La croissance mondiale a ralenti brutalement l’année dernière, la faiblesse observée au cours du deuxième semestre de 2018 se poursuivant au début de 2019 dans un contexte marqué par la persistance des tensions commerciales. Les échanges et l’investissement ont freiné brutalement, particulièrement en Europe et en Chine, la confiance des entreprises et des consommateurs a diminué, et les incertitudes entourant l’action publique restent fortes. Parallèlement, les conditions se sont assouplies sur les marchés financiers, grâce une politique monétaire plus accommodante dans de nombreuses économies, et les bons résultats obtenus sur le marché du travail continuent de soutenir les revenus et les dépenses des ménages dans les grandes économies. Quelques pays, dont la Chine, ont engagé un assouplissement budgétaire et quasi budgétaire conséquent, mais dans la plupart des économies, le soutien apporté à la croissance par la politique budgétaire reste limité. Dans l’ensemble, compte tenu des différentes forces en présence, la croissance du PIB mondial devrait se replier, passant de 3 ½ pour cent en 2018 au taux inférieur à la normale de 3.1 % cette année, avant de se redresser pour s’établir à 3.4 % en 2020 (Tableau 1.1). Ce ralentissement est généralisé, et la croissance devrait s’essouffler cette année dans quasiment toutes les économies. La croissance des échanges devrait encore fléchir cette année et ressortir à environ 2 %, soit le niveau le plus bas observé depuis la crise financière mondiale, compromettant ainsi la rapidité avec laquelle la croissance de la production mondiale pourrait rebondir de son modeste niveau actuel. Les pressions inflationnistes vont sans doute rester modérées, les tensions sur les capacités étant peu nombreuses dans la plupart des économies.
Perspectives économiques de l'OCDE, Volume 2019 Numéro 1
1. Évaluation générale de la situation macroéconomique
Introduction
Globalement, les risques vont plutôt dans le sens d’une dégradation de la conjoncture par rapport aux prévisions, et la croissance observée pourrait être nettement plus faible si ces risques devaient se concrétiser ou entrer en interaction. Parmi les principaux risques, on peut citer : une période prolongée de hausse des droits de douane entre les États-Unis et la Chine ; l’adoption de mesures visant à instaurer de nouveaux obstacles au commerce, particulièrement l’imposition de droits de douane supplémentaires entre les États-Unis et l’Union européenne ; l’échec de la politique de relance destinée à empêcher un ralentissement plus brutal de l’activité en Chine ; la persistance des incertitudes entourant l’action publique et une croissance durablement inférieure à la norme en Europe, notamment en lien avec des incertitudes toujours importantes quant à l’issue du Brexit ; et enfin les vulnérabilités financières liées au niveau élevé de l’endettement et à la dégradation de la qualité du crédit. Sur le plan des évolutions susceptibles d’entraîner une révision à la hausse par rapport aux prévisions, la détermination des décideurs politiques à réduire les incertitudes liées à l’action publique et à renforcer les perspectives de croissance à moyen terme, notamment par des mesures propres à réduire les obstacles aux échanges, permettrait d’améliorer la confiance et l’investissement dans le monde entier.
Dans ce contexte, les grandes priorités des décideurs publics doivent consister à garantir que la demande soit soutenue de manière appropriée, à réduire les incertitudes liées à l’action publique, à améliorer la résilience face aux risques et à renforcer les perspectives d’une croissance à moyen terme porteuse d’opportunités pour tous. Le dialogue multilatéral devrait être rétabli pour éviter de nouvelles restrictions dommageables aux échanges et exploiter les possibilités d’ouverture bénéfiques à toutes les économies. Les banques centrales devraient continuer d’accompagner l’activité et faire en sorte de maintenir les taux d’intérêt à long terme à un niveau modéré. Les politiques budgétaires et structurelles devraient avoir pour principal objectif de relever les défis de moyen terme, tout en apportant un soutien adéquat à la demande sur la période de prévision. Dans la zone euro, une action conjuguée de tous les pays, notamment un regain des efforts de réforme complétés, si une marge de manœuvre existe, par des mesures budgétaires ciblées, s’impose pour renforcer les perspectives à moyen terme dans tous les États membres et offrir un surcroît de soutien à court terme à la croissance dans l’ensemble de la zone. Dans de nombreuses économies de marché émergentes, il est possible d’assouplir la politique monétaire si l’inflation continue de baisser et de s’approcher des objectifs, à condition que la confiance des investisseurs se maintienne. Dans tous les pays, il faut relancer les ambitions de réforme pour relever les niveaux de vie, améliorer les perspectives à moyen terme sur le plan de l’investissement et de la productivité, et rendre la croissance plus inclusive en faisant en sorte que ses bénéfices puissent être plus largement partagés.
En cas de ralentissement de la croissance encore plus brutal ou plus durable que celui qui est actuellement envisagé dans les prévisions, une action coordonnée de la part des pouvoirs publics de tous les pays constituerait la réponse la plus efficace et la plus opportune, les mesures de politique budgétaire étant les plus susceptibles d’offrir le soutien nécessaire à court terme. Or, pour que ces mesures soient le plus efficaces possible, il faut s’y préparer dès maintenant, en déterminant quelles sont les mesures propres à favoriser la croissance et les revenus qui, soigneusement ciblées, pourront être prises rapidement si nécessaire.
La croissance mondiale devrait rester faible
Au niveau mondial, la croissance du PIB, des échanges et de l’investissement a chuté nettement
La croissance mondiale a ralenti fortement au cours de l’année dernière, dans un contexte marqué par le regain des incertitudes liées à l’action publique, par la persistance des tensions commerciales et par l’effritement de la confiance des entreprises et des consommateurs. Au cours du dernier semestre de 2018, la croissance a décliné pour s’établir aux environs de 3 % en base trimestrielle (Graphique 1.1, partie A), et elle n’aura vraisemblablement progressé que très légèrement au premier trimestre de cette année. Ce rythme, le plus faible observé depuis la période 2015‑16, reflète en partie les profondes récessions enregistrées dans certaines économies de marché émergentes ainsi que la faiblesse généralisée observée dans les secteurs industriels (Graphique 1.1, partie C). Les indicateurs de confiance ont également reculé de manière sensible dans de nombreux pays de l’OCDE, notamment dans la zone euro et au Japon où la croissance a déçu, et, jusqu’à il y a peu, en Chine. En revanche, la confiance s’est maintenue aux États‑Unis, même si la croissance a commencé à fléchir à mesure de la diminution du soutien apporté par la politique budgétaire. Au niveau sectoriel, les carnets de commandes restent peu étoffés dans le secteur manufacturier (Graphique 1.1, partie B), mais se maintiennent dans les secteurs des services, peut-être grâce au dynamisme relatif des dépenses de consommation, notamment des ventes au détail (Graphique 1.1, partie D). Les retombées à ce jour limitées de la faiblesse observée dans les secteurs manufacturiers sur le secteur des services expliquent également cette résilience (Encadré 1.1).
Encadré 1.1. Liens entre le secteur manufacturier et celui des services
Le repli conjoncturel actuellement enregistré au niveau mondial dans le secteur manufacturier n’a eu à ce jour que des retombées limitées sur le secteur des services, où la production fait montre d’une plus grande résilience dans de nombreuses économies (Graphique 1.2). L’une des principales interrogations est de savoir si cette situation peut persister en cas de ralentissement industriel prolongé. Dans le présent encadré, on examine les liens entre le secteur manufacturier et le secteur des services marchands dans les économies du G7, ainsi que la mesure dans laquelle leur évolution est déterminée par des facteurs communs. Les données d’observation suggèrent que malgré l’existence d’importantes connexions directes via les chaînes d’approvisionnement, les liens entre l’évolution du secteur manufacturier et celle du secteur des services se sont distendus ces dernières années dans certaines grandes économies, notamment du fait de la divergence de comportement des différentes composantes des dépenses qui alimentent la demande dans chacun de ces secteurs.
Liens au niveau des chaînes d’approvisionnement
Au niveau des chaînes d’approvisionnement, il existe des liens directs entre le secteur manufacturier et le secteur des services. Les productions issues du secteur des services, en particulier les services marchands comme les transports, les communications et les services aux entreprises, sont utilisés comme intrants intermédiaires par le secteur manufacturier.
En 2015, parmi les économies du G7, la part des intrants de services marchands dans la production brute du secteur manufacturier s’est échelonnée de 24 % en France à 16 % au Japon (Graphique 1.3, partie A), la majorité de ces intrants étant produits au niveau national. Les différences observées d’un pays à l’autre reflètent en partie le poids respectif de la sous‑traitance ou de la production interne de certains services dans les entreprises du secteur manufacturier.
Globalement, dans les économies du G7, la part combinée de la production de valeur ajoutée dans le secteur manufacturier et de la production de services marchands utilisés comme intrants intermédiaires dans le secteur manufacturier s’est établie entre 13 et 28 % du PIB (Graphique 1.3, partie B). La part des services marchands externalisée et entrant dans la production manufacturière a été relativement importante en Italie, où elle représentait près de 7 % du PIB.
Au fil du temps, l’exposition des secteurs nationaux de services au cycle conjoncturel mondial a également augmenté du fait de la hausse des exportations de services.
Avec le temps, la part de la production brute nationale de services marchands qui est exportée a augmenté, passant de 9 % de la production en 2005 à 10.5 % en 2015 dans la moyenne des économies du G7.
En 2015 globalement, dans l’économie du G7 médiane, une fraction d’environ 20 % de la production brute de services marchands était soit destinée au secteur manufacturier, soit exportée (Graphique 1.3, partie C). Sur ces bases, c’est en Italie, au Japon et au Royaume-Uni que les secteurs des services semblent le plus exposés au cycle conjoncturel mondial, soit à cause de l’importance des intrants de services dans le secteur manufacturier national, soit, comme c’est le cas au Royaume-Uni, à cause du niveau relativement élevé des exportations de services.
Diminution de la corrélation entre la croissance de la production dans le secteur manufacturier et dans le secteur des services
En cas de récession ou de choc commun à tous les secteurs, par exemple de durcissement brutal des conditions financières, il n’y a pas beaucoup de raisons de s’attendre à un découplage substantiel entre les secteurs industriels et les secteurs de services. En dehors de telles périodes, il peut y avoir des différences dans les principaux facteurs qui sous-tendent la demande de services et de produits manufacturés. Les indicateurs issus des enquêtes de conjoncture menées auprès des entreprises montrent qu’il existe une corrélation positive persistante entre la production du secteur manufacturier et celle du secteur des services, mais que celle-ci a diminué sensiblement ces dernières années dans la quasi-totalité des grandes économies (Graphique 1.3, partie D), particulièrement en Allemagne.
L’une des explications possibles de cette divergence récente entre l’évolution du secteur manufacturier et celle du secteur des services tient peut-être aux différences entre les composantes de dépenses qui leur sont addressés et, en particulier, à l’importance relative de la hausse de la consommation par rapport à celle de l’investissement et des échanges depuis la crise financière mondiale.
En moyenne, dans les économies du G7, environ deux cinquièmes de la production brute des secteurs de services marchands sont destinés directement à la consommation privée et publique de l’économie nationale, alors que ce rapport n’est que d’un cinquième pour la production brute du secteur manufacturier1.
En revanche, environ deux cinquièmes de la production brute du secteur manufacturier est utilisée pour la demande nationale d’investissement et d’exportations, alors que cette proportion n’est que d’un sixième s’agissant de la production brute de services marchands.
De ce fait, en moyenne dans les économies du G7, environ la moitié des dépenses de consommation finale des ménages sont consacrées à des services marchands produits au niveau national. En revanche, seul un quart de la formation brute de capital fixe concerne des services marchands produits au niveau national.
Au cours de la décennie ayant précédé la crise, on a observé une corrélation positive très forte entre le taux de croissance en glissement annuel de la consommation privée et celui de l’investissement total (ou de l’investissement des entreprises) dans quasiment toutes les économies du G7 (à l’exception du Royaume‑Uni). Ce lien s’est atténué pendant la période qui a suivi la crise (à partir de 2011), la corrélation entre les deux taux de croissance devenant même négative dans certains pays, dont les États-Unis. Un schéma similaire peut être observé pour la croissance des exportations : celle‑ci reste fortement corrélée à la hausse de l’investissement des entreprises dans la plupart des pays du G7, mais sa corrélation avec la croissance de la consommation s’est affaiblie, voire est devenue négative, depuis 2011. On observe aussi des évolutions divergentes au sein du secteur des exportations, le trafic international de passagers et le tourisme demeurant plus robustes que d’autres composantes des échanges (Graphique 1.4, partie D).
Ce découplage entre la consommation et les autres composantes de la demande peut s’expliquer en partie par l’amélioration de la situation sur le marché du travail ainsi que par des effets de richesse qui ont contribué à soutenir la hausse de la consommation ces dernières années, tandis que les incertitudes liées à l’action publique et, plus récemment, les restrictions commerciales, ont pesé sur les échanges et l’investissement. Si cette tendance persiste, hypothèse retenue dans le scénario de référence utilisé pour les présentes Perspectives économiques, alors la croissance de la production dans les secteurs des services devrait se poursuivre même si la hausse de la production manufacturière reste modeste. En revanche, si la production manufacturière continue de fléchir encore partout dans le monde, cette situation pourrait bien ne pas durer, et les conséquences négatives sur les salaires et l’emploi dans les secteurs industriels pourraient peser sur les revenus et dépenses agrégés des ménages.
1. Dans l’économie médiane du G7, un peu moins de la moitié de la production de services marchands est utilisée en tant que consommation intermédiaire (par un autre fournisseur de services dans environ 70 % des cas), le reste étant destiné aux dépenses finales.
La croissance en volume des échanges mondiaux, qui irrigue l’économie mondiale, a ralenti brutalement, revenant de quelque 5 ½ pour cent en 2017 à environ ¾ pour cent au premier trimestre de 2019 (Graphique 1.4, partie A). Les indicateurs à haute fréquence suggèrent que les perspectives à court terme des échanges restent médiocres. Le niveau des commandes à l’exportation est toujours très modeste, particulièrement dans la zone euro (Graphique 1.4, partie B) et en Allemagne, où les chiffres qui ressortent des enquêtes sont actuellement plus faibles qu’ils ne l’ont jamais été pendant la crise de la zone euro. La production industrielle mondiale a marqué le pas au cours des derniers mois, et les indicateurs relatifs au trafic portuaire de conteneurs et au trafic de fret aérien ont baissé (Graphique 1.4, parties C et D). En Europe, la hausse des échanges a ralenti, sous l’effet du manque de dynamisme de la demande externe aussi bien qu’interne (Graphique 1.5), et la croissance des importations de marchandises a fortement chuté en Chine.
