Le présent chapitre examine les principales mégatendances qui sont en train de transformer le marché du travail, et analyse leurs conséquences en termes de volume d’emplois, de qualité des emplois et d'inclusivité, les trois dimensions essentielles de la Stratégie de l’OCDE pour l’emploi. En dépit de l'inquiétude grandissante suscitée par les destructions d'emplois que pourraient amener la technologie et la mondialisation, une contraction brutale de l'emploi global semble peu probable. La qualité de certains emplois nouveaux est néanmoins source de préoccupations croissantes. Les disparités entre les travailleurs pourraient s’accentuer si des pans entiers de la population active se trouvent exclus des débouchés que crée l'économie. Le défi le plus important, pour les décideurs, consiste donc à éviter ce creusement des disparités. S’ils échouent, l’avenir du travail sera placé sous le signe d’une aggravation des clivages sociaux et d’un mécontentement croissant, qui pourraient avoir des retombées négatives sur la productivité, la croissance, le bien-être, et la cohésion sociale.
Perspectives de l'emploi de l'OCDE 2019
2. L’avenir du travail : que savons-nous ?
Abstract
Les données statistiques concernant Israël sont fournies par et sous la responsabilité des autorités israéliennes compétentes. L’utilisation de ces données par l’OCDE est sans préjudice du statut des hauteurs du Golan, de Jérusalem Est et des colonies de peuplement israéliennes en Cisjordanie aux termes du droit international.
En Bref
Le monde du travail change. Les progrès technologiques, la mondialisation et le vieillissement démographique métamorphosent le marché de l’emploi. Dans le même temps, les nouveaux modes d’organisation des entreprises et l’évolution des préférences des travailleurs favorisent l’apparition de nouvelles formes de travail. Ce chapitre propose un tour d’horizon des mutations en cours et met en lumière les principaux défis que devront relever les responsables publics.
En dépit de l'inquiétude généralisée que suscitent les éventuelles destructions d'emplois induites par la technologie et la mondialisation, une contraction brutale de l’emploi global semble peu probable. Si certains emplois disparaissent, d’autres font leur apparition et l’emploi global est en hausse.
Face à ces transformations, l’une des principales difficultés consiste à accompagner la transition des travailleurs des secteurs d’activité et des régions touchés par ces mégatendances vers les nouveaux débouchés qui s’offrent à eux.
La qualité des emplois soulève de plus en plus de préoccupations. Le pouvoir d’achat salarial de nombreux travailleurs stagne, et la stabilité de l’emploi diminue. Différentes modalités d’emploi atypiques se sont en outre développées dans de nombreux pays. Si la diversité des contrats de travail apporte une flexibilité bienvenue aux entreprises et à certains travailleurs, l’une des responsabilités premières des pouvoirs publics n’en demeure pas moins de fournir des emplois de qualité aux travailleurs atypiques.
Surtout, en l’absence de mesures immédiates, les inégalités continueront de se creuser sur le marché de l’emploi car le coût des ajustements structurels en cours dans le monde du travail n’est pas équitablement réparti. Les suppressions d’emplois se concentrent en effet sur certaines catégories de travailleurs et dans certaines régions. Certains travailleurs sont plus exposés que d’autres aux emplois de moindre qualité. Si rien n’est fait pour résorber ces disparités croissantes, les clivages sociaux vont s’accentuer, avec à la clé des effets délétères sur la croissance, la productivité, le bien-être et la cohésion sociale.
Il ne s’agit pas là de menaces lointaines : l’avenir se joue aujourd’hui, car les mutations décrites ici sont déjà amorcées. Quelques-unes remontent même à plusieurs décennies. Certaines des difficultés qu’elles posent appellent depuis longtemps une intervention des pouvoirs publics, mais de nombreux pays ont été longs à réagir. Cela dit, d’autres problèmes gagnent en importance aujourd’hui ou demeurent difficiles à anticiper compte tenu de l’incertitude qui entoure l’évolution future du monde du travail. Dans ce contexte, une politique responsable doit viser à renforcer la résilience du marché du travail en le préparant à de multiples scénarios.
Les effets négatifs de ces mutations rapides et profondes sur le marché du travail ne sont pas inéluctables, et les pouvoirs publics peuvent et doivent influer sur l'avenir du travail. Pour guider ces changements, il convient d’adopter une approche à l'échelle de l’ensemble de l'administration, et d’y associer les partenaires sociaux et la société civile.
Introduction
Le monde du travail est en pleine mutation. Les progrès technologiques, la mondialisation et le vieillissement démographique comptent parmi les évolutions dont l’influence sur le marché du travail est le plus souvent évoquée, de même que les efforts engagés pour atténuer les effets du changement climatique. En parallèle, les nouveaux modes d’organisation des entreprises et l’évolution des préférences des travailleurs favorisent l’apparition de nouvelles modalités de travail qui s’écartent de la norme traditionnelle de l’emploi salarié permanent à temps plein.
Nombre de ces changements pourraient être synonymes de véritables ruptures. Toutefois, les inquiétudes que suscitent les évolutions mondiales porteuses de bouleversements ne sont pas nouvelles. Depuis la révolution industrielle, la crainte que la technologie ne détruise des emplois est une constante du débat public. Dans les années 30, John Maynard Keynes mettait en garde contre « une nouvelle maladie…le chômage technologique » (Keynes, 1931[1]). Deux ans plus tôt, aux États-Unis, le Parti républicain s’était engagé à consolider « certains secteurs qui ne peuvent rivaliser avec les producteurs étrangers en raison du niveau inférieur des salaires et du coût de la vie à l’étranger » (Republican Party, 1928[2]). Quelques décennies plus tard, l’automatisation suscitait de telles inquiétudes qu’en 1961, le Président des États-Unis John Fitzgerald Kennedy, créait l’Office of Automation and Manpower au sein du Department of Labor, au motif que « le défi national numéro un pour les années 60 [était de] maintenir le plein emploi, à l’heure où, naturellement, les machines [remplaçaient] les hommes ». Par ailleurs, le vieillissement démographique rapide suscite des préoccupations croissantes dans de nombreux pays, compte tenu notamment (mais pas exclusivement) des menaces qu’il fait peser sur la viabilité des systèmes de sécurité sociale et sur la croissance économique.
Malgré ces appréhensions, l’emploi a régulièrement progressé dans les pays de l’OCDE au cours des dernières décennies. Les marchés du travail ont évolué, intégrant peu à peu des groupes sociaux qui en étaient jusqu’alors exclus, notamment les femmes. S’il ne fait aucun doute que de nombreux travailleurs ont été durement touchés par le déclin de certains secteurs d’activité – et c’est précisément aux catégories qui ont le plus souffert de la transformation économique qu’est consacrée une grande partie de ce chapitre – l’érosion redoutée des emplois ne s’est jusqu’ici pas concrétisée.
La situation est-elle différente cette fois-ci ? Divers auteurs ont fait valoir que le rythme et l'intensité des progrès technologiques s’accentuent et que la nouvelle vague de transformations pourrait avoir des conséquences plus déstabilisantes pour les travailleurs (Brynjolfsson et McAfee, 2011[3] ; Mokyr, Vickers et Ziebarth, 2015[4]). Ces craintes sont de plus en plus répandues, et dans de nombreux pays, une forte proportion de la population s'inquiète des effets délétères de l'automatisation sur les emplois (Pew Research Center, 2018[5])1. L’inquiétude est d’autant plus grande que les évolutions récentes menacent des personnes que les mutations économiques avaient jusqu’ici épargnées, comme les travailleurs non manuels qui possèdent un niveau d’instruction relativement élevé et occupent des emplois sûrs.
Face à ces préoccupations, ce chapitre propose une analyse détaillée de la transformation des marchés du travail, et plus particulièrement une étude approfondie des risques liés à l’automatisation des emplois. Élément positif, les progrès technologiques offrent de nouveaux débouchés professionnels et un risque significatif de chômage technologique massif est peu probable. Cependant, en l’absence de mesures immédiates, les disparités entre les travailleurs pourraient s’aggraver et les clivages sociaux se creuser entre les gagnants et les perdants des évolutions à l’œuvre dans le monde du travail. Dans divers domaines, les enjeux sont bien connus, les réponses se faisant toutefois attendre dans de nombreux pays. Les phénomènes récemment observés sur le marché du travail, comme les mutations liées à l'automatisation, le recul du taux de syndicalisation et l'essor de nouvelles formes de travail, ajoutent à ces défis et soulignent la nécessité de prendre en temps opportun des mesures réfléchies et résolues pour que l’avenir du travail offre de meilleures perspectives à tous.
L’analyse est centrée sur trois mégatendances essentielles qui ont une incidence sur le marché du travail et continueront de l’influencer dans les années à venir : les progrès technologiques, la mondialisation, et l’évolution démographique. D’autres dynamiques sont également prises en compte, comme le changement climatique et les nouvelles formes d'organisation du travail.
Le chapitre propose un bref examen des principaux faits stylisés issus de l'analyse menée par l’OCDE sur la façon dont le monde du travail évolue, et définit les grands enjeux traités dans les chapitres qui suivent2. Après un tour d’horizon des mégatendances qui influent sur les marchés du travail, il évalue les performances du marché du travail en s’appuyant sur les trois piliers de la Stratégie de l’OCDE pour l’emploi – à savoir la quantité et la qualité des emplois, et l’inclusivité – afin de déterminer les résultats pertinents pour l’analyse (OCDE, 2018[6]). Le quatrième pilier de la Stratégie pour l’emploi, à savoir la résilience et la capacité d’adaptation du marché du travail, est pris en compte dans les recommandations qui préconisent une plus grande flexibilité pour faire face aux évolutions futures du monde du travail.
2.1. Un panorama des mégatendances qui transforment les marchés du travail
2.1.1. Les nouvelles technologies se diffusent rapidement dans le monde du travail
Au cours des deux ou trois dernières décennies, le rythme des progrès technologiques et la rapidité de leur diffusion à travers le monde ont été surprenants. Ainsi, alors qu’il a fallu plus de sept décennies pour que le taux de pénétration du téléphone dans les foyers américains passe de 10 % à 90 %, le téléphone mobile a accompli la même progression en une quinzaine d’années, et le smartphone en à peine plus de 8 ans3. Ces bonds technologiques ont eu des retombées majeures sur les modes de travail et de vie des populations.
Le développement des technologies de l’information et de la communication (TIC) dans les entreprises donne une idée précise de la rapidité à laquelle les nouvelles technologies se diffusent dans le monde du travail. Entre1995 et 2007, l’utilisation des services du capital des TIC par heure travaillée a plus que doublé dans chacun des pays analysés, cette progression ralentissant par la suite (Graphique 2.1). L’adoption des technologies s’est toutefois effectuée à des rythmes très variables selon les pays. Alors qu’en Hongrie, au Japon et en Slovénie, les niveaux de TIC ont augmenté d’un peu plus de 150 % durant cette période, la progression a été de 300 % aux Pays-Bas, en République tchèque, en Irlande et en Allemagne, et de plus de 350 % aux États-Unis, en Belgique et au Royaume-Uni.
La diffusion des robots industriels est peut-être l’exemple qui illustre le mieux la pénétration des technologies dans les entreprises et l’émoi que suscite l’automatisation des emplois. Les robots sont présents dans les usines depuis des décennies, mais leur diffusion s’est récemment accélérée au-delà du secteur manufacturier. Ainsi, les supermarchés commencent à employer des robots comme vendeurs, et plusieurs entreprises expérimentent les magasins sans caissiers– voir par exemple Browne (2018[7]). Les capacités des robots se développent également dans le secteur manufacturier. Certains sont désormais capables de se déplacer seuls dans l’usine (Brynjolfsson et McAfee, 2014[8]). Selon les données de la Fédération internationale de robotique, les commandes de robots industriels ont quintuplé entre 2001 et 2017, et la tendance devrait encore s’accélérer (Graphique 2.2)4. Conjuguée à l’accroissement de la part du revenu national dévolue au capital (par opposition au facteur travail, comme on le verra plus loin), cette évolution alimente directement un important débat sur la concentration de la propriété du capital.
Ce ne sont là que quelques exemples de la façon dont les nouvelles technologies ont imprimé leur marque sur le monde du travail. Dans les années à venir, les nouvelles avancées dans le développement de l’intelligence artificielle (IA) devraient avoir des applications dans une multitude de domaines, s’emparant de nombreuses tâches que seuls des humains pouvaient auparavant exécuter, et pourraient amener des changements imprévisibles à ce stade dans le monde du travail.
2.1.2. Une intégration planétaire croissante
Parallèlement à la diffusion des nouvelles technologies, les échanges internationaux ont amené une intégration croissante de l’économie mondiale. Rapportés au PIB, ces échanges ont progressé dans toute la zone OCDE ces dernières décennies (Graphique 2.3), et de nombreuses économies émergentes sont devenues des acteurs de poids sur la scène mondiale, à la fois comme exportateurs et comme importateurs. L’organisation de l’économie mondiale sous forme de chaînes de valeur mondiales (CVM), qui répartit les différentes opérations du processus de production entre plusieurs pays et régions, a accentué l’intégration de la production industrielle au niveau international.
L’intégration des marchés de produits, de services, de technologies et des marchés financiers a une incidence déterminante sur les marchés du travail du monde entier. Elle autorise et encourage une plus grande spécialisation de la production et des modes de production, ce qui a des conséquences sur les compétences dont les travailleurs doivent être dotés et les catégories d’emploi créés. Dans l’ensemble, les échanges créent davantage d’emplois qu’ils n’en détruisent. On estime par exemple qu’en 2014, 42 % des emplois dans le secteur des entreprises des pays de l’OCDE devaient leur existence aux consommateurs des marchés étrangers (OCDE, 2018[9]). Néanmoins, les effets négatifs, réels et potentiels, des échanges sur certains métiers et marchés locaux méritent d’être soigneusement examinés par les responsables publics car ils sont les principaux responsables de la défiance croissante à l’égard de la mondialisation observée à l’échelle planétaire5. Cette défiance est souvent étroitement liée aux craintes suscitées par l’automatisation. Comme les progrès technologiques et la mondialisation ont toujours suivi des trajectoires parallèles et se sont mutuellement renforcés, il est difficile d’isoler leurs effets spécifiques (OCDE, 2017[10]).
2.1.3. Les pays de l’OCDE vieillissent
La transformation des marchés du travail intervient dans le contexte du vieillissement démographique rapide des pays avancés et de certaines économies émergentes. Dans les années 80, on recensait en moyenne 20 personnes âgées de plus de 65 ans pour 100 personnes d’âge actif (20‑64 ans) dans l’OCDE (Graphique 2.4) ; en 2015, on en comptait 28, et ce chiffre devrait quasiment doubler entre 2015 et 2050 (OCDE, 2017[12]). Le défi du vieillissement démographique rapide est particulièrement aigu en Corée, en Espagne, en Grèce, en Italie, au Japon, et au Portugal, ainsi qu’en Chine. Des économies émergentes comme l’Afrique du Sud, l’Inde et l’Indonésie, resteront en revanche confrontées à l’enjeu consistant à intégrer de nombreux jeunes dans la population active. Elles devront tirer parti du dividende démographique d’une population relativement jeune pour stimuler la croissance et préparer la transition à une population beaucoup plus âgée.
Les progrès technologiques et leur diffusion planétaire auront pour effet d’accentuer le vieillissement démographique. L’espérance de vie moyenne à la naissance dans la zone OCDE est passée de 69 ans en 1965 à 80 ans un demi-siècle plus tard, une progression largement rendue possible par les avancées technologiques, qui ont permis d’accroître la productivité et les niveaux de vie ainsi que la qualité et la disponibilité des soins de santé6. Selon les scientifiques, les nouvelles technologies de correction génomique pourraient encore améliorer le diagnostic et le traitement des maladies, et ainsi allonger l’espérance de vie (Broad Institute, 2018[13] ; Sanders, 2016[14]). Le renforcement des réseaux de recherche à l’échelle mondiale et, plus généralement, la diffusion des connaissances dans le monde permettront à une proportion grandissante de la population mondiale de bénéficier de ces avancées compte tenu de l’amélioration des revenus et de l’accès aux soins de santé dans les économies émergentes7. Ces progrès ne sont cependant pas assurés ; en effet, la hausse de l’incidence de l’obésité et la surconsommation d’opioïdes résultant de certaines évolutions des modes de vie ont ralenti, voire enrayé, la progression de l’espérance de vie dans un petit nombre de pays avancés (OCDE, 2018[15])8.
Ces évolutions démographiques influent sur le marché du travail du point de vue de l’adoption des technologies et des modes de consommation. Les pays vieillissants risquent d’être confrontés à une pénurie de main-d’œuvre qualifiée, le nombre de travailleurs âgés qui partent à la retraite augmentant par rapport à celui des jeunes qui entrent dans la vie active. Ces pénuries pourraient à leur tour accélérer l’automatisation ou intensifier les pressions encourageant le recours à la main-d’œuvre immigrée. Acemoglu et Restrepo (2017[16]) montrent que les pays où le vieillissement démographique est le plus rapide comptent aussi parmi ceux qui ont adopté le plus vite la robotique industrielle (raison pour laquelle, selon les auteurs, le vieillissement démographique n’est pas nécessairement annonciateur d’un ralentissement de la croissance économique). Le vieillissement aura aussi des retombées directes sur la consommation : une réorientation de la demande des biens durables (comme les voitures) vers les services (comme les soins de santé) est probable. L’évolution des préférences ira de pair avec un ajustement des échanges commerciaux et de la place relative des différents secteurs9. Tous ces éléments auront une incidence sur la demande de compétences et les types d’emplois qui seront créés.
2.1.4. La population mondiale va augmenter et les pressions migratoires vont sans doute s’intensifier
Sous l’effet conjugué de l’allongement de l’espérance de vie dans le monde et du maintien de taux de fécondité élevés dans plusieurs pays en développement, la population mondiale devrait continuer d’augmenter. D’après les Perspectives de la population mondiale 2017 des Nations Unies, elle devrait atteindre 9.7 milliards en 2050, soit une augmentation de 30 % par rapport au 7,5 milliards actuels10. L’essentiel de cette hausse interviendra dans les pays en développement, la population des pays de l’OCDE progressant en revanche de moins de 10 %, de 1.3 à 1.4 milliard d’habitants.
