L’élaboration de bonnes politiques macroéconomiques ne peut se faire sans l’accès à des informations actualisées sur l’état de l’économie, en particulier quand la conjoncture évolue rapidement. Le PIB n’étant le plus souvent disponible qu’à fréquence trimestrielle (avec de premières estimations publiées habituellement quatre semaines ou plus après la fin du trimestre), les responsables de l’action publique et les prévisionnistes ont depuis longtemps recours à des données publiées plus rapidement, à plus haute fréquence, notamment des indicateurs d’enquête comme les indices des directeurs d’achat (PMI). Cependant, la crise actuelle et les précédentes ont montré que la relation sous-jacente avec les indicateurs d’enquête peut cesser d’être fiable quand l’activité économique connaît des changements abrupts et substantiels (Vermeulen, 2012). C’est à résoudre ce problème que vise la recherche d’autres indicateurs à haute fréquence de l’activité économique. La présente note de réflexion est consacrée à l’un de ces indicateurs : sur la base des données de Google Trends, on a construit un Indicateur Hebdomadaire d’Activité à même de fournir des estimations en temps réel de la croissance du PIB dans 46 économies incluant les pays du G20 ainsi que les membres et partenaires de l’OCDE.1
Perspectives économiques de l'OCDE, Volume 2020 Numéro 2
Note de réflexion 1. L’Indicateur Hebdomadaire d’Activité de l’OCDE fondé sur Google Trends
La crise du COVID-19 a nécessité de recourir à des indicateurs à haute fréquence
Inédite par son ampleur et sa vitesse, la crise de 2020 met en exergue les limitations des indicateurs courants. Ceux que les responsables de l’action publique utilisent le plus souvent sont répartis en deux catégories : « tangibles » et « intangibles » (tableau 2.1). Les indicateurs tangibles, construits par les administrations concernées ou les offices statistiques nationaux, paraissent avec des retards allant d’un à trois mois, ce qui est une contrainte majeure pour les autorités confrontées à des fluctuations rapides de l’activité économique. Les indicateurs intangibles sont publiés plus rapidement, mais ils peuvent véhiculer moins d’informations sur le PIB pendant les récessions. En effet, les PMI et les résultats des enquêtes de confiance reposent souvent sur les moyennes de réponses qualitatives et le solde des opinions optimistes et pessimistes des répondants, ce qui limite leur capacité à quantifier l’ampleur d’une crise en cours.
Tableau 2.1. Des indicateurs courants dépassés par la crise
Indicateur |
Type |
Fréquence |
Publication |
Relation avec le PIB |
---|---|---|---|---|
PIB |
Tangible |
Trimestrielle (mensuelle pour GBR, CAN et SWE) |
En général un à deux mois après la fin du trimestre |
|
Production industrielle |
Tangible |
Mensuelle |
Environ 30 à 55 jours après la fin du mois |
Linéaire |
Ventes au détail |
Tangible |
Mensuelle |
Environ 8 à 10 semaines après la fin du mois |
Linéaire |
Indices des directeurs d’achat (PMI) |
Intangible |
Mensuelle |
Au début du mois suivant |
Linéaire en temps normal, non linéaire en temps de crise |
Confiance des consommateurs |
Intangible |
Mensuelle |
Au début du mois suivant |
Linéaire en temps normal, non linéaire en temps de crise |
Google Mobility |
Haute fréquence |
Quotidienne |
Avec un décalage de 7 jours |
Difficile à calibrer car ces données ne sont collectées que depuis la mi-février 2020 |
Google Trends |
Haute fréquence |
Quotidienne, hebdomadaire ou mensuelle |
Avec un décalage de 5 jours |
Relation fondée sur un modèle |
Source : OCDE.
