Le soutien total au secteur agricole dans les 54 pays couverts par le présent rapport s’est élevé en moyenne à 842 milliards USD par an sur la période 2021-23. Les transferts au secteur ont diminué en 2022 et 2023 par rapport au niveau record de 2021, mais ils restent nettement plus élevés qu’à la veille de la pandémie de COVID-19. La hausse de la production conjuguée au maintien de prix élevés a augmenté la valeur créée par le secteur, contribuant ainsi à réduire la demande de soutien. Le renchérissement des prix mondiaux des produits de base a fait diminuer le soutien des prix de marché (SPM) de 28 milliards USD ou 8 % entre 2021 et 2023, tandis que le soutien budgétaire baissait dans le même temps de 30 milliards USD (ou 10 %).
Le soutien au secteur agricole se décompose en transferts aux producteurs (pris individuellement ou collectivement) et en transferts aux consommateurs de produits agricoles. La composition du soutien n’a pas changé fondamentalement ces dernières années, car les réformes sont au point mort dans la plupart des pays. L’essentiel de ce soutien (629 milliards USD par an en moyenne sur la période 2021-23) est perçu par les producteurs à titre individuel, dont plus de la moitié (334 milliards USD) par le jeu du SPM, qui a pour effet de porter les prix intérieurs au-dessus des cours mondiaux, et le reste (295 milliards USD) au travers du soutien budgétaire. Dans le même temps, des mesures ont eu pour effet, dans plusieurs pays, d’abaisser le prix de certains produits de base par rapport aux cours mondiaux, faisant ainsi diminuer les transferts aux producteurs, de 192 milliards USD par an en moyenne. De telles mesures sont souvent mises en place pour protéger les consommateurs lorsque les prix sur les marchés internationaux sont élevés ou pour générer des recettes douanières pour le compte de l’État, mais elles causent tout autant de distorsions, sur les marchés nationaux et sur les marchés internationaux, que les mesures de SPM qui relèvent les prix intérieurs.
Le soutien budgétaire fourni à chaque producteur est déterminé en fonction des quantités produites, de l’utilisation d’intrants, du nombre d’animaux, des superficies, des revenus ou recettes, ou de critères sans rapport avec la production de produits de base. À l’instar du soutien des prix de marché, les paiements au titre de la production et le soutien à l’utilisation sans contraintes d’intrants variables (engrais ou carburants, par exemple) font partie des mesures qui engendrent potentiellement le plus de distorsions de la production et des marchés. Les deux cumulés ont représenté en moyenne 75 milliards USD par an. D’autres formes de soutien budgétaire tendent à générer moins de distorsions, voire aucune, mais certaines peuvent en revanche freiner la croissance de la productivité. Les pays subordonnent de plus en plus souvent leurs versements au respect d’exigences ciblant la production, comme l’application de pratiques agricoles visant, entre autres, à maintenir de bonnes conditions agricoles sur les terres. Les paiements assortis de conditions supplémentaires peuvent encourager les exploitants à aller au-delà des prescriptions légales et servir à améliorer l’état de l’environnement, le respect du bien-être animal et d’autres aspects par rapport aux paiements sans conditions. Par le passé, il a été constaté que les contraintes environnementales échouaient souvent à atteindre leurs objectifs et que leur efficacité dépendait de leur conception et de leur mise en œuvre. Les versements ciblant la fourniture de biens publics environnementaux, comme la plantation de haies qui offrent un habitat aux insectes et aux oiseaux et contribuent ainsi à accroître la biodiversité agricole, peuvent être plus bénéfiques. Entre 2021 et 2023, ces versements se sont élevés en moyenne à 1.7 milliard USD par an, soit trois fois plus qu’entre 2000 et 2002, mais moins de 0.3 % du soutien positif total aux producteurs, ce qui laisse entrevoir une importante marge de progression de l’investissement en faveur de telles activités. Tous ces efforts ont des effets variables, et il convient de les suivre et évaluer attentivement pour vérifier leur efficacité et leur efficience.
Les pouvoirs publics investissent d’autre part dans les services d’intérêt général afin d’améliorer les performances globales du secteur. Quelque 106 milliard USD ont été consacrés chaque année à ces services, soit environ 12.6 % de l’ensemble du soutien positif à l’agriculture, une proportion en recul par rapport aux 16 % relevés entre 2000 et 2002. La recherche et l’innovation agricoles, les services de contrôle et d’inspection et l’infrastructure agricole (dont la moitié liée à l’irrigation) sont des domaines clés et ont reçu respectivement 23 %, 8 % et 48 % des sommes ainsi investies. Les dépenses consacrées aux services d’intérêt général ont elles aussi diminué en proportion de la taille du secteur agricole : en 2021‑23, elles représentaient en effet à peine 2.3 % de la valeur de la production agricole, contre 4.7 % au début des années 2000. Les dépenses estimées destinées à la recherche et à l’innovation, en particulier, sont passées de 0.9 % à 0.5 % de la valeur de la production. Ces évolutions risquent de ralentir les progrès en matière de croissance durable de la productivité.
Enfin, les consommateurs et les transformateurs industriels1 de produits agricoles ont bénéficié de mesures de soutien budgétaire qui ont représenté en moyenne 107 milliards USD par an entre 2021 et 2023. Parallèlement, les prix élevés qui découlent des politiques de prix en place dans de nombreux pays ont représenté une taxe implicite sur la consommation. En tout, les consommateurs des 54 pays étudiés ont ainsi été taxés à hauteur de 138 milliards USD, ce qui représente 3 % de leurs dépenses (mesurées aux prix de départ de l’exploitation) et alourdit le coût de la vie.