L’expansion mondiale a connu son point culminant. De fait, la croissance du PIB mondial devrait, selon les prévisions, céder progressivement du terrain et revenir de 3.7 % en 2018 à environ 3 ½ pour cent en 2019 et 2020, soit un niveau globalement conforme à la croissance de la production potentielle mondiale (Tableau 1.1). À court terme, les mesures d’accompagnement prises par les pouvoirs publics et la forte progression de l’emploi vont continuer de soutenir la demande intérieure. Cependant, les politiques macroéconomiques devraient devenir moins accommodantes au fil du temps, et les tensions commerciales, le durcissement des conditions financières et le relèvement des prix du pétrole devraient continuer à peser sur l’activité. Dans la zone OCDE, la croissance devrait ralentir graduellement et passer d’environ 2 ½ pour cent en 2017‑18 à un peu moins de 2 % d’ici 2020. Les salaires et les prix devraient augmenter, mais modérement. L’importance du rapport de cause à effet entre capacités et inflation demeure très incertaine, et des risques de redémarrage plus vigoureux de l’inflation existent. L’augmentation des prix du pétrole intervenue cette année a poussé l’inflation globale à la hausse, et les droits de douane à l’importation ont commencé à contribuer à l’augmentation des prix dans quelques pays. Les échanges mondiaux ont déjà faibli, et les restrictions commerciales ont un impact négatif sur la confiance et les projets d’investissement ; au niveau mondial, la progression des échanges devrait probablement rester inférieure à 4 % par an en moyenne sur la période 2018‑20.
Perspectives économiques de l'OCDE, Volume 2018 Numéro 2
Chapitre 1. Évaluation générale de la situation macroéconomique
Introduction
Les résultats économiques pourraient être encore moins bons si les risques qui pèsent sur la croissance économique devaient se concrétiser. De nouvelles mesures des États-Unis et de la Chine visant à accroître les obstacles aux échanges bilatéraux nuiraient à la production dans ces économies, avec des conséquences négatives sur la croissance et les échanges au niveau mondial. Des perturbations affectant l’offre de pétrole exercerait des tensions à la hausse sur l’inflation dans le monde, ne serait-ce qu’à titre temporaire, et la croissance s’en trouverait ralentie. Les pressions exercées au niveau des marchés de capitaux sur les économies de marché émergentes pourraient s’intensifier, surtout si une inflation plus forte que prévu dans les économies avancées devait provoquer une nouvelle hausse des taux directeurs et une nouvelle série d’ajustement des prix des actifs. Une décennie après la crise financière, persistent également dans de nombreuses économies des vulnérabilités liées au niveau élevé des prix des actifs et des niveaux d’endettement. S’agissant des risques de révision à la hausse des prévisions, une résolution rapide des tensions commerciales, ou des ambitions de réformes structurelles plus affirmées dans le monde, pourraient améliorer la confiance et empêcher que le niveau d’incertitude élevée ne freine par trop l’investissement.
Les évolutions récentes et les perspectives qui s’annoncent constituent des défis considérables pour les responsables politiques. Dans l’immédiat, il est nécessaire de réduire les incertitudes politiques en stoppant la tendance au protectionnisme et en renforçant, à l’échelle mondiale, le système commercial international fondé sur des règles au moyen d’un dialogue multilatéral. Les impératifs d’action macroéconomique varient d’un pays à l’autre, reflétant la diversité des enjeux auxquels ils sont confrontés. Dans les principales économies avancées, la politique monétaire accommodante peut être progressivement abandonnée, mais à des rythmes différents. La politique budgétaire devrait devenir globalement neutre dans la plupart des pays de l’OCDE en 2019‑20 après l’assouplissement sensible observé ces dernières années. L’orientation neutre de la politique budgétaire qui s’annonce est appropriée compte tenu des perspectives économiques ; le surcroît d’assouplissement annoncé dans quelques pays où la dette publique est déjà élevée pourrait entraîner des réactions négatives sur les marchés de capitaux. Dans les économies de marché émergentes, il faudra opérer des choix judicieux pour maintenir la crédibilité de l’action publique. Les économies dotées d’un cadre macroéconomique robuste et d’un taux de change flottant n’auront peut-être besoin que d’un resserrement modeste de leur politique monétaire compatible avec l’ajustement des prix des actifs en cours. Leur situation budgétaire solide leur donne une marge de manœuvre suffisante pour leur permettre de procéder, si nécessaire, à un assouplissement de leur politique afin de soutenir la demande. Cette marge de manœuvre est plus réduite dans les économies de marché émergentes où la viabilité de la situation budgétaire ou de la situation extérieure est préoccupante. Parmi les autres priorités d’action publique qui concernent l’ensemble des pays, on peut citer la nécessité de renforcer la résilience face aux risques, en particulier aux vulnérabilités financières persistantes nées d’un endettement important, et d’intensifier la mise en place de réformes visant à améliorer les perspectives d’une croissance de long terme qui puisse à la fois être durable et offrir des opportunités à tous.
La matérialisation simultanée des principaux risques pesant sur l’environnement économique aurait pour effet d’affaiblir considérablement la croissance de la production et des échanges au niveau mondial, avec un niveau de la production mondiale qui pourrait s’établir à un niveau inférieur de plus de ½ pour cent par rapport aux prévisions d’ici 2020. Si ces risques devaient entraîner un ralentissement mondial plus brutal qu’on ne le prévoit actuellement, c’est par une action coordonnée entre les pays que l’on pourrait le plus efficacement contrebalancer ses effets. Compte tenu des possibilités réduites d’actionner à brève échéance les leviers de la politique monétaire dans certains pays et de la nécessité de mobiliser des instruments ayant des effets rapides sur la croissance, l’assouplissement de la politique budgétaire jouera probablement un rôle important pour rétablir la croissance, même si le niveau élevé de la dette publique a réduit les marges de manœuvre. Se préparer dès maintenant à une telle éventualité en planifiant des projets susceptibles d’être lancés rapidement permettrait d’accroître l’efficacité d’une réponse budgétaire coordonnée.
La croissance mondiale devrait ralentir
Le rythme de la croissance mondiale devrait être modéré au cours des deux années à venir
Les évolutions récentes donnent à penser que l’expansion mondiale a connu un point culminant et qu’elle va probablement marquer le pas au cours des deux années à venir. La hausse du PIB mondial s’est établie aux alentours de 3.7 % cette année (Graphique 1.1, partie A), et son évolution diffère selon les pays et selon les secteurs, contrairement à ce qui s’était produit avec l’expansion généralisée observée en 2017. La situation du marché du travail continue de s’améliorer, avec un taux de chômage qui, à l’échelle de l’OCDE, est aujourd’hui à son niveau le plus bas depuis 1980, mais la progression de l’investissement et celle des échanges se sont révélées plus modestes que prévu, la situation s’est tendue sur les marchés financiers et la confiance a continué de s’éroder. Selon les données préliminaires issues des comptes nationaux pour le troisième trimestre de 2018, les résultats restent solides aux États-Unis, mais la croissance ralentit en Chine, dans la zone euro et au Japon. Les données issues des enquêtes de conjoncture laissent elles aussi attendre un fléchissement de la croissance dans les économies avancées comme dans les économies de marché émergentes, et les carnets de commandes sont moins remplis, notamment dans le secteur manufacturier (Graphique 1.1, partie B). D’autres indicateurs à haute fréquence, comme la production industrielle et les ventes au détail, suggèrent également que la croissance est en train de céder du terrain (Graphique 1.1, parties C et D). Le ralentissement de la progression des échanges, le durcissement de la situation financière dans le monde et la hausse des prix du pétrole sont autant de facteurs qui, tous, contribuent à l’affaiblissement de l’expansion mondiale.
Sur fond d’intensification des tensions commerciales, la hausse des échanges mondiaux en volume (biens et services) a ralenti cette année, et les résultats ont été particulièrement faibles au premier semestre de cette année (Graphique 1.2, parties A et B). Les indicateurs à haute fréquence, comme les commandes de biens destinés à l'exportation et le trafic portuaire de conteneurs, semblent indiquer que les perspectives de progression future des échanges restent modestes. Plusieurs nouveaux droits de douane et mesures de représailles sont déjà entrés en vigueur cette année, et on risque d’en voir davantage être mises en place l’année prochaine. Les nouvelles politiques commerciales restrictives ont provoqué des changements marqués des flux d’échanges et des prix dans certains des secteurs concernés, notamment aux États-Unis et en Chine, certaines transactions étant avancées pour précéder la mise en place des droits de douane annoncée. Les déclarations des responsables publics ont aussi un impact sur la confiance des entreprises et les projets d’investissement, en particulier dans le secteur manufacturier, et ont ajouté aux incertitudes ambiantes (Banque de réserve fédérale d’Atlanta, 2018 ; Graphique 1.2, parties C et D)1.
Les conditions financières ont été durcies cette année, sur fond de hausse des taux d’intérêt à long terme, en particulier aux États-Unis, ce qui a déclenché un ajustement des prix sur de nombreux marchés d’actifs et provoqué des turbulences significatives dans quelques économies de marché émergentes. L’évolution connexe de la perception des risques a contribué à une dépréciation sensible des monnaies par rapport au dollar des États‑Unis dans de nombreuses économies de marché émergentes, notamment dans celles pour lesquelles les déséquilibres extérieurs sont importants et grandissants. Comme on le verra ci‑après, une nouvelle dégradation de la perception des marchés vis-à-vis des économies de marché émergentes nuirait encore à la croissance de ces dernières et exercerait une nouvelle pression à la baisse sur leurs monnaies.
L’augmentation du niveau et de la volatilité des prix du pétrole au cours de l’année écoulée est venue ajouter aux difficultés dans les économies importatrices. De fait, si l’on se fonde sur les cours relevés à la mi-novembre, ils ont été cette année supérieurs de plus de 30 % à ceux de 2017. Aux États-Unis et en Russie, la production a atteint des niveaux record, mais les incertitudes, toujours présentes, liées à de potentielles ruptures d’approvisionnement dans certains pays de l’OPEP, en particulier le Venezuela et l’Iran (qui, à eux deux, représentent actuellement environ 4 % de l’offre mondiale) et les anticipations de ralentissement de la hausse de la demande se traduisent par une volatilité considérable des prix. L’augmentation intervenue au cours des douze derniers mois exerce déjà un effet très légèrement négatif sur la croissance mondiale, et s’ajoute à l’inflation. Ces évolutions pourraient s’intensifier si de nouvelles perturbations affectant l’approvisionnement devaient se produire (voir ci‑après).
Globalement, au vu des évolutions économiques et financières récentes et de l’intensification des risques de dégradation par rapport aux prévisions, il apparaît que la croissance devrait être plus modérée, avec des résultats moins synchronisés entre les grandes économies. La croissance du PIB mondial devrait céder progressivement du terrain et revenir de 3.7 % en 2018 aux alentours de 3 ½ pour cent en 2019 et en 2020, soit un taux proche de la croissance de la production potentielle mondiale. Les résultats pourraient être encore inférieurs si les risques de révision à la baisse des prévisions s’intensifient (voir ci‑après), ou si les incertitudes politiques ont pour effet de freiner durablement l’investissement.