À titre d’exemple, les informations que les autorités françaises ont pu tirer des indicateurs standard au début du confinement à la mi-mars illustrent les limites des jauges traditionnelles en temps de crise. Après la mise en œuvre du confinement le 17 mars, les premiers chiffres publiés ont été les estimations flash des PMI le 24 mars, dont les signaux contrastés ont donné à voir la nature inégale du choc : alors que les PMI du secteur manufacturier avaient modérément baissé (à 42.9), ceux des services tombaient à leur plus bas niveau (à 29.0). Le 27 mars, les indicateurs de confiance des consommateurs applicables à février amorçaient un léger repli (de 104 à 103), bien au-dessus des attentes du marché (à 92), ce qui étaient cohérent avec les niveaux étonnamment élevés de confiance des entreprises publiés le jour d’avant. Les estimations flash du PIB relatives au premier trimestre de 2020 sont parues le 30 avril : elles montraient une baisse de 5.8 % par rapport au trimestre précédent, mais elles ne fournissaient pas d’informations précises sur l’activité en mars puisque le chiffre du PIB est une moyenne trimestrielle. Les premiers indicateurs tangibles traditionnels à donner de tels renseignements sur l’activité en mars ont été la consommation des ménages (‑17.9 % en glissement mensuel) et la production industrielle (-16.2 % en glissement mensuel), mais ceux-là n’ont été publiés que le 30 avril et le 7 mai respectivement, soit plus de six semaines après le début du confinement.
Depuis quelques années, on assiste à l’émergence de nouveaux types d’indicateurs à haut fréquence, parmi lesquels les vols au départ des aéroports, les réservations dans les restaurants, les rapports de mobilité fondés sur les données individuelles anonymisées de Google et d’Apple, les indices de la qualité de l’air, des indicateurs fondés sur les actualités tels que l’Economic Policy Uncertainty Index (Baker et al., 2016), la consommation d’électricité et les transactions par carte bancaire. Ces nouveaux indicateurs sont souvent disponibles à une fréquence quotidienne, voire en temps réel, et pour un certain nombre de pays. Partout dans le monde, les administrations concernées et les offices statistiques nationaux se sont tournés vers ce nouveau type de données, notamment la BCE (Benatti et al., 2020), la Banque d’Angleterre (Bank of England, 2020), l’INSEE (INSEE, 2020a), la Banque de réserve fédérale de Saint-Louis (Kliesen, 2020), la Banque de réserve fédérale de Cleveland (Knoteck et al., 2020) et le FMI (Chen et al., 2020). Dans la même veine, le projet Opportunity Insights de l’université de Harvard a permis de collecter auprès des entreprises privées un vaste ensemble de données à haute fréquence sur l’économie des États-Unis. L’OCDE, quant à elle, s’est servie de plusieurs indicateurs à haute fréquence (OCDE, 2020a), notamment les rapports de Google Mobility (établis à partir des données de localisation des utilisateurs de Google Maps). Cette note est spécifiquement consacrée aux informations obtenues grâce à Google Trends, qui agrège les données collectées par Google Search, le moteur de recherche de Google.
Utiliser les données Google Trends pour faire de la prévision économique immédiate
Google Trends est un puissant outil de prévision économique car il balaie un large spectre de l’activité économique2. Les données sur les comportements de recherche peuvent renseigner sur la consommation (requêtes avec « véhicules » ou « appareils électroménagers », par exemple) ; sur le marché de l’emploi (« allocations de chômage », par exemple) ; sur le marché du logement (« agence immobilière », « prêt immobilier », par exemple) ; sur les services aux entreprises (« capital-risque », « faillite », par exemple), sur l’activité industrielle (« transport maritime », « matériel agricole », par exemple) ; ainsi que sur le climat économique (« récession », par exemple) et la pauvreté (« banque alimentaire », par exemple). En agrégeant ces signaux qui éclairent de multiples aspects de l’économie, on peut obtenir une image actuelle de la situation à l’échelle macroéconomique. L’utilisation de nombreuses variables réduit aussi le risque lié aux ruptures structurelles dans des séries spécifiques, ce qu’avait mis en lumière l’échec du modèle expérimental Google Flu3.
