Le présent chapitre passe en revue les principales évolutions ayant eu lieu au cours de l’année 2023 et en début d’année 2024. Il rend également compte des données les plus récentes concernant le soutien à l’agriculture dans les différents pays, y compris son niveau, sa composition et son évolution dans le temps.
Politiques agricoles : Suivi et évaluation 2024
2. Évolution des politiques et du soutien agricoles par pays
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Activités, réformes et réactions aux événements en 2023-24
Copier le lien de Activités, réformes et réactions aux événements en 2023-24Les politiques de l’agriculture évoluent en fonction du contexte et des priorités, notamment les événements qui altèrent la capacité des agriculteurs à produire et à gagner leur vie. Les attentes du public à l’égard du secteur et de son rôle dans la société changent au fil du temps, de même que les préférences des consommateurs s’agissant de la qualité et la provenance de leurs aliments. La nécessité d’obtenir une croissance durable de la productivité est devenue un moteur important des politiques publiques, et le lien entre la libéralisation des échanges et la sécurité alimentaire est tour à tour renforcé ou remis en question sous l’effet des nombreuses crises qui mettent à l’épreuve le système commercial mondial. Le présent chapitre examine les principaux changements d’orientations ayant eu lieu au cours de l’année 2023 et début 2024 en réaction aux évolutions à court et à long termes.
Cadres stratégiques
L’année 2023 a coïncidé avec la mise en œuvre de la nouvelle Politique agricole commune (PAC) de l’Union européenne. Cette nouvelle PAC comprend des plans stratégiques (un pour chaque pays) et est davantage en adéquation avec des initiatives plus générales comme le pacte vert pour l’Europe. Après l’approbation de leurs plans stratégiques par la Commission européenne, de nombreux États membres de l’UE les ont affinés en 2023 et 2024 en adoptant plusieurs amendements. Ils ont commencé par mettre en place tout un éventail de nouveaux types de paiements directs, dont des programmes écologiques (éco-régimes), qui sont un nouvel instrument visant à encourager des modèles agricoles plus durables.
2023 était également la première année du Partenariat canadien pour une agriculture durable (ou PCA durable). L’objectif de ce nouveau cadre est de mieux prendre en compte les risques environnementaux et climatiques tout en centrant l’action sur la gestion des risques liés au marché et à la production. Le PCA durable propose des incitations à la diversification des cultures, à l’adoption de bonnes pratiques et, pour les grandes exploitations, à la réalisation d’évaluation des risques environnementaux.
En République populaire de Chine (ci-après la « Chine »), le « Document central n° 1 » a été rendu public en février 2024 et met spécifiquement l’accent sur « l’agriculture verte ». Les priorités identifiées dans ce document sont notamment la protection et la restauration des écosystèmes ruraux, l’utilisation plus rationnelle des engrais chimiques, des pesticides et des antibiotiques, le traitement de la pollution aux métaux lourds, ainsi que la prévention et le contrôle des principales maladies animales.
Bien souvent, des dispositions spéciales sur l’agriculture ont été intégrées aux budgets nationaux. En Italie, par exemple, le budget prévoit le soutien à l’entrepreneuriat des jeunes et des femmes dans le secteur agricole, ainsi qu’une exonération spéciale de l’impôt sur le revenu pour les propriétaires fonciers et les agriculteurs. En France, le projet de loi de finances pour 2024 prévoit une augmentation de 27 % du budget du ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, avec pour priorités de soutenir les agriculteurs, de procéder à la planification écologique, de gérer les risques sanitaires et de mettre en avant les jeunes agriculteurs innovants.
Programmes de compensation de l’augmentation des coûts ou du dérèglement du marché
Le Canada a mis sur pied deux programmes destinés à compenser les effets des accords commerciaux sur les secteurs soumis à des mesures de maîtrise de l’offre (produits laitiers, œufs et volaille). Le Fonds pour l’innovation et l’investissement dans le secteur laitier aide financièrement les transformateurs laitiers du Canada à améliorer la capacité de traitement des solides non gras. Suite à la conclusion de l’Accord Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM), le Fonds d’investissement pour la transformation des produits sous la gestion de l’offre a reçu des financements supplémentaires pour soutenir les investissements dans les installations de transformation qui amélioreront la productivité ou l’efficacité grâce à l’acquisition de nouveaux équipements et technologies automatisés.
Début 2024, l’Indonésie a modifié le dispositif des subventions sur les engrais car le niveau élevé des prix mondiaux rendait le budget alloué insuffisant. Ce dernier sera accru de 56 % et la subvention compensant l’écart avec les prix sera remplacée par un paiement direct pour l’achat d’engrais.
En Croatie, plusieurs mesures compensatoires ont été mises en place pour faire face au dérèglement du marché, à l’augmentation des coûts, aux catastrophes naturelles et à la peste porcine africaine. Pour aider les secteurs de l’agriculture et de la sylviculture dans un contexte de hausse des coûts des intrants et de baisse de la compétitivité, la Suède a encore réduit les taxes sur le gazole utilisé dans les activités agricoles, sylvicoles et aquacoles, allant même jusqu’à les supprimer totalement pour certains exploitants. Des mesures de soutien supplémentaires faisant appel à des fonds de l’UE ont été mises en œuvre en République slovaque, en Bulgarie, en Hongrie, en Pologne et en Roumanie pour dédommager les producteurs subissant les effets des importations de céréales ukrainiennes à bas prix. En Tchéquie, des aides exceptionnelles ont été dispensées aux producteurs de fruits, de légumes et de houblon ainsi qu’aux producteurs laitiers frappés par la hausse des prix de l’énergie, des aliments pour animaux et des engrais. La Pologne a instauré des programmes d’aide publique, notamment des subventions sur les engrais minéraux, pour compenser les graves perturbations économiques des marchés agricoles, dont celles causées par la guerre d’agression de la Russie contre l’Ukraine.
En mai 2023, la Commission européenne a approuvé des mesures de soutien exceptionnelles prises par le Portugal dans le cadre du Pacte pour la stabilisation et la réduction des prix de l’alimentation. Ces aides compensent la hausse des coûts des facteurs de production, tandis que d’autres permettent de faire face aux coûts du gazole. Le pays a également mis en place un dispositif de soutien pour atténuer les effets des sécheresses sur les élevages bovins, ovins et porcins, l’apiculture et les céréales d’hiver. De la même manière, l’Espagne a accordé des aides pour faire face aux situations de crise liées à la sécheresse et à la dégradation des conditions dans le secteur primaire due à la guerre en Ukraine. Une aide directe prélevée sur le budget national a été affectée aux éleveurs et à d’autres secteurs agricoles ainsi qu’aux apiculteurs, et le budget des subventions aux assurances agricoles a été accru. Les dispositifs financiers existants (dont le soutien du crédit et des garanties de prêts) ont en outre été étendus.
