production participative comme Amazon Mechanical Turk par exemple), l’élargissement des débouchés que permet la concurrence risque de ne pas suffire. En effet, l’élasticité de l’offre résiduelle de main d’œuvre est dans ce cas extrêmement faible (seulement 0.1 selon Dube et al (forthcoming[80]). Lorsqu’ils tiennent compte de la réaction à l’offre de tous leurs concurrents et du fait que la réserve de main d’œuvre est mondiale, les travailleurs n’ont guère d’autre choix que d’accepter l’évolution des prix.
← 24. Un entrepreneur dépendant s’entend de a) quiconque, employé ou non aux termes d'un contrat de travail et b) fournissant ou non ses propres outils, ses véhicules, son outillage, sa machinerie, ses matériaux ou quoi que ce soit, c) accomplit un travail pour le compte d'une autre personne ou lui fournit des services en échange d'une rémunération ou d'une rétribution, d) dans des conditions qui le placent dans une situation de dépendance économique à son égard et l'oblige à exercer pour cette personne des fonctions e) qui s'apparentent davantage aux fonctions d'un employé qu'à celles d'un entrepreneur indépendant (Loi sur les relations du travail de l’Ontario, Section 1).
← 25. Les employeurs peuvent contester la composition de l’unité de négociation (à savoir le groupe d’employés que l’agent syndical/négociateur est accrédité à représenter dans les négociations collectives). Les différends de cette nature sont tranchés par le Conseil canadien de relations industrielles (CCRI) durant la procédure d’accréditation et avant le début des négociations collectives. Durant la procédure d’accréditation, l’employeur ou le syndicat peut contester l’intégration ou l’exclusion de toute catégorie d’emploi ou de poste à l’unité de négociation. Le CCRI examine les éléments d’appréciation et détermine le groupe d’employés/l’unité de négociation appropriés aux fins de négociation collective. Le CCRI dispose d’une marge d’appréciation considérable ; il ne se limite pas aux titres et catégories d’emplois, mais examine les fonctions réelles des personnes concernées. Si une convention collective couvre les entrepreneurs dépendants et qu’un différend surgit portant sur l’appartenance d’un individu à la catégorie des entrepreneurs dépendants ou indépendants, le CCRI examine aussi les éléments probants sans se limiter au titre et à la catégorisation de l’emploi, et arrête sa décision. Cette décision peut faire l’objet d’une révision judiciaire, dans un premier temps à la Cour fédérale du Canada.
← 26. On trouve les origines de cette approche dans les arguments avancés par un professeur de droit dans les années 60 (Arthurs, 1965[84]), qui faisait valoir que la négociation collective est un moyen de remédier aux déséquilibres de pouvoir et que, compte tenu des similarités entre les entrepreneurs dépendants et les employés, les premiers devaient être autorisés à se syndiquer. De nombreuses juridictions canadiennes ont adopté cette définition de l’entrepreneur dépendant au cours de la décennie qui a suivi.
← 27. Une personne qui travaille pour de l’argent est soit un employé, soit une personne qui fournit un travail en contrepartie d’une rémunération dans un cadre distinct de celui d’une relation d’emploi dès lors qu’elle n’emploie personne d’autre pour exécuter ce type de travail, indépendamment du fondement juridique de l’emploi, et que les droits et intérêts liés à la réalisation du travail sont susceptibles d’être représentés et défendus par un syndicat.
← 28. La loi irlandaise définit précisément les deux catégories : un « faux travailleur indépendant »” est un individu qui a) exécute pour une personne (l’autre personne) la même activité ou le même service qu’un employé de l’autre personne, b) est dans une relation de subordination, c) est tenu de suivre les instructions de l’autre personne quant aux horaires, au lieu et au contenu de son travail, d) ne partage pas le risque commercial de l’autre personne, e) ne peut décider indépendamment du calendrier, du lieu et du mode d’exécution des tâches qui lui sont assignées, et f) fait partie intégrante de l’entreprise de l’autre personne pendant toute la durée de la relation contractuelle. Un « travailleur indépendant entièrement dépendant » est un individu a) qui assure une prestation de services pour une autre personne (que la personne pour laquelle la prestation de services est assurée soit également un employeur ou pas) en vertu d’un contrat (formel ou implicite et, s’il est formel, oral ou écrit), et b) dont le revenu principal afférent à la prestation de ces services en vertu d’un contrat provient de deux personnes au plus (Competition (Amendment) Act 2017).