Le ralentissement de la croissance est le reflet de la transition vers des politiques macroéconomiques moins accommodantes qui va s’opérer au cours des deux prochaines années, et des effets toujours négatifs des tensions commerciales, du durcissement des conditions financières et de la hausse des prix du pétrole. Au niveau de la médiane de l’OCDE, l’orientation de la politique budgétaire devrait rester globalement neutre en 2019 et 2020 après avoir connu un assouplissement de l’ordre de 0.4 % du PIB en 20182. En revanche, un assouplissement équivalent à environ 0.4 % du PIB est toujours prévu aux États-Unis, dans la zone euro et au Royaume-Uni en 2019, et il devrait être supérieur ou égal à 0.5 % du PIB en Allemagne, en Italie, en Corée et dans quelques petites économies européennes. La normalisation de la politique monétaire devrait par ailleurs se poursuivre dans la plupart des économies, dont les États-Unis, et être engagée dans la zone euro.
À court terme, la robustesse de la croissance de l’emploi et les effets des mesures, passées et présentes, d’accompagnement budgétaire et monétaire de l’activité devraient continuer de soutenir la demande intérieure dans les économies avancées. Toutefois, l’exacerbation des tensions commerciales, la hausse des prix du pétrole, l’érosion de la confiance et l’accroissement des incertitudes vont probablement peser sur les résultats en matière d’échanges et d’investissement, avec des conséquences négatives sur les perspectives de croissance à moyen terme. L’apparition de contraintes de capacités, en particulier du fait des tensions au niveau des marchés du travail, pourrait aussi ralentir la croissance dans plusieurs pays et ajouter aux tensions inflationnistes. Dans l’ensemble, la croissance du PIB dans la zone OCDE devrait selon les prévisions ralentir et passer d’environ 2 ½ pour cent en 2018 à légèrement moins de 2 % d’ici 2020 (Graphique 1.3, partie A).
Aux États-Unis, la croissance du PIB devrait ralentir, passant de près de 3 % en 2018 à un peu plus de 2 % en 2020, en ligne avec la croissance potentielle, à mesure que le soutien fourni par l’assouplissement budgétaire va s’atténuer et que la normalisation progressive de la politique monétaire se poursuivra. Les réformes fiscales, l’augmentation des dépenses publiques, le niveau élevé de la confiance et la vigueur du marché du travail continuent d’étayer la demande intérieure. En revanche, la hausse des droits de douane a commencé à alourdir les coûts supportés par les entreprises et pourrait exercer un effet de freinage sur l’investissement.
Dans la zone euro, la croissance devrait s’émousser lentement et passer d’environ 2 % en 2018 à un niveau légèrement supérieur à 1 ½ pour cent d’ici 2020. Une politique monétaire accommodante, une politique budgétaire modérément expansionniste en 2019, une solide croissance de l’emploi et des conditions de financement favorables se conjugueront pour soutenir la demande intérieure, mais l’essoufflement de la demande extérieure et l’accroissement des incertitudes liées à l’action publiques constituent des freins à l’activité.
Au Japon, la croissance du PIB devrait s’établir aux alentours de 1 % en 2018 et 2019, dans un contexte où les bénéfices élevés des entreprises et les graves pénuries de main‑d’œuvre stimuleront l’investissement, avant de ralentir pour revenir juste en dessous de ¾ pour cent en 2020. La consolidation budgétaire reprendra, après le relèvement prévu du taux de la taxe sur la consommation en octobre 2019, mais l’augmentation des dépenses sociales en amortira en partie l’impact à court terme.
Dans les économies de marché émergentes et les économies en développement considérées dans leur ensemble, les perspectives de croissance apparaissent stables sur la période 2018‑20 (Graphique 1.3, partie B), mais ce résultat masque des divergences entre les principales économies concernées. Les perspectives de croissance sont particulièrement faibles dans les économies confrontées à des tensions considérables sur les marchés de capitaux et à de lourdes incertitudes quant au rythme futur des réformes. En revanche, l’horizon s’éclaircit dans certains pays exportateurs de matières premières, en particulier les économies productrices de pétrole :
En Chine, la croissance du PIB devrait diminuer lentement pour ressortir à 6 % d’ici 2020. Les investissements dans les infrastructures et la hausse du crédit ont tous deux ralenti, la population d’âge actif diminue, et les tensions commerciales vont probablement peser sur la progression des exportations. Les mesures récemment prises par les pouvoirs publics ont permis d’améliorer les conditions financières, et il est possible d’augmenter le soutien budgétaire si nécessaire, mais cela pourrait retarder le désendettement nécessaire du secteur des entreprises et aggraver les risques pesant sur la stabilité financière.
En Inde, la vigueur de la demande intérieure, dopée par de nouveaux programmes d’infrastructures et des réformes structurelles récentes, devrait permettre de maintenir la croissance du PIB à un niveau proche de 7 ½ pour cent et 2019 comme en 2020.
Au Brésil, la croissance devrait s’affermir progressivement pour atteindre entre 2 et 2 ½ pour cent en 2019‑20, la consommation privée bénéficiant de la baisse de l’inflation et de l’amélioration des marchés du travail. Les incertitudes d’ordre politique restent fortes, mais le redémarrage des réformes, en particulier de celle des retraites, contribueraient à stimuler la confiance.
La croissance des échanges mondiaux devrait rester modérée et se replier, passant de quelque 4 % en 2018 à 3 ¾ pour cent en 2019 comme en 2020, si les tensions commerciales ne s’aggravent pas. À ce rythme, l’intensité des échanges resterait modérée à l’aune des niveaux d’avant la crise, mais serait globalement conforme aux performances moyennes observées sur la période 2012‑17 (Graphique 1.4). Les échanges devraient nettement ralentir en Chine et dans d’autres économies d’Asie, en partie sous l’effet de l’impact probable des mesures douanières prises en compte dans les prévisions et des perturbations potentielles dans les chaînes régionales d’approvisionnement. Si les restrictions commerciales entre les États-Unis et la Chine, où d’autres pays, devaient s’intensifier en 2019, les échanges mondiaux pourraient s’en trouver encore sensiblement réduits d’ici 2020 (voir ci‑après).
Les perspectives de croissance à long terme sont modestes
La modération du rythme de la croissance des échanges s’inscrit dans le droit fil de l’évolution en demi-teinte des perspectives de l’investissement dans de nombreuses économies. L’augmentation des incertitudes entourant l’action publique, la révision à la baisse du consensus concernant les anticipations de croissance future du PIB mondial3, l’essoufflement de la dynamique des entreprises dans plusieurs pays (OCDE, 2017a) et le ralentissement des efforts de réforme visant les réglementations qui entravent la concurrence sur les marchés de produits (OCDE, 2018a) sont autant d’éléments qui réduisent les incitations à investir. Au niveau de l’OCDE, la hausse de l’investissement des entreprises devrait ainsi, selon les prévisions, retomber à un niveau tout juste supérieur à 3 % par an sur la période 2019‑20, contre plus de 4 % en 2017‑18, dans un contexte marqué par l’aggravation des incertitudes politiques. À ce rythme, la croissance du stock de capital productif net restera inférieur à son niveau d’avant la crise dans la plupart des pays4. Les perspectives d’une reprise plus vigoureuse de l’investissement pendant les prochaines années sont étroitement liées aux choix de politique structurelle qui seront opérés. Dans certains pays, en particulier l’Allemagne, une hausse des dépenses en infrastructures publiques s’impose également pour accroître le stock de capital productif et contribuer à atténuer l’accumulation de déséquilibres extérieurs.
Ces prévisions donnent à penser que la crise financière mondiale a un impact négatif durable sur les niveaux de vie dans de nombreuses économies et ce, malgré la longue période pendant laquelle, ensuite, les politiques publiques ont exceptionnellement soutenu l’activité. Dans la plupart des économies de l’OCDE et non-OCDE, les revenus par habitant continuent d’être inférieurs à ce que l’on aurait pu attendre avant la crise si, pendant la dernière décennie, la croissance s’était poursuivie aux taux de croissance potentiels d’alors (Graphique 1.5). Cette situation s’explique par des tendances démographiques moins favorables et par les conséquences d’une décennie pendant laquelle l’investissement et la productivité ont été inférieurs à ce qu’ils étaient avant la crise. En conséquence, les perspectives d’une amélioration forte et durable des niveaux de vie et des revenus à moyen et à long terme restent plus médiocres qu’elles ne l’étaient avant la crise, dans les économies avancées comme dans les économies de marché émergentes (Graphique 1.6).
Les tensions sur les salaires et les prix devraient s’accentuer
Les tensions sur les salaires et les prix devraient s’accentuer dans les grandes économies avancées au fur et à mesure de la diminution du volant de capacités inutilisées, mais modérement seulement étant donné le bon ancrage des anticipations d’inflation. Les indicateurs classiques de sous-utilisation des capacités, tels que les écarts de production et de chômage, tendent à indiquer que le volant de capacités inutilisées est désormais modeste dans la plupart des économies avancées et diminue au niveau mondial. Les taux de chômage sont déjà inférieurs aux niveaux qui prévalaient avant la crise dans la majorité des économies avancées et très souvent, ils sont en deçà des taux estimés viables à long terme. Certains indicateurs établis à partir d’enquêtes laissent également entrevoir des pressions de plus en plus grandes sur les ressources, notamment des signes de pénuries de main-d’œuvre, en particulier pour le travail très qualifiée (OCDE, 2018b), et un allongement des délais de livraison chez les fournisseurs (Graphique 1.7). Cela étant, les taux d’activité demeurent inférieurs aux niveaux d’avant la crise dans certains pays, notamment aux États-Unis, et dans certaines autres économies, en particulier en Europe, il reste de la marge pour augmenter le nombre d’heures travaillées.
Les marchés du travail devraient continuer de se tendre au cours de la période considérée. L’emploi devrait connaître encore une croissance régulière dans la plupart des économies entre 2019 et 2020, mais son rythme devrait être plus lent qu’au cours des deux années passées, son taux à l’échelle de l’OCDE progressant de 0.9 % par an en moyenne. Le taux de chômage dans l’OCDE devrait poursuivre son repli et redescendre à 5 % d’ici la fin de 2020, soit près de ¾ de point de pourcentage en deçà du taux estimé viable à long terme pour le chômage. Quant à la croissance des salaires, elle augmente désormais dans la majorité des économies de l’OCDE, en particulier dans un certain nombre de petits pays européens où la hausse rapide de la demande a abouti à de très fortes tensions sur les marchés du travail. Dans l’ensemble, les salaires réels devraient progresser en moyenne d’environ 0.8 % par an dans les économies de l’OCDE en 2019‑20, par rapport à une hausse annuelle de quelque 0.6 %, en moyenne, en 2017‑18.
Le risque est réel que la croissance des salaires (ou d'autres coûts) soit plus forte que prévu et ajoute aux tensions inflationnistes, étant donné qu'on a vu parfois la progression salariale augmenter de façon non linéaire à mesure que se tendait le marché du travail (Graphique 1.8). Cela étant, l'ampleur de la répercussion de cette progression des salaires sur les prix sera également fonction de l'évolution des gains de productivité et du degré de capacité des entreprises à absorber un renchérissement des coûts de main-d'œuvre dans leur marge. Une croissance plus forte de la productivité aiderait à compenser l'impact d'une progression plus rapide des salaires et à limiter l'augmentation des coûts unitaires de main-d'œuvre.