Après une série de phénomènes météorologiques extrêmes – dont le cyclone Hale, les inondations survenues lors du week-end de l’Auckland Anniversary (en janvier 2023 dans les deux cas) et le cyclone Gabrielle (février 2023) –, la Nouvelle-Zélande a financé des tâches de nettoyage et de remise en état. Des dons ont ainsi été octroyés au secteur agricole, un fonds a été créé pour les interventions d’urgence et le soutien aux projets, et des dispositifs ont été mis en place pour financer les interventions et les remises en état après les événements météorologiques ayant touché l’île du Nord.
La Corée a annoncé son premier plan cadre pour l’élaboration d’un régime d’assurance agricole contre les catastrophes naturelles (2023-27). Ce plan a pour but d’accroître la participation, la portée et la couverture du soutien au sein du secteur agricole, ainsi que de mettre en place un filet de sécurité resserré venant compléter d’autres dispositifs de reprise après une catastrophe agricole.
En Lituanie, des aides financières temporaires ont été apportées en 2023 aux producteurs agricoles pour couvrir les impacts de la pandémie de COVID-19, de la guerre en Ukraine et d’autres difficultés sectorielles. Des garanties de prêts ont été fournies pour les investissements et les fonds de roulement, dans le but d’atténuer les effets négatifs de la guerre en Ukraine sur l’économie. Certains exploitants agricoles ont également eu droit à un soutien financier pour compenser les dégâts causés aux cultures horticoles par les gels du printemps et les averses de grêle de l’été.
En 2023, les États-Unis ont mis en place des programmes d’aide d’urgence pour répondre aux catastrophes naturelles, aux augmentations de coûts qui en résultent et aux perturbations du marché. Cela inclut des paiements rétroactifs pour les conséquences de la pandémie de COVID-19 et les pertes de récoltes et de fourrage en 2022.
Amélioration de la durabilité environnementale
Au sein de l’Union européenne, la nouvelle Politique agricole commune introduit le concept de conditionnalité renforcée, qui reprend des éléments de la conditionnalité et du verdissement figurant dans la précédente version de la PAC. Néanmoins, la révision de ses dispositions au début de l’année 2024 confère aux États membres une flexibilité et des exemptions supplémentaires en ce qui concerne les normes en matière de conditionnalité. L’un des changements approuvés est l’exemption totale de contrôles de conformité pour les petits exploitants. Il s’y est ajouté le report ou le retrait de plusieurs propositions législatives en lien avec la stratégie « De la ferme à la table » et celle en faveur de la biodiversité, dont le nouveau règlement sur l’utilisation durable des produits phytopharmaceutiques.
Afin de mieux respecter la capacité de charge de l’environnement, les Flandres (Belgique) ont instauré des paiements pour inciter les éleveurs porcins à réduire ou à stopper totalement leurs activités. Cette mesure a été approuvée par la Commission européenne en mars 2023 et sera en vigueur jusqu’en juin 2025.
Dans l’Union européenne, un nouveau cadre de performance, de suivi et d'évaluation a été instauré dans le cadre de la PAC. Il comporte un nouvel ensemble d’indicateurs (mesurant la production, l’impact, le résultat et le contexte), assorti des critères et des thèmes d’évaluation correspondants. Ainsi, l’Autriche met en place des mesures de gestion respectueuses de l’environnement et favorables à la biodiversité, et d’autres relatives à l’agriculture biologique. De nouvelles zones de protection de la biodiversité seront ainsi créées, auxquelles seront associées des exigences en matière de diversification des cultures et de formation complémentaire sur la biodiversité. Le pays appelle en outre à la préservation des actuels pâturages.
Face aux articles de presse faisant état d’une contamination élevée des légumes par des agents pathogènes et des résidus de pesticides, le Viet Nam a décidé de mettre en place des « zones sûres, dédiées à la production de légumes ». Au sein de ces zones, l’État prévoit de contrôler la qualité des sols et de l’eau, de surveiller les agents pathogènes et les résidus de pesticides, ainsi que d’interdire l’élevage pour empêcher toute contamination.
Le Portugal encourage une gestion plus efficiente de l’eau dans le secteur agricole en autorisant la conversion des cultures permanentes en dehors des zones bénéficiant d’un aménagement hydro-agricole, à condition que les nouvelles cultures soient moins gourmandes en eau et qu’un système d’irrigation efficient et éprouvé soit installé.
Pour réduire sa dépendance à l’égard des importations de matières premières servant à fabriquer des engrais chimiques, le Japon a pris des mesures pour utiliser davantage de ressources nationales et produire des engrais biologiques. La principale mesure est le versement de paiements aux éleveurs et aux producteurs de compost, afin de couvrir partiellement le coût de la construction des installations nécessaires.
En France, le « Pacte en faveur de la haie » qui fait partie du plan écologique France Nation Verte inclut 25 actions visant à créer 50 000 km de nouvelles haies d’ici 2030. Ce plan inclut une méthode pour permettre aux autorités locales de créer des haies de grande valeur et adaptées au contexte local, un observatoire pour assurer le suivi du projet et une réglementation concernant les haies.
En Australie, la loi sur la restauration de la nature permet à certains propriétaires fonciers (dont les agriculteurs) de conclure des partenariats avec des tiers désireux de contribuer à des améliorations à long terme de la biodiversité. Les projets menés dans ce contexte peuvent comprendre la protection et la conservation officielles de sites de grande valeur environnementale et la remise en état de zones ayant subi des dégradations du fait d’activités antérieures. Grâce à ce texte, les entreprises, les œuvres de bienfaisance et d’autres acteurs peuvent investir plus facilement dans la restauration de la nature.
L’Irlande a publié pour 2023 et 2024 des plans d’action climat qui définissent le cadre stratégique et les actions d’atténuation du changement climatique et d’adaptation à ses effets, y compris pour l’agriculture et le secteur UTCATF. L’agriculture est tenue de réduire ses émissions de 25 % d’ici à 2030 par rapport au niveau de référence de 2018, dans le cadre de budgets carbone plafonnés.
