Comment l'éducation se réinventera-t-elle pour, d'une part, répondre aux grandes tendances qui façonnent le futur de nos sociétés et, d'autre part, éduquer les apprenants non pas en fonction de notre passé, mais de leur avenir ?
Si les gouvernements ne sont pas en mesure d'innover eux-mêmes au sein des classes, ils peuvent néanmoins contribuer à établir et présenter le bien-fondé d'un tel changement. Ils peuvent également jouer un rôle clé en tant que plateforme et médiateur, en stimulant et facilitant les débats ; ils peuvent orienter les ressources, instaurer un contexte politique propice et s'appuyer non pas sur le simple respect des règles mais sur la responsabilisation pour permettre l'innovation. À cet effet, les responsables des politiques éducatives doivent définir des mesures appropriées en faveur de l'innovation, identifier avec plus de précision les principaux agents du changement et s'en faire les défenseurs, et trouver des approches plus efficaces pour développer et diffuser l'innovation. Il conviendrait, entre autres, de mieux reconnaître, récompenser et mettre en lumière les réussites, tout faire pour faciliter la prise de risque de la part des innovateurs, favoriser l'émergence de nouvelles idées, tout en suivant l'évolution des systèmes d’éducation et en permettant l'établissement de corrélations entre innovations et performances éducatives.
S'il est facile de parler de l'innovation dans l'éducation, nous devons désormais nous pencher sur un sujet plus complexe et nous interroger sur notre réelle connaissance quant à la présence et aux modalités de l'innovation, et à son efficacité. Tandis que la majorité des pays et des entreprises disposent de stratégies ou de services spécialisés dans l'innovation, ce domaine demeure au second plan dans le programme d'action de la plupart des systèmes d’éducation. De plus, même lorsque certaines mesures sont prises en ce sens, peu de systèmes savent si les efforts qu'ils ont déployés se sont révélés efficaces. Si les réformes politiques sont généralement privilégiées, en tant que changement décidé en haut lieu, bon nombre d'entre elles modifient les institutions et les règles administratives sans pour autant influer sur les éléments qui font vraiment la différence, à savoir l'enseignement et l'apprentissage en classe.
La présente publication est l'un des rares outils disponibles pour mettre en évidence l'innovation dans l'éducation. L'édition de cette année s'appuie sur le premier numéro paru en 2014 et contenant une mine de renseignements sur les évolutions au sein des systèmes d’éducation ces dix dernières années. Elle a pour but de lancer le débat sur la façon de renforcer les capacités de nos systèmes d’éducation pour préparer les apprenants à leur vie future, d'affiner les politiques en faveur de l'innovation dans le secteur de l'éducation et de mieux cibler les instruments politiques.
Dans la plupart des domaines, la prévalence des pratiques éducatives varie grandement selon les pays. L'innovation est sans doute plus présente qu'on ne l'imagine, mais son degré est probablement bien inférieur à celui nécessaire pour faire face aux défis auxquels sont confrontés de nombreux systèmes d’éducation.
Parmi les pratiques éducatives abordées dans le présent rapport, il conviendrait de souligner l'évolution importante des activités informelles de perfectionnement professionnel des enseignants en tant que tendance encourageante. L'innovation et l'amélioration supposent la collaboration et l'apprentissage mutuel, y compris à l'échelle internationale. Elles nécessitent de transformer les établissements d’enseignement en organisations apprenantes. Il semblerait que cela soit progressivement le cas, et il s'agit là d'une bonne nouvelle même si l'on peut regretter la lenteur du processus.
Certains résultats devraient nous inciter à réfléchir plus attentivement à la mise en œuvre des politiques. Par exemple, certains pays ont investi dans de grandes réformes des programmes d’enseignement mais n'ont enregistré qu'un très faible niveau d'innovation au sein des classes.
En outre, il existe très peu d’éléments probants qui démontrent que des programmes axés sur l'enseignement des compétences permettant aux élèves de s'épanouir dans un monde où l'innovation est essentielle ont conduit à différentes pratiques d'enseignement et d'apprentissage. Dans un monde où l'intelligence artificielle et la robotique pourraient transformer le rôle des humains dans les processus sociaux et de production, cette situation est particulièrement inquiétante.
Le présent rapport met à profit de manière innovante les études internationales auxquelles ont participé plusieurs pays ces dernières années, en démontrant l'intérêt de cette participation. L'OCDE entend faire plus à cet égard. Nous continuerons à œuvrer à l'élaboration de nouveaux outils de mesure de l'innovation dans l'éducation, en adoptant des approches inédites, de sorte que les pays puissent mieux comprendre la manière d'aborder efficacement l'innovation pour améliorer leur système d’éducation.
En attendant la parution de la prochaine édition, j'incite fortement les lecteurs à parcourir le présent ouvrage (un chapitre à la fois ou en fonction de quelques indicateurs) pour examiner l'évolution des pratiques éducatives au sein des pays et se demander s'il s'agit là de la bonne décision en termes de stratégie. Les informations présentées ici constituent en effet une ressource essentielle pour faire le point sur les méthodes d'apprentissage des élèves et les méthodes d'enseignement mises en œuvre, ainsi que pour réfléchir d'un point de vue stratégique à l'éducation que nous souhaitons à l'avenir.
Andreas Schleicher
Directeur de la Direction de l’éducation et des compétences
Conseiller spécial du Secrétaire général, chargé de la politique de l’éducation