Ainsi, selon les infrastructures, les débouchés économiques et les choix stratégiques, les flux migratoires pourraient radicalement modifier la composition démographique des pays avancés. À titre d’exemple, plus de la moitié des titulaires d’un diplôme universitaire en sciences, technologie, ingénierie et mathématiques (STIM) qui travaillent dans la Silicon Valley sont nés à l’étranger (Melville, Kaiser et Brown, 2017[17]). En 2017, quelque 258 millions de personnes dans le monde vivaient en dehors de leur pays natal, dont la moitié dans des pays de l’OCDE (OCDE, 2018[14]). Cette même année, plus de 5 millions se sont définitivement installées dans l’OCDE. Par ailleurs, les pays de l’OCDE comptaient en 2016 plus de 4 millions de travailleurs étrangers temporaires auxquels ils avaient fait appel pour pallier les pénuries de main-d’œuvre, et plus de 3 millions d’étudiants internationaux inscrits dans des établissements d’enseignement supérieur. Étant donné l’accentuation des déséquilibres démographiques décrits plus haut, les flux migratoires devraient s’intensifier dans les prochaines décennies, ce qui constituera un défi majeur pour l’action publique.
Pour ce qui est des questions examinées dans le présent chapitre, les immigrés peuvent certes aider les pays aux sociétés vieillissantes à pallier les pénuries de compétences, mais ils sont aussi exposés à des risques de première importance. En effet, dans la majorité des pays de l’OCDE, ils sont plus concentrés que les personnes nées dans le pays dans les métiers fortement menacés par l’automatisation. Dans les pays européens de l’OCDE, par exemple, 47 % des travailleurs nés à l’étranger exercent des professions où les tâches répétitives dominent et qui sont les plus exposées au risque d’automatisation (OCDE, 2017[18]). Par ailleurs, les immigrés sont plus susceptibles d’occuper des emplois peu qualifiés, souvent de faible qualité, malgré leur niveau d’instruction relativement élevé (OCDE, 2018[19]).
2.2. Quantité des emplois : les transformations à l’œuvre ne devraient pas diminuer le nombre d’emplois
Allons-nous vers un avenir sans emplois ? Dans les économies avancées, où les effets de l’automatisation et de la mondialisation ont été le plus fortement ressentis, cette question est celle qui suscite le plus d’inquiétudes dans le débat sur l’avenir du travail. Des progrès rapides qui permettraient aux machines et à l’intelligence artificielle (IA) d’automatiser en nombre croissant les tâches effectuées par des humains pourraient accélérer le remplacement de la main-d’œuvre par le capital et générer des gains de productivité considérables en réduisant l’utilisation du facteur travail dans le processus de production. En même temps, la mondialisation rapide a transféré de nombreux emplois des économies avancées vers les pays où les coûts de main-d’œuvre sont plus bas. Le vieillissement rapide de la population pourrait créer des pénuries de main-d’œuvre et encourager l’adoption de nouvelles technologies et l’automatisation des emplois. Conjuguées à la transformation numérique et à la mondialisation, ces évolutions risquent de mettre au chômage un nombre plus élevé de travailleurs seniors dont les compétences seront devenues obsolètes. Pour toutes ces raisons, d’aucuns craignent que les économies avancées ne se dirigent vers un avenir dans lequel les emplois seront moins nombreux (Frey & Osborne (2017[20]); Brynjolfsson & McAfee (2011[3]) par exemple).
S’il est impossible de savoir avec exactitude ce que nous réserve l’avenir, il ressort des analyses de l’OCDE qu’une contraction substantielle de l’emploi sous l’effet de la transformation numérique et de la mondialisation est peu probable. Les forces à l’œuvre ne font pas que détruire des emplois : elles contribuent également à les transformer et à en créer de nouveaux. Par le passé, les effets nets des grandes révolutions technologiques sur l’emploi ont été positifs, et peu d’éléments permettent de penser que cette tendance pourrait radicalement s’infléchir dans les années à venir. De fait, selon des estimations récentes de l’OCDE, 14 % seulement des emplois actuels risquent d’être entièrement automatisés (Nedelkoska et Quintini, 2018[21]), et non près de 50 %, comme le laissent entendre d’autres études (Frey et Osborne, 2017[20]).
Néanmoins, comme les experts ne s’accordent pas sur la rapidité à laquelle les technologies se substitueront au travail au cours des prochaines décennies, une politique responsable devrait viser à renforcer la résilience des marchés du travail pour les préparer concrètement aux divers avenirs possibles. En outre, quelle que soit l’évolution du nombre global d’emplois, le risque que leur qualité se détériore et que les inégalités se creusent est grand, et appelle toute l’attention des responsables publics. Enfin, si le risque d’un amenuisement de l’emploi est limité à l’échelle globale, le nombre d’emplois pourrait enregistrer une diminution nette dans certains secteurs d’activité et certaines régions ; des mesures s’imposent donc pour favoriser la mobilité de la main-d’œuvre et remédier aux disparités régionales. Ces enjeux sont analysés dans les deux sections suivantes.
2.2.1. Malgré la transformation permanente des marchés du travail, l’emploi a suivi une courbe ascendante au fil du temps
Bien que les suppressions d’emplois dues au progrès technologique et à la mondialisation soient un motif d’inquiétude récurrent, les taux d’emploi – le pourcentage de personnes d’âge actif occupant un emploi – n’ont cessé d’augmenter dans la plupart des pays de l’OCDE au cours des dernières décennies, à l’exception notable des États-Unis (OCDE, 2019[22]) (Graphique 2.5). En fait, la demande de main-d’œuvre a vigoureusement progressé, parallèlement à l’offre, sous l’effet de l’accroissement du taux d’activité des femmes et des seniors. Aux États-Unis, le taux d’activité des femmes est passé de 42 % en 1960 à 68 % en 2017. Dans l’OCDE, il a progressé de 10 points de pourcentage depuis le début des années 80 (passant de 54 % en 1983 à 64 % en 2017). Des pays comme l’Espagne et l’Irlande, où il est passé de moins de 40 % à plus de 65 % au cours de cette période, ont enregistré les résultats les plus remarquables à cet égard. En revanche, la marge de progression demeure substantielle dans plusieurs pays de l’OCDE (en Turquie, par exemple, moins de quatre femmes sur quatre participent à la vie active, contre 8 hommes sur 10 environ).
Cette hausse de l’emploi global est intervenue en parallèle à des progrès technologiques rapides. La section précédente a donné un aperçu de l’essor significatif des TIC et de la robotique industrielle, et de l’expansion de l’intelligence artificielle. Ces technologies ont été directement responsables de nombreuses destructions d’emplois, et ont parfois contribué au déclin notable de certains secteurs, depuis la production textile jusqu’à la fabrication d’appareils électriques complexes (OCDE, 2017[10]). Dans le même temps, en améliorant la productivité et les revenus, elles ont augmenté la demande de biens et de services, contribuant ainsi à créer des emplois (on trouvera à l’Encadré 2.1 une analyse plus complète des mécanismes au travers desquels le progrès technologique détruit et génère des emplois). Il ressort de travaux récents que la révolution numérique a sensiblement contribué à la production d’emplois : quatre sur dix ont été créés dans les secteurs à forte intensité numérique au cours de la décennie écoulée (OCDE, 2019[23]).
Les progrès technologiques ont aussi favorisé la progression de l’emploi des femmes. Comme les femmes ont toujours effectué l’essentiel des tâches domestiques, l’accroissement de la productivité du travail ménager (grâce au lave-linge, au lave-vaisselle, etc.) est l’un des facteurs qui a pu contribuer à l'augmentation de leur taux de participation au marché du travail. Par ailleurs, dans le passé, l’automatisation a eu une incidence disproportionnée sur les emplois typiquement masculins (ouvriers d’usine et du bâtiment par exemple), alors que les emplois où les femmes sont surreprésentées (dans les secteurs de la santé et des services par exemple) ont été dans une large mesure protégés (OCDE, 2017[24]). Cette situation est toutefois en train de changer. Selon des travaux récents de l’OCDE, le risque prévu de suppressions d’emploi dues à l’automatisation dans les prochaines décennies ne diffère pas sensiblement selon le sexe (OCDE, 2017[24]).
De même, l’ouverture aux échanges a toujours été de pair avec une augmentation de l’emploi, malgré les effets déstabilisants de la concurrence des importations sur certains secteurs. Dans leur examen de 14 études économétriques multipays portant sur les relations entre les échanges et les résultats économiques, Newfarmer et Sztajerowska (2012[25]) n’observent aucun effet négatif des échanges sur le volume d’emplois. Au contraire, une plus grande ouverture au commerce peut fortement contribuer à la création d’emplois de meilleure qualité, au relèvement des salaires dans les pays riches et pauvres, et à l’amélioration des conditions de travail. Cependant, en mettant l’accent sur les résultats globaux, on risque d’oublier que le progrès technologique et l’ouverture aux échanges n’ont pas bénéficié à tous les travailleurs de la même manière et qu’ils ont fortement pénalisé certains secteurs et régions. C’est là un défi majeur pour les responsables publics, et l’un des principaux enjeux mis en lumière dans ce rapport.
Encadré 2.1. Comment la technologie détruit-elle et crée-t-elle des emplois ? Comprendre les forces à l’œuvre
Alors que les technologies continuent de progresser, des entrepreneurs réputés comme Bill Gates et Richard Branson se sont fait l’écho des inquiétudes exprimées en son temps par Keynes au sujet du chômage technologique (Gates, 2017[26] ; Branson, 2017[27]). S’il est vrai que les nouvelles technologies supplantent les travailleurs, elles peuvent aussi dynamiser l’emploi par différents biais et, dans le passé, les variations nettes de l’emploi se sont révélées positives sur le long terme. Selon de récents travaux de l’OCDE, 40 % des emplois créés entre 2005 et 2016 l’ont été dans des secteurs à forte intensité numérique (OCDE, 2019[23]).
Diverses données confortent les craintes que l’automatisation n’entraîne des suppressions d’emplois. Les progrès technologiques, dans le domaine de l’IA en particulier, élargissent rapidement l’éventail des tâches que les machines sont en mesure d’exécuter et, selon certaines analyses, l’automatisation pourrait menacer une part considérable des emplois (voir plus haut). La diminution de la part du facteur travail dans le revenu national dans l’OCDE a également été imputée à la mutation technologique. Les entreprises qui emploient relativement peu de main-d’œuvre dans leurs processus de production gagnent des parts de marché (voir ci-après la section consacrée aux « entreprises vedettes » et à la dynamique du « presque tout au gagnant »), et dans certains pays, les entreprises s’organisent de plus en plus souvent en réseaux d’entreprises et de sous-traitants, qui remplacent certains de leurs salariés permanents (Autor et al., 2017[28] ; Weil, 2014[29]). Dans les industries manufacturières, où un nombre relativement important de tâches répétitives peuvent être automatisées, de nombreux travailleurs ont vu leur emploi changer radicalement, voire disparaître (Autor, Dorn et Hanson, 2013[30])
Malgré ces évolutions, d’éminents économistes du travail mettent en évidence des mécanismes compensatoires au travers desquels la technologie crée de nouveaux emplois. Cela pourrait en partie expliquer pourquoi, malgré les effets de déplacement du progrès technologique, l’emploi dans les pays de l’OCDE a suivi une courbe globalement ascendante sur le long terme. Ce schéma repose sur les travaux récents d’Autor et Salomons (2018[31]), Acemoglu & Restrepo (2018[32]), Acemoglu & Restrepo (2017[33]), Bessen (2017[34]).
En premier lieu, les avancées technologiques peuvent créer plus d’emplois qu’elles n’en détruisent dans un secteur donné. Se plaçant dans une perspective historique qui couvre les deux derniers siècles, Bessen (2017[34]) montre clairement que divers secteurs, dont ceux du textile, de la sidérurgie et de l’automobile, ont enregistré de fortes hausses de l’emploi durant les périodes marquées par des progrès technologiques rapides et une croissance de la productivité dont on aurait pu craindre qu’ils provoquent une perte nette d’emplois. Un exemple moderne lié à un secteur particulier est la technologie mise au point par les applications de VTC, qui permet d’améliorer le processus de mise en relation des conducteurs et des passagers et de réduire ainsi le coût des services de taxi. En rendant ce mode de transport plus pratique et moins coûteux pour les consommateurs, ces applications peuvent élargir le marché, et créer ainsi un surcroît de demande et plus d’emplois qu’elles n’en détruisent (la qualité de ces nouveaux emplois pouvant toutefois soulever des inquiétudes, comme le montre la section suivante). Quelques données concernant les États-Unis viennent corroborer cette hypothèse (Hathaway & Muro (2016[35]) par exemple), mais de nouvelles études s’imposent pour en apporter la preuve irréfutable et pour analyser un plus grand nombre de marchés.
Il se peut aussi qu’en améliorant la productivité et en diminuant les prix, certaines technologies aient des retombées favorables sur l’emploi dans des secteurs autres que ceux où elles ont été déployées (Autor et Salomons, 2018[31]). En tirant la productivité vers le haut et les prix à la consommation vers le bas dans un secteur, ces technologies augmentent le revenu des consommateurs et stimulent la demande (et l’emploi) dans d’autres. On citera pour exemple les grandes chaînes de supermarchés, dont le nouveau modèle économique a dégagé des économies d’échelle considérables et fait baisser les prix, ce qui a permis aux consommateurs d’accroître leurs dépenses dans d’autres secteurs.
Enfin, l'automatisation peut réduire le coût des intrants dans les industries d’aval, avec à la clé une hausse de la production et de l’emploi dans ces secteurs. Un bon exemple de ce mécanisme nous est donné par les grossistes de biens de consommation et de production qui font appel aux technologies de transport, de conditionnement, de gestion des stocks, etc., pour diminuer les prix. Cela permet aux acheteurs d’économiser sur les coûts unitaires, et aux entreprises en aval d’abaisser leurs propres prix, ce qui stimule la demande pour leurs produits et leur permet d’embaucher plus de personnel.
Ces trois mécanismes opèrent de la même manière : ils améliorent la productivité et génèrent de nouveaux revenus qui peuvent servir à stimuler la consommation. Il en existe des exemples dans toute l’économie et dans divers secteurs. L’innovation peut en outre faire surgir des emplois inédits, soit dans des professions existantes, en complément aux machines (de nouveaux types d’enseignants qui associent formation en présentiel et apprentissage sur ordinateur par exemple), soit dans des domaines entièrement nouveaux (administrateurs de réseaux sociaux, architectes de l’Internet des objets, experts en IA, designers d’expérience utilisateur (UX), etc.). Ce schéma cadre également avec les récents travaux empiriques de Moretti (2012[36] ; 2010[37]), qui montrent que la création d’emplois dans le secteur des TIC peut avoir d’importants effets multiplicateurs sur les marchés du travail locaux (pour chaque nouvel emploi créé dans une entreprise de haute technologie dans une localité donnée, cinq sont créés dans d’autres secteurs dans la même localité).
Si ces mécanismes peuvent effectivement amener une augmentation globale de l’emploi, l’importance de l’action publique pour amortir les effets des suppressions d’emplois induites par les technologies ne doit pas être minimisée, d’autant que ces risques ne sont pas uniformément répartis entre les pays, les régions et les catégories sociodémographiques. En fait, les suppressions d’emplois dues à l’automatisation ont une incidence disproportionnée sur certains secteurs, régions et groupes défavorisés, alors que les nouveaux emplois sont souvent créés ailleurs et ne sont pas toujours accessibles aux travailleurs victimes des licenciements. La première vague de robotisation industrielle, par exemple, a surtout touché les processus manufacturiers et les travailleurs généralement affectés à des tâches répétitives non cognitives (Autor, 2015[38]), alors que les nouveaux emplois ont principalement été créés dans les secteurs de services (comme analysé plus loin). Si les tendances actuelles persistent, les niveaux d’inégalité déjà élevés enregistrés dans de nombreux pays de l’OCDE risquent de s’aggraver, ce qui pénalisera la consommation, la productivité et la croissance économique potentielles (OCDE, 2015[39]).
Autre mégatendance qui devrait avoir des répercussions sur l’emploi dans les prochaines décennies : la transition vers une économie à faibles émissions de carbone. Compte tenu des inquiétudes grandissantes face au changement climatique et au réchauffement planétaire, plusieurs pays se sont engagés à adopter des mesures visant à limiter la hausse des températures moyennes mondiales à 1.5 degré Celsius par rapport aux niveaux préindustriels (Organisation des Nations Unies, 2016[40]). Celles-ci entraîneront la disparition d’emplois dans les secteurs à fortes émissions de carbone, mais elles en créeront dans ceux qui font appel à des modes de production énergétique nouveaux, plus écologiques, et dans celui de la conservation de l’énergie. Selon les estimations de la réallocation totale des emplois, l’incidence de la transition écologique sur le volume total d’emplois sera toutefois relativement faible – l’écart entre la création et la destruction d’emplois représente environ 0.3 % des emplois dans les pays de l’OCDE, et 0.8 % dans les autres pays (Château, J., Bibas et Lanzi, 2018[41] ; Botta, 2018[42] ; Château, Saint-Martin et Manfredi, 2011[43])11. En fait, son effet global sur l’emploi pourrait être positif. L’indice d’évaluation écologique des emplois (goji) élaboré à partir de données allemandes, par exemple, indique que la transition de l’Allemagne vers une économie plus verte a été corrélée à une croissance plus soutenue de l’emploi et à une légère progression des salaires (Janser, 2018[44]). Néanmoins, comme dans le cas de l’ouverture aux échanges, les pertes d’emplois dues aux politiques écologiques devraient se concentrer dans des secteurs et professions spécifiques, ce qui pourrait creuser les inégalités (voir la section précédente).
2.2.2. La situation est-elle différente cette fois-ci ? L’automatisation fait souffler un nouveau vent d’inquiétude
Malgré les données rétrospectives, qui indiquent qu’un chômage technologique massif et un effet négatif net de la mondialisation sur l’emploi global sont peu probables, l’automatisation suscite une nouvelle vague d’inquiétude, alimentée par le sentiment que les mutations technologiques sont plus rapides et plus amples que par le passé, et que le nombre d’emplois automatisables est supérieur à ce que l’on pensait (Brynjolfsson et McAfee, 2011[3] ; Mokyr, Vickers et Ziebarth, 2015[4]). Certains auteurs ont même estimé que l’automatisation va parfois trop loin, les dirigeants d’entreprise consacrant des investissements excessifs et inefficaces à l’acquisition de technologies dernier cri et sous-investissant dans la réflexion sur les métiers de demain et les moyens d’aider les travailleurs à s’y préparer, ce qui produit des externalités négatives à l’échelle de toute la société (Acemoglu et Restrepo, 2017[45] ; Acemoglu et Restrepo, 2018[32]).