Au Japon, la stratégie en matière de biodiversité élaborée par le ministère de l’Agriculture, des Forêts et de la Pêche a été révisée en mars 2023 conformément au Cadre mondial de la biodiversité de Kunming-Montréal. La nouvelle version de la stratégie expose la vision du pays pour 2030 et les orientations à prendre pour s’attaquer aux problèmes de la biodiversité, par exemple la réduction de la pression exercée par l’agriculture, l’exploitation forestière et la pêche sur l’environnement mondial et l’incitation à la collaboration entre tous les acteurs de la chaîne d’approvisionnement alimentaire dans le but de préserver la biodiversité.
En novembre 2023, la Roumanie a approuvé une stratégie à long terme de réduction des émissions de GES, afin d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. Cette stratégie aborde les thèmes de l’agriculture, des déchets ainsi que de l’utilisation des terres, du changement d’affectation des terres et de la foresterie (UTCATF), et évalue en détail les perspectives, les options, les coûts et les avantages des mesures à mettre en œuvre pour assurer un développement durable sur le moyen et le long termes, tout en réduisant sensiblement les émissions de GES et en améliorant leur absorption au niveau sectoriel.
Actions en faveur d’une plus grande durabilité sociale
Le Canada a procédé à divers ajustements pour adapter les politiques du travail aux besoins de main-d’œuvre. Le pourcentage de travailleurs recrutés dans le cadre du programme des travailleurs étrangers temporaires sera revu à la baisse, et l’agroalimentaire est l’une des six catégories de postes privilégiés pour l’immigration économique. Le programme pilote sur l’agroalimentaire, qui aide à répondre aux besoins de main-d’œuvre à long terme dans ce secteur, a été modifié : les critères d’admissibilité et l’offre d’une voie vers la résidence permanente ont été élargis.
En Corée, la loi sur la restauration des services économiques et sociaux dans les zones rurales a été adoptée dans le but de régler le problème de la pénurie de services dans les campagnes, ainsi que de favoriser la revitalisation et le développement durable des communautés rurales. Cette loi prévoit l’apport d’un soutien financier et administratif aux communautés qui sont établies délibérément par les habitants des zones rurales pour y mettre en place des services. L’établissement et l’extension desdites communautés s’accompagnent également de la fourniture d’une éducation, d’une formation et de conseils.
Le Viet Nam a pris des mesures pour encourager la création de coopératives agricoles et ainsi soutenir le développement durable. L’objectif qui a été fixé est de disposer d’au moins 300 coopératives opérationnelles d’ici 2030.
Le remembrement des terres agricoles et la restructuration des marchés fonciers devraient avoir des effets bénéfiques dans plusieurs pays. La réforme agraire a progressé en Ukraine avec l’ouverture des marchés fonciers à des personnes morales comme des entreprises, des banques et des collectivités territoriales. Celles-ci peuvent désormais acquérir jusqu’à 10 000 ha de terres, ce qui correspond à la dernière étape dans l’ouverture progressive des marchés prévue par une loi de 2020. En République slovaque, le projet de remembrement des terres vise à accélérer le règlement de la question des droits de propriété, à aider les marchés fonciers à fonctionner, à améliorer l’efficacité de la mise en œuvre de la politique agricole, et à réduire les coûts d’investissement associés aux mesures environnementales prises au niveau des exploitations. Le remembrement des terres agricoles dans le but de réduire le nombre de parcelles par propriétaire ou exploitant tout en augmentant la surface de chaque parcelle est au programme de la Croatie dans le cadre de son plan national pour la reprise et la résilience 2021-26. L’amélioration de la structure des terres agricoles qui est prévue devrait favoriser une meilleure qualité de vie dans les zones rurales, accroître la productivité du secteur et encourager l’investissement dans les infrastructures agricoles.
Dans l’Union européenne, la nouvelle PAC 2023-27 oblige les États membres à consacrer au moins 10 % de leur enveloppe financière à des paiements directs sous la forme d’une aide redistributive complémentaire au revenu pour un développement durable, qui est une aide supplémentaire sur les premiers hectares d’une exploitation. L’objectif est de promouvoir une distribution plus équitable de l’aide au revenu aux petites et moyennes exploitations. La nouvelle PAC a également introduit le concept de conditionnalité sociale (en vertu de laquelle les paiements aux exploitants sont conditionnés au respect de certaines dispositions du droit du travail).
En Nouvelle-Zélande, des aides financières et des services de conseil ont été mis à la disposition des entreprises agro-industrielles maories pour les aider à tirer parti de la valeur potentielle de leurs terres et de leurs actifs agricoles, concevoir et mettre en œuvre des solutions au niveau local pour améliorer la qualité de l’eau douce, mais aussi identifier les besoins et encourager un accès équitable au soutien et aux financements accordés par l’État à la suite d’un cyclone. Les accords de libre-échange qu’a conclus la Nouvelle-Zélande avec, d’une part, le Royaume-Uni et, d’autre part, l’Union européenne incluent des sections sur le commerce et la coopération avec les Maoris afin d’accroître les débouchés commerciaux des producteurs primaires de ce peuple autochtone et de permettre des arrangements différenciés pour les entreprises maories sans enfreindre les accords.
Aux Philippines, la nouvelle loi sur l’émancipation agraire efface les dettes de plus de 500 000 exploitants agricoles. Sont ainsi annulés le capital, les intérêts et les pénalités dus par les producteurs qui avaient contracté des prêts auprès de la Land Bank of the Philippines et de propriétaires fonciers privés. Auparavant, ces débiteurs devaient payer les terres sous la forme d’un amortissement annuel s’étalant sur une période maximale de 30 ans. Le gouvernement philippin a également approuvé le versement d’une compensation aux propriétaires fonciers dans le cadre d’un dispositif de transfert volontaire de terres et de paiements directs.
Amélioration du système de connaissances et d’innovation agricole
Des plateformes de connaissances nationales ayant trait à la production animale, à la gestion des entreprises et à l’entrepreneuriat, ainsi qu’au numérique ont été créées en Suède à l’aide d’un fonds national ; le but est de combler le décalage entre le milieu de la recherche et la pratique en compilant et diffusant des connaissances, en renforçant la collaboration entre les acteurs du système de connaissances et d’innovation agricole, et en améliorant l’intégration de conseillers au sein de ce système. Une plateforme similaire était déjà en place concernant le climat et l’environnement.
La Lituanie met actuellement au point un outil en ligne permettant d’évaluer les émissions de CO2 et leur absorption au niveau des exploitations, qui sera utilisé à des fins de certification et d’échange de quotas d’émission. Un système réglementaire – en ligne – de comptabilisation des engrais dans les exploitations est également en cours d’élaboration ; il sera utilisé pour la communication d’informations sur les critères de durabilité.
