Ce chapitre examine l’importance fondamentale de la formation des adultes pour aider tous les individus à s’adapter avec succès à l’évolution du marché du travail. Il explique dans les grandes lignes comment certaines mégatendances transforment le contenu des emplois et les compétences requises, et met en évidence des catégories d’adultes qui pourraient avoir du mal à faire face à cette nouvelle donne à moins de participer à des programmes de formation leur permettant d’améliorer leurs compétences ou de se requalifier. Il met également en lumière les travailleurs qui occupent des formes d’emploi atypiques, qui font face à un certain nombre de difficultés pour accéder aux possibilités de formation. Pour chacune de ces groupes de travailleurs, le chapitre examine les moyens d’action qui pourraient contribuer à renforcer la participation aux activités de formation en fonction des obstacles spécifiques rencontrés, qu’ils aient trait à la qualité médiocre des formations disponibles, ou bien au manque de motivation, de temps, de ressources ou de soutien de la part de l’employeur.
Perspectives de l'emploi de l'OCDE 2019
6. Assurer à tous l’accès à des systèmes de formation des adultes parés pour l’avenir
Abstract
Les données statistiques concernant Israël sont fournies par et sous la responsabilité des autorités israéliennes compétentes. L'utilisation de ces données par l'OCDE est sans préjudice du statut des hauteurs du Golan, de Jérusalem Est et des colonies de peuplement israéliennes en Cisjordanie aux termes du droit international.
En bref
Les compétences requises pour s’insérer sur le marché du travail et y progresser sont en train de changer profondément, sous l’effet de mégatendances comme les progrès technologiques, les nouveaux modèles du commerce et le vieillissement de la population. Ce processus est dû non seulement à l’évolution de la structure professionnelle de l’emploi, mais aussi aux changements dans les compétences demandées dans chaque profession.
Les progrès technologiques et les modifications qu’ils induisent dans l’organisation du travail transforment la plupart des professions en modifiant le contenu des emplois, ce qui s’accompagne d’une augmentation de la demande de compétences cognitives de haut niveau et de compétences sociales complexes. Un plus grand nombre d’emplois font partie des chaînes de valeur mondiales, dans lesquelles les différentes étapes de la production se répartissent entre plusieurs pays. Par conséquent, dans les pays avancés, les entreprises ont de plus en plus besoin de compétences de haut niveau pour se spécialiser dans les activités les plus pointues sur le plan technologique. En parallèle, les relations travailleurs-employeurs évoluent sous l’effet de ces mégatendances, avec à la clé un essor du travail atypique et une stabilité de l’emploi en baisse. Un développement de l’offre de formation sera donc nécessaire pour faciliter la mobilité de la main-d’œuvre, mais celle qui est destinée aux adultes devra aussi être plus flexible et moins fondée sur le modèle traditionnel de la formation fournie par l’employeur. Enfin, face au vieillissement de la population, chacun doit plus que jamais entretenir et mettre à jour ses compétences tout au long de sa carrière. Le vieillissement de la population devrait aussi entraîner une évolution des besoins de compétences du fait des transformations qu’il implique au niveau de la demande de biens, de services et de main-d’œuvre qualifiée, notamment de professionnels de la santé et de l’aide aux personnes âgées.
Les systèmes de formation initiale ont un rôle déterminant à jouer en permettant aux jeunes d’acquérir les compétences requises pour réussir leur entrée sur le marché du travail. Néanmoins, compte tenu des progrès profonds et rapides de la technologie, ces systèmes peinent à doter les jeunes des connaissances et des compétences dont ils auront besoin tout au long de leur vie active.
Les systèmes de formation des adultes, qui permettent aux adultes occupés ou en recherche d’emploi d’entretenir et d’améliorer leurs compétences, sont donc essentiels pour tirer profit des avantages apportés par les mégatendances : ils empêchent la dépréciation et l’obsolescence des compétences, et facilitent la transition des emplois et des secteurs en déclin vers ceux qui sont porteurs.
Toutefois, la plupart de ces systèmes ne disposent pas des moyens nécessaires pour relever ce défi. La participation à la formation varie fortement, mais le point commun entre l’ensemble des pays de l’OCDE est que ce sont ceux qui en ont le plus besoin qui participent le moins aux activités de formation. Ces catégories comprennent les travailleurs peu qualifiés, les seniors, les licenciés économiques, les travailleurs les plus exposés au risque d’automatisation, ainsi que les travailleurs atypiques. De plus, il ne s’agit pas toujours de formations de qualité et adaptées aux besoins du marché du travail.
Les principales conclusions de l’analyse présentée dans ce chapitre sont les suivantes :
À moins d’agir rapidement, les travailleurs peu qualifiés, les personnes qui occupent des emplois fortement exposés au risque d’automatisation, les seniors et ceux qui ont perdu leur emploi – pour des raisons économiques et/ou dans le cadre de licenciements collectifs – risquent d’être laissés de côté. Ils travaillent souvent dans des secteurs et des professions en perte de vitesse et sont généralement dépourvus des compétences requises par les emplois et les secteurs d’activité émergents.
Les travailleurs exerçant des emplois atypiques ont plus de mal que les salariés traditionnels à accéder à la formation. C’est le cas par exemple des travailleurs à temps partiel, des personnes travaillant pour leur propre compte et des travailleurs temporaires (contrats à durée déterminée et travail intérimaire).
Sur cinq adultes qui ne suivent pas de formation, un seul déclare qu’il aurait souhaité prendre part à un programme de formation. Les autres ne sont pas motivés pour participer à ce type de programmes, ne se sont pas vu proposer de formation utile ou sont découragés par les obstacles à surmonter. Cette question est particulièrement problématique pour les personnes peu qualifiées, les seniors, les individus qui exercent des emplois à fort risque d’automatisation et les licenciés économiques. À l’inverse, les travailleurs occupant des emplois atypiques sont plus désireux de se former que les travailleurs à temps plein en contrat à durée indéterminée, même si leur nombre est encore très faible.
De nombreux adultes font encore face à divers obstacles pour accéder aux possibilités de formation pour adultes. Le manque de temps pour raisons personnelles ou professionnelles est, de loin, la raison la plus fréquemment citée par ceux qui aimeraient suivre une formation mais ne le font pas. Si les contraintes de temps sont généralement un problème plus important pour les adultes hautement qualifiés et les personnes travaillant pour leur propre compte, elles sont aussi importantes pour les autres catégories à l’exception des chômeurs et des licenciés économiques, qui ont normalement plus de temps à leur disposition. Pour ces deux catégories, les contraintes financières sont le principal obstacle à surmonter.
La plupart des employeurs qui n’assurent pas de formations admettent qu’ils préfèrent recruter de nouveaux travailleurs plutôt que de proposer des formations au personnel en place. Les autres invoquent, parmi les principaux obstacles, le niveau élevé des coûts de formation et le manque de temps disponible du personnel. De plus, parmi les entreprises qui proposent des formations, la moitié environ seulement le font pour 50 % au moins de leur personnel – ce qui pose la question de savoir si les formations des entreprises bénéficient réellement aux travailleurs les plus désavantagés.
Il est urgent d’intervenir au regard de la formation des adultes. Compte tenu de l’ampleur et de la rapidité des changements en cours, les ajustements à la marge ne risquent guère de suffire et une profonde refonte des politiques de formation des adultes s’impose pour assurer à tous l’accès à des systèmes parés pour l’avenir.
Plusieurs moyens d’action peuvent être envisagés par les pouvoirs publics pour s’assurer que les catégories vulnérables et les travailleurs occupant des emplois atypiques ont accès à des possibilités de formation pour adultes adéquates. Il s’agit de développer une véritable culture de la formation dans les entreprises et chez les individus, de lever les obstacles auxquels se heurtent les catégories désavantagées, de lutter contre les inégalités d'accès fondées sur le statut d'emploi, d’encourager les entreprises à former les catégories de travailleurs vulnérables et d’assurer la portabilité des droits à la formation entre les emplois occupés et les périodes d’inactivité.
Améliorer l’accès à la formation pour les catégories sous‑représentées ne résoudra pas automatiquement les difficultés liées aux compétences dans un monde du travail en mutation. Le développement des prestations de formation doit être centré sur des programmes qui soient de qualité et conformes aux besoins du marché du travail.
Enfin, la formation des adultes doit bénéficier d’un financement adapté et durable pour garantir son bon fonctionnement – grâce aux contributions des pouvoirs publics, des individus et des entreprises – ainsi que de dispositifs de gouvernance permettant aux pays d’assurer une coordination efficace entre les différents volets des systèmes de formation des adultes.
Introduction
Dans un monde du travail en mutation rapide, d’importantes pressions s’exercent sur les systèmes de formation des adultes. La demande de compétences se réoriente progressivement mais systématiquement vers une utilisation plus intensive des compétences cognitives et interpersonnelles sous l’action conjuguée de la technologie et de la mondialisation. Dans ce contexte, il est impératif de développer et de renforcer d’urgence les possibilités de formation offertes aux adultes pour leur permettre d’actualiser leurs compétences ou d’en acquérir de nouvelles tout au long de leur vie active.
Les adultes peu qualifiés1 devraient être les principales victimes de l’évolution des besoins de compétences, à moins de pouvoir participer à des programmes de qualité leur permettant d’améliorer leurs compétences ou de se requalifier. De la même manière, à mesure que de nouvelles formes de travail voient le jour à la frontière entre le travail indépendant et le salariat, il est important de veiller à ce que cela n’entraîne pas un creusement des inégalités d’accès à la formation en fonction du statut d’emploi.
Si certains pays sont mieux préparés que d’autres à faire face à ces changements, tous sont confrontés à des difficultés – que ce soit en termes de participation, d’inclusivité, de financement, ou de pertinence et de qualité des formations dispensées (OCDE, 2019[1]). En moyenne, deux adultes sur cinq (soit 40 %) suivent chaque année2 une formation formelle ou non formelle liée au travail, qui ne représente souvent que quelques heures, selon les données de l’Évaluation des compétences des adultes (PIAAC). Cette proportion s’inscrit dans une fourchette comprise entre 20 % ou moins en Grèce, en Italie et en Turquie et un peu moins de 60 % en Norvège et en Nouvelle‑Zélande, ce qui signifie que plusieurs pays vont devoir consentir d’importants efforts pour rattraper leur retard3.
Si la participation à la formation varie fortement d’un pays de l’OCDE à l’autre, le point commun entre tous ces pays est que sa distribution reste très inégale. La participation est particulièrement faible parmi les personnes qui ont le plus besoin d’acquérir des compétences nouvelles ou supplémentaires et parmi la population croissante de travailleurs occupant des formes d’emploi atypiques (voir les chapitres 2 et 4). À titre d’exemple, la participation des adultes peu qualifiés est inférieure de 40 points de pourcentage à celle des adultes hautement qualifiés dans les pays de l’OCDE, en moyenne. Les seniors ont une probabilité de suivre une formation qui est inférieure de 25 points à celle des 25-34 ans. Les travailleurs qui occupent des emplois exposés à un risque élevé d’automatisation ont une probabilité de suivre une formation inférieure de 30 points à celle de leurs homologues qui exercent une profession moins menacée. Seuls 35 % des personnes travaillant pour leur propre compte suivent une formation chaque année, contre 57 % des travailleurs à temps plein en contrat à durée indéterminée. Il est essentiel de mieux appréhender les obstacles spécifiques rencontrés par ces catégories afin d’élaborer des mesures efficaces et adaptées à leurs besoins.
Le présent chapitre s’appuie sur de récents travaux de l’OCDE concernant le fonctionnement, l’efficacité et la capacité d’adaptation des systèmes de formation des adultes des différents pays (Encadré 6.1) et se concentre sur les catégories désavantagées les plus affectées par les changements qu’induira l’avenir du travail. Il est structuré comme suit : la section 6.1 examine comment différentes mégatendances font évoluer le contenu des emplois et les compétences requises. La section 6.2 recense les catégories d’adultes qui sont sous‑représentées dans la formation et analyse les obstacles qu’elles rencontrent pour pouvoir se former, qu’ils aient trait à la motivation, au temps ou aux moyens financiers. Pour chacune de ces catégories, la section 6.3 passe en revue les moyens d’action efficaces pour accroître la participation à la formation en fonction des obstacles à surmonter. La section 6.4 examine le rôle que pourraient jouer les comptes personnels de formation, tandis que la section 6.5 souligne à quel point il est important de faire correspondre les formations avec les besoins du marché du travail, de créer des structures de gouvernance associant toutes les parties prenantes concernées et de mettre en place des mécanismes de financement adaptés et équitables.
Encadré 6.1. Travaux de l’OCDE sur le fonctionnement, l’efficacité et la capacité d’adaptation des systèmes de formation des adultes des divers pays
Ces toutes dernières années, l’OCDE a lancé un ambitieux programme de travail sur le fonctionnement, l’efficacité et la capacité d’adaptation des systèmes de formation des adultes des différents pays. Il comprend :
Un nouveau tableau de bord sur les Priorities for Adult Learning (PAL). Ce tableau de bord facilite les comparaisons transnationales des systèmes d’apprentissage des adultes afin de déterminer s’ils sont parés pour l’avenir. Il présente un ensemble d’indicateurs comparables sur le plan international pour sept critères : i) l’urgence ; ii) la couverture ; iii) l’inclusivité ; iv) la flexibilité et les services d’orientation ; v) la conformité aux besoins de compétences ; vi) l’impact perçu sur la formation ; et vii) le financement (OCDE, 2019[2]).
Le rapport Getting Skills Right: Future-Ready Adult Learning Systems. Ce rapport met en évidence les principales difficultés qui émergent au regard de la formation des adultes et présente des exemples d’initiatives publiques mises en œuvre dans les pays de l’OCDE. Il contient également des recommandations concrètes destinées à aider les pays de l’OCDE à faire en sorte que leurs systèmes de formation des adultes soient mieux parés pour l’avenir dans un monde du travail en mutation (OCDE, 2019[1]).
Trois brochures traitant d’aspects spécifiques de la préparation des systèmes de formation des adultes à l’avenir, intitulées « Engaging low-skilled adults in learning », « Creating responsive adult learning systems » et « Making adult learning work in social partnership ». Chacune d’elles expose sept principes concrets applicables à l’intention des parties prenantes aux politiques de formation des adultes. Ces principes reposent sur les données existantes et expliquent comment mettre en pratique les recommandations en mettant en lumière les initiatives prometteuses lancées dans des pays de l’OCDE et des pays émergents (OCDE, 2019[3] ; 2019[4] ; 2019[5]).
L’OCDE dialogue également avec différents pays pour les aider à relever les défis et à cerner les priorités qui leur sont propres afin de préparer leurs systèmes de formation des adultes à l’avenir. Outre les propositions spécifiques aux pays qu’elles contiennent, ces études permettent de dégager de nouveaux éléments concrets afin de mieux comprendre comment renforcer la réactivité et l’efficacité de ces systèmes.
6.1. Comment les mégatendances influent sur l’offre et la demande de compétences
La demande de compétences sur le marché du travail subit un profond changement sous l’effet des progrès technologiques, de la mondialisation et du vieillissement de la population. En parallèle, des évolutions comme l’augmentation des niveaux de formation, du taux d’activité des femmes et des flux migratoires affectent l’offre de compétences.
Les progrès technologiques transforment le contenu et les tâches de nombreuses professions. En 2013, Frey et Osborne (2017[6]) ont interrogé des experts afin de mettre en évidence les professions qui étaient exposées à un risque d’automatisation élevé sur la base du contenu de leurs tâches au cours des 20 années suivantes. Il est apparu que les tâches cognitives de haut niveau et les compétences sociales complexes représentent un véritable goulet d’étranglement de l’automatisation. De ce fait, les emplois contiendront probablement une plus grande proportion de tâches de ce type à mesure que de nouvelles technologies seront adoptées en entreprise pour automatiser les tâches plus répétitives.
En s’intéressant à la présence et à la fréquence de ce goulet d’étranglement dans les différents postes, Nedelkoska et Quintini (2018[7]) observent que dans les pays de l’OCDE, en moyenne, 14 % environ des emplois pourraient subir une mutation telle qu’ils disparaîtraient totalement, et 32 % pourraient se transformer profondément. Les professions les moins exposées au risque d’automatisation sont celles où les compétences cognitives de haut niveau et les relations sociales complexes sont les plus souvent requises, et inversement pour celles qui sont le plus menacées (Graphique 6.1) (Nedelkoska et Quintini, 2018[7])4.
Sur la base de ces conclusions, on peut s’attendre à ce que l’évolution technologique influe sur les compétences requises en modifiant la nature et le contenu des emplois. D’une part, elle se répercuterait sur la composition de l’emploi, la part des emplois risquant d’être automatisés diminuant avec la mise en place de l’automatisation. D’autre part, le contenu des emplois restants – qui ne risquent pas de disparaître totalement, mais qui restent touchés par l’automatisation – devrait évoluer en faveur des tâches créant un goulet d’étranglement à mesure que le nombre des tâches routinières automatisées augmentera5.
Des pénuries de compétences créant un goulet d’étranglement et des excédents de compétences extrêmement automatisables apparaissent déjà (Graphique 6.2). La base de données de l’OCDE Skills for Jobs, qui exploite des informations détaillées sur les compétences requises, révèle une intensification progressive des pénuries de compétences cognitives de haut niveau sur les dix dernières années (comme le raisonnement, la fluidité des idées et l’originalité) et des compétences requises pour les relations sociales complexes (communication écrite et orale et partage du temps).
L’évolution technologique conduit également à des adaptations substantielles de l’organisation du travail et à l’adoption de nouveaux modèles économiques. Dans les pays de l’OCDE et de l’UE, le lieu de travail d’une large proportion de travailleurs a été́ modifié sous l’effet de l’introduction de nouvelles technologies et/ou a subi de profondes restructurations quant à l’exercice des emplois et des tâches (Graphique 6.3). Parmi les changements en cours dans l’organisation du travail figure l’adoption de pratiques professionnelles très performantes et l’implication des travailleurs via des mécanismes comme le travail d’équipe, le droit d’expression des salariés, l’autonomie des travailleurs, le fonctionnement multitâche et la résolution de problèmes. Ces évolutions sur le plan de la gestion et de l’organisation peuvent stimuler l’utilisation des compétences sur le lieu de travail mais nécessitent d’accorder davantage d’importance à la formation en milieu professionnel et aux travailleurs possédant de solides compétences cognitives et une forte motivation à se former (OCDE, 2016[8]).
De fait, les pays dont les travailleurs ont connu de profondes restructurations sur leur lieu de travail (comme la Finlande, la Suède ou le Danemark et l’Estonie) font face à des pénuries plus importantes au regard des connaissances en matière de gestion et d’administration ainsi que d’autres compétences clés imposant aux travailleurs de faire preuve d’autonomie pour prendre des décisions et d’indépendance dans l’organisation des tâches6. De même, il existe une corrélation positive entre les mutations organisationnelles et les pénuries de compétences comme la coordination avec autrui et l’aptitude à diriger les autres (voir le Graphique 6.4).
Parallèlement, comme indiqué dans le chapitre 2, la part de certains travailleurs occupant des formes d’emploi atypiques, comme les travailleurs temporaires, à temps partiel ou à leur propre compte et les travailleurs des plateformes, progresse dans de nombreux pays de l’OCDE, ainsi que dans les différents secteurs économiques et professions7. Cela a non seulement pour effet de modifier les compétences requises – voire d’imposer des compétences d’auto‑organisation et d’autogestion – et d’accentuer l’importance de la formation pour faciliter la mobilité professionnelle, mais aussi de déplacer la responsabilité de l’acquisition des compétences des employeurs vers les travailleurs eux‑mêmes.
La mondialisation conduit à des modifications similaires des compétences requises. Ces dix dernières années, le débat sur le commerce international s’est éloigné du concept de mondialisation – selon lequel l’intégralité de la production de biens est délocalisée vers les pays en développement pour profiter de coûts de main‑d’œuvre moins élevés – au profit de la participation aux chaînes de valeur mondiales – qui implique la délocalisation d’étapes spécifiques du processus de production. Dans ce contexte, l’ensemble des tâches réalisées par les travailleurs à chaque niveau de compétences et l’intensité avec laquelle elles sont accomplies devraient évoluer (Acemoglu et Autor, 2010[9]). Il ressort de l’analyse des faits qu’une montée en gamme dans les chaînes de valeur mondiales fait croître la demande de compétences de haut niveau dont les pays ont particulièrement besoin pour se spécialiser dans les secteurs les plus avancés sur le plan technologique et dans les services complexes aux entreprises (OCDE, 2017[10]). Ainsi, Becker, Ekholm et Muendler (2013[11]) observent que les entreprises qui délocalisent comptent, dans leur pays, un nombre relativement plus important d’emplois nécessitant des tâches non routinières et interactives.