Compte tenu de ces préoccupations, plusieurs auteurs se sont efforcés d’évaluer le pourcentage d’emplois susceptibles d’être automatisés suite à la pénétration croissante des nouvelles technologies dans les entreprises. L’une des études fréquemment citée dans ce domaine est celle de Frey et Osborne (2017[20]), qui estiment que près de la moitié des emplois (47 %) aux États-Unis risquent d’être remplacés par des ordinateurs ou des algorithmes dans les 10 à 20 prochaines années. Ces estimations s’appuient sur des avis d’experts qui ont évalué la probabilité d’automatisation de différentes professions12. Elles ont cependant été critiquées au motif qu’il est peu probable que l’on puisse automatiser des professions entières, car tous les travailleurs d’une même profession n’exécutent pas nécessairement les mêmes tâches et ne sont donc pas confrontés au même risque de voir leur emploi automatisé (Autor et Handel, 2013[46]). Les fonctions d’un travailleur pourront par exemple requérir davantage d’interventions directes ou d’autonomie que celles d’un autre travailleur exerçant le même métier. C’est peut-être en partie pour cela que les prévisions de Frey et Osborne quant à l’évolution et l’ampleur de l’automatisation des emplois ne se sont pas encore concrétisées sur le marché du travail (Manning, à paraître)13.
2.2.3. Selon les dernières études de l’OCDE, 14 % des emplois environ risquent d’être entièrement automatisés, mais ceux qui connaîtront de profonds changements sont beaucoup plus nombreux
Une autre façon d’estimer le nombre d’emplois menacés d’automatisation consiste à analyser directement le contenu en tâches de chaque poste, plutôt que le contenu en tâches moyen de chaque métier (Arntz, Gregory et Zierahn, 2016[47] ; Nedelkoska et Quintini, 2018[21])14. Sur cette base, l’OCDE estime à 14 %, en moyenne, la part des emplois à risque élevé d’automatisation (c’est-à-dire pour lesquels la probabilité d’automatisation est d’au moins 70 %) dans la zone OCDE (Graphique 2.6). À l’échelon des pays, la proportion varie entre 6 % en Norvège et 34 % en République slovaque. Ces chiffres ne traduisent cependant que les destructions d’emploi potentielles, et ne tiennent pas compte du nombre d’emplois (éventuellement supérieur) produits par la technologie (voir l’Encadré 2.1; et l’Encadré 2.2 pour une analyse spécifiquement centrée sur les économies émergentes).
Par ailleurs, une forte proportion des emplois actuels pourraient connaître de profonds changements. Selon l’OCDE, 32 % des emplois de la zone, en moyenne, pourraient voir les tâches qui les composent en grande partie automatisées, et des tâches entièrement nouvelles apparaître (Graphique 2.6). L’analyse montre également que le risque d’automatisation est plus élevé pour les travailleurs peu qualifiés, ce qui pourrait encore accentuer les disparités sur le marché du travail (Nedelkoska et Quintini, 2018[21]).
Même si le risque d’automatisation n’est peut-être pas aussi élevé que certains le redoutent, force est de reconnaître qu’une incertitude considérable entoure ces estimations. En conséquence, les responsables publics se doivent d’envisager plusieurs scénarios pour l’avenir, et s’employer à renforcer la résilience du marché du travail pour faire face aux transformations futures. À cet égard, il est indispensable de donner aux travailleurs la possibilité de suivre des formations adéquates pendant toute leur carrière. Selon l’évaluation internationale des compétences des adultes de l’OCDE (PIAAC), plus de 50 % de la population adulte, en moyenne, dans 28 pays de l’OCDE, sont seulement en mesure d’effectuer les opérations informatiques les plus simples, comme rédiger un courriel et naviguer sur la toile, ou sont totalement dépourvus de compétences en matière de TIC (OCDE, 2016[48]). Les systèmes de formation pour adultes existants sont souvent incapables de combler les disparités entre travailleurs ; dans certains cas, ils contribuent même à les creuser car ce sont les travailleurs les plus qualifiés qui bénéficient généralement le plus de formations (OCDE, 2013[49]). Le chapitre 6 examine les moyens de rehausser l’efficacité et l’inclusivité des systèmes de formation pour adultes.
Encadré 2.2. Le chômage technologique dans les pays émergents : le changement est lent, mais de lourdes menaces se profilent
Les études relatives aux conséquences de l’automatisation sur les emplois portent en grande partie sur les économies avancées. Les économies émergentes, en revanche, se trouvent dans une situation très différente, caractérisée par une structure professionnelle distincte, le coût plus élevé du capital en TIC, et de plus fortes pénuries de compétences (Maloney et Molina, 2016[50]). La question centrale, dans ce contexte, consiste à définir si les emplois créés par les nouvelles technologies compenseront la perte d’emplois manufacturiers due à l’automatisation.
Étant donné leur stade de développement actuel, l’automatisation présente un risque plus élevé pour les pays émergents. À mesure que les économies se développent, la composition sectorielle de l’emploi suit une trajectoire prévisible, qui évolue des activités à faible productivité, souvent dans le secteur agricole, à des activités à plus forte productivité, essentiellement dans le secteur manufacturier et dans celui des services. Dans la plupart des pays émergents, l’agriculture et les secteurs à faible valeur ajoutée représentent encore une part importante de l’emploi. Par conséquent, les estimations fondées sur les professions (Banque mondiale, 2016[51]) et d’autres, plus récentes, fondées sur les tâches (Nedelkoska et Quintini, 2018[21]) ou les activités professionnelles (McKinsey Global Institute, 2017[52])15 montrent que ces pays sont confrontés à un plus grand risque d’automatisation que des pays plus avancés. Le panorama est cependant contrasté et varie en fonction du niveau de revenu, des pays comme la Chine, la Fédération de Russie, la Turquie et le Mexique comptant une plus forte proportion d’emplois menacés par l’automatisation.
Cela dit, s’il est vrai que de nombreux emplois sont « automatisables sur le plan technique », l’automatisation ne présente peut-être pas encore un grand intérêt économique pour bon nombre de pays émergents. Beaucoup ont encore une structure de production dominée par les petites et moyennes entreprises (PME), et la plupart des entrepreneurs ne disposent pas des moyens nécessaires pour procéder à des investissements coûteux dans les technologies avancées. De surcroît, l’incitation à innover est tempérée par la pénurie de compétences et l’abondance relative de main-d’œuvre non qualifiée bon marché dans des populations jeunes et en forte expansion.
Des bouleversements considérables pourraient toutefois intervenir. Le coût des robots industriels continue de baisser et les coûts de main-d’œuvre augmentent, ce qui fait que le recours aux technologies pour remplacer les travailleurs commence à engendrer des économies substantielles dans les pays émergents également. Si, selon le Boston Consulting Group, les pays qui disposent d’une population active jeune et croissante et où les coûts de main-d’œuvre sont bas, comme l’Inde et l’Indonésie, ne devraient pas profit du remplacement des humains par des robots dans un avenir proche, ces économies se monteront à plus de 5 % dans des pays comme la Fédération de Russie et le Brésil, et atteindront pas moins de 18 % en Chine à l’horizon 2025 (Graphique 2.7). Par ailleurs, la relocalisation de la production dans les pays avancés pourrait se traduire par des pertes d’emplois sur les marchés émergents. Les données dont on dispose sur la relocalisation sont encore peu nombreuses et contradictoires, mais il apparaît que ce processus est déjà à l’œuvre, diverses entreprises manufacturières choisissant de rapprocher leur production du marché national (De Backer et al., 2016[54]). La hausse des coûts de main-d’œuvre et la baisse du coût des technologies pourraient continuer d’alimenter cette évolution ; certains pays émergents risqueraient alors de connaître une désindustrialisation prématurée, et de se trouver pris au piège du revenu intermédiaire (Rodrik, 2016[55]). Ils seront frappés par ce phénomène à des moments différents, selon leur structure professionnelle et industrielle (et leur stade de développement). Les responsables publics des économies émergentes doivent d’ores et déjà commencer à s’y préparer. Étant donné l’absence de régimes de protection sociale et de systèmes de reconversion professionnelle adéquats, les effets sur le bien-être des travailleurs pourraient être substantiels et intensifier les tensions sociales.
Source : Alonso-Soto (à paraître[56]), Technology and the future of work in emerging economies : What is different?
2.2.4. Ce n’est pas parce qu’une nouvelle technologie existe qu’elle va se diffuser et remplacer le travail humain
Toute estimation des pertes d’emplois que l’automatisation risque de provoquer appelle une réserve importante : la diffusion des technologies dépend d’une multitude de facteurs qui sont susceptibles de l’accélérer ou de la freiner. Si l’on ne tient pas compte de l’influence de ces forces diverses, on risque de verser dans le déterminisme technologique, à savoir l’idée selon laquelle la technologie détermine l’évolution d’une société, de son marché du travail, de sa structure sociale et de ses valeurs culturelles. Si cette théorie se vérifie dans une certaine mesure, d’autres facteurs, notamment l'élaboration active de politiques et les préférences sociales, jouent un rôle crucial. Le fait qu’une technologie existe ne signifie pas forcément qu’elle va se propager et modifier les modes de vie et, plus particulièrement, les modes de travail. De fait, les données disponibles montrent que la diffusion des technologies varie considérablement selon les pays, les secteurs d’activité et les entreprises, ce qui pourrait en partie expliquer pourquoi le progrès technologique n’a pas créé de gains de productivité ces dernières décennies (OCDE, 2018[57]).
Divers facteurs peuvent favoriser ou brider la diffusion de différentes technologies. Avant tout, la rentabilité de l’investissement dans des technologies qui remplacent la main-d’œuvre dépend dans une large mesure des forces du marché qui déterminent les prix relatifs du capital et du travail. Dans les pays où les coûts de main-d’œuvre sont relativement bas, par exemple, le processus d’automatisation a été plus lent ; c’est pourquoi la polarisation de l’emploi y est moins marquée que dans les pays plus industrialisés (OCDE, 2017[10]).
Les normes institutionnelles et les réglementations – comme les réglementations applicables aux marchés de produits et du travail, ou les normes de sécurité et les normes médicales et déontologiques – peuvent empêcher certaines technologies de gagner une place importante dans certains pays. Selon des données récentes de l’OCDE, des institutions du marché du travail, notamment le taux de syndicalisation et la législation sur la protection de l’emploi (LPE), peuvent atténuer les effets de la technologie et de la mondialisation sur la polarisation de l’emploi - le recul de la part des emplois moyennement qualifiés par rapport aux emplois peu et, surtout, très qualifiés (OCDE, 2017[10])16.
Enfin, les préférences des consommateurs et de la société, ainsi que les normes déontologiques, auront une influence déterminante sur la diffusion des technologies qui remplacent la main-d’œuvre. À cet égard, les données de l’Eurobaromètre sur les préférences du public vis-à-vis du déploiement des robots dans différents secteurs ne manquent pas d’intérêt. Si la majorité des répondants se dit favorable à l’utilisation de robots dans des secteurs comme l’industrie manufacturière et l’exploration spatiale, les avis sont beaucoup plus négatifs concernant leur application dans les secteurs de la santé et de l’éducation.
Tous ces éléments - forces du marché, cadres institutionnels et préférences des consommateurs – vont à l’encontre du déterminisme technologique : la seule existence d’une technologie ne veut pas dire que son adoption va se généraliser, ni qu’elle va remplacer le travail humain (au lieu de le compléter).
2.2.5. Les effectifs de travailleurs salariés n’ont peut-être pas diminué, mais le nombre de salariés en sous-emploi augmente
Les mégatendances ne semblent pas avoir eu d’incidence négative sur l’emploi global, mais le sous-emploi a augmenté17. Les variations du sous-emploi, à l’instar de celles de l’emploi, sont généralement cycliques. Or, la croissance post-industrielle de secteurs confrontés à une demande instable même à très court terme (comme les services d’hébergement et de restauration) a exposé un nombre grandissant de travailleurs au risque d’horaires plus variables et plus restreints (voir le chapitre 3). La crise financière mondiale semble avoir accentué cette évolution. Le sous-emploi a fortement progressé dans de nombreux pays durement frappés par la crise, et le retour aux niveaux d’emploi enregistrés avant la crise est lent.
Le risque de sous-emploi a augmenté pour tous les travailleurs ces derniers temps mais globalement, dans la zone OCDE, cette hausse a plus particulièrement touché les jeunes et les personnes peu ou moyennement instruites (chapitre 3). Partout, les femmes y sont nettement plus exposées que les hommes, mais la probabilité d’être en sous-emploi de ces derniers – et notamment de ceux qui ne sont pas diplômés de l’enseignement supérieur – a sensiblement progressé. Le sous-emploi chez les femmes affiche des évolutions variables selon les pays, mais il a augmenté chez les hommes dans quasiment tous les pays examinés.
2.3. La qualité de l’emploi : un avenir qui offre de meilleurs débouchés aux travailleurs, ou qui les expose à plus de risques ?
Les avancées technologiques peuvent améliorer la qualité de l’emploi en relevant la productivité et les salaires, en diminuant l’exposition à des tâches dangereuses, nocives et pénibles, et en offrant à de nombreux travailleurs davantage de flexibilité, d’autonomie et un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie privée. Les nouvelles technologies peuvent également faciliter l’application de pratiques professionnelles plus performantes généralement associées à un sentiment de satisfaction au travail plus élevé. La mondialisation et les échanges internationaux peuvent en outre faciliter « l’exportation » de meilleures conditions de travail par le biais de l’intégration aux chaînes de valeur mondiales (CVM).
Pour autant, la précarisation du travail qui caractérise souvent les nouvelles formes d’emploi atypiques (notamment, mais pas seulement, dans l’économie dite « des petits boulots ») risque de diminuer le bien-être des travailleurs en l’absence de mesures leur garantissant des droits et une protection adaptés (voir le chapitre 4). C’est là un sujet de préoccupation central dans les pays où les modes de travail atypiques se multiplient et où les entreprises font de plus en plus appel à des réseaux de fournisseurs et de sous-traitants plutôt qu’à leurs effectifs permanents pour exécuter de nombreuses fonctions (d’où le concept de « délitement du travail »)18 19.
Encadré 2.3. Quelles sont les nouvelles formes de travail ?
L’emploi «atypique» est un terme générique qui englobe toutes les formes de travail temporaire, à temps partiel et indépendant, c’est-à-dire toutes les formes d’emploi qui dévient de la « norme » du contrat à temps plein, à durée indéterminée, avec un employeur unique – voir par exemple OCDE (2014[58]).
Néanmoins, on a généralement quelque chose de plus précis en tête lorsque l’on parle des « nouvelles formes d’emploi » et des enjeux qu’elles représentent pour l’avenir du travail. Souvent, ces nouvelles formes renvoient à des situations dans lesquelles les travailleurs sont moins bien couverts par la réglementation du travail et les régimes de protection sociale existants que les emplois traditionnels – notamment parce qu’elles se sont développées en marge de la législation en vigueur. Ainsi, l’emploi à temps partiel et l’emploi temporaire « traditionnels » en sont généralement exclus car les droits et avantages qui leur sont associés correspondent désormais dans les grandes lignes à ceux des emplois permanents à temps plein. Les formes habituelles de travail indépendant n’y sont par ailleurs pas toujours assimilées car il est admis qu’elles supposent une prise de risque entrepreneurial : en contrepartie d’une rémunération potentiellement élevée, elles comportent un élément de risque plus important qui n’a pas à être pris en charge par la société.
En revanche, l’expression est souvent utilisée pour désigner : le travail sur plateforme numérique (c’est-à-dire les transactions réalisées par le biais d’une application ou d’un site web qui met en contact des clients et des travailleurs qui fournissent des services) ; les contrats temporaires de très courte durée ; les contrats offrant un temps de travail non garanti et/ou imprévisible (travail à la demande et contrats zéro heure) ; et le travail indépendant d’une manière plus générale (à savoir les personnes qui travaillent pour leur propre compte et n’emploient aucun salarié) – voir le chapitre 4.
La technologie et la mondialisation peuvent aussi avoir des retombées négatives sur les conditions de travail. La surveillance plus étroite qu’autorisent les nouvelles technologies peut réduire l’autonomie des travailleurs et augmenter le risque de stress au travail. La concurrence étrangère peut accentuer ces effets pernicieux, ce qui accroît le risque de nivellement par le bas des normes de travail et de la qualité des emplois et contrecarre les effets positifs susmentionnés des échanges internationaux sur cette dernière20. Globalement, l’effet net de la mondialisation sur la qualité de l’emploi dans le monde est difficile à déterminer précisément et peut varier selon les pays.
Nous examinons ici les différentes forces susceptibles d’influer sur la qualité des emplois de demain. Cette analyse s’inscrit dans le programme de travail plus large de l’OCDE sur la qualité de l’emploi qui a récemment abouti à la publication du Cadre d’analyse de la qualité de l’emploi de l’OCDE (OCDE, 2014[58]). Elle montre que si les mégatendances peuvent avoir des retombées favorables sur des aspects essentiels de la qualité de l’emploi, tous les travailleurs n’en tirent pas le même profit, notamment ceux qui exercent des emplois atypiques.
2.3.1. Pour une grande partie de la population, les salaires ont marqué le pas au cours de la décennie écoulée
L’ouverture des marchés et les avancées technologiques ont contribué à l’amélioration globale des revenus et du niveau de vie des travailleurs. Les revenus de vastes segments de la population sont cependant restés stationnaires ces dernières années, malgré la reprise de l’emploi au lendemain de la crise économique et financière mondiale (OCDE, 2019[22]). Dans les pays de l’OCDE, la croissance annuelle des salaires horaires nominaux a chuté, passant de 4.8 % en moyenne avant la crise à 2.1 % ces dernières années. Celle des salaires réels a diminué d’un point de pourcentage au cours de la même période. La dynamique salariale des emplois faiblement rémunérés a joué un rôle déterminant dans le ralentissement global de la croissance des salaires. On observe notamment une dévalorisation sensible du salaire moyen des emplois à temps partiel par rapport aux emplois à temps plein, liée à la progression du temps partiel subi dans plusieurs pays (voir plus loin).
2.3.2. L’emploi a perdu en stabilité
Un autre aspect essentiel de la qualité de l’emploi est la sécurité sur le marché du travail, étroitement associée à la stabilité de l’emploi. Selon de récents travaux de l’OCDE, cette dernière a globalement reculé au cours des deux dernières décennies, des différences considérables étant toutefois observables d’un pays à l’autre (voir le chapitre 3 et Falco, Green and MacDonald (à paraître[59]). Les données à cet égard sont nuancées, mais claires. L’ancienneté moyenne dans l’emploi, un indicateur direct de la stabilité du travail qui mesure la durée d’occupation d’un emploi, a globalement progressé. Cela s’explique toutefois par le vieillissement de la population, car la hausse du pourcentage de travailleurs seniors dans la population active va automatiquement de pair avec une augmentation de l’ancienneté. Une fois le vieillissement démographique pris en compte, les données montrent que la stabilité de l’emploi a diminué dans la majorité des pays de l’OCDE. Cette tendance est particulièrement manifeste chez les travailleurs au faible niveau d’instruction, et ne concerne pas exclusivement les jeunes. L’instabilité croissante de l’emploi touche également les travailleurs peu qualifiés dans la force de l’âge et plus âgés. Le chapitre 3 analyse en profondeur cette évolution et examine si la précarisation de l’emploi est imputable à un accroissement des risques pour les travailleurs ou à de meilleures perspectives de mobilité et d’avancement professionnel.