Un indicateur de soutien à l’investissement pour la valorisation des bioressources a été imaginé par l’Estonie. Il s’inscrit dans une volonté du pays de promouvoir la bioéconomie circulaire et de devenir un leader et un pôle de développement reconnu sur le sujet. C’est aussi dans ce but qu’a été adoptée une feuille de route nationale sur la bioéconomie circulaire.
Au Costa Rica, l’institut national pour l’innovation et les transferts de technologies agricoles (INTA) a mis au point, en collaboration avec l’Université du Costa Rica, une nouvelle variété de haricots rouges baptisée Urán. Plus résistante à la sécheresse et aux températures élevées, cette variété offre des rendements moyens supérieurs à une autre très largement cultivée, ainsi qu’une résistance à une maladie courante du haricot.
En Irlande, la plateforme numérique AgNav est un outil de soutien élaboré en 2023 et déployé en 2024 qui permet d’estimer les émissions au niveau des exploitations, grâce auquel les agriculteurs et leurs conseillers peuvent élaborer un plan de durabilité de l’exploitation et modéliser son impact sur l’environnement. Elle offre un mécanisme qui aide à quantifier les progrès par rapport aux objectifs assignés au secteur agricole dans les plans d’action climat.
Renforcement de la biosécurité ainsi que de la santé et du bien-être des animaux
L’Australie a augmenté le financement de la biosécurité moyennant un investissement supplémentaire sur quatre ans et une hausse permanente à partir de 2027. Pour répondre aux attentes de la collectivité relatives au bien-être des ovins, elle a constitué une commission indépendante pour formuler des conseils concernant l’arrêt progressif des exportations de moutons vivants par voie maritime depuis l’Australie. Cette commission a soumis un avis au gouvernement en vue de l’élaboration d’un plan de mise en œuvre structuré tenant compte des besoins des individus, des entreprises et des communautés locales concernés, et mettant en évidence des possibilités de croissance future du secteur ovin australien.
En Allemagne, la transformation des systèmes d’élevage est encouragée par plusieurs actions, dont la fourniture d’un soutien en faveur de systèmes plus respectueux des animaux (par exemple des investissements dans la conception et l’équipement d’étables ou d’espaces individuels dont les coûts vont au-delà de ce que supposent les normes obligatoires en matière de bien-être animal). Par ailleurs, un nouvel étiquetage imposé par l’État fournit des informations sur les différents systèmes d’élevage. L’âge minimum que doivent avoir les veaux pour être transportés à l’intérieur du pays a été élevé à 28 jours.
Soutien à l’agriculture biologique
L’Italie a approuvé un plan d’action national en faveur de l’agriculture biologique, dont l’objectif est de promouvoir le développement de ce secteur pendant la période 2024-26 jusqu’à ce qu’il atteigne 25 % de la superficie agricole utile (SAU) d’ici 2027. Le plan vise à accroître la production nationale de l’agriculture biologique en promouvant la consommation, les écorégions, les cantines bio, la recherche et l’innovation. Il s’emploie en outre à mieux faire connaître ce type d’agriculture grâce à des campagnes ciblées et des formations pour les acteurs du secteur.
En France, le fonds d’urgence Bio 2023 accroît les financements de l’Agence BIO. Une aide supplémentaire a été annoncée pour soutenir les exploitations en agriculture biologique qui connaissent des difficultés économiques, afin d’éviter qu’elles ne doivent se reconvertir vers l’agriculture traditionnelle. Les autorités locales se sont également engagées à ce que les objectifs soient atteints et à renforcer l’Agence BIO. L’Allemagne a accru son soutien à l’agriculture biologique, notamment aux projets de recherche axés sur l’amélioration de la biodiversité et aux services de conseil pour les entreprises de restauration hors domicile. Pour sensibiliser les consommateurs aux bienfaits de l’agriculture biologique et encourager la consommation des produits qui en sont issus, l’Espagne a lancé la compagne Aquí somos Eco-Lógicos (« Ici nous sommes éco-logiques »). Elle a augmenté de 40 % par rapport à la PAC précédente son soutien à l’agriculture biologique, laquelle perçoit à présent la plus importante dotation au titre des mesures agro-environnementales et climatiques (MAEC) dans le cadre du plan stratégique relevant de la PAC. L’Irlande a porté à 60 % le taux de subvention dans le cadre du mécanisme de primes d’investissement qui fournit des financements aux transformateurs projetant d’investir dans des installations de transformation, de préparation, de certification, d’emballage et d’entreposage de produits biologiques. En Autriche, le sixième programme d’action en faveur de l’agriculture biologique est l’instrument central ; son objectif est d’atteindre 30 % de terres dédiées à ce mode de production d’ici 2027, avec la possibilité d’aller encore plus loin en misant sur un pourcentage de 35 % à l’horizon 2030 (comme indiqué dans le programme d’action 23+). La Lettonie a procédé à un redéploiement du soutien à budget constant afin de répondre aux défis liés à l’évolution des marchés. Cette démarche est cohérente avec le programme national d’action en faveur de l’agriculture biologique 2023-30, qui ambitionne de porter à 25 % la part des terres en agriculture biologique.
La Nouvelle-Zélande a adopté une loi sur les produits et la production biologiques. Cette loi vise à faciliter l’élaboration de nouvelles normes relatives aux produits biologiques et définit les exigences applicables aux entreprises du secteur biologique, de la production à la vente.
Le premier plan d’action national adopté par Malte à l’égard des aliments biologiques s’étend de 2023 à 2030. Il répond à la nécessité du pays de s’orienter vers la production biologique et d’atteindre 5 % de la superficie agricole utile en certification biologique d’ici 2030. Ce plan crée un écosystème plus favorable pour le producteur, renforce les institutions et crée des circuits courts robustes ainsi que des marchés pour le secteur de l’agriculture biologique.
Mesures en faveur du système alimentaire
La production intérieure et la sécurité alimentaire
Le Kazakhstan a pris des mesures commerciales pour stabiliser les marchés intérieurs de certains produits. Cela inclut un droit à l’exportation sur les graines de tournesol afin d’endiguer les hausses de prix sur le marché intérieur, ainsi qu’une interdiction d’importer du blé pour soutenir les producteurs nationaux et stabiliser le prix de cette céréale produite sur le territoire, qui subit la concurrence du blé ukrainien moins coûteux. Le pays a également eu recours à des financements préférentiels pour établir des exploitations laitières par l’intermédiaire de coopératives agricoles régionales.