Dans de nombreux pays, la croissance des salaires réels est plus lente que celle de la productivité depuis quelque temps, ce qui a permis de contenir les tensions sur les coûts du travail même si ces gains de productivité étaient eux-mêmes nettement inférieurs à leurs niveaux d'avant la crise. Ainsi qu'on le verra dans le chapitre 2, cette question va de pair avec l'expansion des chaînes de valeur mondiales, le changement technologique, et avec les parts de marché que gagnent chaque jour un peu plus un certain nombre d'entreprises très productives, à forte intensité capitalistique et peu consommatrices de main-d'œuvre. Pour autant, il n'est pas possible de dire avec certitude dans quelle mesure la modération observée dans les tensions globales sur les salaires et les prix sont imputables à ces changements structurels.
La hausse globale des prix à la consommation est d’ores et déjà proche de 2 % dans l’économie avancée médiane, à la faveur d’une forte croissance des prix des produits de base au cours de la dernière année (Graphique 1.9, partie A). L’inflation sous-jacente est plus modeste – et s’établit dans une fourchette de 1-1 ¼ pour cent dans l’économie médiane, mais devrait grimper à plus de 2 % d’ici le second semestre de 2020, avec la résorption du volant de capacités inutilisées et le lent affermissement de la croissance des coûts unitaires de main-d’œuvre (Graphique 1.9, partie B). Aux États‑Unis, où le marché du travail est déjà tendu et où de nouveaux droits de douane ajoutent aux tensions sur les prix dans certains secteurs, l’inflation globale et sa composante sous-jacente devraient culminer à un peu moins de 2 ½ pour cent. L’inflation générale des prix à la consommation augmente actuellement dans la majorité des économies de marché émergentes, ce qui s’explique par l’impact de la dépréciation de certaines monnaies et par la hausse des prix des produits de base, mais sans doute marquera-t-elle le pas à mesure que les effets du resserrement des politiques monétaires se feront sentir.
Principaux enjeux et risques majeurs
Une intensification des restrictions commerciales pourrait avoir un coût non négligeable
La recrudescence des tensions commerciales et des incertitudes entourant les politiques commerciales est une source majeure de risque de révision à la baisse des prévisions pour l’investissement, l’emploi et les niveaux de vie au niveau mondial. L’imposition de nouvelles restrictions commerciales fait baisser le niveau de vie des consommateurs, en particulier des ménages modestes, et génèrent des coûts de production supplémentaires pour les entreprises. Le relèvement des droits de douane sur les biens (et les services) de consommation intermédiaire peut s’avérer spécialement coûteux dès lors que des produits franchissent des frontières à plusieurs reprises au fil de leur parcours dans les chaînes de valeur mondiales (OCDE, 2017b).
De nouveaux droits de douane et mesures de représailles sont d’ores et déjà entrés en vigueur depuis le début de l’année et d’autres pourraient encore être appliqués dans les prochains mois (Encadré 1.1). Bien que les conséquences directes des restrictions commerciales imposées cette année commencent seulement à se faire sentir à l’échelle macroéconomique, certains effets et distorsions sont d’ores et déjà visibles dans les secteurs où un relèvement des droits de douane a été opéré ou annoncé. La croissance en volume des importations aux États-Unis de marchandises en provenance de Chine a commencé à ralentir et les prix sur le marché intérieur de certains produits concernés ont d’ores et déjà fortement augmenté (Graphique 1.10).
Encadré 1.1. Les restrictions commerciales ont augmenté cette année
Dans les grandes économies, le nombre de nouvelles mesures de restriction des échanges a progressé en 2017‑18, avec un éventail de produits couverts beaucoup plus large qu’en 2016‑17 (OCDE-CNUCED-OMC, 2018). En particulier, un nombre notable de mesures nouvelles ont été adoptées par les États-Unis et la Chine, qui les ont appliquées à leurs relations commerciales bilatérales, avec le risque que ces restrictions continuent de s’intensifier au cours des prochains mois.
Une première série de nouveaux droits de douane a été imposée par les États-Unis sur leurs importations de panneaux solaires et de lave-linge (en février), puis d’acier et d’aluminium (en mars), ce dernier produit bénéficiant toutefois de certaines exemptions. Les importations américaines de ces produits avoisinaient 60 milliards USD en 2017. Quelques pays touchés par le relèvement des droits de douane sur l’acier et l’aluminium ont pris des mesures en représailles.
Les États-Unis ont ensuite imposé de nouveaux droits de douane sur divers produits importés de Chine. Ainsi, des droits ont été imposés à un taux de 25 % sur 50 milliards USD d’importations en juillet et en août, puis à un taux de 10 % sur 200 milliards USD supplémentaires d’importations en septembre, ce dernier étant susceptible d’être porté à 25 % à partir de janvier 2019. Le scénario de référence retenu pour ces prévisions intègre le relèvement de 10 % de septembre, mais part de l’hypothèse que l’augmentation prévue pour janvier prochain ne sera pas appliquée (Annexe 1.1). Le risque est réel, également, de voir des droits pouvant atteindre 25 % appliqués sur le reste des importations américaines de marchandises chinoises (soit sur quelque 260 milliards USD d’importations en 2017), ce qui entraînerait une hausse des droits de douane sur un large éventail de biens de consommation en plus des biens intermédiaires visés en priorité par les mesures prises cette année.
À son tour, la Chine a annoncé un relèvement de ses droits de douane sur 110 milliards USD d’importations en provenance des États-Unis, mais ces mesures ont été partiellement compensées par un abaissement des droits de douane sur ses importations depuis d’autres pays. De nouvelles mesures américaines pourraient entraîner soit un nouveau relèvement des taux douaniers chinois sur ces mêmes importations provenant des États-Unis, soit de nouveaux droits de douane pouvant atteindre 25 % sur le reste des importations chinoises en provenance des États‑Unis (soit 40 milliards USD environ en 2017).
L’Union européenne, le Japon et de nombreuses autres économies, parties intégrantes des chaînes d’approvisionnement régionales, y compris les pays exportateurs de produits de base, risquent également d’être touchés par ces mesures douanières bilatérales et par la réorientation des échanges qu’elles induisent, en particulier si de nouveaux droits de douane devaient être imposés sur les importations de véhicules de tourisme, de poids lourds et de pièces automobiles.
Des simulations sur la base du modèle économétrique mondial NiGEM illustrent les effets néfastes qu’un renchérissement des droits de douane pourrait avoir sur la production et les échanges mondiaux à court terme (voir aussi OCDE, 2018b), et montrent dans quelle mesure ces effets néfastes pourraient encore être amplifiés si les hausses des droits de douane devaient provoquer une aggravation des incertitudes qui entraînerait un ralentissement de l’investissement dans le monde.
Les droits de douane qui ont déjà été imposés cette année par les États-Unis et par la Chine auront pour effet de ralentir la croissance et de pousser l’inflation à la hausse (Graphique 1.11). D’ici 2020‑21, la production aux États‑Unis et en Chine pourrait être inférieure d’environ 0.2 à 0.3 % à ce qu’elle serait sans ces restrictions, avec une réduction des échanges mondiaux d’environ 0.4 %, et les niveaux combinés des volumes d’importations aux États-Unis et en Chine seraient en repli d’approximativement ¾ pour cent. L’alourdissement des droits de douane a également pour effet de pousser à la hausse les coûts supportés par les producteurs et les prix payés par les consommateurs. Aux États-Unis, la hausse des prix à la consommation gagnerait 0.2 point de pourcentage environ en 2019 comme en 2020. Les effets de ces mesures douanières bilatérales États‑Unis‑Chine sur les autres économies seraient relativement modestes, mais néanmoins négatifs. Sur plus longue période, d’autres pays pourraient profiter d’une meilleure compétitivité sur le marché américain, mais à court terme, l’impact sur leur revenu d’un recul global de la demande aux États-Unis et en Chine l’emporterait sur l’effet de substitution et la croissance des échanges et de la production diminuerait dans toutes les économies.
Les effets négatifs de ces mesures douanières seraient considérablement plus marqués si les États-Unis portaient à 25 % leurs droits de douane sur 200 milliards USD supplémentaires d’importations en provenance de Chine à compter de janvier 2019 et que la Chine prenait des mesures en représailles (Encadré 1.1). L’impact sur le PIB aux États-Unis et en Chine en serait presque doublé d’ici 2020 et 2021 (Graphique 1.11), et les échanges mondiaux diminueraient de plus de 0.6 %. Les prix à la consommation aux États-Unis en 2020 seraient supérieurs d’environ 0.6 % à ce qu’ils seraient sinon.
Il existe aussi un risque que des taux de 25 % soient ensuite appliqués par les États-Unis sur tout le reste des importations en provenance de Chine, celle-ci, en réponse, frappant à un taux de 25 % tout le reste de ses importations depuis les États-Unis (Encadré 1.1). Dans un tel scénario (intervenant, par hypothèse, en juillet 2019), les effets à court terme seraient nettement plus forts et plus répandus. Les échanges mondiaux seraient en retrait de plus de 1 ¼ pour cent par rapport au niveau de référence, les volumes d’importations aux États-Unis et en Chine se contractant de plus de 2 % en 2020 et 2021 (Graphique 1.11). Le PIB des États‑Unis pourrait être en 2021 inférieur d’environ ¾ pour cent à son niveau de référence, l’investissement des entreprises reculant d’environ 2 % et les prix à la consommation augmentant de 0.9 %. Les partenaires commercialement très proches, à l’image du Canada et du Mexique, seraient atteints par le ralentissement de l’activité aux États-Unis et pourraient voir en 2020 leur PIB respectif fléchir d’environ ¼ de point de pourcentage par rapport à son niveau de référence.
L’aggravation des incertitudes liées aux politiques commerciales et les inquiétudes relatives à la possibilité que le relèvement des droits de douane porte sur un éventail plus large d’importations pourraient avoir des conséquences néfastes sur les projets d’investissement des entreprises dans le monde entier (Berthou et al., 2018 ; BCE, 2018). Une hausse de 50 points de base, pendant trois ans, des primes de risque dans tous les pays renchérirait le coût du capital et aggraverait l’impact des droits de douane sur la production : le PIB mondial s’inscrirait en repli de 0.8 % par rapport au niveau de référence d’ici 2021 et les échanges mondiaux diminueraient d’environ 2 % (Graphique 1.11). À l’échelle de l’OCDE, l’investissement des entreprises reculerait en moyenne de près de 2 ¾ pour cent en 2020‑215, et aux États-Unis, la baisse de l’investissement pourrait atteindre 3 ¾ pour cent.
Dans les simulations effectuées, la charge des mesures douanières repose essentiellement à court terme sur les consommateurs des États-Unis, sous la forme d’un renchérissement des prix. Une réponse plus ferme des exportateurs chinois par les prix, avec un ajustement intégral de la tarification de leurs produits au marché américain, ferait supporter le coût des mesures douanières aux exportateurs (et, à leur tour, à leurs fournisseurs). L’impact sur la croissance et l’inflation aux États-Unis serait alors plus modeste, mais les effets néfastes sur la croissance chinoise seraient supérieurs du fait de la dégradation des termes de l’échange.