Google Trends fournit des informations agrégées sur les intensités relatives de recherche associées à des catégories de mots-clés ou des mots clés spécifiques. Chaque indice de volume de recherche est construit en divisant le volume de recherche associé à une requête donnée par le nombre total de recherches effectuées au même lieu et sur la même période. Google a classé les recherches en 1200 catégories qui incluent chacune jusqu’à plusieurs milliers de mots clés de toutes langues. Par exemple, la catégorie « Automobiles et véhicules » agrège toutes les recherches liées aux véhicules, effectuées avec des mots-clés tels que « voiture », son équivalent anglais « car », ou encore les noms de marque de véhicule. Ces indices de recherche construits par catégorie de recherche sont donc comparables entre les différents pays. Le panel d’observation couvre 46 économies incluant les pays du G20 et les membres et partenaires de l’OCDE. Les données sont disponibles depuis 2004 à une fréquence hebdomadaire, et publiées en temps réel avec un décalage de cinq jours seulement, sans révision historique ultérieure. La présente note décrit comment il a été possible d’exploiter la large couverture géographique, l’actualité et la haute fréquence des données Google Trends pour modéliser leur relation complexe avec le PIB à l’aide de techniques d’apprentissage automatique, afin d’en tirer un Indicateur Hebdomadaire d’Activité économique.
Modéliser la croissance du PIB à partir des données Google Trends
L’Indicateur Hebdomadaire d’Activité applique un modèle à deux étapes pour établir des prévisions immédiates de la croissance hebdomadaire du PIB à partir des données Google Trends. Premièrement, on estime un modèle trimestriel de la croissance du PIB avec les intensités de recherche de Google Trends à une fréquence trimestrielle et avec un modèle de panel de 46 pays4 :
où le taux de croissance du PIB en glissement annuel ()5 est modélisé par une fonction non-linéaire des moyennes trimestrielles, exprimées en différences de logarithmes en glissement mensuel, des indices de volume de recherche () par catégorie (indice ), et des variables indicatrices des pays (), à laquelle on ajoute un bruit blanc (). Deuxièmement, on applique la fonction , estimée à partir du modèle trimestriel, à la série hebdomadaire Google Trends, en supposant que cette relation est neutre par rapport à la fréquence, afin d’obtenir l’Indicateur Hebdomadaire d’Activité :
L’Indicateur Hebdomadaire d’Activité peut ainsi être interprété comme une estimation du taux de croissance en glissement annuel du « PIB hebdomadaire » (semaine comparé à la semaine équivalente de l’année précédente).
Les données à haute fréquence et les données massives présentent des limites : leur production peut être moins structurée que celle des données des comptes nationaux puisque l’analyse scientifique n’est généralement pas la raison première de leur collecte. Ces limitations exigent une attention particulière et un traitement statistique préalable. Comme un grand nombre des variables de Google Trends sont jugées sans pertinence pour l’analyse économique, on effectue une sélection à l’issue de laquelle on ne retient que 215 des 1 200 catégories disponibles. On doit aussi tenir compte des profils saisonniers très marqués au niveau des séries trimestrielles et des séries hebdomadaires. Ces dernières n’existent que depuis cinq ans, ce qui restreint l’éventail des méthodes possibles d’ajustement saisonnier. Les catégories sélectionnées sont ainsi simplement transformées en taux de croissance en glissement annuel. On résout les ruptures de janvier 2011 et de janvier 2016, causées par des modifications du processus de collecte des données, en lissant les taux de croissance en glissement annuel. Enfin, comme la base des utilisateurs de Google Search s’est considérablement élargie depuis 2004, les intensités relatives de recherche de la plupart des catégories de recherche diminuent au cours du temps : cette tendance à long terme est neutralisée à l’aide de la méthode décrite dans Woloszko (2020).