En Allemagne, le nouveau programme d’aide aux exploitations agricoles soutient la production intérieure de protéagineux et aide les exploitants à abandonner l’élevage pour se tourner vers la production et la transformation de cultures protéagineuses innovantes, ainsi que d’autres produits alimentaires n’ayant pas d’incidence sur le climat.
L’Inde a accru le prix de soutien minimum par rapport à la campagne précédente pour plusieurs produits végétaux plantés l’été (kharif) dont le riz, le maïs, l’arachide, le soja, le pois cajan, le haricot mungo et le coton. En octobre 2023, elle a également accru celui des végétaux plantés l’hiver (rabi) comme le blé, l’orge, le pois chiche, les lentilles et le colza. En juin 2023, le prix équitable et rémunérateur du sucre de canne a été majoré de 3.3 %.
Dans l’Union européenne, un réexamen des règles de la PAC – le « paquet de simplification » – permettra de rationaliser les prescriptions en matière de conditionnalité afin d’éviter que les normes existantes se chevauchent. Les modifications seront en vigueur jusqu’à la fin de la PAC 2023-27. Elles visent à alléger la charge imposée aux agriculteurs et à donner plus de flexibilité aux États membres concernant certaines règles de conditionnalité. Ce changement a des conséquences pour les normes de bonnes conditions agricoles et environnementales (BCAE) 1, 5, 6, 7, 8 et 9. En outre, les petites exploitations (jusqu’à 10 hectares) seront exemptées de contrôles et de sanctions liées au respect de la conditionnalité de la PAC.
En Chine, une nouvelle loi sur la sécurité alimentaire inclut des sections sur la protection des terres agricoles contre l’urbanisation, sur la production, la constitution de réserves, la commercialisation et la transformation des céréales, ainsi que sur l’accès à la nourriture dans les situations d’urgence. Les dispositions générales de cette loi établissent que la stratégie nationale en matière de sécurité alimentaire repose sur l’autosuffisance, la production intérieure garantie, le niveau modéré des importations et l’appui technologique.
La chaîne alimentaire
L’Indonésie a créé une agence pour la quarantaine (IQA/Barantin), qui intègre l’ancienne agence pour la quarantaine dans l’agriculture (Barantan) relevant du ministère de l’Agriculture, ainsi que des unités connexes dépendant du ministère de la Marine et des Pêches et du ministère de l’Environnement et des Forêts. La nouvelle agence devrait permettre de renforcer l’efficience et la coordination, d’améliorer la qualité des services de mise en quarantaine, mais aussi de faire participer la société civile à la gestion de ces opérations.
La Corée a annoncé un 3e plan détaillé pour le développement de l’industrie des semences (2023-27), afin d’en faire un secteur à haute valeur ajoutée. Ce plan imagine et encourage la création d’une industrie des semences prometteuse grâce à l’innovation technologique. Il prévoit également la formation d’experts en données pour opérer la sélection des semences à l’aide des technologies numériques, des programmes d’appui pour amener les entreprises à faire davantage appel aux données numériques dans la sélection des semences, et la création d’installations de recherche financées par l’État pour faciliter la collecte et l’analyse d’informations génétiques par les entreprises privées.
Le Costa Rica a créé un système national d’identification et de traçabilité des têtes de bétail, dont le but est d’améliorer la santé animale, la sécurité alimentaire et l’accès aux marchés d’exportation. Ce nouveau système nécessite que chaque animal soit enregistré et identifié à l’aide d’un dispositif visuel et électronique (badge à l’oreille couplé à un transpondeur). Une plateforme numérique (Trazar-Agro) a été conçue pour y être associée.
Au Japon, des lignes directrices sur la gestion durable de l’industrie alimentaire ont été rendues publiques. Il s’agit de la première publication de ce type, dont le but est globalement de faciliter le développement durable du secteur en montrant comment les entreprises agroalimentaires doivent s’y prendre pour faire face aux enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernance. L’Argentine a également approuvé un plan d’action pour le développement de la bioéconomie dans l’agriculture, afin de guider les efforts publics visant à promouvoir ce mode de production durable.
En Roumanie, un dispositif d’aide publique baptisé INVESTALIM a pour but de contribuer à l’expansion de l’industrie agroalimentaire. L’Allemagne a accru le financement de sa stratégie relative aux protéines, tandis que l’Autriche a pris un ensemble de mesures pour aider les entreprises agroalimentaires à investir dans des dispositifs de renforcement de la résilience comme la prévention des pannes électriques générales.
Les besoins des consommateurs
La Fédération tchèque des banques alimentaires a mis sur pied, en collaboration avec le ministère du Travail et des Affaires sociales de la République tchèque, un projet de distribution d’aide alimentaire. Un nouveau maillage de 150 centres de distribution a été créé au sein du réseau existant constitué de 15 banques alimentaires. Ces centres fonctionnent soit comme des points de distribution mobiles (et sont dénommés comme tels), soit comme des postes statiques installés dans les grandes villes, où une aide alimentaire est régulièrement distribuée aux personnes dans le besoin.
L’Indonésie a lancé en 2023 un programme de distribution de riz pour les ménages à bas revenu, inversant ainsi partiellement le recours aux transferts en espèces qui étaient en vigueur pendant la précédente décennie. La distribution de riz s’ajoute aux transferts monétaires déjà en place. L’Inde a prolongé de cinq ans le programme Pradhan Mantri Garib Kalyan Anna Yojana, qui fournit gratuitement des céréales alimentaires aux catégories les plus pauvres de la population, soit plus de 800 millions de bénéficiaires.
Au Portugal, l’Observatoire des prix de l’agroalimentaire a désormais un site internet. Sa mission sera de surveiller les coûts et le prix du panier alimentaire à différents stades de la production et jusqu’au point de vente, mais aussi de renforcer la sensibilisation et la transparence sur l’ensemble de la chaîne agroalimentaire. L’Observatoire fournit des informations mensuelles sur un ensemble de 26 produits alimentaires (œufs, fruits, huile d’olive, produits laitiers, etc.) depuis la production jusqu’à la consommation.
Aux Philippines, le programme de délivrance de bons d’alimentation Walang Gutom 2027 vise à réduire la faim et la malnutrition auprès des ménages en situation d’insécurité alimentaire, en fournissant une aide financière créditée sur une carte de transfert électronique des prestations. L’un des objectifs de ce programme est de faire baisser le taux élevé de retard de croissance, dépérissement et carence en micronutriments chez les enfants. Il permet aux bénéficiaires d’acheter une sélection d’aliments auprès de détaillants, de supermarchés ou des centres KADIWA gérés par l’État ayant été préalablement agréés ou enregistrés. Seules les personnes suivant une formation ou détenant un certificat attestant de leurs efforts pour trouver un emploi peuvent en bénéficier L’objectif est d’alimenter 1 million de personnes sur trois ans (300 000 la première année, 300 000 la deuxième et 400 000 la troisième).