2.3.3. Les effets de la mondialisation sur la qualité de l’emploi sont contrastés
S’agissant du lien entre les échanges commerciaux et la qualité de l’emploi, des facteurs contradictoires entrent en jeu. D’une part, l’ouverture des marchés peut favoriser une hausse des revenus. Il apparaît en effet que les salaires sont généralement plus élevés dans les secteurs à vocation exportatrice21. De l’autre, une plus grande ouverture aux échanges et l’intégration dans les CVM peuvent affaiblir la sécurité de l’emploi, la délocalisation ou l’externalisation accentuant le risque de suppression de postes (Acemoglu et Autor, 2010[60] ; OCDE, 2017[10]). Ainsi, lorsque les entreprises chinoises ont commencé à produire à plus bas prix qu’aux États-Unis, le risque pour les salariés des secteurs concernés de perdre leur emploi a augmenté (Autor, Dorn et Hanson, 2013[30]), ce qui s’est traduit par un accroissement de la précarité professionnelle et, partant, une baisse de la qualité globale de l’emploi.
Les mégatendances peuvent aussi influer sur la qualité de l’emploi en agissant directement sur les conditions de travail et la qualité de l’environnement professionnel. En ce qui concerne les échanges internationaux, le risque central est que les entreprises utilisent les CVM pour se défaire de leurs salariés dans les pays où les normes de travail sont rigoureuses et déplacer la production dans des régions où ces normes sont moins contraignantes. Par exemple, si les emplois des soudeurs allemands sont transférés dans des économies en développement où les normes de santé et de sécurité sont moins strictes, la qualité globale de l’emploi risque de diminuer. Les craintes à cet égard sont en partie corroborées par les études, mais les données dont on dispose actuellement sont encore trop limitées pour pouvoir en dégager des conclusions solides22. À l’inverse, la mondialisation et les échanges internationaux peuvent favoriser « l’exportation » de meilleures conditions de travail, d’autant que les entreprises multinationales font face à des pressions croissantes des consommateurs et au resserrement de la surveillance internationale exercée sur les conditions de travail qu’elles offrent à leurs salariés (OCDE, 2008[61]). Si cet effet pouvait être renforcé, les échanges internationaux permettraient effectivement d’élargir l’accès à des emplois de qualité au niveau mondial. Les Principes directeurs de l'OCDE à l’intention des entreprises multinationales et le Guide du devoir de diligence pour une conduite responsable des entreprises sont des exemples emblématiques d’instruments destinés à améliorer les normes de travail au travers des chaînes d’approvisionnement mondiales (OCDE, 2011[62] ; 2018[63]).
2.3.4. Les progrès technologiques ont de tous temps favorisé l’amélioration des conditions de travail
Les avancées technologiques offrent d’immenses possibilités d’améliorer les conditions de travail. Dans divers secteurs, elles ont permis d’automatiser des tâches qui étaient auparavant éprouvantes sur le plan physique, réalisées dans des conditions harassantes, voire dangereuses, et qui pouvaient augmenter le stress et le sentiment d’aliénation.
La transformation de l’agriculture illustre clairement ce phénomène. Entre 1991 et 2017, la part du secteur dans l’emploi global a chuté, passant de 43.3 % à 26.5 % (OIT, 2018[64]), grâce à la diffusion massive de nouvelles technologies génératrices de gains de productivité, depuis les tracteurs et moissonneuses-batteuses aux innovations plus récentes comme les robots de cueillette (OIT, 2018[65]). De nombreux emplois agricoles étaient de très faible qualité, comportant des tâches pénibles et répétitives, parfois assorties de conditions de travail indécentes (OIT, 2015[66]), et n’offraient qu’un accès restreint à la protection sociale, aux programmes de formation et à la représentation collective. De la même façon, les progrès technologiques aident aujourd’hui les travailleurs à accomplir certaines des tâches les plus dangereuses et risquées dans le secteur manufacturier et de la construction. Cette évolution bienvenue contribue directement à l’amélioration des conditions de travail et à la sécurité sur le lieu de travail.
2.3.5. Mais l’utilisation croissante des technologies peut également avoir des retombées négatives sur la qualité de l’emploi dans certaines professions
Dans certains cas, cependant, l’introduction des technologies sur le lieu de travail peut nuire à la qualité de l’emploi. Le recours généralisé aux ordinateurs et aux technologies numériques pour normaliser et contrôler les tâches risque de limiter l’autonomie et l’indépendance des travailleurs, deux marqueurs fondamentaux de la qualité de l’emploi (Weil, 2014[29] ; OCDE, 2014[58]), mais les études à ce sujet ne sont pas unanimes. Menon et al. (2018[67]), par exemple, constatent un effet positif de l’informatisation sur l’autonomie en Europe. D’autres auteurs évoquent en revanche de nouvelles formes de « taylorisme numérique » qui limiteraient considérablement le contrôle que les employés exercent sur leur travail – pour une analyse, voir Gallie (2013[68]). De nombreuses évolutions similaires sont observables dans l’ensemble de l’économie, dans les secteurs de la distribution et de la logistique par exemple. Les employés qui travaillent dans les hangars de grandes entreprises de logistique font parfois l’objet d’une microgestion (ils reçoivent par exemple des instructions dans un casque audio) et leur productivité peut être étroitement surveillée, ce qui intensifie les pressions qu’ils subissent et leur état de stress. Certaines entreprises étudient la possibilité d’introduire des dispositifs portatifs qui permettraient de surveiller de près les déplacements des travailleurs dans leur enceinte. Ces normes de contrôle rigoureuses sont très controversées car elles peuvent directement nuire à la qualité de l’emploi23.
Les effets pervers des technologies sur l’autonomie et la liberté d’action ne se limitent pas aux travailleurs peu qualifiés. Des études récentes montrent que les outils interconnectés permettent aux travailleurs de mieux gérer le rythme et l’organisation de leur travail, mais font aussi que leurs collègues et clients s’attendent à une disponibilité permanente de leur part, ce qui réduit leur marge d’action (Mazmanian, Orlikowski et Yates, 2013[69]). Quelques pays ont pris des mesures pour parer à ces évolutions. La France, par exemple, a récemment voté une loi qui impose aux entreprises de plus de 50 salariés d’accorder à ces derniers le « droit à la déconnexion » (en n’attendant pas d’eux qu’ils répondent à leurs courriels) en dehors de leurs horaires de travail (de Guigné, 2016[70])24. En même temps, des cadres supérieurs ont adhéré aux nouvelles technologies car elles leurs permettent de mieux concilier vie professionnelle et vie privée et améliorent la flexibilité (Lebowitz, 2018[71]). Quoi qu’il en soit, les études spécialisées ne sont pas unanimes quant aux retombées négatives des technologies sur les conditions de travail.
2.3.6. Le travail sur plateforme numérique : un gain de flexibilité ou un taylorisme numérique ?
L’essor du travail sur plateforme numérique a attiré l’attention sur l’incidence des progrès technologiques sur la qualité de l’emploi. Ce travail englobe un large éventail d’activités qui ont pour point commun de faire appel à des plateformes en ligne pour établir le lien entre l’offre et la demande de services donnés25. Comme l’indique un rapport récent du Centre commun de recherche de la Commission européenne, les services fournis par les plateformes numériques sont globalement de deux sortes : les services en ligne (microtâches, travail de bureau, saisie de données, etc.) et les services en personne (transports, livraisons, ménage, etc.) (Biagi et al., 2018[72]). Dans certains cas, le fonctionnement de la plateforme va au-delà de son rôle de médiation, offrant aux travailleurs un environnement de travail dématérialisé et tous les outils nécessaires à l’accomplissement de leur travail.
Le travail sur plateforme numérique a pour aspect positif de rehausser l’efficacité du processus de mise en correspondance, ce qui permet d’atténuer les problèmes de chômage frictionnel et d’inadéquation des compétences. Dans de nombreux pays de l’OCDE, chômage et pénuries de main-d’œuvre coexistent, les entreprises se plaignant constamment de ne pas parvenir à pourvoir des postes vacants. Les plateformes peuvent aider les employeurs à recruter des travailleurs pour remplir les tâches que leurs salariés ne peuvent réaliser (Manyika et al., 2015[73]). Un autre aspect positif du travail de plateforme, souvent cité par les travailleurs, est qu’il offre une plus grande flexibilité. Dans l’enquête de l’UE sur l’économie collaborative et l’emploi (COLLEEM), la flexibilité est la motivation le plus souvent évoquée pour justifier le choix de ce mode de travail (Biagi et al., 2018[72]). Dans les pays où l’emploi informel est très répandu, le travail sur plateforme numérique peut favoriser l’intégration à l’économie formelle (Encadré 2.4).
Pour autant, le travail sur plateforme numérique limite parfois considérablement l’autonomie des travailleurs, ce qui peut avoir une incidence négative sur la qualité de leur emploi et leur bien-être. Ces travailleurs sont souvent assimilés à des travailleurs indépendants et sont en principe libres de décider de leurs horaires ; or, la demande est parfois fortement concentrée sur certaines heures de la journée. Bon nombre d’entre eux ne choisissent pas leur taux de rémunération, qui est imposé par la plateforme, et subissent des contraintes à d’autres niveaux, notamment le port d’un uniforme et le respect d’instructions draconiennes quant à la façon dont le travail doit être réalisé. Enfin, le travail sur plateforme numérique permet d’exercer une surveillance rigoureuse et des niveaux de microgestion qu’il serait difficile d’atteindre en l’absence des nouvelles technologies (mais qui ne sont en rien l’apanage des plateformes, comme le montre l’exemple des secteurs de la distribution et de la logistique évoqué plus haut). Les employeurs peuvent par exemple utiliser des logiciels de contrôle comme celui proposé par l’entreprise Crossover, qui prend à intervalles réguliers des photos via la cybercaméra de l’utilisateur pour contrôler la productivité du travailleur indépendant (Solon, 2017[74]). Les travailleurs qui n’obtiennent pas de bons résultats peuvent être automatiquement exclus (voir également le chapitre 4).
Si certains de ces facteurs peuvent accroître l’efficacité et la productivité, ce qui bénéficie aux consommateurs (essentiellement sous la forme d’une baisse des prix et d’une amélioration de la qualité et de la disponibilité des services), le fait est que certains, voire la majorité, des emplois sur plateforme numérique ne sont nullement flexibles et n’offrent pas aux travailleurs l’autonomie et la liberté d’action qu’ils pourraient souhaiter.
Les inconvénients que certains types de travail sur plateforme numérique peuvent présenter ne se limitent pas au risque de stress et de mauvaises conditions de travail ; s’y ajoute celui d’une rémunération faible (et aléatoire). Certaines plateformes, par exemple, opèrent dans le monde entier, sur des marchés du travail extrêmement divers, ce qui peut induire un nivellement des rémunérations par le bas26. De surcroît, comme leurs travailleurs sont souvent assimilés à des travailleurs indépendants, ils sont aussi confrontés à des problèmes d’adéquation de la protection sociale, de représentation collective et de protection de l’emploi. Ces problèmes ne sont pas spécifiques au travail de plateforme et peuvent concerner, à des degrés divers, de nombreux travailleurs atypiques (ceux dont les contrats ne correspondent pas à la « norme » de l’emploi permanent à temps plein). C’est à ce titre qu’ils seront analysés plus loin. Si l’on ne peut encore établir de manière définitive les avantages et inconvénients potentiels du travail sur plateforme numérique, il convient de souligner que les risques pour la qualité de l’emploi ne sont pas incontournables, et que des mesures adaptées peuvent y parer.
2.3.7. Le travail sur plateforme numérique reste un phénomène limité
Quelle place occupe l’économie de plateforme ? Les données dont on dispose à ce sujet sont encore rares et imprécises, essentiellement parce que les enquêtes classiques sur la population active ne cernent pas correctement le phénomène. Elles indiquent toutefois que ce segment du marché du travail est encore très restreint.
Selon une étude récente menée dans 14 pays européens, les plateformes constituent l’activité principale de moins de 2 % de la main-d’œuvre en moyenne (Biagi et al., 2018[72]). Qui plus est, ce chiffre est sans doute surestimé compte tenu des modalités de l’enquête, réalisée au moyen d’un outil en ligne qui a tendance à surreprésenter la partie de la population la plus versée dans les technologies. Les autres études portant sur plusieurs pays présentent pour la plupart des estimations qui varient entre 0.5 % et 3 % de la main-d’œuvre – voir OCDE (2018[75]) pour un tour d’horizon des études existantes). Les données les plus récentes provenant des États-Unis, par exemple, indiquent que les emplois de plateforme représentaient 1 % de l’emploi total en mai 2017 (BLS, 2018[76]).
Encadré 2.4. Les nouvelles formes de travail dans les économies émergentes : une passerelle vers le secteur formel ?
Le travail exécuté par l’intermédiaire de plateformes numériques gagne du terrain dans les économies émergentes. Des plateformes internationales réputées comme Uber, Cabify, et Airbnb, consolident leur présence dans ces pays. Ainsi, le Brésil est le deuxième marché d’Uber, et l’entreprise comptait près de 50 000 chauffeurs enregistrés et deux millions d’usagers actifs au Chili en 2017 (Groupe de la Banque africaine de développement et al., 2018[77]). Par ailleurs, le nombre d’entreprises locales en activité sur ces marchés progresse (Sundararajan, 2017[78]).
Jusqu’à présent, le débat entourant le travail sur plateforme numérique a essentiellement porté sur les pays avancés, où l’apparition des plateformes a soulevé des inquiétudes concernant la précarisation du travail, les atteintes à la protection sociale et, plus généralement, la qualité de l’emploi (voir la section 2.3.6).
Des préoccupations analogues se sont manifestées dans les pays émergents, où un autre élément joue cependant un rôle important : le taux élevé d’emploi informel (OCDE, 2015[79]). Dans ce contexte, l’économie de plateforme peut offrir à de nombreux travailleurs la possibilité d’intégrer le secteur formel, d’une part parce qu’elle peut diminuer les coûts de cette intégration, d’autre part parce que la numérisation des transactions peut améliorer le suivi de l’activité économique.
Un bon exemple des effets positifs que le travail sur plateforme numérique peut avoir sur le passage à l’économie formelle nous vient d’Indonésie, un pays où près de 60 % de la main-d’œuvre travaille dans le secteur informel (OCDE, 2015[79]) et où un tiers au moins des emplois formels sont de médiocre qualité (Fanggidae, Sagala et Ningrum, 2016[80]). Dans une étude récente, Fanggidae, Sagala et Ningrum (2016[80]) ont interrogé 205 chauffeurs d’ojek (moto-taxis) travaillant par l’intermédiaire de l’une des plateformes de location disponibles à Djakarta (essentiellement GoJek et Grab Bike). Quoique limitée dans le temps et dans l’espace, l’étude montre que le travail sur plateforme numérique n’est pas toujours synonyme de dégradation des conditions de travail. Elle met notamment en avant le rôle que jouent les plateformes pour faciliter l’accès des travailleurs à la protection sociale. GoJek, par exemple, offre à ses chauffeurs la possibilité d’adhérer au régime public d’assurance-maladie, tandis que ceux de Grab Bike sont automatiquement inscrits au régime public d’assurance professionnelle.
Il ne s’agit certes que d’un exemple, et d’autres études s’imposent dans ce domaine, mais il montre clairement qu’en réduisant les coûts du passage à l’économie formelle, les plateformes peuvent sensiblement favoriser cette évolution. Les responsables publics pourraient aller plus loin et charger les plateformes de recouvrer les impôts sur le revenu des particuliers et les cotisations sociales des travailleurs (OCDE, 2019[81]).
Le travail sur plateforme numérique ne saurait à l’évidence remédier à tous les problèmes liés à l’informalité, ne serait-ce que parce que ce secteur est encore très restreint. La lutte contre l’informalité dans les pays émergents passe par une stratégie diversifiée, articulée autour de trois axes, qui vise à réduire les coûts du passage à l’économie formelle, à en accroître les avantages ressentis (en améliorant la prestation des services ou en associant les cotisations sociales aux prestations perçues par exemple) et à renforcer les mécanismes d’exécution (voir OCDE (2015[79]) pour une analyse détaillée).
Source : Alonso-Soto (à paraître[56]), Technology and the future of work in emerging economies : What is different?
Par ailleurs, si l’économie de plateforme a jusqu’ici connu un essor rapide, un ralentissement semble déjà amorcé. Les données fournies par l’Oxford Internet Institute donnent un aperçu de la place croissante du travail en ligne (un type de travail sur plateforme numérique entièrement effectué en ligne). L’Online Labour Index (OLI) s’appuie sur les données en temps réel de cinq des plus grosses plateformes de travail numérique au monde (Kässi et Lehdonvirta, 2016[82]). Malgré ses limites et le fait qu’il porte sur une forme particulière de travail en ligne, l’indice donne une idée des évolutions récentes. Entre mai 2016 et mai 2017, le travail sur plateforme numérique a progressé de plus d’un tiers, mais il a depuis connu une forte volatilité, et une stabilisation de la tendance à long terme est observable (Graphique 2.8).
La plupart des annonces d’emploi sont publiées depuis les pays de l’OCDE, des États-Unis notamment, mais la majorité des travailleurs se situe dans des pays non-membres de l’Organisation, l’Inde occupant à cet égard une place particulièrement importante (OCDE, 2018[83]). Compte tenu de cette dimension mondiale du travail de plateforme et du risque d’un nivellement par le bas des normes de travail sur certains segments de ce marché, une action coordonnée des pays s’impose.
