Le présent chapitre étudie la corrélation entre l'innovation et certains résultats en matière d'éducation à l'échelle nationale : les résultats de l’apprentissage scolaire dans l'enseignement primaire et secondaire, le plaisir des sciences, la satisfaction des élèves, l'équité et les dépenses en matière d'éducation. Outre la présentation de quelques données portant sur les tendances observées par le passé, ce chapitre vise à soulever certaines questions qui pourraient être examinées au fil du temps ou grâce à des données plus détaillées concernant l'innovation dans l'éducation.
Mesurer l’innovation dans l’éducation 2019 (Version abrégée)
Chapitre 10. L'innovation et les résultats en matière d'éducation
Abstract
Les données statistiques concernant Israël sont fournies par et sous la responsabilité des autorités israéliennes compétentes. L’utilisation de ces données par l’OCDE est sans préjudice du statut des hauteurs du Golan, de Jérusalem Est et des colonies de peuplement israéliennes en Cisjordanie aux termes du droit international.
Corrélation entre l'innovation et les résultats en matière d'éducation
L'innovation dans l'éducation n'est pas une fin en soi, mais un moyen d'atteindre d'autres objectifs pédagogiques dont : l'amélioration des résultats d'apprentissage, y compris le bien-être des élèves, l'amélioration du rapport coût-efficacité, la réduction des écarts en termes de résultats scolaires, l'amélioration de l'apprentissage des enseignants et de leur satisfaction professionnelle, etc. Mesurer l'innovation dans l'éducation est essentiel pour déterminer à quel point les réformes (leviers d'innovation décidés en haut lieu et appliqués au niveau local) et les mesures incitatives en faveur de l'innovation se traduisent par de réelles évolutions au sein des classes et des établissements d'enseignement. Cela permet aux décideurs de savoir si leurs politiques en faveur de l'innovation, et autres réformes, conduisent aux changements escomptés ; et leur offre également la possibilité de mieux comprendre les pratiques actuelles et de réfléchir aux mécanismes pouvant permettre la réalisation effective des changements escomptés.
Un autre facteur qui justifie le fait de mesurer l'innovation consiste à évaluer si certaines innovations sont bonnes ou mauvaises. Enfin, un suivi des innovations (de préférence au niveau microéconomique et avec des données longitudinales) devrait permettre d'évaluer et d'identifier les éléments qui améliorent (ou qui aggravent) les résultats en matière d'éducation. Le présent chapitre vise à mettre en lumière cet objectif capital à travers une approche heuristique. Si les corrélations au niveau macro des pays ne permettent pas d'établir un lien de causalité, elles montrent toutefois l'existence ou l'absence d'une relation entre deux variables et font ressortir les questions qui seraient plus faciles à aborder et à traiter grâce à des données plus détaillées.
Le présent chapitre étudie les liens entre, d'un côté, l'innovation pédagogique et, de l'autre, les résultats de l’apprentissage scolaire des élèves dans l'enseignement primaire et secondaire, l'équité en matière d’éducation, la satisfaction et le plaisir éprouvés par les élèves. Il aborde également les corrélations entre l'innovation et les dépenses en matière d'éducation ou la satisfaction des enseignants. Voici quelques questions auxquelles on souhaiterait répondre :
Les innovations pédagogiques du passé ont-elles conduit à une amélioration des résultats d'apprentissage ? Quels sont les facteurs qui contribuent à une évolution positive des systèmes d’éducation ? Certains types d'innovation pédagogique fonctionnent-ils mieux pour certaines catégories d'élèves et entraînent-ils une réduction des écarts en termes de résultats scolaires ? L'innovation est-elle plus susceptible de se produire dans certains contextes que dans d'autres (par exemple, là où les résultats d'apprentissage sont plus faibles ou en recul) ?