La relation entre les variables de Google Trends et la croissance du PIB est estimée par un algorithme d’apprentissage automatique (« réseau de neurones », voir Csáji, 2001). C’est parce que les données de Google Trends sont « massives » qu’on peut recourir à un tel algorithme, très puissant mais qui nécessite de grands échantillons. L’algorithme repère les non‑linéarités susceptibles d’être déterminantes quand le PIB connaît des variations extrêmes, que les approches économétriques plus conventionnelles permettent difficilement d’estimer. Il peut déceler avec flexibilité les différences entre pays qui sont liées au taux de pénétration de Google Search sur le marché ou au cadre institutionnel, car le réseau de neurones permet toutes les interactions possibles entre les variables de Google Trends et les variables indicatrices des pays.
Ce réseau de neurones peut être exploité avec des outils modernes d’interprétabilité en apprentissage statistique pour fournir des éclairages concernant les profils non linéaires détectés par le modèle. Par exemple, l’algorithme de l’Indicateur Hebdomadaire d’Activité révèle que les recherches liées aux « allocations de chômage » ne commencent à signaler une baisse de l’activité qu’au-delà d’un certain seuil, puisque les marchés de l’emploi sont dominés par les embauches en temps normal et par les licenciements en période de crise. L’apprentissage automatique permet aussi d’identifier les variables de Google Trends ayant la meilleure puissance prédictive au niveau macroéconomique (notamment, « faillites », « crise économique », « investissement », « bagages », « recrutement », « crise économique » et « prêt immobilier ») ainsi qu’un certain nombre de biens de consommation que les consommateurs sont susceptibles de rechercher via Google Search. Ces variables relatives aux ventes de détail peuvent également donner à voir les modifications des profils de consommation qui sous-tendent les prévisions du modèle.
Le modèle trimestriel de la croissance en glissement annuel du PIB fondé sur Google Trends donne de bons résultats dans les simulations de prévision. En moyenne, pour l’ensemble des 46 pays, il est associé à une erreur quadratique moyenne (RMSE) inférieure de 17 % à celle d’un modèle autorégressif utilisant uniquement le passé de la croissance du PIB en glissement annuel6. Il rend compte d’une part notable des variations de la situation conjoncturelle, y compris aux moments de la crise financière mondiale (quand les données disponibles pour entraîner l’algorithme étaient beaucoup moins nombreuses) et de la crise de la dette souveraine dans la zone euro (graphique 2.1). Son RMSE est inférieure à celle d’un modèle autorégressif, de 8% en moyenne en 2008‑10 et de 41 % en moyenne en 2020. Les périodes de récession et de reprise sont bien prédites par le modèle, même si l’ampleur réelle du choc du deuxième trimestre de 2020 tend à être sous‑estimée, du fait de son échelle sans précédent. L’erreur absolue moyenne de prévision de la croissance en glissement annuel du PIB au premier (deuxième) trimestre a été de 2.42 (3.86) points de pourcentage, à comparer aux baisses effectives du PIB dans le pays médian de 0.12 % (10.4 %). L’Indicateur Hebdomadaire d’Activité est donc utile pour conduire des analyses narratives en temps réel sur une base hebdomadaire, même s’il ne fournit pas en moyenne de meilleurs résultats que les modèles fondés sur des variables plus standard, lorsque celles-ci finissent par être publiées.
Éclairages fournis par l’Indicateur Hebdomadaire d’Activité de l’OCDE
La crise du COVID-19 : une analyse semaine par semaine
L’Indicateur Hebdomadaire d’Activité peut donner rapidement des indications actuelles sur l’activité économique pendant la crise du COVID‑19 et la reprise ultérieure (graphiques 2.2 à 2.4) ; il est également validé par une corrélation étroite avec les variations hebdomadaires de la mobilité (Woloszko, 2020). L’amplitude du choc économique de mars a été extrême, comme l’ont confirmé les chiffres du PIB du deuxième trimestre de 2020. L’Indicateur Hebdomadaire d’Activité donne à penser que certains pays ont connu une reprise en avril et en mai, même si cette impulsion a ensuite ralenti à compter de juin.