2.3.8. Plus généralement, le travail atypique est un thème de préoccupation central des pouvoirs publics
L’intérêt récemment suscité par l’économie (encore restreinte) de plateforme risque de faire de l’ombre à une question plus générale qui présente un plus grand intérêt : le taux substantiel (et, dans certains pays, croissant) d’emploi atypique et les retombées négatives qu’il peut avoir sur la qualité de l’emploi. L’emploi atypique recouvre toutes les formes d’emploi qui dévient de la « norme » du contrat à temps plein, à durée indéterminée, avec un employeur unique. Il englobe donc les emplois temporaires, les contrats à temps partiel et le travail indépendant. Les emplois atypiques ne sont pas nécessairement de moins bonne qualité que les emplois traditionnels. Par exemple, le travail d’un professionnel qualifié est atypique dans la mesure où il entre dans la catégorie des travailleurs indépendants, mais il peut être associé à des revenus élevés et stables et à de bonnes conditions de travail. Il n’en demeure pas moins que, dans tous les pays, de nombreuses formes de travail atypique vont de pair avec une qualité d’emploi inférieure, caractérisée par des salaires plus bas, une moindre protection de l’emploi, un accès réduit (ou inexistant) aux prestations financées par l’employeur et aux prestations sociales, une plus grande exposition aux risques d’accident du travail et aux maladies professionnelles, des investissements plus faibles dans la formation continue, et une représentation syndicale limitée – voir par exemple OECD (2014[58]). C’est pourquoi il est indispensable de suivre l’évolution de l’emploi atypique pour mesurer celle de la qualité de l’emploi. Dans la majorité des pays de l’OCDE, cette forme de travail concerne une proportion importante de la population active, mais elle a dernièrement connu des évolutions contrastées. L’emploi temporaire a augmenté dans la moitié des pays de l’OCDE, et marqué une hausse très sensible dans certains d’entre eux.
L’emploi temporaire a progressé sur le long terme dans près de la moitié des pays de l’OCDE. Avant la crise, la croissance de l’emploi à durée déterminée a été particulièrement marquée en Espagne, en France, en Italie, au Luxembourg, aux Pays-Bas, en Pologne, au Portugal et en République slovaque (Graphique 2.9). Dans les pays où la proportion des contrats à durée déterminée a diminué, cette baisse a généralement été faible (sauf en Grèce, au Japon et en Turquie). Le pourcentage des contrats de très courte durée (de 0 à 3 mois), une catégorie à laquelle les responsables publics prêtent souvent attention, affiche une évolution contrastée. Il a augmenté dans un peu plus de la moitié des pays de l’OCDE. Dans les pays où il a reculé, à l’exception des pays baltes et de la Belgique, ce repli tient essentiellement à l’expansion des contrats à durée déterminée de plus longue durée27. Enfin, l’emploi intérimaire a progressé dans la plupart des pays de l’OCDE28. Comme le développement de l’emploi à durée déterminée est intervenu avant les années 2000 dans plusieurs pays, on notera qu’il n’est peut-être que partiellement imputable aux mégatendances analysées dans ce rapport, et pourrait en fait résulter de choix politiques qui ont favorisé le développement des contrats temporaires.
2.3.9. Le travail à temps partiel a augmenté, mais il est de plus en plus souvent subi
L’emploi à temps partiel a progressé dans presque tous les pays de l’OCDE au cours des dernières décennies, à quelques exceptions notables près, comme l’Islande, la Pologne et la Suède (Graphique 2.10). Cette évolution est souvent jugée positive, d’autant que ce type d’emploi est corrélé à une hausse du taux d’activité des femmes et qu’il a permis aux individus de mieux concilier vie professionnelle et vie privée. Néanmoins, l’emploi à temps partiel n’est pas toujours un choix, mais tient pour certains travailleurs à la difficulté de trouver un emploi à temps plein. Le chapitre 3 examine ce phénomène dans le cadre plus large d’une analyse du sous-emploi.
La part du travail à temps partiel contraint dans l’emploi salarié à temps partiel total a progressé dans deux tiers des pays de l’OCDE pour lesquels des données sont disponibles, bien qu’un recul soit observable dans des pays comme la Belgique, la Pologne et l’Allemagne (depuis 2010). Si dans certains pays, cette augmentation est en partie liée à la crise (au Portugal, en Espagne, en Italie et en Grèce par exemple), une tendance à la hausse est observable dans la plupart des pays sur le long terme29.
2.3.10. Le travail à temps partiel de courte durée et le travail à la demande ont gagné du terrain dans de nombreux pays
Une progression du « travail à temps partiel de courte durée » (20 heures ou moins par semaine) est également observée dans près de la moitié des pays de l’OCDE pour lesquels des données sont disponibles (Graphique 2.11)30. Sa part est particulièrement élevée aux Pays-Bas (21 % de l’emploi salarié), au Danemark (15 %), en Suisse (13 %) et en Australie (13 %). Elle a reculé dans quelques pays, notamment en Australie, aux États-Unis, en Lettonie, en Pologne et au Royaume-Uni. L’interprétation de ces tendances doit tenir compte de ce que, dans certains pays, la hausse du travail à temps partiel de courte durée peut être un facteur favorable pour des travailleurs en quête d’une plus grande flexibilité (pour assumer des responsabilités familiales, mener de front travail et études, etc.). Les données disponibles ne permettent pas d’établir une distinction nette entre ces différentes interprétations.
Il est possible que cette croissance soit en partie imputable au développement des contrats très atypiques (travail à la demande et contrats zéro heure), mais les données à ce sujet sont contradictoires31. De nombreux pays ont mis en place des contrats atypiques spéciaux de travail à temps partiel qui prévoient un nombre très limité d’heures de travail ou ne garantissent pas de durée minimum de travail – comme le travail « à la demande » et les contrats « zéro heure » (Messenger et Wallot, 2015[84]) – et plusieurs de ces contrats ont connu un essor rapide ces dernières années. En Australie, un travailleur sur quatre est un travailleur occasionnel, et plus de la moitié des employés occasionnels signalent ne pas avoir d’heures de travail garanties (Campbell, 2018[85]). En Italie, on recensait 295 000 travailleurs employés en vertu de contrats « à la demande » en 2016 (INPS, 2017[86])32. Aux Pays-Bas, selon une étude commissionnée par l’OIT, le travail à la demande est le mode de travail flexible qui augmente le plus rapidement. En 2016, on y recensait 551 000 travailleurs à la demande, soit 8 % de la population active environ (Burri, Heeger-Hertter et Rossetti, 2018[87])33. Au Royaume-Uni, près de 3 % des salariés (environ 900 000 personnes) déclaraient être titulaires d’un contrat zéro heure à la fin de 201634, chiffre qui marque une hausse de 29 % par rapport à 2014 (ONS, 2017[88] ; Adams et Prassl, 2018[89])35. En République d’Irlande, une étude de 2015 estime à environ 5.3 % la population salariée déclarant des heures variables– et prend acte du fait que cette population peut comporter des travailleurs permanents et temporaires dont les heures varient (O’Sullivan et al., 2016[90])36.
2.3.11. Le travail indépendant s’inscrit dans une tendance durable à la baisse, à quelques exceptions notables près
Un recul du travail indépendant, en pourcentage de l’emploi total, est observable depuis quarante ans dans la majorité des pays de l’OCDE (Graphique 2.12). Cela peut paraître surprenant, et contraire à l’idée selon laquelle les nouvelles technologies et les nouveaux modes de travail devraient favoriser son essor. Cette tendance est toutefois principalement imputable au long déclin du secteur agricole, intervenu pour l’essentiel en première partie de période. Depuis 2000, le taux d’emploi indépendant est resté stable dans la majorité des pays.
Le travail indépendant a cependant progressé, ces dernières années notamment, dans certains pays, à savoir les Pays-Bas, la République slovaque et le Royaume-Uni37. On peut voir dans cette croissance le signe d’un esprit d’entreprise florissant, mais elle peut en revanche être liée à une précarisation des conditions de travail susceptible de nuire à la qualité de l’emploi. Ce risque est particulièrement élevé pour les travailleurs indépendants qui n’ont pas d’employé (également appelés travailleurs pour compte propre ou travailleurs indépendants sans personnel). Aucune tendance ne se dégage clairement au sein des pays de l’OCDE quant au pourcentage de travailleurs pour compte propre dans l’emploi total ces dernières décennies, mais des hausses substantielles ont été constatées dans des pays comme les Pays-Bas, la République slovaque, la République tchèque et le Royaume-Uni (OCDE, 2018[75]).
2.3.12. Le travail indépendant dépendant et le faux travail indépendant se généralisent
Le travail indépendant présente un problème particulier lorsque les travailleurs sont financièrement tributaires d’un employeur unique. Ce sont les « travailleurs indépendants économiquement dépendants », qui tirent l’essentiel de leurs revenus d’un seul client. Les responsables publics prêtent une attention particulière à cette catégorie de travailleurs parce que la situation de vulnérabilité dans laquelle ils se trouvent par rapport à leurs clients peut appeler la mise en place des protections particulières (d’autant qu’ils n’ont pas accès aux prestations et aux protections dont bénéficient habituellement les salariés)38. Les données fournies par l’Enquête européenne sur les conditions de travail indiquent que dans deux tiers des pays environ, le travail indépendant dépendant a progressé entre 2010 et 2015 (OCDE, 2018[75]).
Une notion étroitement liée à celle du travail indépendant dépendant est celle du faux travailleur indépendant, à savoir un travailleur indépendant qui est non seulement financièrement tributaire d’un ou plusieurs clients, mais se trouve en situation de subordination vis-à-vis de l’employeur et ne peut gérer son travail à sa convenance, ou très peu (horaires de travail imposés, contraintes quant à la manière dont le travail est réalisé, lieu de travail, etc.). Autrement dit, bien que les travailleurs soient considérés comme indépendants par les parties (dans le cadre d’un contrat écrit entre employeurs et travailleurs par exemple), leur relation professionnelle présente des caractéristiques proches de celles d’une relation d’emploi (voir le chapitre 4). Il est à l’évidence difficile d’obtenir une mesure comparable au niveau international du faux travail indépendant étant donné la diversité des indicateurs statistiques et des données disponibles. Malgré ces éventuelles réserves, les éléments apportés par l’Enquête européenne sur les conditions de travail laissent entrevoir une augmentation du faux travail indépendant dans la majorité des pays de l’UE entre 2010 et 2015 (OCDE, 2018[75])39.
2.3.13. Si certaines formes d’emploi sont nouvelles, les principaux enjeux pour l’action publique sont aussi anciens que le travail atypique lui-même
Compte tenu des éléments exposés ici, les formes d’emploi atypiques (les plus atypiques d’entre elles notamment, comme le travail à la demande), et le travail de mauvaise qualité plus généralement, appellent de nouvelles mesures des pouvoirs publics. L’objectif, toutefois, ne doit pas consister à les réglementer jusqu’à les faire disparaître ou à imposer des règlementations trop strictes, car la diversité des contrats de travail reste un outil important, qui permet aux entreprises de s’adapter à l’évolution du marché, et aux travailleurs de mieux concilier vie privée et vie professionnelle. L’action publique doit avoir pour objectifs prioritaires d’éviter les abus et d’améliorer la qualité des emplois atypiques.
2.3.14. La frontière entre le travail salarié et indépendant est de plus en plus floue, ce qui pose un problème majeur aux régulateurs
Une question qui a fortement retenu l’attention de l’opinion publique, des autorités, et des milieux juridiques ces dernières années est celle de la qualification correcte des travailleurs qui semblent relever de la zone grise située entre le statut de salarié et celui de travailleur indépendant. Le statut des travailleurs de l’économie de plateforme est un exemple classique de l’éventuelle ambiguïté qui pourrait donner lieu à controverse. Ces travailleurs sont généralement classés dans la catégorie des indépendants. Or, à l’instar des employés, ils n’exercent souvent qu’un contrôle limité sur leur travail (dans certains cas, par exemple, ils ne peuvent fixer leurs prix, sont tenus de porter un uniforme, ne peuvent choisir l’ordre d’exécution de leurs tâches, etc.). Le problème ne se limite toutefois pas à l’économie de plateforme - de nombreux coiffeurs, plombiers et jardiniers ont été confrontés à des difficultés analogues par le passé. Parfois, ces travailleurs sont abusivement qualifiés d’indépendants pour échapper aux règlementations, ou pour bénéficier d’un traitement fiscal préférentiel. Ce n’est cependant pas toujours le cas. Souvent, les relations professionnelles sont véritablement difficiles à définir et peuvent appeler une révision de la législation, notamment de la définition des termes « employé », « travailleur indépendant » et « employeur ». Même lorsque le statut des travailleurs est correctement défini et qu’ils sont véritablement indépendants, une intervention des autorités pourrait se justifier en vue d’améliorer leur situation sur le marché du travail, par exemple parce qu’ils sont confrontés à un monopsone (et sont des preneurs de prix) ou se trouvent en situation de dépendance économique. Quelques pays ont remédié à ce problème en leur donnant accès à certains (mais généralement pas à l’intégralité) des droits et protections dont bénéficient les employés (les avantages et inconvénients des différentes approches sont examinés au chapitre 4). Outre la nécessité de gommer les éventuelles ambiguïtés de statut, les pouvoirs publics devraient examiner les moyens de favoriser l’accès des travailleurs atypiques à la représentation collective, à de meilleurs possibilités de formation, à un régime de sécurité sociale plus avantageux et à une protection adéquate de l’emploi (comme analysé aux chapitres 4 à 7).
2.4. L’inclusivité : prévenir le creusement des inégalités dans le monde du travail à venir
Les mutations que connaît le marché du travail n’ont pas les mêmes retombées sur tous les travailleurs. Certains ont tiré grand avantage des nouveaux débouchés qu’elles ont créés. D’autres ont vu leurs emplois déstructurés ou détruits par ces évolutions ce qui, en l’absence d’un accompagnement adéquat, s’est traduit par une perte considérable de bien-être.
L’enjeu majeur pour les pouvoirs publics consiste à donner à tous les travailleurs la possibilité de tirer profit des futurs débouchés, faute de quoi les clivages sociaux s’accentueront, ce qui risque d’attiser les tensions, de menacer le bien-être et de susciter des troubles politiques.
2.4.1. Le taux d’emploi global progresse, mais certains secteurs sont en déclin
Si, comme expliqué plus haut, le taux d’emploi global a continué de progresser en dépit de profondes transformations structurelles, des pans entiers de l’économie ont périclité sous l’effet des mégatendances. Les pertes d’emploi occasionnées sont considérables et de nombreux travailleurs ont vu leur vie bouleversée. Une étude récente de l’OCDE examine l’évolution de l’emploi dans les grands secteurs d’activité (OCDE, 2017[10]). Elle met en évidence un déséquilibre manifeste : au cours des vingt dernières années, la plupart des nouveaux emplois se sont créés dans le secteur des services, alors que l’activité dans le secteur manufacturier s’est dans l’ensemble contractée (Graphique 2.13). Cette évolution a contribué à creuser les disparités entre les différentes catégories de travailleurs, et elle est en partie à l’origine de la polarisation du marché du travail40.
La transition vers une économie à faibles émissions de carbone accentue certaines de ces tendances. Les industries primaires, comme les industries extractives et les industries à fortes émissions du secteur manufacturier, seront les plus touchées. Selon les estimations, une taxe carbone relativement modérée supprimerait 8 % des emplois liés à l’extraction de combustibles fossiles et à la production d’électricité d’ici à 2035 (Château, J., Bibas et Lanzi, 2018[41]). L’écologisation de l’économie créera certes de nouveaux emplois, mais généralement dans d’autres secteurs, souvent dans d’autres régions, et, dans de nombreux cas, ceux-ci appelleront d’autres compétences. Faute de programmes de reconversion professionnelle adaptés, ils seront tout simplement hors de portée des victimes de suppressions d’emplois.
La perspective des suppressions d’emplois est d’autant plus préoccupante que la population vieillit. À court terme, cela pourrait accentuer le risque de chômage de longue durée chez les travailleurs spécialisés plus âgés, qui ont davantage de difficultés à se reconvertir et à retrouver un emploi à salaire équivalent (OCDE, 2005[91] ; OCDE, 2019[22]). À l’heure où l’espérance de vie et l’âge de la retraite augmentent dans de nombreux pays de l’OCDE, les travailleurs quadragénaires et quinquagénaires victimes de licenciement dans le secteur manufacturier ont encore vingt années de vie active devant eux, sinon plus. Un élément peut toutefois prêter à l’optimisme : le niveau d’instruction de la main-d’œuvre ayant progressé au fil du temps, les travailleurs seniors sont de mieux en mieux formés, et donc mieux armés pour un changement de carrière.
L’accompagnement des travailleurs licenciés pendant ces transitions difficiles appelle une intervention urgente des pouvoirs publics. Une mesure essentielle consiste à mettre en place des dispositifs de protection sociale efficaces face aux suppressions d’emplois. Tout aussi importantes, les mesures d’activation doivent intervenir le plus tôt possible, éventuellement en amont des licenciements (OCDE, 2019[22]). Une action efficace et pertinente suppose de recenser les travailleurs qui ont le plus besoin d’aide et de mettre au point de programmes d’assistance personnalisés (chapitre 7). Une autre mesure déterminante consiste à définir les moyens d’aider les travailleurs à actualiser leurs compétences et à en acquérir de nouvelles (chapitre 6).
2.4.2. Le marché du travail s’est polarisé
Une autre mutation bouleverse le marché du travail des économies avancées : la polarisation de l’emploi. Ces dernières décennies, la part des emplois moyennement qualifiés a diminué par rapport à celle des emplois très et peu qualifiés (Autor, Katz et Kearney, 2006[93] ; Goos et Manning, 2007[94] ; Goos, Manning et Salomons, 2009[95] ; OCDE, 2017[10])41. Dans quasiment tous les pays pour lesquels on dispose de données, ce phénomène s’est traduit par un glissement global de l’emploi vers les professions très qualifiées (Graphique 2.14)42.
Quels sont les facteurs déterminants de la polarisation de l’emploi ? Le déclin du secteur manufacturier en est en partie responsable, puisque bon nombre de ses emplois se situent également au milieu de l’échelle de distribution des salaires, mais il n’est pas seul en cause. En réalité, la polarisation est principalement due à la perte d’emplois moyennement qualifiés à l’intérieur des secteurs (OCDE, 2017[10]). L’évolution technologique et la mondialisation ont considérablement favorisé ce phénomène. Les emplois moyennement rémunérés sont les plus susceptibles d’automatisation ou de délocalisation compte tenu du caractère très répétitif de leur contenu, facile à codifier en une série d’instructions qu’une machine ou un travailleur situé dans un autre pays peuvent exécuter.
La question de l’influence relative du progrès technique et de la mondialisation sur la polarisation de l’emploi fait l’objet d’un vif débat. Il est difficile d’y apporter une réponse, car les deux mégatendances se complètent et se renforcent mutuellement. C’est ce que s’efforce de faire une étude récente de l’OCDE, qui montre que la polarisation d’un secteur est essentiellement liée au degré de pénétration des TIC dont il fait l’objet, le rôle de la mondialisation étant moins net (OCDE, 2017[10] ; Breemersch, Damijan et Konings, 2017[96]). Le renforcement des barrières aux échanges risque donc de ne guère réduire les pertes d’emploi dans les secteurs en déclin si les effets de l’automatisation entrent également en jeu. Il convient toutefois de noter que les données d’observation varient selon les pays, et que des travaux de plus en plus nombreux font état des effets négatifs de la concurrence des importations en provenance de pays comme la Chine sur les marchés du travail locaux, effets dont il ne faut pas minimiser l’ampleur (Autor, Dorn et Hanson, 2013[30]). On observera par ailleurs que la polarisation de l’emploi induite par les technologies n’est pas forcément synonyme de licenciements. Il se peut en effet que les jeunes qui arrivent sur le marché du travail soient moins nombreux à occuper des emplois moyennement qualifiés, et que les travailleurs seniors dans ces professions partent à la retraite (Dauth et al., 2017[97] ; Green, à paraître[98]).