L’évolution démographique crée également des difficultés pour les systèmes de formation des adultes. Dans un contexte d’augmentation de l’espérance de vie et de réformes destinées à assurer la viabilité financière des systèmes de retraite, la durée de la vie active semble devoir s’allonger et les travailleurs changer plus souvent d’emploi en raison du recul de l’âge de départ en retraite. La formation des adultes sera donc encore plus importante à l’avenir. De plus, la diminution du nombre de jeunes entrant sur le marché du travail par rapport à celui des individus prenant leur retraite a déjà contribué à de fortes pénuries de main‑d’œuvre qualifiée dans certains pays. Le vieillissement de la génération du baby boom conduit aussi à une progression sensible du nombre de personnes âgées et, de ce fait, à des pénuries de professionnels de la santé et des soins de longue durée dans de nombreux pays. La base de données de l’OCDE Skills for Jobs (OCDE, 2017[12]) montre en effet que les compétences liées à la santé et aux soins à la personne font défaut dans une large majorité de pays, et le déficit de professionnels de la santé est particulièrement marqué là où la population vieillit plus vite. Enfin, le vieillissement démographique devrait contribuer à de nouvelles modifications de la structure de l’économie, puisque la demande de biens et de services évoluera pour s’adapter aux préférences de consommateurs plus âgés, influant indirectement sur la structure professionnelle de l’emploi et sur les besoins des employeurs en termes de compétences.
6.2. Certaines catégories sont plus touchées que d’autres
L’évolution des compétences requises décrite ci‑dessus pourrait bien toucher l’ensemble des travailleurs. Néanmoins, la progression de la demande de compétences cognitives de haut niveau et de compétences sociales complexes donne à penser que les adultes peu qualifiés qui occupent des emplois impliquant de nombreuses tâches simples et répétitives devraient en être les principales victimes. Un grand nombre d’entre eux risquent de perdre leur emploi en raison de l’automatisation. D’autres – les licenciés économiques – seront déjà au chômage après avoir été licenciés pour des raisons économiques8. Dans tous les cas, les adultes concernés auront probablement besoin d’être formés à d’autres métiers dans d’autres secteurs, ce qui rendra la tâche particulièrement ardue (OCDE, 2019[13] ; Commission européenne, 2018[14]).
L’âge joue un rôle déterminant dans le cadre du développement continu des compétences, notamment lorsqu’il s’agit de personnes peu qualifiées, occupant un emploi exposé à un risque élevé d’automatisation ou travaillant dans un secteur en proie à une mutation structurelle. Les seniors pourraient être confrontés à une forte obsolescence de leurs compétences, notamment dans le contexte de l’évolution technologique, à moins de se voir proposer des formations continues pour améliorer les connaissances acquises durant leur formation initiale. Dans le même temps, les mesures incitant les adultes à se former et les employeurs à offrir des possibilités de formation ont tendance à diminuer avec l’âge, le laps de temps restant pour être remboursé de l’investissement réalisé avant le départ en retraite étant moins long (Martin, 2018[15] ; OCDE, 2017[16]).
Puisque la part des travailleurs qui occupent des formes d’emploi atypiques progresse dans certains pays, les difficultés rencontrées par cette catégorie pour entretenir et mettre à jour ses compétences reçoivent une attention particulière. Les formations étant souvent assurées par les employeurs, les travailleurs qui ont des liens distendus avec le marché du travail y ont plus difficilement accès. C’est souvent le cas pour les travailleurs temporaires, à temps partiel et à leur propre compte, y compris les travailleurs des plateformes.
Bien qu’elles aient davantage besoin d’améliorer leurs compétences et de se requalifier, ces catégories suivent moins de formations que les autres. Les différences les plus fortes concernent les adultes faiblement et hautement qualifiés, et les adultes occupant des emplois exposés à un faible risque et à un risque élevé d’automatisation, mais on observe aussi un écart significatif entre les seniors et les jeunes (Graphique 6.5). Les travailleurs titulaires de contrats atypiques bénéficient nettement moins de formations que leurs homologues en CDI à temps plein, ce qui conforte la crainte que ces travailleurs éprouvent d’énormes difficultés à accéder à des formations en raison de leur absence de liens avec un employeur donné. C’est particulièrement vrai pour les personnes qui travaillent pour leur propre compte.
Il convient d’interpréter avec prudence les différences de fréquence des formations entre les diverses catégories présentées au Graphique 6.5 sous forme de relation causale. Les différences de fréquence des formations par type de contrat sont particulièrement difficiles à analyser car, à un instant t, des travailleurs qualifiés moins nombreux sont à la fois moins susceptibles de bénéficier d’un contrat à durée indéterminée classique et moins susceptibles de participer à une formation liée au travail. Dans la mesure où la capacité n’est pas prise en compte dans les statistiques descriptives simples, on risque d’attribuer à tort la structure de la formation observée au type de contrat alors qu’en réalité, elle pourrait tenir, en partie du moins, à des différences de capacité non observée. Des arguments similaires sont valables pour les autres catégories examinées ci‑dessus.
À la lumière de ces considérations et compte tenu du recoupement d’un grand nombre des catégories présentées au Graphique 6.5, procéder à une analyse de régression internationale globale à partir des données PIAAC sur la probabilité de participation à une formation liée au travail pour un ensemble de caractéristiques liées à l’individu, à l’emploi et à l’entreprise permet de mieux isoler les effets de chaque facteur9. Les résultats présentés au Tableau 6.1 confirment les relations descriptives exposées au Graphique 6.5. Le niveau de formation et les compétences en littératie sont positivement corrélés avec la probabilité de participer à une formation pour les adultes comme pour les travailleurs, si l’on prend en compte d’autres caractéristiques relatives à l’individu (et à l’employeur). Les effets sont deux fois plus importants si l’on inclut les chômeurs et les inactifs, ce qui donne à penser que le niveau de compétences est un déterminant plus décisif de la participation de ces catégories à une formation que de celle des travailleurs. Le risque d’automatisation est aussi une variable prédictive très forte de la probabilité de participation à une formation : les travailleurs occupant des emplois fortement exposés au risque d’automatisation suivent moins de formations que leurs homologues dont les emplois sont peu menacés. La participation à la formation décroît avec l’âge. En termes de statut d’emploi, les salariés sont la catégorie qui participe le plus.
Les résultats présentés au Tableau 6.1 confirment également que les personnes travaillant pour leur propre compte et les chômeurs suivent nettement moins de formations que les salariés en contrat à durée indéterminée, une fois que les autres caractéristiques socio‑démographiques sont prises en compte. C’est aussi le cas des travailleurs à temps partiel.
Inversement, pour les travailleurs en contrat à durée déterminée et en intérim, on n’observe aucune différence statistiquement significative par rapport aux travailleurs en CDI, ce qui porte à croire que les caractéristiques liées à l’individu jouent davantage que le type de contrat pour déterminer sa probabilité de participation10. Toutefois, cela peut dissimuler une autre hétérogénéité entre les différents types de formations et les caractéristiques des entreprises. Ainsi, Fialho, Quintini et Vandeweyer (à paraître[17]) observent que les travailleurs en contrat à durée déterminée et en intérim suivent moins de formations non formelles11, mais davantage de formations formelles12 que leurs homologues en CDI. Cela tient probablement au fait que les formations formelles ont tendance à être de nature générale et moins souvent proposées par les employeurs. Les travailleurs temporaires peuvent investir dans des formations formelles – en payant de leur poche ou en faisant appel aux financements publics disponibles – afin de compenser le volume de formation restreint dont ils bénéficient dans leur travail. Ils peuvent aussi recourir au travail temporaire en tant que source de financement à court terme pour les cours onéreux et chercher un CDI après avoir obtenu leur diplôme : dans ce cas, il y aurait un lien de causalité entre la participation à une formation formelle et un statut de contrat temporaire.
D’autres données de l’OCDE (OCDE, 2014[18]) font ressortir une corrélation négative et statistiquement significative entre le statut de contrat temporaire et la participation à une formation non formelle proposée par l’employeur13 dans la grande majorité des pays de l’OCDE pour lesquels des données sont disponibles.
Enfin, parmi d’autres facteurs, les caractéristiques relatives aux entreprises, comme la taille, le potentiel de croissance et le secteur, influent aussi sur l’évolution de la participation à la formation, les grandes entreprises, les entreprises en croissance et celles du secteur public assurant davantage de formations, toutes choses égales par ailleurs.
Les raisons expliquant la moindre participation des catégories désavantagées à la formation sont complexes et liées soit à la demande (participants) soit à l’offre (formations dispensées). Dans les pays de l’OCDE, en moyenne, seuls 19 % des adultes n’ayant pas suivi de formation au cours des 12 mois précédents déclarent qu’ils auraient souhaité prendre part à un programme de formation.
Dans le présent chapitre, l’expression disposition à suivre une formation correspond à la probabilité que les travailleurs se soient vu offrir un programme de formation auquel ils auraient souhaité participer, mais n’aient pas eu cette possibilité. La disposition à suivre une formation varie selon les catégories sous‑représentées définies ci‑dessus (Graphique 6.6). Les adultes peu qualifiés, les travailleurs occupant des emplois exposés à un risque élevé d’automatisation et les seniors sont nettement moins disposés à suivre une formation que leurs homologues, tout comme les travailleurs licenciés, bien que la différence soit moins prononcée. La disposition à suivre une formation est également faible chez les travailleurs exerçant un emploi atypique, qui semblent toutefois davantage enclins à suivre une formation que les salariés en CDI à temps plein.
De nombreuses raisons pourraient expliquer pourquoi tant d’adultes sont peu désireux de suivre une formation, et notamment la piètre qualité des offres de formation qu’ils reçoivent (ou plus généralement l’absence d’aide apportée par leur employeur), une attitude négative envers l’apprentissage, un manque d’informations sur les possibilités de formation ou de compréhension des avantages pouvant en découler, ou encore le sentiment que les obstacles existant à la participation sont insurmontables.
Tableau 6.1. Fréquence des formations et disposition à suivre une formation, par caractéristique socio‑démographique
Effets marginaux des régressions probit
|
Ensemble des adultes |
Ensemble des salariés |
Ensemble des travailleurs |
Disposition à suivre une formation – salariés n’ayant pas suivi de formation |
---|---|---|---|---|
Femme |
-0.011** |
-0.023*** |
-0.039*** |
0.043 |
Âge (réf. = 16-24 ans) |
|
|
|
|
25-34 ans |
0.009 |
-0.003 |
-0.001 |
-0.026 |
35-54 ans |
-0.022* |
-0.037* |
-0.038** |
-0.037 |
55-64 ans |
-0.075*** |
-0.100*** |
-0.097*** |
-0.064*** |
Formation (nombre d’années) |
0.030*** |
0.014*** |
0.019*** |
0.005** |
Statut d’emploi (réf. = salariés) |
|
|
|
|
Travailleur à son propre compte |
-0.110*** |
|
-0.100*** |
|
Indépendant avec salariés |
-0.094*** |
|
-0.102*** |
|
Licencié économique |
-0.135*** |
|
|
|
Chômeur |
-0.135*** |
|
|
|
Inactif |
-0.259*** |
|
|
|
Compétences en littératie : score |
0.009*** |
0.007*** |
0.007*** |
0.008*** |
Taille de l’entreprise (réf. = 1 à 10 salariés) |
|
|
|
|
11 à 50 salariés |
|
0.035*** |
|
-0.030*** |
51 à 250 salariés |
|
0.063*** |
|
-0.005 |
251 à 1000 salariés |
|
0.092*** |
|
-0.006 |
>1000 salariés |
|
0.109*** |
|
-0.025 |
Entreprise en croissance |
|
0.037*** |
|
0.016 |
Secteur privé |
|
-0.052*** |
|
-0.061*** |
Emploi à temps partiel |
|
-0.051*** |
|
0.003 |
Type de contrat (réf. = CDI) |
|
|
|
|
Contrat à durée déterminée |
|
0.013 |
|
0.011 |
Contrat en intérim |
|
0.007 |
|
0.057 |
Contrat d’apprentissage ou de formation |
|
0.281*** |
|
0.016 |
Aucun contrat |
|
-0.041** |
|
-0.008 |
Autre |
|
0.069** |
|
0.013 |
Risque d’automatisation |
|
-0.214*** |
-0.276*** |
-0.118*** |
Pratiques professionnelles très performantes |
|
0.052*** |
|
-0.014 |
Variables relatives au pays |
Oui |
Oui |
Oui |
Oui |
Variables relatives à la profession |
Non |
Oui |
Oui |
Oui |
Variables relatives au secteur |
Non |
Oui |
Oui |
Oui |
Observations |
148386 |
75231 |
91391 |
33238 |
Pseudo R2 |
0.201 |
0.180 |
0.167 |
0.093 |
Note : La variable dépendante « disposition à suivre une formation » est construite pour prendre la valeur 1 si le salarié n’a pas suivi de formation mais aurait souhaité le faire, et 0 si le salarié n’a pas suivi de formation et n’a souhaité participer à aucun programme de formation. La régression comprend des variables de contrôle supplémentaires pour la situation matrimoniale, les enfants à charge, le pays de naissance, l’ancienneté et l’expérience requise. Les variables relatives à la profession et au secteur sont présentées au niveau à un chiffre. Le tableau rend compte des effets marginaux, c’est‑à‑dire de la variation en pourcentage de la variable de résultat après une modification de la variable explicative pertinente. Les effets marginaux pour les variables nominales correspondent à une légère variation par rapport au niveau de base. Les compétences en littératie sont évaluées sur une échelle de 500 points, mais elles sont divisées par 10 pour faciliter la présentation. *,**,***: statistiquement significatif aux seuils de 10 %, 5 % et 1 %, respectivement.
Source : Calculs du Secrétariat de l’OCDE sur la base de l’Évaluation des compétences des adultes, PIAAC (2012, 2015).
Le Tableau 6.1 tente de faire ressortir les facteurs qui déterminent la disposition à suivre une formation. La variable dépendante est construite pour prendre la valeur 1 si le salarié n’a pas suivi de formation mais aurait souhaité le faire, et 0 si le salarié n’a pas suivi de formation et n’a souhaité participer à aucun programme de formation. Les résultats confirment que la disposition à prendre part à une formation est affectée par des caractéristiques liées à l’individu, à la famille, à l’emploi et à l’employeur. Elle augmente avec le niveau de formation et de compétences et diminue avec l’âge, ce qui donne à penser que la motivation personnelle peut jouer un rôle. Elle est plus faible pour les emplois exposés à un risque élevé d’automatisation et pour les emplois du secteur privé qui sont moins associés à des formations dans l’ensemble, ce qui accrédite l’idée que l’absence de disposition à suivre une formation pourrait tenir à l’absence de possibilités de formation de qualité et intéressantes. En revanche, la disposition des non‑participants à suivre une formation est plus faible dans les grandes entreprises, même si ce type de sociétés offre généralement davantage d’opportunités à cet égard.
La participation à la formation se heurte également au fait que même les adultes qui seraient disposés à suivre une formation en principe ne le font pas en raison des divers obstacles à surmonter. Le manque de temps pour raisons personnelles ou professionnelles est le principal obstacle cité par les adultes qui souhaiteraient suivre une formation mais ne le font pas. C’est en général le principal obstacle pour l’ensemble des catégories considérées, à l’exception des chômeurs et des licenciés économiques qui ont normalement plus de temps à leur disposition (Graphique 6.7). Pour ces deux dernières catégories, les contraintes financières sont le principal obstacle à surmonter. Le manque de prérequis – le plus souvent, des compétences minimales obligatoires – représente un obstacle pour 11 % environ des adultes peu qualifiés et pour 8 % des licenciés économiques. Pour ceux qui déclarent qu’ils auraient souhaité prendre part à un programme de formation, l’absence d’aide de la part de l’employeur ne constitue pas un obstacle majeur à la formation, même si cela est probablement dû au fait qu’un grand nombre des adultes pris en compte ne sont pas dans une relation travailleur-employeur. C’est le cas pour beaucoup d’adultes peu qualifiés et âgés, pour les chômeurs et pour les licenciés économiques, ainsi que pour les personnes qui travaillent pour leur propre compte.
La participation dépend aussi de l’offre de formation des entreprises. L'enquête européenne sur la formation continue des entreprises (CVTS) contient des indications sur le nombre d’entreprises qui proposent des formations et sur les raisons expliquant que les individus ne suivent pas ces formations ou n’en suivent pas davantage. L’analyse des données de la CVTS montre que la part des entreprises qui dispensent des formations a progressivement augmenté au cours des dix dernières années. Aujourd’hui comme hier, toutefois, les petites entreprises ont tendance à être en retrait par rapport aux grandes : la part des entreprises proposant des formations qui comptent de 10 à 49 salariés – plus petite catégorie prise en compte par la CVTS – est inférieure de près de 35 points à celle de leurs homologues qui emploient au moins 250 personnes (Graphique 6.8), ce qui confirme les résultats présentés au Tableau 6.1. Il convient de noter que si de nombreuses entreprises assurent des formations, la moitié environ seulement le font pour 50 % au moins de leur personnel. Cela pose la question de savoir si les formations dispensées par les entreprises bénéficient réellement aux travailleurs les plus désavantagés14.
La grande majorité des employeurs qui ne proposent pas de formations invoquent le fait que la formation professionnelle continue (FPC) est inutile parce que les compétences existantes sont jugées suffisantes ou que la formation professionnelle initiale – comme l’apprentissage pour les salariés les plus jeunes – est privilégiée. Les autres raisons principales sont indiquées au Graphique 6.9. Une préférence pour le recrutement plutôt que pour la formation des salariés en place, le coût des formations et la charge de travail des salariés qui leur laisse peu de temps pour se former sont les raisons les plus fréquemment citées pour justifier l’absence de formations. Le classement des arguments avancés par les entreprises assurant déjà des formations pour expliquer pourquoi elles n’en proposent pas davantage est similaire. Bien que l’on s’attende à ce que le coût et le temps disponible constituent davantage des difficultés pour les entreprises de plus petite taille, le classement des obstacles à l’offre de formation ne varie guère en fonction de la taille de l’entreprise. Cela pourrait s’expliquer par le fait que la CVTS exclut les entreprises les plus petites pour lesquelles la grille des obstacles pourrait différer de façon plus tranchée.
Les efforts de formation des entreprises peuvent aussi varier selon les secteurs, chacun d’eux pouvant être confronté à des besoins de formation divers. Ainsi, les secteurs diffèrent par la rapidité avec laquelle de nouvelles technologies sont développées et adoptées, ce qui donne lieu à des besoins de requalification distincts. Les différences d’efforts de formation peuvent aussi tenir à des différences de conventions collectives de branche en matière de formation ou de culture de la formation et à l’intensité de compétences des emplois du secteur.
Dans les pays de l’OCDE, en moyenne, la participation à la formation est plus faible dans l’agriculture, l’hébergement et l’alimentation, où 30 % des travailleurs environ se forment au cours d’une année donnée, et particulièrement élevée dans la finance et l’assurance, l’éducation, et le transport d’électricité, où ce chiffre grimpe aux alentours de 70 % (Graphique 6.10).
Les besoins de formation varient également d’une région à l’autre – appelant différentes mesures de la part des pouvoirs publics. Ainsi, les régions où le niveau d’adoption des nouvelles technologies est élevé peuvent avoir besoin d’assurer la reconversion de nombreux travailleurs pour faire face à l’automatisation (OCDE, 2018[20]). Inversement, dans les régions en proie à des problèmes d’ajustement structurel, les politiques de formation des adultes qui s’efforcent d’améliorer les compétences des travailleurs pour les préparer à l’avenir du travail échoueront à moins de s’accompagner de politiques de développement régional favorisant l’entrepreneuriat et accroissant la valeur ajoutée produite par les entreprises existantes.
6.3. Encourager la participation des catégories sous‑représentées aux formations pour adultes
L’analyse présentée dans la section précédente met en évidence les catégories d’adultes qui risquent d’être les principales victimes de l’évolution des besoins de compétences, évalue leur disposition à suivre une formation et étudie les obstacles à leur participation à la formation.