L’Indicateur Hebdomadaire d’Activité montre que la crise a causé des perturbations majeures de l’activité économique, qui ont été trop abruptes que les indicateurs mensuels puissent en rendre compte. Entre 2017 et 2019, un indicateur à haute fréquence de substitution de la croissance du PIB n’aurait pas fourni beaucoup plus d’informations que le PIB lui-même (graphique 2.2). Cependant, en 2020, les fluctuations de l’activité économique ont été plus rapides et plus prononcées, donnant un net avantage à cet indicateur hebdomadaire de substitution. L’Indicateur Hebdomadaire d’Activité suggère ainsi que, s’agissant des États-Unis, la croissance du PIB en glissement annuel a chuté de 2.4 % au cours de la première semaine de mars 2020 à ‑10.2 % au cours de la dernière semaine du même mois, avant d’atteindre ‑14.7 % à la mi-avril. En Inde, il est passé de 1.6 % au cours de la deuxième semaine de mars à -15.3 % au cours de la dernière semaine du même mois, une diminution dont l’ordre de grandeur a été corroboré par les chiffres réels de la production industrielle (‑16.3 % en glissement annuel en avril). Le choc a été particulièrement soudain dans beaucoup de grandes économies européennes, par exemple au Royaume-Uni, pour lequel l’Indicateur Hebdomadaire d’Activité indique que la croissance annuelle du PIB est passée de 0.4 % à -20 % au cours du mois de mars, avant de s’établir à -24 % à la mi‑avril. Au contraire, les indicateurs à plus basse fréquence, en plus d’être soumis à de plus longs délais de publication, donnent une image moins précise du profil de la récession et de la dynamique de reprise lorsque l’activité fluctue rapidement.
L’Indicateur Hebdomadaire d’Activité indique que l’impact immédiat de la pandémie mondiale sur le PIB a été particulièrement hétérogène dans les économies avancées (graphique 2.3). En France et en Italie, où des mesures très strictes de confinement ont été prises, on estime que, début avril, l’activité avait brutalement chuté d’environ 29 % par rapport à son niveau de 2019 (ce qui est globalement cohérent avec les résultats effectifs du PIB du deuxième trimestre). Dans les pays où le confinement n’a pas été aussi strict, on estime que l’activité a diminué un peu moins brusquement : de 25 % au Royaume-Uni et d’un chiffre compris entre 13 % et 17 % environ en Allemagne, au Japon, au Canada et en Australie (ce qui, là aussi, est globalement cohérent avec les résultats effectifs du PIB du deuxième trimestre). En Corée, où le contrôle de l’épidémie s’est davantage appuyé sur une stratégie de suivi et de test que sur un confinement, la baisse à court terme a été la plus faible : l’indicateur de substitution du PIB hebdomadaire n’y recule que de 4 % par rapport à l’année précédente, au cours de de la pire semaine du mois d’avril. Enfin, si l’impact des sorties de confinement apparaît clairement, l’Indicateur Hebdomadaire d’Activité laisse entendre que la reprise de l’activité économique a été beaucoup plus graduelle que l’évolution juste après les mesures imposées initialement.
De nombreuses économies émergentes ont connu la même baisse soudaine de leur activité, telle que renvoyée par l’Indicateur Hebdomadaire d’Activité, même si l’effet de reprise est lui très variable d’un pays à l’autre (graphique 2.4). Le choc initial estimé est particulièrement marqué en Inde (-20 %), au Mexique (-19 %), en Afrique du Sud (-19 %), en Argentine (‑18 %), en Turquie (‑15 %) et au Brésil (-13 %) par rapport aux semaines équivalentes de 2019. La Russie et l’Indonésie ont été moins violemment touchées : l’Indicateur Hebdomadaire d’Activité suggère qu’au plus bas, l’activité s’est contractée d’environ 11 % par rapport à 2019. La récession a été particulièrement rapide en Argentine et en Inde, où des politiques de confinement très strictes ont été mises en œuvre.