Ces chocs ont des implications pour les politiques macroéconomiques. L’importance de la réaction de la politique monétaire à un relèvement des droits de douane varie selon que celui-ci va entraîner une modification ponctuelle du niveau des prix ou qu’il aura ensuite des effets indirects plus larges sur les salaires, les prix et les anticipations d’inflation. De tels effets sont plus probables si l’alourdissement des droits de douane concerne un large éventail de biens de consommation et d’intrants intermédiaires. Dans toutes les simulations, il apparaît que la politique monétaire des États‑Unis prendrait un tour plus restrictif que celui qu’elle aurait pris autrement, et que l’on observerait une légère appréciation du dollar. Dans le scénario envisageant deux nouveaux cycles de relèvement des droits de douane en 2019, les taux d’intérêt directeurs aux États‑Unis seraient supérieurs d’environ ½ point de pourcentage par rapport à leur niveau de référence et le taux de change effectif du dollar s’apprécierait de 2 %, ce qui ajouterait aux tensions financières dans les économies de marché émergentes. Dans d’autres pays, la dépréciation de plusieurs monnaies par rapport à la devise américaine pousserait à la hausse les prix des importations et entraînerait un léger resserrement de la politique monétaire. Les droits de douane pourraient également fournir des recettes publiques supplémentaires, qui pourraient être de l’ordre de ¼ pour cent de PIB en 2019 sur les droits de douane imposés cette année (y compris ceux frappant les importations d’acier et d’aluminium), voire supérieures dans les scénarios prenant en compte l’adoption de mesures supplémentaires en 2019 ; toutefois, ce surplus de recettes serait en partie contrebalancé par un recul de l’activité.
La baisse d’intensité des échanges résultant de l’imposition de nouveaux droits de douane pourrait également avoir certains effets négatifs sur la productivité et les niveaux de vie à moyen terme car elle entraînerait un repli de la concurrence, une diminution des possibilités de spécialisation et une diffusion plus lente des idées par-delà les frontières nationales (Haugh et al., 2016 ; Guillemette et Turner, 2018)6. En revanche, toute mesure d’abaissement des droits de douane pourrait être porteuse de gains généralisés (OCDE, 2018c). De nouvelles mesures de relèvement des obstacles non tarifaires qui, dans de nombreux pays, sont déjà supérieurs aux droits de douane, pourraient faire rejaillir l’impact des restrictions commerciales sur de nombreux autres secteurs et multiplier les coûts à moyen terme (Encadré 1.2).
Encadré 1.2. Mesures non tarifaires et échanges
Les « mesures non tarifaires » désignent un ensemble de dispositifs divers dans leur finalité, leur forme juridique et leur impact sur l’économie. Ces mesures correspondent à toutes les politiques publiques autres que les droits de douane et les contingents douaniers, qui ont un impact plus ou moins direct sur le prix des produits importés/exportés, leur quantité, voire les deux. En principe, les mesures non tarifaires découlent de réglementations nationales qui ont pour but de surmonter, ou d’atténuer, les effets des imperfections du marché, notamment les externalités négatives, les asymétries d’information et les risques pour la santé humaine, animale ou végétale. Elles ont généralement tendance à majorer les coûts de production et ceux des échanges et peuvent influer, dans un sens positif ou négatif, sur le développement de technologies ou de méthodes de production nouvelles.
Des estimations récentes de l’OCDE sur les équivalents ad valorem des mesures non tarifaires montrent que pour la plupart des économies, les niveaux des mesures non tarifaires actuellement en place sont deux fois supérieurs aux niveaux des droits de douane (Graphique 1.12). Le commerce international des biens et des services peut ainsi être fortement affecté – dans un sens à la fois positif et négatif – par des mesures non tarifaires. Or, parce que celles-ci peuvent avoir précisément des effets positifs et négatifs, il ne serait pas réaliste d’attendre des autorités qu’elles les suppriment comme elles le feraient de droits de douane. Ainsi, l’étiquetage obligatoire, en tant que réponse aux asymétries d’information, peut certes majorer les coûts supportés par les entreprises, mais cette obligation envoie en même temps un signal de qualité et renforce de ce fait la confiance des consommateurs dans les produits étrangers.
Il reste toutefois qu’il est possible d’intensifier les échanges internationaux en diminuant le coût des mesures non tarifaires, tout en permettant tout de même aux autorités de tenir leurs objectifs. En effet, le problème ne tient pas nécessairement en soi aux objectifs de la réglementation, lesquels peuvent être communs d’un pays à l’autre. Le plus souvent, l’application de normes ou méthodes différentes qu’impliquent des mesures réglementaires a pour effet de renchérir les coûts supportés par les entreprises désireuses d’accéder à différents marchés. Ces coûts peuvent être imputables à de multiples obligations à remplir, en termes de produits et de production, d’évaluation de conformité et d’homologation, ou encore d’information, pour accéder à un nouveau marché. Ces obligations peuvent être lourdes spécialement pour les microentreprises et les PME, pour lesquelles le coût à supporter pour rassembler toutes les informations nécessaires à cet effet peut être considérable.
Il semble de plus en plus évident, ainsi que le montrent aussi des estimations récentes de l’OCDE, que le fait de réduire l’hétérogénéité des réglementations fait baisser le coût des échanges (OCDE, 2017c ; Cadot et al., 2018). En utilisant un indice de distance réglementaire entre partenaires commerciaux, Cadot et al. (2018) montrent que d’une manière générale, plus les différences de réglementation sont grandes, plus les équivalents ad valorem estimés pour plusieurs mesures non tarifaires sont élevés (Graphique 1.13). Ainsi, il est possible de diminuer le coût des échanges si l’on aplanit les différences réglementaires, y compris en suivant diverses pistes pour la coopération internationale sur ces questions. Les coûts et avantages d’une plus grande cohésion et d’une moindre diversité réglementaire ont également été pointés dans les travaux en cours sur les accords commerciaux préférentiels. Les éléments recueillis corroborent l’idée que la coopération internationale sur des questions comme les mesures sanitaires et phytosanitaires (SPS) et les obstacles techniques au commerce (OTC) exerce un fort impact positif sur les flux commerciaux bilatéraux.
Une hausse des cours du pétrole continue de faire peser un risque de divergence à la baisse par rapport aux prévisions
En dépit d’une forte hausse de la production aux États-Unis et en Russie, les prix du pétrole ont augmenté depuis le début de l’année, portés par une croissance continue de la demande, l’arrêt de la production au Venezuela et les incertitudes concernant l’impact des sanctions sur la production de l’Iran (Graphique 1.14, parties A et B). Alors que les pays producteurs de l’OPEP et certains pays producteurs hors OPEP s’étaient mis d’accord en mai pour assouplir leurs restrictions d’approvisionnement, les capacités de production encore disponibles ont nettement diminué et le marché pétrolier se trouve ainsi exposé à des risques de perturbations majeures, qui pourraient soumettre les prix à des tensions à court terme plus vives (Graphique 1.14, partie C).
Une montée des cours du pétrole entraîne une redistribution du revenu entre producteurs et consommateurs de pétrole. Un renchérissement des cours tend à augmenter les coûts de production et à pousser à la hausse les prix à la consommation dans toutes les économies, mais les pays producteurs devraient profiter d’un regain d’investissement dans le secteur pétrolier et d’un gonflement de leurs recettes d’exportations pétrolières. L’impact net de la montée des cours sur l’activité mondiale devrait toutefois être négatif, la propension à consommer des pays importateurs de pétrole étant généralement supérieure à celle des pays producteurs.
Des simulations sur la base du modèle économétrique mondial NiGEM illustrent les conséquences d’une augmentation des cours du pétrole de 20 USD par baril à partir de 2019 et pour une période de cinq ans. On suppose que la politique monétaire et le taux de change réagissent de façon endogène. Un choc de cette nature pèserait sur les échanges, réduisant les volumes d’échanges mondiaux de 1 % d’ici 2020. La production mondiale baisserait également en 2019 et 2020, avec des différences, toutefois, d’un pays à l’autre (Graphique 1.14, partie D) :
Dans les pays importateurs nets de pétrole, un renchérissement du prix du baril pèserait sur l’investissement, la consommation et les volumes d’exportations. Cet impact serait plus négatif dans les pays importateurs nets de pétrole non membres de l’OCDE car l’énergie y occupe une place plus importante dans les paniers de consommation et les méthodes de production.
Aux États-Unis, qui demeurent un importateur net de pétrole, un renchérissement du prix du baril aurait un impact négatif sur la production étant donné son degré de répercussion relativement important sur les prix à la consommation et à la production dans l’économie. Toutefois, les simulations réalisées à partir de ce modèle sous-estiment peut-être le coup de pouce à court terme que la hausse des cours du pétrole pourrait donner à l’investissement dans le pétrole de schiste.
Les pays exportateurs nets de pétrole bénéficieraient d’un renchérissement des cours du baril sous la forme d’une hausse de leurs rentrées fiscales et de leurs recettes à l’exportation. Le regain d’activité serait spécialement notable dans les pays exportateurs nets hors OCDE car, en moyenne, leur économie est moins diversifiée et repose pour une plus large part sur le secteur pétrolier.
L’inflation augmenterait également substantiellement la première année suivant un choc pétrolier, d’environ ¼ de point de pourcentage dans les économies de l’OCDE et de 0.4 point dans les pays hors OCDE.
Certaines études suggèrent que les fluctuations des prix pétroliers pourraient aussi jouer sur les anticipations d’inflation des ménages et des marchés (Coibion et Gorodnichenko, 2015). En effet, la baisse des prix du pétrole entre 2014 et 2016 a coïncidé avec un repli, durant la même période, des indicateurs d’anticipations d’inflation à long terme établis à partir des marchés. Ce constat suscite des préoccupations quant à l’impact à long terme que pourrait avoir l’épisode de montée des prix de l’an passé sur les anticipations d’inflation. Cela étant, cette corrélation pourrait être imputable à des facteurs sous‑jacents communs. Il est important de faire la distinction entre les hausses des prix du pétrole induites par l’offre et celles induites par la demande. Certaines analyses empiriques ont montré que seules les deuxièmes influent notablement sur les anticipations à long terme (Perez-Segura et Vigfusson, 2016 ; Conflitti et Cristadoro, 2018), ce qui est cohérent avec la théorie selon laquelle les augmentations de prix induites par l’offre jouent négativement sur l’activité économique, ce qui peut faire baisser les anticipations d’inflation à long terme.
Des facteurs de vulnérabilité financière refont surface
Des risques de durcissement soudain des conditions financières perdurent
16. La montée des taux d'intérêt de marché et la baisse des prix des actifs sont des processus normaux d'ajustement en période de resserrement de la politique monétaire. Néanmoins, l'accentuation connexe de la volatilité pourrait constituer une source de risques pour la stabilité financière, dans la mesure où les corrections des prix des actifs pourraient être amplifiées et se propager à différentes catégories d'actifs et à divers pays, mettant au jour des facteurs de vulnérabilité. Ces risques sont aujourd'hui élevés. La politique monétaire dans les principales économies de l'OCDE a été extrêmement accommodante pendant une période prolongée, maintenant à un bas niveau les rendements des obligations d'État à long terme, malgré les récentes hausses observées dans quelques pays, et favorisant la prise de risque.