Aux États‑Unis, les programmes nationaux de déjeuner et de petit-déjeuner scolaires ont été modifiés pour permettre à un plus grand nombre d'établissements scolaires dans les zones touchées par un niveau de pauvreté élevé de proposer des repas gratuits ou à prix réduit à tous les élèves. D’après les estimations, cette disposition permet à 3 000 districts scolaires supplémentaires situés dans des zones défavorisées de servir gratuitement un petit-déjeuner et un déjeuner à tous les élèves.
Mesures, accords et négociations dans le domaine commercial
Un accord de libre-échange a été signé entre le Viet Nam et Israël (le VIFTA) le 25 juillet 2023 après plus de sept ans de pourparlers. Il s’agit du premier accord conclu entre un pays d’Asie du Sud-Est et Israël. Cet accord, qui entrera en vigueur en 2024, devrait se traduire par une hausse de presque 150 % de la valeur des échanges entre les deux pays.
Plusieurs accords commerciaux ont été conclus en réaction à la guerre d’agression de la Russie contre l’Ukraine, avec notamment la suppression des droits à l’importation et des contingents tarifaires qui étaient appliqués à ce pays par le Royaume-Uni, le Canada et l’Union européenne. En revanche, la Slovaquie, la Pologne et la Hongrie ont interdit certaines importations en provenance d’Ukraine, ce qui a conduit cette dernière à déposer plainte auprès du mécanisme de règlement des différends de l’OMC.
En décembre 2023, l’Argentine a retiré au ministère des Finances les prérogatives dont il disposait pour concevoir et mettre en œuvre les taxes sur les exportations ainsi que pour fixer leurs montants par décret. Toute nouvelle interdiction ou restriction des exportations ou des importations pour des raisons ou des justifications économiques ne peut avoir lieu que par la voie législative. Les taxes et les restrictions appliquées sur les exportations et les importations agricoles sont courantes en Argentine et représentent un important instrument d’action des pouvoirs publics.
Entre octobre et décembre 2023, seuls les acteurs économiques de Roumanie disposant d’une autorisation pouvaient importer du blé, du maïs, du colza, des graines de tournesol, du sucre et de la farine en provenance d’Ukraine. L’autorisation est délivrée par l’agence sanitaire et phytosanitaire nationale, après qu’un accord a été donné par un comité composé de représentants du ministère de l’Agriculture et du Développement rural, de l’administration des douanes, du ministère de l’Économie, ainsi que de l’agence nationale précitée.
L’Inde a mis en place diverses restrictions sur les exportations de riz. Le 20 juillet 2023, le pays a interdit les exportations de riz blanc autre que le basmati (la notification prévoit que de telles exportations sont autorisées si elles sont demandées par des gouvernements étrangers pour assurer leur sécurité alimentaire). Le 25 août 2023, l’Inde a appliqué un droit à l’exportation de 20 % sur le riz non basmati précuit. Le 27 août 2023, elle a instauré un prix minimum à l’exportation pour le riz basmati. Le 8 décembre 2023, les autorités indiennes ont prolongé jusqu’au 31 mars 2024 une interdiction d’exporter le son de riz déshuilé, qui est un ingrédient de base des aliments pour le bétail et la volaille (l’interdiction initiale datait de juillet 2023).
En 2023, la Chine a signé des accords de libre-échange avec l’Équateur (en mai), le Nicaragua (en août) et la Serbie (en octobre). Elle s’engage par ces accords à accroître l’accès à son marché pour divers produits agroalimentaires tels que les bananes, les fleurs coupées, le cacao, le café, la viande, le sucre et les cacahuètes.
Les Philippines ont signé un accord bilatéral de libre-échange avec la Corée afin de jouir d’un meilleur accès au marché coréen pour ses produits agricoles comme les bananes, les ananas transformés et d’autres fruits tropicaux, ses produits industriels et une sélection de secteurs de services. Un renforcement mutuel des capacités et une coopération technique (notamment en matière d’agriculture intelligente) entre les deux pays sont également prévus dans l’accord.
Un accord de partenariat économique global portant sur le thème du commerce et de l’investissement a été signé entre le Costa Rica et les Émirats arabes unis en janvier 2024, après une amorce des négociations en mars 2023.
Les niveaux de soutien et les tendances par pays
Copier le lien de Les niveaux de soutien et les tendances par paysCette section présente les résultats des estimations les plus récentes des mesures de soutien. Tandis que le chapitre 1 donnait une vue d’ensemble du soutien fourni collectivement par le groupe des pays de l’OCDE et par celui des économies émergentes (EE), le présent chapitre s’intéresse à l’approche adoptée par chacun des pays pour apporter ce soutien. Le constat est que des approches différentes sont utilisées de part et d’autre pour aider les producteurs. Alors que la plupart des États membres de l’OCDE fournissent uniquement un soutien positif, un grand nombre des 54 pays couverts par le rapport le combinent avec un soutien négatif. Le soutien net est globalement négatif dans trois pays : l’Inde, le Viet Nam et l’Argentine. La composition du soutien est elle aussi variée, certains pays ayant recours au soutien des prix du marché (SPM) alors que d’autres ne l’utilisent quasiment pas.
Le soutien s’est étalé, selon les pays, de 49 % à -15 % des recettes agricoles brutes en moyenne sur la période 2021-23
Le soutien aux producteurs en pourcentage des recettes agricoles brutes (ESP en %) a atteint une moyenne de 14 % dans la zone OCDE et de 6.5 % dans les économies émergentes entre 2021 et 2023. Les niveaux de soutien les plus élevés en pourcentage des recettes agricoles brutes se trouvent tous dans la zone OCDE (Graphique 2.1). En Norvège, en Islande, en Suisse, en Corée et au Japon, le soutien représente plus de 30 % des recettes agricoles brutes. Au Mexique, en Türkiye, en Israël, en Chine, dans l’Union européenne, au Royaume-Uni et aux Philippines, le soutien se situe entre 10 % et 20 %. L’Inde, le Viet Nam et l’Argentine enregistrent un soutien net négatif du fait de leur taxation implicite des producteurs via des mesures qui maintiennent le prix des produits en deçà des prix mondiaux. Dans la plupart des pays, le niveau du soutien en pourcentage des recettes agricoles brutes a diminué au cours des 20 dernières années. Il a en revanche fortement augmenté en Chine, de 5 % en 2000-02 à 14 % en 2021-23.