Dans quelle mesure l'innovation est-elle corrélée aux dépenses en matière d'éducation ? Si la majorité des innovations pédagogiques décrites dans le présent rapport ne nécessite pas de dépenses supplémentaires, ce n'est pas le cas de toutes, par exemple la formation des enseignants ou les appareils TIC. À quel moment ou dans quels domaines la hausse ou le maintien des dépenses en matière d'éducation conditionnent-ils l'innovation dans ce secteur ? Dans quelles circonstances cela peut-il s'avérer inexact ? Dans certains cas, on pourrait imaginer que l'innovation est une réponse à une augmentation des dépenses en matière d'éducation. Quels sont les liens entre les fonds disponibles et les pratiques en classe ? Voici une deuxième série de questions à l'intention des décideurs politiques.
L'innovation est une source de perfectionnement professionnel pour les enseignants, mais est-ce une source de satisfaction et de bien-être ? Comment l'innovation est-elle liée à l'efficacité de leur enseignement et à leur sentiment d'efficacité personnelle ? À quel moment l'innovation devient-elle une source de stress ? Existe-t-il un niveau d'innovation approprié ? Si nous ne pouvons que survoler cette question, il s'agit néanmoins d'un domaine qu'il conviendrait d'étudier.
L'innovation et les résultats scolaires dans l'enseignement primaire
L'innovation dans l'enseignement primaire est-elle corrélée à une amélioration des résultats de l'apprentissage scolaire ? C'est du moins ce que l'on pourrait espérer. Si les innovations peuvent parfois afficher d'autres objectifs (comme des économies budgétaires), on pourrait s'attendre à ce que l'innovation notamment dans les pratiques pédagogiques soit corrélée à une amélioration des résultats de l'apprentissage scolaire des élèves. Il va sans dire que dans la réalité cette attente peut rester sans réponse.
Dans l'enseignement primaire, le même enseignant fait généralement cours dans toutes les disciplines, de sorte que l'innovation peut influer de façon transversale et être corrélée à l'ensemble des résultats d'apprentissage. L'innovation dans l'ensemble des pratiques de l'enseignement primaire et l'évolution moyenne des résultats d'apprentissage pour les trois disciplines visées dans le présent ouvrage présentent en effet une corrélation positive. L'innovation et l'amélioration des résultats d'apprentissage sont donc allées de pair.
Au niveau des disciplines, on a également observé une corrélation positive entre l'innovation en matière de lecture et l'évolution positive des résultats aux épreuves de lecture, une réalité qui se vérifie également pour les sciences. (En raison d'un nombre insuffisant d'indicateurs portant sur les pratiques en mathématiques, nous n'avons pas calculé un indicateur d'innovation en mathématiques distinct pour l'enseignement primaire.)
Dans la plupart des cas, des niveaux d'innovation plus élevés sont corrélés à une stabilité ou une hausse des résultats d'apprentissage des élèves, ce qui laisse penser que, loin d'être préjudiciable, l'innovation s'est parfois avérée bénéfique pour les systèmes d’éducation dans lesquels les enseignants ont le plus innové au niveau de leurs pratiques éducatives ces dix dernières années. Une autre explication possible pourrait être que dans les pays où les résultats d'apprentissage ont le plus progressé, les enseignants se sont sentis plus en confiance pour innover et modifier leurs pratiques d'enseignement et d'apprentissage. Ceci étant dit, dans quelques rares cas, des niveaux d'innovation supérieurs à la moyenne ont été corrélés à un recul des résultats d'apprentissage, nous rappelant que l'innovation peut également être contre-productif.
L'innovation et les résultats scolaires dans l'enseignement secondaire
L'innovation dans l'enseignement secondaire est-elle corrélée à une amélioration des résultats de l'apprentissage scolaire ? C'est ce que l'on pourrait espérer, notamment lorsque l'innovation est principalement d'ordre pédagogique. Cependant, elle peut parfois afficher d'autres objectifs que l'amélioration des résultats d'apprentissage, et même lorsque l'objectif est celui-ci il se peut que les innovations mises en place n'aient pas été en mesure d'y parvenir.