Plusieurs facteurs contribuent au ralentissement des échanges, et il est probable que nombre d’entre eux vont persister pendant un certain temps, ce qui ne laisse augurer que de modestes perspectives de croissance des échanges pour la plus grande partie de cette année.
Les nouveaux droits de douane et les mesures de représailles adoptés en 2018 ont un effet négatif sur la production et les revenus (OCDE, 2018a ; Amiti et al., 2019)1, et les flux d’échanges ainsi que la hausse des prix ont enregistré un déclin marqué dans certains secteurs ciblés, particulièrement aux États-Unis et en Chine. L’instauration de nouveaux droits de douane bilatéraux entre les États-Unis et la Chine viennent d’être annoncés, et des mesures plus nombreuses risquent encore d’être mises en œuvre cette année, notamment de nouvelles restrictions dans des secteurs spécifiques sensibles aux échanges comme l’automobile et les pièces détachées automobiles.
L’investissement, qui constitue une catégorie de dépenses à intensité commerciale relativement forte, a vu sa progression ralentir (Graphique 1.6, partie A), ce qui a également contribué au fléchissement des échanges, sur fond d’exacerbation des tensions commerciales qui sont venues accentuer les incertitudes entourant l’action publique et qui ont eu un impact négatif sur l’investissement des entreprises2. Dans les économies du G20 pour lesquels on dispose de données à jour, l’augmentation annuelle de la formation de capital fixe a diminué de moitié, passant de quelque 5 % en 2017 à 2 ½ pour cent à la fin de 2018.
En Asie, la forte baisse cyclique observée sur le marché mondial des semi‑conducteurs (Graphique 1.6, partie B), conjuguée au ralentissement de la demande intérieure en Chine, expliquent l’essentiel de la faiblesse récente de la progression des échanges de marchandises observée dans des pays comme le Japon (Graphique 1.5, partie B) et la Corée. Les échanges de marchandises entre les États-Unis et la Chine ont eux aussi reculé fortement, sous l’effet du relèvement des obstacles au commerce, et, en volume, les exportations et les importations du premier trimestre de 2019 ont été respectivement inférieures de 16 % et 13 % à ce qu’elles étaient un an auparavant.
En Europe, les liens régionaux très forts au niveau de la chaîne d’approvisionnement amplifient les fluctuations des échanges (Ollivaud et Schwellnus, 2015), compte tenu du poids que des pays comme l’Allemagne et l’Italie représentent en tant que marchés d’exportation pour d’autres économies européennes. Ces évolutions ajoutent encore aux tensions spécifiques exercées par la profonde récession enregistrée en Turquie et par le ralentissement des échanges avec le Royaume-Uni.
Les conditions financières et les prix des matières premières permettent d’atténuer l’ampleur du ralentissement. Sur les marchés de capitaux, la situation s’est améliorée depuis le début de l’année, l’importante réévaluation des risques opérée à la fin de 2018 ayant été partiellement annulée avec l’apparition de signaux d’adoption d’une politique monétaire plus accommodante que prévu (voir ci-après). Les cours des actions se sont raffermis, les rendements des obligations d’État à long terme ont diminué, et les écarts de rendement entre les obligations d’entreprise et les obligations d’État de pays émergents se sont resserrés. En revanche, le relèvement, par les États-Unis, des droits de douane sur les importations en provenance de Chine ont récemment eu pour effet d’accroître la volatilité des prix des actifs. Les restrictions au niveau de l’offre opérées par les pays de l’OPEP et la Russie, ajoutées à l’impact des sanctions sur la production du Venezuela et de l’Iran, ont permis cette année un redressement des prix du pétrole, malgré une croissance de la demande mondiale en repli. Cela étant, dans l’hypothèse d’un baril à 70 USD sur toute la période visée par les prévisions, les prix restent inférieurs aux niveaux observés au cours du deuxième semestre de 2018.
Le rythme de la croissance mondiale devrait rester modeste
Globalement, les évolutions économiques et financières récentes ainsi que la concrétisation de certains risques de révision à la baisse des prévisions donnent à penser que la croissance mondiale pourrait être décevante. La hausse du PIB mondial devrait céder du terrain pour s’établir à 3.2 % cette année et 3.4 % en 2020, soit des niveaux inférieurs à sa trajectoire tendancielle et bien en-deçà de ceux observés en 2017‑18 (Graphique 1.7, partie A), mais équivalents à ceux de 2015‑16. L’ampleur du ralentissement dépendra de la résilience des dépenses des ménages, de la vitesse à laquelle les récessions en cours dans certaines grandes économies de marché émergentes, notamment la Turquie et l’Argentine, commenceront à s’atténuer, et de la vigueur de la reprise qui s’ensuivra. De fait, le ralentissement brutal observé en Turquie et en Argentine et la reprise progressive attendue dans ces deux pays comptent pour environ deux cinquièmes dans le recul de la croissance mondiale entre 2017 et 2019 et dans le rebond attendu en 2020 (Graphique 1.7, partie B). Le niveau élevé des incertitudes entourant l’action publique et l’érosion de la confiance devraient peser encore un peu plus sur les perspectives d’évolution de l’investissement des entreprises et des échanges, et ralentir le rythme auquel la croissance pourra repartir à la hausse à partir de son taux actuellement modeste, en dépit du coup de pouce apporté par l’amélioration des conditions financières.
Dans les économies avancées, l’amélioration de la situation sur le marché du travail, la baisse de l’inflation et, dans certains pays, l’adoption de modestes mesures budgétaires en faveur des ménages à bas revenu et d’importantes augmentations du salaire minimum devraient contribuer à étayer la croissance des revenus réels et les dépenses des ménages. La politique monétaire de soutien de l’activité se poursuit et continue également d’accompagner l’économie. En revanche, le soutien apporté par la politique budgétaire devrait être globalement moins important qu’on ne pourrait le souhaiter dans la plupart des pays ; au niveau de l’économie de l’OCDE médiane, l’assouplissement budgétaire devrait rester modeste, à environ 0.3 % du PIB en 2019, et ne devrait pas être beaucoup plus important en 2020 (voir ci-après).
Aux États-Unis, la croissance du PIB devrait diminuer pour revenir aux alentours de 2 ½ pour cent en 2019 et 2 ¼ pour cent en 2020, à mesure que le soutien apporté par l’assouplissement budgétaire va lentement s’estomper. La solidité des résultats sur le marché du travail et les conditions financières favorables continuent d’étayer les revenus et les dépenses des ménages, mais l’augmentation des droits de douane renchérit les coûts des entreprises et les prix, et la croissance de l’investissement des entreprises et des exportations a ralenti.
Au Japon, la croissance du PIB devrait se maintenir à un niveau annuel d’environ 0.7 % en 2019 et 2020. D’importantes pénuries de main-d’œuvre et contraintes de capacité continuent de doper l’investissement, mais la confiance a fléchi et la croissance des exportations a cédé du terrain. L’augmentation des dépenses sociales et un coup de pouce temporaire à l’investissement public permettront d’atténuer l’impact immédiat de la hausse prévue du taux de la taxe sur la consommation en octobre 2019, mais les efforts d’assainissement budgétaire devraient reprendre en 2020.
Dans la zone euro, la croissance du PIB devrait rester modeste, atteignant un peu moins de 1 ¼ pour cent en 2019 avant de s’établir entre 1 ¼ et 1 ½ pour cent en 2020. La progression des salaires et la mise en œuvre de politiques macroéconomiques accommodantes, avec notamment un assouplissement budgétaire modéré, soutiennent les dépenses des ménages, mais les incertitudes relatives à l’action publique, le peu de vigueur de la demande extérieure et le faible niveau de la confiance vont probablement peser sur la hausse de l’investissement et des échanges.
Collectivement, dans les économies de marché émergente, les perspectives de croissance devraient être globalement stables sur la période 2019‑20, mais ce constat masque des évolutions divergentes dans les principales économies. La pause de la normalisation de la politique monétaire dans les économies avancées et la baisse des prix du pétrole ont réduit les risques à court terme, mais l’atonie du commerce mondial et les défis importants liés aux ajustements devant être opérés à la suite des tensions passées sur les marchés de capitaux continuent de freiner la croissance dans de nombreux pays.
En Chine, la croissance du PIB devrait se modérer progressivement pour s’établir à 6 % d’ici 2020. Les importations, l’investissement et le crédit ont vu leur croissance ralentir et les tensions commerciales ajoutent aux incertitudes, mais de nouvelles mesures de relance budgétaire et quasi‑budgétaire sont en cours de mise en œuvre, et la politique monétaire a été assouplie. L’ampleur et l’efficacité des nouvelles mesures budgétaires sont difficiles à apprécier, mais pourraient représenter quelque 1 % du PIB cette année si les collectivités locales exploitent pleinement l’augmentation de leur quota d’obligations spéciales (représentant l’équivalent de ¾ pour cent du PIB) pour financer des dépenses d’infrastructures. Il est possible de soutenir l’activité davantage si nécessaire, mais cela rendrait plus encore plus difficile le nécessaire désendettement du secteur des entreprises et pourrait aggraver les risques pour la stabilité financière.
En Inde, la croissance du PIB devrait s’affermir et avoisiner 7 ¼ pour cent au cours de l’exercice 2019 puis 7 ½ pour cent au cours de l’exercice 2020. En effet, l’amélioration des conditions financières, l’adoption de mesures de relance budgétaire et quasi budgétaire, notamment de nouvelles mesures de soutien aux revenus des agriculteurs en zone rurale, et les réformes structurelles récentes sont autant d’éléments qui contribueront à soutenir la demande intérieure.
Au Brésil, la reprise progressive de l’activité devrait se poursuivre et la croissance du PIB pourrait s’établir aux alentours de 1 ½ pour cent cette année et de 2 ¼ pour cent en 2020. La faiblesse de l’inflation et l’amélioration du marché du travail soutiennent la consommation privée, et la réussite de la mise en œuvre des réformes, particulièrement de la réforme des retraites, contribuerait à réduire les incertitudes et à stimuler l’investissement.
La croissance des échanges mondiaux et de l’investissement devrait rester en demi‑teinte
La croissance des échanges mondiaux en volume (biens et services) devrait ralentir davantage en 2019 pour s’établir à 2 %, avant de se réorienter à la hausse pour atteindre 3 % l’an prochain. À ce rythme, l’intensité des échanges mondiaux devrait non seulement rester faible en regard de ses niveaux d’avant la crise, mais se situer également en deçà du rythme moyen mesuré entre 2012 et 2018 (Graphique 1.8). Le ralentissement des échanges mondiaux, cette année, devrait concerner l’ensemble des économies, l’Asie et l’Amérique du Nord y contribuant majoritairement, mais les échanges devraient également continuer de fléchir en Europe. Comme en 2015‑16, le net ralentissement de la croissance des échanges en Chine a été un déterminant essentiel de la modération générale du commerce mondial. On estime que les importations chinoises devraient augmenter d’environ 3 ¼ pour cent par an en 2019‑20, après avoir connu une hausse annuelle d’environ 7 ½ pour cent par an en 2017‑18. Une période prolongée de relèvement des obstacles commerciaux entre les États‑Unis et la Chine en 2019, ou l’introduction de nouvelles restrictions aux échanges, aurait pour effet d’entamer un peu plus encore la croissance du commerce mondial en 2019 et 2020 (voir ci-après).
La faiblesse de la croissance prévisionnelle des échanges est compatible avec les perspectives de l’investissement, en demi-teinte dans de nombreuses économies. Il ressort généralement des indicateurs d’enquête récents que ces perspectives de croissance sont en baisse, malgré de lourdes contraintes de capacités dans des pays comme le Japon et l’Allemagne. La production de biens d’équipement elle-même est peu vigoureuse dans les grandes économies de l’OCDE. La persistance des incertitudes quant à l’action publique qui sera menée, les déficits de qualifications et d’infrastructures (Banque européenne d’investissement, 2018), la révision à la baisse des anticipations de croissance future du PIB mondial, alliés à une moindre dynamique des entreprises dans certains pays, sont autant de facteurs qui réduisent les incitations à investir. Dans la zone OCDE, le taux de croissance de l’investissement des entreprises devrait marquer le pas pour s’établir à environ 1 ¾ pour cent par an en moyenne en 2019‑20, contre 3 ½ pour cent par an en 2017‑18.
Les marchés du travail continuent d’être favorables et la progression des salaires est modeste
Le marché du travail continue de s’améliorer dans la plupart des économies de l’OCDE, malgré une croissance de la production qui ralentit. Le taux de chômage indemnisé dans l’ensemble de l’OCDE est à son plus bas niveau depuis 1980, et si l’on considère globalement l’ensemble des économies de l’OCDE, on observe que les taux d’emploi et d’activité ont considérablement progressé depuis les cinq dernières décennies, à la faveur de réformes antérieures qui ont stimulé les créations d’emplois, réduit les obstacles à l’activité et limité les passerelles vers la retraite anticipée. Il n’en demeure pas moins que dans l’économie de l’OCDE médiane, les taux d’activité et d’emploi en valeur agrégée ne sont supérieurs que d’un point environ à leurs niveaux de 2007, avant la crise financière (Graphique 1.9), et que la qualité des créations d’emplois n’est pas toujours allée de pair avec le nombre d’emplois créés.
Le bilan est très contrasté d’une économie à l’autre. Dans certains pays, dont le Japon et l’Allemagne, les taux d’emploi et d’activité ont l’un et l’autre progresser régulièrement au cours des dix dernières années et sont désormais supérieurs de plusieurs points à ceux de 2007. D’autres pays comme la Suède, l’Australie et la Nouvelle‑Zélande, qui figuraient déjà parmi les pays les mieux classés en termes de taux d’activité et d’emploi en 2007, ont vu leurs chiffres s’améliorer encore depuis lors. En revanche, aux États‑Unis, qui se situaient aussi parmi les pays les plus performants en 2007, les taux d’emploi et d’activité ont reculé de 2‑3 points entre 2007 et 2018. Enfin, parmi les pays les moins bien classés en 2007, on observe que la Turquie, la Hongrie, la Pologne et le Chili ont connu une embellie notable, mais qu’à l’inverse, peu de changements ont été mesurés dans un certain nombre d’autres pays, dont l’Italie et la France, malgré un redressement récent des chiffres de l’emploi.
L’emploi devrait poursuivre sa croissance régulière dans la plupart des économies en 2019‑20, quoique à un rythme modéré. On estime que la croissance de l’emploi dans la zone OCDE devrait avoisiner 0.9 % par an en moyenne, en baisse par rapport au taux de 1 ½ pour cent par an enregistré en 2017‑18. Alors que cette évolution devrait aider à soutenir le revenu des ménages à court terme, les gains de productivité devraient en revanche demeurer très faibles pendant un certain temps encore étant donné la croissance inférieure à la normale de la production, avec des conséquences néfastes pour les perspectives de croissance à moyen terme.