Les fluctuations des prix ont eu un effet très important sur l’ESP en 2023. Le soutien des prix du marché (SPM) pour les œufs a retrouvé le niveau moyen qu’il avait par le passé, après avoir atteint des sommets en 2022 en raison des pénuries provoquées par la grippe aviaire. Les changements survenus en Inde ont entraîné des fluctuations du SPM négatif estimé en 2023. Le pays a en effet mis en place des interdictions, droits ou permis d’exportation sur plusieurs produits dans le but de stabiliser les prix suite au déclenchement de la guerre en Ukraine. Cela a pour effet de rendre son SPM sensible aux fluctuations des prix mondiaux. L’effet a été particulièrement marqué sur le SPM du blé indien, avec une augmentation de sa taxation implicite de près de 10 milliards USD. Les transferts au titre d’un seul produit qui ont été versés aux producteurs de blé indien sont passés de -48 % à -74 % des recettes associées à cette céréale en 2022, avant de retomber à environ -25 % en 2023, soit une différence de 12 milliards USD.
Les pays enregistrant les niveaux de soutien aux producteurs les plus élevés ont aussi tendance à soutenir plus massivement les services d’intérêt général
En 2021‑23, le Japon, la Suisse et la Corée sont les pays qui ont fourni le plus de soutien sous forme de services d’intérêt général, dans chaque cas à hauteur de plus de 7 % de la valeur de la production. La Norvège, qui se classe à la première place pour l’ESP en %, arrive en sixième position pour l’estimation du soutien aux services d’intérêt général (ESSG) en pourcentage de la valeur de la production, avec 3.8 %. Avec une ESSG de 4 %, l’Inde se situe à la quatrième place, ce qui montre bien son approche mixte consistant à soutenir à la fois les producteurs et les consommateurs de différentes manières. Parmi les pays examinés dans ce rapport, 13 ont une ESSG inférieure à 2 %. Investir insuffisamment dans le soutien aux services d’intérêt général peut représenter un risque pour la croissance durable de la productivité lorsque les producteurs ne possèdent ni les connaissances, ni l’infrastructure nécessaires pour optimiser leurs activités. Les pays se trouvant dans cette situation auront davantage recours aux initiatives du secteur privé.
De manière générale, l’infrastructure constitue la principale composante de l’ESSG ; cela est particulièrement vrai pour le Japon, qui investit massivement dans les systèmes d’irrigation pour produire du riz paddy. L’infrastructure d’irrigation est également une composante importante en Corée, aux Philippines, en Türkiye, au Chili et au Viet Nam. La Suisse soutient le système d’innovation agricole (SIA) à hauteur de 4.2 % de la valeur de la production, soit presque deux fois plus que la Norvège, qui se classe deuxième pour le soutien au SIA. En Corée et dans l’Union européenne, le SIA est également une composante importante du soutien. L’inspection et le contrôle représentent une grande part des dépenses générales de soutien en Islande, au Canada, en Nouvelle-Zélande, au Chili et au Royaume-Uni.
Le soutien aux consommateurs suit de près le soutien des prix du marché dans la plupart des pays, avec quelques exceptions
Dans la plupart des pays, le soutien aux consommateurs en pourcentage de la valeur de la production (ESC en %) reflète le niveau du soutien des prix du marché. Le SPM est un transfert des consommateurs vers les producteurs (ou vice versa) ; cela signifie que le montant qu’un producteur reçoit du SMP est équivalent à ce qu’il coûte au consommateur. Le SPM représente la majorité de l’ESC en %, même si certains pays se sont dotés de politiques budgétaires importantes qui apportent un soutien aux consommateurs. Les États-Unis sont le pays où le soutien budgétaire aux consommateurs a été le plus élevé, avec une aide aux ménages à bas revenu qui représentait 22 % de la valeur de la production en 2021-23 (graphique 2.3). L’Inde aussi a fourni un soutien non négligeable aux consommateurs sous forme de distribution publique de céréales alimentaires, équivalant à 8 % de la valeur de la production. La Norvège et l’Indonésie sont les seuls autres pays où le soutien budgétaire aux consommateurs représentait plus de 1 % de la valeur de la production. Ce type de soutien était inexistant dans 11 pays.
C’est en Inde, aux États-Unis et en Argentine que le soutien aux consommateurs est le plus élevé, prenant la forme respectivement : d’un panachage de soutien budgétaire et de SPM ; d’un soutien budgétaire ; d’un SPM uniquement. En Corée, en Islande, au Japon, en Suisse et en Norvège, l’ESC en % est d’au moins -20 % par rapport aux dépenses brutes, ce qui témoigne du niveau élevé du SPM dont bénéficient les producteurs. Le soutien aux consommateurs concerne à la fois les consommateurs finaux de produits agricoles et les clients de l’industrie qui transforment ces produits.
La plupart des pays continuent d’utiliser les formes de soutien susceptibles de créer le plus de distorsions
D’après les travaux de l’OCDE – passés et en cours –, les formes de soutien considérées comme pouvant avoir le plus d’effets de distorsion sont le soutien des prix du marché, les paiements au titre de la production et les paiements au titre de l’utilisation d’intrants variables non assortie de contraintes. Ces formes de soutien sont par ailleurs réputées pour être à la fois inefficaces et peu adaptées aux ménages qui ont le plus besoin d’aide.
En pourcentage des recettes agricoles brutes, l’Inde arrive en tête des pays qui ont recours à de telles politiques générant des transferts équivalents à presque 40 % des recettes agricoles brutes dont une part importante sous forme de SPM négatif. Viennent ensuite la Corée, l’Islande, le Japon, la Norvège, l’Indonésie et la Suisse, où ces formes de soutien représentent plus de 20 % des recettes agricoles brutes (graphique 2.4). À l’autre extrémité du classement, ce soutien ne pèse que 0.24 % des recettes brutes en Australie, et moins de 1 % en Nouvelle-Zélande, au Chili et aux États-Unis.
Bien que les pays enregistrant l’ESP en % la plus élevée continuent d’utiliser les formes de soutien susceptibles de créer le plus de distorsions, ces dernières voient leur part diminuer en Norvège et en Suisse, où 50 % du soutien environ prend désormais des formes moins génératrices de distorsions. L’Union européenne et les États-Unis utilisent relativement peu les formes de soutien susceptibles de créer le plus de distorsions en pourcentage du total de l’ESP.