Il existe une faible corrélation positive entre l'innovation dans les pratiques éducatives de l'enseignement secondaire et l'évolution moyenne des résultats de l'apprentissage en mathématiques et en sciences. Étant donné que dans l'enseignement secondaire, il existe généralement différents enseignants pour les cours de sciences et les cours de mathématiques, il y a une moindre possibilité d'enrichissement mutuel entre l'innovation dans l'enseignement de ces deux disciplines. L'évolution des pratiques au niveau des établissements d'enseignement ou sur le plan systémique peut toutefois avoir un impact.
Ces dix dernières années, l'innovation dans l'enseignement des sciences a présenté une corrélation positive avec l'amélioration des résultats de l'apprentissage en sciences, tandis que s'agissant des mathématiques cette corrélation s'est avérée négative. Cela nous rappelle que l'innovation ne conduit pas nécessairement à une amélioration des résultats escomptés, de la même manière que les réformes politiques s'avèrent parfois infructueuses. Cette situation soulève la question du délai nécessaire pour qu’une innovation produise ses effets : une autre question à laquelle seule l'étude permanente de l'innovation permettra de répondre.
Le lien de causalité négatif devrait également être examiné sérieusement. Pour ce qui est des mathématiques, il est possible d'avancer une autre interprétation : lorsque les enseignants ont estimé que les résultats d'apprentissage de leurs élèves allaient baisser, ils ont davantage modifié leurs pratiques sans que pour autant les résultats positifs ne soient déjà visibles.
L'innovation et le plaisir que procure l'enseignement des sciences aux élèves
L'un des principaux plaidoyers en faveur de l'innovation dans l'éducation est que les pratiques d'enseignement et d'apprentissage actuelles sont souvent sans intérêt pour les élèves qui s'ennuient en classe et ne s'investissent pas dans leur apprentissage. Nombreux sont ceux qui estiment que cette situation est surtout vraie dans le cas des sciences et particulièrement problématique compte tenu du manque d'intérêt (supposé) des élèves pour les études et les professions scientifiques. Existe-t-il une corrélation entre l'innovation dans les pratiques liées à l'enseignement des sciences et le plaisir qu'éprouvent les élèves pour leurs cours de sciences ?
Par ailleurs, la nature émotionnelle de l'apprentissage a été largement reconnue et bon nombre d'enseignants prennent conscience que le plaisir d'apprendre n'est pas nécessairement un oxymore. En effet, il contribue également au bien-être des élèves. On pourrait donc attendre ou espérer que l'innovation dans les pratiques éducatives permette d'accroître le plaisir des élèves pour leur apprentissage en général et, dans notre cas, plus particulièrement pour les sciences.
Tant dans l'enseignement primaire que secondaire, on a observé une corrélation positive entre l'innovation dans l'enseignement des sciences et un plaisir accru des élèves pour leurs cours de sciences. Pour évaluer le plaisir des sciences, nous nous appuyons sur le pourcentage d'élèves dans un système d’éducation qui déclarent que l'apprentissage des sciences leur procure du plaisir, au moins un tant soit peu. À l'exception de l'Italie, tous les systèmes d’éducation à l’échelle de l'enseignement primaire ont vu s'accroître le plaisir que procure l'enseignement des sciences, et cela a été d'autant plus fréquent que l'innovation dans les pratiques éducatives en sciences a été importante. Des pays tels que la Fédération de Russie ou la Norvège ont enregistré à la fois une innovation modérée à majeure et un plaisir accru des sciences. La corrélation demeure positive, même si elle n'est pas aussi forte que dans l'enseignement secondaire.
Le lien de causalité peut également aller dans l'autre sens. On pourrait en effet imaginer que lorsqu'une proportion plus importante d'élèves apprécie les sciences (peut-être pour des motifs non identifiés dans notre ouvrage), cela motive les enseignants à faire évoluer leurs pratiques d'enseignement et d'apprentissage. La hausse (modérée) des pratiques d'apprentissage actif en sciences pourrait donc tout aussi bien être le résultat et la conséquence d'un climat plus propice à l'apprentissage.