Les récents efforts de réforme ont rendu le système bancaire plus résilient aux chocs, mais certains risques se sont déplacés vers les établissements financiers non bancaires. Les investisseurs institutionnels en obligations, notamment les organismes de retraite, sont devenus plus vulnérables face aux hausses de taux d'intérêt, car ils ont acquis des titres de dette plus risqués et assortis d'échéances plus longues. Les organismes de placement collectifs et les fonds indiciels cotés, qui ont enregistré une forte croissance ces dernières années, sont exposés à des risques comparables à des retraits bancaires massifs, dans la mesure où ils émettent des créances liquides sur des actifs sous-jacents illiquides, ce qui est lourd de conséquences pour la stabilité financière globale (Chen et al., 2010 ; FMI, 2015). Les sociétés d'assurance-vie, en particulier dans l'Union européenne (UE), ont accumulé des positions longues sur des contrats d'échange de taux d'intérêt pour se couvrir contre les risques de taux d'intérêt inhérents aux contrats d'assurance (CERS, 2015). Une forte hausse des taux d'intérêt entraînerait une perte de valeur des actifs fournis en garantie et déclencherait des appels de marge sur les contrats d'échange de taux d'intérêt susceptibles de contraindre les sociétés concernées à vendre des actifs de crédit et de propager le choc à d'autres catégories d'actifs. Les marchés des produits dérivés de gré à gré sont certes devenus plus transparents, mais le rôle de la compensation centrale a été renforcé et les contreparties centrales peuvent maintenant accentuer la volatilité des marchés (Heller et Vause, 2012 ; OCDE, 2017a).
Les tensions financières se sont accentuées dans de nombreuses économies de marché émergentes, mais à des degrés divers
L'Argentine et la Turquie ont connu de graves turbulences financières (Graphique 1.15). L'accentuation des tensions dans ces économies, dans un contexte marqué par la normalisation de la politique monétaire des États-Unis et par des facteurs internes idiosyncratiques, a débouché sur un revirement du sentiment des marchés à l'égard des économies de marché émergentes et déclenché des sorties de capitaux. Néanmoins, la réévaluation des actifs financiers et la réaction connexe des autorités monétaires dans d'autres économies de marché émergentes ont été plus ordonnées et d'une ampleur plus modeste, reflétant dans une large mesure des différences de fondamentaux macroéconomiques (graphiques 1.15 et 1.18)7.
Les tensions financières observées en Argentine et en Turquie ne représentent pas nécessairement des risques systémiques pour l'économie mondiale, compte tenu des liens financiers et commerciaux qu'entretiennent ces deux pays avec le reste du monde (Graphique 1.16). Les effets d'entraînement pourraient être plus conséquents en cas de dégradation plus générale des perceptions des marchés. Ainsi, une augmentation durable de 100 points de base des primes de risque d’investissement dans les économies de marché émergentes pourrait entraîner une réduction du PIB de l'ordre de ½ pour cent au cours des deux prochaines années dans les grandes économies de marché émergentes (Graphique 1.17). Cela aurait un impact limité sur les économies de l'OCDE considérées dans leur ensemble, mais les pays fortement exposés aux économies de marché émergentes pourraient être plus sensiblement affectés.
Les économies de marché émergentes restent exposées à un nouveau revirement des marchés, en particulier dans l'éventualité d'une normalisation plus rapide que prévue de la politique monétaire dans les économies avancées. L'impact de tels chocs dépendrait de leur ampleur et de leur durée, ainsi que des paramètres économiques fondamentaux et de la situation politique dans les économies touchées. Les pays caractérisés par d’importants déficits budgétaires des administrations publiques et déficits des paiements courants, des réserves de change modestes et une forte proportion de leur dette libellée en devises seront sans doute particulièrement exposés (Graphique 1.18). La dette extérieure et la dette publique ont augmenté à partir du milieu des années 1990 (en pourcentage du PIB) dans de nombreuses économies de marché émergentes, exception faite de certaines économies d'Asie et de la Russie, mais leur situation économique et financière s'est généralement améliorée à de nombreux autres égards. Dans les économies de marché émergentes, l'inflation a nettement diminué, les soldes extérieurs se sont améliorés, les réserves de change ont augmenté, les marchés de capitaux se sont développés et les régimes de change sont devenus plus flexibles. Ces deux derniers éléments expliquent peut-être en partie le fait que la baisse médiane des cours des actions ait été généralement plus limitée au cours des récents épisodes de turbulences sur les marchés que pendant la crise asiatique, et le fait que la dépréciation médiane des monnaies ait été un peu plus importante pendant l'épisode de « taper tantrum » (les turbulences provoquées sur les marchés par la perspective d'une sortie progressive de l'assouplissement quantitatif de la politique monètaire aux États-Unis) et l'épisode de 2018 qu'à la fin des années 1990 (Graphique 1.19). En outre, les économies de marché émergentes ont déjà procédé à des ajustements liés à une dépréciation importante et prolongée de leurs monnaies en 2014‑16 (Graphique 1.19).
Les risques de ralentissement se sont accentués en Chine, et la question de l'équilibre à trouver entre préservation d'une croissance forte et maintien de la stabilité reste posée
La croissance a fléchi en Chine au cours de l'année 2018, sur fond de durcissement des règles applicables au secteur bancaire parallèle (qui a entraîné un ralentissement de la croissance des flux totaux de financement de l'économie), d'application de procédures d'approbation plus rigoureuses aux investissements des collectivités locales, et d'imposition de nouveaux droits de douane sur les exportations chinoises à destination des États-Unis. Ce dernier facteur a pesé sur les cours des actions et la production industrielle et, conjugué à la réduction de l'écart de taux d'intérêt entre la Chine et les États-Unis, sur le taux de change du yuan (Graphique 1.15). Les autorités ont commencé à annoncer de nouvelles mesures de relance, en sus des réductions d'impôt déjà prévues, notamment des initiatives de la banque centrale destinées à assouplir les conditions financières. La Banque populaire de Chine a déclaré qu'elle n'utiliserait pas la politique de change pour gérer les tensions commerciales et autres questions extérieures. Néanmoins, l'impression que la monnaie chinoise est utilisée à ces fins pourrait inciter d'autres pays de la région à lui emboîter le pas afin de préserver la compétitivité internationale de leur économie, et accentuer ainsi les frictions commerciales de manière plus générale. La dépréciation du yuan compense dans une certaine mesure les hausses de droits de douane aux États-Unis auxquelles sont confrontés les exportateurs, mais elle est susceptible de mettre en difficulté leurs concurrents, en particulier ceux qui sont établis dans le reste de l'Asie.
Un assouplissement des conditions financières pourrait contribuer à favoriser une accélération de la croissance du crédit et à limiter le ralentissement de l'augmentation du PIB. Néanmoins, cela pourrait accentuer les risques pesant sur la stabilité financière et retarder le désendettement nécessaire du secteur des entreprises, accentuant le risque d'un fléchissement sensible de l'activité économique par la suite. Le crédit aux sociétés non financières a commencé à diminuer légèrement, mais son niveau demeure très élevé, aux alentours de 160 % du PIB, après une période prolongée d'expansion économique rapide. Côté positif, les autorités surveillent maintenant l'endettement des entreprises publiques, pour lequel ont été définis des seuils, ce qui pourrait contribuer à limiter leur endettement. En outre, la croissance des actifs du secteur bancaire parallèle (les prêts pour compte de tiers, les prêts de sociétés fiduciaires et les acceptations bancaires) s'est ralentie. De même, toute mesure d’assouplissement budgétaire supplémentaire pourrait contribuer à entretenir la croissance de la demande, mais limiterait les marges de manœuvre budgétaires disponibles pour soutenir l'activité économique si celle-ci venait ensuite à fléchir fortement. Qui plus est, si le ralentissement est de nature structurelle, toute mesure de relance pourrait s'avérer inefficace à moins d'être judicieusement ciblée.
Un ralentissement de la croissance du PIB chinois nettement plus prononcé que celui anticipé dans le scénario de référence aurait des conséquences négatives sensibles sur l'expansion économique mondiale, en particulier s'il devait entamer la confiance des marchés de capitaux (OCDE, 2015 ; OCDE, 2018d). Une diminution de 2 points de pourcentage du taux de croissance de la demande intérieure en Chine pendant deux ans pourrait réduire la croissance annuelle du PIB d’environ ¼ de point de pourcentage en moyenne au Japon, en Asie de l'Est et dans les économies exportatrices de produits de base au cours des deux années. Globalement, la croissance du PIB mondial pourrait enregistrer une baisse de l'ordre de 0.3 à 0.4 point de pourcentage par an. L'effet induit serait plus de deux fois plus important si le choc affectant la demande s'accompagnait d'un recul sensible des cours des actions et d'une augmentation des primes de risque au niveau mondial, même si la baisse des prix des produits de base jouait un rôle d'amortisseur (OCDE, 2015).
Impératifs pour l’action publique
Les politiques macroéconomiques doivent permettre de préserver l'expansion économique mondiale, de réduire au minimum l'accumulation de facteurs de vulnérabilité financière et de garantir des marges de manœuvre suffisantes pour pouvoir soutenir l'activité économique si celle-ci venait à fléchir. Cela passe par une réduction progressive des mesures de relance monétaire et budgétaire, quoique à des rythmes différents selon les économies, doublée de réformes ambitieuses du côté de l'offre destinées à renforcer les perspectives de croissance à moyen terme et à améliorer les opportinités de chacum. Une réglementation et une surveillance financières adéquates, notamment un déploiement amélioré d'instruments macroprudentiels, pourraient atténuer certains des arbitrages survenant lors de la réalisation de ces objectifs.
Impératifs de politique monétaire et financière
Compte tenu des différences d'évolution de l'inflation, du chômage et de la production, on a pu observer dans les économies avancées une divergence des politiques monétaires, qui devrait s'accentuer :
Aux États-Unis, il faut que la normalisation de la politique monétaire se poursuive comme prévu, compte tenu de la vigueur de la croissance attendue à court terme et de la probabilité que la faiblesse du chômage entraîne des tensions inflationnistes à moyen terme, même lorsque la politique budgétaire aura pris une orientation moins expansionniste. La Réserve fédérale a déjà relevé son taux directeur de 200 points de base depuis la fin de 2015, portant à 2.25 % la limite supérieure de la fourchette-cible du taux des fonds fédéraux, et elle a commencé à réduire peu à peu son portefeuille d'obligations d'État et de titres adossé à des créances hypothécaires émis par des organismes parapublics (Graphique 1.20). Sur la base des prévisions susmentionnées, ces mesures devraient se poursuivre pour porter la limite supérieure de la fourchette retenue comme objectif pour le taux des Fonds fédéraux à 3 ½ pour cent d'ici à la fin de 2019, puis la laisser inchangée en 2020 pour autant que les tensions inflationnistes se stabilisent. Dans la mesure où la réduction des actifs financiers accumulés antérieurement aura bien avancé en 2020, la Réserve fédérale devrait communiquer sur le niveau normal souhaité de ses actifs totaux et sur le futur cadre opérationnel de sa politique monétaire, contribuant ainsi à réduire au minimum les risques de tensions sur les marchés. Elle pourrait continuer à appliquer un système de plancher allant de pair avec un bilan volumineux, ou revenir à un système de corridor permettant de ramener son bilan à une taille plus modeste (OCDE, 2017a).