D’une manière générale, cette analyse donne à penser que pour améliorer l’accès à la formation, les pays devront impérativement mettre en œuvre des mesures visant à accroître la disposition des individus à suivre une formation, lever les obstacles qui sont liés au manque de temps, de ressources financières ou de prérequis pour être admis, et encourager les entreprises à former les catégories vulnérables. Plusieurs moyens d’action peuvent être envisagés pour relever ces défis, à savoir :
Accroître la disposition des individus à suivre une formation : les pays peuvent renforcer l’offre de services d’orientation professionnelle afin d’aider les adultes à s’y retrouver dans les différentes formations disponibles ; faire mieux connaître les avantages qu’offre la formation, à travers des campagnes de sensibilisation, par exemple ; et s’assurer que les salaires reflètent davantage les gains de productivité qui résultent de la participation à la formation. Dans leur ensemble, ces mesures peuvent contribuer au développement d’une culture de la formation et d’un état d’esprit favorable à la formation parmi les adultes.
Remédier au manque de temps : les pays peuvent proposer des formations flexibles, dispensées en ligne ou en dehors des heures de bureau (le week-end ou le soir), de manière à ce qu’elles soient compatibles avec des emplois du temps chargés. Les programmes de formation modulables peuvent aussi permettre aux adultes d’apprendre à leur propre rythme en finalisant des modules indépendants (et plus courts) qui conduisent au final à une qualification complète. Les congés de formation – prévus par la loi ou obtenus par la négociation collective – permettent aussi aux travailleurs de s’absenter de leur travail pour se former.
Éliminer les contraintes financières : les pays peuvent proposer des programmes de formation gratuits et/ou introduire des incitations financières pour aider les adultes à supporter le coût direct de la formation (subventions, déductions fiscales, etc.), et couvrir les coûts d’opportunités liés à leur inactivité (au moyen de dispositifs de remplacement des revenus, par exemple).
Remédier au manque de prérequis : la reconnaissance des acquis permet aux adultes (peu qualifiés) de faire valider ce qu’ils ont appris grâce à leur expérience professionnelle. Cette reconnaissance formelle leur donne accès aux programmes de formation des adultes qui fixent des conditions d’admission.
Encourager les employeurs à proposer des formations aux catégories vulnérables : les pays peuvent introduire des incitations financières permettant d’abaisser le coût d’organisation des formations et mettre en œuvre des politiques destinées à mieux informer les entreprises sur les avantages liés à la formation et sur les programmes disponibles.
Si de nombreux pays de l’OCDE ont déjà adopté des mesures de ce type (OCDE, 2019[1]), il est important de ne pas exclure les catégories désavantagées et de faire en sorte que celles‑ci puissent en bénéficier. On trouvera dans les sections ci‑dessous une description des initiatives adoptées pour chaque catégorie, et plus particulièrement des mesures prises pour lever les obstacles décrits à la section 6.215.
On notera que pour être efficaces, ces politiques doivent être envisagées de manière collective et non individuelle. Ainsi, le manque de temps représentant un obstacle essentiel à la participation de nombreux travailleurs, toute politique de formation des adultes doit, pour produire ses effets, leur permettre de se libérer à cette fin. De même, sans renforcement de la disposition à suivre une formation ni développement d’une culture de la formation, la participation aux programmes de formation des adultes peut être faible quels que soient leur coût ou leur qualité. Les programmes ne prévoyant pas l’octroi d’une aide financière suffisante aux adultes et aux entreprises pour faire face au coût de la formation peuvent aussi se révéler inefficaces. Enfin, puisqu’il est difficile de suivre une formation en travaillant à temps plein, une culture de la formation ne pourra être mise en place qu’avec l’aide des employeurs.
6.3.1. Adultes peu qualifiés
Dans tous les pays de l’OCDE, les adultes peu qualifiés ont une probabilité de suivre une formation inférieure à celle des adultes hautement qualifiés, même si la différence entre ces deux catégories varie d’un pays à l’autre. L’écart observé dans la participation des adultes hautement et peu qualifiés est particulièrement marqué en Allemagne, au Danemark, et en Turquie, où il avoisine les 50 points. C’est en Grèce qu’il est le moins prononcé, la participation à la formation des adultes étant très faible pour ces deux catégories (Graphique 6.11).
Les personnes peu qualifiées sont aussi moins disposées à suivre une formation que les adultes hautement qualifiés, même si cette différence varie fortement entre les pays de l’OCDE. Au Chili et en Italie, par exemple, les adultes peu qualifiés n’ayant pas suivi de formation ont une probabilité de déclarer qu’ils auraient souhaité le faire inférieure de plus de 30 points à celle de leurs homologues hautement qualifiés (Graphique 6.11). Cette différence est toutefois inférieure à 10 points en Nouvelle‑Zélande, en Lituanie, en France, en Grèce, en Norvège et en Suède.
Améliorer la disposition des adultes peu qualifiés à suivre une formation
Il est fondamental de s’adresser directement aux travailleurs peu qualifiés et de les sensibiliser davantage aux avantages de la formation pour améliorer leur participation. Des campagnes de sensibilisation du public à la formation des adultes ont été menées ces dernières années dans de nombreux pays de l’OCDE, mais elles ont souvent échoué à toucher les adultes peu qualifiés (OCDE, 2019[5] ; Commission européenne/EACEA/Eurydice, 2015[21])16.
Pour remédier à ce problème, plusieurs pays de l’OCDE ont commencé à mettre en œuvre des initiatives plus actives pour s’adresser aux personnes peu qualifiées dans les lieux qu’elles fréquentent régulièrement – comme leur lieu de travail, les jardins d’enfants, les écoles ou les espaces publics (OCDE, 2019[5]) (voir l’Encadré 6.2).
Plus que toute autre catégorie de la population, les travailleurs peu qualifiés peuvent avoir du mal à cerner leurs besoins de formation et à s’y retrouver dans la pléthore de programmes de formation des adultes disponibles. Plusieurs pays de l’OCDE ont pris des mesures pour leur offrir des services d’orientation professionnelle ciblés, afin de les aider à identifier leurs besoins ainsi que les programmes de formation qui leur conviennent le mieux (voir l’Encadré 6.2).
Une autre difficulté tient au fait que les adultes peu qualifiés ont souvent connu des échecs au cours de leur formation initiale et peuvent ne pas être tentés de retourner sur les bancs de l’école. Il faut donc faire en sorte que les formations pour adultes soient dispensées de manière innovante (hors des salles de classe, par exemple) et qu’elles soient étroitement liées à la situation des participants (comme leur lieu de travail), afin que les adultes peu qualifiés soient motivés pour suivre une formation et que celle‑ci réponde à leurs besoins. Certains pays de l’OCDE ont commencé à réfléchir à des modes de formation plus innovants à l’intention des travailleurs peu qualifiés (voir l’Encadré 6.2).
Encadré 6.2. Améliorer la disposition des personnes peu qualifiées à suivre une formation
S’adresser aux adultes peu qualifiés de manière innovante :
Au Royaume‑Uni, Unionlearn s’adresse aux adultes sur leur lieu de travail par le biais des représentants syndicaux spécialistes de l’éducation et propose chaque année des formations à quelque 250 000 travailleurs, parmi lesquels de nombreux travailleurs peu qualifiés (Stuart et al., 2016[22] ; Stuart et al., 2013[23]).
À Vienne (Autriche), le projet Mama lernt Deutsch! propose aux mères de famille peu qualifiées dont l’allemand n’est pas la langue maternelle d’acquérir des compétences élémentaires en suivant des cours dans l’établissement d’enseignement de leur enfant (OCDE, 2019[5]).
À Bruxelles (Belgique), Formtruck est un centre itinérant d’information sur les possibilités de formation, qui vise à rencontrer les demandeurs d’emploi peu qualifiés dans les lieux publics, comme les parcs ou les squares, ou lors de manifestations. Depuis sa création en 2017, ce camion a été utilisé chaque année à 20 reprises environ. L’efficacité de cette approche n’a fait l’objet d’aucune évaluation (OCDE, 2019[5]).
Des services d’orientation professionnelle ciblés sur les adultes peu qualifiés :
En Islande, les centres d’apprentissage tout au long de la vie prodiguent des conseils principalement aux adultes peu qualifiés. Les services d’orientation sont assurés par des conseillers hautement qualifiés, généralement titulaires d’un diplôme d’enseignement et de conseil en orientation professionnelle. Chaque année, ces centres organisent environ 10 000 séances de conseil à l’intention des personnes peu qualifiées (OCDE, 2019[5]).
Le projet européen EOAA (Évaluation et Orientation des Apprenants Adultes) a été mené entre février 2015 et janvier 2018 dans plusieurs pays de l’OCDE – la Belgique (Flandre), l’Islande, la Lituanie, les Pays‑Bas, la République tchèque et la Slovénie – afin de concevoir et de développer des services d’orientation professionnelle pour les adultes n’ayant pas suivi le deuxième cycle de l’enseignement secondaire. Le projet poursuivait quatre objectifs principaux : (i) améliorer les partenariats et les réseaux avec les autres organisations qui offrent leurs services aux groupes ciblés ; (ii) participer à des activités de sensibilisation destinées à offrir des services d’évaluation à ces groupes ciblés ; (iii) déterminer les compétences que les médiateurs requièrent pour leur permettre de répondre aux besoins spécifiques des clients EOAA ; et (iv) développer ainsi qu’utiliser correctement les outils d’évaluation conçus pour les adultes ayant un faible niveau d’études. L’évaluation du programme a mis en évidence deux conclusions : (i) grâce aux partenariats, l’évaluation peut résoudre tout l’éventail des problèmes rencontrés par les adultes, mais cela implique un coût de coordination ; (ii) il n’existe aucune approche universelle en matière de conseils et d’évaluation, et le type d’évaluation fourni doit être adapté aux besoins individuels et à la situation de l’adulte (Carpentieri et al., 2018[24] ; OCDE, 2019[5]).
Dispenser des formations de manière innovante :
En Norvège, le programme Compétences+Travail associe activité professionnelle et formation aux compétences élémentaires – lecture, écriture, numératie et compétences numériques, par exemple. Des orientations relatives à la conception des programmes sont fournies sous la forme de profils de compétences élémentaires pour différentes professions, de supports de formation et de normes nationales de compétences élémentaires pour les adultes. Depuis 2006, ce programme a aidé plus de 30 000 adultes à acquérir des compétences en lecture, en écriture et en numératie, ainsi que dans le domaine numérique (OCDE, 2019[5]).
En Allemagne, le projet eVideoTransfer, cofinancé par le ministère allemand de l’Éducation, propose des possibilités de formation à distance pour les travailleurs ayant un faible niveau de compétences élémentaires. Ce programme associe des formations spécifiques à certains secteurs d’activité et aux compétences élémentaires. Pour que les personnes ayant un faible niveau de compétences numériques élémentaires puissent y participer, un module est consacré à l’utilisation de la souris et du clavier (OCDE, 2019[5]).
Améliorer l’accès à la formation pour les adultes peu qualifiés
L’importance des obstacles à la formation rencontrés par les adultes peu qualifiés, comme le manque de temps (pour raisons professionnelles ou familiales), les contraintes financières et les conditions d’admission, varient selon les pays. Le manque de temps pour raisons professionnelles joue un rôle clé en Corée, alors qu’il est cité comme un obstacle par 10 % à peine des adultes n’ayant pas suivi de formation en France (Graphique 6.12). Le manque de temps pour raisons familiales joue un rôle décisif en Turquie, où il semble être plus important que celui qui est attribuable à des contraintes professionnelles. Les contraintes financières sont un obstacle essentiel à la formation des personnes peu qualifiées en Estonie, en France, en Grèce et en Slovénie. Enfin, le manque de prérequis représente un obstacle de taille pour cette catégorie en particulier au Chili, en Finlande et en Slovénie. Ces variations d’un pays à l’autre traduisent des situations différentes, comme l’attitude envers la formation, mais aussi en termes de cadre d’action des pouvoirs publics.
S’atteler aux conditions d’admission
La plupart des adultes ayant un faible niveau de compétences sont peu qualifiés et n’ont suivi que le premier cycle de l’enseignement secondaire. Malgré cela, ils sont nombreux à avoir acquis des connaissances et des compétences au fil de leur expérience professionnelle. Pour cette catégorie, la reconnaissance des acquis peut s’avérer d’une grande utilité et lui faciliter l’accès aux formations assorties de conditions d’admission.
La reconnaissance des acquis peut permettre de ramener certaines personnes vers la formation et limiter le temps et les coûts inhérents à l’obtention d’un diplôme formel. Les programmes de reconnaissance peuvent aussi aider les individus à améliorer leur mobilité professionnelle en apportant à un nouvel employeur une preuve des connaissances acquises de manière informelle (OCDE, 2019[1]).
Toutefois, même si la plupart des pays de l’OCDE ont créé des programmes de reconnaissance des acquis, les personnes peu qualifiées ont souvent du mal à s’y retrouver, en raison de la complexité des procédures, ou du nombre élevé de formations complémentaires requises pour obtenir une certification finale. Pour faciliter le recours à ces programmes, certains pays de l’OCDE ont mis en place des services d’orientation afin d’accompagner ces personnes tout au long du processus de reconnaissance et de certification de leurs compétences (Encadré 6.3).
Encadré 6.3. Élargir l’utilisation de la reconnaissance des acquis parmi les adultes peu qualifiés
En France, ces dernières années, le système de reconnaissance et de certification des compétences (Validation des acquis de l'expérience – VAE) a été rendu plus accessible aux personnes peu qualifiées. Les entreprises ont obligation de communiquer aux travailleurs des informations sur la VAE tous les deux ans, dans le cadre de l’évaluation obligatoire de leur perfectionnement professionnel (entretien professionnel) (Mathou, 2016[25]). Les adultes peuvent aussi bénéficier de congés pour VAE spécifiques.
Au Portugal, les centres Qualifica s’adressent aux adultes peu qualifiés, entre autres catégories, et la reconnaissance des acquis est enracinée dans leur offre globale de services d’orientation. Le programme se caractérise en particulier par le fait que les personnes peu qualifiées bénéficient d’une assistance tout au long des procédures de reconnaissance des compétences. En 2017, 28 804 adultes se sont inscrits à une procédure de reconnaissance et 10 157 ont obtenu un certificat (OCDE, 2019[5]).
Dégager du temps pour la formation et limiter la durée des formations
Plus que toute autre catégorie, les adultes peu qualifiés sont nombreux à être pris par leurs responsabilités professionnelles et familiales et manquent de temps pour prendre part à des programmes de formation assez longs (Fouarge, Schils et de Grip, 2013[26]). Le manque de moyens financiers leur permettant de faire garder leurs enfants contre rémunération ou de s’absenter de leur travail aggrave la situation de ces personnes, qui occupent généralement des emplois à bas salaires.
Les programmes de formation modulables, subdivisés en modules indépendants et débouchant sur une certification, peuvent encourager les adultes peu qualifiés à trouver le temps nécessaire pour se former à leur propre rythme. Plusieurs pays de l’OCDE ont pris des mesures pour offrir des formations modulables aux adultes, mais ces programmes s’adressent rarement de manière spécifique aux personnes peu qualifiées (Encadré 6.4).
Les programmes numériques et en ligne peuvent aussi permettre de libérer du temps pour la formation, en élargissant l’accès à la formation tout en contenant les coûts correspondants. Ces possibilités de formation ont cependant des limites, car de nombreuses personnes peu qualifiées (notamment les adultes ayant de faibles compétences numériques) peuvent éprouver davantage de difficultés à y accéder.
Les congés de formation, instruments de nature réglementaire fixant les conditions dans lesquelles les travailleurs peuvent s’absenter de leur travail pour se former, peuvent également être utilisés par les pouvoirs publics pour faire en sorte que les adultes – y compris les moins qualifiés – aient le droit de dégager suffisamment de temps pour suivre une formation (OCDE, 2019[1]).
Même si des congés de formation existent dans de nombreux pays de l’OCDE, le nombre de personnes qui y recourent est généralement peu élevé, en particulier parmi les moins qualifiées. De fait, les adultes ayant de faibles qualifications occupent souvent des postes d’ouvrier à bas salaires, disposent d’un pouvoir de négociation limité vis-à-vis de leur employeur et peuvent être réticents à demander un congé de formation. Les employeurs eux‑mêmes – qui, dans de nombreux pays de l’OCDE (comme l’Italie), ne sont pas tenus d’accéder aux demandes de congé de formation – peuvent rechigner à accorder un tel congé aux travailleurs peu qualifiés, notamment si ceux‑ci souhaitent améliorer leurs compétences pour un emploi différent auprès d’un autre employeur. Enfin, il peut être particulièrement difficile pour un travailleur peu qualifié soumis à des contraintes financières de prendre effectivement un congé de formation sans bénéficier d’une aide financière appropriée (par exemple sous la forme d’une compensation salariale pendant la formation, ou de subventions permettant de couvrir les coûts directs de la formation).
Encadré 6.4. Des formations modulables pour s’adapter aux contraintes de temps
Au Danemark, les apprenants peuvent associer des modules de différents types de programmes de formation pour adultes – PAMT, formation aux compétences élémentaires, enseignement supérieur, EFP et enseignement général non formel – pour obtenir une qualification formelle (OCDE, 2019[1]).
En Flandre (Belgique), les centres de formation des adultes (Centra voor Volwassenonderwijs, CAE) dispensent des formations à un large éventail de compétences comme les aptitudes techniques et les langues. Les cours sont totalement modulables : après avoir achevé un module, l’apprenant reçoit un certificat partiel, et à l’issue du programme complet, un certificat formel reconnu par le gouvernement flamand (OCDE, 2019[27]).
Au Mexique, le programme intitulé Modèle Éducation pour la vie et le travail (MEVyT)17 permet aux adultes peu qualifiés d’obtenir un diplôme en suivant différents modules aux niveaux initial, intermédiaire (enseignement primaire) et avancé (premier cycle de l’enseignement secondaire) (OCDE, 2019[5]).
En Suisse, les programmes modulables ont commencé à se développer au milieu des années 1990 et sont aujourd’hui disponibles dans l’ensemble du secteur de la formation des adultes. Les adultes peuvent participer à des modules distincts ou en associer plusieurs pour constituer un programme de formation complet (OCDE, 2019[1]).
Limiter l’obstacle financier à la formation
Les contraintes financières peuvent être particulièrement importantes pour les personnes peu qualifiées et les empêcher de suivre des formations. En fait, ces personnes alternent souvent périodes d’activité et de chômage, occupent des emplois de qualité médiocre avec un accès limité aux formations proposées par les employeurs, et/ou des emplois à bas salaires qui ne leur laissent que peu de ressources financières pour investir dans la formation. Lorsqu’elles se forment, l’investissement réalisé – en termes de temps et de coût – ne débouche pas toujours sur des emplois de meilleure qualité et mieux rémunérés18.
Pour résoudre ces problèmes, de nombreux pays de l’OCDE ont introduit un certain nombre de mesures – chèques‑formation, indemnités de formation, programmes intégralement financés, par exemple – ciblant spécifiquement les personnes peu qualifiées afin d’abaisser le coût de la formation pour cette catégorie (Encadré 6.5). Ces dispositifs comprennent des programmes destinés aux salariés et aux chômeurs peu qualifiés.
Encadré 6.5. Abaisser le coût de la formation pour les personnes peu qualifiées
En France, le Compte personnel de formation accorde des crédits plus généreux aux personnes moins qualifiées, soit 800 EUR par an, contre 500 EUR pour le reste de la population active (voir la section 6.4) (OCDE, à paraître[28]).
En Estonie, les services publics de l’emploi proposent des allocations d’études aux adultes en activité ou au chômage dont les compétences sont insuffisantes ou obsolètes, qui peuvent avoir du mal à trouver un emploi ou qui risquent d’être licenciés. L’allocation mensuelle est versée uniquement pour des compétences très demandées d’après l’analyse des besoins sectoriels de compétences réalisée par l’Autorité estonienne des qualifications, et son montant est fonction des revenus (OCDE, 2019[1]).
En Suède, une bourse d’études a été introduite à la mi‑2017, à l’intention des chômeurs peu qualifiés âgés de 25 à 56 ans. Elle s’élève à quelque 210 EUR par semaine sur 50 semaines, et permet aux adultes de suivre des études primaires ou secondaires (Commission européenne, 2019[29]).
Au Royaume‑Uni, à partir de 2020, les adultes peu qualifiés auront accès à des programmes de formation aux compétences numériques intégralement financés, sur le modèle des programmes de mathématiques et d’anglais qui existent déjà (OCDE, 2019[1]).
Aux États‑Unis, les adultes au chômage peu qualifiés peuvent bénéficier de chèques‑formation – dans le cadre des comptes personnels de formation (Individual Training Accounts, ITA) – pour les programmes qui préparent les participants à exercer un emploi dans des secteurs où la demande est très forte (OCDE, à paraître[28]).
