Ce chapitre évalue les défis que devront relever les politiques de protection sociale dans le monde du travail de demain et montre, données à l’appui, que les politiques publiques comportent des carences en matière de protection sociale, qui touchent différents types de travailleurs. Les principaux défis pour l’action publique sont les suivants : une augmentation des besoins de protection sociale due à une plus grande précarité de l’emploi ou au déclin des revenus d’activité dans certains groupes ; une diminution de l’accessibilité ou de la pertinence des mesures de protection sociale créées à l’origine autour de formes d’emploi salarié stables ; et des défis en termes de pérennité, dus notamment à la possibilité pour les individus de ne plus participer aux mécanismes de mutualisation des risques. Pour les travailleurs qui occupent des formes d’emploi plus précaires, il peut être particulièrement difficile d’accéder à une protection sociale adéquate. Cependant, les différences dans l’accès à l’aide sont réduites dans certains pays ayant pourtant des systèmes protection sociale assez différents, ce qui suggère qu’il est possible d’offrir une protection sociale accessible en combinant de différentes manières assurance sociale et aide sociale sous conditions de ressources. Ce chapitre examine différentes pistes de réforme et se penche sur les approches adoptées par les pays pour préparer leurs dispositifs d’aide au revenu et de réinsertion au monde du travail de demain.
Perspectives de l'emploi de l'OCDE 2019
7. Ne laisser personne de côté : la protection sociale face à l’évolution constante du marché du travail
Abstract
Les données statistiques concernant Israël sont fournies par et sous la responsabilité des autorités israéliennes compétentes. L’utilisation de ces données par l’OCDE est sans préjudice du statut des hauteurs du Golan, de Jérusalem-Est et des colonies de peuplement israéliennes en Cisjordanie aux termes du droit international.
En bref
Les systèmes de protection sociale jouent un rôle stabilisateur précieux, surtout dans le contexte actuel, empreint d’incertitudes croissantes quant au rythme et à la portée des mutations qui s’opèrent sur le marché du travail. L’essor du numérique sera certes synonyme de nombreuses opportunités nouvelles ; néanmoins, il rendra aussi superflues de plus en plus de tâches aujourd’hui accomplies par les travailleurs, et imposera des restructurations de grande ampleur. Des données laissent penser que ces phénomènes se traduisent déjà par des suppressions et des changements d’emplois plus fréquents pour de nombreux travailleurs (chapitres 2 et 3), qui ont ainsi des besoins accrus en matière d’aide au revenu et au retour à l’emploi. Une protection sociale efficace amortit les coûts individuels et sociaux associés à ces ajustements, et peut faire en sorte que les personnes privées de leur emploi aient le temps nécessaire pour retrouver un travail adapté à leur profil ou pour suivre une formation le cas échéant. Ce faisant, la protection sociale peut aussi aider à contrecarrer les appels en faveur de mesures de nature à étouffer le dynamisme de l’économie, comme la mise en place d’obstacles aux échanges ou à l’innovation. Dans le même temps, le monde du travail de demain suscite un certain nombre de défis de grande ampleur qui pourraient mettre à mal les capacités de prévention, de protection ou de promotion qui ont guidé le développement des systèmes modernes de protection sociale. Ce chapitre évalue la nature et l’étendue de ces défis et examine des pistes de réforme pour y faire face.
Les principales conclusions qui se dégagent sont les suivantes :
Les évolutions futures des technologies et du marché du travail sont par nature incertaines. Mais cela ne doit pas servir d’excuse pour retarder les réformes qui sont nécessaires pour adapter la protection sociale au monde de demain. La modification des risques liés à l’emploi et aux revenus et l’aggravation de l’incertitude, notamment quant aux réponses que proposeront les pouvoirs publics face aux mutations du marché du travail, montrent combien la protection sociale est importante pour stabiliser les revenus et gérer les risques. Mais ces tendances ont aussi pour effet de majorer les coûts individuels et sociaux associés à une protection inefficace ou inaccessible.
Certains systèmes de protection sociale sont insuffisamment préparés à l’accélération du rythme de redistribution des emplois (c’est-à-dire des destructions et créations d’emplois dans les différentes entreprises et les différents secteurs) dont s’accompagnera sans doute l’adoption de nouvelles technologies de production. Par exemple, dans une majorité de pays de l'OCDE, moins d’un tiers des demandeurs d’emploi perçoivent une allocation de chômage.
Les progrès technologiques aidant, les formes de travail atypiques peuvent être adoptées dans un nombre croissant d’emplois, et le travail peut être organisé au moyen de relations contractuelles qui contournent les relations employé-employeurs traditionnelles. Les dispositifs de protection juridique et les régimes de protection sociale créés à l’origine autour de formes d’emploi traditionnelles ne s’appliquent plus, ou ne s’appliquent plus dans la même mesure, aux travailleurs atypiques. Non seulement cela aboutit à un traitement inéquitable, voire régressif, des travailleurs en fonction de leur statut d’emploi mais cela nuit aussi à la pérennité financière des régimes de protection sociale.
Pour les travailleurs qui occupent des formes d’emploi plus précaires, il peut être particulièrement difficile d’accéder à la protection sociale, alors même qu’ils ont souvent besoin d’une aide urgente. Dans certains pays (par exemple en Estonie, en Lettonie, au Portugal, en République slovaque et en République tchèque), par rapport aux salariés traditionnels, les travailleurs indépendants, les travailleurs temporaires ou les travailleurs à temps partiel ont en moyenne 40 à 50 % de chances en moins de bénéficier d’une forme de garantie de revenu lorsqu’ils sont sans emploi. Le fossé en termes d’accessibilité peut être particulièrement béant pour les travailleurs indépendants. Quant aux travailleurs atypiques qui bénéficient d’une garantie de revenu, ils perçoivent généralement des prestations beaucoup plus faibles que celles servies aux salariés traditionnels lorsqu’ils sont sans emploi (par exemple, en Espagne, en Grèce, en Italie et en Slovénie). Si ces inégalités d’accès ne sont pas réduites, l’essor continu de l’emploi atypique aura des conséquences néfastes sur l’inclusivité et l’équité.
La couverture retraite est aussi généralement moins étendue pour les travailleurs atypiques que pour les salariés traditionnels, ce qui les expose à un risque accru de percevoir des revenus modestes à la retraite, voire de se trouver en situation de pauvreté. Dans de nombreux pays, les travailleurs indépendants peuvent (en totalité ou en partie) choisir de ne pas cotiser aux régimes de retraite obligatoires des salariés. Dans certains pays, les cotisations sont intégralement volontaires pour la majorité des travailleurs indépendants. Dans d’autres, les cotisations obligatoires sont moins élevées pour les travailleurs indépendants que pour les salariés (Autriche et Portugal), ou sont assorties de la possibilité, pour les travailleurs indépendants, de réduire le montant de leurs cotisations obligatoires (Espagne et Pologne). Or chacune de ces dispositions aboutit à une réduction des droits à pension futurs.
Des parcours professionnels plus fluctuants ou la diversité croissante des formes d’emploi posent des problèmes particuliers aux régimes de protection sociale qui établissent un lien entre le droit à une aide ou la charge du financement et l’emploi antérieur ou actuel. Le marché du travail de demain offre néanmoins l’espace nécessaire à l’adoption de multiples stratégies en matière de protection sociale.
Dans la plupart des pays, les systèmes de protection sociale sont fondés sur la conjugaison de différents principes : focalisation sur les besoins actuels (prestations d’aide sociale sous conditions de ressources), application de conditions fondées sur l’emploi antérieur (prestations d’assurance sociale basées sur les revenus d’activité), ou octroi de prestations forfaitaires (aides universelles et sans conditions de ressources).
Compte tenu de la redistribution rapide des emplois et de l’essor des nouvelles formes de travail, ces principes posent des difficultés spécifiques aux pouvoirs publics en charge de la protection sociale, qui varient selon les pays. Les principaux piliers des régimes de protection sociale, comme l’assurance ou l’aide ciblée sur le revenu, resteront viables mais devront s’adapter à des risques nouveaux, qui ne cessent de changer.
Cependant, les spécificités des marchés du travail et des institutions des pays sont telles que la mise en œuvre de prescriptions générales, comme l’adoption d’un revenu de base universel ou le recours exclusif aux filets de sécurité de dernier recours, risque d’être contre-productive en détournant l’attention des autorités nationales des mesures de réforme positives qu’elles peuvent tout à fait entreprendre dans le contexte des stratégies de protection sociale existantes.
De nombreux pays ont entrepris de mieux cerner les défis posés aux systèmes d’aide sociale par l’automatisation et l’évolution des formes de travail. Les réformes menées dans les pays offrent des éclairages précieux sur les options et les priorités en matière d’orientation des politiques. Certains de ces problèmes concernent des enjeux qui occupent de longue date une place de premier plan dans le débat sur la protection sociale. Néanmoins, les transformations anticipées des futurs marchés du travail confèrent souvent à leur résolution un caractère d’urgence considérablement accru.
Plusieurs priorités d’action se dégagent : i) veiller à ce que la qualification du statut d’emploi des travailleurs soit correcte (chapitre 4) ; ii) adapter les critères d’admissibilité à l’évolution des besoins des bénéficiaires ; et iii) assurer la portabilité des droits à la protection sociale entre les secteurs et entre les emplois.
Les régimes de protection sociale eux-mêmes peuvent contribuer à l’essor de l’emploi atypique. Par exemple, aux Pays-Bas, le coût total lié à l’emploi d’un salarié peut être supérieur de 60 % à celui d’un auto-entrepreneur (freier Dienstnehmer) par ailleurs identique. Dans de nombreux pays, il existe depuis longtemps des différences dans les cotisations imposées aux diverses catégories de travailleurs, et l’application de cotisations plus faibles peut être justifiée par des profils de risque spécifiques ou des questions d’équité. Mais lorsque d’autres formes d’emploi possibles, comme le travail à la demande, les micro-emplois ou l’emploi occasionnel, deviennent plus facilement accessibles, il est plus probable que des différences marquées dans les coûts de main-d’œuvre non salariaux selon les types de relations contractuelles influencent plus fortement que par le passé les comportements des travailleurs et des employeurs.
Par ailleurs, avec les nouvelles formes d’emploi, la distinction est plus floue entre la catégorie de ceux qui exercent un emploi et celle de ceux qui sont sans emploi. Cela soulève de nouvelles interrogations quant au périmètre et à l’ambition des dispositifs de protection sociale axés sur l’emploi et des mesures d’activation (mesures qui visent à maximiser les chances de retrouver un emploi et à minimiser les contre-incitations au travail).
Les personnes qui occupent des emplois atypiques peuvent avoir du mal à accéder à des programmes complets et adaptés d’aide à l’emploi, ce qui réduit leurs chances de tirer avantage des débouchés professionnels créés par un marché du travail dynamique. Dans ce contexte, il est crucial de s’attaquer aux insuffisances constatées sur le front de l’aide au revenu, qui sert généralement de point d’accès principal aux programmes de réinsertion sur le marché du travail.
Un examen minutieux de l’élaboration et de la mise en œuvre des stratégies d’activation s'impose également, afin de s’assurer que le contenu des programmes actifs du marché du travail continue de correspondre aux besoins et à la situation des bénéficiaires. Le nombre croissant de personnes en situation de « chômage partiel » (demandeurs d’emploi qui travaillent sporadiquement ou à temps partiel, y compris les travailleurs indépendants peu rémunérés) pourrait nécessiter de se focaliser davantage sur les mesures qui peuvent faciliter la transition vers un emploi de qualité, par exemple un transfert des ressources des programmes d’insertion professionnelle ou de création directe d’emplois vers l’aide à la recherche d’emploi, la formation personnalisée ou l’orientation professionnelle.
Les pouvoirs publics devraient également déterminer si les mesures d’activation et de réinsertion existantes assurent un équilibre adéquat entre obligations et aides, allant dans le sens des objectifs quantitatifs et qualitatifs pour l’emploi. Ainsi, il pourrait être nécessaire d’appliquer les obligations de recherche d’emploi et autres exigences aux personnes en situation de chômage partiel, pour compenser l’extension des droits à prestations à ce groupe.
De la même manière, compte tenu de l’éventail de plus en plus large de possibilités qui s’offrent aux travailleurs pour choisir quand travailler et pendant combien de temps, la suppression des contre-incitations au passage à des emplois mieux rémunérés et plus stables va s’imposer comme une priorité de plus en plus pressante dans le futur monde du travail.
L’adaptation de la protection sociale au monde du travail de demain engendrera probablement des pressions supplémentaires en matière de financements, alors que les budgets alloués à la protection sociale sont déjà soumis à de fortes tensions dans de nombreux pays.
Pour assurer un niveau de financement adapté à l’évolution des besoins en matière de protection sociale, il faut adopter une approche résolue et coordonnée et engager un débat pour savoir comment les initiatives nouvelles ou étendues seront financées et qui les financera, en particulier si l’évolution des technologies de production accentue le déclin de la part du revenu national qui revient aux travailleurs.
Les leviers d’action les plus efficaces pour remédier au manque de ressources disponibles pour la protection sociale comprennent, outre un juste équilibre des recettes entre la fiscalité du travail et les autres types d’imposition, des services de protection sociale offrant un bon rapport coût-efficacité, ainsi que des technologies optimisées de collecte de recettes et une meilleure application de la législation en vigueur. Les technologies numériques ne sont pas une panacée pour améliorer l’efficience mais peuvent apporter une contribution importante à cette entreprise.
Pour assurer la viabilité budgétaire des systèmes de protection sociale, il faut également limiter les possibilités de retrait des mécanismes collectifs de mutualisation des risques et s’attaquer aux incitations fortuites qui faussent les décisions en matière d’emploi, d’embauche et de licenciement.
Introduction
Au cours des 10 à 15 dernières années, un consensus remarquablement large s’est dégagé à l’échelle mondiale quant à la nécessité non seulement d’une protection sociale bien pensée pour parvenir à un marché du travail et une croissance qui ne laissent personne de côté, mais aussi d’une protection sociale renforcée pour atteindre les objectifs de développement au plan international (OCDE, 2018[1] ; OCDE, 2018[2] ; OIT et Banque mondiale, 2016[3] ; Organisation des Nations Unies, 2015[4] ; Commission européenne, 2017[5]). Cependant, outre les problèmes que représentent depuis maintenant un certain temps la mondialisation et le vieillissement démographique pour la protection sociale, les progrès technologiques et les mutations associées du monde du travail suscitent à leur tour des craintes quant à la pérennité des stratégies existantes de protection sociale dans certains pays – voir par exemple Banque mondiale (2019[6]), Commission européenne (2018[7]) et OIT (2018[8]). Ce chapitre examine les problèmes que posent l’évolution des modalités de travail et les incertitudes relatives à l’avenir du travail pour les politiques de protection sociale, ainsi que pour ceux qui ont besoin d’aide. Il présente, dans un premier temps, de nouvelles données quant à la capacité des systèmes de protection sociale existants de venir en aide aux catégories de population menacées, sur le marché du travail, par les risques résultant de l’essor du numérique, de l’automatisation et des nouvelles formes d’emploi. Le chapitre présente des indicateurs concrets et « axés sur la personne » concernant l’aide que fournissent les dispositifs de protection sociale aux individus en fonction de leur situation au regard du marché du travail. La deuxième partie du chapitre analyse les moyens d’action envisageables pour renforcer les fonctions de prévention, de de promotion de sauvegarde des politiques de protection sociale dans différents contextes nationaux.
L’automatisation, la division informatisée du travail et la gestion de la main-d’œuvre fondée sur des algorithmes, notamment par l’intermédiaire de plateformes en ligne, ont déjà transformé en profondeur les processus de production et le monde du travail, une tendance qui devrait se poursuivre. À mesure que les gains de productivité et la croissance des revenus se diffuseront dans toute l’économie, les opportunités qui en découleront devraient être plus largement partagées. Cependant, les technologies à l’origine des gains de productivité ne déboucheront pas immédiatement ni automatiquement sur une croissance inclusive1.
Compte tenu des transformations qui s’opèrent sur les marchés du travail, les perspectives professionnelles et financières des travailleurs revêtent un caractère beaucoup plus incertain. Le sentiment d’insécurité des revenus est alimenté par les incertitudes relatives à l’ampleur des gains et pertes éventuels, au moment où ils interviendront, et aussi à la rapidité et à l’orientation des mesures adoptées par les pouvoirs publics face à ces changements. Une protection sociale bien pensée et accessible aide les travailleurs et leur famille à tirer leur épingle du jeu dans un monde changeant. Les pays dotés de systèmes de protection sociale plus efficaces et axés sur l’emploi sont bien placés pour s’adapter aux mutations rapides et saisir les opportunités qu’elles engendrent à l’appui d’une croissance partagée et inclusive. Mais les mutations du marché du travail provoquées par l’automatisation et les nouvelles formes d’emploi poseront aussi des problèmes considérables si les régimes de protection sociale ne parviennent pas à s’adapter aux nouvelles réalités du monde du travail.