Dans la zone euro, la politique monétaire devrait conserver une orientation accommodante, mais le degré d’assouplissement de l’action publique devrait être peu à peu réduit. La Banque centrale européenne (BCE) a déjà réduit ses achats nets d'actifs et devrait y mettre complètement fin d'ici à la fin de 2018. Dans la mesure où l'inflation sous-jacente devrait augmenter pour atteindre environ 2 % d'ici au second semestre de 2020, la BCE devrait commencer à relever à la fin de 2019 le taux de sa facilité de dépôt, aujourd'hui négatif, pour le porter au moins à 0.2 % à la fin de 2020. Parallèlement à la normalisation des taux d'intérêt directeurs, un plan de réduction progressive des actifs détenus faisant l'objet d'une communication adéquate serait souhaitable pour réduire au minimum le risque de volatilité sur les marchés de capitaux. Néanmoins, il pourrait être nécessaire de modérer le rythme de cette normalisation en cas d'accentuation des incertitudes.
La Banque du Japon a renforcé ses orientations prospectives, dans la mesure où la réalisation de l'objectif de 2 % d'inflation prend davantage de temps que prévu8. L'inflation reste nettement inférieure à l'objectif visé, malgré les efforts de relance massifs des cinq dernières années et les signes indiquant que la croissance économique pourrait déjà avoir atteint, voire dépassé, son niveau potentiel. Dans ce contexte, une réévaluation de la stratégie et du cadre de la politique monétaire pourrait être de mise (laquelle pourrait déboucher, par exemple, sur l'adoption d'un objectif d'inflation défini par une fourchette dont la limite inférieure serait en deçà de l'objectif d'inflation actuel, voir OCDE, 2018d). Cela pourrait également passer par des mesures ne relevant pas de la politique monétaire, telles que des augmentations plus marquées des salaires minimums9. Assouplir le dispositif de contrôle de la courbe des rendements pourrait être également justifié si l'inflation se rapproche de l'objectif.
De nouveaux épisodes de volatilité sur les marchés de capitaux pourraient se produire pendant la normalisation de la politique monétaire dans les principales économies avancées, rendant nécessaire l'adoption de mesures de renforcement de la résilience du système financier. Celle-ci dépend notamment de l'existence d'un cadre de réglementation et de surveillance adéquat, garantissant que les banques et autres établissements financiers disposent de volants de fonds propres et de liquidité suffisants. Le recours aux politiques macroprudentielles s'est accru après la crise financière mondiales dans les économies de marché émergentes et, dans une moindre mesure, dans les économies avancées (OCDE, 2018d). Néanmoins, dans la zone euro, les conditions nécessaires pour garantir une forte résilience du système financier ne sont toujours pas réunies, et les progrès accomplis à cet égard au cours des cinq dernières années ont été limités. En juin, il a été convenu que le Mécanisme européen de stabilité (MES) servirait de filet de sécurité commun au Fonds de résolution unique, mais les modalités pratiques restent à déterminer et l'on ignore si des ressources suffisantes seront garanties. En outre, aucun progrès n'a été accompli vers l'achèvement de l'union bancaire par la mise en place d'un système commun d'assurance des dépôts européen, ni vers la rupture de la boucle de rétroaction négative existant entre les emprunteurs souverains et les banques (OCDE, 2018e). La récente augmentation des risques souverains et bancaires en Italie (Encadré 1.3) rend la mise en œuvre de ces réformes encore plus difficile sur le plan politique.
Encadré 1.3. Facteurs de vulnérabilité des banques italiennes
L'incertitude liée à l'action publique a entraîné une vente massive d'obligations souveraines italiennes et une dégradation de la confiance à l'égard des banques italiennes. Le rendement des obligations d'État demeure supérieur de plus de 100 points de base à la moyenne de ces trois dernières années, les cours des actions des banques italiennes ont diminué de 35 % environ depuis la fin d'avril, et les taux des contrats d'échange sur risque de défaillance (CDS, Credit Default Swaps) ont considérablement augmenté tant pour les emprunteurs souverains que pour les établissements bancaires, puisqu'ils ont plus que doublé par rapport à leurs récents points bas (Graphique 1.21).
Ce regain de turbulences intervient alors que la solidité des banques italiennes s'est améliorée, même si elles présentent toujours des facteurs de vulnérabilité. Considérées dans leur ensemble, les banques ont multiplié par deux le ratio entre leurs fonds propres réglementaires de base et leurs actifs pondérés en fonction des risques, pour le porter à 14.6 %, au cours des dix dernières années. Peu de créances douteuses ou litigieuses (CDL) nouvelles ont été enregistrées, et leur stock a été considérablement réduit, grâce à la participation d'investisseurs internationaux et à l'instauration d'une garantie publique pour les tranches de rang supérieur des émissions obligataires obtenues par titrisation de CDL. Cela étant, à 9 % du total des prêts bruts, l’encours brut de CDL reste volumineux. La gouvernance des banques italiennes s’est également améliorée et leur rentabilité a progressé, en partie grâce à la diminution de leurs provisions pour pertes sur prêts.
Néanmoins, si les tensions sur la dette souveraine persistent, elles pourraient avoir des effets négatifs sur les banques italiennes, pesant sur les conditions de l'offre de crédit et l'expansion économique. Le crédit au secteur privé progresse, mais lentement, malgré le coût de plus en plus faible du crédit bancaire, ce qui traduit sans doute la faiblesse de la demande de crédit (Graphique 1.22). L'accentuation des incertitudes relative à l'économie italienne pourrait ralentir la cession, par les banques, de leurs créances douteuses, et pourrait aussi accroître les risques de crédit pour les intermédiaires, renforçant ainsi la boucle de rétroaction négative entre la sphère réelle de l'économie et les banques. Trois mécanismes spécifiques pourraient jouer un rôle :
Sur la base de données de 2011, les études empiriques sur les banques italiennes montrent que les taux des prêts bancaires vont probablement augmenter à la suite de la hausse du risque de crédit souverain, notamment dans les établissements moins bien capitalisés et présentant un niveau élevé de CDL1. À ce jour, la hausse des rendements des obligations d'État ne s'est pas encore répercutée sur les taux des prêts bancaires au secteur privé (Graphique 1.22).
D’ici juin 2020 à mars 2021, les banques italiennes devront rembourser 240 milliards EUR de prêts qui leur avaient été accordés par le biais des opérations de refinancement à plus long terme ciblées (TLTRO) de la zone euro, représentant environ 7 % de leurs engagements totaux actuels. Même si elles disposent de 70 milliards EUR d’excédents de liquidités et si elles auront accès à des financements peu onéreux grâce à d’autres facilités de prêt de la BCE cela se traduira sans doute par un alourdissement relatif de leurs coûts de refinancement.
L'exposition des banques italiennes vis-à-vis des obligations souveraines italiennes reste importante, si bien qu'elles demeurent exposées au risque d'une dépréciation de leurs portefeuilles d'obligations souveraines liée à leur évaluation au prix du marché (Graphique 1.23)2. En l’absence de mesures compensatoires, une baisse des cours des obligations souveraines comparable à celle observée l’année dernière n’entraînerait en moyenne qu’une réduction à la marge des ratios de fonds propres du système bancaire dans son ensemble (Graphique 1.23). En revanche, un repli marqué des cours des obligations souveraines pourrait nuire davantage aux banques les plus fortement exposées au risque souverain. Si les banques souhaitaient volontairement ramener leurs ratios de fonds propres au niveau auquel ils se situaient avant le choc, afin de disposer de capacités adéquates d'absorption de chocs futurs, une reconstitution de leurs fonds propres serait coûteuse compte tenu de la faiblesse des cours des actions des banques. Les banques pourraient donc choisir de réduire leur bilan afin de porter leur ratio de fonds propres aux niveaux réglementaire et souhaité, ce qui s'accompagnerait d'une réduction de l'offre de crédit pesant sur la croissance économique.
1. Selon Zoli (2013), environ 30% à 40 % de l'augmentation des primes de risque souverain sont transmis aux taux débiteurs appliqués aux entreprises dans un délai de trois mois, et 50 % à 60 % dans un délai de six mois, sachant que cette répercussion est un peu plus forte pour les prêts modestes. D'après Albertazzi et al. (2014), une hausse temporaire de 100 points de base des écarts de rendement des obligations d'État à 10 ans entre l'Italie et l'Allemagne se traduit par une augmentation des taux des prêts bancaires aux entreprises de l'ordre de 50 points de base au bout d'un trimestre, tandis qu'une hausse durable des primes de risque souverain est intégralement transmise au bout d'un an.
2. Pour la banque italienne médiane, le niveau des avoirs en obligations d'État italiennes est nettement supérieur à celui des fonds propres de base de catégorie 1 (CET1). Les banques des autres pays européens sont généralement moins exposées à la dette publique italienne, mais des poches de risque subsistent dans quelques intermédiaires financiers dotés de portefeuilles d'obligations souveraines italiennes plus volumineux (Graphique 1.23).
Impératifs de politique budgétaire
Sur le plan budgétaire, l’assouplissement considérable et généralisé qui a marqué 2018 devrait laisser place à une politique globalement neutre dans la plupart des pays de l’OCDE durant les deux prochaines années (Graphique 1.24). Les améliorations cycliques, couplées à une baisse des paiements nets d’intérêt, contribueront à un léger affermissement des soldes budgétaires globaux dans la majorité des pays de l’OCDE, à l’exception des États‑Unis, de la Corée et de quelques pays de la zone euro, dont l’Allemagne et l’Italie. La dette et les déficits publics demeurent élevés (supérieurs, dans la plupart des pays, aux niveaux qu’ils atteignaient avant la crise financière mondiale) et, dans bien des pays, la dette ne devrait guère diminuer dans les années à venir, ni en termes absolus, ni par rapport à ce qui a pu être observé par le passé (Graphique 1.24)10.
L’impact favorable des politiques monétaires accommodantes prolongées sur le coût du service de la dette dans bon nombre de pays avancés devrait persister à court terme, mais s’atténuer peu à peu. Le glissement vers le bas et l’aplatissement des courbes de rendements dans de nombreuses économies avancées ont concouru à la diminution des coûts du service de la dette et donc, à l’amélioration des soldes budgétaires globaux11. Cette évolution des courbes de rendements a dans le même temps permis d’allonger l’échéance moyenne de la dette publique, ce qui contribue à une baisse des risques de refinancement sans induire d’importants coûts budgétaires supplémentaires, et ralentit la répercussion des taux d’intérêt du marché sur les coûts du service de la dette (Maravalle et Rawdanowicz, 2018). Si, dans les économies du G7, les obligations à long terme arrivant à échéance dans les deux prochaines années sont reconduites avec la même échéance, il est probable qu’elles seront assorties de taux d’intérêt inférieurs et qu’elles contribueront par conséquent à réduire les coût moyen du service de la dette en Allemagne, en France, au Japon et au Royaume-Uni (Graphique 1.25).