Encourager les employeurs à assurer des formations aux personnes peu qualifiées
Les employeurs peuvent hésiter à former les travailleurs peu qualifiés ou à les aider à entamer une formation. Ils peuvent préférer concentrer leurs efforts de formation sur des salariés plus qualifiés, pour lesquels ils espèrent obtenir un retour sur investissement supérieur, et/ou considérer qu’il est moins coûteux de recruter des personnes hautement qualifiées que d’améliorer les compétences de leurs salariés peu qualifiés (Graphique 6.9).
Dans ce contexte, il est essentiel d’encourager les entreprises à former les travailleurs peu qualifiés – par exemple en abaissant le coût de leur formation. Nombre des mesures prises dans les pays de l’OCDE visent principalement à inciter les employeurs à recruter puis à former les personnes peu qualifiées – souvent par le biais d’incitations financières. L’exemple des emplois d’avenir créés en France est intéressant à cet égard. Jusqu’à début 2018, ce programme a encouragé les entreprises à embaucher de jeunes chômeurs peu qualifiés pour trois ans. Le gouvernement prenait en charge 75 % de la rémunération (au salaire minimum) à condition que l’employeur désigne un tuteur pour aider le jeune à se former. Toutefois, une évaluation récente montre que pour être bénéfique aux travailleurs à moyen terme, la formation reçue doit conduire à une certification (Cahuc, Carcillo et Minea, à paraître[30]). Des programmes du même ordre existent en Grèce (chèques‑formation pour les jeunes chômeurs de 18 à 24 ans), en Italie (Tirocini Garanzia Giovani), en Belgique (Wallonie et Flandre – Formation alternée et Programme de transition professionnelle, qui vise aussi les personnes peu qualifiées) (OCDE, 2017[31]).
6.3.2. Travailleurs occupant des emplois fortement exposés au risque d’automatisation
Les travailleurs occupant des emplois fortement exposés au risque d’automatisation19 peuvent avoir besoin de se reconvertir pour pouvoir faire face à l’introduction de nouvelles technologies, ou pour trouver un emploi moins automatisable dans le même secteur/métier ou dans un autre.
Plusieurs pays de l’OCDE ont déjà mis en place des programmes de reconversion dans les entreprises confrontées à de profondes mutations technologiques. Ces mesures visent à identifier les travailleurs vulnérables et à faire en sorte qu’ils acquièrent les compétences nécessaires pour s’adapter aux changements découlant de la numérisation, de l’automatisation et de l’introduction de nouvelles technologies (Encadré 6.6).
D’autres pays de l’OCDE vont également dans le même sens, même si les mesures concernant la formation des adultes en sont encore à la phase pilote. Au Royaume-Uni, par exemple, le Dispositif national de reconversion (National Retraining Scheme) est actuellement mis en place pour répondre à l’évolution de l’économie, et aider les travailleurs à progresser sur le plan professionnel et à donner une nouvelle orientation à leur carrière. Durant les phases pilotes du projet, des enquêtes approfondies auprès des usagers sont réalisées sur les besoins des employeurs et des salariés qui occupent des emplois fortement exposés au risque d’automatisation ou qui travaillent dans des secteurs d’activité en déclin.
Encadré 6.6. Identifier et former les travailleurs exposés au risque d’automatisation
En Australie, un Programme de transition renforcé (Stronger Transitions Package) a été introduit en 2018 pour aider les travailleurs de cinq régions en proie à une mutation structurelle à évoluer vers de nouveaux emplois et à se préparer aux emplois de demain. Ce programme comporte un volet d’aide à la formation et aux compétences pré‑licenciement, qui permet de fournir des services ciblés : évaluation complète des compétences, préparation à la recherche d’emploi, formation à la résilience, soutien en langues, littératie et numératie, formation à la littératie numérique, informations sur la gestion financière, examen des possibilités de travail indépendant, aide sur le plan de la santé et du bien‑être, ou sensibilisation à certains secteurs d’activité, notamment (OCDE, 2019[1]).
En Autriche, les programmes de reclassement des fondations pour le travail (Arbeitsstiftungen) ont été introduits par les partenaires sociaux pour soutenir les travailleurs en cas de mutations structurelles au moyen de politiques du marché du travail adéquates. Ces fondations peuvent être créées par un ou plusieurs employeurs, mais aussi au niveau sectoriel et régional lorsque des secteurs ou des régions spécifiques subissent des réductions d’effectifs conséquentes. Les programmes sont cofinancés par les acteurs locaux du marché du travail, dont le service public de l’emploi et les employeurs concernés. Des financements sont également prévus pour prendre en charge les coûts de formation, les indemnités correspondant aux coûts supplémentaires inhérents à certains cours, ainsi que les coûts de l’aide active à la recherche d’emploi et des services d’orientation professionnelle (OCDE, 2019[1]).
Le Luxembourg a lancé en 2018 le Digital Skills Bridge (« pont pour les compétences digitales »), qui aide les salariés des entreprises confrontées à de profondes mutations technologiques à entrevoir de nouvelles perspectives professionnelles (au sein ou hors de l’entreprise) et à acquérir de nouvelles compétences – transversales, numériques ou métier – pour répondre aux exigences du nouveau poste identifié (Gouvernement du Luxembourg, 2019[32]).
En Estonie, en mai 2017, le service public de l’emploi a mis en place le programme « Travail et études », qui offre une carte (chèque)‑formation aux salariés exposés au risque de chômage (en raison de l’obsolescence de leurs compétences, par exemple ), ainsi que des indemnités pour les employeurs qui souhaitent améliorer les compétences de ceux de leurs salariés qui risquent de perdre leur emploi après l’introduction de nouvelles technologies (Estonian Unemployment Insurance Fund, 2019[33]).
6.3.3. Licenciés économiques
De nombreux licenciés économiques risquent de connaître une période de chômage ou d’inactivité de longue durée et pourtant, en tant que catégorie, leur participation à la formation est relativement faible (voir le Graphique 6.5). Ils ont pour beaucoup quitté des secteurs en perte de vitesse ou en voie de disparition – sous l’effet de l’automatisation mais aussi, plus généralement, de mutations structurelles. Ils doivent donc bénéficier d’une reconversion approfondie pour pouvoir revenir sur le marché du travail dans un secteur ou un métier différent – notamment pour les moins qualifiés d’entre eux.
Pour éviter les périodes de chômage prolongées et faciliter une réinsertion professionnelle rapide, les besoins de reconversion doivent être satisfaits très tôt pendant la période de préavis ou juste après le licenciement. Dans les pays de l’OCDE, pendant le préavis, on s’attache principalement à faire le bilan des compétences des travailleurs et à étudier les différentes formations possibles, mais la formation ne débute qu’après une longue période de chômage (OCDE, 2019[34]). Cela étant dit, certains pays de l’OCDE ont pris des mesures pour former les travailleurs licenciés rapidement, pendant leur préavis ou juste après leur renvoi (Encadré 6.7).
Outre les interventions rapides pendant le préavis ou peu après le licenciement, les travailleurs ayant perdu leur emploi bénéficient, dans certains pays de l’OCDE, d’une aide privilégiée à la formation pendant leur chômage. En France, par exemple, les licenciés économiques ont le droit de signer un contrat de sécurisation professionnelle20 et ils ont la possibilité d’accéder à une aide au retour à l’emploi et à la reconversion professionnelle plus personnalisée et plus approfondie que celle apportée d’ordinaire aux bénéficiaires des prestations d’assurance‑chômage (OCDE, 2019[34]).
Les licenciés économiques peuvent aussi continuer de bénéficier d’une aide privilégiée à la formation au‑delà de leur retour sur le marché du travail, afin de favoriser l’amélioration continue de leurs compétences. Ainsi, en France, les travailleurs licenciés ayant trouvé un nouvel emploi et n’ayant suivi aucune formation depuis leur renvoi ont droit à un congé de formation rémunéré sans aucune condition d’ancienneté.
Encadré 6.7. Des interventions rapides pour les licenciés économiques
En Suède, les Conseils de sécurité de l’emploi proposent des services de transition – conseil, formation, aide à la création d’entreprise, par exemple – aux travailleurs licenciés, souvent avant même que n’intervienne leur renvoi (OCDE, 2019[34]).
En Finlande, le programme de la Formation pour le changement (MuutosKoulutus) offre des possibilités de reconversion aux travailleurs licenciés pendant neuf mois à compter du jour où s’éteignent leurs obligations professionnelles (Eurofound, 2018[35]). Les entreprises couvrent 20 % du coût de la formation, les 80 % restants étant pris en charge par le service public de l’emploi (SPE). Néanmoins, l’aide du SPE à laquelle les travailleurs peuvent réellement prétendre à un stade précoce (soit avant le licenciement effectif) paraît limitée, principalement, semble‑t‑il, en raison d’un manque de ressources (OCDE, 2016[36]).
Dans l’Ontario (Canada), lorsque les licenciements concernent 50 personnes au moins, les travailleurs peuvent bénéficier de mesures d’activation (et parfois de reconversion) grâce au Service de formation pour un réemploi rapide (OCDE, 2015[37]).
6.3.4. Travailleurs temporaires
La part des travailleurs temporaires – à savoir les travailleurs en contrat à durée déterminée ou en contrat d’intérim – étant importante, et en progression dans certains pays (voir le chapitre 2), faire en sorte qu’ils participent à la formation des adultes constitue une priorité essentielle de l'action publique.
Si les travailleurs temporaires se forment moins que les travailleurs à temps plein dans les pays de l’OCDE, en moyenne, il y a lieu de reconnaître que les écarts de participation à la formation sont moins élevés que pour d’autres catégories (par exemple pour les adultes peu qualifiés par rapport aux adultes hautement qualifiés) (Graphique 6.5). De plus, comme on l’a vu à la section 6.2, ces différences s’expliquent généralement davantage par des caractéristiques socio‑démographiques que par le statut contractuel en lui‑même. C’est particulièrement vrai pour la participation aux formations formelles, souvent dispensées par des établissements d’enseignement, tandis que le statut contractuel pèse lourdement dans la participation aux formations non formelles, souvent assurées par les employeurs.
Dans l’ensemble, il existe de profondes différences entre les pays, les écarts de participation entre les travailleurs temporaires et les salariés à temps plein variant de moins de 5 points en Irlande, en Israël, en Lituanie et en Nouvelle‑Zélande à 15 points au moins en Belgique, au Japon, aux Pays‑Bas et en République slovaque (Graphique 6.13). L’écart est positif21 dans quatre pays – l’Autriche, le Danemark, les États‑Unis et la Grèce.
On observe des différences substantielles entre les pays mais aussi, au sein des pays, entre les salariés titulaires de différents types de contrats temporaires eux‑mêmes. En effet, contrairement aux travailleurs en contrat à durée déterminée, les intérimaires bénéficient de programmes de formation pour adultes ciblés.
À l’inverse des autres catégories de la population, les travailleurs temporaires ont une probabilité nettement plus forte que les travailleurs en CDI à temps plein de déclarer qu’ils souhaitaient suivre une formation. C’est le cas dans l’ensemble des pays de l’OCDE, à l’exception de l’Australie, de la Corée et d’Israël (Graphique 6.13). Le manque de temps et le coût sont les obstacles à la participation à la formation des salariés en contrat temporaire les plus fréquemment cités dans la plupart des pays de l’OCDE. L’absence d’aide de la part de l’employeur semble jouer un rôle majeur en Turquie, ainsi qu’aux Pays‑Bas, en Pologne et au Danemark (Graphique 6.14).
Égalité de traitement : droits et représentation
De nombreux pays de l’OCDE ont introduit dans leur cadre juridique des règles de non-discrimination afin de promouvoir le droit à l’égalité de traitement entre les travailleurs en CDI et les titulaires d’un CDD. En Pologne, par exemple, le Code du travail dispose que les salariés en CDD et en CDI doivent bénéficier d’une égalité de traitement au regard de la promotion et de l’accès à la formation. De même, en Grèce, le cadre juridique prévoit que les employeurs doivent faciliter l’accès des travailleurs en contrat à durée déterminée à des formations adéquates, afin de renforcer leurs compétences, d’améliorer leurs perspectives d’évolution et d’accroître leur mobilité professionnelle22.
De même, plusieurs pays de l’OCDE ont aussi pris des mesures pour s’assurer que leur cadre juridique établisse un droit à l’égalité de traitement entre les travailleurs en CDI et les intérimaires. Ainsi, la loi allemande sur les travailleurs intérimaires repose sur le principe de l’égalité de traitement, y compris au regard des possibilités de formation (Finn, 2016[38]). Parallèlement, en Belgique, cette catégorie de travailleurs a accès au congé de formation rémunéré dans les mêmes conditions que les salariés traditionnels (IDEAconsult, 2015[39]). En France, les comptes personnels de formation sont ouverts à tous, intérimaires compris (voir la section 6.4)23. Le droit à l’égalité de traitement est souvent établi par des conventions collectives. En France, par exemple, la confédération des professionnels de l’intérim (PRISME) et les cinq principaux syndicats ont signé, en 2007, un accord24 selon lequel les agences et leurs entreprises clientes doivent promouvoir l’égalité de traitement afin d’assurer l’égalité des chances (Ebisui, 2012[40]) – voir également le chapitre 5.
Malgré ces exemples positifs, il reste encore des difficultés de taille à surmonter pour que les travailleurs temporaires bénéficient autant des politiques de formation des adultes que les titulaires d’un CDI. De fait, certaines mesures de formation des adultes excluent explicitement les travailleurs temporaires. Au Canada, par exemple, la Subvention pour l’emploi – programme proposant aux entreprises des financements pour couvrir les coûts de formation de leurs salariés – est réservée à la formation des salariés en CDI (Busby et Muthukumaran, 2016[41]). De la même manière, au Royaume-Uni, les travailleurs intérimaires n’ont pas droit au congé de formation.
Même lorsque le cadre juridique contient des règles équitables, dans plusieurs pays, les conventions collectives peuvent établir différents droits à la formation en entreprise pour les travailleurs temporaires et les titulaires de CDI d’un même secteur (OCDE, 2018[42]). En Italie, par exemple, la convention collective de la métallurgie a récemment créé un droit individuel à la formation de 24 heures sur la période 2017‑19 (voir le chapitre 5) – mais ce droit est réservé aux seuls travailleurs en CDI et exclut le personnel temporaire.
De plus, les travailleurs temporaires sont souvent insuffisamment représentés – c’est‑à‑dire qu’il n’existe pratiquement aucun syndicat chargé de représenter les intérêts des travailleurs temporaires en tant que tels, indépendamment du secteur économique auquel ils appartiennent. S’il existe plusieurs raisons à cela (voir les chapitres 4 et 5), l’absence de représentation laisse peu de marge aux travailleurs temporaires pour négocier des droits à la formation plus avantageux et des possibilités de formation mieux adaptées à travers la négociation collective.
Même lorsque des droits équitables à la formation ont été créés par la législation et/ou des conventions collectives, ces droits sont souvent fondés sur l’ancienneté, ce qui, dans la pratique, exclut de nombreux travailleurs temporaires titulaires de contrats de courte durée. À titre d’exemple, dans certains pays de l’OCDE, les droits au congé de formation sont accordés aux travailleurs ayant une ancienneté minimum au sein de l’entreprise (cinq ans en Italie, deux en Norvège, six mois en Suède, par exemple) (OCDE, 2019[1]).
Enfin, le fait d’occuper un emploi temporaire peut conférer des droits à la formation inférieurs en cas de chômage, par rapport à des salariés traditionnels, et donc un moindre accès aux formations proposées par les services publics de l’emploi. De fait, si dans de nombreux pays de l’OCDE, les licenciés économiques bénéficient souvent d’une aide privilégiée à la formation, aucune mesure similaire ne semble exister pour les chômeurs dont le contrat (temporaire) précédent n’a pas été renouvelé. Ainsi, en Suède, les salariés qui ont été employés pendant une période minimum (plus d’un an, en général) en contrat à durée indéterminée (pas pour les travailleurs en CDD) peuvent s’adresser aux Conseils de sécurité de l’emploi – qui proposent des services de transition aux travailleurs licenciés (Eurofound, 2018[43]).
Programmes ciblés
Toutes choses égales par ailleurs, de nombreux employeurs n’en préfèrent pas moins investir dans la formation des salariés en CDI, qui sont supposés demeurer plus longtemps au sein de l’entreprise et lui permettre de tirer des avantages plus conséquents lorsqu’elle investit dans leurs compétences.
Cette logique peut se vérifier dans les pays caractérisés par le dualisme de leur marché du travail, et par de profondes différences dans la législation relative aux licenciements applicable aux travailleurs temporaires et aux titulaires de CDI (comme l’Espagne, l’Italie ou la France), et où les entreprises enchaînent les contrats temporaires pour contourner les règles sur les conversions (Cabrales, Dolado et Mora, 2014[44]). Dans ce contexte, réformer la législation sur la protection de l’emploi pour remédier à la segmentation du marché du travail peut avoir pour effet d’encourager les entreprises à former les travailleurs temporaires.
Puisque la création de règles équitables peut ne pas être suffisante pour faire en sorte que les travailleurs temporaires aient au moins autant accès à la formation que les titulaires de CDI, il peut aussi s’avérer nécessaire de leur consacrer des programmes de formation de manière plus spécifique. Outre une poignée d’exceptions notables, la plupart des mesures prises dans les pays de l’OCDE en matière de formation des adultes ne ciblent pas en particulier les travailleurs en contrat à durée déterminée et sont – au mieux – ouvertes au personnel en CDD et en CDI.
La France a mis en place une politique de formation des adultes spécifiquement destinée aux travailleurs en CDD. La loi prévoit qu’au terme d’un contrat à durée déterminée, l’entreprise doit verser au travailleur une indemnité (« prime de précarité ») équivalant à 10 % au moins de la rémunération totale perçue par le travailleur pendant toute la durée du contrat. Néanmoins, si l’entreprise peut prouver qu’elle a proposé/assuré une formation au travailleur en CDD, le montant minimum de l’indemnité est ramené à 6 %. Ce programme devrait, en principe du moins, inciter les entreprises à former les travailleurs en CDD, même si aucune évaluation de ce programme n’a été menée à ce jour.
Si l’aide ciblée à la formation est limitée pour les travailleurs en CDD, de nombreuses initiatives ont été mises en place pour les intérimaires. Les agences d’intérim elles‑mêmes offrent souvent des possibilités de formation aux travailleurs25. Ainsi, les entreprises de travail intérimaire comme Adecco, Randstad et Manpower proposent à leur personnel des milliers de cours en ligne (Spermann, 2016[45]). Plusieurs études montrent que les formations assurées par les agences d’intérim peuvent produire de bons résultats sur le plan de l’emploi à plus long terme (Ehlert, 2012[46]) et améliorer la productivité des travailleurs (De Grip, 2012[47]).
Outre les programmes de formation proposés directement par les agences d’intérim, de nombreux pays de l’OCDE – comme l’Autriche, la Belgique, l’Espagne, la France, l’Italie, les Pays‑Bas et la Suisse – ont créé des fonds dédiés à la formation pour financer celle des travailleurs intérimaires (Encadré 6.8).
Dans les pays de l’OCDE dépourvus de fonds pour la formation, la formation des intérimaires peut être financée en partie par des ressources publiques (Voss et al., 2013[48]). En Allemagne, par exemple, des chèques cofinancés par les services publics de l’emploi peuvent servir à financer la formation des salariés des agences d’intérim (Spermann, 2016[45]).
Encadré 6.8. Fonds pour la formation des travailleurs intérimaires
De nombreux pays de l’OCDE ont constitué des fonds dédiés à la formation pour financer celle des travailleurs intérimaires, comme Forma.Temp en Italie, le FAF-TT en France, la Fondation pour la formation et le développement du flexsecteur (STOOF) au Pays‑Bas, le Fonds de formation pour les intérimaires (FFI) en Belgique ou Temptraining en Suisse. Ces fonds sont principalement financés par des cotisations obligatoires versées par les agences d’intérim (Voss et al., 2013[48]), et ils investissent chaque année plus de 500 millions EUR dans les compétences de leurs salariés (WEC, 2016[49]).
Ces fonds offrent des services spécifiques aux intérimaires, comme des chèques‑formation, des services d’orientation professionnelle, et des dispositifs de remplacement du salaire pendant la formation. Ainsi, en Italie, Forma.Temp a conçu un système de chèques‑formation qui permet aux salariés des agences d’intérim de suivre des formations pour 5 000 EUR. Les chèques s’accompagnent de services d’orientation et d’information (sur les formations disponibles, par exemple), qui sont assurés par les succursales locales de Forma.Temp ou via une plateforme électronique dédiée26 (OCDE, 2019[50]). Pour citer un autre exemple, en Suisse, Temptraining procure une aide financière aux intérimaires, en couvrant les coûts de formation et en leur remboursant la perte de salaire encourue pendant la formation.