Ce chapitre examine les carences des régimes de protection sociale actuels, ainsi que celles qui pourraient résulter des mutations en cours sur le marché du travail. La section 7.1 propose un tour d’horizon des principales manières par lesquelles l’accélération de la redistribution des emplois et la diversification et la fragmentation croissantes des formes d’emploi pourraient modifier le fonctionnement de la protection sociale et retentir sur son efficacité. La section 7.2 présente des données sur les écarts observés, en matière de protection sociale, entre les travailleurs qui occupent des emplois traditionnels et ceux qui exercent des emplois atypiques. Elle récapitule les informations disponibles quant aux dispositions légales régissant l’accès des travailleurs atypiques à la protection sociale et étudie les raisons pour lesquelles les travailleurs atypiques peuvent se voir privés de protection sociale, même si les dispositions légales ne les excluent pas officiellement. Elle présente ensuite de nouvelles données empiriques sur l’aide dont peuvent bénéficier en pratique les salariés traditionnels et travailleurs atypiques. La section 7.3 examine les pistes qui permettraient de corriger les carences de la protection sociale et d’éviter qu’elle ne devienne moins adéquate à l’avenir. L’exposé s’articule autour d’exemples d’initiatives envisagées ou prises par les pouvoirs publics dans différents pays.
7.1. Prévention, protection et promotion : la protection sociale et l’avenir du travail
La protection sociale aide les individus et leur famille à gérer les risques et fait en sorte que les désavantages économiques ou sociaux soient moins concentrés dans des régions ou groupes particuliers et moins dommageables pour les perspectives à long terme des individus. Elle vise également à maintenir ou améliorer les niveaux de vie et à atténuer les coûts associés à la redistribution des emplois en mutualisant les risques liés au marché du travail. D’un point de vue économique général, la mutualisation des risques, le lissage des revenus, la redistribution et l’apport d’une aide active renforcent la résilience face aux incertitudes systémiques, notamment quant à la rapidité et à l’ampleur des transformations futures du marché du travail.
La protection sociale peut également exercer une fonction de soutien à d’autres leviers d’action, tels que la politique en matière de compétences et la réglementation du marché du travail (chapitres 4 et 6). Si ces mesures ont pour finalité d’améliorer l’employabilité des travailleurs et de protéger leurs intérêts, il faut du temps pour les adapter. Ainsi, les réformes requises risquent d’être mises en œuvre avec un temps de retard sur les mutations rapides des réalités du marché du travail. Par exemple, alors que les travailleurs peu qualifiés sont déjà les moins susceptibles de suivre des formations, si les processus de production se fragmentent davantage et si la durée d’occupation d’un même emploi diminue, les entreprises et les travailleurs seront encore moins incités à investir dans l’acquisition de compétences propres à l’entreprise. Une protection sociale accessible offre aux individus un échelon de soutien supplémentaire lorsque les autres leviers d’action ne sont pas (encore) opérationnels.
Les transformations en cours du marché du travail altèrent le fonctionnement et l’efficacité des régimes de protection sociale existants par différents canaux. La volatilité croissante des marchés du travail, conjuguée à la progression du sous-emploi (chapitre 3) et à la répartition inégale des risques liés au marché du travail, entraînent une augmentation de la demande de protection des revenus et de soutien en matière d’emploi. Ces aides sont financées en grande partie par des cotisations ou des prélèvements sur les revenus du travail, qui peuvent être mis en péril lorsque la part du travail dans le revenu national décline ou que les contributions financières individuelles sont plus faibles pour les formes nouvelles ou en progression d’emploi atypique. Les déséquilibres dans la charge du financement ou l’admissibilité aux prestations peuvent à leur tour faire évoluer les marchés du travail, par exemple en encourageant certains types d’emploi salarié ou indépendant et en en décourageant d’autres.
Dans de nombreux pays, la couverture sociale est mal adaptée aux situations d’emploi atypiques, souvent caractérisées par l’instabilité et le cumul d’emplois (voir chapitre 4 pour de plus amples précisions sur les catégories et définitions). Par exemple, les travailleurs indépendants établis à leur compte n’ont généralement pas accès, ou n’ont qu’un accès limité, à des prestations sociales essentielles telles que les allocations de chômage et l’aide complémentaire à la recherche d’emploi. Les travailleurs à la demande (y compris les titulaires d’un contrat « zéro heure ») peuvent être théoriquement admissibles à des prestations de non-emploi, mais en être privés dans les faits à cause de l’interprétation juridiquement ambiguë de ce qu’est une situation de « non-emploi » pour les personnes qui n’effectuent pas un nombre d’heures de travail minimum. Les personnes qui connaissent des épisodes d’inactivité fréquents ou sont en situation de transition professionnelle ne remplissent pas nécessairement les critères requis en matière d’emploi, et pour celles qui les remplissent, les prestations ne sont pas toujours servies au moment où le bénéficiaire en a besoin (section 7.2).
La réduction de la couverture effective pourrait compromettre à son tour la pérennité de la protection sociale. La mutualisation des risques assurée par les systèmes de protection collectifs présente des avantages uniques non seulement au regard des objectifs d’équité, mais aussi sur le plan de l’efficience (Chetty et Finkelstein, 2013[9] ; Gruber, 1997[10] ; Barr, 1989[11]). Les principaux risques liés au marché du travail, notamment le chômage et les faibles rémunérations, ne peuvent pas être assurés si l’État n’intervient pas au travers, par exemple, d’une obligation d’affiliation, d’un encadrement des prix ou de réglementations (Boeri et van Ours, 2013[12]). La diminution du nombre d’affiliés ou de cotisants aux régimes de protection sociale – qui peut se produire par exemple s’il existe des formes d’emploi atypiques facilement accessibles qui permettent de contourner les régimes de protection sociale – risque d’ébranler les fondements de la mutualisation des risques. Lorsque les mandats sont partiels ou mal appliqués, les personnes présentant un risque relativement faible (les « bons risques » pour utiliser la terminologie des assurances) peuvent être tentées de réduire leurs cotisations au minimum ou de quitter purement et simplement leur régime de protection sociale, avec pour conséquence une augmentation de la charge financière ou une diminution du niveau de protection pour les groupes présentant un risque plus élevé (section 7.2.1). En l’absence de réglementation ou de subventions publiques, une telle situation risque d’inciter encore plus d’individus à faire le choix de ne pas cotiser et, à terme, d’entraîner une spirale de coûts croissants et de déclin de la couverture des régimes de protection sociale (Rothschild et Stiglitz, 1976[13] ; Akerlof, 1970[14]).
Les différentes branches des systèmes de protection sociale nationaux peuvent être régies par différents mandats ; par exemple, l’affiliation au régime d’assurance chômage peut être facultative pour certains travailleurs, mais l’affiliation au régime de retraite obligatoire pour tous. Ce type de différenciation peut aller à l’encontre du principe plus ambitieux consistant à mutualiser les risques sociaux à la fois entre les individus et entre les types de risque et, ce faisant, exacerber les comportements d’affiliation/non-affiliation sélective. Par exemple, les risques de faible revenu/chômage et de longévité sont en général corrélés négativement (OCDE, 2017[15]). Si on leur en offre la possibilité, les individus à revenu plus élevé ou plus qualifiés choisiront peut-être de quitter le régime d’assurance chômage, mais de rester affiliés au régime de retraite, qui avantage les personnes ayant une espérance de vie élevée. Le regroupement de l’assurance chômage, des pensions de retraite et des autres composantes de la protection sociale par le biais d’un ensemble unifié de mandats et de réglementations réduit les possibilités de « picorage » et peut contribuer à préserver la diversité du groupe de risques, faisant de la protection sociale une solution attrayante pour des pans plus larges de la population.
Le degré de redistribution explicite ou implicite entre les groupes est un autre déterminant clé de la protection contre les risques liés aux revenus d’activité. Les programmes d’aide au revenu qui sont financés par les recettes fiscales générales redistribuent les ressources aux personnes qui en ont besoin, sans établir de liens entre droits à prestations et cotisations individuelles propres. À l’autre extrémité du spectre, l’épargne individuelle, qu’elle soit volontaire ou obligatoire, facilite également le lissage de la consommation en cas de diminution de la capacité de revenus. Cependant, en l’absence de tout mécanisme de redistribution, des instruments tels que les comptes d’épargne individuels ne permettent pas de mutualiser les risques entre les groupes. Par ailleurs, ils ne sont pas d’une grande aide pour les personnes qui ne veulent pas ou ne peuvent pas épargner suffisamment (par exemple à cause de leurs responsabilités familiales ou parce qu’elles sont nées dans la pauvreté), et n’offrent aucune assurance contre les événements catastrophiques qui mettent en péril les moyens de subsistance et dépassent la capacité des individus à faire face ou à mettre un terme à une situation de précarité économique (un déclin durable ou permanent de la capacité de revenus par exemple). De même, les régimes d’assurance « équitables du point de vue actuariel » n’opèrent pas explicitement de redistribution, étant donné que la valeur actualisée des cotisations attendues sur la durée de vie est égale à la valeur actualisée des prestations attendues sur la durée de vie. Dans la pratique, cependant, la mutualisation des risques équitable du point de vue actuariel entraîne une redistribution, au sens où l’assuré reçoit le plus souvent soit plus soit moins que ce qu’il a cotisé2.
Les difficultés spécifiques posées aux pouvoirs publics par des marchés du travail qui ne cessent d’évoluer dépendent des principes qui ont présidé à la conception des systèmes de protection sociale existants (sections 7.3.1 et 7.3.2). Toutefois, quelle que soit la conception particulière des systèmes de protection sociale nationaux, il est probable que la question du financement adéquat de la protection sociale remontera dans l’ordre des priorités politiques, en particulier si l’on souhaite corriger les carences de couverture actuelles (section 7.3.5). Les pressions budgétaires et l’évolution des perceptions quant à savoir qui profite de la protection sociale et qui la finance pourraient instiller une nouvelle dynamique politique dans le débat sur la protection sociale. Sur un marché du travail en mutation rapide, l’une des difficultés majeures restera de convaincre la majeure partie de la population qu’il demeure dans son intérêt qu’un système de protection sociale adéquat continue d’exister (Hills, 2017[16]).
7.2. Les carences de la protection sociale pour les personnes qui exercent un emploi atypique
7.2.1. Dispositions légales en matière d’accès
Les dispositions légales en matière d’accès varient selon les types d’emploi et selon les branches du système de protection sociale. Les travailleurs temporaires et à temps partiel sont en principe couverts de la même manière que les travailleurs à plein temps en contrat à durée indéterminée dans la plupart des pays et pour la plupart des risques, dès lors qu’ils satisfont les conditions requises en termes de durée minimum d’emploi (Graphique 7.1), de seuils sur les revenus d’activité et d’autres critères tels qu’un revenu familial faible. Dans certains pays, des dérogations s’appliquent à certaines dispositions contractuelles atypiques telles que l’emploi occasionnel, le travail saisonnier ou les catégories hybrides, dont quelques-unes sont présentées dans la suite document (voir chapitre 4 pour un tour d’horizon des différentes formes de travail atypique). En revanche, l’accès légal des travailleurs indépendants à la protection sociale est très fréquemment restreint dans les régimes contributifs (Graphique 7.2). De fait, les travailleurs indépendants trouvent difficilement leur place dans les régimes de protection sociale qui ont été conçus principalement pour des personnes engagées dans une relation travailleur-employeur stable :
1. Problème de la double cotisation : qui doit payer les cotisations patronales quand il n’y a pas d’employeur ? Dans la pratique, la charge totale théorique des cotisations est généralement plus faible pour les travailleurs indépendants que pour les salariés (section 7.3.5). Imposer aux travailleurs indépendants d’acquitter l’équivalent des cotisations patronales et salariales permettrait d’aligner la charge théorique de leurs cotisations sur celles des salariés. Cependant, la charge effective des cotisations peut être plus élevée pour les travailleurs indépendants, en particulier s’ils ont de faibles revenus d’activité, dans la mesure où ils n’ont habituellement pas de salaire minimum et où ils ne disposent pas toujours d’un pouvoir de négociation suffisant pour répercuter le coût des cotisations sur leurs clients en augmentant leurs prix3.
2. Fluctuation des revenus d’activité et stratégies de réduction des cotisations : les travailleurs indépendants, ainsi que certains travailleurs atypiques tels que les travailleurs à la demande et les titulaires d’un contrat « zéro heure », sont généralement payés à intervalles irréguliers, soit parce que le délai qui s’écoule entre l’achèvement du travail et le paiement est variable, soit à cause du caractère inconstant de la demande pour leurs services (AISS, 2012[17]). Cette irrégularité complique le calcul des cotisations (ainsi que l’évaluation des droits à prestations). Plus particulièrement, les travailleurs indépendants ont la possibilité d’éviter de payer des cotisations ou d’en réduire le montant en optimisant leur assiette de cotisation – par un échelonnement stratégique de leur activité et de la perception de leurs revenus par exemple, voir section 7.3.3.
3. Aléa moral : dans le cas des travailleurs indépendants, il est difficile de distinguer une situation qui résulte des fluctuations de la demande ou des prix d’une situation d’inactivité volontaire, ce qui complique la détermination de l’admissibilité à l’assurance chômage en particulier. En effet, il n’y a pas ici d’employeur qui puisse confirmer que le demandeur a été licencié, et les efforts déployés par un travailleur indépendant pour recréer une activité sont plus difficiles à vérifier que les efforts de recherche d’emploi salarié4. Lorsque les travailleurs indépendants sont admissibles au bénéfice d’allocations de chômage, il leur faut généralement satisfaire des exigences relativement strictes en apportant notamment la preuve que leur activité n’est plus opérationnelle5.
Lorsque les travailleurs indépendants ont accès à la protection sociale, c’est souvent à titre volontaire. Cette situation s’explique en partie par des profils de risque spécifiques ou des questions d’équité ; ainsi, parce qu’ils sont disposés à prendre des risques commerciaux pour réaliser des bénéfices, les entrepreneurs ont sans doute moins d’aversion pour le risque que les salariés, et donc des besoins d’assurance plus réduits. Cependant, cet argument justifiant la non-affiliation peut s’appliquer plus généralement à d’autres situations, par exemple aux salariés qui sont confrontés à des risques moins importants ou qui ont moins d’aversion pour le risque que d’autres. En dernière analyse, une forte propension à l’affiliation sélective ou volontaire aux régimes de protection sociale augmente les possibilités de manipuler les systèmes de mutualisation des risques, avec pour conséquence un rétrécissement inefficient des régimes d’assurance, qui deviennent inabordables pour ceux qui en ont besoin. En particulier, les personnes à faibles revenus d’activité sont susceptibles de se sous-assurer, même lorsque les régimes d’assurance sociale offrent des ratios coûts-risques avantageux6. L’expérience des pays qui ont mis en place des régimes volontaires montre que la sélectivité conduit généralement à un faible niveau de couverture ou impose aux autorités de subventionner massivement ces régimes pour préserver la viabilité financière du partage des risques (Encadré 7.1).
Encadré 7.1. L’expérience de quelques pays en matière d’assurance volontaire
L’affiliation aux régimes d’assurance non obligatoires s’effectue généralement sur la base du consentement actif. Ce n’est pas le cas de tous les régimes volontaires néanmoins. En Allemagne, par exemple, les travailleurs atypiques occupant un « mini job » sont automatiquement affiliés au régime d’assurance retraite volontaire depuis 2013. Dans tous les cas, l’affiliation volontaire comporte un risque d’antisélection : lorsque les primes d’assurance sont uniformes, les personnes qui présentent les risques les plus élevés sont celles qui ont le plus intérêt à s’affilier. Les régimes entièrement autofinancés sont susceptibles de déclencher un cercle vicieux de hausse des cotisations et de défections des membres qui présentent un faible risque ; mais si le régime est subventionné par l’État, les coûts risquent d’augmenter (voir section 7.1).
Une illustration de ce mécanisme est fournie par le régime canadien de prestations spéciales de l’assurance emploi pour les travailleurs autonomes, qui offre depuis 2010 des prestations parentales et de maternité, des prestations de maladie et des prestations pour proches aidants. Les travailleurs autonomes paient la même cotisation que les salariés traditionnels mais sont exemptés de la partie prise en charge par l’employeur pour les salariés. Au cours de la première année de versement de ces prestations, plus de trois quarts des demandes ont porté sur des prestations parentales et de maternité, deux tiers des inscrits étaient des femmes (qui ne représentent que 43 % de l’ensemble des travailleurs autonomes), et deux tiers étaient âgés entre 25 et 44 ans (alors que cette tranche d’âge ne représente qu'un tiers de l’ensemble des travailleurs autonomes). Les personnes qui se sont inscrites à ce régime avaient par ailleurs des revenus nettement inférieurs à ceux des autres travailleurs autonomes. En conséquence, les primes couvraient moins d’un tiers des prestations servies (Emploi et Développement social Canada, 2016[18]).
Les réformes du régime d’assurance chômage volontaire mises en œuvre en Suède en 2007-8 ont lié les cotisations salariales au risque de chômage et entraîné une hausse du montant moyen des primes de 300 %. Au cours des années qui ont suivi, le taux d’affiliation aux caisses d’assurance chômage a baissé d’environ 10 points de pourcentage. Les groupes les plus enclins à quitter le régime étaient les travailleurs de plus de 60 ans, le groupe d’âge le moins exposé au risque de chômage, et les travailleurs de moins de 25 ans, qui présentent généralement de faibles revenus d’activité et des épisodes de chômage de courte durée (Kolsrud, 2018[19]).
En Autriche, les travailleurs indépendants ont la possibilité de s’inscrire à un régime d’assurance maladie de court terme, et 8 % environ de ceux qui remplissent les critères requis font ce choix. En 2016, près de la moitié des travailleurs indépendants couverts ont reçu une prestation. La durée moyenne d’indemnisation était de 22 jours, soit près de deux fois la durée moyenne des congés de maladie parmi les salariés couverts par l’assurance obligatoire, chiffres qui dénotent l’existence d’un aléa moral. Pour corriger le déficit du régime causé par cette situation, il a été décidé en 2017 de réduire notablement la prestation minimale (Fink et Nagl, 2018[20]).