Les salaires nominaux sont repartis à la hausse dans la plupart des économies de l’OCDE, mais les salaires réels n’augmentent encore que modérément, en partie à cause de gains de productivité du travail toujours modestes (Graphique 1.10). Néanmoins, il est de plus en plus apparent que les capacités inemployées diminuent, avec des taux de chômage qui passent désormais en deçà des niveaux jugés tenables et des indicateurs d’enquête pointant toujours des déficits de main‑d’œuvre, en particulier de main-d’œuvre très qualifiée. Dans l’ensemble, on estime que les salaires réels devraient progresser d’un peu plus de 1.3 % par an en moyenne dans l’économie médiane de l’OCDE en 2019-20, soit une hausse par rapport au taux de ¾ pour cent de croissance annuelle moyenne observé en 2017‑18. Un tel chiffre serait toutefois bien inférieur à ce qu’il était durant la décennie ayant précédé la crise, où la croissance des salaires réels était plus proche de 2 % par an de l’économie médiane de l’OCDE. Les salaires réels devraient progresser à un rythme relativement vigoureux en Allemagne, aux États‑Unis et dans plusieurs économies d’Europe centrale, témoignant par là même de tensions sur leur marché du travail, ainsi qu’en Corée, où les salaires minimums devraient être à nouveau revalorisés, de 11 % cette année.
L’inflation devrait rester modérée
Dans les économies avancées, la hausse de l’indice global des prix à la consommation au niveau de l’économie médiane devrait reculer pour s’établir à 1 ½ pour cent en 2019 (sous l’effet de la baisse des prix des produits de base) puis remonter légèrement en 2020 pour atteindre quelque 2 % (Graphique 1.11, Partie A). Aux États‑Unis, où le volant de capacités inutilisées demeure réduit mais où la croissance économique se modère, il est probable que l’inflation n’augmentera que lentement pour atteindre 2 ¼ pour cent environ d’ici la fin de 2020. Au Japon, l’inflation devrait également progresser, mais cette hausse sera largement imputable au relèvement du taux de la taxe sur la consommation ; si l’on exclut cet impact, l’inflation ne devrait s’établir qu’autour de 1 % en 2020. Dans la zone euro, en revanche, l’inflation globale devrait reculer par rapport à 2018, du fait de faibles tensions sur la demande agrégée et d’un repli des prix de l’énergie, l’inflation sous‑jacente s’orientant à la hausse pour s’établir juste en deçà de 1 ½ pour cent à l’horizon 2020.
Il semble que cette longue période de très faible inflation dans la zone euro soit le signe d’effets d’hystérésis prolongés, qui se traduisent par une croissance inférieure à la normale de la demande globale, par un sous-emploi toujours conséquent et par une légère baisse des anticipations d’inflation3. On a assisté à une évolution continue de la distribution des prix individuels des biens et services depuis le déclenchement de la crise financière mondiale. Ainsi, la part des biens et services présentant un taux annuel positif mais faible d’inflation (inférieur à 1.5 %) s’est considérablement accrue, et celle des biens et services ayant un taux relativement élevé (supérieur à 2.5 %) a diminué (Graphique 1.12, partie A). Cette évolution a été particulièrement importante en Italie et en conséquence, va de pair avec une modification de la contribution de chaque pays à l’inflation dans la zone euro. Les pays les plus durement touchés par des récessions ont enregistré une inflation modeste ces dernières années et ont donc contribué nettement moins à l’inflation dans la zone euro qu’avant la crise, lorsque leurs économies étaient en pleine expansion (Graphique 1.12, partie B).
L’activité domestique agrégée et l’inflation n’ont pas affiché de forte corrélation pendant la période considérée. Il apparaît que les hausses de prix de seulement quelques catégories individuelles de biens et services réagissent aux indicateurs de capacités agrégés4. Ce constat pourrait indiquer que pour de nombreux biens et services, le progrès technologique, les tensions sur la demande de certains produits en particulier, les échanges internationaux et la concurrence dans le secteur national de la distribution peuvent jouer plus sur la dynamique des prix que les indicateurs d’utilisation de capacités agrégés et les anticipations d’inflation générales. Aussi la hausse des prix agrégée risque-t-elle d’être un faible indicateur des tensions exercées sur les prix par l’activité cyclique globale.
Dans bon nombre d’économies de marché émergentes, la hausse des prix à la consommation devrait également rester relativement stable et proche des niveaux observés récemment, historiquement modestes (Graphique 1.11, partie B). Font principalement figure d’exception l’Argentine et la Turquie, où l’inflation s’est emballée en raison d’une forte dépréciation de leur monnaie nationale. Compte tenu de la baisse graduelle de l’inflation importée, la hausse des prix à la consommation devrait diminuer elle aussi graduellement. Cela étant, l’inflation devrait, selon les estimations, s’établir encore à un taux à deux chiffres dans ces deux économies jusqu’à la fin de 2020.
Principaux problèmes et risques
Les risques à la baisse demeurent prépondérants. Les inquiétudes qu’ils suscitent pourraient d’ores et déjà peser sur la confiance et ajouter aux incertitudes, décourageant l’investissement et les échanges. Les chiffres de la croissance seraient plus faibles encore si les risques à la baisse se matérialisaient ou se conjuguaient, notamment ceux liés à de nouvelles mesures de renforcement des obstacles aux échanges, à la persistance des incertitudes entourant l’action publique et au maintien d’une croissance inférieure à la normale en Europe, à une sortie du Royaume‑Uni de l’Union européenne (Brexit) désordonnée, à un ralentissement plus marqué de l’activité en Chine, ou encore à un nouveau cycle de réajustement des prix des actifs sur les marchés de capitaux. En revanche, les perspectives économiques pourraient être plus favorables que les anticipations actuelles si l’on remédiait à ces risques, permettant ainsi aux entreprises et aux ménages d’être plus confiants dans l’avenir.
Une intensification des restrictions commerciales serait très coûteuse
L’incertitude persistante entourant les politiques commerciales demeure une source majeure de risque à la baisse pour l’investissement, l’emploi et les niveaux de vie à l’échelle mondiale. De nouvelles mesures de restriction des échanges auraient pour effet d’abaisser les niveaux de vie des consommateurs, notamment des ménages les plus modestes, et d’alourdir les coûts de production des entreprises. Les prévisions ont été établies à partir de l’hypothèse selon laquelle les relèvements des droits de douane imposés par les États-Unis et la Chine en 2018 seront maintenus, mais ne prennent en compte ni les mesures bilatérales supplémentaires annoncées en mai, ni d’éventuelles extensions additionnelles, étant donné les incertitudes qui entourent l’évolution des relations commerciales entre ces deux pays. Cependant, la situation laisse présager d’importants risques de dégradation par rapport aux prévisions en ce qui concerne la croissance de la production et des échanges (voir ci-après). En revanche, si les États‑Unis et la Chine parvenaient à un accord à court terme, les relèvements de droits de douane imposés en 2018 et cette année pourraient être annulés, ce qui aurait pour effet de donner un coup de pouce modeste à la croissance, aux échanges et aux revenus réels des ménages, même si les gains de bien‑être au niveau mondial dans le cadre d’échanges encadrés sont sans doute inférieurs à ce qu’ils sont dans un cadre de libre-échange.
Les droits de douane imposés par les États-Unis et la Chine en 2018 et qui ont été pris en compte dans les prévisions ont déjà commencé à ralentir la croissance et à alimenter l’inflation. On estime que d’ici à 2021, le niveau de la production dans les deux pays sera inférieur d’environ 0.2‑0.3 % à ce qu’il aurait été autrement, et que les échanges mondiaux s’en trouveront réduits de quelque 0.4 % (OCDE, 2018a). Aux États-Unis, la hausse des prix à la consommation serait également supérieure, d’environ 0.2 points de pourcentage en 2019 comme en 2020.
Ces effets pourraient être considérablement amplifiés par la nouvelle série de hausses des droits de douane annoncée en mai, si celles-ci sont maintenues, les États-Unis faisant passer de 10 % à 25 % les droits de douane sur 200 milliards USD d’importations de marchandises en provenance de Chine et la Chine prenant en représailles des mesures équivalentes portant sur 60 milliards USD de marchandises importées des États‑Unis. Il existe également un risque que des droits de douane supplémentaire soient imposés à l’avenir, portant sur tout l’éventail des échanges entre les États-Unis et la Chine.
Des simulations effectuées à partir du modèle économétrique mondial NiGEM illustrent les conséquences négatives potentielles supplémentaires que les mesures tarifaires nouvellement annoncées ainsi que les autres mesures possibles pourraient avoir sur la production et les échanges au niveau mondial, et montrent également à quel point ces conséquences négatives pourraient être amplifiées si elles devaient encore ajouter aux incertitudes (Graphique 1.13).
Les nouvelles mesures annoncées en mai, si elles sont maintenues, devraient selon les estimations potentiellement entraîner une réduction supplémentaire de 0.2 % à 0.3 % du PIB aux États-Unis et en Chine en moyenne en 2021 et 2022 (par rapport au scénario de référence), et les prix à la consommation aux États‑Unis augmenteraient de 0.3 % de plus en 2020. Ces évolutions auraient pour effet de doubler l’impact des hausses des droits de douane imposées en 2018.
En se plaçant dans un scénario théorique dans lequel les États-Unis et la Chine imposeraient des droits de 25 % sur la totalité des échanges bilatéraux restants (en supposant que cette mesure intervienne en juillet de cette année), les coûts à court terme seraient considérablement plus élevés et plus étendus. Les échanges mondiaux seraient inférieurs de quasiment 1 % au niveau du scénario de référence en 2021, et en volume, les importations diminueraient de quelque 2 % aux États‑Unis et en Chine. La production diminuerait également, d’environ 0.6 % par rapport au scénario de base aux États-Unis et 0.8 % en Chine. Les proches partenaires commerciaux de ces deux pays commenceraient également à ressentir des effets négatifs, du fait de la contraction de la demande sur ces deux grands marchés d’exportation.
Il est probable que partout dans le monde, les plans d’investissement des entreprises seront mis à mal par le surcroît d’incertitudes entourant les politiques commerciales, ainsi que par les inquiétudes de plus en plus vives suscitées par la perspective de voir de nouvelles restrictions s’appliquer à un plus large éventail de biens et services, affectant par là même de nombreuses économies. Une hausse de 50 points de base des primes de risque d’investissement dans tous les pays sur une période de trois ans aurait pour effet de renchérir le coût du capital et accentuerait les effets négatifs des droits de douane sur la production ; le niveau du PIB mondial s’en trouverait inférieur de 0.7 % à celui du scénario de référence en 2021 et les échanges mondiaux diminueraient d’environ 1 ½ pour cent. À l’échelle de la zone OCDE, l’investissement des entreprises reculerait de quelque 2 ½ pour cent d’ici 2021, avec une baisse de l'investissement proche de 3 ¼ pour cent aux États‑Unis.
Le risque existe par ailleurs que de nouvelles restrictions soient décidées plus tard au cours de l’année 2019 et concernent des pays plus nombreux ou ciblent des produits spécifiques. La possibilité de nouvelles mesures restrictives prises par les États-Unis dans des secteurs commercialement sensibles, notamment l’automobile et les pièces détachées, est un sujet de préoccupation particulier étant donné les liens tissés entre les pays par les chaînes de valeur dans ces secteurs et l’ampleur des échanges commerciaux, notamment en Europe. De telles mesures pourraient encore alourdir considérablement les effets des hausses de droits de douane imposées jusqu’à présent et auraient un impact négatif sur les projets d’investissement des entreprises partout dans le monde.
La baisse de l’intensité des échanges mondiaux du fait de l’imposition de droits de douane plus élevés aurait également des effets négatifs sur la productivité et les niveaux de vie à moyen terme du fait d’une concurrence amoindrie, d’un périmètre de spécialisation réduit et de la diffusion plus lente des idées pardelà les frontières nationales (Haugh et al., 2016 ; Guillemette et Turner, 2018). En revanche, toute mesure prise pour abaisser les droits de douane, réduire les coûts superflus des obstacles non tarifaires et libéraliser les échanges de services, serait largement bénéfique (OCDE, 2019a ; OCDE, 2019b).
Les incertitudes entourant le Brexit persistent
Des incertitudes persistent concernant la nature des relations commerciales entre le Royaume-Uni et l’UE à court puis à moyen terme ainsi que sur la date de sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne (Brexit). La possibilité qu’aucun accord de retrait ne soit trouvé avant la date de sortie, récemment reportée, demeure un risque sérieux de divergence à la baisse par rapport aux prévisions et une source d’incertitude à court terme. Les prévisions actuelles de croissance du PIB du Royaume‑Uni sont établies sur l’hypothèse d’une sortie ordonnée du Royaume-Uni, assortie d’une période de transition allant jusqu’à la fin de 2020.
Si le Royaume-Uni et l’Union européenne devaient se séparer sans avoir trouvé d’accord, les perspectives seraient nettement plus défavorables. Selon une analyse de l’OCDE, l’augmentation des droits de douane entre les deux économies, qui résulterait de l’application des règles de l’OMC, aurait pour effet de faire à nouveau baisser le PIB du Royaume-Uni d’environ 2 points (par rapport au scénario de référence) au cours des deux prochaines années (Kierzenkowski et al., 2016). Cet effet viendrait s’ajouter aux retombées néfastes déjà observées sur le PIB et l’investissement des entreprises par rapport aux anticipations avant le vote de 2016.
Ces répercussions seraient plus fortes encore si l’absence d’infrastructures appropriées aux frontières et l’impossibilité de bénéficier des dispositions commerciales adoptées par l’UE avec des pays tiers devaient générer de sérieux goulets d’étranglement dans des chaînes d’approvisionnement transfrontalières intégrées. Ces répercussions seraient amplifiées si la confiance des entreprises et des marchés financiers devait s’éroder encore et si des perturbations agitaient les marchés financiers. Dans un tel scénario, les probables effets négatifs du Brexit au Royaume-Uni auraient des retombées notables sur la croissance d’autres pays. Bien que des mesures d’urgence pour amortir l’impact d’une sortie sans accord soient en cours d’adoption de part et d’autre de la Manche, une séparation du Royaume-Uni et de l’UE sans accord n’en constituerait pas moins un choc négatif majeur étant donné les liens commerciaux importants qu’a noués le Royaume-Uni avec de nombreux pays.
Dans l’Union européenne, les conséquences d’un scénario qui placerait les échanges commerciaux entre le Royaume-Uni et l’Union européenne sous l’égide de l’OMC seraient variables d’un État membre à l’autre. Les pays de taille modeste ayant des liens commerciaux et d’investissement très forts avec le Royaume-Uni, comme l’Irlande, les Pays‑Bas et le Danemark, seraient relativement exposés dans un tel scénario, qui occasionnerait des coûts d’ajustement lourds dans des régions ou secteurs particuliers. Selon des estimations de l’OCDE, leurs exportations bilatérales vers le Royaume-Uni pourraient reculer d’environ 15 % à moyen terme dans l’hypothèse d’échanges commerciaux régis par les règles de l’OMC, les secteurs de l’agro‑alimentaire et de la construction de machines et équipement étant les plus durement touchés (Arriola et al., 2018 ; Smith et al., 2018 ; Smith et al., 2019).