Les retombées de la mondialisation sur le marché du travail des pays de l’OCDE ces dernières décennies ont été étroitement liées à l’intégration rapide d’acteurs mondiaux de premier plan, tout particulièrement la Chine, dans les CVM. Ce phénomène s’est traduit par ce que certains auteurs ont qualifié de « grand doublement » de l’offre mondiale de main-d’œuvre (Freeman, 2007[99]). Comme la réussite de la Chine tient en grande partie à sa production à faible coût et à forte intensité de main-d'œuvre, l’expansion de ses exportations a exercé des pressions sur les emplois et les salaires des travailleurs peu et moyennement qualifiés de nombreux pays de l’OCDE – voir par exemple Autor, Dorn and Hanson (2013[30]) – et a nourri leur sentiment d’être les laissés pour compte de la mondialisation. L’intégration ultérieure d’un plus grand nombre de pays en expansion démographique dans les CVM aura d’autres conséquences notables sur le marché du travail, mais elles seront peut-être moins brutales, et sans doute différentes des précédentes. En effet, les pays émergents forment aujourd’hui un nombre grandissant de travailleurs très qualifiés qui rivalisent sur le marché mondial du travail.
La réflexion à ce sujet part souvent du principe selon lequel la baisse du pourcentage des professions moyennement qualifiées a entraîné un recul de celui des emplois moyennement rémunérés. Or, pour deux raisons fondamentales, cela n’est pas le cas (chapitre 3). La première est que bon nombre des emplois très qualifiés (dont la proportion a progressé dans tous les pays) sont aussi moyennement rémunérés. La seconde est qu’il existe aujourd’hui une propension à rémunérer à un niveau intermédiaire toutes les professions (y compris les métiers très qualifiés et peu qualifiés), d’où une hausse globale de la proportion des emplois moyennement rémunérés.
Les interactions complexes de ces mutations ont eu des retombées distinctes sur le sort des différents travailleurs (chapitres 3). Dans les pays de l’OCDE, notamment, la probabilité que les jeunes non diplômés de l’enseignement supérieur soient sans emploi et ne suivent aucune formation a globalement augmenté, de même que la probabilité d’occuper un emploi faiblement rémunéré pour ceux qui travaillent. Par ailleurs, si le risque de non-emploi demeure nettement supérieur pour les femmes, le taux de non-emploi des hommes a progressé dans la plupart des pays. Les femmes demeurent aussi plus susceptibles d’occuper des emplois faiblement rémunérés, et sont moins souvent appelées à exercer des emplois à salaire élevé, même si la probabilité qu’elles occupent des emplois à rémunération intermédiaire a augmenté.
2.4.3. Les évolutions du marché de l’emploi participent peut-être du malaise et du mécontentement croissants de la classe moyenne
La polarisation de l’emploi est souvent associée au sentiment d’un rétrécissement de la classe moyenne dans les pays avancés (OCDE, 2016[100] ; Manfredi et Salvatori, à paraître[101] ; OCDE, 2019[102]). En effet, les emplois moyennement qualifiés ont de tous temps été associés aux ménages de la classe moyenne, et leur déclin relatif a fait craindre le tarissement d’une source importante de revenus pour cette catégorie de la population43. La contraction de la classe moyenne est un sujet de préoccupation de premier plan des pouvoirs publics car elle signifie que les débouchés économiques sont moins également répartis et que les chances de mobilité sociale ont diminué.
De récents travaux de l’OCDE montrent que la polarisation n’a pas en soi fait baisser le pourcentage de travailleurs parmi les ménages à revenu intermédiaire (Manfredi et Salvatori, à paraître[101]). En fait, ce pourcentage n’a pas sensiblement évolué au cours des vingt dernières années, bien que des différences soient observables selon les pays44. Cela tient à ce que le recul des emplois moyennement qualifiés (conducteurs d’installations et de machines, ouvriers de l’assemblage, employés administratifs et artisans) a été en grande partie compensé par une progression des emplois très qualifiés (techniciens et professions intermédiaires, cadres et professions intellectuelles), également répandus parmi les ménages à revenu intermédiaire45. Par ailleurs, la proportion de travailleurs très qualifiés appartenant à des ménages à revenu intermédiaire a également progressé. Sous l’effet conjugué de ces tendances, la composition des qualifications de la classe moyenne s’est profondément modifiée, la proportion de travailleurs très qualifiés ayant davantage augmenté dans les ménages à revenu intermédiaire que dans l’ensemble de l’économie (OCDE, 2019[102]).
2.4.4. Des promesses non tenues ?
En conclusion, certains emplois sont de moins en moins en mesure d’offrir le même niveau de revenu et de sécurité sur le marché du travail qu’autrefois. Les professions moyennement qualifiées ne garantissent plus l’accès à la classe moyenne, et les emplois très qualifiés ne permettent plus aux travailleurs de parvenir automatiquement aux niveaux plus élevés de l’échelle des revenus (OCDE, 2019[102]), ce qui peut créer un profond sentiment d’insatisfaction, surtout chez ceux qui ont choisi leur métier à une époque où ces évolutions ne se dessinaient pas encore clairement, et dont la situation professionnelle est restée en deçà de leurs attentes.
Ce type de phénomène participe sans doute de l’inquiétude et du mécontentement grandissants observés dans de nombreux pays de l’OCDE et qui, loin de se limiter aux personnes situées aux échelons inférieurs de la distribution des revenus, s’étendent de plus en plus aux ménages de la classe moyenne. Un rapport récent de la Resolution Foundation du Royaume-Uni, par exemple, dresse un tableau détaillé des professions et montre que certains emplois de la fonction publique (enseignants, agents de police et militaires par exemple), qui étaient généralement associés à la classe moyenne, comptent parmi celles dont la position relative sur l’échelle des revenus a le plus régressé (Corlett, 2016[103]).
2.4.5. La part du revenu national allouée au travail ne cesse de s’effriter
En lien direct avec le creusement des inégalités économiques et l’insatisfaction croissante dans de nombreux pays de l’OCDE, la proportion du revenu national allouée aux travailleurs sous la forme de revenus du travail diminue, alors que celle qui va aux détenteurs de capital augmente. En vingt ans, la part du travail au niveau agrégé a reculé de 3.5 points de pourcentage (passant de 7.15 % environ à 68 %) dans les 24 pays examinés dans une étude récente de l’OCDE (OCDE, 2019[22]). Au cours de la même période, l’économie a été marquée par le découplage des salaires médians réels vis-à-vis de la productivité, la seconde progressant beaucoup plus vite que les premiers46. Si les salaires réels médians avaient évolué en parfaite synchronie avec la productivité pendant ces deux décennies, leur niveau aurait été supérieur de 13 % à celui relevé au terme de la période (Graphique 2.15). Autrement dit, contrairement aux décennies précédentes, les gains de productivité engendrés par l’économie ne se sont pas traduits par des gains salariaux globalement répartis entre tous les travailleurs (Schwellnus, Kappeler et Pionnier, 2017[104]).
Cela posé, la part du travail dans le revenu national n’a pas uniformément reculé dans tous les pays. Si elle a perdu quelque 8 points de pourcentage aux États-Unis et près de 6 points au Japon, elle est restée globalement constante ou a augmenté dans la moitié environ des pays de l’OCDE considérés, dont la France, l’Italie et le Royaume-Uni47. Ces disparités reflètent en partie celles que l’on peut observer au niveau du cycle conjoncturel. Schwellnus et al. (2018[105]) montrent que lorsque l’écart de production augmente de 1 %, la part du travail diminue de 0.5 point de pourcentage. Il s’avère toutefois que les réformes structurelles menées dans divers domaines, comme les institutions du marché des produits et du travail, ainsi que la négociation collective, ont une incidence notable sur l’évolution de la part du travail, et pourraient en partie expliquer les divergences entre pays (Schwellnus et al., 2018[105]).
Le progrès technologique et (dans une moindre mesure) la mondialisation peuvent expliquer l’essentiel de la contraction de la part du travail (OCDE, 2019[22]) ; en effet, les avancées technologiques qui entraînent un accroissement de la productivité du capital ou diminuent les prix relatifs de l’investissement favorisent la substitution du capital au travail et augmentent l’intensité capitalistique globale. La mondialisation peut avoir une incidence analogue. La délocalisation et la concurrence des importations se traduisent généralement par des pertes d’emplois dans les métiers à relativement forte intensité de main-d’œuvre, et augmentent ainsi l’intensité capitalistique du processus de production ; ces effets ont toutefois été moins prononcés. Par ailleurs, ces dynamiques n’ont pas la même incidence sur tous les secteurs, et font généralement plus de tort aux travailleurs peu qualifiés. Dans les secteurs où les tâches répétitives dominent, la substitution du capital au travail consécutive à la baisse des prix relatifs de l’investissement est particulièrement marquée. Elle est en revanche moindre lorsque la proportion de travailleurs très qualifiés est élevée, même dans les secteurs où les tâches répétitives occupent une place importante 48.
2.4.6. Dynamique du « presque tout au gagnant », entreprises superstars, et contraction de la part du travail
Le repli de la part du travail dans le revenu national est également lié au phénomène du « presque tout au gagnant » (winner-takes-most). Ce processus, au travers duquel les entreprises les plus productives s’emparent d’une part considérable du marché (Rosen, 1981[106] ; Frank et Cook, 1995[107] ; Autor et al., 2017[28]), résulte lui-même du progrès technologique et de la mondialisation La chute du coût des TIC et des coûts de transport, l’accès plus large aux données relatives aux consommateurs, et la réduction des droits de douane ont permis aux entreprises de gagner des parts croissantes sur le marché mondial, ce qui s’est traduit par une hausse considérable des économies d’échelle potentielles. De ce fait, les entreprises les plus productives de l’économie (les entreprises « superstars ») sont aujourd’hui nettement plus grandes qu’elles ne l’étaient quelques décennies auparavant ; cela signifie que leur part du travail s’amenuise (puisque la part des coûts fixes de main-d’œuvre dans la valeur ajoutée diminue et/ou que leurs marges commerciales augmentent). En conséquence, un renforcement sensible de la concentration sectorielle est intervenu en Europe et en Amérique du Nord entre 2000 et 2014 (Bajgar et al., à paraître[108]). En outre, une réaffectation de la production s’opère vers les entreprises les plus performantes (et, partant, vers un processus de production à plus faible intensité de main-d’œuvre) à mesure que leur part de marché augmente. Les conclusions de travaux récents de l’OCDE corroborent cette thèse. La dynamique du « presque tout au gagnant » a contribué à réduire la part du travail, sous le double effet d’une contraction de la part du travail dans le groupe des entreprises de pointe et de la redistribution des parts de marché au profit de ces entreprises (OCDE, 2019[22]). Pour les responsables publics, cela veut dire que la politique de concurrence doit rester au tout premier rang de leurs priorités. Il s’agit d’éviter que les entreprises vedettes ne s’adonnent à des pratiques anticoncurrentielles et de préserver la contestabilité des marchés sur lesquels elles opèrent. Ces mesures serviront aussi les intérêts des petites entreprises, pour lesquelles l’accès à des marchés très concentrés risque de devenir prohibitif.
2.4.7. La concentration croissante du marché dans certains secteurs ravive les craintes d’un renforcement du pouvoir de monopsone
La concentration grandissante du marché des produits, en partie due à la dynamique du « presque tout au gagnant », est un sujet de préoccupation croissant pour les pouvoirs publics. De Loecker and Eeckhout (2017[109]) établissent que les marges bénéficiaires des entreprises augmentent. Calligaris et al. (2018[110]) démontrent que ce phénomène est particulièrement manifeste dans le secteur du numérique, où la dynamique du « presque tout au gagnant » domine. La hausse des marges bénéficiaires signifie que le pouvoir de marché des entreprises augmente : en effet, plus la part du marché d’une entreprise est importante, plus elle est libre de relever ses prix (ou de proposer des salaires plus bas).
Cette concentration croissante du marché ravive également les craintes d’un monopsone sur le marché du travail, à savoir une situation dans laquelle une entreprise domine le marché et peut contenir la hausse des salaires du fait qu’elle est le seul ou le principal employeur. Un cas typique de monopsone est celui de la « cité ouvrière » du passé, dont les communautés minières en milieu rural sont un exemple. Des études plus récentes, ainsi que la mise au point de modèles de recherche et d’appariement, ont révélé que le monopsone peut naître de différents facteurs, comme le manque d’informations concernant les emplois disponibles, la mobilité géographique restreinte des travailleurs, ou l’inadéquation des compétences. Les réglementations peuvent elles aussi avoir un effet pervers. Les clauses de non-concurrence et les autorisations d’exercice, mais aussi les prestations de santé et de retraite attachées à certains emplois, peuvent empêcher les travailleurs de rechercher des emplois mieux rémunérés, ou d’autres d’y accéder (chapitre 4). Par ailleurs, le recul de la syndicalisation et l’affaiblissement des institutions de négociation collective risquent de réduire encore le pouvoir de négociation des travailleurs et de renforcer le pouvoir de monopsone (chapitre 5).
La réflexion sur le monopsone demeure toutefois assez limitée, d’une part parce que le phénomène est difficile à établir, d’autre part en raison du mode opératoire de la politique de concurrence. Malgré les problèmes d’évaluation, des études récentes portant sur les États-Unis font état d’une concentration croissante du marché du travail. Azar, Marinescu and Steinbaum (2017[111]), se fondant sur les données d’un important site d’annonces d’emplois, montrent qu’une plus forte concentration va de pair avec une diminution des salaires proposés49. Benmelech, Bergman and Kim (2018[112]) mesurent la concentration de l’emploi et son incidence sur les salaires au moyen de données de recensement des industries manufacturières portant sur une longue période. Ils révèlent l’existence d’un rapport négatif entre la concentration d’employeurs à l’échelon local et les salaires, celui-ci étant plus marqué lorsque le degré de concentration est élevé. Ils constatent également une corrélation entre l’exposition à la concurrence des importations chinoises et la concentration des marchés du travail. Reste à définir dans quelle mesure ces évolutions sont également observées dans d’autres pays de l’OCDE (voir le chapitre 4 pour une analyse plus approfondie de ces questions et des données)50.
2.4.8. Les effets des mégatendances sont géographiquement concentrés et accentuent les disparités régionales
Si les écarts de PIB par habitant et de productivité du travail entre les pays se sont résorbés au cours des deux dernières décennies (en Europe notamment), les inégalités à l’intérieur des pays (entre différentes régions d’un même pays) demeurent profondes, et se sont même accentuées (OCDE, 2018[113]).
Les disparités géographiques sont particulièrement flagrantes entre milieux ruraux et milieux urbains. Le taux moyen de création d’entreprises, qui s’élève à 13 % (du nombre total d’entreprises existantes) dans les régions à dominante urbaine, ne dépasse pas 10.9 % dans les zones principalement rurales51. Plus important encore, la composition sectorielle et les caractéristiques des nouvelles entreprises diffèrent considérablement selon les zones : les zones urbaines attirent d’ordinaire les entreprises à forte intensité de savoir, qui offrent généralement les meilleures perspectives (OCDE, 2018[113]).
Les mégatendances ont accentué les déséquilibres régionaux (OCDE, 2018[114]). Les effets défavorables de la concurrence des importations et de la délocalisation, mais aussi des suppressions d’emplois dues aux nouvelles technologies, sont particulièrement prononcés dans les régions qui affichent les plus fortes concentrations d’entreprises de secteurs à forte proportion de tâches répétitives. La région du Midwest et des Grands Lacs, aux États-Unis (couramment désignée sous le nom de « ceinture de rouille ») en est un exemple classique, son économie ayant été bouleversée par le déclin des industries manufacturières autrefois prédominantes (comme l’industrie automobile). Des évolutions similaires sont observables dans les pays de l’OCDE, les emplois susceptibles d’être automatisés étant inégalement répartis entre les régions. De manière générale, les régions-capitales sont les moins exposées à ce risque, alors que les régions périphériques (où les industries manufacturières parvenues à maturité sont souvent plus présentes) comptent une plus forte proportion d’emplois automatisables (OCDE, 2018[114]). La transition vers une économique plus verte accentue ces tendances. Le vieillissement démographique et la dépopulation exacerbent les difficultés économiques auxquelles se heurtent ces régions et réduisent encore leur potentiel de production.
Un nombre grandissant de travaux mettent en évidence l’effet des mégatendances sur les marchés du travail locaux. Autor, Dorn and Hanson (2013[30]), montrent par exemple qu’aux États-Unis, lorsqu’un marché du travail local était plus exposé à la concurrence des importations chinoises (parce qu’il représentait un part plus importante de l’emploi national dans les secteurs fortement confrontés à cette dernière), l’emploi manufacturier y accusait une baisse de 4.5 % et le taux d’emploi un recul de 0.8 point de pourcentage par rapport à un marché moins exposé. Diverses études aboutissent à des conclusions similaires dans d’autres pays, et révèlent que lorsque les secteurs les plus atteints par la concurrence des importations sont concentrés dans certaines régions, celles-ci peuvent connaître des pertes d’emploi substantielles (Dauth, Findeisen et Suedekum, 2014[115] ; Balsvik, Jensen et Salvanes, 2015[116] ; Donoso, Martín et Minondo, 2015[117]).
Un problème crucial est celui de la vitesse à laquelle les pertes d’emploi se produisent. Si les emplois disparaissaient progressivement, et si le phénomène était réparti sur une plus grande zone géographique, les travailleurs trouveraient plus facilement de nouveaux débouchés et pourraient même bénéficier du renouvellement de l’emploi puisque de nouveaux postes seraient sans doute créés dans des entreprises plus productives (OCDE, 2018[113]). Or, des études de plus en plus nombreuses indiquent que les pertes d’emploi dues aux mégatendances, et plus particulièrement aux échanges, sont très concentrées, et qu’il faut beaucoup de temps pour qu’elles soient compensées par la croissance de l’emploi dans d’autres entreprises ou secteurs (OCDE, 2017[118]).