Certains régimes offrent à leurs membres la possibilité de choisir leur niveau de cotisation. En Espagne et en Lettonie, par exemple, les travailleurs indépendants pouvaient choisir l’assiette sur laquelle sont calculées leurs cotisations aux régimes d’assurance chômage et d’assurance contre les accidents du travail (et donc le montant de leurs cotisations). De même que les régimes d’assurance volontaires peuvent favoriser la sélectivité, les personnes qui présentent un niveau de risque plus élevé peuvent être incitées à choir un niveau de cotisation plus élevé pour maximiser leurs droits à prestations. Cependant, si le système est explicitement redistributif, c’est-à-dire s’il offre des taux de remplacement plus élevés aux personnes à faible revenu (et faibles cotisations), les membres seront clairement incités à verser la cotisation la plus faible possible. En Espagne et en Lettonie, environ neuf travailleurs indépendants sur dix ont choisi de payer la cotisation minimale (Arriba et Moreno-Fuentes, 2017[21] ; Rajevska, 2017[22]).
Les conditions légales d’accès des travailleurs atypiques varient selon les branches du système de protection sociale
Les allocations de chômage sont les prestations de protection sociale les moins accessibles aux travailleurs atypiques. Onze des 28 pays représentés sur le Graphique 7.2 (volet inférieur gauche) n’offrent aucune assurance chômage aux travailleurs indépendants. L’accès à ces prestations est également limité pour certaines formes d’emploi salarié atypique, tels que l’emploi occasionnel aux États-Unis ou le para-salariat en Italie (SSA et AISS, 2017[23] ; Raitano, 2018[24]). L’extension de la couverture chômage aux travailleurs indépendants a été récemment inscrite dans la législation ou est à l’étude dans un certain nombre de pays, dont la France et l’Irlande. En Espagne, l’affiliation des travailleurs indépendants à une assurance chômage est obligatoire depuis le début de 2019, après avoir été volontaire (voir également notes 9 et 12).
Les dispositions qui régissent l’accès aux prestations d’incapacité – pour maladies de courte durée, accidents du travail et invalidité – varient selon les pays et les formes d’emploi atypique. Pour les trois types de prestations, les conditions légales d’accès sont à peu près identiques pour les travailleurs atypiques et les salariés traditionnels, même s’il existe quelques exceptions : en Australie, les travailleurs occasionnels n’ont pas droit aux prestations de maladie en espèce (versées par l’employeur) ; aux États-Unis, les travailleurs occasionnels n’ont pas accès à l’assurance contre les accidents du travail ; et en Italie, certains para-salariés ne sont pas couverts par l’assurance maladie à court terme. En revanche, seuls 14 pays parmi les 32 représentés sur le Graphique 7.2 assurent les mêmes conditions d’accès aux travailleurs indépendants (volet supérieur droit). C’est pour les accidents du travail que l’accès légal aux prestations est le plus limité. Il est vrai que de nombreux travailleurs réellement indépendants (mais pas la totalité) ont une très grande maîtrise de leur environnement professionnel, et donc qu’à l’instar de l’assurance chômage, l’assurance contre les accidents du travail peut être sujette à des aléas moraux (voir également chapitre 4). Néanmoins, l’exclusion des travailleurs indépendants entraîne un déficit de protection sociale important pour les personnes qui exercent des activités réellement risquées, à commencer par des travailleurs qui sont considérés à tort comme « indépendants » ou qui se situent dans la « zone grise » entre emploi indépendant et emploi salarié – par exemple les travailleurs qui ont un employeur de fait.
La protection contre les risques qui ne sont pas liés à un emploi spécifique est plus facilement accessible pour les travailleurs atypiques. Par exemple, les régimes d’aide sociale ou de revenu minimum sont généralement financés par les recettes fiscales générales, et les règles légales d’admissibilité reposent sur la notion de besoin, sans que soient pris en compte le type, la durée ou la stabilité de l’emploi antérieur. Les prestations familiales, telles que les allocations pour enfant, sont en général universelles ou soumises à des conditions de ressources, et les conditions légales d’accès aux prestations de maternité, majoritairement contributives, sont aussi globalement identiques pour les emplois salariés traditionnels et atypiques. L’Italie fait néanmoins exception, puisque les travailleurs payés en « bons de travail » et les travailleurs saisonniers étrangers dans ce pays n’ont pas accès aux prestations familiales contributives (Jessoula, Pavolini et Strati, 2017[25])7. Les modalités d’accès aux prestations de maternité sont le plus souvent différentes pour les salariées et les travailleuses indépendantes (Graphique 7.2, volet supérieur gauche). Cependant, dans tous les pays où l’assurance maternité est obligatoire pour les employées traditionnelles, les travailleuses indépendantes peuvent soit s’inscrire au régime principal à titre volontaire, soit bénéficier d’une prestation distincte, généralement moins généreuse que la prestation servie aux salariées (montant de la prestation plus faible et/ou durée de versement plus courte).
En matière de retraite également, les règles diffèrent entre salariés et indépendants (Graphique 7.2, volet inférieur droit). Dans certains pays (en Allemagne et en Australie par exemple), les travailleurs indépendants peuvent adhérer volontairement aux régimes liés aux revenus d’activité qui sont obligatoires pour les salariés8. Dans le souci d’intégrer les travailleurs indépendants au régime de retraite obligatoire, le Chili a rendu leur affiliation automatique en 2008. Cependant, les travailleurs indépendants conservent la possibilité de quitter le régime, et c’est le choix qu’ont fait jusqu’à présent la majorité d’entre eux. Quelques pays offrent aux travailleurs indépendants une couverture retraite partielle, impliquant des cotisations et des pensions réduites auprès du régime obligatoire, ou subventionnent les retraites des travailleurs indépendants en les faisant bénéficier d’une formule de calcul des pensions plus avantageuse. Par exemple, au Danemark, au Japon, aux Pays-Bas et en Suisse, les travailleurs indépendants ne sont obligés de cotiser qu’au premier pilier du régime de retraite. L’Encadré 7.2 récapitule certaines autres dispositions qui s’appliquent aux travailleurs atypiques en matière de retraite.
Dans les pays où les formes d’emploi atypiques sont répandues, les restrictions légales peuvent empêcher une fraction importante de la population active d’accéder à une assurance digne de ce nom contre les principaux risques. Ainsi, en Grèce et en Italie, deux pays qui comptent une proportion élevée de travailleurs indépendants, les dispositions légales en matière d’accès à l’assurance maladie, invalidité et accidents, ainsi qu’à l’assurance chômage, sont très lacunaires pour les travailleurs indépendants. Cependant, les restrictions légales sont également courantes dans certains pays où l’emploi indépendant est moins répandu. C’est le cas notamment dans les régimes d’assurance chômage du Canada, des États‑Unis, du Japon et de la Norvège. Cela explique pourquoi, sur le Graphique 7.2, il n’y a pas de corrélation bivariée nette entre les régimes de protection sociale des travailleurs indépendants et l’incidence du travail indépendant. L’absence de corrélation bivariée entre les droits légaux aux prestations sociales et l’incidence du travail atypique n’est pas surprenante dans la mesure où le choix de la forme d’emploi dépend non pas uniquement des prestations attendues mais aussi de nombreux autres facteurs, notamment des éventuels prélèvement fiscaux ou contributions obligatoires au financement de la protection sociale (voir section 7.3.5).
7.2.2. Quel niveau de protection est disponible en pratique ?
Les comparaisons des règles légales d’ouverture des droits donnent une image incomplète – voire trompeuse – des aides dont bénéficient en pratique les différentes catégories présentes sur le marché du travail. Les comparaisons des conditions légales d’accès « fondées sur les systèmes » présentent deux types de limites. Premièrement, au-delà de la disponibilité, le contenu et la générosité des aides ont tendance à varier entre les catégories de travailleurs et les pays. Deuxièmement, accès légal et accès effectif sont deux notions différentes :
certaines caractéristiques des travailleurs atypiques peuvent les empêcher de remplir les critères d’admissibilité, même si ces critères ne sont pas différents de ceux qui s’appliquent aux salariés traditionnels.
Dans la pratique, les règles d’accès à la protection sociale peuvent ne pas être mises en œuvre de façon uniforme entre les groupes, et le coût implicite de la demande de prestations peut dissuader les personnes admissibles de faire valoir leurs droits.
La participation à certaines composantes des régimes de protection sociale peut être volontaire pour certaines catégories de travailleurs ; lorsque c’est le cas, ceux-ci peuvent décider de ne pas s’affilier ou essayer de contourner les règles s’ils estiment que les avantages futurs sont faibles en comparaison des coûts individuels immédiats.
Encadré 7.2. Conditions d’accès aux pensions de vieillesse pour les travailleurs qui ont connu des interruptions de carrière ou qui exercent un emploi atypique
La réduction du risque de pauvreté au moment de la vieillesse est un objectif qui peut être particulièrement difficile à atteindre pour les travailleurs titulaires de contrats atypiques, dont les niveaux de cotisation sont faibles et qui n’ont pas cotisé en continu. Les régimes de retraite des pays de l’OCDE comportent un certain nombre d’aspects et de caractéristiques qui ont des implications particulières pour les travailleurs atypiques et les travailleurs indépendants.
Interruptions de cotisation et pensions du premier pilier
Dans les régimes qui lient les pensions de retraite aux cotisations (et donc aux revenus d’activité), une durée de cotisation minimum peut être exigée. Si l’on prend en considération les régimes obligatoires et quasi-obligatoires, une période d’inactivité de dix ans conjuguée à une entrée tardive sur le marché du travail réduit les droits à pension de 20 % en moyenne dans les pays de l’OCDE (Graphique 7.3, partie A). Dans les pays où il existe une pension publique de base (Irlande, Nouvelle-Zélande, Royaume-Uni), les pensions obligatoires ne se ressentent aucunement de ces interruptions dans la carrière, tandis qu’au Mexique, en Turquie et au Chili, la pénalité dépasse 30 %.
Les pouvoirs publics disposent d’un certain nombre de leviers pour assouplir le lien entre antécédents de cotisation et droits à pension. Des périodes de cotisation peuvent être créditées en regard de certains épisodes d’inactivité – périodes de chômage ou congés pour garde d’enfant par exemple – et les pensions du premier pilier peuvent être conçues de manière à être indépendantes des antécédents d’emploi.
Les pensions du premier pilier sont contributives ou non contributives. La pension minimum et les pensions contributives de base ne sont servies qu’aux retraités qui ont cotisé, et leur montant peut être lié à la durée de cotisation totale. À l’inverse, les pensions de base fondées sur la résidence et les prestations de revenu minimum garanti (aide sociale) accordées aux retraités ne sont pas liées aux cotisations. Dans la plupart des pays de l’OCDE, les régimes de retraite comprennent, outre les pensions liées aux revenus d’activité, une pension de base fondée sur la résidence, une pension minimum ou une prestation d’aide sociale. Dans la zone OCDE, le revenu procuré par les pensions non contributives représente en moyenne 35 % environ du revenu disponible médian (Graphique 7.3, partie C). Cependant, les conditions d’accès sont très variables parmi les pays dotés d’un dispositif contributif du premier pilier (Graphique 7.3, partie B). Si elles sont relativement strictes, les exigences de cotisations minimales peuvent être difficiles à satisfaire pour les travailleurs atypiques.
Pensions de vieillesse des travailleurs indépendants
Le Graphique 7.2 (volet inférieur droit) indique en quoi les modalités d’affiliation aux régimes de retraite diffèrent entre travailleurs salariés et travailleurs indépendants (voir texte principal de la section 7.2.1). En outre, le taux de cotisation vieillesse total est souvent plus bas pour les travailleurs indépendants que pour les salariés : c’est le cas en Autriche (18.5 % contre 22.8 %), en Irlande (où les travailleurs indépendants ne paient que la partie salariale de 4 %), en Norvège (11.4 % contre 22.3 %) et, à partir de 2019, au Portugal (réduction d’environ un quart pour les travailleurs indépendants). Dans certains pays, certaines catégories de travailleurs indépendants versent des cotisations réduites ou sont dispensées de cotisations : ces dispositions peuvent concerner des secteurs ou types d’activité particuliers (Allemagne, Italie), la période de démarrage d’une activité professionnelle (Autriche, Finlande, France, Norvège et Pologne), les travailleurs qui combinent emploi salarié et emploi indépendant (Belgique, Grèce, Slovénie) ou ceux dont les revenus d’activité sont inférieurs à un certain seuil (Irlande, Italie, Luxembourg, République slovaque et Royaume-Uni). Par conséquent, en comparaison de salariés aux revenus d’activité identiques, certains travailleurs indépendants doivent s’attendre à percevoir une pension dont le taux de remplacement sera plus faible et sont plus susceptibles de ne pouvoir compter que sur des prestations non contributives.
L’un des moyens indirects d’alléger la charge des cotisations pour les travailleurs indépendants consiste à leur laisser une certaine latitude quant à l’assiette de cotisation qu’ils souhaitent déclarer (Espagne, Finlande, Lettonie, Lituanie et Pologne). Lorsque l’assiette de cotisation peut être fixée de façon relativement libre, il est nécessaire d’imposer des seuils de cotisation pour contrer les stratégies « d’évasion » de cotisations et les déficits de couverture retraite qu’elles peuvent engendrer. Toutefois, selon la manière dont ils sont conçus, les seuils de cotisation se traduisent par des taux de cotisation effectifs très élevés pour les personnes ayant des revenus réellement bas, ou excluent du bénéfice des pensions liées aux revenus d'activité les personnes dont la rémunération est inférieure à l’assiette minimale. La plupart des pays retiennent comme assiette de cotisation des travailleurs indépendants le revenu imposable, mais certains prévoient quelques ajustements supplémentaires. Dans certains pays, et pour certaines catégories de travailleurs indépendants, une partie des cotisations de retraite dues est payée par les clients du travailleur (Autriche, Allemagne, Italie et Portugal). Cette solution peut être administrativement complexe mais offre un moyen intéressant d’élargir la couverture tout en répartissant les coûts de financement de la protection sociale.
Les règles qui s’appliquent à chacun des éléments individuels du système de protection sociale permettent difficilement d’évaluer l’accès à l’aide globale disponible. Selon l’approche retenue par les pays, l’aide aux personnes sans emploi ou à faible revenu se répartit souvent entre deux ou plusieurs branches du système de protection sociale. Par exemple, les programmes de prestations liées à l’exercice d’un emploi ou de revenu minimum garanti peuvent combler une partie des lacunes laissées par les dispositifs de prestations de non-emploi du premier pilier qui excluent les personnes exerçant un emploi indépendant, précaire ou à temps partiel.
Enfin, la focalisation sur les disparités d’accès entre salariés traditionnels et travailleurs atypiques masque les différences de niveau de soutien global entre les pays et le déficit de couverture dont peuvent également pâtir les salariés. Par exemple, sur l’ensemble des pays en moyenne, deux demandeurs d’emploi sur trois n’ont pas perçu d’allocations de chômage en 2016, mais le niveau de couverture est extrêmement variable d’un pays à l’autre, allant de moins de 10 % en Italie, en République slovaque, en Pologne, en Grèce et aux États-Unis à plus de 50 % en Belgique et en Finlande (Graphique 7.4).
Du point de vue de l’inclusivité, une discussion de politique générale axée sur la personne a besoin d’informations sur le niveau de soutien réellement reçu par les individus selon leur situation au regard du marché du travail. Cette section présente des résultats récents concernant les carences de la protection sociale observées dans les faits. L’approche retenue consiste à estimer un modèle statistique des droits à prestations, en neutralisant l’effet des déterminants les plus importants des prestations sociales. L’accessibilité et le montant des prestations étant souvent déterminés par les parcours antérieurs, l’analyse s’appuie sur des données longitudinales relatives aux ménages qui contiennent des informations sur l’emploi et les revenus d’activité actuels et passés. La variable sur laquelle se concentre l’analyse est le montant total des prestations servies, et non telle ou telle catégorie individuelle de transferts sociaux, pour tenir compte du fait que les pays ont recours à différents mécanismes et programmes pour aider les personnes. L’échantillon est composé de l’ensemble des personnes d’âge actif (18-64 ans) qui ne sont pas retraitées et ne suivent pas des études à plein temps. Les dispositifs de protection sociale pris en compte sont les transferts sociaux les plus importants reçus par les individus d’âge actif et leur famille : allocations de chômage et d’invalidité, prestations familiales, liées à l’exercice d’un emploi et de logement, et revenu minimum garanti. L’Encadré 7.3 résume les principales étapes de la méthode empirique utilisée.
L’accent mis sur les prestations en espèces servies aux personnes d’âge actif est une conséquence pratique des limites des données de panel, qui ne contiennent pas d’informations systématiques sur les aides versées en nature (et non en espèces). En outre, les données de panel sont limitées à des fenêtres d’observation de quatre ans ou moins, ce qui ne permet pas d’appliquer cette méthode aux pensions de retraite (qui dépendent souvent des antécédents de cotisation sur des durées beaucoup plus longues). Cependant, dans le débat sur l’avenir du travail, des raisons autres que la qualité des données peuvent justifier l’intérêt particulier accordé aux prestations en espèces servies aux personnes d’âge actif. En effet, pour les travailleurs qui se trouvent au chômage ou doivent changer d’emploi à cause des évolutions technologiques, la préoccupation la plus immédiate est sans doute de savoir de quelles aides au revenu peuvent bénéficier les personnes en âge de travailler. Qui plus est, les aides en nature, telles que le logement ou les prestations des programmes actifs du marché du travail, sont souvent liées aux prestations aux personnes d’âge actif. Tandis que l’Encadré 7.2 ci-avant a examiné les implications des formes d’emploi atypiques pour les revenus de retraite, le reste de cette section se concentre donc sur les prestations aux personnes d’âge actif.