Le ralentissement de l’activité en Chine et ses retombées sur le reste du monde
Les prévisions établies à partir du scénario de référence pour la Chine retiennent comme hypothèse que les mesures de relance en cours de déploiement permettront de compenser la faiblesse sous-jacente des échanges et de la demande privée, observée depuis quelques mois, et d’éviter un net ralentissement de la croissance. Si les signes d’une croissance en phase de stabilisation commencent à apparaître, le risque subsiste que les nouvelles mesures de relance se révèlent insuffisantes, ou moins efficaces que prévu. Un ralentissement inattendu et beaucoup plus marqué de l’activité en Chine serait lourd de conséquences pour la croissance et les échanges mondiaux, étant donné les liens commerciaux et financiers toujours plus nombreux que la Chine ne cesse de nouer partout dans le monde.
L’une des leçons essentielles de la période 2015‑16, durant laquelle la croissance mondiale des échanges et de la production avait également sensiblement marqué le pas, a été de constater le net impact d’une plus faible croissance de la demande intérieure chinoise sur les importations chinoises en volume qui avaient brutalement ralenti. Ce ralentissement avait induit à son tour un fléchissement de la croissance des exportations en volume et du PIB dans toutes les économies5. Le ralentissement de l’activité en Chine s’était également ressenti sur les marchés financiers mondiaux, avec une augmentation des primes de risque creusant les écarts de rendement des obligations de sociétés et des obligations émises par les marchés émergents entre 2015 et 2016 et un repli d’environ 10 % des cours des actions sur les marchés mondiaux. Des simulations, effectuées à titre d’illustration à l’aide du modèle économétrique mondial NiGEM, mettent en évidence les conséquences fâcheuses que la répétition d’un tel épisode aurait sur la croissance et les échanges mondiaux.
En soi, une baisse non anticipée de 2 points de pourcentage du taux de croissance de la demande intérieure chinoise pendant deux ans pourrait entraîner une réduction de la croissance du PIB mondial de près de 0.4 point de pourcentage par an, sachant que le Japon, les économies productrices de produits de base et les autres économies d’Asie de l’Est seraient les plus durement touchés (Graphique 1.15, partie A). La croissance des importations en volume de la Chine pourrait fléchir de plus de 3 ¼ points par an en moyenne les deux premières années et affecter de ce fait la croissance des exportations en volume de ses principaux partenaires commerciaux, notamment l’Allemagne et de nombreuses économies d’Asie (Graphique 1.14, partie B).
Un regain d'incertitude pourrait alourdir sensiblement ces effets, en particulier dans les économies avancées, en provoquant une augmentation des primes de risque d’investissement sur les marchés de capitaux et du coût du capital pour les entreprises. Un repli des cours des actions pourrait faire augmenter encore le coût du capital, mais aussi ralentir les dépenses de consommation du fait de son impact négatif sur la richesse des ménages. Si l’on ajoutait au scénario une hausse supplémentaire de 50 points de base des primes de risque d’investissement dans le monde et un repli de 10 % des cours des actions pendant deux ans, la croissance mondiale du PIB diminuerait de 0.7 point par an en moyenne pendant les deux premières années, et celle des échanges mondiaux de près de 1 ½ point par an sous l’effet de ce choc combiné. Les chocs financiers alourdiraient sensiblement le coût du choc initial sur la demande dans de nombreuses économies avancées, mais les économies voisines d’Asie continueraient d’être les plus durement touchées.
Les retombées du ralentissement de l’activité en Chine seraient plus lourdes encore si les responsables des politiques monétaires dans le monde se trouvaient dans l’incapacité de réagir, faute de marge de manœuvre suffisante. Si les taux directeurs étaient fixes, l’impact global de ces chocs combinés serait encore plus lourd, grevant la croissance du PIB mondial de 0.8‑0.9 point par an les deux premières années et abaissant celle des échanges mondiaux de 1 ¾ point par an, en moyenne, sur la même période.
Contrairement à ce que l’on observe en matière commerciale, l’intégration de la Chine sur les marchés mondiaux des capitaux demeure modeste (Graphique 1.15)6. Les expositions des économies avancées via leurs actifs financiers ne sont pas très importantes, sauf pour quelques pays parmi lesquels le Royaume‑Uni, la Corée et l’Australie, ainsi que certains centres financiers (dont le Luxembourg, Singapour et l’Irlande), et sont plus importantes pour les titres de participation que pour les instruments de dette7. Quant aux expositions bancaires de la plupart des économies avancées sur la Chine, elles sont également modestes tant en valeur absolue qu’en valeur relative, comparées à leurs expositions sur toutes les autres EME et sur d’autres grandes économies avancées considérées individuellement. Cela étant, ces expositions seraient au final en valeur agrégée probablement de plus grande ampleur si l’on tenait pleinement compte des expositions détenues via les centres financiers. Qui plus est, bien que les expositions nationales soient modestes, certaines institutions financières peuvent toutefois être vulnérables aux évolutions de l’économie chinoise ; dès lors que ces institutions sont d’une certaine importance et fortement liées à d’autres institutions nationales et internationales, des chocs négatifs liés à la situation en Chine risqueraient de se propager à grande échelle.
Des fragilités financières demeurent du fait d’un fort endettement privé et d’une mauvaise qualité de crédit
Le niveau d’endettement élevé des sociétés non financières et la détérioration de leur qualité de crédit pourraient constituer un risque pour la stabilité financière dans un environnement économique qui se détériore. Sur fond de politiques monétaires très accommodantes, la dette des sociétés non financières a augmenté en proportion du PIB dans de nombreuses économies avancées ; dans certains cas, elle a même surpassé ses précédents records de 2008 (Graphique 1.16 ; OCDE, 2017). Cette augmentation est intervenue à la faveur d’une forte hausse du financement obligataire8. De surcroît, une forte appétence pour le risque et les conditions financières accommodantes ont concouru à une dégradation de la qualité de crédit des entreprises (Encadré 1.2). Même si les taux d’intérêt demeurent bas pendant une période plus longue que prévu initialement, les risques de solvabilité inhérents à un endettement élevé se sont accrus en raison du ralentissement actuel de l’activitémondial, qui aura dans doute des répercussions sur la progression des résultats des entreprises. Les tensions financières qui pèsent sur les entreprises pourraient provoquer une inflexion de l’appétence des investisseurs pour le risque et se traduire par des cessions massives généralisées d’obligations de sociétés. Des chocs, même légers, sur les marchés auraient la faculté de provoquer d’importantes corrections de prix parce que la dette des entreprises de catégorie spéculative est généralement beaucoup moins liquide. La composition actuelle des obligations de sociétés risque également d’accroître le risque de ventes précipitées, car une forte proportion de ces titres sont notés juste un cran au-dessus de la catégorie spéculative (Çelik et Isaksson, 2019 ; Graphique 1.17, partie B). Si ces titres étaient rétrogradés dans la catégorie spéculative, les investisseurs institutionnels qui sont tenus à des obligations réglementaires de notation se verraient dans l’obligation de les céder.
Encadré 1.2. La qualité de crédit des sociétés s’est dégradée
Depuis la crise financière, la forte appétence des investisseurs pour le risque et le des conditions financières accommodantes ont concouru à une forte augmentation des actifs de catégorie spéculative, tels que les obligations à haut rendement et les prêts à effet de levier à taux variable (Graphique 1.17). Sur les marchés obligataires, on a observé une forte émission de titres de créance à haut risque et un relâchement des clauses restrictives, c’est-à-dire des dispositions légales de protection des investisseurs en cas de défaut de paiement ou de restructuration, y compris dans les économies de marché émergentes (Çelik et Isaksson, 2019). Dans ces conditions, il est d’autant plus difficile pour les investisseurs de se prémunir contre des pertes.
Les prêts à effet de levier dans les principales économies avancées ont augmenté rapidement, ces dernières années, pour s’établir à un chiffre estimé à 13 00 milliards USD. Toutefois, ce chiffre ne prend en compte que les prêts à effet de levier de montant suffisamment élevé et négociés pour être recensés dans les indices sectoriels spécialisés, tels que le Global Leveraged Loan Index de S&P. Il ressort d’une analyse plus complète de l’ensemble du marché des prêts à effet de levier que son encours s’établit actuellement à plus de 2 100 milliards USD (soit 2 ½ pour cent du PIB mondial en 2018) (Graphique 1.18; Patalano et Roulet, 2019). Il est fréquent que des prêts de ce type soient émis sur la base d’indicateurs de résultats peu fiables, notamment sur la base d’un résultat qui intègre des charges non déductibles (add-backs) dans l’EBITDA1. Ces pratiques risquent d’aboutir à une sous‑estimation des taux d’endettement réels et au contournement des clauses destinées à limiter tout endettement supplémentaire. Les prêts à effet de levier sont à 60 % environ des prêts dit « covenant‑lite » (i.e. assortis de clauses clémentes pour les emprunteurs et relativement peu protectrices pour les créanciers) et, bien qu’ils protègent les investisseurs des risques de taux d’intérêt, ils sont généralement plus risqués que les obligations à haut rendement car ils offrent moins de protection contre le rachat anticipé2, un moindre degré de liquidité et une transparence et une réglementation plus limitées en cas de défaut (Bank of England, 2018). Une part considérable des prêts à effet de levier au niveau mondial sont groupés dans des obligations structurées adossées à des prêts bancaires (CLO) et cédés à des investisseurs, parmi lesquels des fonds d’investissement et des compagnies d’assurance3.
1. Les add-backs ou réintégration de charges non déductibles sont des ajustements du résultat EBITDA de l’entreprise (avant charges d’intérêts, impôts, amortissements et provisions), qui facilitent l’accès aux marchés de financement par l’emprunt. Elles prennent en compte de futures économies de coûts ou augmentations de chiffre d’affaires non susceptibles de se réaliser à court terme. Ces ajustements de bénéfices sont devenus au fil des ans un élément admis de la procédure des prêts consortiaux car ils donnent – en principe – une vision plus réaliste de la capacité future de l’entreprise à assurer le service de la dette.
2. Les prêts à effets de levier peuvent faire à tout moment l’objet d’un rachat anticipé à 100 % de leur valeur nominale. Aussi, leur prix reste au pair ou proche de cette valeur tant que les marchés sont vigoureux, limitant ainsi le risque d’orientation‑surprise du prix à la hausse.
3. Le stock de prêts à effet de levier dans le monde entrant dans la composition des portefeuilles d’investisseurs institutionnels est détenu pour quelque 45 % sous la forme d’obligations structurées adossées à des prêts bancaires (CLO), et à hauteur de 30 % par des fonds d’investissement et des compagnies d’assurance. Le solde n’est pas ventilé faute de pouvoir identifier clairement les investisseurs in fine (Bank of England, 2018).
La déconnexion apparente observée récemment entre la dynamique des marchés d’actions et les anticipations de bénéfices des entreprises pourrait être annonciatrice d’une correction à venir. Elle souligne également à quel point ces marchés sont désormais sensibles à l’évolution des anticipations de taux d’intérêt futurs. Les marchés boursiers sont à nouveau orientés à la hausse depuis janvier 2019, à la faveur d’un rebond de la confiance des investisseurs, mais ont été négativement impactés en mai par le regain de tensions commerciales entre la Chine et les États-Unis (Graphique 1.19, partie A). Dans les grandes économies avancées, l’augmentation des prix des actions s’explique en partie par la réaction des marchés aux annonces faites par les banques centrales laissant entendre que les taux directeurs pourraient être maintenus à un niveau bas pendant une plus longue période. Toutefois, dans le même temps, les prévisions de croissance des bénéfices des entreprises n’ont cessé d’être revues à la baisse (Graphique 1.19, partie B), du fait des prévisions de fléchissement de la croissance économique, de coûts du travail pesant un peu plus sur les marges bénéficiaires et, aux États-Unis, de la dissipation des effets des baisses du taux d’imposition des sociétés.
Les conditions financières dans les économies de marché émergentes se sont améliorées cette année, mais des fragilités subsistent. Bon nombre de ces économies ont connu des tensions financières en 2018, du fait de la normalisation de la politique monétaire aux États-Unis et de facteurs intérieurs leur étant propres. Après que les grandes banques centrales des économies avancées ont annoncé une pause dans le retour à la normale de leur politique monétaire, les tensions se sont apaisées dans de nombreuses économies de marché émergentes, dont les monnaies ont pu rattraper une partie des pertes qu’elles avaient enregistrées en 2018 vis-à-vis du dollar des États-Unis et où des signes indiquent qu’elles attirent plus capitaux (Graphique 1.20). En dépit de ces diverses embellies, ces économies demeurent vulnérables à une perte généralisée d’appétence des investisseurs pour le risque sur fond de tensions commerciales et d’une croissance économique mondiale morose. Les vulnérabilités sont attribuables à divers déséquilibres qui tiennent à des déficits de balance courante, à une dette libellée en devises et à une augmentation rapide de la dette des sociétés non financières9.
Les tensions financières se sont intensifiées en Turquie et en Argentine avec, en toile de fond, des incertitudes politiques croissantes et des déséquilibres macroéconomiques persistants. En Turquie, les rendements obligataires et les contrats d’échange sur risque de défaillance (CDS) ont considérablement augmenté depuis le début de 2019 et le taux de change s’est à nouveau affaibli. L’importance des besoins de financement extérieur du pays et la diminution de ses réserves de change nettes constitueraient un risque majeur dans l’éventualité d’une nouvelle dépréciation de la monnaie nationale10. Les risques demeurent également élevés en Argentine, où le taux directeur a nettement augmenté alors que le cadre de politique monétaire consistant à maintenir la stabilité de la base monétaire a été prolongé pour soutenir le peso qui avait atteint un niveau historiquement bas par rapport au dollar des États-Unis, et pour faire baisser l’inflation.
Considérations relevant de l’action publique
Les responsables de l'action publique doivent prendre des mesures pour soutenir suffisamment la demande, empêcher la concrétisation des risques à la baisse, renforcer la résilience et améliorer les perspectives de croissance à moyen terme. La faiblesse de l'activité prévue à court terme dans la zone euro justifie l'adoption immédiate d'initiatives conjuguées de la part des dirigeants de ses États membres pour y faire face. Dans l'hypothèse où le ralentissement de la croissance mondiale serait encore plus marqué que prévu, des mesures coordonnées prises au niveau national et international représenteraient la façon la plus efficace de contrebalancer une telle évolution. Se préparer dès à présent à une telle éventualité en planifiant des mesures supplémentaires propices à la croissance pouvant être mises en œuvre rapidement renforcerait l'efficacité de l’action des pouvoirs publics.