Les effets très inégaux des mégatendances sur les régions ont alimenté une « géographie du mécontentement » marquée par une concentration croissante, dans certaines régions, des sentiments d’insatisfaction à l’égard des échanges, de l’immigration et des inégalités économiques (OCDE, 2018[113] ; OCDE, 2017[119]) . L’incapacité des économistes et des responsables publics à reconnaître les dangers de la mondialisation pour certaines régions et populations a alimenté le scepticisme mondial vis-à-vis des échanges internationaux et, plus généralement, des conseils des élites (Krugman, 2018[120]).
Face à ce constat, les décideurs se heurtent à un dilemme difficile. Les échanges sont bénéfiques à l’économie nationale (comme indiqué plus haut), mais ils peuvent avoir des conséquences négatives durables dans certaines régions (et pour certaines catégories de travailleurs). Pour favoriser une prospérité partagée, l’intégration commerciale doit s’accompagner d’interventions publiques appropriées destinées à aider les régions, les secteurs et les travailleurs qui risquent de se laisser distancer. Les politiques protectionnistes qui visent à limiter les échanges pour protéger certains secteurs ou certaines régions pourraient toutefois avoir des effets préjudiciables sur le reste de l’économie. En effet, la réduction des échanges diminuerait à la longue les niveaux de vie du fait qu’elle limiterait les gains de productivité dérivant de la spécialisation, freinerait l’innovation et entraînerait une hausse des prix à la consommation – pour une analyse approfondie des mesures susceptibles de résorber les déséquilibres régionaux, voir OCDE (2018[113]).
2.4.9. En l’absence de mesures opportunes, les mégatendances risquent de creuser les inégalités sur le marché du travail
Les transformations dues au progrès technologique, à la mondialisation et à l’évolution démographique sont allées de pair avec une tendance alarmante dans de nombreux pays de l’OCDE : l’accroissement des inégalités de revenus. Aujourd’hui, dans les pays de l’OCDE, les 10 % des salariés les plus riches ont des revenus 9.4 fois plus élevés que les 10 % les plus pauvres (OCDE, 2019[121]). Il y a une génération seulement, le ratio était de sept pour un (le Graphique 2.16 illustre l’écart entre les hauts et les bas revenus au cours des trois dernières décennies). Les chiffres relatifs à la distribution de la richesse sont encore plus saisissants : les 10 % les plus riches détiennent autant de richesses que les 90 % les plus pauvres, et 3 % des richesses sont détenues par 40 % de la population. Ces inégalités de richesse et de revenus créent d’autres formes d’inégalités des chances, notamment en termes d’éducation et de santé (Andersen, 2015[122] ; Chetty et al., 2016[123]). À terme, ces profondes inégalités se traduisent par une baisse de la mobilité pour les individus et un recul de la productivité pour les économies (OCDE, 2015[39] ; OCDE, 2019[121]).
Les responsables publics et les experts s’accordent de plus en plus à reconnaître l’enjeu politique majeur que constituent les inégalités et le risque considérable qu’elles présentent pour le fonctionnement des économies et des sociétés. Les inégalités de revenus occupent une place prioritaire à l’ordre du jour de l’OCDE, avec son Initiative pour la croissance inclusive, et d’autres organisations internationales52. Selon les résultats d’une enquête menée par le Pew Research Center auprès des populations à travers le monde, 50 % au moins des répondants dans chacun des pays européens couverts se déclaraient très préoccupés par les inégalités de revenus (Pew Research Center, 2013[124]). Par ailleurs, une enquête réalisée auprès de plus de 10 000 personnalités influentes dans les pays en développement a révélé que plus de 50 % d’entre elles y voyaient un « très grave problème ». Parmi les pays couverts, ce sont les dirigeants mexicains et colombiens qu’elles inquiétaient le plus (Guo, 2017[125]).
Ces résultats font écho aux conclusions d’un nombre grandissant d’études dont il ressort que de fortes inégalités peuvent entamer la productivité et réduire la mobilité sociale et, partant, brider la croissance et alimenter l’insatisfaction. Des travaux récents de l’OCDE montrent qu’en empêchant de vastes segments de la société d’investir dans le capital humain, les inégalités peuvent affaiblir la productivité et la croissance (OCDE, 2015[39]). Par ailleurs, si l’un des arguments fréquemment invoqués pour justifier les inégalités est qu’il faut motiver les travailleurs à récolter les fruits de leurs efforts, les chances pour un individu de parvenir à une meilleure situation que ses parents sont moindres dans les sociétés plus inégalitaires. Il n’existe pas un seul pays dans la zone OCDE qui combine inégalités économiques élevées et forte mobilité (OCDE, 2019[121]). Au contraire, les inégalités semblent se creuser au fil des générations, les plus riches créant des communautés fermées, au sens propre comme figuré, qu’une éducation et des soins de santé de qualité et leur influence politique leur permet de perpétuer (OCDE, 2016[126] ; OCDE, 2015[39] ; Epp et Borghetto, 2018[127]).
Les mutations en cours sur le marché du travail sont liées à l’accentuation des inégalités de revenus marchands, et en l’absence de réformes substantielles, cette évolution devrait se poursuivre. Les progrès techniques qui valorisent les compétences continueront sans doute d’enrichir les hauts revenus, qui possèdent les qualifications et le capital nécessaires, et de creuser le fossé avec les plus défavorisés. Les nouvelles technologies et l’accès au marché mondial favorisent en outre l’ascension d’un petit nombre d’entreprises vedettes dont le pouvoir de marché et les bénéfices augmentent. En même temps, le pouvoir de négociation des travailleurs s’amenuise (voir le chapitre 5) et de nouvelles formes d’emploi précaire gagnent du terrain (un phénomène également dû, dans de nombreux secteurs, à un processus de production de plus en plus « éclaté », selon lequel les tâches ne sont plus confiées aux salariés de l’entreprise mais à des sous-traitants, comme l’analysent Weil and Goldman (2016[128]) et Weil (2014[29])). En conséquence, la concentration des revenus et des richesses risque de s’accentuer, et la mobilité sociale pourrait encore s’amenuiser (OCDE, 2019[121]). Les évolutions démographiques pourraient amplifier cette tendance. En l’absence d’action décisive des pouvoirs publics, l’accroissement des inégalités de revenus sur des durées de vie de plus en plus longues risque de créer une sous-classe de personnes âgées (OCDE, 2017[12]).
Cela dit, les données internationales sur l’aggravation des inégalités montrent aussi que ce phénomène n’est en rien inéluctable. Les politiques et les institutions jouent un rôle important et peuvent fortement contribuer à amortir les conséquences des nouvelles technologies, de la mondialisation et du vieillissement démographique sur les inégalités.
Encadré 2.5. La transformation structurelle et le problème du creusement des disparités dans les économies émergentes
La transformation structurelle a favorisé la croissance économique et résorbé la pauvreté dans les pays émergents. L’évolution d’activités à forte intensité de main-d’œuvre et à faible productivité vers des activités plus productives à forte intensité de compétences et de capital est au cœur du développement économique.
Cette transformation est toutefois allée de pair avec une polarisation de l’emploi, bien que ce processus n’ait pas été uniforme dans tous les pays (Graphique 2.17). En Inde, en Fédération de Russie et au Brésil, la tendance dominante est au déplacement de l’emploi vers des métiers plus qualifiés (développement des compétences) alors que dans d’autres pays, comme l’Afrique du Sud, la Chine, le Mexique et la Turquie, on observe une croissance relative des professions peu qualifiées53. Les données montrent également que, dans certains pays, cette polarisation ne s’est pas produite (l’Argentine et le Pérou, par exemple, ont vu la part des emplois moyennement qualifiés progresser par rapport à celles des emplois très et peu qualifiés). Par ailleurs, à la différence des pays plus avancés (OCDE, 2017[10]), la polarisation de l’emploi dans les pays émergents résulte pour l’essentiel du déplacement de l’emploi de secteur peu polarisés (l’agriculture, mais aussi l’industrie manufacturière dans certains pays), vers les secteurs plus polarisés des services, la polarisation intrasectorielle jouant un rôle moins important (Alonso-Soto, à paraître[56]).
D’un point de vue historique, la transformation structurelle a fait reculer la pauvreté dans les économies émergentes, de nombreux emplois agricoles à faible productivité et bas salaires cédant la place à des emplois mieux rémunérés dans le secteur manufacturier et celui des services (Baymul et Sen, 2017[129]). Cependant, l’automatisation et la polarisation de l’emploi risquent désormais d’accentuer les inégalités dans ces pays. D’abord, certaines catégories de travailleurs sont exposées à un risque croissant de suppressions d’emploi en raison de l’automatisation, tout particulièrement les travailleurs peu qualifiés des secteurs manufacturiers où les emplois à fort contenu répétitif dominent (Alonso-Soto, à paraître[56]). Ensuite, la mutation en cours est liée à deux facteurs déterminants des inégalités dans les pays émergents : l’emploi informel et les écarts régionaux prononcés et persistants en termes de performance économique (OCDE, 2012[130]). D’une part, la proportion croissante d’emplois dans le secteur des services risque de favoriser l’informalité, car elle est corrélée à l’expansion de formes atypiques de travail. De l’autre, les nouveaux emplois sont généralement créés dans les zones urbaines et dans d’autres régions que celles où les emplois disparaissent, ce qui renforce des disparités régionales déjà prononcées et le clivage urbain/rural dans les pays émergents (OCDE, 2018[113]). Ces évolutions interviennent dans le contexte d’inégalités déjà élevées caractéristique de ces pays. La couverture et la générosité plus restreintes des régimes de protection sociale et le caractère peu redistributif de la fiscalité en font des défis encore plus difficiles à relever.
Source : Alonso-Soto (à paraître[56]), Technology and the future of work in emerging economies : What is different?
2.5. Conclusions
Ce chapitre décrit dans les grandes lignes les conséquences de diverses mégatendances (progrès technologique, mondialisation et évolution démographique) sur le marché du travail, et met en lumière les principaux enjeux pour les responsables publics. Une conclusion fondamentale en est que, malgré toutes les incertitudes quant à la rapidité et à la profondeur des mutations en cours, un avenir sans emplois est très improbable. Certaines tâches (et, dans certains cas, des métiers entiers) disparaissent, mais d’autres surgissent, et l’emploi global progresse. L’enjeu essentiel consistera désormais à accompagner la transition des travailleurs, des secteurs d'activité et des régions vers les nouveaux débouchés qui se créeront dans un monde du travail en plein mutation. Les perspectives sont peut-être plus inquiétantes en ce qui concerne la qualité des emplois. Dans plusieurs pays, les salaires réels de nombreux travailleurs sont au point mort depuis une décennie, et l’emploi se précarise. À cela s’ajoute le développement de différentes formes d’emploi atypiques.
Si la diversité des contrats de travail offre un moyen opportun de satisfaire aux besoins variés des entreprises et, surtout, des travailleurs, d’importants obstacles doivent encore être surmontés pour assurer la qualité des emplois atypiques. Les inégalités salariales et de revenus risquent par ailleurs de se creuser davantage. Enfin, et c’est le plus important, les coûts des ajustements ne sont pas équitablement répartis. Les travailleurs de certaines sous-catégories et régions sont plus exposés au risque de suppressions d’emploi, et souffrent de façon disproportionnée de mauvaises conditions de travail. Si rien n’est fait pour remédier à ces disparités croissantes, les clivages sociaux risquent de s’accentuer, ce qui aura des retombées négatives sur la croissance, la productivité, le bien-être et la cohésion sociale.
Les mutations dont fait état ce chapitre sont déjà amorcées. En fait, certaines sont en cours depuis des décennies, mais les mesures prises pour y faire face sont insuffisantes, ou leurs effets sont trop lents. Le débat sur l’avenir du travail les remet au premier plan, une évolution bienvenue qui devrait inciter les pouvoirs publics à engager une action décisive.
Élément particulièrement important : les conséquences négatives de certaines évolutions structurelles sur le marché du travail ne sont pas inéluctables. Les pouvoirs publics peuvent et doivent intervenir pour influer sur l’évolution future du travail. Comme l’indique la nouvelle stratégie pour l’emploi de l’OCDE (OCDE, 2018[75]), une approche à l’échelle de l’ensemble de l’administration, mobilisant les partenaires sociaux et la société civile, s’imposera pour guider ces changements. Priorité devra être donnée aux politiques liées aux compétences, à l’inclusivité de la protection sociale et de l’emploi, et à l’efficacité du dialogue social pour que toutes les parties concernées puissent faire entendre leur voix dans le débat politique. Néanmoins, la formulation de politiques appropriées ne sera possible que si l’on dispose de données de qualité sur l’évolution du monde du travail. Ces données, et leur influence sur la façon dont les responsables publics pourront orienter l’économie de manière à assurer à tous les travailleurs des emplois de meilleure qualité, font l’objet des chapitres qui suivent.
Références
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[12] OCDE (2017), Preventing Ageing Unequally, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/9789264279087-en.
[126] OCDE (2016), Making Cities Work for All : Data and Actions for Inclusive Growth, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/9789264263260-en.
[48] OCDE (2016), « Skills for a Digital World », Policy Brief on The Future of Work, Éditions OCDE, Paris, https://www.oecd.org/els/emp/Skills-for-a-Digital-World.pdf.
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[79] OCDE (2015), Perspectives de l’emploi de l’OCDE 2015, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/empl_outlook-2015-fr.
[39] OCDE (2015), Tous concernés : Pourquoi moins d’inégalité profite à tous, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/9789264235519-fr.
[58] OCDE (2014), Perspectives de l’emploi de l’OCDE 2014, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/empl_outlook-2014-fr.
[49] OCDE (2013), Perspectives de l’OCDE sur les compétences 2013 : Premiers résultats de l’Evaluation des compétences des adultes, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/9789264204096-fr.
[149] OCDE (2012), Perspectives de l’emploi de l’OCDE 2012, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/empl_outlook-2012-fr.
[130] OCDE (2012), Toujours plus d’inégalité : Pourquoi les écarts de revenus se creusent, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/9789264119550-fr.
[62] OCDE (2011), Les principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/9789264115439-fr.
[61] OCDE (2008), « Les entreprises multinationales favorisent-elles l’amélioration des rémunérations et des conditions de travail ? », dans Perspectives de l’emploi de l’OCDE 2008, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/empl_outlook-2008-7-fr.
[91] OCDE (2005), « Trade-adjustment costs in OECD labour markets: a mountain or a molehill? », dans Perspectives de l’emploi de l’OCDE 2005, Éditions OCDE, Paris, http://www.oecd.org/fr/els/emp/36780901.pdf.
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[88] ONS (2017), People in employment on a zero-hours contract, https://www.ons.gov.uk/employmentandlabourmarket/peopleinwork/earningsandworkinghours/articles/contractsthatdonotguaranteeaminimumnumberofhours/mar2017#summary (consulté le 4 juin 2018).
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[5] Pew Research Center (2018), In Advanced and Emerging Economies Alike, Worries About Job Automation.
[136] Pew Research Center (2016), Public Predictions for the Future of Workforce Automation.
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[2] Republican Party (1928), Republican Party Platforms: Republican Party Platform of 1928, http://www.presidency.ucsb.edu/ws/index.php?pid=29637 (consulté le 30 juillet 2018).
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[14] Sanders, R. (2016), « Genetic switch could be key to increased health and lifespan », Berkeley News, http://news.berkeley.edu/2016/05/03/genetic-switch-could-be-key-to-increased-health-and-lifespan/ (consulté le 13 août 2018).
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[78] Sundararajan, A. (2017), « Crowd-Based Capitalism », dans Robot-lution : The Future of Work in Latin American Integration 4.0, Integration and Trade Journal, vol. 21, n° 42, août, https://publications.iadb.org/en/integration-and-trade-journal-volume-21-no-42-august-2017-robot-lucion-future-work-latin-american.
[53] The Boston Consulting Group (2015), The Shifting Economics of Global Manufacturing: How a Takeoff in Advanced Robotics Will Power the Next Productivity Surge, https://www.slideshare.net/TheBostonConsultingGroup/robotics-in-manufacturing (consulté le 11 septembre 2018).
[133] UNICEF (2017), OPV costs, https://www.unicef.org/supply/files/OPV.pdf (consulté le 31 juillet 2018).
[29] Weil, D. (2014), The Fissured Workplace: Why Work Became So Bad for So Many and What Can Be Done to Improve it.
[128] Weil, D. et T. Goldman (2016), « Labor Standards, the Fissured Workplace, and the On-Demand Economy », dans Perspectives on Work, http://www.fissuredworkplace.net/assets/Weil_Goldman.pdf (consulté le 10 août 2018).
[132] Wheeler, D., H. Wong et T. Shanley (2009), Science and practice of pediatric critical care medicine, Springer, https://books.google.fr/books?id=3p7jezlQ0zgC&pg=PA11&redir_esc=y#v=onepage&q=polio&f=false (consulté le 8 août 2018).
Notes
← 1. Une enquête antérieure du Pew Research Center indiquait également que les citoyens américains se montrent beaucoup plus pessimistes pour le marché du travail en général que pour leur propre emploi. Si 65 % des répondants se disent convaincus « qu’une grande partie » des tâches actuellement effectuées par des humains auront été entièrement automatisées d’ici cinquante ans, 80 % estiment que leur propre emploi existera toujours (Pew Research Center, 2016[136]). Ces chiffres peuvent sembler incohérents, et donc peu exploitables, mais il faut garder à l’esprit que les perceptions des travailleurs sont des déterminants importants de leurs décisions et de leur bien-être. À ce titre, elles méritent un examen plus approfondi.
← 2. Ce chapitre a bénéficié de la contribution importante de Karen Scott.
← 3. Une progression similaire a été enregistrée dans d’autres pays. Aujourd’hui, par exemple, neuf personnes sur dix environ possèdent un téléphone intelligent en Australie, en Norvège, aux Pays-Bas, en Irlande et au Luxembourg (Deloitte, 2017[144])
← 4. Si cette hausse peut paraître considérable, il convient de garder à l’esprit que d’autres technologies transformationnelles se sont diffusées encore plus vite par le passé. On remarquera en outre que la pérennité de cette tendance n’est pas assurée, et que divers facteurs joueront, notamment les préférences des consommateurs et les choix stratégiques (comme analysé à la section 2.2.4).
← 5. Dans les économies avancées, les travailleurs s’inquiètent des suppressions d’emploi dues à la délocalisation et à l’externalisation des services, et de la vulnérabilité croissante associée à la volatilité des emplois et des revenus résultant de la concurrence mondiale. Dans de nombreuses économies émergentes, leurs préoccupations portent sur les conséquences négatives de la libéralisation des échanges, le manque de débouchés pour une main-d’œuvre de plus en plus nombreuse et la concurrence des autres économies émergentes (OECD, 2012[137]). Plus généralement, les travailleurs de tous les pays, avancés et émergents, estiment que la mondialisation contribue à creuser les inégalités de revenus et à dégrader les conditions de travail de nombreuses personnes, les travailleurs peu qualifiés des pays développés notamment.