Les résultats sont supposés donner un aperçu synthétique de l’accessibilité et de la générosité des prestations dans une perspective comparative, pour les salariés traditionnels et atypiques (voir Graphique 7.5). Les écarts d’accès entre formes d’emploi traditionnelles et atypiques mis en évidence par ces données reflètent les dispositions qui étaient en vigueur au cours de la période de référence du revenu considérée (aux alentours de 2014) et, par conséquent, ne tiennent pas compte des réformes mises en œuvre depuis lors, notamment dans certains pays où les écarts estimés sont importants.9 Cette précision étant faite, le pays qui affiche les écarts d’accès estimés les plus élevés est l’Estonie : les travailleurs atypiques y étaient deux fois moins susceptibles de percevoir des prestations que les salariés traditionnels après avoir perdu leur emploi, et l’on estime que plus de 60 % des personnes sans emploi ayant exercé un emploi atypique par le passé ne percevaient aucune prestation sur une période de 12 mois sans emploi (partie A). Les carences étaient également importantes en Lettonie, au Portugal, en République slovaque et en République tchèque. Il est intéressant de noter que plusieurs pays octroyant des prestations de non-emploi relativement facilement aux salariés traditionnels allouent également des aides aux personnes qui ont occupé un emploi atypique par le passé (Autriche, Belgique, France, Hongrie et Luxembourg). L’accessibilité des prestations pour les personnes ayant continuellement travaillé à plein temps était également élevée en Espagne, en Islande, en Slovénie et au Royaume-Uni, mais il existait dans ces pays des carences d’accès modérées pour les travailleurs atypiques (statistiquement non significatives dans le cas du Royaume-Uni). En Grèce et en Italie, même les salariés traditionnels n’avaient que 50 % de probabilités de percevoir des prestations après la perte de leur emploi.
Le montant global moyen prévu des prestations allouées aux bénéficiaires (partie B) présente également de fortes variations entre les pays, allant de 20 % environ du revenu médian national ou moins dans certains pays d’Europe centrale et orientale (République tchèque, République slovaque, Pologne, Hongrie) à plus de 40 % en France, en Italie, au Portugal, au Luxembourg et en Belgique. Les écarts de générosité en défaveur des travailleurs atypiques les plus prononcés sont observés en Europe du Sud (Espagne, Grèce, Italie, Portugal), ainsi qu’en Estonie et en Slovénie, où ils dépassent 10 % du revenu du ménage médian. Les montants des prestations étant mesurés sur toute une année, les situations nationales reflètent les différences des montants des prestations au cours d’un mois donné ainsi que les différences de durée de versement des prestations10. Elles intègrent par ailleurs la totalité des prestations auxquelles peuvent prétendre les différentes catégories de personnes sans emploi considérées, c’est-à-dire les allocations de chômage mais aussi les prestations de logement et les transferts d’aide sociale en espèces.
Sur l’ensemble des pays, il n’existe pas de lien manifeste entre l’accessibilité et la générosité des prestations. Par exemple, les niveaux d’accessibilité et de générosité étaient élevés en Belgique, et relativement bas en Pologne. En Italie, l’accès aux prestations était relativement difficile pour les salariés traditionnels et les travailleurs atypiques, mais le montant des prestations perçues par les bénéficiaires était plutôt élevé. La Hongrie présente la situation inverse, avec une couverture implicite élevée et des prestations faibles. De même, il n’y a pas de lien clair entre la générosité globale des prestations et l’ampleur de l’écart entre salariés traditionnels et travailleurs atypiques. Les écarts de générosité étaient statistiquement non significatifs dans certains pays où le montant des prestations était relativement modeste (près de 15 % du revenu médian en République tchèque et moins de 25 % du revenu médian en Hongrie par exemple), mais aussi dans d’autres pays où les prestations étaient supérieures à 50 % du revenu médian (Belgique et Luxembourg).
Dans cinq pays, les différences de couverture et de générosité entre salariés traditionnels et travailleurs atypiques étaient statistiquement non significatives : Belgique, France, Hongrie, Luxembourg et Royaume-Uni. Ces résultats laissent penser qu’il est possible de fournir un soutien efficace aux travailleurs atypiques dans le contexte de systèmes de protection sociale et stratégies de ciblage relativement dissemblables. Au Royaume-Uni, par exemple, l’aide aux personnes sans emploi est forfaitaire ; elle se compose d’une prestation d’assurance initiale pour les salariés justifiant des cotisations minimales requises, et d’une aide sous conditions de ressources pour les personnes à faible revenu et patrimoine familial qui cherchent activement du travail. La Hongrie et la Belgique offrent aux salariés traditionnels et aux travailleurs atypiques une protection contre le chômage liée aux revenus d’activité. En Hongrie, les travailleurs atypiques, qui englobent les travailleurs indépendants, ont droit à des allocations de chômage (Albert, Gáspár et Gal, 2017[34]). En Belgique également, les travailleurs atypiques peuvent bénéficier d’une assurance chômage, mais le montant des prestations y est beaucoup plus élevé qu’en Hongrie et les prestations destinées aux travailleurs indépendants prennent en considération les besoins du ménage (De Wispelaere et Pacolet, 2017[35]). Dans ces deux pays, l’aide sous conditions de ressources assure un échelon de protection supplémentaire aux personnes qui n’ont pas droit aux prestations d’assurance. Le nombre de bénéficiaires de l’aide sociale de base est également élevé au Luxembourg, mais dans ce pays, les travailleurs atypiques ont aussi (légalement) accès aux allocations de chômage du premier pilier (Pacolet et Op De Beeck, 2017[36]). En France, le fait que les écarts de couverture ne soient pas significatifs s’explique principalement par la très courte durée de cotisation requise pour bénéficier des allocations de chômage, conjuguée à la possibilité de conserver les droits à prestations non utilisés en vue d’épisodes de chômage futurs et la possibilité, pour le nombre important et croissant de travailleurs titulaires d’un contrat de courte durée, de cumuler des droits à prestations sur plusieurs épisodes de chômage successifs. Par ailleurs, en France, divers niveaux d’aide au revenu sont accessibles aux travailleurs exerçant d’autres formes d’emploi atypique (ainsi qu’à d’autres catégories qui n’ont pas droit aux prestations d’assurance du premier pilier). Par exemple, les travailleurs indépendants en France n’avaient pas accès aux allocations de chômage en 2014-15, période sur laquelle portent les résultats, mais l’aide sociale liée au revenu et les allocations de logement apportent un échelon de protection du revenu supplémentaire aux demandeurs d’emploi à faible revenu familial 11,12.
Les résultats empiriques mettent en évidence les cas de fortes disparités de couverture sociale entre salariés traditionnels et travailleurs atypiques. Mais il est important de noter que des problèmes peuvent également se présenter dans des pays qui affichent des écarts faibles ou non significatifs. Premièrement, les résultats se rapportent à une personne qui est restée sans emploi une année entière, qui se situe dans les 10 % inférieurs de l’échelle des revenus et qui a travaillé avant la période de référence. En d’autres termes, il s’agit d’une personne qui remplit l’essentiel des critères justifiant l’octroi d’une aide au revenu ; par conséquent, l’adéquation du soutien offert aux individus dans ces circonstances ne constitue pas un critère très pertinent de l’efficacité des systèmes de protection sociale. Des carences de protection élevées et généralisées peuvent être observées pour les travailleurs atypiques présentant d’autres caractéristiques, par exemple : ceux qui ont travaillé sporadiquement pendant l’année ; ceux dont le conjoint exerce un emploi qui hisse le revenu global du ménage au-dessus de la limite des 10 % les plus pauvres ; ceux qui ont perdu leur emploi pour raisons de santé ; et les parents qui prennent du temps pour s’occuper de leurs jeunes enfants.
Deuxièmement, les écarts sont calculés à partir de microdonnées qui sont nécessairement rétrospectives. Par conséquent, ils correspondent aux réalités du marché du travail et aux catégories d’emploi qui prévalaient au moment où ces données ont été recueillies. Les résultats actuels ne donnent pas d’informations sur les disparités qui peuvent exister pour les nouvelles formes d’emploi atypiques en pleine évolution, telles que le travail sur les plateformes. Pour pouvoir suivre l’évolution des disparités de protection sociale à mesure que l’avenir du travail se précisera, il serait judicieux d’actualiser les estimations à intervalles réguliers dès lors que l’on disposera de nouvelles données contenant des informations plus fines sur les catégories d’emploi. Ce suivi régulier des disparités est souhaitable et doit prendre en considération un éventail de situations plus large que ce n’est le cas dans les résultats présentés ici.
Troisièmement, les écarts représentés sur le Graphique 7.5 ont été calculés sur la base d’une moyenne de plusieurs catégories d’emploi atypique antérieur : emploi salarié à temps partiel, travail temporaire et emploi indépendant. Comme le montre le Graphique 7.2 ci-dessus, pour les travailleurs indépendants, les conditions d’accès légal à un grand nombre de prestations sont souvent particulièrement restrictives, ce qui signifie que certaines sous-catégories de travailleurs indépendants éprouvent sans doute beaucoup de difficultés pour obtenir une aide, même dans les pays où les écarts entre salariés traditionnels et travailleurs atypiques en général sont non significatifs. Il faut donc faire preuve de prudence avant de tirer des conclusions sur les problèmes spécifiques auxquels sont confrontés les pays sur la seule base du Graphique 7.5. La comparaison des disparités de protection sociale entre diverses formes de travail atypique apporterait des éléments utiles aux débats sur la réforme des politiques ; cette analyse plus fine a été effectuée, et ses résultats préliminaires sont présentés sur le Graphique 7.6. Ces résultats distinguent trois formes d’emploi atypique – emploi à temps partiel, emploi précaire et travail indépendant – et portent sur six pays qui disposaient d’échantillons de données suffisamment étendus pour se prêter à une analyse détaillée : Espagne, France, Grèce, Hongrie, Italie et Royaume-Uni.
Les estimations indiquent que les disparités de protection sociale peuvent effectivement être très variables entre les différentes formes d’emploi atypique, même si ce n’est pas systématiquement le cas13. En Espagne, les travailleurs à temps partiel avaient une probabilité légèrement moindre de percevoir des prestations au cours d’une période d’inactivité que les salariés traditionnels, mais la différence était relativement réduite (10 points de pourcentage, partie A). Dans les cinq autres pays, les disparités d’accès aux prestations entre travailleurs à temps partiel et salariés traditionnels étaient statistiquement non significatives.
En Espagne et en Italie, les personnes dont la carrière a été interrompue étaient moins susceptibles de percevoir des prestations de non-emploi que les salariés traditionnels. Mais dans les quatre autres pays, les disparités d’accès aux prestations pour les travailleurs ayant un emploi précaire étaient statistiquement non significatives. Dans certains d’entre eux, les travailleurs peuvent obtenir des prestations d’assurance chômage après une période d’emploi relativement courte (trois mois en France et six mois au Royaume-Uni par exemple, voir Graphique 7.1). Il faut néanmoins savoir que les écarts ont été calculés selon l’hypothèse que les différentes catégories de travailleurs percevaient des revenus d’activité identiques (voir notes du graphique). En conséquence, ils ne rendent pas compte des problèmes d’accès que peuvent rencontrer les travailleurs peu rémunérés en particulier. Or, dans certains pays, un revenu d’activité minimum est requis pour pouvoir bénéficier de l’assurance chômage (environ 16 % du salaire moyen à plein temps au Royaume-Uni). Dans ces situations, l’accès aux prestations peut être plus difficile pour les personnes ayant exercé un emploi avec très peu d’heures ou qui sont restées longtemps sans emploi entre leurs périodes de travail.
Les écarts d’accès pour les personnes qui exerçaient auparavant un emploi indépendant sont considérables dans quatre des six pays : le taux de couverture implicite pour les travailleurs indépendants sans emploi ne dépasse pas 10 % en Italie et se situe aux alentours de 25 % en Espagne, en Grèce et au Royaume-Uni. Lorsque les travailleurs indépendants n'ont pas accès à l’assurance chômage (voir Graphique 7.2), ils doivent se rabattre sur les aides de base, notamment l’assistance chômage ou les prestations de revenu minimum garanti. Ces transferts sont généralement soumis à des conditions d’accès strictes, telles que l’évaluation des revenus et du patrimoine, et de nombreux personnes ayant droit aux prestations ne les demandent pas, ce qui réduit leur portée effective. Par ailleurs, les prestations d’aide sociale ont tendance à être moins généreuses que les prestations d’assurance. Pour les travailleurs indépendants qui bénéficient d’une aide au revenu, les montants prévus des prestations sont donc souvent inférieurs à ceux auxquels peuvent prétendre les salariés traditionnels. Font exception à ce schéma le Royaume-Uni (où les montants des prestations d’assurance forfaitaires et des prestations d’aide sociale sont uniformes) et la France (où l’écart de générosité pour les travailleurs indépendants était plus important qu’au Royaume-Uni, mais statistiquement non significatif).
L’accessibilité des prestations en France et Hongrie variait peu d’une forme d’emploi atypique à une autre : par rapport aux salariés traditionnels, les disparités d’accès étaient faibles pour les trois catégories (travail à temps partiel, emploi indépendant et travail précaire). Cependant, les montants des prestations étaient beaucoup plus bas en Hongrie, tandis que les estimations pour la France semblent indiquer que l’aide au revenu était légèrement plus généreuse pour les personnes sans emploi ayant exercé une activité précaire ou temporaire dans le passé récent.
7.3. S’attaquer aux carences de la protection sociale : principaux enjeux pour l’action publique
Les résultats présentés dans la section précédente indiquent que différentes stratégies de protection sociale permettent de limiter les carences dont peuvent pâtir dans ce domaine les travailleurs qui exercent des formes d’emploi atypiques. Cependant, dans les cas où des carences existent, on peut craindre qu’elles ne se généralisent et n’atténuent l’efficacité des régimes de protection sociale existants si les transformations en cours du marché du travail modifient la relation traditionnelle travailleurs-employeurs ou entraînent un roulement plus important sur le marché du travail et une instabilité professionnelle accrue.
Encadré 7.3. Accessibilité et générosité des prestations : un modèle statistique tenant compte des principaux moyens d’action de la politique publique
Le travail empirique comprend deux étapes. La première consiste à estimer la relation entre la perception de prestations à l’échelon individuel et un certain nombre de déterminants structurels clés des aides, notamment le statut d’emploi et les revenus d’activité actuels et passés, le revenu actuel du ménage, la composition du ménage, le mode d’occupation du logement et les éventuels problèmes de santé14. Ce type d’information figure généralement dans les données de panel sur les ménages. L’analyse décrite ici utilise des panels sur trois ans provenant des statistiques de l’Union européenne sur le revenu et les conditions de vie (EU-SILC) et réunit les observations issues de deux cycles d’enquête (2014 et 2015) de manière à augmenter la taille de l’échantillon15. La taille effective de l’échantillon va de 3 500 observations pour l’Islande à 20 600 pour l’Italie. La variable dépendante est le total des prestations sociales en espèces reçues au cours d’une année entière. Elle prend donc en considération à la fois la générosité moyenne des prestations mensuelles et la durée de versement des prestations (ainsi que les éventuels délais de carence et autres écarts entre les droits à prestations et les montants effectivement reçus). Pour les prestations observées à l’échelon du ménage et non à l’échelon individuel (prestations familiales, revenu minimum garanti), les montants sont alloués à l’ensemble des membres adultes du ménage sur une base per capita. Les spécifications des modèles sont uniformes d’un pays à l’autre et comprennent les variables indépendantes suivantes, ainsi que les interactions et termes d’ordre supérieur qui leur sont associés : statut d’emploi principal durant l’année de référence ; revenu du ménage avant transferts durant l’année de référence ; statut d’emploi principal durant les deux années précédent l’année de référence; revenus d’activité durant chacune des deux années précédent l’année de référence; situation familiale et nombre d’enfants ; état de santé ; mode d’occupation du logement et frais de logement ; niveau d’études ; sexe ; et âge.
Deux modèles distincts sont estimés pour la perception de prestations (variable-indicateur oui/non) d’une part et la générosité (montant des prestations) d’autre part, selon une méthode Hurdle généralisée. En effet, le processus qui détermine si une personne perçoit ou non des prestations sociales n’est pas nécessairement le même que le processus qui détermine le montant perçu – voir Wooldridge (2010[37]) et Cragg (1971[38]). Le premier modèle est une régression logistique pour la perception de prestations à l’échelon individuel. Le second est une régression exponentielle des montants (prévus) des prestations, estimés uniquement à partir des observations de prestations effectivement perçues. L’utilisation de régressions exponentielles, en lieu et place d’une modélisation log-linéaire classique, permet d’esquiver les problèmes d’inférence que pose la prévision des niveaux de variables dépendantes log-transformées (Wooldridge, 2010[37]). La seconde étape consiste à utiliser les relations estimées pour faire des inférences sur les écarts de prestations entre salariés traditionnels et travailleurs atypiques dans des circonstances concrètes (« vignettes ») définies de façon uniforme sur l’ensemble des pays. Pour faciliter les comparaisons, les montants des prestations sont exprimés en pourcentage du revenu médian dans chaque pays. L’analyse par vignettes permet de communiquer plus clairement des résultats statistiques complexes à des fins comparatives et facilite l’identification des mécanismes de politique qui sous-tendent les écarts observés. L’interprétation directe des coefficients estimés est rendue complexe par les effets d’interaction, les variables qualitatives et d’autres formes fonctionnelles non linéaires. Les modèles non linéaires, tels que les régressions logistiques, soulèvent également d'importants problèmes d’interprétation dans la mesure où les coefficients bruts présentent rarement un intérêt immédiat. Dans ces situations, les « effets marginaux » (statistiques calculées à partir des prévisions produites par le modèle pour différentes valeurs des variables de contrôle) permettent de synthétiser le vecteur entier de paramètres estimés au sein d’une valeur unique, correspondant au même indicateur que celui de la variable dépendante (dans le cas présent, la probabilité de percevoir une prestation et le montant de la prestation). Les erreurs-types (calculées selon la méthode Delta) permettent de faire des inférences sur les écarts estimés et leur signification statistique.