6.3.5. Personnes travaillant pour leur propre compte
Les personnes travaillant pour leur propre compte, c’est‑à‑dire les travailleurs indépendants qui n’ont pas de salariés, passent souvent à travers les mailles des mesures en faveur de la formation des adultes qui sont habituellement conçues pour les salariés ou les chômeurs, lesquels peuvent bénéficier des initiatives prises par leurs employeurs ou le service public de l’emploi27.
Si leur disposition à suivre une formation reste généralement proche de celle des salariés en CDI à temps plein, dans l’ensemble des pays de l’OCDE, les personnes travaillant pour leur propre compte sont moins susceptibles de se former ; l’écart entre les uns et les autres varie fortement d’un pays à l’autre (Graphique 6.15), en raison peut‑être des différences dans les politiques menées à leur intention28. Le principal écart dans la participation est observé aux Pays‑Bas, où 18 % seulement des travailleurs à leur propre compte suivent une formation, contre 72 % pour les salariés en CDI à temps plein. À l’autre extrémité, on constate l’écart le plus faible en Italie, où 32 % des personnes travaillant pour leur propre compte suivent une formation, contre 33 % pour les salariés en CDI à temps plein.
Les obstacles à la formation des personnes travaillant pour leur propre compte
Les personnes qui travaillent pour leur propre compte sont confrontées à deux obstacles majeurs, et partiellement liés : elles manquent de temps et de ressources financières pour se former (Graphique 6.7). Ces obstacles revêtent souvent une plus grande importance pour elles que pour les salariés en CDI à temps plein et la plupart des autres catégories qui sont sous‑représentées dans la formation. Le coût de la formation semble constituer un obstacle particulièrement important au Canada, aux États‑Unis et en Israël. Et le manque de temps représente un obstacle de taille dans la plupart des pays, et en tout premier lieu en Corée et en République tchèque (Graphique 6.16).
Adapter le cadre législatif et le cadre de la négociation collective
Les droits à la formation des personnes travaillant pour leur propre compte sont souvent restreints par rapport à ceux des salariés. De fait, dans la quasi‑totalité des pays de l’OCDE, les travailleurs à leur propre compte (et les indépendants, plus généralement) ne sont pas couverts par la majorité des dispositions du droit du travail (voir le chapitre 4). Par conséquent, ils ne jouissent pas des droits à la formation qui y sont définis de la même manière que les salariés.
De plus, contrairement aux salariés, les personnes travaillant pour leur propre compte sont rarement représentées et de ce fait, elles ne bénéficient pas des droits à la formation issus de la négociation collective (voir le chapitre 5). En effet, des restrictions juridiques empêchent souvent toute négociation pour les travailleurs à leur propre compte (et plus généralement, pour les indépendants). Ainsi, aux Pays‑Bas, les travailleurs indépendants (travailleurs à leur propre compte compris) ne sont pas couverts par les conventions collectives touchant à l’éducation et à la formation (Bekker et Posthumus, 2010[51]).
S’il n’existe pratiquement aucun dispositif de représentation professionnelle pour les personnes travaillant pour leur propre compte en tant que telles, dans certains pays de l’OCDE, celles‑ci peuvent s’inscrire de leur propre chef à des associations professionnelles ou à des organes de représentation publique (voir le chapitre 5), qui offrent souvent divers services pour développer les compétences de leurs membres (voir l’Encadré 6.9). Outre les formations dispensées à leurs membres, ces associations font souvent office de groupes de pression pour influer sur l’action publique – au niveau de l’État ou à l’échelon local – dans tous les domaines présentant un intérêt pour les travailleurs à leur propre compte, dont la formation (Pedersini et Coletto, 2010[52]).
Aux côtés des initiatives nationales, des organisations transnationales ont aussi commencé à voir le jour. Ainsi, SMart – une coopérative focalisée sur les besoins des travailleurs freelances, créée en Belgique en 1998 et aujourd’hui présente dans 9 pays européens – offre entre autres services, à ses membres, des formations à moindre coût (Lejeune, 2017[53]) (voir le chapitre 5).
Encadré 6.9. Formations proposées aux travailleurs à leur propre compte via les associations professionnelles
En Autriche, l’inscription au syndicat des sociétés unipersonnelles donne accès à un programme de formation29.
Aux États‑Unis, les syndicats des auteurs de Hollywood et des professionnels du cinéma proposent des formations à leurs membres (WEC, 2016[49]).
En Italie, l’association de freelances ACTA propose à ses membres des formations gratuites ou à prix réduit. L’ACTA a aussi élaboré plusieurs propositions pour favoriser la formation des freelances, qui ont été présentées aux commissions parlementaires chargées de la formation des adultes, et qui ont incité certaines régions à financer des formations pour les indépendants (Bologna, 2016[54]).
Au Luxembourg, les travailleurs indépendants inscrits auprès d’une association professionnelle (comme la Chambre de commerce ou la Chambre d’agriculture) se voient proposer des services d’orientation et de conseil au regard de la formation (Commission européenne, 2010[55]).
Aux Pays‑Bas, plusieurs organisations défendent les droits des auto‑entrepreneurs et certaines proposent des formations à leurs membres (Jansen, 2017[56]).
Au Portugal, les indépendants membres d’une chambre de commerce ou de chambres professionnelles peuvent bénéficier d’une aide à la formation (Eurofound, 2017[57]).
Au Royaume‑Uni, Equity – l’un des plus anciens syndicats pour les professionnels de l’industrie du spectacle travaillant en indépendant – a conçu à l’intention de ses membres un régime de retraite professionnel qui prévoit également un accès à des formations (Eurofound, 2017[57]).
Dégager du temps pour la formation
Comme on l’a vu au Graphique 6.16, le manque de temps est un obstacle essentiel à la formation pour les personnes qui travaillent pour leur propre compte, dans de nombreux pays de l’OCDE. De longues journées de travail peuvent les empêcher d’investir dans la formation et d’élaborer des stratégies à plus long terme. De plus, elles peuvent aussi avoir besoin de consacrer un temps considérable à la recherche de leur prochaine mission, ce qui réduit le temps disponible pour la formation.
Les pays de l’OCDE peuvent mettre en place plusieurs outils pour aider les travailleurs à leur propre compte à se libérer suffisamment longtemps pour se former. Si le congé de formation est accessible aux salariés dans bon nombre de ces pays, il n’est pas toujours certain que les personnes qui travaillent pour leur propre compte puissent en bénéficier. De plus, pour qu’il leur soit utile, il doit absolument être rémunéré ou s’accompagner de garanties de revenus appropriées. On trouve un exemple de bonne pratique au Luxembourg, où le congé de formation peut bénéficier aux salariés mais aussi aux personnes travaillant pour leur propre compte et aux professions libérales (à condition qu’elles soient inscrites à la sécurité sociale depuis deux ans au moins), et prévoit une indemnisation financière versée par l’État en fonction du revenu de l’exercice précédent30.
Il est aussi essentiel de prévoir des dispositifs de formation flexibles afin de permettre aux travailleurs à leur propre compte de trouver le temps de conjuguer travail et formation. Certains pays de l’OCDE proposent des formations pour adultes spécifiquement conçues pour les besoins des indépendants et dispensées de manière flexible, en dehors des heures de travail habituelles, par exemple. Ainsi, en Flandre (Belgique), l’agence flamande pour la formation entrepreneuriale (Syntra Flanders) élabore des « programmes innovants pour l’entrepreneuriat », qui prévoient des formations flexibles, le soir et le week‑end, notamment, spécifiquement conçues pour les travailleurs indépendants.
Abaisser le coût de la formation
Comme on l’a vu au Graphique 6.16, le coût de la formation constitue également un obstacle important à la formation pour les travailleurs à leur propre compte dans plusieurs pays de l’OCDE. Cela n’a rien de surprenant, puisqu’ils ont souvent un accès limité ou nul aux aides financières publiques destinées à la formation. Les personnes qui travaillent régulièrement pour les mêmes employeurs sont également moins susceptibles de bénéficier de formations proposées par les employeurs, ces derniers ayant plutôt tendance à privilégier l’investissement dans les compétences de leurs salariés. Par conséquent, les personnes travaillant pour leur propre compte doivent souvent payer elles‑mêmes leurs formations (Bologna, 2016[54]).
Certains pays de l’OCDE ont mis en place des incitations financières à destination des personnes travaillant pour leur propre compte et plus généralement des indépendants (déductions fiscales, subventions, par exemple). Les déductions fiscales sont les outils les plus couramment utilisés pour promouvoir la formation des travailleurs à leur propre compte. Dans de nombreux pays de l’OCDE (comme la Belgique, l’Italie ou le Royaume‑Uni), les dépenses de perfectionnement professionnel et de formation sont comptabilisées comme des coûts et sont donc fiscalement déductibles. Néanmoins, des restrictions visent souvent le type de formation donnant droit à une déduction, comme le type de cours suivi ou de compétences développées.
Les subventions sont également utilisées par certains pays de l’OCDE pour apporter une aide financière aux personnes qui travaillent pour leur propre compte. Elles sont rarement conçues exclusivement pour bénéficier à cette catégorie de travailleurs, ou pour répondre à leurs besoins spécifiques. Au mieux, elles s’adressent aux indépendants et à d’autres catégories vulnérables (comme la subvention BRAWO en Belgique), ou sont ouvertes à tous indépendamment du statut d’emploi (remboursement du coût de la formation pour préparer les examens fédéraux en Suisse, ou Compte personnel de formation en France, par exemple).
Pour aider les travailleurs à leur propre compte à faire face au coût de la formation, les pays de l’OCDE ont aussi conditionné certaines subventions au paiement de cotisations de sécurité sociale (comme la Contribution à la formation professionnelle, en France) ou à l’adhésion à un plan d’assurance‑chômage (en Corée, par exemple, et à certains régimes en Autriche et en Belgique) (voir l’Encadré 6.10).
Mettre en place des plans d’épargne facultatifs utilisables aux fins de la formation peut aussi permettre aux pays d’aider les travailleurs à leur propre compte à mettre de l’argent de côté pour se former. Toutefois, l’expérience internationale semble indiquer que lorsque les retraits ne doivent pas nécessairement financer une formation, et que les personnes concernées ne sont pas accompagnées dans leurs choix, l’épargne est rarement utilisée à cette fin. Ainsi, aux Pays‑Bas, le Dispositif d’épargne sur le cycle de vie a permis aux travailleurs à leur propre compte/freelances31 de constituer une épargne en franchise d’impôt, mais la formation est la raison la moins souvent citée par les adhérents, et la plupart ont plutôt choisi d’utiliser leur capital pour partir plus tôt en retraite (OCDE, 2018[42]).
Enfin, outre les coûts directs, les personnes travaillant pour leur propre compte doivent supporter des coûts d’opportunité élevés dû à leur inactivité. Contrairement aux salariés, elles doivent très probablement renoncer à des possibilités d’emploi rémunéré pour avoir accès à la formation. Pour remédier à cette difficulté, certains pays de l’OCDE (comme l’Autriche, la Finlande ou le Luxembourg) ont mis en place des subventions pour aider les travailleurs à leur propre compte à conserver leurs revenus pendant la formation.
Malgré ces efforts positifs, aujourd’hui, un grand nombre des incitations financières à la disposition des salariés et des chômeurs ne sont toujours pas accessibles aux personnes qui travaillent pour leur propre compte (et plus généralement, aux travailleurs indépendants). Pour régler ce problème, certains pays de l’OCDE (l’Irlande ou la France, par exemple) ont déjà pris des mesures pour élargir aux indépendants les critères d’admission au bénéfice des incitations financières existantes.
On trouvera à l’Encadré 6.10 plusieurs exemples de déductions fiscales, subventions, plans d’assurance‑chômage et dispositifs de remplacement des revenus mis en œuvre dans les pays de l’OCDE pour aider les travailleurs indépendants à supporter le coût de la formation.
Encadré 6.10. Abaisser le coût de la formation pour les travailleurs indépendants (travailleurs à leur propre compte compris)
Déductions fiscales
En Belgique, les travailleurs indépendants ont droit à des déductions fiscales sur les dépenses de formation, à condition de pouvoir démontrer que la formation suivie leur est nécessaire pour exercer leur activité (OCDE, 2019[27]).
Au Royaume‑Uni, les indépendants peuvent prétendre à une déduction fiscale pour les formations qui leur permettent d’entretenir ou d’actualiser leurs compétences ; en revanche, celles destinées à les doter de nouvelles compétences sont considérées comme un investissement et ne leur donnent donc pas droit à un allègement fiscal (HR Tresury, 2018[58]).
En 2017, l’Italie a introduit une Loi pour l’emploi des travailleurs autonomes, qui permet aux travailleurs indépendants de déduire de leurs impôts certaines dépenses de formation (études de troisième cycle, formation professionnelle, conférences et séminaires, par exemple) et de certification des compétences (à concurrence de 10 000 EUR et de 5 000 EUR respectivement par an) (Casano et al., 2018[59]).
Subventions
En Belgique, la subvention BRAWO32 est une initiative de la communauté germanophone qui subventionne un tiers des coûts de formation (à concurrence de 1 000 EUR) et s’adresse à plusieurs catégories vulnérables, dont les travailleurs indépendants et les freelances (Allinckx et Monico, 2016[60]).
En Suisse, depuis janvier 2018, toutes les personnes (indépendants compris) ayant suivi une formation pour passer un examen fédéral peuvent recevoir un remboursement du coût de la formation après la tenue de l’examen33.
Plans d’assurance-chômage
En France, les travailleurs indépendants (comme les artisans et les commerçants) et les micro‑entrepreneurs doivent verser une cotisation de sécurité sociale pour la formation professionnelle, qui leur permet de bénéficier d’un financement (OCDE, 2018[42]).
À Vienne (Autriche), le Compte Waff pour la formation accorde des bourses à certains travailleurs – y compris les « nouveaux travailleurs indépendants » (à savoir les titulaires d’un « contrat de travail » sans licence professionnelle) à condition qu’ils soient assurés selon la Loi sur l'assurance sociale pour les activités commerciales et industrielles (OCDE, 2019[61]).
En Wallonie (Belgique), certains travailleurs – dont les indépendants – ont accès au Chèque‑formation pour cofinancer leurs formations (OCDE, 2017[31]), et le nombre de chèques disponibles chaque année dépend du statut d’emploi ainsi que d’autres critères. Pour en bénéficier, les indépendants doivent être affiliés à l’Institut national d’Assurances sociales pour travailleurs indépendants.
En Corée, les travailleurs indépendants ayant souscrit spontanément une assurance‑chômage peuvent toucher une subvention pour le développement des compétences, qui couvre 60 % à 100 % des coûts de formation (selon le secteur économique) et une indemnité de 18 000 KWR (15 EUR environ) par jour (OCDE, 2014[62]).
Extension des incitations financières aux travailleurs indépendants
En France, depuis janvier 2018, les droits au Compte personnel de formation sont étendus aux travailleurs indépendants (voir la section 6.4) (OCDE, à paraître[28]).
En Irlande, en 2017, Springboard+ (programme conçu à l’origine pour les chômeurs et proposant des formations gratuites diplômantes) a été étendu aux indépendants qui souhaitent améliorer leurs compétences dans certains secteurs (biopharmacie/technologie médicale et TIC)34.
Dispositifs de remplacement des revenus
En Autriche, la bourse destinée aux travailleurs qualifiés35 procure des revenus (pendant une durée de trois mois à trois ans) à un certain nombre de catégories cibles de travailleurs, dont les intérimaires, qui sont inscrits à une formation à temps plein (OCDE, 2017[31]).
En Finlande, l’Indemnité de formation pour adultes apporte une garantie de revenus aux salariés mais aussi aux travailleurs indépendants qui suivent une formation (OCDE, 2019[1]).
Au Luxembourg, le gouvernement offre une compensation de revenus aux travailleurs indépendants qui prennent un congé de formation (Commission européenne, 2010[55]).
Assurer des services de conseil et d’orientation en matière de compétences
Outre l’apport d’une aide financière, s’assurer que les personnes travaillant pour leur propre compte ont accès à des services de conseil en compétences est également essentiel pour les aider à s’y retrouver dans l’offre de formations disponibles et pour les accompagner dans leurs choix.
L’une des difficultés majeures tient au fait qu’à l’inverse des salariés, les travailleurs à leur propre compte ont un accès limité ou nul aux conseils en compétences prodigués par les employeurs, les services de ressources humaines des entreprises et/ou les syndicats ; et que les indépendants ne peuvent pas bénéficier des services d’orientation proposés par le service public de l’emploi, qui sont souvent réservés aux chômeurs.
Conscients de ces problèmes, certains pays de l’OCDE ont déjà pris des mesures pour faire en sorte que les services de conseil et d’orientation en matière de compétences soient aussi accessibles aux personnes qui travaillent pour leur propre compte. Ces efforts consistent essentiellement à étendre les services de ce type offerts par le service public de l’emploi (voir l’Encadré 6.11). Des efforts similaires en ce sens ont été entrepris par des associations professionnelles (voir l’Encadré 6.9).
6.3.6. Travailleurs des plateformes
Les travailleurs des plateformes sont confrontés à des difficultés particulières au regard de l’accès à la formation. Dans de nombreux pays de l’OCDE, ils sont considérés comme des travailleurs indépendants et à ce titre, ils sont souvent contraints d’organiser leurs propres activités de formation et de perfectionnement professionnel, si bien que les politiques mises en évidence pour les personnes travaillant pour leur propre compte s’appliqueraient également à cette catégorie (Encadré 6.7).
Encadré 6.11. Services de conseil et d’orientation en matière de compétences à l’intention des travailleurs indépendants (travailleurs à leur propre compte compris)
En Flandre (Belgique), les salariés et les travailleurs indépendants peuvent s’adresser au service public de l’emploi pour bénéficier des chèques d’orientation professionnelle (loopbaancheques). Ils doivent payer 40 EUR par chèque, ce qui leur donne droit à 4 heures d’orientation professionnelle dans le centre d’accompagnement professionnel agréé de leur choix. Les travailleurs ont droit à 2 chèques tous les six ans (OCDE, 2019[27]).
En Allemagne, l’Agence fédérale pour l’emploi a renforcé dernièrement la gamme des services de conseil accessibles à tous les adultes (indépendants compris), en allant au‑delà de la priorité traditionnellement accordée aux chômeurs (OCDE, 2019[61]).
En Italie, la loi 81/2017 prévoit la possibilité d’étendre aux travailleurs dits autonomes les services de consultation du service public de l’emploi, mais sa mise en application est toujours en cours (Casano et al., 2018[59]).
En Lettonie, le service public de l’emploi propose des consultations professionnelles gratuites aux chômeurs, mais aussi aux travailleurs indépendants36.
Néanmoins, les travailleurs des plateformes font face à des difficultés supplémentaires par rapport aux autres indépendants. Il existe ainsi, dans de nombreux pays de l’OCDE, une forte incertitude juridique autour de l’économie à la demande. Par conséquent, les travailleurs des plateformes peuvent avoir du mal à s’y retrouver dans leurs droits à la formation et dans les possibilités qui leur sont offertes en la matière. Plus que les autres indépendants, les travailleurs des plateformes peuvent travailler dans des délais très courts ou à un prix à la tâche peu élevé, pour des micro‑tâches (Parlement européen, 2016[63]), ce qui leur laisse peu de temps pour se former. C’est particulièrement vrai pour les travailleurs des plateformes à faible revenu, qui peuvent avoir besoin de travailler plus longtemps pour joindre les deux bouts et ne pas être en mesure de prendre du temps pour se former. De plus, de nombreux travailleurs des plateformes ou de l’économie à la demande ont peu de perspectives d’évolution professionnelle au sein de la plateforme pour laquelle ils travaillent, ce qui peut dissuader les plateformes et les travailleurs eux‑mêmes d’investir dans la formation.