← 6. Au début du XXe siècle, par exemple, la poliomyélite était la maladie la plus redoutée par les pédiatres – aujourd’hui, le coût moyen du traitement est inférieur à 20 centimes USD (Wheeler, Wong et Shanley, 2009[132] ; UNICEF, 2017[133]).
← 7. Ce processus ne sera cependant pas automatique, et les responsables publics devront être attentifs aux éventuels obstacles et dysfonctionnements du marché qui pourraient contrecarrer ces évolutions positives.
← 8. Dans Homo Deus, Yuval Noah Harari conjecture que ces progrès médicaux vont sans doute allonger la durée de vie —et que dans quelques décennies seulement, une longévité de 150 ans sera une possibilité, sinon la nouvelle norme. (Harari, 2016[143]).
← 9. Dans les pays où la population active est jeune et croissante, c’est l’inverse qui devrait se produire compte tenu de l’expansion de la classe moyenne et de l’urbanisation rapide. Le défi, dans leur cas, consistera à exploiter pleinement le potentiel de ce dividende démographique, en veillant à ce que les jeunes possèdent les compétences nécessaires et à ce qu’ils puissent accéder à un emploi rémunérateur, ce qui aura des retombées positives sur la croissance économique.
← 11. L’analyse modélise les conséquences qu’aurait l’application d’une taxe uniforme de 50 USD par tonne de CO2 sur les émissions de CO2 résultant d’activités économiques – hors émissions liées à l’utilisation des terres, au changement d’affectation des terres et à la foresterie (UTCATF) – dans toutes les régions du monde. Les créations et destructions d’emplois sont calculées par rapport à l’emploi en 2011 (Château, J., Bibas et Lanzi, 2018[41]).
← 12. Les experts classent un échantillon de 70 professions (l’ensemble de formation) en professions automatisables et non automatisables sur la base de la question suivante : « Les tâches correspondant à ce poste peuvent-elles être décrites assez précisément, sous réserve de disponibilité de mégadonnées, pour pouvoir être exécutées par des machines informatisées de pointe ? » Les auteurs utilisent ensuite les informations sur les impasses techniques – tâches effectuées par l’homme qui ne peuvent être automatisées – associées à ces 70 professions (l’ensemble de données O*NET) pour assigner une probabilité d’automatisation à l’ensemble des professions présentes dans l’économie des États-Unis.
← 13. Entre 2012 et 2017, les emplois classés par Frey et Osborne dans la catégorie « à probabilité élevée d’automatisation » ont effectivement progressé plus lentement, mais les prévisions des auteurs expliquent moins de 2 % de la variation des niveaux d’emploi.
← 14. Suite à ces études initiales, l’approche fondée sur les tâches a gagné du terrain dans le milieu de la recherche. Le McKinsey Global Institute, par exemple, a mené une analyse similaire qui conclut qu’environ 45 % des tâches sont menacées d’automatisation, mais que 5 % seulement des emplois risquent d’être entièrement automatisés en l’état actuel des technologies (McKinsey Global Institute, 2017[52]).
← 15. Les estimations de la Banque mondiale (2016) sont établies à partir d’une évaluation par des spécialistes de la probabilité que différentes professions soient automatisables, et suivent la même méthodologie que celle utilisée par Frey and Osborne (2017). Nedelkoska et Quintini (2018), s’ils s’écartent aussi de l’analyse de Frey et Osborne, étudient directement le contenu en tâches des différents emplois plutôt que le contenu moyen en tâches de chaque métier. Enfin, McKinsey (2017) fait appel à une analyse des activités composant chaque métier pour évaluer son potentiel technique d’automatisation. Les auteurs décomposent environ 800 métiers en plus de 2 000 activités et déterminent les capacités d’exécution nécessaires à chacune d’elles en fonction de la façon dont les humains les effectuent actuellement. Pour finir, ils décomposent chaque activité en 18 fonctions et évaluent le potentiel technique d’automatisation de chacune de ces fonctions.
← 16. Le salaire minimum peut également influer sur le degré d’automatisation des emplois, mais ce processus est encore mal compris et fait l’objet d’un vif débat. Bien que l’on ait longtemps considéré que le salaire minimum n’avait qu’une faible incidence sur l’emploi, une étude récente fondée sur des données des États-Unis a constaté que dans les États qui avaient relevé le salaire minimum, les travailleurs qui exerçaient un métier automatisable avaient été plus nombreux à perdre leur emploi. Selon la même étude, les travailleurs très qualifiés dans ces États ont pu accéder à de meilleurs emplois après cette hausse du salaire minimum (Lordan et Neumark, 2018[140]). Il conviendra toutefois de mener d’autres études avant de formuler des conclusions définitives.
← 17. Comme au chapitre 3, les travailleurs en sous-emploi sont définis comme ceux dont l’emploi principal est un emploi à temps partiel et qui déclarent soit n’avoir pas pu trouver d’emploi à temps plein, soit souhaiter travailler davantage. Le sous-emploi peut être défini de manière différente selon les contextes (il peut par exemple se rapporter à des problèmes d’inadéquation des compétences).
← 18. Les formes atypiques d’emploi englobent toutes les formes de travail qui dévient de la « norme » du contrat à temps plein, à durée indéterminée, avec un employeur unique. Elles comprennent donc les travailleurs qui occupent des emplois temporaires, les titulaires de contrats à temps partiel et les travailleurs indépendants.
← 19. Ce type de transformation est généralement plus visible dans les pays où le transfert des emplois du secteur manufacturier à celui des services (qui se prête davantage à ce type d’organisation du travail) est plus important. Il pose aussi plus de problèmes dans les pays où la polarisation de l’emploi est plus forte, et où une plus grande part des emplois dans le secteur des services est mal rémunérée (voir la section suivante).
← 20. Avec la délocalisation des emplois des économies avancées vers les pays en voie de développement où la règlementation du travail est plus souple, la mondialisation pourrait en fait avoir une incidence négative sur la qualité de l’emploi dans le monde.
← 21. Cela peut toutefois tenir au fait que c’est dans le secteur de l’exportation que l’on trouve les entreprises plus productives ; il est difficile de définir les liens de causalité (Schank, Schnabel et Wagner, 2008[135]).
← 22. Dans une étude portant sur 135 pays, Davies et Vadlamannati (2013[145]) apportent des preuves d’un nivellement par le bas des normes de travail sous l’effet de la concurrence à laquelle se livrent les pays pour attirer l’investissement direct étranger. Ce nivellement intervient au premier chef au travers de l’application laxiste des normes existantes ; il serait donc difficile d’y remédier par l’instauration de nouvelles réglementations.
← 23. Ces inquiétudes sont en partie contrebalancées par le fait que les tâches assujetties à un degré de surveillance et de microgestion substantiel pourraient compter parmi les plus automatisables, ce qui pourrait entraîner un recul des professions concernées ces prochaines décennies. Cette question mérite une réflexion plus approfondie.
← 24. Code du Travail, Art. L2242-17.
← 25. L’OCDE définit une plateforme de la façon suivante : « un service numérique qui facilite les échanges entre deux (ou plusieurs) groupes d’usagers distincts mais interdépendants (entreprises ou particuliers) qui se mettent en relation par son intermédiaire par le biais de l’Internet » (OCDE, à paraître[138]).
← 26. Les données dont on dispose à ce sujet sont toutefois insuffisantes pour que l’on puisse en tirer des conclusions définitives.
← 27. Les estimations qui sont analysées ici et qui ne figurent pas dans le graphique 2.9 se fondent sur les statistiques de la population active et sont disponibles, sur demande, auprès du Secrétariat de l’OCDE.
← 28. L’emploi intérimaire est défini ici comme l’emploi de travailleurs moyennant un contrat qui prévoit que l’employeur (l’agence), dans le cadre de son entreprise ou de son activité professionnelle, met l’employé à la disposition d’un tiers (l’entreprise utilisatrice) pour qu’il exécute un travail (sa mission), sous la supervision et la direction de l’entreprise utilisatrice, en vertu d’un accord de prestation de services entre l’entreprise utilisatrice et l’agence. Il convient de noter que certains travailleurs intérimaires ont des contrats à durée indéterminée (qui prévoient la rémunération des périodes chômées).
← 29. Les estimations qui sont analysées ici et qui ne figurent pas dans les graphiques se fondent sur les statistiques de la population active de l’OCDE.
← 30. L’OIT utilise les définitions suivantes : « travail à temps partiel substantiel » (21 à 34 heures par semaine), « travail à temps partiel de courte durée » (20 heures ou moins), et « travail à temps partiel marginal » (moins de 15 heures par semaine).
← 31. Le travail à la demande, qui englobe les contrats zéro heure, correspond à un type de contrat en vertu duquel l’employeur peut appeler l’employé lorsqu’il a du travail à lui proposer, ce qui se traduit par un nombre variable d’heures de travail.
← 32. En Italie, les contrats à la demande (lavoro a chiamata o intermittente) établissent les conditions qui permettent aux employeurs d’appeler un travailleur à venir travailler pour une durée déterminée, même à bref délai. Pour une majoration salariale de 20 %, l’employeur peut opposer la garantie du travailleur à travailler s’il est appelé. Les travailleurs à la demande bénéficient de droits sociaux analogues à ceux des salariés permanents, y compris en termes de congés, d’assurance sociale et de congés parentaux.
← 33. Aux Pays-Bas, les travailleurs à la demande peuvent signer des contrats min-max, qui prévoient une fourchette d’heures hebdomadaires de travail, ou des contrats zéro heure, qui ne fixent pas de durée de travail déterminée. Ces deux types de contrats s’inscrivent eux-mêmes dans l’une des deux catégories suivantes : i) les accords préalables, qui n’obligent ni les employeurs à proposer du travail, ni les travailleurs à l’accepter ; et ii) les contrats avec obligation de travail futur, qui obligent les employeurs à proposer le travail disponible et les employés à l’accepter. Les signataires d’un « contrat préalable », moins réglementé, ne bénéficient d’aucun droit, sauf pendant les heures où ils sont appelés à travailler. Leurs droits aux prestations en fonction des heures travaillées (congés, assurance-chômage, etc.) sont limités par rapport aux travailleurs bénéficiant d’heures garanties. En outre, les travailleurs à la demande sont parfois explicitement exclus des conventions collectives – c’est par exemple le cas des contrats concernant les stations-essence et les laveries automatiques, qui ne prévoient pas de congés payés, de congé maladie, de prestations de retraite et de jours de formation pour les travailleurs à la demande.
← 34. Au Royaume-Uni, les employeurs ne sont pas tenus d’assurer un nombre d’heures de travail minimum aux personnes embauchées en vertu de contrats zéro heure, et les travailleurs ne sont pas obligés d’accepter le travail proposé. Leurs droits et protections varient selon qu’ils sont classés dans la catégorie « travailleurs » ou « employés ». Dans la plupart des cas, ils sont classés dans la catégorie « travailleurs », qui ne leur donne droit qu’à certaines protections légales de base. Depuis mai 2015, l’usage des clauses d’exclusivité (qui empêchent un employé d’accepter du travail d’un autre employeur) sont interdites dans le cadre des contrats zéro heure. Depuis janvier 2016, les travailleurs peuvent réclamer des indemnités auprès d’un tribunal du travail lorsqu’ils ont été sanctionnés ou licenciés pour avoir cherché du travail ailleurs.
← 35. Il est possible que cette hausse soit en partie due à ce que les travailleurs sont mieux informés du type de contrats dont ils sont titulaires, suite à la couverture médiatique (souvent défavorable) dont les contrats zéro heure ont fait l’objet au Royaume-Uni. Néanmoins, le service public de l’emploi estime par ailleurs que ces contrats constituent des offres d’emploi convenables, et contraint donc les travailleurs à les accepter.
← 36. En République d’Irlande, les contrats if-and-when sont des contrats zéro heure dont le titulaire n’est pas officiellement tenu de rester disponible (autrement dit, il peut travailler « si et quand » cela convient aux deux parties). Un autre type de contrat moins couramment utilisé est le contrat zéro heure, qui exige du travailleur qu’il soit disponible si l’employeur l’appelle. Si les titulaires de contrats zéro heure sont d’ordinaire assimilés à des employés aux termes de la loi irlandaise, ce n’est généralement pas le cas des titulaires de contrats « if and when », qui ne bénéficient donc ni du droit au salaire minimum ni des protections légales (comme prévu par la loi Organisation of Working Time Act).
← 37. On s’est d’ailleurs demandé, dans certains pays (les États-Unis notamment), si les enquêtes traditionnelles sur la population active ne sous-estimaient pas la croissance des nouvelles formes de travail indépendant (Katz et Krueger, 2016[141] ; Jackson, Looney et Ramnath, 2017[142] ; Abraham et al., 2017[147]).
← 38. Seuls quelques pays ont adopté une définition officielle (juridique) du travail indépendant dépendant et, lorsque c’est le cas, elles sont généralement divergentes (voir le chapitre 4). Il est d’autant plus difficile d’estimer le nombre de travailleurs indépendants dépendants que les enquêtes classiques sur la population active et auprès des ménages ne permettent pas de les identifier.
← 39. Selon l’Étude européenne sur les conditions de travail, on peut définir les faux travailleurs indépendants comme des travailleurs pour compte propre qui n’ont généralement qu’un seul client et qui ne peuvent modifier deux des éléments suivants au moins : i) l’ordre des tâches à accomplir ; ii) la méthode de travail ; et iii) la vitesse ou le rythme de travail
← 40. Les industries manufacturières sont d’ordinaire moins polarisées que les industries de services. Leur déclin relatif concourt donc à la polarisation globale, mais il n’en est pas le moteur essentiel (le processus de polarisation est dû en majeure partie à la polarisation intrasectorielle). Pour une analyse détaillée, voir OECD (2017[10]).
← 41. Dans la lignée d’une précédente analyse de la polarisation de l’emploi (OCDE, 2017[10]), les emplois hautement, moyennement ou faiblement rémunérés (ou, respectivement, hautement, moyennement et peu qualifiés) sont définis selon la Classification internationale type des professions (CITP-88). Les actifs peu qualifiés sont ceux qui occupent un emploi relevant de la catégorie des services et de la vente et de celle des professions élémentaires (groupes 5 et 9 de la CITP). Les actifs moyennement qualifiés sont ceux dont l’emploi relève de la catégorie des emplois de type administratif, des métiers de l’industrie et de l’artisanat, et de celle des conducteurs d’installations et de machines et de l’assemblage (groupes 4, 7et 8). Les actifs très qualifiés sont ceux qui occupent un emploi dans les catégories des cadres et dirigeants, des professions intellectuelles et scientifiques et des professions intermédiaires (groupes 1, 2 et 3). Les ouvriers agricoles qualifiés sont exclus de l’analyse.
← 42. En Suisse et dans un petit nombre de pays d’Europe de l’Est, le pourcentage d’emploi peu qualifiés a également reculé. Ces résultats se fondent sur l’analyse publiée dans le chapitre 3 des Perspectives de l’emploi 2017 (OCDE, 2017[10]), où l’on trouvera une explication détaillée des choix méthodologiques ayant présidé au calcul de la polarisation (l’élaboration d’une méthode statistique pour corriger les ruptures établies dans la classification des professions intervenues dans plusieurs pays au cours de la période considérée par exemple).
← 43. Les ménages de la classe moyenne sont ceux dont le revenu disponible net se situe entre 75 % et 200 % du revenu médian des ménages dans un pays donné.
← 44. Par exemple, la proportion d’adultes actifs dans la classe moyenne a régressé de plus de 4 points de pourcentage au Danemark, au Canada, aux États-Unis et en Allemagne, alors qu’elle a augmenté de plus de 4 points en France, en Irlande et en Hongrie. Observons par ailleurs que si cette contraction n’apparaît pas toujours dans les revenus d’activité, elle tient peut-être à la hausse des coûts pour les ménages de la classe moyenne (OCDE, 2019[102]).
← 45. On notera également que faute d’expliquer le rétrécissement réel ou supposé de la classe moyenne, la polarisation de l’emploi peut être associée au sentiment d’insécurité croissant attaché à de nombreux emplois (voir le chapitre 3). Surtout, alors que les emplois moyennement qualifiés en déclin sont principalement associés à des contrats à temps plein à durée indéterminée (autrement dit classiques), l’essor des emplois très et peu qualifiés est essentiellement lié à l’emploi atypique (OCDE, 2015[39]).
← 46. Cette situation tient en partie à la contraction de la part du travail dans le revenu des facteurs (qui traduit le découplage des salaires vis-à-vis de la productivité), et en partie au creusement des inégalités salariales (qui rend compte du découplage des salaires médians vis-à-vis des salaires moyens).
← 47. La période analysée est toutefois marquée par une longue crise. Des travaux antérieurs de l’OCDE montrent que, entre 2000 et 2009, la part du travail dans le revenu national a également diminué dans ces pays (OCDE, 2012[149]).
← 48. Cela tient à ce que les travailleurs très qualifiés sont plus difficilement remplaçables, et peuvent plus facilement être affectés à des tâches non répétitives.
← 49. Dans Azar et al (2018[146]), les mêmes auteurs affinent l’analyse. Pour ce faire, ils estiment la concentration du marché du travail sur la quasi-totalité des professions et pour toutes les zones de migrations alternantes aux États-Unis à partir de données de Burning Glass Technologies (BGT).
← 50. Les données disponibles indiquent toutefois que les marchés du travail fortement concentrés représentent une part substantielle de l’emploi au Royaume-Uni et au Portugal (Abel, Tenreyro et Thwaites, 2018[148] ; Martins, 2018[139]). De surcroît, un grand nombre d’études ont également estimé une faible élasticité de l’offre résiduelle de travail – qui mesure la facilité pour les travailleurs de changer d’employeur suite à une variation des salaires dans une entreprise donnée –, généralement considérée comme une preuve de l’existence d’un monopsone sur le marché du travail – voir par exemple Sokolova and Sorensen (2018[134]).
← 51. Le pourcentage de créations d’entreprises est encore plus faible (9.3 %) dans les régions rurales isolées (qui ne se situent pas à proximité d’une agglomération de 50 000 habitants au moins).
← 52. Pour de plus amples détails sur l’Initiative de l’OCDE pour la croissance inclusive, voir http://www.oecd.org/inclusive-growth/.
← 53. Lorsque l’on interprète ces résultats, il convient de garder à l’esprit que la méthode utilisée est sensible aux modifications du nombre d’années couvert, ainsi qu’à l’intégration (ou à l’exclusion) de l’emploi agricole dans l’analyse - voir (Alonso-Soto, à paraître[56]) pour de plus amples détails.