Si nos données agrégées ne nous permettent pas de tirer de conclusion définitive, elles montrent les types de questions auxquelles les responsables politiques et autres décideurs pourraient répondre grâce à des collectes de données plus précises et plus systématiques assurant un suivi de l'innovation et de l'évolution des systèmes d’éducation au fil du temps. Des données plus détaillées permettraient de déterminer si une palette de pratiques est associée à des hausses plus importantes du plaisir des élèves pour les sciences et d'autres disciplines. Cela pourrait s'appliquer à un ensemble de résultats en matière d'éducation et à l'acquisition de compétences.
L'innovation et la satisfaction des élèves
La sensation de bien-être s’entretient et est aussi liée à l'environnement d'apprentissage. Selon leur âge, et indépendamment de ce qu'ils pensent vraiment, les élèves peuvent estimer que d'un point de vue social, il n'est pas opportun de dire qu'ils aiment l'école. Mais il arrive aussi parfois que ce sentiment exprimé soit bien réel. Si cette réalité était considérée sans intérêt dans un passé récent, et peut-être aujourd'hui encore dans certains établissements ou dans certaines classes, la majorité des systèmes d’éducation s'efforce désormais de favoriser des attitudes positives à l'égard de l'enseignement et de l’apprentissage, car cela peut entraîner de meilleurs résultats scolaires tout en contribuant au bien-être des élèves (et éventuellement à la probabilité qu'ils se forment tout au long de leur vie). On peut donc espérer que des innovations antérieures aient amélioré la satisfaction que les élèves éprouvent dans le cadre scolaire.
Peut-être en raison de la connotation (généralement) positive associée à « l'innovation », on affirme souvent qu'elle améliore la satisfaction des élèves. À tout le moins, les nouvelles pratiques pédagogiques devraient rendre la scolarité plus attrayante et plus satisfaisante. De fait, les études d'impact axées sur les interventions pédagogiques témoignent couramment d'une plus grande satisfaction des élèves. Le changement en lui-même peut constituer un élément de satisfaction important et l'innovation peut être utile pour cette seule et unique raison : rendre les gens plus heureux.
Étant donné que l'innovation ne se traduit pas nécessairement par une amélioration, il peut arriver que les conditions d'apprentissage s'aggravent ou que les élèves apprécient moins leur environnement d'apprentissage. À cet égard, les décideurs politiques et les professionnels de l'éducation devraient s'intéresser à l'impact de certains changements dans le domaine de l'éducation sur le bien-être des élèves à l'école. Il conviendrait également de déterminer dans quelle mesure certains niveaux d'innovation globale influent sur ce bien-être.
Dans l'enseignement primaire, nous observons une corrélation positive entre l'innovation dans le secteur de l'éducation et la satisfaction des élèves, contrairement à l'enseignement secondaire pour lequel aucune corrélation n'a pu être démontrée. Pour évaluer la satisfaction des élèves, nous nous appuyons sur le pourcentage d'élèves déclarant aimer être à l'école, au moins un tant soit peu. La corrélation observée dans l'enseignement primaire laisse penser que l'évolution de la palette des pratiques éducatives a probablement, non seulement, contribué au fait que les élèves aiment davantage l'école, mais également constitué un facteur de cette satisfaction, étant donné qu'en moyenne des niveaux d'innovation supérieurs sont allés de pair avec des hausses plus importantes du pourcentage d'élèves satisfaits.
L'absence de corrélation dans l'enseignement secondaire attire toutefois l'attention sur le fait que ces hypothèses ne vont pas de soi et qu'elles mériteraient de faire l'objet de recherches plus approfondies. La différence observée entre ces deux niveaux d'enseignement repose également sur le fait que pour l'enseignement secondaire nous avons uniquement étudié l'innovation en sciences et en mathématiques, tandis que notre indicateur d'innovation dans l'enseignement primaire est plus exhaustif et représentatif de l'apprentissage à ce niveau. Des indicateurs plus complets pourraient mettre en évidence d'autres corrélations. Une autre explication de cette différence pourrait être que les facteurs liés à la satisfaction des élèves dans l'enseignement secondaire divergent de ceux dans l'enseignement primaire.