Le soutien des prix du marché a tendance à se concentrer sur un petit nombre de produits
Les niveaux de soutien peuvent varier d’un produit à l’autre au sein d’un même pays. Rares sont les pays qui fournissent un SPM à tous les principaux produits. Certains pays peuvent avoir un faible taux moyen de SPM masquant le fait que certains produits bénéficient d’un soutien plus élevé que d’autres, ou que certains produits sont implicitement taxés. En Indonésie, par exemple, le SPM représentait 0.2 % des recettes agricoles brutes en 2021-23. Or, ce soutien équivalait à 49 % des recettes brutes liées à la production de sucre, et à -39 % de celles associées à la production d’huile de palme. Les recettes agricoles brutes par produit incluent la valeur de la production du produit en question plus les transferts éventuels découlant des mesures prises le concernant.
En Corée, au Japon, en Islande et en Suisse, le SPM du produit bénéficiant du soutien le plus élevé se situe entre 68 % et 80 % des recettes agricoles brutes de ce produit, mais il existe dans tous les pays sauf la Corée au moins un produit SPM pour lequel on estime que le soutien des prix du marché est nul. Aux États‑Unis, le SPM est calculé pour 16 produits, mais un seul d’entre eux affiche un SPM non nul (le sucre, 42 %). En Inde et au Viet Nam, le SPM du produit le plus taxé implicitement s’échelonne entre -91 % et -138 % des recettes agricoles brutes du produit, mais il existe aussi au moins un produit qui fait l’objet d’un SPM positif équivalent à environ 25 % des recettes (Graphique 2.5) (voir l’encadré 1.2 pour plus d’informations sur le mode de calcul du SPM).
Les formes de soutien qui créent moins de distorsions sont extrêmement diverses
Certaines formes de soutien sont considérées comme moins susceptibles d’engendrer des effets de distorsion de la production et des échanges. Cela inclut les paiements reposant sur la superficie cultivée, le nombre d’animaux, les recettes ou le revenu (S/Na/Rec/Rev), ainsi que les paiements selon des critères non liés aux produits de base. Ils sont considérés comme ayant moins d’effets de distorsion car ils ne sont pas directement liés au prix ou à la quantité produite d’un produit donné, bien que la production soit parfois un critère d’éligibilité.
Le volume des formes de soutien considérées comme moins susceptibles de créer des distorsions, exprimé en pourcentage des recettes agricoles brutes, a augmenté dans les pays suivants : Suisse, Islande, Japon, Corée, Chine, Inde et Israël (graphique 2.6). En Suisse, la hausse reflète l’importance croissante des paiements basés sur des critères non liés aux produits de base, qui ont représenté 6 % des recettes agricoles brutes en 2021-23, soit le plus haut niveau parmi tous les pays examinés dans le présent rapport. En Norvège, les formes de soutien moins génératrices de distorsions équivalent à presque 25 % des recettes brutes, et la majorité d’entre elles requièrent une certaine production. C’est dans l’Union européenne que les formes de soutien sans production requise sont les plus élevées, à 6 % des recettes agricoles brutes. Parmi les économies émergentes, la Chine et l’Inde ont commencé à fournir ce type de soutien, mais les montants étaient jusqu’ici très faibles. En 2021-23, ce soutien y représentait respectivement 2.5 % et 1.5 % des recettes agricoles brutes.
Synthèse et conclusions
Copier le lien de Synthèse et conclusionsDans la plupart des pays, le niveau du soutien en pourcentage des recettes agricoles brutes a diminué au cours des 20 dernières années. Cette situation est en grande partie le résultat des augmentations de la valeur de la production car en valeur nominale, le soutien atteint globalement des niveaux quasiment inégalés. En Chine, ce soutien s’est considérablement accru en pourcentage des recettes agricoles brutes, de 5 % en 2000-02 à 14 % en 2021-23. Le soutien était compris entre 49 % (Norvège) et -15 % (Inde) en moyenne sur la période 2021-23, ce qui montre bien l’étendue des objectifs politiques poursuivis par les pays couverts dans ce rapport.
En 2021-23, le Japon, la Suisse et la Corée sont les pays qui ont fourni le plus de soutien sous forme de services d’intérêt général (ESSG), dans chaque cas à hauteur de plus de 7 % de la valeur de la production. De manière générale, l’infrastructure constitue la principale composante de l’ESSG et cette forme de soutien est particulièrement développée au Japon, en Corée, aux Philippines, en Türkiye, au Chili et au Viet Nam. En Suisse, le système de connaissances et d’innovation agricole est la composante de l’ESSG qui bénéficie du soutien le plus important, à 4.2 % de la valeur de la production. Le soutien à ce type de système en pourcentage de la valeur de la production est généralement en hausse dans les pays de l’OCDE et en baisse dans les économies émergentes, ce qui n’est pas rassurant pour les perspectives de croissance durable de la productivité dans lesdites économies.
Le soutien aux consommateurs suit généralement la tendance du soutien des prix du marché, vu qu’il s’agit d’un transfert entre consommateurs et producteurs. Certains pays fournissent néanmoins aux consommateurs un soutien budgétaire, généralement destiné aux ménages à bas revenu. C’est aux États-Unis, en Inde, en Norvège, en Indonésie et au Brésil que le montant de ce soutien est le plus élevé.
Les formes de soutien susceptibles de créer le plus de distorsions de la production ou des échanges sont majoritaires, une situation qui dure depuis de nombreuses années. L’Inde en est le plus gros utilisateur, avec presque 40 % des recettes agricoles brutes. À l’opposé, certains pays utilisent peu cette forme de soutien. En Australie, en Nouvelle-Zélande, au Chili et aux États-Unis, elle représente moins de 1 % des recettes agricoles brutes. La part de cette forme de soutien dans le total a considérablement diminué dans des pays comme la Norvège et la Suisse, où elle battait traditionnellement des records en pourcentage des recettes brutes. Ce tableau global masque de grandes différences entre les pays en ce qui concerne les niveaux du soutien par produit. En fait, un pays peut soutenir un produit donné mais en taxer un autre, ce qui rend l’interprétation du soutien total plus difficile.
La majorité des formes de soutien considérées comme les moins susceptibles de créer des distorsions sont calculées sur la base de la superficie cultivée, du nombre d’animaux, des recettes ou du revenu de la période en cours ou d’une période antérieure. L’utilisation des paiements selon des critères non liés aux produits de base demeure relativement rare. Ce type de soutien peut avoir pour but de générer des bienfaits sociaux ou environnementaux pour la population. Parmi les pays couverts dans ce rapport, c’est en Suisse et au Mexique qu'il est le plus élevé en pourcentage des recettes agricoles brutes.