Considérations de politique monétaire
Dans les principales économies avancées, compte tenu de la montée de l'incertitude, de la faiblesse de l'inflation et de la dégradation des perspectives de croissance, les autorités monétaires ont soit suspendu la normalisation de leur politique, soit modestement accentué leurs efforts de relance, sachant que l'orientation de la politique monétaire reste très accommodante (Graphique 1.21) :
Aux États-Unis, les perspectives économiques plus incertaines, normalisation de la politique monétaire déjà bien avancée, conjugués aux incertitudes relatives au niveau des taux d'intérêt d'équilibre à long terme, justifient la décision de la Réserve fédérale de marquer une pause en matière de relèvement des taux d'intérêt. Si les risques à la baisse se matérialisent et si l'activité économique et l'inflation ralentissent davantage qu'on ne l'anticipe aujourd'hui, l'orientation de la politique monétaire pourrait être assouplie. À l'inverse, si la croissance économique et l'inflation se révèlent finalement plus fortes que prévu et si les risques à la baisse se dissipent, de nouvelles hausses des taux d'intérêt seraient nécessaires. La Réserve fédérale a également décidé de ralentir le rythme auquel elle réduit son portefeuille de titres du Trésor entre mai et septembre, puis de le maintenir au même niveau en réinvestissant les fonds correspondant à tous les titres arrivant à échéance11. Par conséquent, la mise en œuvre de la politique monétaire se poursuivra avec d'amples réserves excédentaires (suivant le « système de plancher »).
Dans la zone euro, la Banque centrale européenne (BCE) a renforcé ses indications prospectives concernant les taux d'intérêt directeurs et annoncé qu'elle prévoyait qu'ils resteraient à leurs niveaux actuels au moins jusqu'à la fin de 2019 (alors qu'elle mentionnait précédemment l'été 2019). Après avoir mis un terme à ses achats nets d'actifs en décembre 2018, la BCE s'est engagée à réinvestir les remboursements au titre du principal des titres arrivant à échéance pendant une période prolongée après la date à laquelle elle commencerait à relever ses taux d'intérêt directeurs. Les autorités monétaires ont aussi annoncé de nouvelles opérations de refinancement à plus long terme ciblées (TLTRO), devant être lancées en septembre, destinées à remplacer un dispositif similaire sur le point d'arriver à expiration, dans la mesure où un financement sur les marchés de capitaux pourrait s'avérer trop coûteux pour certaines banques.
La Banque du Japon a maintenu son taux directeur négatif, a continué de procéder à des acquisitions d'actifs afin de fixer le rendement des obligations d'État à 10 ans à un niveau proche de zéro, et a renforcé ses indications prospectives en annonçant son intention de maintenir les taux d'intérêt à un niveau bas pendant une période prolongée, au moins jusqu'aux alentours du printemps 2020. La Banque du Japon a également élargi la portée des dispositifs spéciaux de financement destinés aux banques.
Dans la zone euro, on pourrait améliorer l'efficacité de la transmission de la politique monétaire en renforçant la rentabilité et le bilan des banques. À cet égard, les organismes de surveillance et les autorités nationales devraient redoubler d'efforts pour accélérer les cessions de créances douteuses ou litigieuses, dans la mesure où leur niveau demeure élevé dans certaines banques. Ils devraient également encourager les banques à remédier aux problèmes structurels de longue date que constituent leur faible efficience économique, la diversification limitée de leurs recettes et les surcapacités bancaires (BCE, 2018).Il faudrait également continuer d'évaluer les effets secondaires potentiels d'une politique prolongée de relance monétaire sur la rentabilité du secteur bancaire, compte tenu de l'aplatissement des courbes des rendements et des taux d'intérêt négatifs appliqués aux dépôts des banques auprès de la BCE, et étudier les mesures pouvant être prises en vue d'atténuer ces effets.
La mise en œuvre prolongée d'une politique de relance monétaire est certes justifiée pour ramener l'inflation au niveau de l'objectif visé, mais elle peut avoir des effets secondaires indésirables, tels qu'un gonflement des prix des actifs et un endettement élevé. Cela peut compliquer à terme la normalisation de la politique monétaire, dans la mesure où cela peut révéler des excès et susciter des préoccupations concernant la stabilité financière. Pour réduire au minimum ces effets secondaires, il faudrait utiliser activement les dispositifs de surveillance macroprudentielle, même si leur efficacité peut soulever des doutes (Encadré 1.3) et leur mise en œuvre ainsi que leur calibrage peuvent s'avérer délicats. Leur efficacité passe par une surveillance micro- et macroprudentielle efficace et, le cas échéant, une coopération réussie entre les différents organismes de régulation concernés.
Encadré 1.3. Utilisation et efficacité des dispositifs macroprudentiels
Les instruments de politique macroprudentielle sont utilisés dans de nombreuses économies depuis la crise financière mondiale pour renforcer la résilience du système financier en cas de choc et remédier aux facteurs de vulnérabilité qui apparaissent. Ces instruments complètent la surveillance et les mesures microprudentielles destinées à garantir la solidité de chaque établissement, ce qui constitue un préalable pour la solidité du système financier. Dans l'environnement de faiblesse prolongée de l'inflation et des taux d'intérêt directeurs qui a caractérisé la dernière décennie, les instruments de politique macroprudentielle ont aussi été employés pour atténuer les effets secondaires négatifs d'une politique monétaire accommodante visant à rapprocher l'inflation de l'objectif retenu.
Mesures macroprudentielles actuelles
Les dispositifs macroprudentiels peuvent s'appliquer au prêteur ou à l'emprunteur. S'agissant des prêteurs, ils prennent généralement la forme de volants de fonds propres supplémentaires imposés aux banques (tels qu'un volant de conservation des fonds propres, un volant de fonds propres contracyclique ou des coefficients de pondération des risques plus élevés pour des expositions spécifiques) parallèlement à la mise en place du cadre de Bâle III. Les instruments de politique macroprudentielle relatifs aux emprunteurs les plus fréquemment utilisés sont les limites concernant la quotité de financement (ratio prêt/valeur du bien), le ratio dette/revenu et le ratio service de la dette/revenu. Ils s'appliquent essentiellement aux prêts hypothécaires accordés par les banques, dans la mesure où le secteur immobilier est une cible importante de la politique macroprudentielle, étant donné les effets déstabilisants qu'a pu avoir par le passé un crédit au logement excessif dans de nombreux pays (Cournède et al., 2019).
À ce jour, des instruments de politique macroprudentielle relatifs aux prêteurs ont été adoptés dans divers pays, tant dans les économies avancées que dans les économies de marché émergentes, parallèlement à la mise en place du cadre de Bâle III. Certains signes indiquant que le cycle financier arrive à maturité, plusieurs pays, en majorité européens, ont déjà activé les volants de fonds propres contracycliques et, dans nombre d’entre eux, ces volants doivent être augmentés (Tableau 1.2)1. En France, ce volant sera mis en place en juillet 2019 puis porté à 0.5 % des actifs pondérés en fonction des risques en avril 2020, compte tenu de la forte augmentation de l'endettement des sociétés non financières et des ménages. Bien que ces volants de fonds propres soient de plus en plus utilisés, ils ne sont pas appliqués dans nombre de grandes économies, notamment aux États-Unis, en Chine, au Japon et en Allemagne.
Tableau 1.2. Utilisation des volants de fonds propres contracycliques
Pays |
Niveau actuel |
Niveau futur annoncé |
Motif du changement de niveau du volant de fonds propres contracyclique |
---|---|---|---|
Bulgarie |
0 % |
0.5 % à compter du 01/10/2019 0.75 % à compter du 01/01/2020 |
Forte croissance du crédit, en particulier pour les ménages |
République tchèque |
1.25 % |
1.5 % à compter du 01/07/2019 1.75 % à compter du 01/01/2020 |
Croissance dynamique du crédit sur fond de conditions financières porteuses |
Danemark |
1 % |
1.5 % à compter du 01/01/2020 2 % à compter du 30/06/2020 |
Le cycle économique est entré dans une phase ascendante, et les conditions financières sont accommodantes |
France |
0 % |
0.25 % à compter du 01/07/2019 0.5 % à compter du 02/04/2020 |
Forte augmentation de l'endettement des sociétés non financières et des ménages |
Hong Kong |
2.5 % |
- |
Forte croissance du crédit et prix élevés des logements |
Islande |
1.25 % |
1.75 % à compter du 15/05/2019 2 % à compter du 01/02/2020 |
Hausse rapide de l'endettement des ménages et des prix des logements |
Irlande |
0 % |
1 % à compter du 05/07/2019 |
Forte augmentation du crédit hypothécaire |
Lituanie |
0.5 % |
1 % à compter du 30/06/2019 |
Forte croissance du crédit, vigueur de la sphère réelle de l'économie et rentabilité élevée des banques |
Luxembourg |
0 % |
0.25 % à compter du 01/01/2020 |
n.d. |
Norvège |
2 % |
2.5 % à compter du 31/12/2019 |
Forte augmentation des prix des logements et hausse persistante de l'endettement des ménages |
République slovaque |
1.25 % |
1.5 % à compter du 01/08/2019 |
n.d. |
Suède |
2 % |
2.5 % à compter du 19/09/2019 |
Forte augmentation de l'endettement des sociétés non financières et des ménages |
Royaume-Uni |
1 % |
- |
Le niveau du volant de fonds propres contracyclique est fixé à 1 % dans un contexte de risque normal |
Note : Le niveau des volants de fonds propres contracycliques est définit en pourcentage des actifs pondérés en fonction des risques.
Source : Autorités nationales ; Comité européen du risque systémique (CERS) ; et Conseil de stabilité financière (CSF).
S'agissant des instruments de politique macroprudentielle relatifs aux emprunteurs, les limites de quotité de financement sont les plus largement employés (Graphique 1.22), en particulier dans les pays caractérisés par une croissance rapide du crédit hypothécaire et des prix des logements (Cournède et al., 2019). Ces limites de quotité de financement sont utiles, dans la mesure où le plafond peut être ajusté aux différents types d'emprunteurs, tels que les primo-accédants à la propriété, les acquéreurs d'un second logement et les investisseurs2. La plupart des pays ayant recours à des limites de quotité de financement les associent à des limites portant sur le ratio prêt/revenu ou sur le ratio dette/revenu (ou le ratio de service de la dette, ou le ratio service de la dette/revenu), et dans quatre cas cités dans le Graphique 1.22, les trois limites sont utilisées. Néanmoins, plusieurs grandes économies n'appliquent aucune disposition réglementaire contraignante relative aux emprunteurs, mais dans certaines d'entre elles, comme aux États-Unis, les autorités de régulation diffusent des orientations prudentielles.
Efficacité de la politique macroprudentielle
Les données empiriques disponibles sur l'efficacité de la politique macroprudentielle demeurent limitées et approximatives. Cela tient en partie au fait que ces mesures ne sont utilisées que depuis peu. La plupart d’entre elles ont été adoptées à la suite de la dernière crise financière mondiale, et n'ont pas été éprouvées sur toute la durée d'un cycle financier. Toutefois, selon certains travaux, des dispositifs macroprudentiels plus stricts vont de pair avec une croissance du crédit bancaire et une hausse des prix des logements plus faibles (Akinci et Olmstead-Rumsey, 2018). Les mesures destinées à limiter le renchérissement de l'immobilier d'habitation sont plus efficaces dans les pays où le financement bancaire est important (Akinci et Olmstead-Rumsey, 2018), mais elles semblent moins efficaces dans les économies plus développées et ouvertes, étant donné que leur application s'accompagne d'un accroissement des emprunts transnationaux (Cerutti et al., 2017). Les mesures macroprudentielles, en particulier le plafonnement des quotités de financement, semblent être plus efficaces en phase d'expansion qu'en période de récession (Cerutti et al., 2017 ; Richter et al., 2018).
1. En Suisse, des exigences supplémentaires de fonds propres s'appliquent aux crédits hypothécaires.
2. Ainsi, en Nouvelle-Zélande, la limite concernant la quotité de financement est plus stricte pour les investisseurs (70 %) que pour les propriétaires occupants (80 %). Au Canada, les emprunteurs contractant un nouvel emprunt hypothécaire dans certaines zones géographiques où les prix des logements sont en augmentation rapide doivent satisfaire des conditions plus strictes en matière de quotité de financement.
Considérations de politique budgétaire et de politique budgétaire structurelle
Dans la majorité des économies de l'OCDE, l'orientation de la politique budgétaire devrait être légèrement assouplie en 2019-20, l'assouplissement médian effectué au cours de ces deux années représentant au total approximativement 0.3 point de PIB potentiel (Graphique 1.23, partie A)12. Dans certains pays, cela tient à une réaction appropriée au fléchissement de la croissance économique. Dans la zone euro, des actions conjuguées, comportant de nouveaux efforts de réforme et des mesures de soutien budgétaire lorsqu’une marge de manœuvre existe, s'impose (voir ci-après). Les soldes budgétaires devraient se dégrader en 2019‑20 dans quasiment la moitié des pays de l'OCDE, malgré la baisse toujours sensible des charges d'intérêts nettes et en dépit d’une amélioration conjoncturelle des soldes primaires dans quelques cas (Graphique 1.23, partie B). Néanmoins, la plupart des pays devraient voir leur dette brute diminuer en proportion de leur PIB, grâce à la croissance de ce dernier en termes nominaux, à l'exception notable des États‑Unis. Cela dit, dans plusieurs pays, la dette publique et le déficit budgétaire demeureront élevés (Graphique 1.23, partie C).
L'orientation adéquate de la politique budgétaire dépend des besoins et des contraintes en matière d'action publique, et diffère donc suivant les pays et les zones. Si les risques à la baisse qui pèsent sur l'économie mondiale devaient se matérialiser, une coordination des politiques budgétaires serait nécessaire de manière plus générale pour limiter le fléchissement de l'activité. Comme indiqué ci-après, il est possible dans certaines économies d'assouplir la politique budgétaire sans compromettre la viabilité de la dette.