Des données longitudinales portant sur les mêmes individus ainsi que sur la palette de pratiques d'enseignement et d'apprentissage à laquelle ils sont exposés, nous permettraient d'apporter des éclaircissements sur ces enjeux.
L'innovation et l’équité dans l'éducation
L'une des préoccupations suscitées par l'innovation est qu'elle accroît les écarts en termes de résultats scolaires entre les élèves issus de milieux socio-économiques différents. Dans l'hypothèse où l'innovation conduit à une amélioration des pratiques éducatives, il s'agit effectivement là d'un résultat très plausible. C'est pour cette raison que, par exemple, de nombreux observateurs ont craint l'émergence d'une « fracture numérique » lorsque les ordinateurs ont fait leur apparition dans les établissements d'enseignement.
À l'inverse, on peut également espérer que l'innovation comblera les écarts en termes de réussite et réduira les inégalités dans l'éducation. De fait, cela ne pourra avoir lieu que grâce à l'innovation dans la mesure où les pratiques existantes sont encore corrélées à des niveaux d'inégalité relativement élevés (malgré une baisse des inégalités observées dans la plupart des pays ces dix dernières années). La réduction des inégalités pourrait trouver sa source aussi bien dans une meilleure diffusion de pratiques jugées bonnes et efficaces que dans une meilleure adaptation de ces pratiques aux besoins des apprenants. L'on estime également que certaines pratiques, comme le fait de ne pas regrouper les élèves en fonction de leurs capacités, fonctionnent particulièrement bien pour les élèves issus de milieux moins favorisés (sans que cela ne change réellement les choses pour les autres élèves).
Dans l'enseignement secondaire, nous n'observons aucune corrélation entre, d'une part, les niveaux d'innovation en mathématiques et en sciences et, d'autre part, l'évolution des écarts de scores entre les élèves issus d'un milieu socio-économique favorisé et défavorisé. (Nous n'avons pas intégré ici les graphiques en question mais les coefficients de corrélation sont de -0.07 pour les mathématiques et de -0.14 pour les sciences.)
Nous n'avons observé aucune tendance constante dans l'enseignement primaire. Ces dix dernières années, les inégalités en termes de scores obtenus en lecture ont diminué dans la quasi-totalité des pays à l'étude. Les pays qui ont enregistré le plus d'innovation dans les pratiques d'enseignement et d'apprentissage de la lecture ont également connu une hausse moins marquée des inégalités dans l'éducation. La situation est inverse s'agissant de l'enseignement des sciences. En effet, là où les pratiques liées à l'enseignement des sciences ont le plus innové, il y a eu parallèlement une hausse des inégalités dans l'éducation.
Certaines pratiques expliquent-elles davantage la corrélation positive ou négative ? Si nous ne pouvons pas répondre à cette question à l'aide de données agrégées, il s'agit à nouveau d'un thème qu'il convient d'examiner à l'échelle nationale à l'aide de données plus détaillées.
L'innovation et le sentiment d'efficacité collective des enseignants
Le perfectionnement professionnel des enseignants est à la fois une conséquence et un résultat de l'innovation. Essayer de nouvelles pratiques permet aux enseignants de s'arrêter un instant et de réfléchir à leurs pratiques pédagogiques. Que leurs tentatives s'avèrent fructueuses ou non, cela leur fournit l'occasion de s'efforcer d'améliorer leurs pratiques pédagogiques. L'innovation provient également d'une prise de conscience de leur part des avantages qu'il y aurait à faire évoluer leurs pratiques pédagogiques, que cela survienne suite à l'acquisition de nouvelles connaissances lors d'une formation formelle, de discussions, d'observation de collègues ou de toute autre manière.