Les priorités budgétaires diffèrent selon les économies, reflétant la disparité des conditions et déséquilibres macroéconomiques ainsi que des besoins en termes de politique publique. La politique budgétaire neutre attendue dans la plupart des pays en 2019 et 2020 paraît généralement adéquate au vu des perspectives économiques. Dans certains pays, la relance budgétaire substantielle prévue en 2019 semble justifiée. C’est le cas de l’Allemagne, qui jouit d’une position solide en termes de dette publique, affiche un excédent élevé des paiements courants et a besoin de rénover ses infrastructures publiques. En Italie au contraire, où la dette publique est considérable et où la croissance de la productivité est faible, la politique d’expansion budgétaire projetée risque de maintenir, voire d’accroître, les primes de risque souverain, ce qui pèsera sur la croissance. Aux États-Unis, la poursuite de la relance budgétaire en 2019 en dépit de bonnes conditions cycliques réduira la marge d’intervention en cas de retournement conjoncturel ultérieur. Quelques rares pays seulement devraient sensiblement durcir leur politique budgétaire en 2019‑20. Au Japon, le resserrement budgétaire prévu en 2020 reflète l’augmentation de la taxe sur la consommation, qui devrait être en partie compensée par une hausse des dépenses sociales. Même si cela contribuera à la réduction de l’endettement, des mesures budgétaires supplémentaires devront être prises pour que l’objectif de solde primaire puisse être atteint d’ici le milieu des années 2020.
Compte tenu de l’orientation attendue la politique budgétaire, les autorités doivent donner la priorité à des mesures visant à soutenir la croissance à long terme et à favoriser l’inclusivité. Les pays où le chômage reste élevé et où les inégalités et l’incidence de la pauvreté sont importantes (ce qui est le cas de la plupart des pays européens touchés par la crise) devraient faire en sorte que des programmes sociaux appropriés soient mis en place, notamment en investissant dans l’éducation et en menant des politiques actives du marché du travail. De la même manière, les économies associant une croissance faible et de forts besoins en infrastructures devraient prendre des mesures de soutien à l’offre, par exemple en augmentant les structures de garde d’enfants pour accroître le taux d’activité (Japon) ou en renforçant les dépenses publiques en infrastructures, notamment numériques (Allemagne, pays d’Europe centrale et orientale).
Options de politique publique à disposition des économies de marché émergentes pour faire face aux effets d’entraînement provenant des économies avancées
Les économies de marché émergentes demeurent exposées à un brusque changement de sentiment des investisseurs, en particulier si la normalisation des politiques monétaires devait être plus rapide que prévu dans les économies avancées. Dans nombre d’entre elles, les tensions inflationnistes s’intensifient dans le sillage des dépréciations des monnaies qui se sont produites au cours des derniers mois. Les mesures de politique publique à adopter dépendent de l’ampleur du changement d’attitude des investisseurs, du degré d’accumulation des fragilités et de la marge d’intervention disponible pour atténuer ces tensions.
Les économies de marché émergentes disposant d’un cadre de politique macroéconomique crédible et de régimes de change flexibles, et dont les expositions à la dette en devises sont gérables, pourraient se passer de mesures discrétionnaires et laisser les ajustements de change amortir les chocs. Une certaine dose de resserrement monétaire supplémentaire pourrait être nécessaire pour empêcher les baisses des taux de change d’alimenter l’inflation (au-delà de l’impact initial), mais les pays jouissant d’une position budgétaire solide pourraient, si nécessaire, assouplir leur politique budgètaire afin de soutenir la demande.
À l’inverse, les pays ayant des taux de change fixe ou des fondamentaux macroéconomiques moins robustes pourraient être contraints de durcir l’orientation globale de leur politique macroéconomique pour restaurer la confiance des investisseurs, au prix d’une dégradation de la demande intérieure.
L’imposition de droits de douane sur les importations et de contrôles des prix pour faire face aux déséquilibres macroéconomiques (déficits des comptes courants et inflation élevée inclus) sont à éviter car ils s’accompagnent de distorsions de marché et sont susceptibles de nuire aux perspectives de croissance.
Les ambitions en termes de politiques structurelles doivent être revues à la hausse
Les efforts en matière de réformes structurelles se sont récemment stabilisés, tant dans les économies avancées que dans les économies de marché émergentes, mais le rythme de leur mise en place reste inférieur à celui qui avait été observé après la crise financière. Depuis 2014, les pays du G20 ont, collectivement, mis en œuvre un certain nombre de réformes bénéfiques, mais insuffisantes pour atteindre l’objectif d’une hausse de 2 % de leur PIB cumulé d’ici à 2018. Intensifier les efforts de réforme dans les économies avancées comme dans les économies émergentes contribuerait à améliorer les niveaux de vie, à renforcer les perspectives d’investissement et de productivité à moyen terme et à répartir plus largement les bénéfices de la croissance.
Les conditions cycliques actuelles, marquées par une solide croissance de l’emploi, sont une bonne occasion de mettre en œuvre des réformes. De fait, de telles conditions permettent de maximiser les bénéfices des réformes, tandis qu’agir en période de crise – ce qui est souvent le cas – peut en accroître les coûts à court terme. Dans tous les pays, des réformes plus vigoureuses sont nécessaires pour soutenir le dynamisme de l’activité et la diffusion des savoirs, augmenter l’acquisition de compétences et des capacités d’innovation, et permettre aux actifs de tirer parti des évolutions rapides du marché du travail. Une meilleure redistribution par le biais de politiques de prélèvements et de transferts doit également faire partie intégrante d’un ensemble de mesures bien conçu pour valoriser le travail, soutenir les groupes les plus vulnérables de la société et contribuer à tirer la croissance du revenu réel des foyers les plus pauvres.
En guise d’illustration des bénéfices potentiels d’une ambition de réforme plus affirmée, il apparaît que dans les économies du G7, des réformes structurelles ayant pour effet d’assouplir la réglementation dans les secteurs de l’énergie, des transports et des communications ou d’accroître les dépenses consacrées à des politiques actives du marché du travail pourraient en moyenne accroître le PIB de 1 % après cinq ans (Graphique 1.26 ; Égert et Gal, 2017), avec des effets à long terme encore légèrement plus élevés12. Les domaines à réformer sont cités à titre d’exemple, mais coïncident globalement avec les principales priorités de réforme identifiés dans l’édition 2019 d’Objectif croissance (OCDE, à paraître). Des gains de PIB de cet ordre pourraient aussi améliorer la viabilité de la dette publique dans les pays fortement endettés.
17. Couper court à la tendance au protectionnisme et renforcer le système commercial international fondé sur des règles grâce au dialogue multilatéral contribuerait en outre à créer un climat de confiance propice à l’investissement des entreprises et empêcherait qu’un renoncement à l’ouverture des marchés n’assombrisse les perspectives de croissance mondiale. Parallèlement aux mesures visant à préserver le système de commercial international fondé sur des règles, des efforts supplémentaires sont nécessaires pour atténuer l’impact d’une plus forte intégration mondiale sur les travailleurs et les régions fragiles, en aidant les plus exposés à trouver de nouveaux emplois et à acquérir de nouvelles compétences. Il est également crucial d’éviter les erreurs de politique publique, telles que la mise en œuvre de mesures commerciales qui limitent les importations au lieu de promouvoir les exportations.
Options de politique publique en cas de retournement conjoncturel
Le renforcement des risques de dégradation par rapport aux prévisions justifie une évaluation des options s’offrant aux responsables de l’action publique en cas d’affaiblissement de la croissance plus important qu’on ne le prévoit actuellement. Les risques de dégradation liés à la montée des tensions commerciales, aux pressions sur les marchés financiers des économies émergentes et à la hausse des prix du pétrole pourraient tous interagir les uns avec les autres, notamment si des tensions plus importantes que prévu sur les prix, alimentées par l’augmentation des droits de douane ou une perturbation de l’offre de pétrole, devaient conduire de nombreux pays à resserrer de nouveau leur politique monétaire. Si des risques substantiels de révision à la baisse devaient se présenter, les responsables des politiques publiques pourraient avoir la tâche délicate de devoir gérer un ralentissement sensible de la croissance à un moment où l’inflation accélère et où la marge de manœuvre est limitée dans de nombreux pays. Par exemple, l’interaction de certains des risques susmentionnés pourrait se traduire par une réduction de plus de 0.5 % du PIB mondial par rapport au scénario de référence et de plus de 2 % des échanges mondiaux d’ici à 2020 (Graphique 1.27), sur la base des simulations effectuées à l’aide du modèle macroéconomique NiGEM. L’inflation mondiale serait quant à elle supérieure de plus de ½ point de pourcentage tant en 2019 qu’en 2020. Si l’aggravation des incertitudes liées à la politique commerciale devaient se traduire par un investissement des entreprises encore inférieur aux hypothèses retenues pour construire ce scénario, le recul de la production mondiale serait encore plus marqué et atteindrait près de 1 % d’ici la fin de 2020, tandis que les échanges mondiaux baisseraient d’environ 3 %.
Dans de nombreux pays, le recours à la politique macroéconomique pour soutenir la croissance sera moins aisé que lors de précédents épisodes de ralentissement. En raison du niveau très bas des taux directeurs et de la baisse des taux d’intérêt neutres, il est difficile de réduire fortement les taux d’intérêt réels. La marge de manœuvre budgétaire est également limitée dans certains pays où le risque existe qu’une relance budgétaire au plan national accroisse les primes de risque souverain. Tout indique qu’un resserrement de la coopération internationale, sur le plan monétaire comme sur le plan budgétaire, s’imposera dans le cas où une récession sévère affecterait un grand nombre d’économies. Une telle coopération, même si elle n’est pas formalisée, pourrait être à même d’apporter une réponse collective suffisante à un ralentissement mondial, et permettre à chaque pays d’assouplir plus facilement sa politique macroéconomique, et ce à un moindre coût.
Selon des scénarios de politique publique coordonnée faisant appel au modèle économétrique mondial de NiGEM utilisés à titre d’illustration, des initiatives en faveur d’un soutien budgétaire supplémentaire permettraient sans doute de contrer plus rapidement un ralentissement cyclique brutal que des mesures concertées d’assouplissement monétaire, mais ces dernières auraient en revanche un impact plus durable. En particulier, deux scénarios prospectifs sont envisagés :
Un soutien budgétaire triennal à hauteur de 0.5 % du PIB dans tous les pays et régions, les objectifs de budget de l’État étant abaissés d’un montant équivalent. Dans la plupart des économies, ce scénario passerait par une hausse du volume de la consommation publique mais, dans certaines économies de marché émergentes, il prendrait la forme d’une augmentation générale des dépenses publiques nominales à hauteur de 0.5 % du PIB en raison des limites du modèle. Les taux directeurs resteraient à leur valeur de référence pendant trois ans.
Le second scénario, qui s’applique également à toutes les économies et régions, consisterait à mener de manière temporaire une politique monétaire expansionniste. Il s’agit d’examiner l’impact d’une baisse initiale de ¼ de point de pourcentage des taux directeurs dans chaque économie, à laquelle s’ajoutent des mesures d’assouplissement quantitatif durant trois ans13. Cet assouplissement quantitatif est supposé entraîner une baisse de 50 points de base sur trois ans de la prime d’échéance des obligations d’État à dix ans, soit une relance correspondant à la moitié des mesures initiales d’assouplissement quantitatif prises par certaines économies avancées au lendemain de la crise financière mondiale.