Évaluer l'assouplissement budgétaire nécessaire dans une optique de stabilisation économique est une entreprise intrinsèquement difficile, compte tenu des incertitudes qui entourent les estimations en temps réel de la situation d'une économie dans le cycle. En général, une relance budgétaire est souhaitable dans les pays où le PIB est inférieur à la production potentielle estimée et le taux de chômage supérieur à son niveau d'équilibre estimé, en particulier si les possibilités d'accentuer l'orientation expansionniste de la politique monétaire sont limitées. Tel est toujours le cas dans de nombreux pays européens. Néanmoins, les estimations des capacités disponibles sont entourées d'une incertitude considérable et peuvent faire l'objet de révisions significatives, en particulier aux alentours des principaux points de retournement du cycle. Même si les capacités disponibles sont limitées, des mesures budgétaires complémentaires pourraient être de mise si l'inflation demeure faible, la croissance effective peu dynamique et s’il existe d'importants besoins de nouvelles infrastructures, ce qui est aujourd'hui le cas pour quelques pays de la zone euro. Une orientation expansionniste de la politique budgétaire dans certains pays pourrait aussi contribuer à remédier aux déséquilibres externes, l'assouplissement budgétaire compensant les amples excédents financiers du secteur privé et contribuant du même coup à réduire les importants excédents des paiements courants13.
Dans de nombreux pays de la zone euro et dans d'autres économies avancées, les marges de manœuvre budgétaires se sont accrues grâce à la période prolongée de politique monétaire expansionniste. Malgré l'augmentation des ratios dette/PIB, les charges d'intérêts des administrations publiques ont diminué en proportion du produit intérieur brut entre 2010 et 2018 dans de nombreux pays de l'OCDE (Graphique 1.24). Cela tenait à la fois à la diminution des taux d'intérêt de marché et aux transferts de bénéfices des banques centrales, qui ont été gonflés par les intérêts perçus au titre des obligations d'État qu'elles ont acquises, et à la croissance du PIB nominal. Ensemble, des politiques macroéconomiques et structurelles pourraient soutenir davantage les finances publiques, en permettant d'obtenir un PIB nominal plus élevé, en particulier si la normalisation de la politique monétaire devait être reportée (Graphique 1.25). Dans ce contexte, la mise en œuvre de réformes structurelles propices à la croissance pourrait contribuer à une telle évolution favorable, même si la dette publique demeurerait élevée dans certains pays sur le long terme14.
Plusieurs pays de l'OCDE semblent être en mesure d'assouplir leur politique budgétaire sans compromettre la viabilité de leur dette. Un indicateur de référence communément utilisé pour évaluer la viabilité de la dette est la différence entre le taux d'intérêt effectif sur la dette (nette) et le taux de croissance du PIB nominal (qualifié de « r-g »). Si cette différence est négative, comme c'est actuellement le cas et comme cela devrait le rester pour la majorité des pays de l'OCDE (Graphique 1.26), la dette finira par se stabiliser au fil du temps. Néanmoins, selon la trajectoire du solde primaire, cela peut se traduire par une augmentation de la dette en proportion du PIB, ce qui peut ne pas être souhaitable. Suivant une autre approche, on pourrait estimer la marge d'assouplissement de la politique budgétaire en calculant le solde primaire nécessaire pour stabiliser la dette en proportion du PIB à un niveau donné. Néanmoins, ce ne sont pas les seuls indicateurs pouvant être utilisés pour évaluer la viabilité de la dette publique, et d'autres aspects, tels que le niveau des impôts, de la croissance potentielle et des engagements futurs liés au vieillissement démographique et aux soins de santé, devraient également être pris en compte.
Dans ce contexte, les pays ayant un solde primaire supérieur au niveau nécessaire pour stabiliser leur ratio d'endettement à un niveau atteint récemment, et une dette publique relativement modeste, peuvent s'engager sur la voie de l'assouplissement budgétaire tout en enregistrant une diminution progressive de leur dette brute en proportion du PIB à court terme (Graphique 1.27)15. Tel est le cas de plusieurs pays européens, notamment de l'Allemagne, des Pays-Bas, de la Suède et de la Suisse. Aux Pays-Bas et en Allemagne, où la différence entre le solde effectif et le solde permettant de stabiliser la dette est particulièrement ample, il n'est pas nécessaire que la relance budgétaire utilise toutes les marges de manœuvre disponibles pour éviter que la politique budgétaire ait une orientation excessivement pro-cyclique et pour garantir une baisse régulière de la dette. D'autres pays européens, tels que la Belgique, l'Espagne et le Royaume-Uni, pourraient aussi réduire leur solde budgétaire sans accroître leur dette. Néanmoins, le niveau relativement élevé de leur dette publique exige que les autorités fassent preuve de prudence vis-à-vis des mesures de relance budgétaire.
En revanche, dans certains pays comme les États-Unis, la France et le Japon, le solde primaire courant contribue à l’accroissement d'une dette publique volumineuse, et en Italie, à son maintien, de sorte que des mesures supplémentaires de relance budgétaire risquent de saper la viabilité future de la dette. Dans ces pays, les autorités pourraient encore soutenir l'activité économique en modifiant la structure des dépenses et des impôts de manière à privilégier les éléments les plus propices à la croissance économique. Ainsi, une politique budgétaire neutre pourrait accroître les dépenses consacrées à des facteurs favorisant la croissance – tels que l'éducation et les investissements publics dans les secteurs de la santé et de la recherche-développement (R-D) – tout en réduisant les dépenses qui freinent la croissance – comme les subventions sectorielles qui restreignent le jeu de la concurrence et nuisent à une répartition efficace des ressources (OCDE, 2016a).
Les taux de croissance modestes actuellement relevés dans la zone euro et les possibilités limitées d'accentuation substantielle des efforts de relance monétaire soulignent l'importance du rôle que des efforts conjugués en matière de politique structurelle et budgétaire pourraient jouer en termes de renforcement de la croissance. De fait, un assouplissement supplémentaire de la politique budgétaire judicieusement ciblé est aujourd'hui nécessaire dans les pays de la zone euro qui disposent de marges de manœuvre budgétaires. Un tel assouplissement contribuerait à une matérialisation plus rapide des fruits des réformes structurelles, apporterait à court terme un soutien supplémentaire à la demande et, partant, permettrait à la politique monétaire de conserver plus longtemps une orientation accommodante et, in fine, déboucherait sur une production plus importante à court et moyen terme (Encadré 1.4).
Encadré 1.4. Il est nécessaire de conjuguer les réformes dans la zone euro pour améliorer les perspectives de croissance
Dans la zone euro, la croissance a ralenti de manière très sensible au cours de l’année écoulée et devrait rester décevante pendant le reste de 2019 et en 2020. Cela s’ajoute aux difficultés auxquelles sont confrontées les responsables de l'action publique face à la faiblesse du taux de croissance de la production potentielle, qui est actuellement estimé aux alentours de 1 ¼ pour cent par an. La morosité des perspectives à moyen terme, amplifiée par la faiblesse de la demande à court terme et la dégradation de la confiance des entreprises exercent un effet dissuasif en matière d'investissement, accentuant le risque que le ralentissement actuel de l'activité économique dans la zone euro perdure et que les anticipations actuelles d'une croissance faible à moyen terme deviennent autoréalisatrices. Les pouvoirs publics doivent donc prendre de nouvelles mesures pour améliorer les perspectives de croissance de l'ensemble de la zone à moyen terme et renforcer la demande à court terme dans la zone euro.
Une action de tous les pays, s’articulant autour de nouveaux efforts de réforme structurelle complétés par un soutien budgétaire ciblé dans les cas où une marge de manœuvre le permet, et conjugué au maintien de taux d'intérêt bas, offre les meilleures chances de redressement de la croissance et d'amélioration des niveaux de vie au fil du temps. Une combinaison judicieusement conçue de mesures structurelles et budgétaires propres à chaque pays, accompagnée d'une politique monétaire maintenant les taux d'intérêt à un bas niveau pendant une période prolongée, peut accroître les avantages retirés de chacune de ces mesures et atténuer les effets secondaires à court terme induits par ailleurs, au bénéfice de la zone euro dans son ensemble. Des politiques macroéconomiques propres à accompagner l’activité peuvent contribuer à avancer les effets des réformes structurelles, particulièrement en période de faible croissance, sachant que les réformes produisent généralement plus rapidement leurs effets dans un environnement économique plus favorable (Bouis et al., 2012 ; OCDE, 2016b).
De nouvelles réformes structurelles sont nécessaires dans tous les États membres pour améliorer les niveaux de vie et la productivité à moyen terme. Ainsi, une poursuite de la libéralisation des marchés de produits, en particulier dans le secteur des services, contribuerait à améliorer la diffusion des nouvelles idées et technologies entre les entreprises et entre les pays, et renforcerait la croissance de la productivité totale des facteurs (PTF). Une accentuation des pressions concurrentielles inciterait également les entreprises à accroître leur stock de capital ainsi qu'à améliorer sa qualité et à innover, ce qui contribuerait à redynamiser la croissance. Il faut cependant du temps pour que de telles réformes produisent pleinement leurs effets.
Dans les pays de la zone euro disposant de marges de manœuvre budgétaires, des mesures temporaires et bien ciblées de relance budgétaire complémentaire faciliteraient l’amélioration nécessaire des perspectives de croissance à moyen terme, et permettraient clairement de compenser l'insuffisance actuelle de la demande. Elles auraient en outre des effets d'entraînement positifs à court terme sur la production dans les autres pays de la zone euro, en particulier si les taux d’intérêt restent bas. De nouvelles mesures budgétaires axées sur l'investissement, notamment dans les infrastructures numériques, et des initiatives de soutien prises en faveur des ménages à faible revenu et des travailleurs ayant perdu leur emploi pourraient contribuer à accélérer la concrétisation de certains des avantages attendus des réformes à moyen terme et à étayer la confiance. Parallèlement, les entreprises seraient incitées à dépenser, compte tenu de l'accentuation des pressions de la demande globale et de l'amélioration des infrastructures, et un soutien serait apporté aux travailleurs et aux ménages affectés par les suppressions d'emplois provoquées par l'accentuation des pressions concurrentielles sur les entreprises les moins efficientes.
D’autres États membres ne disposant actuellement que de marges de manœuvre budgétaires limitées devraient s'abstenir de prendre des mesures de relance supplémentaires qui pourraient faire augmenter les primes de risque souverain. En revanche, ils devraient aussi s’employer à concevoir des mesures budgétairement neutres susceptibles de fortifier la croissance et de la rendre plus inclusive.
Des mesures complémentaires limitées de politique monétaire, prises par la Banque centrale européenne (BCE), pourraient aussi apporter un soutien modeste à la demande à court terme, si nécessaire, mais elles ne pourraient guère compenser la faiblesse des perspectives de croissance à moyen terme. Le maintien des taux d'intérêt à un bas niveau pendant une période prolongée peut néanmoins produire des effets synergiques importants lorsque sont adoptées des mesures budgétaires et structurelles. En particulier, la reconnaissance par la BCE, dans ses indications prospectives, des effets positifs sur la production qu'auraient probablement à moyen terme de nouvelles réformes structurelles judicieusement ciblées, peut contribuer à préserver la faiblesse des taux d'intérêt à long terme et, partant, permettre un renforcement plus rapide de l'investissement privé.
Des scénarios illustratifs fondés sur le modèle économétrique mondial de l'Institut national de recherche économique et sociale du Royaume-Uni (NiGEM, National Institute's Global Econometric Model), mettent en évidence les bénéfices pouvant être tirés d'une action conjuguée entre les pays de la zone euro et entre différents domaines de l'action publique. Les initiatives envisagées sont les suivantes :
Des réformes structurelles améliorant la productivité sont engagées dans toutes les économies de la zone euro. On présume que les mesures prises à ce titre se traduisent par une hausse du taux de croissance de la PTF de 0.2 point de pourcentage par an pendant cinq ans, à partir de 2019, et que cette hausse de 1 % du niveau de la PTF s'inscrit ensuite dans la durée. Cela compense en partie le ralentissement de la croissance de la PTF observé depuis la crise. Dans la zone euro considérée dans son ensemble, d'après les estimations de l'OCDE, la contribution annuelle moyenne de la PTF à la croissance de la production potentielle entre 2007 et 2017 s'est établie environ 0.2 point de pourcentage en deçà de son niveau au cours de la décennie ayant précédé la crise, à 0.3 point de pourcentage1.
Une augmentation de l'investissement public financée par endettement sur trois ans représentant 0.5 point de PIB par an en Allemagne et aux Pays-Bas, deux des pays de la zone euro disposant de marges de manœuvre budgétaires (voir le corps du texte). Dans ces deux économies, les excédents budgétaires et des paiements courants laissent entrevoir un excédent d'épargne par rapport à l'investissement. La formation nette de capital fixe des administrations publiques (investissement brut moins consommation de capital) est depuis quelque temps déjà proche de zéro en Allemagne, et a ralenti aux Pays‑Bas pour s’établir aux alentours de ⅓ pour cent du PIB par an depuis 2013, contre 0.9% du PIB par an en moyenne au cours de la décennie précédente. Aucune mesure budgétaire n'est mise en œuvre dans les autres économies de la zone euro, notamment en Espagne, en France et en Italie. Un certain nombre de petites économies de la zone euro pourraient également disposer des marges de manœuvre nécessaires pour prendre de nouvelles mesures budgétaires, ce qui accentuerait l'effet de cette relance à l'échelle de l'ensemble de la zone.
Il est supposé que les autorités monétaires définissent l'orientation de leur politique en tenant compte des effets positifs à long terme induits sur l'offre par un renforcement des réformes structurelles. Concrètement, cela signifie que les indications prospectives sont utilisées pour favoriser un maintien prolongé des taux d'intérêt à un bas niveau, sachant qu'il est admis que les tensions inflationnistes à l'échelle de l'ensemble de la zone seront un peu plus faibles à moyen terme quel que soit le niveau de la demande2.
Le fait d’engager une conjonction de mesures permet de faire ressortir l'effet à moyen terme des réformes structurelles plus rapidement. Dans la zone euro, le taux de croissance du PIB s’en trouverait relevé de l'ordre de ¼ point de pourcentage la première année et de 0.2 point de pourcentage la deuxième année ; à plus long terme, cela se traduirait par une hausse du niveau du PIB de 1 % environ (Graphique 1.27). L'effet du renforcement des réformes structurelles ne se fera pleinement sentir qu’au fil du temps et continuera de s’imposer alors même que l’influence directe des mesures de relance budgétaire ira en s’amenuisant. Dans cette hypothèse :
L'investissement des entreprises enregistre une augmentation relativement rapide, de l'ordre de 1 % la première année dans les économies mettant en œuvre une politique de relance budgétaire et de 0.8 % dans la zone euro considérée dans son ensemble, grâce aux anticipations d'une hausse de la production future et d'une légère diminution des taux d'intérêt à long terme, et le stock de capital continue de s'accumuler au fil du temps.
Une action coordonnée bénéficie également aux travailleurs. Les salaires augmentent aussi progressivement avec le temps en termes nominaux et réels, à mesure qu'ils s'ajustent à la hausse de la productivité du travail. Cela contribue ensuite à renforcer les dépenses de consommation.