Les enquêtes qui permettent des comparaisons internationales n’autorisent pas encore à identifier convenablement les travailleurs des plateformes, mais les récentes études ad hoc réalisées dans certains pays de l’OCDE peuvent aider à faire la lumière sur les obstacles à la formation qui leur sont propres. Ainsi, une enquête récemment menée au Royaume-Uni auprès de cette catégorie de travailleurs donne à penser que huit travailleurs sur dix sont confrontés à des obstacles pour acquérir de nouvelles compétences à l’avenir. Les obstacles à la participation les plus fréquemment cités sont le coût (41 %), le manque de formations proposées par les employeurs (35 %), le manque de temps pour obligations professionnelles (26 %) et le manque de temps pour responsabilités familiales (21 %) – alors que seule une minorité de l’ensemble des répondants (14 %) a déclaré manquer de motivation pour se former (CIPD, 2017[64]).37
L’une des principales difficultés, pour les pays de l’OCDE, consiste actuellement à encourager les plateformes à investir dans la formation de leurs travailleurs (France Stratégie, 2018[65]). Jusqu’à présent, les formations proposées par les plateformes ont été peu abondantes et souvent limitées à un cours d’initiation pour leur expliquer comment exercer leur fonction de la meilleure façon, ou, au mieux, à une formation permettant au travailleur de réaliser ses tâches (cours de langue en ligne, compétences informatiques élémentaires, par exemple). Ainsi, Uber apprend aux chauffeurs à rationaliser et à améliorer la qualité du service et a commencé, dernièrement, à leur offrir un accès gratuit à Babbel ou à Duolingo38, afin d’aider les nouveaux venus dans le pays à améliorer leurs compétences linguistiques. Samasource dote les personnes vulnérables de compétences informatiques élémentaires et les emploie pour effectuer des tâches dans ce domaine. Dans l’ensemble, toutefois, tous ces exemples restent aujourd’hui des cas isolés, qui peuvent difficilement être considérés comme des efforts de formation systématiques de la part des plateformes (OCDE, 2016[66]). Une étude menée au Royaume-Uni auprès de travailleurs de l’économie à la demande confirme en effet que les plateformes offrent rarement des possibilités de formation à leurs travailleurs (Broughton et al., 2018[67]). De plus, l’étendue et la qualité de ces efforts de formation restent indéterminées.
Dans ce contexte, seul un petit nombre de pays de l’OCDE ont commencé d’adapter leur cadre juridique et imposent des obligations de formation aux plateformes. En France, en 2016, la Loi Travail impose aux plateformes de prendre en charge la contribution patronale à la formation, d’assumer les dépenses inhérentes à la reconnaissance des acquis et de procurer une indemnité de formation à l’ensemble des travailleurs de l’économie à la demande au‑delà d’un certain chiffre d’affaires (OCDE, 2018[68]). Plus récemment, la Loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, adoptée en août 2018 et en cours d’examen, imposerait aux plateformes de contribuer financièrement au Compte personnel de formation (voir la section 6.4) lorsque les travailleurs gagnent au moins la moitié du salaire minimum par mois. De plus, la nouvelle loi donnerait aux plateformes la possibilité d’établir une charte, c’est‑à‑dire un accord écrit avec le travailleur, qui détermine ses droits, notamment en matière de formation et de développement des compétences (OCDE, 2019[61]).
Dans l’économie des plateformes, la réputation des travailleurs joue un rôle essentiel dans l’accès à l’emploi. À cet égard, la certification des compétences revêt une importance particulière pour assurer la visibilité des compétences des travailleurs de l’économie à la demande auprès des plateformes potentielles, et conduire, à terme, à de meilleures possibilités d’emploi. Des études récentes montrent que l’obtention d’un certificat de compétences accroît les revenus des freelances, en augmentant leur visibilité auprès des employeurs et en levant les incertitudes de ces derniers (Kässi et Lehdonvirta, 2019[69]). La certification des compétences a aussi son importance pour éviter que les travailleurs ne suivent plusieurs fois des formations similaires lorsqu’ils travaillent avec différentes plateformes.
Outre la certification des compétences, la réputation (mesurée par les évaluations et les appréciations des clients) peut constituer, de fait, une certification des compétences basée sur les clients. Si la plupart des plateformes ont mis en place des évaluations par les clients, l’une des grandes difficultés, à l’avenir, consistera à rattacher le bien à un travailleur particulier de l’économie à la demande, qui devrait être en mesure de quitter la plateforme avec ce bien (voir le chapitre 4).
Dans le futur, il faudra aussi que les travailleurs possèdent les compétences voulues pour saisir les possibilités d’emploi que l’économie des plateformes peut leur offrir s’ils le souhaitent. En effet, la participation au travail participatif nécessite un accès à Internet et certaines compétences numériques, mais aujourd’hui, les travailleurs n’ont pas tous les compétences numériques voulues pour en bénéficier – c’est le cas des travailleurs peu qualifiés ou âgés (Parlement européen, 2016[63] ; De Stefano, 2016[70]). Pour relever ce défi, certains pays et états de l’OCDE (comme Israël ou la Californie) prennent des mesures pour aider les travailleurs à se former aux métiers de l’économie des plateformes (Encadré 6.12).
Encadré 6.12. Former les adultes aux métiers de l’économie des plateformes
En Californie (États‑Unis), un programme pilote intitulé « Passerelles pour les indépendants dans l’économie à la demande » (Self-Employment Pathways in the Gig Economy) est actuellement mis en place dans les community colleges et propose des cours axés sur les avantages et les inconvénients des plateformes, des avis sur la création et l’optimisation d’un profil en ligne, et des stratégies professionnelles permettant de trouver et d’exercer des emplois dans l’économie des plateformes (OCDE, 2019[1]).
À San Francisco (États‑Unis), le Bureau du développement de l’économie et de la main‑d’œuvre (Office of Economic and Workforce Development) a collaboré avec Samaschool (une organisation à but non lucratif) pour lancer un programme pilote – Passerelle vers l’emploi (Bridge to Employment) – qui apporte une aide aux travailleurs désireux d’intégrer l’économie à la demande. L’objectif est d’aider ces personnes à tirer parti de cette économie pour acquérir de l’expérience et des compétences, et gagner des revenus supplémentaires. Le programme comprend plusieurs modules de formation interactifs gratuits, ainsi que des vidéos sur des thèmes propres au travail indépendant, et une aide en personne (OCDE, 2019[1] ; OCDE, 2018[68]).
En Israël, le gouvernement – en coopération avec des organisations non gouvernementales (ONG) – gère une poignée de programmes pilotes de faible envergure visant à former et à apporter des services d’orientation aux travailleurs qui recourent à l’économie des plateformes. Un nouveau modèle de formation propose aux populations vulnérables ciblées (personnes handicapées, femmes arabes) d’apprendre à utiliser les plateformes de formation en ligne et à vivre du marché mondial en ligne (OCDE, 2019[61]).
6.3.7. Travailleurs à temps partiel
Les travailleurs à temps partiel ont tendance à moins participer à la formation que les salariés à temps plein (Graphique 6.5). Les données recueillies dans les pays de l’OCDE montrent que les personnes qui occupent des emplois à temps partiel sont pénalisées par rapport aux travailleurs à temps plein en termes de formation, même en tenant compte des caractéristiques observables (OCDE, 2010[71]). Celles relatives à plusieurs pays de l’OCDE – comme le Japon (Hara, 2014[72]) ou la Suisse (Backes-Gellner, Oswald et N. Tuor, 2011[73]) – confirment aussi que travailler à temps partiel constitue un sérieux handicap dans l’accès à la formation.
Une moindre participation à la formation peut dénoter, dans certains cas, des préférences individuelles des travailleurs à temps partiel et une moindre volonté de réaliser des aspirations professionnelles. Toutefois, une faible participation peut aussi tenir au fait que les employeurs sont moins enclins à investir dans la formation de ces travailleurs, le retour sur investissement étant moins élevé que pour les salariés à temps plein (OCDE, 2010[71]).
Dans de nombreux pays de l’OCDE, des lois sur l’égalité de traitement ont été adoptées ces 20 dernières années pour faire en sorte que les travailleurs à temps partiel bénéficient de conditions de travail – et de possibilités de formation – comparables à celles des travailleurs à temps plein. Le principe de l’égalité de traitement pour les travailleurs à temps plein et à temps partiel est exposé en détail dans la Convention de l’OIT sur le travail à temps partiel (1994) et dans la Directive européenne sur le temps de travail (2001).
Depuis, les pays de l’OCDE ont progressivement introduit des lois sur l’égalité de traitement dans leur législation nationale, qui établit souvent l’égalité des droits au regard de la formation. Au Japon, par exemple, la Loi de 2008 sur le travail à temps partiel dispose que les employeurs devraient proposer les mêmes possibilités de formation aux travailleurs à temps partiel et à temps plein (Ebisui, 2012[40] ; ICLG, 2018[74]). De la même manière, en Grèce, une loi adoptée en 2010 prévoit que les travailleurs à temps partiel ont les mêmes droits de prendre part à des activités de formation professionnelle que les salariés à temps plein. Dans l’ensemble, les données relatives aux pays de l’OCDE montrent que l’accès des travailleurs à temps partiel à la formation s’est amélioré après l’introduction des lois sur l’égalité de traitement39 (OCDE, 2010[71]).
Malgré ces efforts, les travailleurs à temps partiel passent encore entre les mailles de nombreuses politiques de formation des adultes. L’une des principales difficultés tient au fait que les droits à la formation sont souvent liés au nombre d’heures travaillées – ce qui signifie que les travailleurs à temps partiel mettent généralement plus de temps à acquérir les mêmes droits que les travailleurs à temps plein. Ainsi, en France, le nombre de crédits de formation acquis par les salariés à temps partiel dans le cadre du Compte personnel de formation dépend du nombre d’heures travaillées. De même, dans des pays comme la Belgique ou le Luxembourg, les droits au congé de formation des travailleurs à temps partiel sont calculés sur la base du nombre d’heures travaillées (UCM, 2017[75]).
Une autre difficulté essentielle est aussi que bien souvent, les travailleurs à temps partiel ne peuvent pas bénéficier pleinement des programmes de formation proposés par le service public de l’emploi. Un grand nombre de ces formations sont en effet réservées aux demandeurs d’emploi/chômeurs « à temps plein » qui n’exercent aucune activité, et excluent les travailleurs à temps partiel qui souhaiteraient acquérir de nouvelles compétences. Dans certains pays de l’OCDE, les programmes d’activation (qui portent également sur la formation) peuvent être obligatoires pour les demandeurs d’emploi/chômeurs « à temps plein », mais seulement facultatifs pour les travailleurs à temps partiel (Fagan et al., 2014[76]). La formation peut aussi imposer une participation à temps plein, de sorte que les travailleurs à temps partiel ont du mal à être présents – comme c’est le cas pour certains programmes de formation au Mexique (OCDE, 2010[71]). Enfin, dans certains pays de l’OCDE (comme la République slovaque, la République tchèque, la Suède et la Suisse), les mesures d’activation et d’aide à la formation sont limitées à certaines catégories de travailleurs à temps partiel, comme ceux qui le sont de manière involontaire ou dont les revenus sont inférieurs à un certain seuil (Fagan et al., 2014[76]) – ce qui, dans la pratique, exclut de nombreux travailleurs à temps partiel de bon nombre des possibilités de formation disponibles.
Les pays de l’OCDE peuvent améliorer encore la formation des travailleurs à temps partiel en s’assurant que les programmes de formation des adultes s’adressent plus particulièrement à cette catégorie de travailleurs ou qu’ils leur soient accessibles en priorité. Au Japon, par exemple, le « système des cartes de travail » permet aux travailleurs à temps partiel qui changent fréquemment d’emploi – entre autres catégories – de suivre des formations et de mentionner leurs compétences sur leur carte de travail, afin de faciliter la transition vers un emploi plus stable (Hara, 2014[72]). En Lettonie, un programme financé par l’UE, Izaugsme un nodarbinātība – qui couvre les frais de formation et propose des services d’orientation professionnelle et de validation des compétences – assure un accès prioritaire à un certain nombre de catégories vulnérables, dont les salariés à temps partiel. Malgré ces exemples positifs, les efforts de formation ciblés en faveur des travailleurs à temps partiel restent globalement peu importants dans les pays de l’OCDE.
Le verre à moitié plein : le travail à temps partiel peut‑il aider les travailleurs à se former ?
Plusieurs pays de l’OCDE ont mis en place des mécanismes afin d’inciter les travailleurs à temps plein à travailler à temps partiel pour se former. Dans certains pays – comme l’Autriche, la Belgique, la Corée, la France, la Norvège, la Nouvelle‑Zélande, le Portugal ou la Suède (OCDE, 2010[71] ; OIT, 2016[77]) – les travailleurs à temps plein ont le droit de demander à travailler à temps partiel pour faire des études ou suivre une formation. Ainsi, en 2013, l’Autriche a introduit le temps partiel pour la formation (Bildungsteilzeit) qui permet aux travailleurs à temps plein de travailler à temps partiel (de 25 % à 50 % du temps de travail) pour faire des études ou suivre une formation – pendant une période de quatre mois à deux ans – et de recevoir une compensation pécuniaire du service public de l’emploi (Rathgeb, 2016[78]). Dans d’autres pays de l’OCDE, des droits similaires sont définis dans les conventions collectives. En Allemagne, par exemple, les conventions collectives des secteurs de la métallurgie et de l’électricité ont établi un droit au travail à temps partiel pour autoriser la formation à temps partiel (Ministère fédéral allemand du Travail et des Affaires sociales, 2017[79])
6.3.8. Seniors
Dans les pays de l’OCDE, les seniors participent moins à la formation que les jeunes adultes (Graphique 6.17). Les différences sont particulièrement prononcées en Autriche, en Belgique, en Corée et aux Pays‑Bas, où elles sont supérieures à 30 points. Les moins marquées sont observées aux États‑Unis, en Israël et en République slovaque, où elles sont inférieures à 15 points.
Les seniors sont également moins disposés à se former que les jeunes. L’écart est particulièrement sensible au Danemark, où il atteint 20 points, et il est inférieur à 5 points en Turquie, en Corée et au Japon (Graphique 6.17). Leur absence de disposition à suivre une formation peut s’expliquer à la fois par un intérêt limité pour la formation et par le caractère restreint des formations qui leur sont proposées. En fait, la proximité de l’âge de la retraite peut dissuader les seniors de chercher des possibilités de formation et les entreprises d’investir dans le développement des compétences de ces travailleurs.
Même les seniors qui souhaiteraient suivre une formation en principe sont confrontés à plusieurs obstacles (Graphique 6.18)40. Le manque de temps pour raisons professionnelles est le plus fréquemment cité, en particulier en Australie, en Corée et en Suède. Le coût semble jouer un rôle important aux États‑Unis, en Israël et en Slovénie. Le manque de prérequis – dû à l’obsolescence des compétences ou à un niveau de formation formelle moins élevé – semble poser problème au Chili et en Estonie.
Il faut aiguiser l’attractivité des formations pour les seniors et pour leurs employeurs. L’allongement de la vie active résultant d’un recul de l’âge de la retraite dans de nombreux pays de l’OCDE devrait renforcer la disposition des entreprises à former les seniors et encourager ces derniers à investir dans le développement de leurs compétences.
De nouvelles mesures de formation des adultes peuvent être mises en œuvre pour accroître la disposition des entreprises à former les seniors. Il est ainsi possible d’abaisser le coût de leur formation par rapport aux autres salariés, en prévoyant par exemple des incitations financières pour les entreprises qui forment ces travailleurs (Encadré 6.13).
Les efforts consentis par les entreprises doivent être complétés par des mécanismes adéquats destinés à soutenir l’intérêt et la motivation de ces travailleurs à investir dans leurs compétences. Dans ce contexte, des services de conseil et d’orientation professionnels ciblés peuvent les aider à comprendre les avantages de la formation et à prendre des décisions éclairées quant aux investissements à réaliser pour développer encore leurs compétences (Encadré 6.13).
Une aide à la formation ciblée est importante non seulement pour les salariés âgés, mais aussi pour les chômeurs, notamment ceux qui ont été victimes de suppressions d’emploi. Ces licenciements peuvent être particulièrement lourds de conséquence pour les seniors, dont les compétences peuvent être obsolètes et qui peuvent avoir besoin d’une reconversion approfondie et de services d’orientation pour pouvoir trouver un nouvel emploi. Le Canada propose plusieurs programmes spécifiquement conçus pour les licenciés économiques d’un certain âge et/ou ayant beaucoup d’ancienneté (Encadré 6.13).
Encadré 6.13. Politiques destinées à accroître la participation des seniors à la formation
Services de conseil et d’orientation professionnels à l’intention des seniors
Depuis la mi‑2018, l’Australie teste un nouveau programme intitulé « Aide à la transition professionnelle » (Career Transition Assistance) à destination des demandeurs d’emploi âgés de 50 ans au moins dans cinq régions, avec un objectif de lancement national pour tous ceux qui ont au moins 45 ans en 2019. Ce programme conjuguera une aide à l’orientation professionnelle sur mesure et une formation pratique à la littératie numérique à l’aide de différents types de technologies (OCDE, 2019[1]).
Aux Pays‑Bas, les travailleurs de 45 ans et plus peuvent bénéficier de services d’orientation subventionnés en matière de gestion de carrière (Ontwikkeladvies). Ces activités aident les seniors à comprendre les perspectives existant dans leur emploi actuel et à se faire une idée de leur profil de compétences et de leurs possibilités d’évolution. Les participants élaborent un plan de développement personnel décrivant les mesures à prendre pour rester en activité jusqu’à l’âge de la retraite (OCDE, 2019[1]).
En Corée, les Centres d’espoir pour l’emploi proposent des services de retour à l’emploi pour les personnes vulnérables âgées de 40 ans, et notamment des services de conseil et d’orientation pour les seniors qui ont besoin de se former ou de se reconvertir avant d’amorcer leur recherche d’emploi, et qui sont souvent dépourvus des compétences TIC élémentaires nécessaires pour utiliser des services en ligne. Près de 30 000 personnes ont bénéficié de ce programme en 2017 (OCDE, 2018[80]).
Encourager les employeurs à former les seniors
En Estonie, des subventions sont accordées aux employeurs pour former des salariés en cas de changement de situation, ou pour former des travailleurs anciennement inscrits comme chômeurs de longue durée dans l’année suivant leur recrutement. Ces subventions couvrent 50 % des coûts de formation, mais elles sont plus élevées (80 %) pour certaines catégories désavantagées, comme les seniors (Estonian Unemployment Insurance Fund, 2019[33]).
En Allemagne, l’Agence publique pour l’emploi favorise la formation des travailleurs peu qualifiés et âgés au sein des PME à travers le programme WeGebAU. Les PME reçoivent une subvention de 75 % pour couvrir le coût de la formation des travailleurs âgés de 45 ans au moins, tandis que les micro‑entreprises (comptant moins de 10 salariés) sont subventionnées à hauteur de 100 %. Les évaluations du programme montrent qu’il aide les participants à augmenter leur temps d’activité, mais qu’il n’a aucune répercussion sur les salaires ou sur la probabilité d’en tirer des bénéfices ultérieurement (Dauth, 2017[81] ; OCDE, 2019[1]).
Au Luxembourg, les entreprises du secteur privé peuvent bénéficier d’une aide à la formation à concurrence de 15 % des sommes investies chaque année dans la formation, tandis que 35 % des dépenses salariales des salariés en formation sont subventionnées pour certains travailleurs, y compris les plus de 45 ans (Gouvernement du Luxembourg, 2019[82]).
En Slovénie, le « Programme d’aide globale aux entreprises pour un vieillissement actif des salariés » offre des incitations financières aux employeurs pour qu’ils élaborent des plans d’action et des stratégies afin de mieux gérer les seniors, ainsi que des incitations financières aux seniors (de plus de 45 ans) afin qu’ils améliorent leurs compétences. Des ateliers de renforcement des capacités à destination des directeurs des RH et des directeurs généraux sont organisés afin de les doter des compétences requises pour gérer efficacement une main‑d’œuvre vieillissante (OCDE, 2017[83]).
Programmes destinés aux licenciés économiques d’un certain âge/ayant beaucoup d’ancienneté au Canada
L’Initiative ciblée pour les travailleurs âgés (ICTA), dont les coûts sont partagés entre le gouvernement fédéral et les provinces/territoires, est spécifiquement conçue pour favoriser la reconversion des chômeurs âgés (de 55 à 64 ans), qui résident dans de petits villes aux prises avec un chômage élevé ou avec d’importantes réductions d’effectifs ou fermetures d’usines ou dans des régions dans lesquelles les employeurs ne trouvent pas les compétences qu’ils recherchent, et/ou qui connaissent des problèmes d’inadéquation des compétences (OCDE, 2015[37]).
L’Initiative d’aide à la transition de carrière (ATC), introduite à titre temporaire pendant la crise économique, a porté la période de versement des prestations d’assurance‑emploi (AE) à deux ans au plus pour les licenciés économiques ayant une longue ancienneté dans l’emploi et qui suivent une formation à plus long terme, et elle a permis aux licenciés économiques qui investissent dans leur propre formation la totalité ou une partie de leurs indemnités de licenciement de percevoir plus tôt les prestations régulières d’assurance‑emploi (OCDE, 2015[37])41. Plus récemment, depuis l’automne 2018, certains prestataires d’AE qui perdent leur emploi au bout de plusieurs années auront plus de chances de continuer de percevoir les prestations d’AE en suivant une formation à temps plein autofinancée.