Les « écarts » de prestations sont calculés par rapport à la situation d’un employé « traditionnel » de référence qui a besoin d’une aide pour non-emploi, à savoir une personne de 40 ans sans emploi qui occupait précédemment un emploi stable à plein temps rémunéré au salaire médian, qui vit dans un ménage sans enfant à faible revenu et occupe un logement locatif privé. Les caractéristiques des différentes « vignettes » comparatives sont décrites dans les notes du Graphique 7.5 et du Graphique 7.6.
Source : Fernández, Immervoll et Pacifico (à paraître[33]).
Les disparités de protection sociale peuvent être dues à plusieurs raisons :
1. certaines activités économiques n’ouvrent pas de droits à la protection sociale (l’emploi indépendant dans de nombreuses juridictions et le travail occasionnel ou irrégulier dans quelques-unes) ;
2. la personne n’a pas travaillé assez longtemps et n’a pas suffisamment cotisé pour avoir droit à des prestations (ce peut être le cas par exemple si les exigences en matière d’emploi et de cotisations peuvent être difficilement satisfaites par les personnes qui occupent un emploi précaire ou marginal, voir Graphique 7.1) ;
3. les travailleurs atypiques font l’objet d’un traitement différent au cours du processus de demande de prestations (par exemple, l’évaluation des besoins des travailleurs indépendants peut être fondée sur les revenus d’activité supposés, et non pas réels, ou les personnes sans emploi qui veulent exercer une activité indépendante ne sont pas considérées comme étant en recherche active d’emploi) ; et
4. les droits déjà acquis ne sont pas conservés lorsque la personne change d’emploi ou de statut d’emploi (par exemple, lorsqu’elle passe d’un emploi salarié à un emploi indépendant si les droits diffèrent selon les statuts d’emploi, ou lorsqu’elle change de poste si les droits sont liés à une relation d’emploi spécifique).
Cette section examine les possibilités dont disposent les pouvoirs publics pour combler ces carences et d’autres qui leur sont liées. Elle examine d’abord les défis posés aux systèmes d’assurance sociale (section 7.3.1) et aux systèmes de transferts universels et soumis à conditions de ressources (section 7.3.2). Elle passe ensuite en revue les problèmes techniques liés à l’instabilité des carrières et des revenus d’activité (section 7.3.3), le rôle des politiques d’activation dans le monde du travail de demain (section 7.3.4) et un ensemble de solutions qui permettraient de mobiliser suffisamment de financements pour renforcer le rôle de la protection sociale sur des marchés du travail incertains (section 7.3.5).
7.3.1. Défis à relever pour les systèmes de protection sociale fondés sur l’assurance
Dans les systèmes liés aux revenus d’activité, la transférabilité limitée des droits entre les emplois peut poser problème si les droits diffèrent selon les types de relations contractuelles ou s’ils sont liés à un régime professionnel ou un employeur particulier. L’harmonisation des cotisations et des droits pour l’ensemble des actifs, doublée, le cas échéant, d’une uniformisation des structures administratives et de gouvernance, améliorerait la portabilité des droits existants.
Un autre moyen – plus simple sur le plan administratif – d’assurer que les droits acquis ne soient pas perdus lors de transitions professionnelles consisterait à centraliser les cotisations versées à différents régimes dans un compte unique, indépendant de l’activité économique. Par exemple, l’Autriche a remplacé son régime d’indemnités de départ par des comptes de pension individuels en 2003. L’ancien régime d’indemnités de départ ne profitait aux salariés qu’au moment de leur licenciement et, par conséquent, freinait la mobilité de la main-d’œuvre. Dans le cadre du nouveau système, tous les salariés disposent d’un compte de pension sur lequel les cotisations patronales sont régulièrement versées, mais le compte lui-même est indépendant de l’employeur et peut être transféré d’un emploi à un autre. Le passage d’un emploi salarié à un emploi indépendant suspend le versement des cotisations patronales mais les droits obtenus restent acquis. Cette mesure a favorisé la mobilité professionnelle, en particulier parmi les employés des entreprises en difficulté (Kettemann, Kramarz et Zweimüller, 2016[39]).
Les droits associés aux comptes individuels peuvent être subventionnés explicitement (par le biais de crédits) ou implicitement (par la formule de calcul des prestations). Néanmoins, en l’absence de subventions importantes, les comptes individuels ne sont ni plus ni moins qu’une forme d’épargne imposée par l’État, dont la portée et les objectifs s’éloignent de ceux prévus par l’assurance sociale (voir section 7.1). Plus particulièrement, les comptes individuels « purs » n’opèrent pas de mutualisation des risques et n’offrent donc pas d’assurance contre les risques catastrophiques (incapacité de longue durée par exemple). Par ailleurs, selon la façon dont les cotisations sont investies, ces comptes peuvent comporter d’importants risques financiers. Parce qu’ils n’intègrent aucun mécanisme de redistribution, les comptes individuels « purs » sont généralement moins intéressants pour les travailleurs marginaux ou à temps partiel.
Les mêmes problèmes limitent les possibilités de recours à des comptes d’épargne individuels non obligatoires subventionnés par l’État, dont certains considèrent qu’ils pourraient, combinés à des filets de sécurité sous conditions de ressources, assurer une protection du revenu adéquate pour tous tout en évitant la hausse des coût de main-d’œuvre (Banque mondiale, 2019[6]). Les personnes défavorisées ou disposant de moyens financiers limités peuvent être insensibles aux incitations à l’épargne pour diverses raisons – absence de vue à long terme, inertie ou manque d’informations. Dès lors, les subventions ont principalement pour effet de détourner l’épargne vers les produits subventionnés et d’évincer l’épargne non subventionnée. Ces programmes risquent donc de profiter essentiellement aux personnes qui épargnent déjà et n’ont pas besoin de subventions ou d’incitations supplémentaires (Chetty et al., 2014[40]).
L’un des moyens d’améliorer la transférabilité des droits à la protection sociale tout en maintenant des taux de remplacement acceptables pour les travailleurs à revenu intermédiaire consiste à établir une distinction entre les prestations liées aux revenus d’activité (pensions, allocations de chômage et prestations d’assurance maladie à court terme par exemple) et les prestations indépendantes des revenus d’activité (soins de santé et soins de longue durée) ou celles pour lesquelles le lissage des revenus n’est pas un objectif prioritaire (chômage de longue durée ou invalidité). Faciliter l’accès à cette dernière catégorie de prestations contribuerait à préserver les droits de base, y compris en cas de transition professionnelle. En tant que compléments de ces filets de sécurité, les prestations liées aux revenus d’activité pourraient alors être harmonisées entre les différents types de relations contractuelles, de manière à être plus aisément transférables (Cahuc, 2018[41] ; Levy, 2008[42]).
7.3.2. Défis à relever pour la protection sociale universelle ou sous conditions de ressources
À mesure que les marchés du travail évoluent, les lignes de démarcation entre l’emploi traditionnel et les différentes formes de travail indépendant pourraient devenir moins nettes. En outre, avec l’arrivée de nouvelles formes d’emploi atypiques, il devient plus difficile de déterminer de façon fiable si une personne travaille réellement et combien d’heures elle consacre à son ou ses activités professionnelles. Dès lors, il devient aussi plus difficile de lier les droits à la protection sociale et les cotisations sociales au statut d’emploi. Si les stratégies existantes n’assurent pas une couverture adéquate à tous ceux qui en ont besoin, peut-être serait-il judicieux d’assouplir les liens entre l’emploi et les droits pour préserver l’accessibilité de la protection sociale, corriger les disparités de droits à la protection sociale entre les différentes formes d’emploi et soutenir le dynamisme du marché du travail.
Faire évoluer le système vers plus d’universalité en instaurant une forme de revenu de base est une proposition intéressante qui a suscité une attention considérable dans le débat actuel. Cependant, aucun pays n’a encore mis en place de revenu de base qui forme le pilier principal du système de protection sociale, et le remplacement de pans importants des systèmes existants par une prestation universelle représenterait un changement considérable. Il ressort des simulations de l’OCDE que l’octroi d’un revenu inconditionnel d’un niveau significatif mais néanmoins réaliste sur le plan budgétaire à l’ensemble des individus imposerait de fortes hausses d’impôts et une réduction de la plupart des prestations actuelles et, dans bien des cas, ne serait pas un moyen efficace de réduire la pauvreté monétaire (OCDE, 2017[43] ; Browne et Immervoll, 2017[44]). Certains sous-groupes défavorisés seraient perdants si les aides existantes étaient remplacées par un revenu de base, ce qui illustre les limites des mécanismes de protection sociale dénués de toute forme de ciblage. Compte tenu des effets budgétaires et distributifs immédiats que produirait l’instauration d’un régime de revenu de base exhaustif, il serait judicieux que les réformes visant à rendre l’aide au revenu plus universelle soient mises en œuvre par étapes pour des groupes particuliers (les jeunes par exemple), ou soient limitées dans leur portée par d’autres moyens16. Par ailleurs, il y aurait lieu d’engager un débat parallèle sur les moyens de financer un partage plus équitable des fruits de la croissance économique. D’un point de vue économique plus général, l’un des inconvénients des prestations universelles est que, contrairement aux prestations de non-emploi ou celles fondées sur les besoins, ce ne sont pas des stabilisateurs automatiques : comme leur versement est indépendant du niveau de revenu ou du statut d’emploi, les dépenses qui leur sont consacrées n’augmentent pas pendant les récessions et ne diminuent pendant les phases de redressement.
Une autre possibilité consisterait à renforcer les programmes d’aide fondée sur les besoins en transformant certaines prestations d’assurance en aides sous conditions de ressources, ou en étendant les « filets de sécurité » existants pour les personnes qui ont un revenu faible et ne disposent d’aucune autre ressource. Par exemple, en 2018, l’Italie a instauré une prestation d’aide sociale, le reddito di inclusione (revenu d’insersion), qu’elle remplacera en 2019 par le reddito di cittadinanza (revenu de citoyenneté), dispositif qui offre des prestations beaucoup plus généreuses et vise à combiner aide au revenu et mesures d’activation (Bulman et al., 2019[45]). L’objectif de ces filets de sécurité est de faire en sorte que les personnes exposées à un risque de pauvreté élevé puissent accéder à une aide de base quels que soient leurs antécédents d’emploi ou leur situation professionnelle actuelle. Les dispositifs étroitement ciblés étant financés par les recettes générales, la charge de leur financement ne repose pas uniquement sur les travailleurs. Cela peut favoriser une diminution des coûts de main-d’œuvre non salariaux, qui peut à son tour atténuer les incitations à l’automatisation (Banque mondiale, 2019[6]) et encourager l’emploi formel (Levy, 2008[42]). Le remplacement des prestations contributives par des prestations financées par les recettes générales pourrait également faciliter l’uniformisation des coûts de main-d’œuvre non salariaux entre les formes d’emploi et réduire ainsi les distorsions dues au traitement juridique inégal des différents types de relations contractuelles (voir section 7.3.5).
Le filet de sécurité que représente le revenu minimum garanti occupe donc une place importante dans les stratégies déployées par les pays pour atténuer la pauvreté. Néanmoins, les dispositifs de revenu minimum ciblés peuvent être difficilement accessibles en pratique en raison des coûts induits par les procédures de demande de prestations – dus par exemple à des préjugés défavorables, à la quantité considérable d’informations demandées et aux incertitudes entourant l’admissibilité et les droits, qui conduisent à des taux de non-demande très élevés (Bargain, Immervoll et Viitamäki, 2012[46]). Par ailleurs, ces dispositifs n’opèrent pas un lissage significatif des revenus, sauf pendant les périodes où le revenu (du ménage) est nul ou très faible. À défaut d’être complétés par des prestations assurant aux travailleurs à revenu intermédiaire un taux de remplacement adéquat, ils n’offrent aucune garantie contre les pertes importantes de revenus à la majorité des individus dont les revenus sont nettement supérieurs au seuil de pauvreté. En particulier, les personnes ayant perdu leur emploi qui vivent dans un ménage à deux (ou plusieurs) apporteurs de revenu ne reçoivent généralement aucune aide en espèces des régimes de prestations de non-emploi fondés sur l’évaluation des besoins du ménage. De plus, comme l’aide au retour à l’emploi est fréquemment liée à la perception de prestations, ces groupes sont aussi souvent exclus des programmes actifs du marché du travail (section 7.3.4). Autre problème connexe, si l’adhésion du public aux dispositifs de filet de sécurité peut être liée à la perception que seules les personnes les plus pauvres requièrent une aide, le recours exclusif au ciblage des pauvres pourrait affaiblir la participation de la majorité des individus dans les régimes de protection sociale et, par conséquent, rendre leur financement moins stable et plus sensible aux cycles politiques (Lindert, 2004[47]).
Les dispositifs fondés sur les besoins pourraient également exercer un effet d’éviction sur les salaires et les aides fournies par les employeurs dans le cadre de la rémunération des travailleurs. Le découplage entre les droits à la protection sociale et les emplois s’accompagne donc du défi majeur, pour les autorités, de s’assurer que les transferts publics atteignent bien les personnes auxquelles ils sont destinés. L’expérience du Royaume-Uni, qui a étendu les prestations liées à l’exercice d’un emploi et mis en place un salaire minimum obligatoire à la fin des années 1990, offre une parfaite illustration de ces problématiques et de la façon dont les transferts liés à l’exercice d’un emploi et soumis à conditions de revenus peuvent être conçus pour profiter aux travailleurs peu rémunérés plutôt qu’à leurs employeurs17. Cependant, l’augmentation du nombre de travailleurs indépendants peu rémunérés qui ne bénéficient pas du salaire minimum réduit l’efficacité des planchers salariaux de ce point de vue.
7.3.3. Problèmes techniques liés à l’instabilité des carrières et des revenus d’activité
En dépit de ces difficultés, l’aide fondée sur les besoins demeurera un complément essentiel des prestations de protection sociale universelles fondées sur l’assurance et fournies par les employeurs, ainsi qu’une forme nécessaire de soutien par défaut à mesure que les autres piliers du système de protection sociale seront adaptés au futur monde du travail. Cependant, les changements à l’œuvre sur le marché du travail soulèvent un certain nombre de problèmes très pratiques pour les systèmes fondés sur les besoins et les systèmes contributifs. En premier lieu, les revenus d’activité des travailleurs atypiques, notamment des travailleurs indépendants, sont généralement sujets à des fluctuations considérables. Il est donc plus difficile dans leur cas d’estimer de façon fiable et en temps utile le revenu et les besoins du ménage, ainsi que l’assiette de calcul des cotisations aux régimes fondés sur l’assurance18. Les cotisations qui ne sont pas prélevées à la source mais payées à échéances espacées sont aussi plus visibles et plus susceptibles d’être assimilées à des impôts (Hershfield, Shu et Benartzi, 2018[48]).
Bien qu’induisant généralement des coûts élevés, les modes de transmission des données améliorés et la déclaration des revenus d’activité en temps réel (National Audit Office, 2018[49]) peuvent atténuer les problèmes techniques liés à l’évaluation des revenus. Une question plus fondamentale est de déterminer une fréquence de paiement ou d’évaluation adéquate, ainsi qu’une période de référence adaptée pour l’évaluation des revenus et des gains. Les modalités de paiement ont une influence sur la réactivité des systèmes de protection sociale, mais aussi sur les comportements des demandeurs de prestations et des cotisants. Les systèmes de protection sociale qui utilisent une période de référence courte peuvent s’adapter plus promptement à l’évolution des situations personnelles, mais peuvent aussi inciter les affiliés à manipuler le système en programmant leurs revenus de manière à maximiser leurs droits à prestations ou à minimiser leurs cotisations au cours d’une période de référence donnée. Par exemple, les travailleurs indépendants peuvent décaler leurs revenus d’activité d’une période à une autre, et les seuils et plafonds de cotisation orientent les cotisations individuelles et les recettes totales à la baisse en cas de revenus d’activité fluctuants. L’utilisation d’une période de référence plus longue neutralise ces incitations, notamment en ce qui concerne les paiements de cotisations. L’inconvénient est que les prestations sont susceptibles d’être octroyées aux bénéficiaires à un moment inopportun ou trop tardif, en décalage avec leurs besoins immédiats, parfois urgents, d’aide au revenu ou à l’emploi. Autre problème connexe, les travailleurs indépendants peuvent éprouver beaucoup de difficultés pour satisfaire les exigences minimales d’emploi ou de cotisations conditionnant l’accès aux prestations s’il s’écoule une longue période entre le moment où ils exécutent les travaux et celui où ils sont payés, par exemple s’ils sont payés en une seule fois pour un travail au long cours.