← 29. Procédure de plainte collective, Conseil de l’Europe, Irish Congress of Trade Unions v. Ireland Plainte n° 123/2016 ; soumission de l’OIE, https ://rm.coe.int/123casedoc4-en-observations-by-the-ioe/16808b127f
← 30. Les médecins ou hôpitaux qui font partie d’un réseau non exclusif de prestataires sont autorisés à proposer des services médicaux en dehors du réseau.
← 31. En 2010 en Nouvelle-Zélande, par exemple, suite à un conflit dans le secteur de la cinématographie, le gouvernement a voté un amendement à l’Employment Relations Act qui empêche concrètement tous les travailleurs du secteur (considérés comme des entrepreneurs indépendants) à participer à des négociations collectives. Le gouvernement actuel a déclaré son intention de rétablir ce droit.
← 32. Une méthode plus radicale pour assurer à tous les travailleurs indépendants se trouvant dans une relation de pouvoir asymétrique le droit de négocier leurs propres conditions de travail – sans précédent dans les pays de l’OCDE et contraire à la plupart des réglementations en vigueur – est débattue dans des travaux universitaires (Creighton et McCrystal, 2016[82] ; De Stefano et Aloisi, 2018[38]) et au sein des syndicats (Fulton, 2018[49]). Elle consiste à renverser le postulat actuel selon laquelle les travailleurs indépendants offrent du travail, mais aussi des services par l’intermédiaire d’une entreprise indépendante dont ils sont propriétaires et qu’ils gèrent, ce qui justifie leur exclusion de la négociation collective, et à transférer la charge de la preuve aux parties qui proposent l’interdiction, notamment les autorités chargées de faire appliquer la réglementation. Le principal argument avancé à l’appui de cette approche est que « le droit de négocier collectivement s’applique à tous les travailleurs, à l’unique exception possible de ceux qui en sont explicitement exclus par le texte des Conventions n° 87 et 98 de l’OIT » (les forces armées et la police notamment) et que les « travailleurs indépendants ne figurent pas parmi ceux qui en sont exclus ; en conséquence, les Conventions sont réputées leur être pleinement applicables » (De Stefano et Aloisi, 2018, pp. 14-15[38]). Un renversement de la charge de la preuve serait toutefois incompatible avec la plupart des réglementations antitrust existantes, et augmenterait sans doute la charge de travail des autorités antitrust qui devraient vérifier a posteriori la validité d’un grand nombre de conventions. Qui plus est, quoique destiné à assurer que tous les travailleurs indépendants se trouvant dans une relation de pouvoir asymétrique sont couverts, le renversement de la charge de la preuve pourrait être exploité plus efficacement par des groupes de travailleurs relativement plus puissants et organisés.
← 33. En septembre 2004, par exemple, le syndicat d’entreprise de Hyundai Heavy Industry a été exclu du syndicat coréen de la métallurgie (membre de la Confédération coréenne des syndicats, KCTU) précisément en raison de son attitude discriminatoire envers les travailleurs atypiques (Durazzi, Fleckenstein et Lee, 2018[42]).
← 34. Aslam & Ors contre Uber BV & Ors [2016], EW Misc B68 (ET) (28 octobre 2016).
← 35. Arrêt 26/2019, Corte d’Appello di Torino, R.G.L. 468/2018. En première instance, les juges ont rejeté la demande de requalification. La Corte di Cassazione arrêtera la décision définitive.
← 36. Arrêt du 10 janvier 2019, Cour d’Appel de Paris, RG 17/04674. Dans ce cas également, c’est la Cour de cassation qui arrêtera la décision définitive.
← 37. Arrêt du 15 janvier 2019, Rechtbank Amsterdam, affaire n° 7044576 CV EXPL 18-14762 et 7044576 CV EXPL 18-14763.
← 38. Si l’interdiction de discrimination présente clairement des avantages pour les « travailleurs exclus », les stratégies visant à limiter le recours aux formes atypiques d’emploi risquent, en limitant leurs débouchés, de se retourner contre eux (OCDE, 2014[85]).
← 39. La question du statut des plateformes numériques a récemment fait l’objet de plusieurs procédures judiciaires dans tous les pays de l’OCDE. En 2017, la Cour de justice européenne (affaire 434/15) a arrêté qu’Uber remplit une fonction de prestataire de services de transport et non de simple intermédiaire technologique entre des clients et des prestataires de services indépendants, et qu’« elle exerce un certain contrôle sur la qualité des véhicules et de leurs chauffeurs ainsi que sur le comportement de ces derniers, pouvant entraîner, le cas échéant, leur exclusion ». En 2018, la Cour de Cassation française (Cass. soc., 28 novembre 2018, n° 17-20.079) a arrêté que le pouvoir d’appliquer des sanctions et de contrôler les courses constituait un lien de subordination entre la plateforme TakeEatEasy et les coursiers qui travaillaient pour elle, ce qui justifiait de considérer la plateforme come un employeur. Voir le chapitre 4 pour d’autres références.