Dans l’Ontario (Canada), le programme Deuxième carrière procure une aide à la formation aux travailleurs d’un certain âge ou ayant une longue ancienneté qui sont affectés par des restructurations économiques, afin de les aider à se former à de nouveaux métiers dans des secteurs en tension (OCDE, 2015[37]).
6.4. Les comptes personnels de formation peuvent‑ils donner accès à la formation pour adultes à une catégorie plus large ?
Les comptes personnels de formation (CPF) sont parfois passés pour constituer une solution de substitution plus radicale à une refonte du système de formation des adultes. Ces dispositifs procurent à la personne concernée des ressources qu’elle peut utiliser pour suivre une formation de sa propre initiative. L’un des objectifs essentiels des CPF effectifs est aussi d’assurer la portabilité/transférabilité des droits à la formation d’un emploi à l’autre, ce qui revêt une importance particulière dans le contexte de l’avenir du travail.
Il peut s’agir de comptes personnels « réels » – financés par l’État, l’individu et/ou l’employeur – permettant d’acquérir des droits ou de constituer une épargne aux fins de la formation pendant une période donnée, ou de chèques‑formation destinés à faciliter la formation grâce à une contribution publique directe, assortie parfois d’une contribution du participant.
Les CPF visent à faire en sorte que les individus soient davantage responsables de leur formation, et plus autonomes dans la définition de leurs besoins de compétences et la sélection des formations parmi les différentes possibilités offertes par des prestataires qui rivalisent les uns avec les autres. Dans de nombreux pays, ces dispositifs ont pour objectif de réduire les inégalités dans l’accès à la formation, soit directement en en limitant l’accès aux catégories sous‑représentées, soit indirectement en incitant des organismes de formation en concurrence à proposer des modalités plus appropriées aux besoins de ces catégories et en attachant les droits à la formation aux individus et non aux emplois. Ce dernier point est particulièrement important pour les travailleurs occupant de nouvelles formes d’emploi ou titulaires de contrats atypiques en général : en assurant la portabilité des droits à la formation d’un emploi à l’autre et d’un statut d’emploi à l’autre, les CPF élargissent de fait les droits à la formation aux travailleurs qui ont des liens distendus avec leur employeur.
Néanmoins, si de nombreux pays s’intéressent aux CPF parce qu’ils sont susceptibles d’élargir la participation à la formation, tel n’était pas l’objectif initial de la plupart de ces dispositifs. En effet, lorsque plusieurs pays ont introduit les CPF dans les années 1990, ils souhaitaient favoriser la concurrence entre les prestataires de formation afin d’assurer une meilleure concordance entre les besoins individuels et les prestations de services, et d’améliorer la rentabilité des formations dispensées. Les responsables politiques espéraient y parvenir en proposant aux individus une offre de formations et de prestataires. Cet élément doit être pris en considération pour tirer des conclusions sur l’efficacité avec laquelle les CPF ont permis jusqu’à présent d’amener les catégories sous‑représentées vers la formation. L’Encadré 6.14 contient un aperçu des dispositifs existants, et notamment une description des sources de financement, du contenu et de la qualité des formations et des mécanismes de gouvernance.
Encadré 6.14. Les comptes personnels de formation dans les pays de l’OCDE et au‑delà
Plusieurs pays ont introduit des comptes personnels de formation (CPF) depuis les années 1990. Bien qu’ils soient pour beaucoup qualifiés de « comptes personnels d’apprentissage/de formation », la plupart fonctionnent en réalité comme des chèques, et les « véritables » CPF sont assez rares. Les dispositifs de chèques existants comprennent la Bildungsprämie en Allemagne, les Opleidingscheques en Flandre (Belgique), les Individual Training Accounts (ITA) en Écosse, l’ITA aux États‑Unis, le Cheque Formação au Portugal et le Chèque annuel de formation dans le Canton de Genève (Suisse). En Haute‑Autriche, le Bildungskonto fonctionne pratiquement comme un dispositif de chèques, mais les demandes sont introduites à l’issue de la formation. À l’heure qu’il est, on ne trouve de « véritables » CPF qu’en France (Compte personnel de formation) depuis 2015 et à Singapour (SkillsFuture Credits) depuis 2016, et quelques CPF pilotes ont été introduits sur une échelle très limitée dans les états du Michigan, du Maine et de Washington, aux États‑Unis (Lifelong Learning Accounts, LiLA) et dans certaines villes du Canada (learn$Save) dans les années 2000. La réforme récemment introduite en France (Loi de 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel) place le Compte personnel de formation au centre du système de formation des adultes et remanie sensiblement sa gouvernance.
La plupart des CPF repose sur un principe de partage des coûts entre la personne qui suit la formation et les pouvoirs publics. Les dispositifs mis en place en Allemagne, en Autriche, en Flandre et au Portugal imposent une participation financière des individus. Pour compenser la contre‑incitation potentielle créée par le cofinancement pour certaines catégories sous‑représentées, certains dispositifs (comme le Bildungskonto en Autriche) requièrent de leur part une contribution financière moins élevée. Les employeurs sont plus rarement impliqués de façon directe, le cofinancement salarié/employeur constituant un principe fondateur uniquement dans le dispositif LiLA aux États‑Unis. En France, le CPF est financé par une contribution à la formation acquittée par les grandes entreprises et les entreprises moyennes, afin de faire participer les employeurs. D’autres dispositifs, comme les ITA en Écosse et aux États‑Unis, ou les dispositifs existant à Genève et à Singapour, sont intégralement financés par l’argent public.
La transparence et la simplicité administrative sont fondamentales pour l’utilisation des CPF. En France, la réforme du CPF en cours implique une forte simplification de la procédure d’accès, grâce notamment à l’usage accru d’une application web qui fournit des informations sur le compte et sur les possibilités de formation. De même, il faut trouver un équilibre entre le fait de limiter l’accès à une liste prédéfinie de cours autorisés – dans laquelle il peut être difficile de se retrouver – et celui d’encourager l’utilisation des CPF. La France a abandonné ce type de listes récemment par souci de simplicité et d’efficience, car ces listes créent des goulets d’étranglement. Mais des contraintes relatives à l’utilisation des CPF demeurent dans de nombreux pays : la formation doit concerner des professions très demandées pour les ITA aux États‑Unis, et elle doit entrer dans l’un des 13 domaines d’études approuvés en Écosse, ou dans des domaines de formation prioritaires au Portugal, ou simplement être axée sur le marché de l’emploi en Flandre.
La générosité est aussi un déterminant essentiel de l’utilisation des CPF. Certains dispositifs prévoient une aide financière relativement limitée (200 GBP en Écosse, 175 EUR pour les salariés au Portugal, 250 EUR en Flandre), permettant ainsi principalement des formations de courte durée. En revanche, les ITA américains, dont la cible est étroite, sont plus généreux, et accordent jusqu’à 5 000 USD aux demandeurs d’emploi et 10 000 USD aux licenciés économiques. En France, les droits au CPF étaient exprimés en heures jusqu’en décembre 2018. Ce mécanisme a été remplacé par une dotation financière en janvier 2019 afin d’accroître la transparence. Depuis, 15 EUR sont crédités pour chaque heure de travail, à concurrence de 500 EUR par an avec un plafond de 5 000 EUR. Pour les moins qualifiés, la limite est fixée à 800 EUR par an, et le plafond à 8 000 EUR. Jusqu’en 2018, ces crédits étaient souvent complétés par une contribution supplémentaire des fonds de formation, du service public de l’emploi ou des régions, notamment pour les demandeurs d’emploi.
Les CPF posent des problèmes spécifiques en termes de qualité des formations, car les organismes publics ne sont plus liés aux prestataires de formation par des contrats qui leur permettraient de mettre en place des incitations concernant la qualité ou les résultats. L’échec qu’a connu le dispositif CPF au Royaume-Uni au début des années 2000 montre qu’il est important de réglementer les prestataires de formation, en établissant des listes des organismes (comme en Allemagne, en Écosse, en Flandre ou en Haute‑Autriche) ou des programmes (France, ITA aux États‑Unis, par exemple) agréés. En France, la réforme du CPF a introduit l’obligation, pour les prestataires, de répondre aux critères de performance prédéfinis – répertoriés dans Datadock – ainsi que l’obligation de choisir une formation certifiée.
Source : OCDE (forthcoming), Individual Learning Accounts: Panacea or Pandora’s box?
La part des catégories sous‑représentées dans les CPF varie sensiblement d’un pays à l’autre (OCDE, à paraître[28]). Les SkillsFuture Credits, à Singapour, et le Chèque annuel de formation, dans le Canton de Genève, sont quasiment universels, car ils s’adressent à l’ensemble des adultes au-delà d’un certain âge. Toutefois, la plupart des dispositifs sont accessibles uniquement aux actifs, certains visant exclusivement les demandeurs d’emploi ou les salariés, tandis que d’autres concernent différents statuts d’emploi (Tableau 6.2). Le dispositif français couvre l’ensemble des actifs. Les travailleurs indépendants sont moins susceptibles d’être couverts que les salariés, ce qui limite le rôle que pourraient jouer les CPF pour les travailleurs à leur propre compte et les travailleurs des plateformes.
Outre le statut d’emploi, les CPF restreignent parfois les conditions d’admission en fonction des revenus ou du niveau de compétences afin de cibler les catégories sous‑représentées. Ainsi, seules les personnes à faible revenu peuvent bénéficier de la Bildungsprämie en Allemagne, de l’ITA en Écosse et de l’ITA aux États‑Unis. Le dispositif flamand est limité aux travailleurs peu ou moyennement qualifiés depuis 2015, comme ce fut le cas pour le dispositif écossais jusqu’à une date récente, et pour le Bildungskonto autrichien à différentes périodes depuis son lancement.
Il est aussi possible de s’adresser à des catégories prioritaires en modulant le montant de l’aide apportée. En France, par exemple, les salariés sans diplômes et les jeunes sortis prématurément du système scolaire bénéficient de droits plus élevés, ce qui est aussi le cas, dans le Bildungskonto autrichien, pour les femmes qui reprennent le travail après un congé parental, les personnes à bas salaire de plus de 50 ans, les personnes ayant uniquement suivi l’enseignement obligatoire et dépourvues de qualifications professionnelles, et les immigrés étudiant l’allemand.
Ces mécanismes de ciblage sont essentiels, puisqu’il est établi que, comme pour d’autres types de dispositifs de formation, les travailleurs peu qualifiés participent moins que les travailleurs hautement qualifiés lorsque l’accès aux formations ne leur est pas réservé. Ce déséquilibre tient en partie à la difficulté de résoudre la question de la sous‑représentation à l’aide d’un instrument fondé sur la capacité des participants à être autonomes et à s’y retrouver dans des règles d’accès à la formation complexes. Il montre aussi qu’il est important de mettre en place des mécanismes d’information/de conseil de qualité. Toutefois, restreindre l’accès à certaines catégories réduit dans le même temps le caractère transférable des dispositifs.
Tableau 6.2. Couverture des comptes personnels de formation
Salariés |
Indépendants |
Chômeurs |
Inactifs |
|
---|---|---|---|---|
ITA, États-Unis¹ |
|
|||
Opleidingscheques, Flandre |
||||
Bildungsprämie, Allemagne |
||||
Cheque formacão, Portugal |
||||
Bildungskonto, Haute-Autriche |
||||
CPF, France |
||||
ITA, Écosse |
||||
Chèque annuel de formation, Genève² |
||||
SkillsFuture Credits, Singapour |
1. Le dispositif américain ITA couvre aussi les licenciés économiques.
2. Le critère de l’utilité professionnelle restreint de fait l’accès pour les inactifs.
Source : OCDE (à paraître[28]), Individual Learning Accounts: Panacea or Pandora’s box?
Outre la possibilité de bénéficier aux catégories sous-représentées, la participation effective aux CPF reste modeste dans la plupart des cas (OCDE, à paraître[28]). En France et à Singapour, où ont été créés dernièrement deux véritables dispositifs CPF assortis d’une couverture potentielle assez étendue, 1.7 % et 4.2 % environ de la main‑d’œuvre ont participé, respectivement, à ces dispositifs en 2016 et 2017, chiffres qui s’expliquent notamment par leur mise en œuvre très récente. En Haute‑Autriche, quelque 2 % de la main‑d’œuvre a obtenu un financement dans le cadre du Bildungskonto en 2017, et la participation à l’ITA écossais est revenue d’un point haut de 2 % de la main‑d’œuvre en 2010-11 à 0.7 % en 2017-18. Aux États‑Unis, les participants à l’ITA représentaient 1.2 % et 0.6 % des chômeurs dans les états du Michigan et de Washington, respectivement. Les anciens Lifelong Learning Accounts ne concernaient, aux États‑Unis, que quelques centaines de travailleurs au total. À l’heure qu’il est, les dispositifs existants sont d’une échelle bien trop réduite pour pouvoir, à eux seuls, faire progresser la participation à la formation dans son ensemble, et encore moins pour réduire l’écart entre les salariés hautement qualifiés en CDI et à temps plein et les autres catégories, du moins en l’absence de conseils adaptés. Le dispositif français est prometteur en raison de sa vaste couverture potentielle et de sa générosité. Quoi qu’il en soit, il est trop tôt pour tirer des conclusions sur son efficacité.
6.5. Créer des mécanismes adaptés de financement, de gouvernance et d’évaluation de la qualité
Accroître la couverture et l’inclusivité des systèmes de formation des adultes pour répondre aux besoins croissants de marchés du travail en mutation passe par une forte augmentation des ressources financières, une bonne structure de gouvernance et des formations de qualité. La présente section analyse les moyens d’actions disponibles pour : (i) s’assurer que les formations sont de qualité et conformes aux besoins du marché du travail actuels et futurs ; (ii) créer des mécanismes de financement qui soient adaptés et équitables ; et (iii) établir des dispositifs de gouvernance favorisant la coordination des différents volets des systèmes de formation des adultes. Elle contient un bref résumé des récents travaux de l’OCDE sur le fonctionnement, l’efficacité et la capacité d’adaptation de ces systèmes dans les différents pays (Encadré 6.1).
6.5.1. Qualité de la formation et conformité aux besoins de compétences actuels et futurs
En dépit du rôle fondamental joué par la formation des adultes pour préserver l’employabilité des travailleurs, il existe souvent un décalage entre le contenu des formations et les besoins du marché du travail. En Italie, par exemple, les formations proposées par le Fonds de formation concernent pour une bonne part des compétences professionnelles obligatoires dans le domaine de la santé et de la sécurité, et très rarement l’acquisition de compétences numériques (OCDE, 2019[50]). En France, les principales formations suivies par les utilisateurs du Compte personnel de formation se rapportent aux langues étrangères. On trouve des exemples de ce type pour de nombreux pays de l’OCDE42.
Pour améliorer la conformité et l’utilité de la formation, les entreprises et les responsables politiques doivent, tout d’abord, comprendre quelles compétences sont nécessaires, aujourd’hui et demain. Des exercices d’évaluation et d’anticipation des besoins de compétences sont régulièrement menés dans de nombreux pays de l’OCDE – généralement par les ministères, régions, partenaires sociaux ou instituts de recherche indépendants – afin de produire des informations sur les besoins de compétences actuels et futurs.
Les informations tirées de ces exercices entrent généralement dans plusieurs domaines de l’action publique (emploi, migration, éducation) (OCDE, 2016[84]). En matière de formation des adultes, elles sont utilisées par les responsables politiques dans plusieurs pays de l’OCDE pour éclairer les stratégies et/ou les programmes correspondants, et notamment pour concevoir des cours dispensés aux demandeurs d’emploi par l’intermédiaire du service public de l’emploi.
Les exercices d’évaluation et d’anticipation des besoins de compétences sont également utilisés par les responsables politiques pour guider les individus et les entreprises dans leurs décisions afin qu’ils développent des compétences très demandées. Ainsi, les incitations financières (dispositions fiscales spécifiques, subventions, par exemple) peuvent être disponibles uniquement pour certains programmes de formation qui contribuent à combler les déficits de compétences existant sur le marché du travail (OCDE, 2017[31]).
De même, les responsables politiques utilisent parfois les informations issues de ces exercices pour adapter la générosité des incitations financières en fonction des déficits de compétences, c’est‑à‑dire en prévoyant des incitations plus généreuses pour les formations qui permettant d’acquérir des compétences très recherchées.
Il est possible d’orienter de manière plus souple les individus et les employeurs vers l’acquisition de compétences très demandées en s’assurant que les informations tirées des exercices d’évaluation et d’anticipation des besoins de compétences parviennent aux apprenants potentiels, afin de les aider à prendre des décisions éclairées au sujet de leurs compétences. Pour ce faire, ces informations peuvent être largement mises à disposition sur des sites web d’orientation professionnelle, lors de séances d’information et/ou au cours de campagnes de sensibilisation du public. Citons, à titre d’exemple, le site web d’orientation professionnelle MySkills en Australie – qui permet aux adultes de télécharger des fiches d’information sur les carrières existant dans un certain nombre de secteurs manufacturiers.
Les pays de l’OCDE doivent cerner les besoins de compétences actuels et futurs et s’assurer que les formations correspondent à ces besoins, mais aussi évaluer l’efficacité des formations a posteriori. À cet égard, l’évaluation d’impact peut aider les responsables politiques à comprendre quels programmes de formation des adultes fonctionnent et pour qui, ce qui est fondamental, en particulier dans un contexte de rigueur budgétaire43.
Malgré son importance, l’utilisation des évaluations d’impact reste rare dans le domaine de la formation des adultes (OCDE, 2019[1]). De nombreux programmes n’ont encore fait l’objet d’aucune évaluation dans bien des pays de l’OCDE, et leur impact reste indéterminé. On manque même d’éléments solides sur l’efficacité des dispositifs de formation des adultes qui sont largement utilisés dans ces pays – comme les Fonds de formation (Müller et Behringer, 2012[85]).
Cela étant dit, certains pays de l’OCDE développent une forte culture de l’évaluation d’impact. En Allemagne, par exemple, la mise en œuvre des réformes de 2003-05 relatives aux politiques actives et passives du marché du travail a été explicitement liée à une mission d’évaluation. En Australie, le fonds « Essayer, tester, apprendre » (Try, Test and Learn Fund) – créé en 2016 pour tester de nouvelles approches à travers toute une gamme de projets et de programmes (dont des programmes de formation) visant à remettre sur le chemin de l’emploi les bénéficiaires de la garantie de ressources qui sont vulnérables – utilise un certain nombre de méthodes d’évaluation d’impact pour tester leur efficacité et tirer les enseignements des résultats obtenus. Au Royaume‑Uni, la première phase du Dispositif national de reconversion (National Retraining Scheme, NRS) – destiné à donner à chaque travailleur la possibilité d’améliorer ses compétences ou de former aux nouvelles technologies numériques – prévoit plusieurs interventions progressives, qui seront fondées sur les éléments tirés de ces travaux. Le Fonds social européen a exigé, sur la période de programmation 2014-20, que soit évaluée, au moyen d’évaluations d’impact, la réalisation des objectifs, y compris pour les activités de formation des adultes (Commission européenne, 2015[86]). En France, le Plan d’investissement dans les compétences – qui a pour ambition de former 1 million de demandeurs d’emploi peu qualifiés et 1 million de jeunes – prévoit une expérimentation et une évaluation d’impact pilotée par un comité scientifique. En fait, la stratégie d’évaluation doit absolument être conçue en même temps que les mesures elles‑mêmes pour garantir une évaluation rigoureuse.
Pour veiller à la qualité des formations, de nombreux pays ont mis en place des mécanismes d’agrément et de certification des prestataires de formation. Ces mécanismes sont déterminants pour s’assurer que les prestataires et les programmes de formation respectent des exigences de qualité minimales, et peuvent aider les individus, les employeurs et les institutions à faire des choix éclairés sur les investissements dans la formation (OCDE, 2019[1]).
6.5.2. Financement
Les systèmes de formation des adultes doivent être assortis d’un financement adapté et durable pour garantir leur bon fonctionnement. Si assurer un financement adéquat de la formation des adultes représente aujourd’hui un défi majeur pour les pouvoirs publics, l’urgence devrait être encore plus grande demain. Puisque la demande de formation pour adultes va vraisemblablement progresser dans le contexte des mégatendances, les ressources financières consacrées à ces programmes devront être revues à la hausse. Les changements nécessaires pour développer les systèmes de formation des adultes existants, élargir leur couverture et améliorer leur qualité nécessiteront en effet des ressources financières importantes.