Éclairages les plus récents de l’Indicateur Hebdomadaire d’Activité : une reprise en suspens, en-deçà des niveaux de 2019
D’après l’Indicateur Hebdomadaire d’Activité, la reprise amorcée a commencé à ralentir en juin ; les estimations les plus récentes laissent entendre que l’activité a stagné au troisième trimestre de 2020, bien en-deçà des niveaux de 2019 dans la plupart des pays (graphique 2.5, partie A). Les performances hors échantillon estimées pour le troisième trimestre par l’Indicateur Hebdomadaire d’Activité semblent crédibles si on les compare aux résultats effectifs du PIB disponibles pour la même période, compte tenu de la grande volatilité de l’environnement. À l’échelle des 28 pays où, à l’heure où cette note est finalisée, les chiffres de la croissance du PIB relatifs au troisième trimestre sont déjà parus, l’erreur absolue moyenne des prévisions de la croissance du PIB en glissement annuel s’établit autour d’un point de pourcentage, sans preuve d’un biais systématique, au regard de la baisse effective du PIB dans le pays médian de près de 5 % et de la variation de la croissance en glissement trimestriel comprise entre 2 % et 18 %. Toujours d’après l’Indicateur Hebdomadaire d’Activité, la reprise a été particulièrement faible en Argentine, où le niveau estimé de l’activité au troisième trimestre est environ 15 % plus faible qu’en 2019, ainsi qu’au Mexique, au Royaume-Uni, en Colombie et en Espagne, où il est 8 % à 10 % plus faible qu’en 2019.
L’application de l’Indicateur Hebdomadaire d’Activité jusqu’à la deuxième semaine de novembre nous donne également quelques éclairages quant aux pays dont l’activité a le mieux repris au quatrième trimestre de 2020 (graphique 2.5, partie B). Il donne à penser que beaucoup de pays non européens du G20 connaîtront une croissance positive, au moins pendant la première moitié du trimestre, ce qui traduit un certain assouplissement des mesures de confinement, surtout au Chili, en Argentine, au Brésil, en Inde et en Afrique du Sud, ou le maintien d’un faible niveau d’exigence en matière de confinement. Dans certains pays, notamment le Chili, l’Inde, le Brésil et la Corée, les prévisions indiquent que cette reprise devrait conduire à la mi-novembre à un niveau de PIB plus élevé qu’un an auparavant. Au contraire, la croissance trimestrielle devrait être négative dans de nombreux pays d’Europe, où les mesures de confinement ont récemment été durcies.
Des profils de consommation modifiés
L’Indicateur Hebdomadaire d’Activité peut aussi nous renseigner sur les principaux vecteurs du ralentissement de l’activité, à un niveau plus détaillé que les comptes nationaux. Le graphique 2.6 donne à voir la façon dont la baisse de la consommation de certains services peut expliquer la contraction globale de l’activité en France et en Argentine, deux pays ayant connu une reprise remarquable, par sa force dans le premier, et sa faiblesse dans le second. Au deuxième trimestre de 2020, ces deux pays ont vu leurs profils de consommation évoluer notablement, avec une diminution de quelque 30 % des recherche de services d’interaction (manifestations, arts du spectacle, voyages, hôtels, sports et restaurants) parallèlement à une augmentation d’environ 20 % des recherches de produits alimentaires et boissons, d’appareils électroménagers, et d’informations sur des questions de santé. La baisse de la consommation de services n’a été que partiellement remplacée par la hausse de la consommation de biens, d’où un total des dépenses plus faible, ce qui contribue à expliquer les estimations négatives de la croissance du PIB en glissement annuel dans le modèle. Cette tendance disparaît en partie en France au troisième trimestre, mais pas en Argentine, ce qui va de pair avec la différence de vitesse à laquelle les mesures de confinement ont été assouplies dans les deux pays. Les effets possiblement durables de la circulation du virus et les restrictions de mobilité pourraient ainsi partiellement expliquer la plus grande faiblesse de la reprise en Argentine.
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