Le nombre de travailleurs ayant des revenus d’activité fluctuants pourrait augmenter à l’avenir, raison pour laquelle il devient plus urgent de trouver des moyens d’adapter les systèmes de protection sociale aux variations des revenus d’activité. Ce problème n’est cependant pas nouveau, et les pays ont tenté d’y remédier selon différentes approches qui mettent en évidence les arbitrages en jeu :
Aux Pays-Bas, les travailleurs indépendants qui connaissent des périodes temporaires de revenus faibles peuvent bénéficier de prêts à taux zéro pour les aider à surmonter leurs problèmes de liquidités (de Graaf-Zijl, Scheer et Bolhaar, 2018[50]). Dans le prolongement de ce système, une solution pourrait consister à convertir ces prêts (ou une partie de ces prêts) en prestations à un certain moment dans le futur, par exemple lorsqu’il apparaît que l’épisode de faible revenus est amené à durer.
Le Danemark a harmonisé les règles relatives aux droits à la couverture chômage entre les différentes catégories de travailleurs salariés et indépendants en liant l’admissibilité au revenu imposable sur trois ans, indépendamment du type de relation contractuelle. Ce système présente aussi l’avantage de faciliter l’accès aux prestations pour les personnes qui combinent travail salarié et travail indépendant. En complément de ces dispositions, une mesure impose aux travailleurs indépendants qui ont cessé leur activité et perçoivent des prestations d’attendre six mois avant d’exercer à nouveau une activité indépendante. Cette période obligatoire de « recherche d’emploi » a pour but d’éviter que les travailleurs indépendants ne perçoivent des indemnités tout en poursuivant leur activité indépendante (OCDE, 2018[51]).
Au Royaume-Uni, les personnes qui font valoir leurs droits au Universal Credit, y compris les travailleurs indépendants, doivent déclarer leurs revenus d’activité mensuellement. Pour les bénéficiaires de prestations à plus long terme, tous revenus tirés d’une activité indépendante sont supposés être au moins égaux au salaire minimum national et donc réduisent les droits à prestations d’autant. Ce système permet de circonvenir les problèmes de mesure pour un grand nombre de demandeurs de prestations établis à leur compte, et évite que les autorités publiques ne subventionnent de petites entreprises non viables sur le plan économique ou des travailleurs indépendants qui auraient davantage intérêt à prendre un emploi rémunéré au salaire minimum standard. Toutefois, si elle présente l’avantage de la simplicité, cette approche pénalise les travailleurs indépendants dont les revenus d’activité sont réellement faibles (Citizens advice, 2018[52] ; Low Incomes Tax Reform Group, 2017[53]). Plus particulièrement, partir du principe qu’un groupe de travailleurs non couvert par les réglementations relatives aux salaires planchers perçoit au moins l’équivalent du salaire minimum risque d’accentuer le désavantage que subissent sur le marché du travail les travailleurs pour qui le choix se résume à exercer un emploi indépendant peu rémunéré ou ne pas travailler du tout, ou qui sont activement encouragés par les prestataires de services d’aide à l’emploi à chercher et accepter en premier lieu un travail indépendant19.
La Nouvelle-Zélande a institué un groupe consultatif sur la protection sociale chargé d’examiner les problème techniques et enjeux plus généraux liés aux changements du marché du travail, y compris l’apparition de nouvelles possibilités de travail indépendant et ses conséquences pour les capacités et la réactivité des systèmes de protection sociale (Ministère du Développement social, 2018[54]).
7.3.4. Prévention et promotion : les politiques d’activation sur les marchés du travail de demain
Nombreux sont les travailleurs qui, chaque année, sont amenés à prendre ou à quitter un emploi. Avant la crise économique et financière mondiale, les cessations d’emploi et les embauches représentaient chaque année près de 15 % en moyenne de l’emploi total dans les pays de l’OCDE. Les chiffres relatifs à la redistribution des emplois sont restés à peu près semblables après la crise, mais les tendances n’ont pas été uniformes entre les pays (Falco, Green et MacDonald, à paraître[55]) – voir également chapitre 3. Si l’accélération de l’adoption des technologies augmente le rythme de redistribution des emplois, la prédisposition et la capacité des travailleurs à se réorienter des secteurs et entreprises en déclin vers les secteurs et entreprises en expansion devraient devenir un déterminant de plus en plus décisif des tendances de l’emploi.
La modification des façons de travailler et l’apparition de nouvelles formes d’emploi soulèvent de nouvelles interrogations concernant le périmètre et l’ambition des politiques d’activation et des systèmes de protection sociale axés sur l’emploi. Par exemple, en comparaison des personnes sans emploi qui occupaient auparavant un emploi traditionnel, les demandeurs d’emploi qui exerçaient une activité indépendante sont peut-être moins susceptibles de faire appel au service public de l’emploi (SPE) pour les aider dans leurs recherches de travail – ce peut être le cas par exemple pour les personnes non admissibles aux prestations, qui n’ont pas d’incitation financière immédiate à interagir régulièrement avec le SPE (Graphique 7.7). Les données présentées sur ce graphique n’indiquent pas les principales méthodes utilisées par les individus pour chercher du travail ni le type d’activité qu’exerçaient auparavant les travailleurs indépendants (voir notes du graphique) ; cela pourrait expliquer pourquoi les différences entre salariés et travailleurs indépendants ressortent à des niveaux relativement faibles dans plusieurs pays, même dans ceux où les travailleurs indépendants n’ont habituellement pas accès aux allocations de chômage. Pour certains travailleurs indépendants sans emploi, le faible recours au SPE pourrait également s’expliquer par le fait qu’ils disposent d’autres moyens de recherche d’emploi ou par une préférence pour un type d’emploi indépendant supposé sortir du domaine de compétence du SPE. Quelle qu’en soit la raison, le recours limité aux services du SPE pourrait devenir préoccupant si, de plus en plus, certaines formes de travail indépendant se substituent à l’emploi salarié.
Réintégration des travailleurs privés d’emploi
Les travailleurs qui ont perdu leur emploi involontairement pour des raisons liées à la technologie ou à d’autres raisons économiques (les travailleurs « privés d’emploi ») retrouvent du travail beaucoup plus rapidement dans certains pays que dans d’autres. Si près de 90 % retrouvent un emploi dans l’année en Finlande et en Suède, ils ne sont que 30 % en France et au Portugal (OCDE, 2019[56]). Lorsque que le nombre de travailleurs privés d’emploi augmente, notamment sous l’effet de l’automatisation, il devient plus difficile de leur apporter en temps utile une aide à la recherche d’emploi adaptée à leurs besoins (voir chapitres 2 et 3 sur cette question). Certaines mesures de prévention et d’intervention précoce sont particulièrement indiquées pour les travailleurs qui sont licenciés d’une entreprise dans laquelle ils ont travaillé pendant une durée modérée ou plus longue. En effet, l’une des différences importantes qui distingue les travailleurs privés d’emploi de la plupart des autres chômeurs bénéficiaires d’une aide au revenu ou au retour à l’emploi est qu’il y a en principe davantage de possibilités d’aider les premiers avec des mesures anticipatives. Les services d’intervention rapide, par exemple la tenue, dans les locaux d’une entreprise devant fermer prochainement, d’actions de conseil ou de médiation animées des conseillers du SPE, peuvent activer le processus d’ajustement en apportant en temps utile une aide au retour à l’emploi aux personnes qui en ont besoin.
Ces services d’intervention précoce peuvent être très efficaces ; cependant, hormis les cas de licenciements collectifs massifs, ils ne sont pas utilisés couramment et nécessitent qu’un partenariat social soit en place pour assurer la participation active des employeurs aux mesures anticipatives d’aide au retour à l’emploi, comme c’est le cas en Suède (voir également chapitre 5)20. Sur les marchés du travail caractérisés par un raccourcissement des durées d’occupation d’un même emploi ou un recul des modes traditionnels de représentation des travailleurs, convaincre les employeurs de prendre activement part aux mesures de prévention et d’intervention rapide peut être encore plus ardu. Dans le futur monde du travail, l’accès à ces mesures pourrait par conséquent devenir plus difficile pour une part croissante des travailleurs ayant perdu leur emploi. Dans ces conditions, les programmes d’activation et de promotion de portée générale – c’est-à-dire destinés aux travailleurs privés d’emploi pour raisons économiques ainsi qu’aux autres catégories de demandeurs d’emploi – devraient acquérir une importance accrue en tant que piliers essentiels des stratégies de réinsertion sur le marché du travail.
Mesures d’activation : pour quelles catégories, et avec quels objectifs ?
Les SPE devront peut-être adopter des stratégies de sensibilisation plus efficaces pour établir des contacts avec les travailleurs qui ont actuellement un emploi mais présentent un risque élevé de le perdre, par exemple ceux qui exercent un emploi précaire. Même si, dans de nombreux pays, certains groupes de travailleurs peu rémunérés bénéficient d’une aide sous la forme de prestations liées à l’exercice d’un emploi ou de subventions salariales, les travailleurs sont exclus de la grande majorité des mesures d’aide à la recherche d’emploi et programmes actifs du marché du travail, qui se concentrent sur les bénéficiaires de prestations de non-emploi. Avec l’essor du travail à la tâche et de diverses formes d’emploi indépendant et la multiplication des possibilités d’emploi occasionnel de courte durée ou d’emploi à temps partiel, la dichotomie traditionnelle « personne exerçant un emploi » / « personne sans emploi » est de plus en plus anachronique. À vrai dire, dans certains pays, les travailleurs exerçant un emploi temporaire et/ou effectuant un nombre d’heures de travail limité sont maintenant plus nombreux que certaines grandes catégories de personnes sans emploi – personnes qui ne travaillent pas pour des raisons familiales, personnes inaptes au travail ou chômeurs de longue durée par exemple (Graphique 7.8). En se focalisant strictement sur les personnes sans emploi, on prive de soutien un grand nombre de travailleurs précaires qui éprouvent des difficultés pour accéder à un emploi de meilleure qualité. Cette approche est donc un moyen de moins en moins satisfaisant de cibler les programmes d’activation et d’aide au retour à l’emploi21.
Il faudrait simultanément étendre l’accès aux mesures actives du marché du travail et s’attaquer aux carences fortuites de la protection sociale. Pour les personnes qui occupent un emploi temporaire ou précaire, cela implique de passer au crible les principaux critères d’admissibilité aux allocations de chômage existantes, tels que les délais de carence, les antécédents professionnels requis (voir Graphique 7.1) et les règles déterminant le type et la quantité de travail qui peuvent être combinés avec des allocations (« allocations de chômage partiel »)22. Dans de nombreux pays de l’OCDE, il est possible de recevoir des allocations de chômage tout en effectuant quelques heures de travail à temps partiel, et certains pays accordent des allocations partielles aux travailleurs confrontés à une réduction de leurs heures de travail23. Néanmoins, tous les bénéficiaires potentiels ne savent pas que cette possibilité existe (Stettner, Cassidy et Wentworth, 2016[57]). Dans les systèmes contributifs, les prestations aux travailleurs temporaires sans emploi devraient comprendre des clauses autorisant ces derniers à reporter leurs droits « non utilisés » (c’est-à-dire les droits qu’ils n’ont pas fait valoir au cours d’une période d’inactivité donnée) à une période ultérieure. Une autre stratégie (en partie équivalente d’un point de vue fonctionnel) consiste à intégrer plus largement les programmes de prestations liées à l’exercice d’un emploi et de prestations de non-emploi. La réforme du « Universal Credit » au Royaume-Uni offre un bon exemple de ce type de stratégie globale (Browne, Hood et Joyce, 2016[58] ; Office for Budget Responsibility, 2018[59]).
Il est également nécessaire d’adapter le contenu et les modes de fourniture des aides axées sur l’emploi. Premièrement, compte tenu de l’évolution du public cible des mesures de soutien actif, les services pour l’emploi doivent disposer de ressources suffisantes et fiables, et les intervenants de première ligne et les travailleurs sociaux être suffisamment nombreux et qualifiés. La mise en place de services en ligne conviviaux pour les demandeurs d’emploi et de systèmes automatisés facilitant l’accès des différents organismes concernés aux données requises (par exemple les antécédents d’emploi et de participation aux programmes) peut accélérer l’inscription initiale des demandeurs d’emploi et l’exécution d’autres opérations routinières24. De manière générale, la technologie peut alléger les pressions pesant sur les budgets de fonctionnement en libérant du temps pour les interactions individuelles entre le personnel et les demandeurs d’emploi, et élargit la palette d’outils disponibles pour la mise en œuvre de stratégies d’activation plus larges. Ainsi, l’informatique peut faciliter la fourniture de services personnalisés et bien ciblés, par exemple grâce aux outils de profilage statistique (OCDE, 2018[60]). Cependant, les processus fortement automatisés engendrent également de nouveaux risques significatifs, en particulier lorsqu’ils sont mis en place ou utilisés dans le contexte de budgets serrés. Une stratégie offensive de remplacement des contacts interpersonnels par des interfaces numériques pourrait compromettre l’accessibilité et la qualité des services et pénaliser en particulier les personnes ayant des compétences numériques limitées ou celles dont les besoins sont complexes et requièrent l’expertise des travailleurs sociaux. Les interventions et programmes qui utilisent les nouvelles générations d’outils de profilage et de systèmes d’aide à la décision fondés sur l’intelligence artificielle peuvent également être perçus comme abscons ou injustes et, par conséquent, être mal acceptés par certains demandeurs d’emploi, réduisant la prédisposition de ces derniers à coopérer activement avec le SPE.
Deuxièmement, l’apparition de nouvelles formes d’emploi atypique et leur importance grandissante nécessitent de réexaminer le rôle et les objectifs prévus des services publics d’intermédiation du travail et d’aide à l’emploi. L’une des questions fondamentales est de déterminer dans quelle mesure le SPE doit inciter les personnes à se tourner vers des missions de très courte durée, des emplois occasionnels (par exemple, travail à la demande et contrats zéro heure) ou l’emploi indépendant. Si le rôle d’intermédiation du SPE peut être partiellement redondant pour le travail sur plateforme directement accessible en ligne, certains services publics de l’emploi utilisent d’ores et déjà les technologies de web scraping pour regrouper les annonces d’offres d’emploi placées dans de multiples répertoires d’offres d’emploi (parfois plusieurs centaines). Aux Pays-Bas, par exemple, plus d’un tiers des offres d’emploi placées sur le portail du SPE ont été trouvées sur d’autres sites Web à l’aide de cette technologie. Plus fondamentalement, cependant, la disponibilité croissante de nouvelles formes d’emploi amène à se demander si les services de l’emploi peuvent et devraient donner la priorité à certaines formes d’emploi lorsqu’ils enregistrent les annonces de postes vacants dans leurs bases de données ou lorsqu’ils proposent des postes vacants aux demandeurs d’emploi. Par exemple, certains Workforce Boards (commissions de développement de la main-d’œuvre) aux États-Unis ont organisé des campagnes de recrutement pour des services de covoiturage accessibles par le biais de plateformes numériques (McKay, Pollack et Fitzpayne, 2018[61]). Ces méthodes demeurent souvent expérimentales néanmoins, et les politiques et les pratiques varient dans et entre les pays. Même lorsqu’un aiguillage actif vers des emplois atypiques est souhaité et compatible avec les procédures ou les directives du SPE, les modalités de financement des SPE ou les procédures de notification de ces services peuvent décourager cette démarche – c’est le cas par exemple si l’efficacité des mesures de réintégration est mesurée à l’aune du niveau ou de la stabilité des revenus d’activité futurs, mais que le SPE n’a pas directement accès aux informations sur les revenus tirés de l’emploi indépendant. Par ailleurs, le recours croissant aux contrats de travail atypiques peut faire craindre la création de « voies à sens unique » sans retour possible vers des formes d’emploi traditionnelles, par exemple si les demandeurs d’emploi sont encouragés à s’installer à leur compte ou reçoivent des aides pour le faire, sans savoir précisément comment ils pourront renouer avec un emploi traditionnel au cas où leur activité indépendante ne serait pas viable.
Plus généralement, les pouvoirs publics devraient chercher à déterminer si les stratégies d’activation destinées aux demandeurs d’emploi ainsi qu’aux personnes exerçant un emploi précaire ou peu rémunéré encouragent les formes d’emploi traditionnelles et atypiques de façon équilibrée et si elles cadrent avec les objectifs de l’action publique en termes de quantité et de qualité des emplois (OCDE, 2018[2]). Dans un cadre fondé sur les droits et les responsabilités, cet examen devrait par exemple préciser la définition et les conditions d’application de la notion d’emplois « appropriés », c’est-à-dire les types d’emplois que les bénéficiaires de prestations doivent chercher et accepter pour ne pas être sanctionnés (Immervoll et Knotz, 2018[62]). Plus particulièrement, l’approche consistant à placer un demandeur d’emploi dans le premier poste vacant venu pourrait ne pas suffire pour les personnes confrontées à des cycles récurrents d’emploi précaire et de non-emploi. En outre, les personnes qui travaillent dans des secteurs très exposés à l’automatisation ou aux restructurations peuvent avoir besoin de services d’aide à l’emploi qui réévalueront leurs perspectives d’emploi, leur fourniront des conseils d’orientation professionnelle et leur proposeront une stratégie cohérente de retour à l’emploi et, au besoin, de reconversion (voir également chapitre 6).
Trouver le juste équilibre entre incitations et soutien
De faibles incitations au travail sont rarement le seul obstacle – ni même l’obstacle principal – à l’emploi pour les demandeurs d’emploi25. Cependant, ces incitations ont un rôle central dans les stratégies d’activation qui lient la réception de prestations à la recherche active d’emploi et à la participation aux programmes du marché du travail. Fait important, un marché du travail plus fluide laissant aux individus davantage de latitude pour choisir quand travailler et pendant combien de temps augmente les possibilités d’agir sur les incitations positives et négatives. Ce constat a des implications importantes pour la portée des obligations de recherche d’emploi et autres exigences comportementales qui conditionnent la perception de prestations, et pour la conception des systèmes d’imposition et de prestations plus généralement. Premièrement, les dispositifs incitatifs qui favorisent des formes d’emploi particulières pourraient causer davantage de distorsions et de dommages économiques que cela n’a été le cas par le passé (voir section 7.3.5).