Lors d'une mise en œuvre à grande échelle, on ne peut qu'espérer qu'au-delà de l'apprentissage individuel, l'innovation conduise à un apprentissage collectif au niveau des établissements d'enseignement. Devoir faire face à des défis similaires au même moment incite les enseignants à travailler de manière collaborative et réfléchie avec leurs pairs. Dans ce cas, l'innovation est à la fois le résultat et le facteur de l'émergence d'organisations apprenantes, comme une forme d'organisation du travail.
Une idée fausse sur l'innovation et l'enseignement innovant est qu'ils seraient susceptibles de compliquer la mise en œuvre des programmes d'enseignement nationaux (ou locaux). Il n'est pas nécessaire qu’il en soit ainsi, bien au contraire. Si les enseignants se perfectionnent sur le plan professionnel lorsqu'ils innovent, nous pouvons supposer qu'à un moment donné ils parviendront à mieux appliquer les programmes, malgré une diminution possible de leur efficacité dans un premier temps.
Pour estimer le sentiment d'efficacité collective au sein d'un établissement, nous utilisons le pourcentage d'enseignants qui déclarent qu'au sein de leur établissement les enseignants parviennent à bien, voire à très bien, mettre en œuvre les programmes scolaires. Ce sentiment de réussite collective dans une communauté de professionnels bien définie augmente-t-il lorsqu'il y a plus d'innovation ou, au contraire, l'innovation entrave-t-elle ce sentiment ?
Dans l'ensemble, nous avons observé une légère corrélation positive dans l'enseignement secondaire. Le lien de causalité pourrait s'établir dans les deux sens. D'une part, l'innovation peut inciter les enseignants à travailler de manière collaborative dans leurs efforts de mise en œuvre de pédagogies nouvelles, ce qui renforce la conviction commune d'une efficacité collective au sein d'un établissement. D'autre part, le sentiment de parvenir à mettre en œuvre les programmes d'enseignement peut contribuer, premièrement, à l'adoption de nouvelles pratiques pédagogiques dans la mesure où les enseignants se sentent plus confiants et, deuxièmement, à des niveaux d'innovation plus élevés en raison d'une diffusion plus rapide des pratiques.
L'innovation et l'ambition collective des enseignants pour leurs élèves
L'innovation peut être régie par bon nombre d'objectifs différents : améliorer les résultats d'apprentissage des élèves, réduire les inégalités ou parvenir à un bien-être collectif, répondre à des coupes budgétaires (ou des hausses), s'adapter à la demande sociale ou à celle des parents, répondre à des besoins d'apprentissage collectif ou individuel ou même lutter contre la diminution des salaires, la dégradation des conditions de travail ou du statut social, etc.
Il est à espérer que l'innovation soit en lien avec la volonté des enseignants et autres acteurs d'améliorer les méthodes éducatives et le bien-être des élèves. Dans certains cas, les faibles améliorations en matière éducative sont dues au manque d'ambition des enseignants pour leurs élèves ou de la conviction que leurs élèves ne peuvent pas progresser. Les améliorations du secteur de l'éducation peuvent également provenir de la conviction inverse. S'il y a eu récemment de nombreux débats sur l'état d'esprit des élèves « axé sur la croissance », cela devrait également concerner les enseignants.
La déclaration des enseignants d'un établissement sur les attentes élevées ou très élevées qu'ils nourrissent à l'égard de la réussite des élèves constitue un indicateur de l'ambition des enseignants pour leurs élèves.
L'innovation est-elle corrélée aux attentes élevées à l'égard de la réussite des élèves au niveau des établissements ? Cela semble être le cas à l'échelle nationale. Tant dans l'enseignement primaire que secondaire, les attentes collectives des enseignants à l'égard de la réussite de leurs élèves ont augmenté. Il s'agit là d'une tendance enregistrée dans la quasi-totalité des pays à l'étude. En moyenne, plus l'innovation a été importante dans un pays, plus les attentes des enseignants à l'égard de la réussite de leurs élèves ont augmenté. Si nous ne pouvons affirmer qu'il existe un lien de causalité, il semble plus plausible que l'innovation ait été stimulée par ces attentes élevées et non pas l'inverse.