← 40. Entre 1990 et 2017, le nombre de worker centers aux États-Unis est passé de 5 à 240, le nombre de membres étant toutefois difficile à estimer.
← 41. L’analyse des États-Unis contenue dans cette section doit beaucoup à David Madland, dont la contribution est vivement appréciée.
← 42. Le fondateur du Syndicat des pigistes a explicitement évoqué un « nouveau mutualisme » (Horowitz, 2013[78]).
← 43. On citera pour exemples la campagne menée à New York par Domestic Workers United pour étendre les protections juridiques de base, comme la rémunération des heures supplémentaires, aux travailleurs domestiques ; les efforts du Restaurant Opportunities Center pour mettre un terme à la pratique consistant à rémunérer les salariés travaillant au pourboire en deçà du salaire minimum et ses actions en justice à l’encontre des employeurs en infraction ; et la loi Freelance isn’t Free dont la Freelancers Union a été à l’origine.
← 44. Les grèves chez Walmart, par exemple, ont été organisées par l’association Organization United for Respect at Walmart.
← 45. L’un des exemples les plus probants est celui de la Coalition of Immokalee Workers qui a réussi à améliorer les conditions de travail des travailleurs agricoles qui récoltaient les tomates vendues par d’importants détaillants.
← 46. Un exemple intéressant étant toutefois celui de la négociation commerciale menée en 2106 par SMart en Belgique. À cette occasion, SMart a négocié en qualité d’employeur, pour le compte de ceux de ses employés qui travaillaient comme livreurs de repas. SMart a signé avec les plateformes Deliveroo et TakeEatEasy une convention en vertu de laquelle elles s’engageaient à garantir aux livreurs des roulements de trois heures au moins et une rémunération à l’heure et non à la livraison. Les livreurs ont en outre obtenu un contrat de travail formel. Néanmoins, cet exemple met aussi en évidence les limites que présente ce type de négociation : elle a abouti à une convention commerciale non contraignante, mais, en 2017, Deliveroo a unilatéralement décidé de revenir à la rémunération à la livraison des livreurs indépendants (Drahokoupil et Piasna, 2019[81]).
← 47. Prassl (2018[77]) soutient toutefois que les plateformes demeurent réfractaires à la négociation collective dans de nombreux cas. Au Royaume-Uni, par exemple, Deliveroo s’est opposée avec succès à une demande d’agrément du syndicat Independent Workers Union of Great Britain (IWGB), au motif que les travailleurs étaient des entrepreneurs indépendants qui ne pouvaient négocier collectivement.
← 48. En 2016, Uber a accepté la constitution d’une organisation syndicale à New York, mise en place par une section locale de l’International Association of Machinists and Aerospace Workers – alors que les chauffeurs sont des entrepreneurs indépendants, et ne sont donc pas couverts par les dispositions du US National Labor Relations Act.
← 49. D’autres sites, comme TurkerView et TurkerHub, offrent des fonctions similaires et sont gérés par les travailleurs d’Amazon Mechanical Turk eux-mêmes.
← 50. La technologie des chaînes de blocs est une technologie de registre distribué qui fait fonction de registre (liste) ouvert et fiable des transactions effectuées entre deux (ou plusieurs) parties, celui-ci n’étant stocké par aucune autorité centrale : chaque utilisateur du logiciel connecté au réseau de chaîne de blocs, également connu sous le nom de « nœud », en stocke une copie. Ainsi, personne ne peut intervenir sur le registre, et tous les usagers peuvent le vérifier (Berryhill, Bourgery et Hanson, 2018[83]).
← 51. Le syndicat suédois de travailleurs non manuels Unionen, par exemple, s’interroge sur la façon d’utiliser ces données pour lutter contre l’attrition de ses membres et maintenir des effectifs élevés. Il examine également la façon dont les informations sur les demandes d’assistance des travailleurs pourraient être utilisées pour établir des prévisions immédiates (du futur ou du passé très proches) de la situation d’une entreprise ou d’une région (l’idée étant que lorsqu’une entreprise va bien, le nombre de demandes d’assistance est plus faible, et vice-versa). Un tel système lui permettrait de mieux cibler son action.