Deuxièmement, les régimes d’imposition et de prestations, qui entraînent une baisse ou une hausse brutale des revenus des individus en cas de modification des revenus d’activité ou des heures de travail, sont plus susceptibles d’affecter le temps de travail et les revenus d’activité lorsque la durée du travail n’est plus limitée par exemple à 40, 30 ou 20 heures par semaine – voir notamment Saez (2010[63]). Dès lors, il existe une incitation accrue à éviter des taux effectifs marginaux d’imposition (TEMI) excessifs, qui peuvent résulter par exemple de taux de réduction des prestations très élevés ou de l’application de seuils pour le calcul des impôts dus ou des droits à prestations. Dans un grand nombre de pays de l’OCDE, il existe actuellement de fortes contre-incitations au travail pour les faibles revenus d’activité, avec des TEMI qui avoisinent ou dépassent 100 % (Graphique 7.9). À mesure que les choix en matière de temps de travail et d’emploi deviennent plus « élastiques », les pouvoirs publics auront peut-être de plus amples possibilités d’instaurer des incitations positives explicites, axées sur des résultats socialement souhaitables. Ils pourraient pas exemple accorder des réductions d’impôt aux conjoints inactifs qui prennent un travail pour apporter un second revenu au ménage (Immervoll et al., 2009[64]), ou des avantages fiscaux ou compléments de prestations spécifiques aux travailleurs peu rémunérés qui cessent de travailler à la marge pour effectuer un nombre minimum donné d’heures de travail26.
Troisième point, et peut-être le plus important, les autorités devraient déterminer si les réformes des régimes de prestations envisagées pour corriger les carences de couverture sociale entraînent une nécessité de rééquilibrer les composantes « obligations » et « aides » des cadres fondés sur les droits et les responsabilités existants. Les obligations de recherche d’emploi et autres exigences d’activation permettent de cibler les aides sur les personnes qui cherchent véritablement du travail et de limiter l’accès aux prestations pour les autres catégories. L’émergence de nouvelles formes de travail, qui s’accompagne de possibilités accrues, pour les travailleurs, de combiner leur travail et leurs revenus d’activité d’une manière qui leur permette en parallèle de recevoir des prestations, impose aux pouvoirs publics de prêter une attention accrue à la définition et à l’exécution des responsabilités des bénéficiaires de prestations, qui devraient être claires et raisonnables. De même, il pourrait être nécessaire d’élargir le champ d’application des obligations de recherche d’emploi et de participation active aux mesures d’aide au retour à l’emploi pour compenser l’extension des droits à prestations à de nouveaux groupes de demandeurs d’emploi, tels que les personnes en situation de chômage partiel, les personnes travaillant sporadiquement et celles qui cessent de travailler après avoir exercé une activité indépendante.
7.3.5. S’assurer que les ressources allouées à la protection sociale soient adaptées à l’évolution de la demande
Les mutations des marchés du travail engendrent de nouveaux défis pour le financement des systèmes de protection sociale et peuvent exacerber les défis qui existent de plus longue date. Pour diverses raisons, il faut s’attendre à ce que le volume de ressources requis pour assurer un soutien adéquat aux personnes en âge de travailler aille en augmentant. Compte tenu de l’accélération de la rotation de la main-d’œuvre observée dans de nombreux pays (voir chapitre 3), de plus en plus de travailleurs seront amenés à solliciter une aide à tout moment dans le temps et à différents stades de leur carrière. Pour combler les carences de protection sociale dont pâtissent les travailleurs atypiques et soutenir la transition et la réintégration des travailleurs des secteurs en déclin qui ont perdu leur emploi, les systèmes de protection sociale devront disposer de budgets adéquats.
Or, le budget alloué aux aides aux personnes d’âge actif subit toute une série de pressions à la baisse. La principale source de financement des systèmes de protection sociale risque de s’éroder si, sous l’action conjuguée des mégatendances et du renforcement du pouvoir de marché des entreprises, la part du travail dans le revenu national continue à décliner – voir par exemple OCDE (2019[32]), Sachs (2018[65]). Au versant des dépenses, le vieillissement démographique fait peser des pressions croissantes sur les régimes de retraite et les systèmes de santé et de soins de longue durée, qui absorbent une part grandissante des ressources disponibles pour la protection sociale. Ainsi, durant les 25 à 30 dernières années, les dépenses consacrées aux prestations de vieillesse et de survie ont fortement augmenté, non seulement en volume total mais aussi, en dépit des réformes des régimes de retraite, par personne. Par exemple, si l’on établit une moyenne pour les pays de l’OCDE disposant de séries longues sur les dépenses sociales, les dépenses consacrées aux prestations de vieillesse et de survie par personne âgée de 65 ans ou plus sont passées de 22 % du PIB par habitant en 1990 à 32 % en 2000 puis à 38 % en 201327.
Pour contrer le déclin des ressources disponibles pour l’aide aux personnes d’âge actif, il faudra adopter une approche déterminée, bien coordonnée et complète; nourrie par un débat sur la question de savoir comment les initiatives nouvelles ou étoffées devraient être financées et qui devrait les financer. L’un des points clés de ce débat sera de vérifier que les ressources disponibles sont utilisées de manière efficiente. Mais il faudra également discuter des moyens d’élargir l’assiette d’imposition et de renforcer les technologies de collecte de recettes et l’application de la législation en vigueur (OCDE, 2018[66]). Autre défi pour le monde du travail de demain, qui verra se développer un éventail de modalités de travail de plus en plus large : les comportements d’affiliation ou de retrait sélectif pourraient mettre à mal la viabilité des régimes de protection sociale dans lesquels l’adhésion est volontaire (voir sections 7.1 et 7.2.1). Cette section se concentre sur deux problèmes de financement particuliers qui sont étroitement liés à la conception des systèmes de protection sociale : les incitations en faveur du travail atypique que les modes de financement de la protection sociale peuvent engendrer, et le souci de répartir équitablement la charge du financement de la protection sociale entre les différents employeurs.
S’attaquer aux incitations financières en faveur du travail atypique
Les droits à la protection sociale financés dans le cadre d’une relation d’emploi représentent des coûts de main-d’œuvre non salariaux. Lorsque le coût de la couverture sociale n’est pas uniforme d’une forme d’emploi à une autre, les employeurs et les salariés peuvent faire en sorte de réduire leurs coûts en opérant un arbitrage entre différentes modalités de travail. Bien que ces incitations ne soient que l’un des nombreux facteurs qui déterminent le choix de la forme d’emploi la plus appropriée, les différences de coûts de main-d’œuvre non salariaux peuvent être importantes. En témoigne le Graphique 7.10, qui indique les variations du « coin des prélèvements totaux », défini comme la somme de l’impôt sur le revenu des personnes physiques, des cotisations de sécurité sociale et d’autres paiements obligatoires en proportion des coûts de main-d’œuvre totaux, entre l’emploi salarié et différents types d’emploi indépendant. À des fins d’illustration, les résultats se réfèrent dans tous les cas à une personne dont les revenus d’activité bruts correspondent au salaire moyen à plein temps.
Les écarts sont importants lorsque les travailleurs atypiques sont exclus de certaines composantes du système de protection sociale ou lorsque l’affiliation est volontaire. Dans les deux cas, cela peut se traduire par des niveaux de cotisations légales sensiblement inférieurs pour les travailleurs atypiques. Aux Pays-Bas, le coin des prélèvements totaux est plus de deux fois plus élevé pour un salarié (51 %) que pour un auto-entrepreneur (22 %), ce qui signifie que les coûts d’emploi totaux sont plus élevés de 60 % pour le salarié28. L’écart du coin des prélèvements est dû en majeure partie (à hauteur de 22 points de pourcentage points) aux cotisations de sécurité sociale patronales, et est encore accentué par la déduction d’impôt accordée aux travailleurs indépendants (OCDE, 2018[67])29. Parmi les sept pays de l’OCDE étudiés par Milanez et Bratta (2019[68]), c’est en Suède que la différence de coût entre l’emploi salarié et la forme de travail au coût le plus faible est la plus réduite, les auto-entrepreneurs dans ce pays ayant accès à la plupart des programmes de protection sociale publics, à l’exception du fonds des faillites (Kolsrud, 2018[19]). Le Graphique 7.10 se concentre sur les prélèvements obligatoires, mais il existe d’autres disparités de coût d’une forme d’emploi à une autre, qui résultent par exemple des cotisations versées par les employeurs à des dispositifs de protection sociale qui relèvent des conventions collectives et apportent des prestations complémentaires aux travailleurs couverts par ces conventions (voir section 7.2.1). Les écarts réels de cotisations peuvent également être significatifs si la participation au régime de protection sociale est volontaire ou si certaines catégories de travailleurs disposent d’une marge de latitude pour choisir le montant de leurs cotisations (sections 7.1 et 7.2.1).
Pour les travailleurs, l’emploi atypique est particulièrement avantageux s’il donne lieu à des cotisations plus faibles que l’emploi traditionnel salarié pour des droits à prestations à peu près identiques (voir chapitre 4). Il y a lieu d’harmoniser autant que possible les cotisations et les droits à prestations entre les différentes formes d’emploi pour empêcher les employeurs de pratiquer un arbitrage réglementaire à des fins d’optimisation de la composition de la main-d’œuvre. Plusieurs pays ont pris des dispositions pour étendre la couverture sociale aux travailleurs atypiques afin de juguler la croissance continue de leurs effectifs. L’Autriche a entrepris d’intégrer graduellement les auto-entrepreneurs (freie Dienstnehmer), un statut intermédiaire entre les travailleurs indépendants et les salariés, au système d’assurance sociale, craignant que les employeurs n’utilisent cette forme de contrat pour échapper aux cotisations sociales. Depuis 2008, les auto-entrepreneurs sont assujettis aux mêmes cotisations de sécurité sociale (parts de l’employeur et de l’employé) que les salariés traditionnels. Tandis que leur nombre avait régulièrement augmenté jusqu’au début de 2007, il a commencé à décliner après l’annonce de la réforme, pour atteindre son plus bas niveau en 2016 (Fink et Nagl, 2018[20])30. En Italie, l’intégration progressive des para-salariés au système général d’assurance sociale, qui a commencé en 2012, a produit des effets similaires (Raitano, 2018[24]).
Répartir la charge du financement de façon équilibrée entre les employeurs
Pour que la charge du financement soit répartie de façon équilibrée entre les différentes catégories d’employeurs, y compris dans les secteurs où l’automatisation supprime des emplois, peut-être faudra-t-il concevoir des modèles de financement des cotisations différents et novateurs. En règle générale, les dispositifs de financement des prestations aux personnes sans emploi fondés sur les systèmes traditionnels de cotisations patronales ne lient pas les coûts des employeurs à leurs décisions de licenciement ni aux coûts sociaux induits par ces licenciements. En l’absence de tels liens, les secteurs et les entreprises où l’emploi est plus stable subventionnent implicitement les secteurs et les entreprises où les licenciements sont plus fréquents. Tout comme la mutualisation des risques entre les travailleurs, ce type de redistribution entre les entreprises peut être souhaitable, opérant comme un mécanisme d’assurance contre les chocs imprévus (par exemple les chocs cycliques). Mais il peut aussi favoriser les comportements d’optimisation lorsque les tendances en matière de licenciement présentent des différences systématiques ou « structurelles ». Ce peut être le cas notamment lorsque, pour réduire leurs coûts de main-d’œuvre, certaines entreprises embauchent et licencient successivement les mêmes travailleurs, qui complètent leur salaire avec les indemnités versées par l’assurance chômage. Dans le contexte de l’automatisation, l’absence de lien entre le financement et les comportements en matière de licenciement engendre des distorsions qui provoquent une substitution accélérée et peut-être excessive de l’intelligence artificielle et des robots à la main-d’œuvre dans certains secteurs ou entreprises. Lier le montant des cotisations à l’assurance chômage au nombre de licenciements (cotisations « calculées selon les antécédents ») permettrait de neutraliser ces distorsions, de faire supporter une plus grande part des coûts sociaux des suppressions d’emploi par la source et d’instaurer des règles plus équitables pour les technologies de production tributaires de la main-d’œuvre et à forte intensité d’automatisation.
Les États-Unis sont actuellement le seul pays de l’OCDE où les cotisations des employeurs sont calculées selon les antécédents dans le contexte de l’assurance chômage (OCDE, 2019[32]), même si ce mode de calcul est un peu plus répandu dans d’autres branches du système de protection sociale, notamment les régimes d’assurance invalidité et accidents du travail (OCDE, 2010[69]).31 Dans le cas de l’assurance chômage, des données indiquent que le calcul des cotisations selon les antécédents conduit à un allègement de la charge globale des cotisations et à une augmentation de l’emploi32. Cependant, les détails du mode de calcul doivent être minutieusement étudiés, notamment pour éviter « l’écrémage » (éviter par exemple que les employeurs ne recrutent que des travailleurs présentant un faible risque de licenciement pour se prémunir contre la hausse de leurs coûts d’assurance).
7.4. Conclusions
Ce chapitre a évalué les défis que devront relever les systèmes de protection sociale dans le monde du travail de demain, et examiné des pistes de réforme pour y parvenir. Il a présenté de nouvelles estimations sur les carences des régimes de protection sociale actuels, notamment à l’égard de formes d’emploi qui pourraient devenir plus fréquentes à l’avenir à mesure que les innovations technologiques et sur le lieu de travail élargissent le champ des possibilités de travail atypique ou soumettent les travailleurs à des pressions croissantes les obligeant à accepter ces emplois. Un partage efficace des risques sociaux passe par un accès étendu aux régimes de protection sociale et par l’adhésion continue des travailleurs aux principes qui sous-tendent ces régimes. Une couverture sociale ou une répartition de la charge du financement inégales pourraient affaiblir ou compromettre ce consensus et rendre la protection inaccessible ou trop onéreuse pour ceux qui en ont le plus besoin. Les résultats laissent penser que les systèmes de protection sociale peuvent être renforcés de façon à protéger les individus contre les nouveaux risques qui se profilent sur le marché du travail, et ce dans le contexte de différentes stratégies de protection sociale, telles que l’assurance ou l’aide ciblée sur le revenu. Mais pour y parvenir, il faudra faire preuve de détermination pour adapter les prestations et aides à l’emploi et allouer aux mesures de prévention, de protection et de promotion un volume de ressources suffisant – ce qui pourrait nécessiter une augmentation significative des ressources dans certains cas. L’un des défis majeurs est d’assurer des règles du jeu équitables en s’attaquant aux incitations financières, sources de distorsions, qui poussent les individus à refuser la couverture sociale, à contourner les obligations d’affiliation ou à manipuler le système en programmant leurs revenus de manière à maximiser leurs droits à prestations ou à minimiser leurs cotisations.
Pour préparer la protection sociale au monde du travail de demain, il est nécessaire d’adopter une approche à la fois anticipative et itérative permettant de combler les carences de la protection sociale – dont certaines existent de longue date – tout en adaptant les politiques à l’évolution continue des marchés du travail. Ce chapitre a présenté des « instantanés » des carences de la protection sociale offerte aux grandes catégories de salariés traditionnels et atypiques, à partir de données recueillies à l’échelon individuel et portant sur le passé récent. Les travaux futurs devront nourrir le débat sur la réforme des politiques, en actualisant régulièrement les données et en cherchant à savoir si les mutations des marchés du travail entraînent de nouvelles carences de protection sociale. Par exemple, si les données le permettent, il y aurait lieu d’examiner l’accessibilité et la générosité des prestations de protection sociale dans des situations de travail atypique spécifiques, telles que l’emploi sur les plateformes en ligne et d’autres formes d’emploi indépendant ou salarié qui sont susceptibles d’apparaître à l’avenir.
Encadré 7.4. Orientations stratégiques
Les pays doivent procéder à un examen minutieux de leurs systèmes de protection sociale afin de déterminer s’ils offrent une couverture fiable contre les risques sociaux et du marché du travail, qui ne cessent d’évoluer. Dans la plupart des pays, les systèmes de protection sociale sont fondés sur la conjugaison de différents principes, comme les conditions de ressources ou l’assurance sociale, et ces dispositions influent sur la manière dont l’essor du travail atypique se traduit par des obstacles spécifiques à l’accès à la protection sociale. Les régimes de protection sociale peuvent eux-mêmes contribuer à la montée en puissance de l’emploi atypique. Il faut renforcer, le cas échéant, les régimes de protection sociale afin d’assurer un soutien efficace en matière de revenu et d’emploi aux travailleurs qui n’ont pas les moyens de saisir rapidement les opportunités créées par les progrès technologiques et le dynamisme du marché du travail.
Pour adapter la protection sociale aux marchés du travail de demain, il faut adopter une approche anticipative mais itérative qui s’attaque aux problèmes existants tout en assurant un suivi et l’adaptation des politiques parallèlement à l’évolution des marchés du travail. Certains problèmes existent depuis longtemps mais ils pourraient devenir plus pressants à mesure que les nouvelles technologies ouvrent la voie à d’autres formes de travail. Il est indispensable de veiller à ce que la qualification du statut d’emploi des travailleurs soit correcte afin qu’ils puissent bénéficier des protections et des prestations auxquelles ils ont droit en fonction de leur situation et des risques auxquels ils sont exposés (voir chapitre 4).