Il en résulte des effets d'entraînement modestes, mais positifs sur d'autres économies, notamment sur les proches partenaires commerciaux. À leur apogée, au cours de la troisième année de mise en œuvre des mesures conjuguées, le niveau des exportations en volume est rehaussé dans des proportions allant de ½ à ¾ pour cent dans les économies de l'Union européenne (UE) qui ne sont pas membres de la zone euro. À plus long terme, on observe également de petits effets positifs sur le niveau de la production dans ces économies, de l'ordre de 0.2 % en Hongrie, en Pologne et en République tchèque, et de 0.1 % environ en moyenne dans les autres pays.
L'adoption de mesures complémentaires dans différents domaines de l'action publique s'accompagne clairement de synergies. Une politique monétaire accommodante contribue à renforcer les gains de production à long terme résultant des réformes structurelles. Au bout de dix ans, l'impact des réformes sur le PIB est plus important lorsqu'elles s'accompagnent d'une politique monétaire plus expansionniste. La relance initiale découlant de l'investissement public produit un effet stimulant supplémentaire, contribuant à accélérer la concrétisation des gains de production et de salaire résultant à moyen terme des réformes structurelles. In fine, l'impact des réformes sur le PIB au bout de dix ans est presque supérieur d'un quart lorsque des mesures conjuguées sont adoptées, par rapport à un scénario de réformes engagées sans le soutien des politiques macroéconomiques.
1. Il est possible d'obtenir une augmentation de 1 % du niveau de la PTF en cinq ans de diverses manières, notamment via la mise en œuvre simultanée dans différents domaines d'un ensemble de réformes, comme cela s'impose dans de nombreux pays. Les synergies résultant d'un ensemble de réformes progressives judicieusement conçues peuvent aussi accroître les avantages tirés de chaque réforme considérée isolément. Les priorités d'action mises en avant pour chaque pays de la zone euro dans l'édition à paraître de la publication de l'OCDE Objectif croissance sont différentes, mais elles consistent fréquemment en des mesures destinées à : rationaliser les régimes d'autorisation et de permis ; améliorer la transparence de la réglementation ; réduire les obstacles à l'entrée dans les industries de réseau, les services professionnels et le commerce de détail ; et renforcer la collaboration entre les instituts de recherche, les universités et les entreprises. Des réformes mises en œuvre à l'échelle de l'UE dans son ensemble pourraient étayer de tels efforts, en particulier si de nouveaux progrès sont accomplis vers l'achèvement du marché unique. Un renforcement de l'investissement public dans les infrastructures matérielles et numériques peut aussi rehausser la production potentielle à long terme, en accroissant le stock de capital.
2. La règle de politique monétaire intégrée au NiGEM repose sur deux piliers, et évolue en fonction de la mesure dans laquelle l'inflation diverge de l'objectif retenu et le PIB nominal s'écarte du niveau (de référence) visé. Dans le cas présent, l'objectif de PIB nominal a été relevé de 1 %, compte tenu du choc positif à long terme affectant l'offre.
Dans une optique de stabilisation de l'économie à court et à moyen terme, les autorités budgétaires devraient opter pour des mesures caractérisées par des multiplicateurs élevés. Les données empiriques ne permettent cependant pas de déterminer clairement quelle sont les mesures les plus efficaces. La plupart des modèles macroéconomiques laissent à penser qu'une augmentation temporaire de l'investissement public est l'initiative qui se caractérise par le multiplicateur le plus élevé à court terme, les hausses transitoires de la consommation publique présentant des multiplicateurs un peu plus faibles, sachant que ceux des baisses d'impôts temporaires sont les plus limités (Barrell et al., 2012 ; et Cournède et al., 2013). En accroissant le stock de capital, une augmentation de l'investissement public produit également des effets à long terme (OCDE, 2016a). Néanmoins, une récente synthèse des travaux empiriques des dix dernières années tend à indiquer que les mesures temporaires de relance budgétaire fondées sur la fiscalité et financées par endettement peuvent être plus efficaces que les mesures de soutien de l'activité fondées sur la consommation publique, même si l'intensité relative des effets produits dépend de la méthode retenue (Ramey, 2019). En tout état de cause, compte tenu de la faiblesse persistante des taux d'intérêt dans de nombreuses économies de l'OCDE, il est possible que les multiplicateurs budgétaires soient actuellement plus élevés qu’ils ne l’auraient été autrement et que le risque d'effets d'éviction induits par les dépenses publiques soit réduit, surtout si la relance budgétaire devait faire baisser les taux d'intérêt réels, au moins pendant un temps, en tirant vers le haut les anticipations d'inflation (Christiano et al., 2011 ; Coenen et al., 2012 ; Farhi et Werning, 2016 ; Miyamoto et al., 2018 ; Ramey et Zubairy, 2018).
Impératifs de politique macroéconomique dans les économies de marché émergentes.
Bien que les tensions financières se soient atténuées dans la plupart des économies de marché émergentes, des facteurs de vulnérabilité sous-jacents perdurent et l'atonie des échanges mondiaux, les risques pesant sur la stabilité financière et de sérieux problèmes d'ajustement découlant de tensions antérieures sur les marchés de capitaux continuent d'entraver la croissance dans de nombreux pays. Les impératifs de politique macroéconomique diffèrent suivant la situation de chaque économie.
En Chine, tant la politique budgétaire (y compris sur le plan quasi-budgétaire) que la politique monétaire ont été assouplies, de façon appropriée au regard de la faiblesse de la demande, et les autorités peuvent encore prendre des mesures complémentaires si la vigueur sous-jacente de l'économie est moindre qu'on ne l'anticipait, ou si les instruments d'action employés se révèlent moins efficaces que par le passé. Néanmoins, il faut que les dispositions adoptées soient ciblées avec soin afin d'éviter d'accroître l'endettement des entreprises non financières, déjà élevé, et d'aggraver les problèmes de désendettement à moyen terme.
D'autres économies de marché émergentes, telles que l'Inde et le Mexique, caractérisées par un régime de change flexible et un niveau d'exposition gérable aux dettes libellée en devises, disposent également de marges de manœuvre pour assouplir la politique monétaire tant que l’inflation diminue, tout en saisissant l'occasion d'améliorer leur situation budgétaire si nécessaire.
Un resserrement de la politique macroéconomique demeure nécessaire dans les économies de marché émergentes, comme l'Argentine et la Turquie, où subsistent des préoccupations concernant la viabilité de la situation budgétaire ou de la position extérieure, ou la santé du secteur bancaire, pour préserver la confiance des investisseurs. Les taux d'intérêt nominaux peuvent diminuer parallèlement à la modération de l'inflation, dont les taux sont aujourd'hui élevés, mais les possibilités de réduction sensible des taux d'intérêt réels sont limitées. La priorité dans ces économies est d'engager des réformes améliorant les perspectives de viabilité budgétaire et financière à moyen terme.
De nombreuses économies de marché émergentes, notamment la Chine, l'Inde, la Russie et la Turquie, bénéficieraient d'une plus grande transparence sur le plan budgétaire, qui pourrait contribuer à réduire les primes de risque qui leur sont appliquées sur les marchés de capitaux mondiaux. Elles ne publient pas d'estimations du solde budgétaire ni de la dette des administrations publiques suivant les normes comptables internationales, ce qui rend difficile une évaluation objective des finances publiques de l'ensemble du secteur des administrations publiques, collectivités locales comprises. En outre, dans nombre de ces économies, les mesures quasi-budgétaires, liées à des banques et des entreprises publiques et impliquant divers éléments de passif éventuel, sont plus courantes que dans les économies avancées. Il serait bon que les autorités rendent compte de ces mesures, dans la mesure où cela permettrait une meilleure évaluation des risques budgétaires auxquels sont confrontés ces pays.
Les autorités doivent revoir leurs ambitions à la hausse en matière de politiques structurelles dans tous les pays
Les perspectives d'amélioration forte et durable des niveaux de vie et des revenus à moyen terme demeurent moins bonnes qu'avant la crise dans toutes les économies. Comme le montre l'édition à paraître de la publication de l'OCDE Objectif croissance, les efforts de réforme structurelle se sont stabilisés tant dans les économies avancées que dans les économies de marché émergentes ces dernières années, mais à un niveau inférieur à celui observé à la suite de la crise (Graphique 1.28). Des réformes plus ambitieuses mises en œuvre tant dans les économies avancées que dans les économies de marché émergentes contribueraient à améliorer les niveaux de vie, ainsi que les perspectives d'évolution de l'investissement et de la productivité à moyen terme, et permettraient une plus large distribution des fruits de la croissance. De nouvelles initiatives des pouvoirs publics destinées à réduire les coûts injustifiés découlant des mesures non tarifaires ou les obstacles aux échanges internationaux de services seraient également bénéfiques pour l'ensemble des économies et des consommateurs.
Des réformes plus vigoureuses sont nécessaires pour favoriser le dynamisme des entreprises et la diffusion des connaissances, et renforcer les capacités d'innovation. Il est également essentiel que soient prises des mesures complémentaires en vue de restaurer la confiance à l'égard des pouvoirs publics et de promouvoir l'égalité des chances, comme le souligne l'enquête de l'OCDE intitulée « Risks that matter » (Des risques qui comptent) (OCDE, 2019c). Parmi les principales mesures à adopter, on peut citer des initiatives visant à aider les travailleurs à acquérir les nouvelles compétences nécessaires pour qu’ils puissent tirer parti de l'évolution rapide des marchés de l'emploi, comme indiqué dans la publication « Les Perspectives de l’emploi de l’OCDE 2019 » (OCDE, 2019d). Cela contribuerait à ouvrir de nouvelles perspectives aux travailleurs et régions les plus exposés à l'impact de l'intégration mondiale et aux défis apportés par la transformation numérique en cours des sociétés, ainsi que le soulignent la version actualisée de la Stratégie de l'OCDE pour l'emploi, le Cadre d'action de l'OCDE pour les politiques de croissance inclusive et le projet de l’OCDE « Vers le numérique » (OCDE, 2019e). Le renforcement de l'efficience des systèmes d'impôts et de transferts, notamment l'amélioration du ciblage des transferts, doit également faire partie intégrante de trains de mesures judicieusement conçus pour répondre aux préoccupations des citoyens concernant les services publics et les prestations sociales, en rendant le travail financièrement attrayant et en renforçant la croissance des revenus réels parmi les ménages modestes (Causa et al., 2018).
Les réformes destinées à améliorer les infrastructures numériques revêtent une importance hautement prioritaire dans certains pays pour aider les entreprises à exploiter le potentiel des vecteurs de gains de productivité que constituent l'accès à internet à haut débit, l'informatique en nuage (cloud computing) et d'autres nouvelles technologies. De fait, en Europe, environ la moitié des entreprises citent en tant qu'obstacles à l'investissement l'accès aux infrastructures numériques, ou l'insuffisance des infrastructures de transport (Graphique 1.29), sachant que ces facteurs tendent à être étroitement corrélés dans l'ensemble des pays considérés.
En outre, dans les pays de l’OCDE, la part des entreprises mentionnant l'accès aux infrastructures numériques en tant qu'obstacle à l'investissement est très négativement corrélée aux proportions d'entreprises ayant un accès à très haut débit (ou à ultra-haut débit) à internet et ayant adopté des technologies numériques telles que l'informatique en nuage (Graphique 1.30), et positivement corrélée à la proportion d'entreprises n'ayant qu'un accès à haut débit limité. Cela laisse à penser qu'il faut continuer d'investir dans les réseaux de communication pour élargir l'accès à internet à haut débit et le rendre plus abordable. Cela devrait renforcer son utilisation par les entreprises et les ménages (OCDE, 2019e) et tirer vers le haut la croissance de la productivité, comme on le verra dans le chapitre 2.
Des investissements publics ciblés pourraient avoir un rôle à jouer dans la mise en place de réseaux à très haut débit et la réduction des fractures numériques entre régions, si les initiatives du secteur privé destinées à assurer l'accès au très haut débit s'avèrent insuffisantes, notamment dans des pays comme l'Allemagne (OCDE, 2018b). Les pouvoirs publics peuvent aussi mettre en œuvre des réformes renforçant la concurrence pour favoriser l'investissement privé, en réduisant les obstacles à l'entrée sur le marché, en simplifiant les règles relatives aux droits de passage (y compris les procédures d'autorisation), en permettant le partage des infrastructures de réseau, et en garantissant une concurrence satisfaisante sur les marchés du haut débit fixe et mobile.
Références
Akinci, O. et J. Olmstead-Rumsey (2018), « How Effective Are Macroprudential Policies? An Empirical Investigation », Journal of Financial Intermediation, 33, 33-57.
Amiti, M, S.J. Redding et D. Weinstein (2019), « The Impact of the 2018 Trade War on US Prices and Welfare », NBER Working Papers, n° 25672.
Arriola, C. et al. (2018), « The Potential Macroeconomic and Sectoral Consequences of Brexit on Ireland », Documents de travail du Département des affaires économiques de l’OCDE, n° 1508, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/e930967b-en.
Bank of England (2018), Financial Stability Report, novembre, n° 44.
Banque européenne d'investissement (2018), Rapport sur l’investissement 2018/19 : Réoutiller l’économie européenne, Banque européenne d'investissement, Luxembourg.
Barrell, R., D. Holland et I. Hurst (2012), « Fiscal Consolidation: Part 2. Fiscal Multipliers and Fiscal Consolidations », Documents de travail du Département des affaires économiques de l’OCDE, n° 933, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/5k9fdf6bs78r-en.
BCE (2018), Revue de la stabilité financière, novembre, Banque centrale européenne.
Bouis, R. et al. (2012), « The Short-Term Effects of Structural Reforms: An Empirical Analysis », Documents de travail du Département des affaires économiques de l’OCDE, n° 949, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/5k9csvk4d56d-en.
Causa, O., J. Browne et A. Vindics (2018), « Income Redistribution across OECD Countries: Main Findings and Policy Implications », Documents d'orientation du Département des affaires économiques de l'OCDE, n° 23, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/3b63e61c-en.
Çelik, S. et M. Isaksson (2019), « Corporate Bond Markets in a Time of Unconventional Monetary Policy », OECD Capital Market Series, Éditions OCDE, Paris, http://www.oecd.org/corporate/Corporate-Bond-Markets-in-a-Time-of-Unconventional-Monetary-Policy.pdf.
Cerutti, E., S. Claessens et L. Laeven (2017), « The Use and Effectiveness of Macroprudential Policies: New Evidence », Journal of Financial Stability, 28, 203-224.
Christiano, L., M. Eichenbaum et S. Rebelo (2011), « When is the Government Spending Multiplier Large? », Journal of Political Economy, 119(1), 78-121.
Coenen, G. et al. (2012), « Effects of Fiscal Stimulus in Structural Models », American Economic Journal: Macroeconomics, 22-68.