L'innovation et l'évolution des dépenses en matière d'éducation
Il existe différentes hypothèses sur la manière dont l'innovation est corrélée aux dépenses et au budget. Les enquêtes sur l'innovation dans le secteur des entreprises montrent régulièrement que, selon les déclarations, le manque de financement interne ou externe dans une entreprise constitue l'un des principaux freins à l'innovation. Selon le type d’innovation, cela pourrait également s'appliquer au secteur de l'éducation. En règle générale, un budget insuffisant (ou le manque de capacité d'investissement) peut entraîner un ralentissement ou un report des activités d'innovation. C'est ce qui se produit lors d'une crise économique ou de la mise en œuvre d'une politique budgétaire restrictive. Certains considèrent en revanche que l'adversité peut être l'élément déclencheur de l'innovation et que les individus innoveront davantage en période de restrictions budgétaires les obligeant à être plus créatifs. L'innovation « frugale » ou « inclusive » tient en partie au fait de ressources financières insuffisantes.
L'innovation dans l'éducation peut être frugale ou onéreuse. Certaines innovations pédagogiques nécessitent un budget conséquent. Un meilleur accès aux TIC et, parfois, une utilisation appropriée des TIC en classe dépendent d'un certain niveau d'équipement et d'infrastructure. La simple maintenance de ces technologies comporte un coût, y compris l'assistance fournie par le personnel technique. Étant donné la stabilité, voire la légère baisse, observée en matière d'accès aux TIC, il ne faudrait pas s'attendre à des dépenses importantes dans ce domaine, sauf dans quelques rares pays. Certaines innovations peuvent nécessiter la participation des enseignants à des activités de formation formelle mais également à davantage d'activités d'apprentissage informel, ce qui engendre également des coûts (liés au temps de travail du personnel, par exemple).
L'innovation dans les pratiques abordées dans le présent ouvrage ne nécessite pas de budget particulier en termes de mise en œuvre : la majorité de ces évolutions passant par une utilisation différente du temps des enseignants et des élèves. Par exemple, le fait de discuter en classe des devoirs de manière systématique suppose que, premièrement, une plus grande importance soit accordée aux devoirs dans le cadre de l'instruction des élèves et, deuxièmement, que davantage de temps de classe y soit consacré (par opposition aux autres pratiques). Dans la mesure où le temps de classe reste inchangé, cela ne devrait pas modifier les dépenses en matière d'éducation mais uniquement la manière dont est utilisé le budget existant.
Modifier ses propres pratiques d'enseignement et d'apprentissage peut nécessiter une évolution en termes de connaissances, convictions ou attitudes pouvant exiger un certain investissement : la production de nouvelles connaissances, la communication, la facilitation d'activités d'apprentissage par les pairs de diverses façons (de billets de blogs à l'examen systématique des données probantes existantes, de réunions internes dans les établissements à la participation à des conférences ou des visites à l'étranger).
Ces dix dernières années, l'innovation dans l'enseignement primaire a surtout eu lieu dans les pays où les dépenses d'éducation par élève étaient en légère augmentation. Dans l'enseignement secondaire, aucune corrélation n'a été observée entre les dépenses en matière d'éducation et l'innovation. (Une mise en garde concernant cet indicateur est nécessaire : les dépenses par élève peuvent varier en fonction de la démographie scolaire, tandis que les principales dépenses en matière d'éducation [les salaires] demeurent généralement plus stables. Cet indicateur reste toutefois celui le plus approprié.) On pourrait approfondir nos connaissances en examinant le lien entre l'innovation et certains postes budgétaires spécifiques, tels que ceux liés à l'innovation, à la formation, etc. Mais ces dépenses en matière d'éducation ne sont pas disponibles à l'échelle internationale.