Il n’est pas aisé, toutefois, de déterminer qui devrait financer la formation des adultes. Une prise en charge équitable s’impose en fonction des moyens financiers et des avantages obtenus par les individus, les entreprises et la société. Il faudra mettre en place un mécanisme équilibré de cofinancement par l’État, les employeurs et les individus.
Dans un contexte de rigueur budgétaire, il est urgent de faire participer davantage, à l’avenir, les employeurs et les individus à la prise en charge du financement de la formation des adultes. Les gouvernements des pays de l’OCDE recourent à tout un ensemble d’incitations financières – incitations fiscales, subventions, par exemple – pour encourager les entreprises et les travailleurs à contribuer au financement de la formation des adultes et réduire les sous‑investissements (OCDE, 2019[1]). De plus, les partenaires sociaux sont également associés au financement des programmes de formation des adultes dans de nombreux pays de l’OCDE (OCDE, 2019[4]), ce qui peut faciliter la mutualisation des dépenses correspondantes entre les entreprises et les travailleurs. Ainsi, dans plusieurs pays de l’OCDE et économies en développement – comme l’Italie ou l’Afrique du Sud – les partenaires sociaux sont impliqués dans la gestion des fonds de formation, qui sont des associations destinées à financer la formation des travailleurs à l’aide de ressources provenant d’une contribution acquittée par les employeurs (OCDE, 2019[50]).
6.5.3. Gouvernance
Les gouvernements ne peuvent pas à eux seuls améliorer l’accès à la formation des adultes pour les catégories vulnérables, car la responsabilité de cette formation incombe à la fois aux pouvoirs publics, aux entreprises et aux adultes eux‑mêmes. En effet, les programmes conçus pour les adultes qui risquent le plus d’être laissés pour compte relèvent souvent de différents acteurs (plusieurs ministères, le service public de l’emploi, les partenaires sociaux, les parties prenantes, par exemple). Ainsi, les partenaires sociaux jouent un rôle capital pour financer la formation des adultes, réaliser les exercices d’évaluation et d’anticipation des besoins de compétences, et influer sur les prestations de formation pour adultes à travers la négociation collective de branche et les accords tripartites – voir le chapitre 5 et OCDE (2019[4]).
Dans ce contexte complexe, l’introduction de mécanismes de coopération entre le gouvernement et différentes parties prenantes – comme les partenaires sociaux, les prestataires de formation, la société civile, les ONG – peut aider les gouvernements à faire concorder les programmes de formation des adultes avec les besoins locaux, à faciliter le partage et la reproduction des bonnes pratiques, et à améliorer la qualité des formations. En effet, du fait de leur proximité avec les apprenants, ces parties prenantes sont bien placées pour comprendre les besoins de compétences et de formation des adultes.
Plusieurs nouvelles initiatives de gouvernance intéressantes se font jour en particulier dans le cadre de l’avenir du travail. Ainsi, au Canada, le budget 2018 a établi le Conseil des Compétences futures – composé d’experts techniques et d’experts du secteur privé, de l’éducation, du monde du travail et de la formation, des milieux universitaires et des ONG – pour conseiller le ministre de l’Emploi, du Développement de la main‑d’œuvre et du Travail sur les priorités en matière de développement des compétences et de formation pour l’avenir du travail. De même, plusieurs pays de l’OCDE ont mis en place des stratégies ad hoc pour améliorer les compétences numériques élémentaires de la population. C’est le cas, par exemple, de la stratégie sur la littératie numérique 2015-20 en République tchèque, de la stratégie InCode 2030 au Portugal et de la Stratégie numérique nationale 2016-21 en Grèce. De plus, la plupart des stratégies relatives à l’avenir du travail comportent un volet sur la formation des adultes. Ces stratégies élargies ont généralement pour objectif d’envisager l’évolution des systèmes de formation des adultes dans un monde du travail en mutation. En témoigne l’exemple du Livre blanc allemand intitulé « Réinventer le travail » publié en 2017, qui comprend une vaste réflexion sociétale sur l’avenir du travail en Allemagne, et notamment sur des sujets liés à la formation des adultes.
Enfin, des efforts doivent être entrepris en matière de coordination au sein du système de formation des adultes, mais aussi entre la formation des adultes et les autres domaines de l’action publique. Les politiques de formation des adultes sont en effet profondément ancrées dans un large éventail de secteurs – comme l’aide sociale ou la politique industrielle – qui peuvent exercer une influence les uns sur les autres et se renforcer mutuellement. À titre d’exemple, des politiques de la famille qui élargissent l’accès aux services d’éducation et d’accueil des jeunes enfants (EAJE) abordables peuvent permettre aux parents de dégager du temps pour saisir des opportunités de formation. De la même manière, la politique industrielle dépend fortement des stratégies de formation des adultes et de développement du capital humain pour atteindre ses objectifs.
Dans ce contexte, renforcer la coordination horizontale entre différents ministères – en créant des organes intersectoriels, par exemple – pourrait permettre de s’assurer que les politiques conçues par divers ministères se confortent mutuellement. Des organes intersectoriels existent pour la formation des adultes dans plusieurs pays de l’OCDE (OCDE, 2019[1]), et ils s’attellent parfois en particulier à des questions qui présentent un intérêt spécifique dans le contexte de l’avenir du travail. Ainsi, le Japon a établi en 2017 un conseil chargé de concevoir la société des centenaires (Council for Designing 100‑Year Life Society), afin de rassembler différentes parties prenantes pour examiner les défis qui se posent aux pouvoirs publics en lien avec le vieillissement de la population, et notamment l’amélioration continue des compétences des travailleurs.
6.6. Conclusions
L’avenir du travail s’accompagnera de profonds changements dans les compétences requises, et il faudra impérativement améliorer l’accès aux possibilités de formation des adultes pour que les travailleurs puissent bénéficier de ces changements. Pourtant, de nombreux adultes ne suivent aujourd’hui aucune formation. La participation à la formation est particulièrement faible parmi ceux qui ont le plus besoin d’améliorer leurs compétences et de se requalifier, et parmi la population croissante de travailleurs qui occupent des formes d’emploi atypiques. De plus, les programmes de formation disponibles ne sont pas toujours pertinents et utiles, de sorte qu’il est nécessaire d’améliorer la qualité de la formation et de mettre les systèmes de formation des adultes en conformité avec des besoins de compétences qui évoluent.
Les ajustements à la marge des systèmes existants ne risquent guère de suffire. Compte tenu de l’ampleur et de la rapidité des changements en cours, une profonde refonte des politiques de formation des adultes s’impose pour assurer à tous l’accès à des systèmes parés pour l’avenir
Plusieurs moyens d’action existent pour amorcer un mouvement en ce sens (Encadré 6.15). Les différentes politiques ne devant pas être considérées de manière isolée, les pays devraient élaborer des stratégies de formation des adultes complètes, qui visent non seulement à accroître l’inclusivité des systèmes correspondants à l’égard des catégories qui risquent le plus d’être laissées pour compte, mais aussi comporter des mesures destinées à mieux faire concorder le contenu des formations avec des besoins de compétences qui évoluent et à améliorer leur qualité. Les stratégies de formation des adultes devraient s’appuyer sur des structures de bonne gouvernance et de financement impliquant l’ensemble des parties prenantes concernées, et ancrer la formation des adultes dans un cadre de politiques plus large – réglementation du marché du travail, politique sociale, négociation collective, par exemple – pour que l’avenir du travail soit plus enrichissant et plus inclusif.
Encadré 6.15. Orientations stratégiques
Une stratégie globale en matière de formation des adultes s’impose pour relever les défis posés par la transformation du monde du travail et veiller à ce que tous les travailleurs, et surtout les plus vulnérables, aient la possibilité de se perfectionner tout au long de leur carrière. Dans le cadre d’une telle stratégie, les pays devraient prendre en considération les pistes d’action suivantes :
Instaurer une culture de la formation à la fois dans les entreprises et chez les individus. Pour ce faire, différentes mesures peuvent être prises : renforcer l’offre de services d’orientation professionnelle pour tous les adultes ; lancer des campagnes publiques d’information pour sensibiliser aux avantages qu’offre la formation ; et s’assurer que les salaires reflètent davantage les gains de productivité qui résultent de la participation à la formation.
Limiter les obstacles à la formation :
En éliminant les contraintes de temps au moyen de programmes de formation modulables, de cours dispensés en dehors des heures de travail ou de cours en ligne, et en accordant aux travailleurs des congés de formation ;
En diminuant le coût de la formation grâce à des incitations financières destinées aux catégories de travailleurs les plus vulnérables sur le marché du travail ;
En réduisant les barrières à l’entrée dans les programmes de formation pour les travailleurs peu qualifiés grâce à une meilleure reconnaissance des acquis de l’expérience.
Inciter les employeurs à former les catégories de travailleurs à risque, par exemple en diminuant le coût supporté par les employeurs grâce à des incitations financières ciblées.
Cibler les mesures en faveur de la formation des adultes, comme les aides financières, et les services d’orientation professionnelle sur les groupes qui en ont le plus besoin, y compris les travailleurs atypiques.
Lutter contre les inégalités d’accès à la formation fondées sur le statut d’emploi. La plupart des pays ont mis en place des clauses d’égalité des droits afin de veiller à ce que les travailleurs atypiques, comme les travailleurs à temps partiel, en contrat à durée déterminée et intérimaires, aient accès à la formation. Toutefois, dans la pratique, ces travailleurs n’ont parfois pas la possibilité d’acquérir de droits à la formation, qui dépendent souvent de l’ancienneté dans l’emploi et du nombre d’heures travaillées. Par ailleurs, les travailleurs indépendants sont encore très rarement couverts par la loi sur les droits à la formation.
Assurer la portabilité des droits à la formation entre les différents statuts d’emploi. Quelques pays ont proposé et mis en œuvre des comptes personnels de formation, dans l’objectif de donner aux travailleurs les moyens d’acquérir et d’accumuler des droits à la formation indépendamment de l’entreprise où ils travaillent ou du fait qu’ils changent d’emploi ou de statut d’emploi. Toutefois, pour que les travailleurs vulnérables tirent pleinement profit de ces dispositifs, il convient de leur adjoindre un soutien individuel plus personnalisé assuré par des spécialistes de l’orientation professionnelle et étayé par des informations fiables sur les besoins du marché du travail.
Veiller à la qualité des formations et à ce que leur contenu soit adapté aux besoins du marché du travail au moyen de la collecte et de l’utilisation d’informations de qualité sur les besoins en compétences ; de l’agrément et la certification des organismes de formation ; et d’une véritable culture de l’évaluation de l’efficacité des politiques et des programmes.
Renforcer la gouvernance des systèmes de formation des adultes, en mobilisant l’ensemble des parties prenantes compétentes, afin d’assurer la cohérence et la coordination des politiques en faveur de la formation des adultes. La formation des adultes relève de la responsabilité commune de multiples parties prenantes, y compris de l’administration publique, des partenaires sociaux, des prestataires de formation et des adultes eux-mêmes, qui doivent toutes être mobilisées activement.
Mutualiser la charge financière associée au développement des systèmes de formation des adultes. Les changements nécessaires pour développer les systèmes existants de formation des adultes, élargir leur couverture et améliorer leur qualité impliqueront des ressources financières considérables. Pour y parvenir, il conviendra de faire appel à un co-financement entre l’État, les employeurs et les individus en fonction de leurs moyens financiers et des bénéfices obtenus.
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Notes
← 1. Les adultes peu qualifiés sont ceux qui obtiennent un résultat inférieur ou égal à 1 sur l’échelle de compétence en littératie du PIAAC. Dans le contexte des moyens d’action, cette expression désigne ceux qui ont peu de compétences.
← 2. Le présent rapport concerne principalement la formation des adultes liée au travail, c’est‑à‑dire l’éducation et la formation des adultes censées produire des effets sur les performances et sur la productivité au travail. La formation des adultes liée au travail comprend : 1) l’éducation et la formation formelles, qui conduisent à une qualification formelle ; 2) l’éducation et la formation non formelles qui ne débouchent pas nécessairement sur des qualifications formelles, comme la formation structurée en entreprise, l’enseignement ouvert à tous et à distance, les cours et les leçons particulières, les séminaires et les ateliers. Tous les types de formations sont pris en compte quels que soient les prestataires et les bénéficiaires ; sont donc inclues les formations dispensées aux chômeurs, dans le cadre des programmes actifs du marché du travail, ou celles qui sont proposées aux travailleurs par les entreprises.
← 3. La formation informelle est aussi un moyen de taille permettant aux adultes d’acquérir de nouvelles compétences. Selon les données du PIAAC, dans les pays de l’OCDE, en moyenne, 63 % des travailleurs suivent au moins une fois par semaine une formation informelle s’adressant aux adultes en lien avec le travail (Fialho, Quintini et Vandeweyer, à paraître[17]). En dépit de son importance, la formation informelle sort du cadre du présent chapitre.
← 4. Si les moyennes calculées pour les différentes professions représentent une mesure synthétique utile, de fortes variations demeurent au sein des professions.
← 5. Nedelkoska et Quintini (2018[7]) procèdent à une analyse structurelle‑résiduelle des différences existant entre les pays au regard du risque d’automatisation et constatent que la part de la composition de l’emploi et celle des différences entre les tâches professionnelles sont pratiquement identiques. Les auteurs fournissent également des données nationales sur les changements intervenus au sein des professions et d’une profession à l’autre. En exploitant des données de panel pour l’Allemagne et le Royaume-Uni, ils montrent que les emplois recourent davantage aujourd’hui à des tâches moins automatisables. Les tâches créant un goulet d’étranglement comme les compétences analytiques et sociales ont pris une place croissante dans les différentes professions, mais la part, dans l’emploi, des professions qui effectuent déjà de telles tâches de manière intensive a aussi progressé. Inversement, dans ces deux pays, le recul des tâches demandant de la force physique est principalement dû à la diminution du nombre de professions nécessitant de telles tâches.
← 6. Selon les données de la base de l’OCDE Skills for Jobs (https://www.oecdskillsforjobsdatabase.org/).
← 7. Plus généralement, l’emploi atypique renvoie à toutes les formes d’emploi qui ne sont pas à temps plein, à durée indéterminée et salarié (voir les chapitres 2 et 4).
← 8. À des fins statistiques, dans le présent chapitre, l’expression « licencié économique » désigne uniquement les personnes qui ont été licenciées pour des raisons économiques et qui sont toujours au chômage, même si elle est plus souvent employée, dans les publications, pour désigner tous ceux qui ont perdu leur emploi en raison des mutations économiques, qu’ils soient encore au chômage ou non – voir OCDE (2019[34]).
← 9. Quoi qu’il en soit, la prudence reste de mise car des caractéristiques non observées peuvent être simultanément corrélées à des facteurs et des formations observables.
← 10. La conduite d’une analyse par pays confirme dans les grandes lignes les résultats de l’échantillon global concernant la différence de participation à la formation par type de contrat. Les travailleurs temporaires – en contrat à durée déterminée et/ou intérimaires – suivent nettement moins de formations que leurs homologues en CDI en Estonie, en Irlande du Nord, en Norvège, aux Pays‑Bas et en République tchèque. Inversement, ils suivent davantage de formations, et la différence est statistiquement significative, en Australie, en Belgique, aux États‑Unis, en Israël, en Pologne et en Slovénie.
← 11. Formation organisée ne conduisant pas à un diplôme, consistant souvent en une formation professionnelle assurée par les employeurs.
← 12. Formation organisée conduisant à un diplôme, consistant souvent en des cours généraux dispensés dans le cadre du système éducatif.
← 13. C’est-à-dire une formation financée ou organisée par l’employeur.
← 14. La CVTS ne contient pas d’informations sur les caractéristiques des personnes qui participent à la formation.
← 15. Chaque catégorie se heurte à des difficultés spécifiques, même s’il existe une certaine hétérogénéité au sein de la même catégorie, car celle‑ci peut se composer de personnes dont la situation diffère au regard de l’emploi.
← 16. OCDE (2019[5]) esquisse sept lignes d’action concrètes pour les parties prenantes aux politiques de formation des adultes destinées aux adultes peu qualifiés.
← 17. Modelo Educación para la Vida y el Trabajo.
← 18. Ce manque de retour sur investissement pour l’individu doit être mis au regard du retour sur investissement social, qui peut être plus élevé, les aides s’accompagnant d’un maintien dans l’emploi accru et de périodes d’inactivité moins nombreuses/plus brèves.
← 19. Le risque d’automatisation associé à chaque emploi est calculé selon la méthodologie élaborée dans Nedelkoska et Quintini (2018[7]). La catégorie des travailleurs occupant un emploi fortement exposé au risque d’automatisation recoupe en grande partie celle des travailleurs peu qualifiés exerçant des emplois à bas salaires. Mais ce recoupement n’est pas précis. Certains emplois peu qualifiés – notamment dans le domaine des soins et de l’assistance – ne risquent nullement d’être automatisés à court terme. En revanche, certains emplois moyennement qualifiés comptent une forte composante routinière et pourraient être automatisés. Par conséquent, si bon nombre des politiques mises en œuvre à l’intention des travailleurs peu qualifiés s’appliqueraient aux travailleurs occupant des emplois fortement exposés au risque d’automatisation, des mesures supplémentaires pourraient s’avérer nécessaires pour cette deuxième catégorie.
← 20. Contrat de sécurisation professionnelle, fréquemment abrégé en CSP.
← 21. L’interprétation du statut de travailleur temporaire est complexe aux États‑Unis en raison de l’application étendue du principe de l’emploi « de gré à gré », selon lequel l’employeur ou le salarié peut à tout moment mettre un terme à toute relation d’emploi.
← 22. Article 6, par. 2 du décret présidentiel 81/2003 (Α’ 77).
← 23. Les travailleurs intérimaires doivent avoir travaillé pendant 1 600 heures dans la même profession au cours des 18 mois précédents, et 600 heures de travail doivent avoir été effectuées dans l’agence d’intérim au moment de la demande. La demande doit être introduite 12 mois avant le début du congé.
← 24. Accord pour la non-discrimination, l’égalité et la diversité dans le cadre des activités de mise à l’emploi des entreprises de travail temporaire.
← 25. Les agences d’intérim proposent des formations à leur personnel pour différentes raisons. Autor (2001[87]) montre qu’aux États‑Unis, elles recourent à la formation pour inciter à l’auto-sélection et procéder à un examen des capacités des travailleurs.
← 27. Cette catégorie peut ne pas être particulièrement vulnérable en soi, car certains travailleurs peuvent être des professionnels qui n’ont besoin d’aucune aide particulière, ou qui pourraient obtenir la formation requise si nécessaire.
← 28. Ou plus généralement à l’intention des travailleurs indépendants.
← 29. Questionnaire OCDE/CE intitulé « Policy Responses to New Forms of Work ».
← 30. Le montant de l’indemnisation est fonction des revenus de l’exercice précédent et plafonné au quadruple du salaire social minimum pour les travailleurs non qualifiés, soit un montant brut de 7 691.84 EUR par mois à compter du 1er août 2016.
← 31. Ainsi que les salariés et les entrepreneurs.
← 32. Finanzielle Unterstützung von beruflichen Aus- und Weiterbildungen.
← 33. Questionnaire OCDE/CE intitulé « Policy Responses to New Forms of Work ».
← 34. Questionnaire OCDE/CE intitulé « Policy Responses to New Forms of Work ». Voir aussi : https://springboardcourses.ie/blog/whats-new-to-springboard-this-year.
← 35. Fachkräftestipendium.
← 36. Questionnaire OCDE/CE intitulé « Policy Responses to New Forms of Work ».
← 37. Les 20 % restants des travailleurs de l’économie à la demande déclarent que rien ne les empêcherait d’acquérir de nouvelles compétences à l’avenir.
← 38. Babbel et Duolingo proposent des cours en ligne pour apprendre les langues étrangères.
← 39. Même si les effets sont été plus marqués pour les hommes que pour les femmes.
← 40. Compte tenu de la taille restreinte des échantillons, les informations sur les obstacles à la formation sont disponibles pour quelques pays seulement.
← 41. Extended Employment Insurance and Training Incentive – EEITI.
← 42. OCDE (2019[3]) esquisse sept lignes d’action concrètes pour les parties prenantes aux politiques de formation des adultes destinées à accroître la concordance des formations avec les besoins du marché du travail.
← 43. Il convient de reconnaître qu’effectuer une analyse d’impact prend du temps. De ce fait, une période prolongée peut s’écouler entre la mise en œuvre d’une politique et l’ajustement des programmes de formation en fonction des résultats de cette analyse.