Cournède, B., A. Goujard et A. Pina (2013), « Reconciling Fiscal Consolidation with Growth and Equity », OECD Journal: Economic Studies, vol. 1, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/eco_studies-2013-5jzb44vzbkhd.
Cournède, B., S. Sakha et V. Ziemann (2019), « Housing Markets and Economic Resilience », Documents de travail du Département des affaires économiques de l'OCDE, à paraître, Éditions OCDE, Paris.
Farhi, E. et I. Werning (2016), « Fiscal Multipliers: Liquidity Traps and Currency Unions », in J. B. Taylor et H. Uhlig (dir. pub.), Handbook of Macroeconomics, 2, 2417-2492.
Federal Reserve Bank of Atlanta (2019), « Tariff Worries and US Business Investment: Take Two », macroblog de la Federal Reserve Bank of Atlanta, février 2019.
Guillemette, Y. et D. Turner (2018), « The Long-View: Scenarios for the World Economy to 2060 », Documents d'orientation du Département des affaires économiques de l'OCDE, n° 22, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/b4f4e03e-en.
Haugh, D. et al. (2016), « Cardiac Arrest or Dizzy Spell: Why is World Trade So Weak and What can Policy Do about It? », Documents d'orientation du Département des affaires économiques de l'OCDE, n° 18, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/5jlr2h45q532-en.
Kierzenkowski, R. et al. (2016), « The Economic Consequences of Brexit: A Taxing Decision », Documents d'orientation du Département des affaires économiques de l'OCDE, n° 16, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/5jm0lsvdkf6k-en.
Miyamoto, W., T.L. Nguyen et D. Sergeyev (2018), « Government Spending Multipliers under the Zero Lower Bound », American Economic Journal: Macroeconomics, 10, 247-277.
OCDE (2016a), « Utiliser les leviers budgétaires pour sortir du piège de la faible croissance », chapitre 2 des Perspectives de l’emploi de l’OCDE, volume 2016, n° 2, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/eco_outlook-v2016-2-3-fr
OCDE (2016b),« Effets à court terme des réformes structurelles sur le marché du travail », chapitre 3 des Perspectives de l'emploi de l'OCDE 2016, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/empl_outlook-2016-7-fr.
OCDE (2017), « La résilience dans un contexte d'endettement élevé », chapitre 2 des Perspectives économiques de l'OCDE, volume 2017, n° 2, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/eco_outlook-v2017-2-3-fr.
OCDE (2018a), Perspectives économiques de l'OCDE, volume 2018, n° 2, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/eco_outlook-v2018-2-fr.
OCDE (2018b), Études économiques de l'OCDE : Allemagne 2018, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/eco_surveys-deu-2018-fr.
OCDE (2019a), Trade Policy and the Global Economy: Reducing Unnecessary Costs of Non-Tariff Measures, Éditions OCDE, Paris.
OCDE (2019b), Trade Policy and the Global Economy: Addressing Barriers to Services Trade, Éditions OCDE, Paris.
OCDE (2019c), « Risks That Matter: Main Findings from the 2018 OECD Risks That Matter Survey », www.oecd.org/social/risks-that-matter.htm.
OCDE (2019d), OECD Skills Outlook 2019: Thriving in a Digital World, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/df80bc12-en.
OCDE (2019e), Measuring the Digital Transformation: A Roadmap for the Future, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/9789264311992-en.
OCDE-OMC-CNUCED (2018), 20th Report on G20 Trade and Investment Measures.
Ollivaud, P. et C. Schwellnus (2015), « Does the Post-Crisis Weakness of Global Trade Solely Reflect Weak Demand? », Documents de travail du Département des affaires économiques de l’OCDE, n° 1216, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/5js1qvnff3hk-en.
Parlement européen (2019), Implementation of the Macroeconomic Imbalance Procedure: State of Play March 2019 - In-depth Analysis.
Patalano, R. D. et C. Roulet (2019), « Structural Developments in Global Financial Intermediation: The Rise of Debt and Non-Bank Credit Intermediation », Éditions OCDE, Paris.
Ramey, V. (2019), « Ten Years after the Financial Crisis: What Have We Learned from the Renaissance in Fiscal Research? », NBER Working Papers, n° 25531.
Ramey, V. et S. Zubairy (2018), « Government Spending Multipliers in Good Times and in Bad: Evidence From U.S. Historical Data », Journal of Political Economy, 126, 850-901.
Richter, B., M. Schularick et I. Shim (2018), « The Macroeconomic Effects of Macroprudential Policy », Documents de travail de la BRI, n° 740, Banque des règlements internationaux, Bâle.
Smith, D. et al. (2018), « The Potential Economic Impact of Brexit on the Netherlands », Documents de travail du Département des affaires économiques de l’OCDE, n° 1518, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/20cb5ddc-en.
Smith, D., M. Hermansen et S. Malthe-Thaggard (2019), « The Potential Economic Impact of Brexit on Denmark », Documents de travail du Département des affaires économiques de l’OCDE, n° 1544, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/41a95fb3-en.
Stock, J.H. et M. Watson (2018), « Slack and Cyclically Sensitive Inflation », communication présentée au Forum de la BCE sur les activités des banques centrales, Sintra, Portugal, 18-20 juin.
Annexe 1.A. Hypothèses de politique économique et autres hypothèses sous-tendant les prévisions
Les hypothèses concernant les paramètres des politiques budgétaires pour 2019-20 sont fondées autant que possible sur les mesures concernant la fiscalité et les dépenses qui ont été adoptées par les parlements, et concordent avec les prévisions concernant la croissance, l'inflation et les salaires. Lorsque des projets ont été annoncés par les gouvernements sans avoir été adoptés par le pouvoir législatif, il en est tenu compte s'il paraît clair qu'ils seront mis en œuvre sous une forme proche de celle qui a été annoncée. Lorsqu'on ne dispose pas d'informations suffisantes pour déterminer quels seront les résultats budgétaires, on présume que les soldes primaires sous-jacents resteront inchangés, ce qui suppose l'absence de modification discrétionnaire de l'orientation de la politique budgétaire. Pour les pays de la zone euro, les objectifs indiqués dans les Programmes de stabilité sont également pris en compte.
S'agissant de la politique monétaire, les hypothèses relatives au profil d'évolution des taux d'intérêt directeurs et aux mesures non conventionnelles correspondent au résultat le plus probable, sur la base des prévisions de l'OCDE concernant l'activité économique et l'inflation, ces prévisions pouvant être différentes de la trajectoire indiquée par les autorités monétaires
Seules sont prises en compte les réformes structurelles déjà mises en œuvre ou annoncées pour la période considérée. On suppose qu'aucune autre réforme ne sera mise en œuvre.
Les prévisions reposent sur l'hypothèse que les taux de change resteront aux niveaux observés à la date du 26 avril 2019, où le dollar des États-Unis valait 111.6 JPY, 0.88 EUR (ce qui signifie que l'euro valait 1.14 USD) et 6.70 CNY.
On suppose que le cours du baril de pétrole brut de référence Brent restera constant à 70 USD pendant toute la période considérée. On retient comme hypothèse que les prix des produits de base non pétroliers resteront également inchangés au cours de la période considérée, à leurs niveaux moyens de mars 2019.
Les prévisions relatives au Royaume‑Uni reposent sur l'hypothèse technique d'un Brexit sans heurt assorti d’une période de transition allant jusqu'à la fin de 2020, après la sortie officielle de l’Union européenne. Il est présumé que la fin de la période de transition se déroulera sans heurts, mais que l'issue définitive de l'accord sur les relations futures entre l'Union européenne et le Royaume-Uni restera incertaine jusqu'en 2020.
Aux fins de l’établissement des prévisions, on suppose que les droits de douane imposés en 2018 par les États-Unis et la Chine sur leurs échanges bilatéraux seront maintenus en 2019 et 2020, mais on pose comme hypothèse qu'aucune mesure supplémentaire ne sera prise (les mesures annoncées à la mi‑mai 2019, avec l’augmentation des droits de douane imposés par les États-Unis sur les importations en provenance de Chine et la réaction de la Chine n’ont pas été prises en compte).
Ces prévisions ont été établies à partir d’informations collectées jusqu’à la date du 15 mai 2019.
Notes
← 1. Si certaines économies ont pris cette année des mesures de facilitation des échanges, celles-ci ont été très largement contrebalancées par l’adoption de nouvelles mesures commerciales restrictives (OMC‑OCDE‑CNUCED, 2018).
← 2. Aux États-Unis, les estimations réalisées à partir d’enquêtes montre que les augmentations des droits de douane et les tensions commerciales ont sans doute eu pour effet de réduire l'investissement brut de 4.2 % dans le secteur manufacturier en 2018 (Federal Reserve Bank of Atlanta, 2019).
← 3. Par exemple, les mesures des anticipations d'inflation à long terme des marchés, obtenues à partir des contrats d'échange indexés sur l'inflation et des écarts de rendement obligataires, laissent présager une baisse de l’inflation anticipée de ¾ point de pourcentage, entre les moyennes des périodes 2008‑12 et 2013‑19.
← 4. Stock et Watson (2018) montrent que la composante cyclique de l’inflation n’est sensible à l’activité cyclique agrégée que pour certaines composantes seulement de l’inflation totale aux États-Unis et dans la zone euro. Ces composantes sont principalement des biens et services dont le mécanisme de fixation du prix peut être considéré comme étant local. De même, selon des régressions simples effectuées pour les économies du G7 à l’aide de données trimestrielles pour la période 2001‑18, le taux d’inflation annuel de seulement 30 % à 40 % des composantes de l’inflation sous‑jacente est généralement lié à des écarts de production ou de chômage à l’échelle de l’économie, sauf pour l’Italie où cette proportion varie entre 50 % et 60 %. Les biens tendent à moins réagir que les services aux écarts spécifiquement nationaux. Une analyse, à partir d’un modèle factoriel dynamique, donne les mêmes résultats. À l’exception de la France et du Japon, la proportion de biens et services présentant une corrélation significative et positive avec l’inflation tendancielle sous-jacente, telle que mesurée par le facteur non observable commun estimé, est bien inférieure à 50 %.
← 5. Selon des estimations de l’OCDE, la croissance des importations en volume de la Chine aurait ralenti pour passer d’un rythme annuel moyen de plus de 9 % en 2013-14 à un taux inférieur à 5 % en 2015‑16, la croissance des échanges mondiaux diminuant d’environ 1 point de pourcentage sur la même période.
← 6. La part des avoirs étrangers détenus par la Chine dans les portefeuilles d’engagements extérieurs et sa part dans les engagements détenus par des non-résidents dans les portefeuilles d’avoirs extérieurs détenus dans le monde sont modestes comparativement aux chiffres des pays du G7, et relativement importantes comparées à d’autres BRIICS. Toutefois, ce constat ne prend pas en compte le fait que l’économie de la Chine est nettement plus grande que l’économie des autres BRIICS. L’intégration d’actifs libellés dans la monnaie chinoise (RMB) progresse rapidement, à la faveur de l’incorporation de ces actifs dans les indices de référence des marchés obligataires mondiaux. Ainsi, des obligations chinoises libellées en RMB sont incluses progressivement dans l’indice Bloomberg Barclays Global Aggregate Index ; lorsque cette intégration sera complète, c’est-à-dire, en principe, vers la fin de 2020, ces obligations constitueront 5 ½ pour cent de l’indice (en fonction des données disponibles à la fin de janvier 2018).
← 7. Les avoirs en instruments de dette et en titres de participation chinois détenus par les économies avancées sont modestes par rapport aux instruments de dettes détenus sur d’autres économies avancées et parfois, ils ne se sont pas supérieurs aux avoirs en instruments de dette de certains autres BRIICS.
← 8. À la fin de 2018, le stock d’obligations de sociétés non financières dans les économies avancées s’établissait à plus de 10 000 millions USD, soit une hausse de près de 70 % en valeur réelle depuis 2008 (Çelik et Isaksson, 2019). Une hausse constante des émissions nettes d’obligations a été observée dans la majorité des économies avancées, y compris en Europe où le financement extérieur passe néanmoins en premier lieu par le crédit bancaire.
← 9. Les montants de titres de créance émis par les sociétés non financières dans les économies émergentes ont été multipliés quasiment par six entre 2008 et 2018 en valeur réelle, principalement sous l’impulsion de la Chine, l’encours du stock d’obligations atteignant 2 780 milliards USD à la fin de 2018(Çelik et Isaksson, 2019).
← 10. Le stock de dette étrangère à court terme libellée en devises s’établissait à 171 milliards USD en février 2019, soit 25 % environ du PIB. À la mi-mai 2019, les réserves de change nettes dont faisait état la banque centrale représentaient 26.6 milliards USD, hors engagements hors bilan au titre de contrats d’échange.
← 11. Elle avait cependant l'intention de continuer à réduire au même rythme son portefeuille de titres de dette émis par des organismes fédéraux et de titre adossés à des créances hypothécaires, une partie des remboursements de principal étant réinvestie en titres du Trésor.
← 12. Ces prévisions reposent sur l'hypothèse que l'orientation de la politique budgétaire reste inchangée en général, à moins que des mesures discrétionnaires n'aient été votées ou annoncées et qu'elles ne soient susceptibles d'être mises en œuvre rapidement (Annexe 1.A). En Italie, l’assouplissement budgétaire prévu en 2020 comprend environ la moitié de la hausse du taux de TVA déjà votée par le parlement.
← 13. L'Allemagne et les Pays-Bas affichent de très importants excédents des paiements courants (Graphique 1.26), qui sont considérés comme des déséquilibres externes dans le cadre de la procédure de l'UE concernant les déséquilibres macroéconomiques (Parlement européen, 2019). En Allemagne, ce déséquilibre s'explique par l'atonie de l'investissement, y compris dans le secteur public.
← 14. Ainsi, de vastes réformes nouvelles visant à assouplir la réglementation des secteurs de l'énergie, des transports et des communications, conjugué à un renforcement des dépenses consacrées aux politiques actives du marché du travail, dans les économies du Groupe des Sept (G7) pourrait se traduire par une hausse du PIB de 1 % en moyenne au bout de cinq ans (OCDE, 2018a).
← 15. Le solde primaire nécessaire pour stabiliser la dette présenté ici est seulement indicatif. Il est calculé à partir de l'écart observé en 2018 entre le taux d'intérêt effectif sur la dette publique et le taux de croissance du PIB nominal. Ce solde ne restera pas stable dans le temps. Il se réduira si l'écart entre taux d'intérêt et taux de croissance diminue et augmentera si le ratio dette brute/PIB s'élève, pour autant que l’écart entre taux d’intérêt et taux de croissance soit positif, toutes choses égales par ailleurs. Si la relance budgétaire permet effectivement de rehausser le taux de croissance du PIB nominal, cela contribuera probablement à améliorer la dynamique de la dette en réduisant l'écart entre le taux d'intérêt et le taux de croissance.