Toutefois, même avec des catégories juridiques bien définies et respectées, les régimes de protection sociale peuvent comporter des carences importantes pour les salariés traditionnels et, plus particulièrement, pour les travailleurs atypiques. Afin d’éliminer les obstacles à l’accès à la protection sociale, les décideurs pourraient étudier les pistes d’action suivantes :
Passer en revue les critères d’ouverture des droits à la protection sociale, comme les obligations d’emploi, les délais de carence et les dispositions qui régissent la possibilité ou non de percevoir des prestations pendant que l’on occupe un emploi temporaire ou une autre forme d’emploi atypique ;
Permettre aux travailleurs indépendants d’acquérir des droits aux prestations de non-emploi dont bénéficient déjà les salariés traditionnels ;
Assouplir les dispositions des régimes de protection sociale en assurant la portabilité des droits acquis d’un emploi et d’une forme d’emploi à l’autre ;
Consolider ou renforcer le partage des risques entre tous les groupes du marché du travail et toutes les catégories de revenus, en s’attaquant aux incitations financières qui réduisent les coûts de main-d'œuvre non salariaux associés au travail atypique, comme les allègements d’impôts/de cotisations ou l’adhésion volontaire ;
Assouplir les critères de ressources pour s’adapter aux besoins des personnes, par exemple en modifiant la période de référence sur laquelle repose l’évaluation des besoins et en pondérant de manière appropriée les revenus actuels ou récents de tous les membres de la famille ;
En fonction de la marge de manœuvre budgétaire disponible, renforcer les formes d’aide universelles et sans conditions de ressources, comme les allocations universelles pour enfant à charge, afin de compléter les mesures de soutien ciblées ou les dispositifs d’assurance existants.
L’automatisation sera synonyme de suppressions d’emplois pour de nombreux travailleurs. Par ailleurs, avec les nouvelles formes d’emploi, la distinction est plus floue entre ceux qui exercent un emploi et ceux qui sont sans emploi. Cela soulève de nouvelles interrogations quant au périmètre et à l’ambition des mesures d’activation et des dispositifs de protection sociale axés sur l’emploi. Les possibilités et priorités d’action sont notamment les suivantes :
Il est crucial de s’attaquer aux insuffisances constatées sur le front de l’aide au revenu, qui sert généralement de point d’accès aux programmes de réinsertion sur le marché du travail. Pour ce faire, il pourrait être nécessaire d’étendre ces aides aux « personnes en situation de chômage partiel » et aux autres demandeurs d’emploi qui travaillent sporadiquement ou exercent un emploi peu rémunéré ou indépendant ;
Il faut passer en revue les obligations imposées aux bénéficiaires, comme la recherche active d’emploi, afin de compenser l’extension des droits à prestations. Un tel examen devrait permettre de s’assurer que l’équilibre entre les aides et les obligations reste dans le droit-fil des objectifs quantitatifs et qualitatifs pour l’emploi. Par exemple, les pouvoirs publics doivent déterminer si, et quand, les services de l’emploi doivent inciter les personnes à se tourner vers des formes d’emploi qui pourraient se révéler précaires ;
Les pouvoirs publics doivent veiller à ce que le contenu des programmes actifs du marché du travail corresponde aux besoins et à la situation des bénéficiaires, qui ne cessent d’évoluer. Face à l’augmentation de la proportion de personnes au chômage partiel, un transfert des ressources pourrait être nécessaire des programmes d’insertion professionnelle ou de création directe d’emplois vers la formation personnalisée ou l’orientation professionnelle (voir chapitre 6).
L’adaptation de la protection sociale au monde du travail de demain sera source de pressions supplémentaires en matière de financements, alors que les budgets alloués à la protection sociale sont déjà soumis à de fortes tensions dans de nombreux pays :
Pour assurer un niveau de financement adapté à l’évolution des besoins en matière de protection sociale, il faut adopter une approche résolue et coordonnée, fondée notamment sur une offre de services de protection sociale offrant un bon rapport coût-efficacité, des technologies optimisées de collecte de recettes et une meilleure application de la législation en vigueur, et un juste équilibre des recettes entre la fiscalité du travail et les autres types d’imposition ;
Pour veiller à la viabilité budgétaire des systèmes de protection sociale, il faut aussi s’attaquer aux incitations fortuites qui faussent les décisions d’emploi ou d’embauche ou encouragent la manipulation des systèmes d’aide par les travailleurs et les employeurs ;
Il faut plus particulièrement réexaminer les motifs qui justifient le caractère volontaire de l’adhésion aux systèmes de protection sociale, à la lumière de l’évolution des marchés du travail. Si des formes d’emploi nouvelles et émergentes augmentent les possibilités de se retirer des régimes de protection sociale, la fonction de mutualisation des risques assurée par la protection sociale pourrait être compromise, et ses sources de financement pourraient s’éroder ;
Les pouvoirs publics doivent également déterminer si les mécanismes de financement existants de la protection sociale assurent une juste répartition de la charge entre les différents employeurs, par exemple entre ceux qui n’ont que peu recours à l’automatisation et ceux qui remplacent une grande partie de leur main-d’œuvre par des robots ou l’intelligence artificielle.
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Notes
← 1. Voir chapitre 2 ainsi que Graetz et Michaels (2015[75]), Acemoglu et Restrepo (2017[91] ; 2018[90]), Brynjolfsson et McAfee (2014[83]), Autor (2015[86]), Ford (2015[76]) et Allen (2009[89]).
← 2. Cette redistribution opérée ex post par les systèmes d’assurance « équitables du point de vue actuariel » est due à plusieurs raisons. Premièrement, les risques ne sont pas toujours précisément connus ou identifiables (c’est le cas par exemple s’il n’existe pas de marché opérationnel pour assurer certains types de risque tels que le chômage). Deuxièmement, même lorsque les risques sont connus, ils constituent un concept ex ante. Les personnes qui sont au chômage plus souvent ou qui le restent plus longtemps que ne le prédisent leurs facteurs de risque seront mieux servies par le régime d’assurance chômage, les personnes qui vivent plus longtemps profiteront davantage du régime de retraite, etc. À dire vrai, ce type de redistribution des assurés « chanceux » vers les assurés « malchanceux » en termes de facteurs de risque est l’essence même de la mutualisation des risques, et distingue l’assurance équitable du point de vue actuariel des instruments d’épargne « pure ».
← 3. Chapitres 4 et 5, et OCDE (2018[51]).
← 4. En outre, les revenus d’activité des travailleurs indépendants sont plus prompts à s’infléchir à la baisse en réponse à l’évolution du marché car il n’y a pas pour cette catégorie de salaire minimum, ni de rigidité des salaires à la baisse. Par conséquent, s’ils ont droit à des allocations de chômage, les travailleurs indépendants dont les perspectives de revenus sont médiocres auront un intérêt financier relativement important à se mettre et à rester au chômage.
← 5. En Suède, par exemple, les travailleurs indépendants doivent réduire leur activité ou la mettre en sommeil pour percevoir des allocations de chômage ; par ailleurs, lorsqu’ils reprennent leur activité indépendante antérieure après avoir perçu des indemnités, il leur faut attendre plusieurs années avant de pouvoir bénéficier à nouveau de la couverture chômage.
← 6. D’après une étude récente menée auprès des travailleurs atypiques européens, ceux-ci sont peu disposés à cotiser pour bénéficier d’une protection sociale (Codagnone et al., 2018[79]).
← 7. Il n’existe pas de régime d’assurance maternité fédéral aux États-Unis.
← 8. L’Australie accorde en outre des avantages fiscaux aux propriétaires de petites entreprises qui convertissent leurs actifs en épargne retraite.
← 9. Par exemple, l’Espagne a pris des mesures législatives pour réduire les écarts de prestations de non-emploi et de niveaux de cotisations entre travailleurs indépendants et salariés (décret-loi royal 28/2018 du 28 décembre). La France a également légiféré pour permettre aux travailleurs indépendants de bénéficier d’une allocation de chômage (voir note 12). L’Italie a considérablement étendu les dispositions en matière de revenu minimum en 2018 et 2019 (voir section 7.3.2) et apporté plusieurs changements aux système d’indemnisation du chômage en 2015 (Pacifico et al., 2018[72]) : la durée de cotisation minimum a été raccourcie et la durée maximale de versement des prestations allongée. Certaines catégories de travailleurs qui n’avaient auparavant pas droit à l’assurance chômage sont maintenant couvertes (travailleurs saisonniers par exemple) et certains groupes de chômeurs de longue durée peuvent bénéficier d'un programme d’assistance chômage soumis à conditions de ressources.
← 10. Des informations détaillées sur les taux et les durées de versement réglementaires des prestations figurent dans la base de données de l’OCDE sur les impôts et les prestations, à l’adresse www.oecd.org/social/benefits-and-wages/.
← 11. Bien que le taux de non-demande de prestations en France demeure élevé pour les prestations sous conditions de ressources (Castell et al., 2019[80]), les bénéficiaires de ces prestations d’aide sociale sont relativement nombreux. Voir base de données SOCR de l’OCDE à l’adresse www.oecd.org/social/recipients.htm.
← 12. Au cours de l’été 2018, l’Assemblée nationale française a adopté une loi permettant aux entrepreneurs indépendants sans emploi dont l’activité antérieure a fait l’objet d’une liquidation judiciaire et qui ont réalisé dans le cadre de cette activité au moins 10 000 euros de bénéfice par an de percevoir une allocation de chômage forfaitaire. Cette prestation, qui sera versée pendant six mois, aurait dû entrer en vigueur en janvier 2019 mais sa mise en œuvre a été retardée.
← 13. Fernández et al. (à paraître[33]) étendent cette approche à d’autres pays.
← 14. Une autre approche consisterait à effectuer une microsimulation déterministe impôts-prestations, en s’appuyant sur des représentations informatisées très élaborées des droits théoriques pour estimer le montant des prestations à l’échelon individuel (voir Tamayo et Tumino (2018[70]) et Browne et Immervoll (2017[44]) pour des applications multipays récentes). En général, ces modèles utilisent des données transversales et ne peuvent pas représenter des aspects dynamiques tels que les antécédents de travail et les formes d’emploi occupées, qui sont particulièrement pertinents pour l’évaluation des disparités de droits entre salariés traditionnels et travailleurs atypiques. De plus, ils se concentrent sur les droits théoriques et ne peuvent pas prendre totalement en compte des facteurs tels que la stigmatisation, les sanctions associées aux prestations, ou l’affiliation ou le retrait volontaire des régimes de protection sociale. Ces facteurs, dans leur globalité, peuvent entraîner des écarts entre prestations théoriques et prestations reçues.
← 15. La composante ‘panel’ des statistiques de l’Union européenne sur le revenu et les conditions de vie (EU-SILC) couvre quatre années. Cependant, comme il s’agit d’un panel tournant, le fait de limiter la fenêtre de temps à trois ans pour l’analyse permet d’obtenir des échantillons plus vastes.
← 16. Par exemple en liant l’admissibilité à des activités socialement utiles, comme le proposait Atkinson (1996[87]) avec le « revenu de participation ».
← 17. L’Australie, par exemple, prévoit l’octroi de prestations sous conditions de revenus et de patrimoine ainsi que des droits à des prestations sociales telles que les indemnités de maladie et les congés pour les aidants, qui font partie de la rémunération des salariés (section 7.2.1). Les travailleurs occasionnels, qui sont employés ‘selon les besoins’, perçoivent généralement un taux de rémunération horaire plus élevé que celui des salariés équivalents à plein temps ou à temps partiel. Cette rémunération comprend habituellement une majoration de 25 %, qui compense l’absence de droits aux congés rémunérés personnels/pour les aidants, aux congés annuels, aux avis de cessation d’emploi et aux indemnités de licenciement prévus par les Normes nationales sur l’emploi. En l’absence de droits liés à l’activité professionnelle, ces travailleurs occasionnels sont plus susceptibles de recevoir des prestations financées par les recettes générales (Whiteford et Heron, 2018[29]).
← 18. Il existe plusieurs assiettes de cotisation possibles pour les travailleurs indépendants. Lorsque les cotisations sont établies sur la base des bénéfices, les travailleurs indépendants peuvent avoir intérêt à gonfler leurs coûts pour réduire leurs cotisations au minimum. L’approche consistant à asseoir les cotisations sur les recettes ou le chiffre d’affaires est techniquement plus simple (notamment pour les travailleurs des plateformes, si celles-ci sont obligées de déclarer les informations correspondantes). Cependant, elle peut pénaliser les travailleurs exerçant des activités à coûts élevés, qui se verront appliquer des cotisations excessives. En France, par exemple, les charges sociales des micro-entrepreneurs sont calculées en fonction du chiffre d’affaires brut. Bien que les taux de cotisation soient plus faibles pour les personnes qui travaillent dans les secteurs du commerce de détail et de l’hôtellerie que pour celles dont l’activité induit des coûts plus limités, comme les professions libérales (Cahuc, 2018[41]), les cotisations peuvent néanmoins être excessives si les marges bénéficiaires sont faibles. Plus généralement, les travailleurs indépendants tirent leurs revenus à la fois du capital et du travail. Pour les personnes qui perçoivent des revenus du capital significatifs, ceux-ci peuvent se substituer partiellement aux prestations sociales et réduire la nécessité pour l’État de fournir aux travailleurs concernés des moyens de lisser leurs revenus. Cependant, la distinction entre revenus du capital et revenus du travail est moins pertinente pour un grand nombre de travailleurs indépendants dont les investissements en capital sont très limités, par exemple ceux qui effectuent des tâches spécifiques sur les plateformes numériques.
← 19. Des préoccupations se sont fait jour quant au fait que la structure de la rémunération des prestataires privés, fondée sur les résultats, pourrait les inciter à orienter ou « pousser » leurs clients vers l’emploi indépendant (OCDE, 2014[92]).
← 20. L’expérience des Conseils suédois pour la sécurité de l’emploi administrés par les partenaires sociaux montre qu’il est possible d’offrir des mesures d’intervention précoce à tous les travailleurs privés d’emploi, y compris ceux touchés par un licenciement individuel ou à petite échelle, dès lors que les employeurs et les syndicats sont engagés dans une démarche constructive.
← 21. Les obstacles qui empêchent ces travailleurs d’accéder à un emploi plus intensif sont fréquemment les mêmes que ceux qui empêchent les chômeurs de trouver un emploi. Voir les études par pays Faces of Joblessness, disponibles à l’adresse www.oecd.org/els/soc/faces‑of‑joblessness.htm.
← 22. Voir Cahuc (2018[81]).
← 23. Voir base de données de l’OCDE sur les impôts et les prestations, www.oecd.org/social/benefits‑and‑wages.htm.
← 24. Parmi les initiatives récentes qui vont dans ce sens, citons le portail WorkNet du SPE coréen, la stratégie Digital First dans la région flamande en Belgique, et la collecte et le traitement automatiques des informations sur les revenus d’activité dans le contexte du Universal Credit au Royaume-Uni.
← 25. Fernández et al. (2018[77]), Browne et al. (2018[84]), Pacifico et al. (2018[72]), Pacifico et al. (Pacifico et al., 2018[71]), Düll et al. (2018[78]), Fernández et al. (2018[77]).
← 26. Les crédits d’impôt liés à l’exercice d’un emploi (Working Credit et Working Family Tax Credit) qui ont précédé le Universal Credit au Royaume-Uni sont un bon exemple de ce type de mesure.
← 27. La hausse des dépenses de retraite par personne est en cohérence avec la hausse des taux d’emploi, en particulier parmi les femmes, et l’augmentation corrélative du nombre de personnes ayant acquis des droits à pension significatifs. Les montants moyens des dépenses indiqués dans le texte sont calculés à partir des données des 18 pays suivants : Allemagne, Australie, Autriche, Chili, Danemark, Espagne, États-Unis, Finlande, France, Irlande, Italie, Japon, Norvège, Nouvelle-Zélande, Pays-Bas, Portugal, Royaume-Uni et Suède.
← 28. Les coûts d’emploi totaux (T), les revenus d’activité bruts (E) et le coin de prélèvements (PW) sont liés selon l’équation suivante : T = E (1 + PW / (1 - PW) ). Des coins de 51 % et de 22 % se traduisent par des coûts d’emploi totaux de 204 % et 128 % des revenus d’activité bruts respectivement.
← 29. L’écart de cotisations s’explique par les cotisations aux régimes d’assurance chômage et d’assurance invalidité, ainsi qu’au deuxième pilier du régime de retraite, auquel les travailleurs indépendants ne sont pas admissibles (voir section 7.2.1).
← 30. La baisse du nombre d’auto-entrepreneurs s’explique principalement par l’érosion du nombre de nouvelles recrues, plutôt que par les abandons de ce statut. Malgré tout, la probabilité de trouver un emploi traditionnel dans le mois suivant l’abandon du statut d’auto-entrepreneur est passé de 11 % avant l’annonce de la réforme en 2006 à 13 % après la mise en œuvre de la réforme. En outre, la part des travailleurs qui quittent la population active en cessant d’être auto-entrepreneurs a fortement diminué, ce qui cadre avec le fait qu’avant la réforme, les auto-entrepreneurs n’étaient pas couverts par l’assurance chômage (Hofer, Hyee et Titelbach, à paraître[74]).
← 31. Le système américain est incomplet au sens où les employeurs ne supportent pas la totalité du coût d’un licenciement (Anderson et Meyer, 2000[88]).
← 32. Pour les États-Unis, les évaluations citées dans Anderson et Mayer (2000[88]) font apparaître une baisse des demandes d’allocations de chômage et un effet général positif sur l’emploi. Voir également Cahuc et Malherbet (2004[82]).