Le scénario d’expansion budgétaire coordonnée permet d’accroître la production mondiale d’environ 0.5 % la première année, ce qui correspond à un multiplicateur de 1, mais ses effets commencent à s’estomper dès lors que l’inflation et les taux directeurs augmentent (Graphique 1.28). Par rapport au scénario de soutien budgétaire, la relance monétaire coordonnée a pour conséquence un recul des taux d’intérêt à long terme et dans les économies de l’OCDE, les rendements à long terme sont inférieurs d’environ 25 points de base à leur valeur de référence à court terme. Ce résultat pourrait être difficile à atteindre dans les économies qui ont déjà connu un assouplissement quantitatif de grande ampleur et où les taux d’intérêt sont à leur plancher effectif ou s’en approchent. La baisse des taux d’intérêt s’accompagne d’une nette augmentation de la production, qui met toutefois plus de temps à se produire que les effets d’un choc budgétaire pur et simple. Par la suite, les taux directeurs font l’objet d’un relèvement marqué face à l’accumulation de tensions inflationnistes à l’échelle mondiale (par rapport au scénario de référence).
Ces mesures, outre qu’elles ont un impact différent sur la production et l’inflation, ont aussi des conséquences sur les marchés de capitaux ainsi que sur le niveau et la composition de la dette. Cependant, les conséquences sur l’endettement des agentssont assez modestes dans la plupart des cas, en partie du fait du caractère provisoire du ralentissement et de la réaction des pouvoirs publics. L’expansion budgétaire, centrée sur la consommation publique, entraîne une hausse modeste du ratio dette publique/PIB à moyen terme. En revanche, en cas d’expansion monétaire, ce ratio reste inférieur ou égal au niveau du scénario de référence.
Au vu de ces résultats, il semble que la coordination des politiques publiques pourrait constituer un contrepoids efficace à un ralentissement conjoncturel mondial marqué. En outre, elle aurait probablement un impact plus sensible que ce qui a été décrit ci-dessus dans la mesure où l’action collective permettrait de soutenir la confiance et de réduire les incertitudes. Face à un retournement conjoncturel, un soutien budgétaire impliquant un phase d’augmentation temporaire des dépenses publiques offrirait une réponse plus rapide, mais une relance monétaire pourrait avoir des effets plus durables. Toutefois, une relance monétaire de l’ampleur considérée serait très difficile à mettre en œuvre dans les économies où les taux d’intérêt s’approchent de leur plancher effectif, renforçant l’importance des mesures budgétaires. Comme il faut généralement du temps pour mettre en place de nouvelles mesures budgétaires et coordonner des réponses nationales, il serait également justifié d’anticiper et de planifier de telles initiatives dans l’éventualité d’un ralentissement brutal de l’activité. Profiter de la marge de manœuvre disponible, tant que la croissance économique demeure supérieure à la tendance, pour reconstituer les volants de sécurité budgétaire donnerait aux pouvoirs publics des moyens d’action supplémentaires en cas de ralentissement.
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Annexe 1.1. Hypothèses de politique économique et autres hypothèses sous-tendant les prévisions
Les hypothèses concernant les paramètres des politiques budgétaires pour 2018‑20 sont fondées autant que possible sur les mesures concernant la fiscalité et les dépenses qui ont été adoptées par les parlements, et concordent avec les prévisions concernant la croissance, l'inflation et les salaires. Lorsque des projets ont été annoncés par les gouvernements sans avoir été adoptés par le pouvoir législatif, il en est tenu compte s'il paraît clair qu'ils seront mis en œuvre sous une forme proche de celle qui a été annoncée. Lorsqu'on ne dispose pas d'informations suffisantes pour déterminer quels seront les résultats budgétaires, on présume que les soldes primaires sous-jacents resteront inchangés, ce qui suppose l'absence de modification discrétionnaire de l'orientation de la politique budgétaire. Pour les pays de la zone euro, les objectifs indiqués dans les Programmes de stabilité sont également pris en compte.
S'agissant de la politique monétaire, les hypothèses relatives au profil d'évolution des taux d'intérêt directeurs correspondent au résultat le plus probable, sur la base des prévisions de l'OCDE concernant l'activité économique et l'inflation, ces prévisions pouvant être différentes de la trajectoire indiquée par les autorités monétaires.
Aux États-Unis, on suppose que la limite supérieure de la fourchette retenue comme objectif pour le taux des Fonds fédéraux sera progressivement relevée pour passer de 2.25 % aujourd'hui à 3.5 % en décembre 2019, et restera constante en 2020.
Au Japon, il est présumé que le taux à court terme sur les soldes des comptes courants détenus par les institutions financières auprès de la banque centrale sera maintenu à -0.1 % pendant toute la période considérée.
Dans la zone euro, on pose l'hypothèse que le taux négatif de la facilité de dépôt sera relevé par rapport à son niveau actuel de -0.4% pour passer à 0.2% d’ici la fin de 2020.
En Chine, on présume que la politique monétaire sera légèrement accommodante.
Dans le cas de l'Inde, on pose l'hypothèse que le taux des prises en pension sera porté de son niveau actuel de 6.5 % à 7 % à la mi‑2019, puis ramené à 6.75 % en 2020.
Au Brésil, on suppose que le taux directeur sera relevé progressivement pour atteindre 8.25 % d’ici la fin de 2020.
Bien que leur impact soit difficile à évaluer, on pose l'hypothèse que les mesures suivantes d'assouplissement quantitatif seront prises au cours de la période considérée, avec un effet implicite sur les taux d'intérêt à long terme. Aux États-Unis, on suppose que la Réserve fédérale réduira son stock d'actifs, comme elle l'a annoncé. Au Japon, il est présumé que la banque centrale poursuivra ses achats d'actifs et sa politique de contrôle de la courbe des rendements, mais avec plus de souplesse concernant ce dernier aspect, jusqu'à la fin de 2020, ce qui implique à ce moment-là une légère hausse du rendement des obligations d'État à 10 ans. Dans la zone euro, on pose l'hypothèse que la Banque centrale européenne (BCE) réduira progressivement ses achats d'actifs en 2018, ce qui entraînera une augmentation graduelle des taux d’intérêt à long terme en 2019‑20.
Seules sont prises en compte les réformes structurelles déjà mises en œuvre ou annoncées pour la période considérée. On suppose qu'aucune autre réforme ne sera mise en œuvre.
Les prévisions reposent sur l'hypothèse que les taux de change resteront aux niveaux observés à la date du 30 octobre 2018, où le dollar des États-Unis valait 112.7 JPY, 0.88 EUR (ce qui signifie que l'euro valait 1.14 USD) et 6.97 CNY.
Il est supposé que le cours du baril de pétrole brut de référence Brent restera constant à 80 USD pendant toute la période considérée, conformément au niveau moyen de septembre et d’octobre. On retient comme hypothèse que les prix des produits de base non pétroliers resteront également inchangés au cours de la période considérée, à leurs niveaux moyens d’octobre 2018.
Les prévisions relatives au Royaume-Uni reposent sur l'hypothèse technique d’un accord de transition avec l’UE couvrant une période allant jusqu’à la fin de 2020, après la sortie officielle du Royaume‑Uni de l’UE à la fin de mars 2019. Un tel accord minimiserait les risques de perturbations des échanges. Il est présumé que la fin de la période de transition se déroulera sans heurts, mais que l’issue définitive de l’accord sur les relations futures entre l’Union européenne et le Royaume-Uni restera incertaine jusqu’en 2020.
Les droits de douane imposés par les États-Unis et la Chine sur leurs échanges bilatéraux jusqu’en octobre 2018 ont été pris en compte dans les projections, mais on pose comme hypothèse qu’aucune mesure supplémentaire ne sera prise.
Ces prévisions ont été établies à partir d’informations collectées jusqu’à la date du 14 novembre 2018.
Notes
← 1. Parmi les autres facteurs contribuant à la mollesse des échanges mondiaux, on peut citer la moindre croissance de l’investissement (qui constitue une composante de la demande ayant une intensité d’échanges relativement forte) et le ralentissement de la croissance de la production dans la zone euro (partie du monde où l’intensité commerciale est relativement élevée du fait de l’importance des échanges intra‑zone).
← 2. L’orientation de la politique budgétaire correspond à l’évolution du solde primaire sous‑jacent des administrations publiques exprimé en pourcentage du PIB potentiel.
← 3. Selon le consensus sur les prévisions de croissance, on prévoit maintenant que la hausse du PIB mondial pondéré par les PPA devrait s’établir en moyenne à seulement 3½ pour cent par an au cours de la prochaine décennie, alors qu’avant la crise et immédiatement après, on anticipait que la croissance annuelle mondiale se situerait en moyenne entre 4 et 4½ pour cent par an.
← 4. À cause de l’augmentation des taux d’amortissement, due en partie au raccourcissement de la durée de vie des investissements dans la technologie, des investissements bruts bien plus importants sont désormais requis pour parvenir au même niveau de croissance du stock de capital net.
← 5. Cela correspond plus ou moins à l’impact le plus fort, sur l’investissement, d’un choc d’incertitude d’un écart-type tel que calculé par Caggiano et al. (2017).
← 6. Selon des estimations de l’OCDE, une diminution de 4 points de pourcentage de l’ouverture commerciale aurait pour conséquence d’abaisser d’environ 0.8 % la productivité totale des facteurs (PTF) au bout de cinq ans, et de près de 1.2 % au bout de dix ans (Égert and Gal, 2017).
← 7. Les écarts de rendement des obligations d'État entre les économies de marché émergentes et les États-Unis se sont creusés, mais ils demeurent inférieurs au récents sommets atteints à la fin de 2015 et au début de 2016. Les cours des actions ont diminué dans la plupart des économies et leur volatilité s'est accentuée.
← 8. La Banque du Japon a acquis des obligations d’État pour un montant équivalant à 80% du PIB environ, et détient maintenant près de 45% de l’encours total d’obligations d’État (Graphique 1.20). Elle a également assoupli dans une certaine mesure son objectif de rendement des obligations d'États à 10 ans, et s'est donné davantage de latitude pour ajuster en fonction des circonstances ses achats de parts de fonds indiciels cotés et de sociétés d'investissement immobilier cotées japonaises. Cette politique a eu pour effet secondaire d’alléger le coût du service de la dette publique.
← 9. Le gouvernement a déjà accordé un allègement fiscal de trois ans aux entreprises qui revalorisent de plus de 3 % la rémunération de leurs salariés et accroissent leurs investissements en capital fixe et en ressources humaines. En 2016, elles se sont également engagées à augmenter les salaires minimums de 3 % par an, ce qui a été le cas jusqu'ici. Étant donné que le salaire minimum s'établit à 40 % environ du salaire médian (c'est-à-dire en deçà de la moyenne de l'OCDE) et que le taux de chômage est faible, une hausse des salaires minimum de plus de 3 % pourrait être envisagée, mais il faudrait éviter de combler trop rapidement l'écart entre le niveau des salaires minimums et celui du salaire moyen.
← 10. La baisse médiane attendue de la dette publique brute en proportion du PIB devrait être plus lente que la diminution médiane observée dans les pays de l’OCDE entre 1980 et 2017.
← 11. Outre l’impact direct de la baisse des taux d’intérêt, certains gouvernements ont profité d’une augmentation des transferts de bénéfices des banques centrales. Ces dernières années, aux États‑Unis, les bénéfices de la Réserve fédérale ont été équivalents à plus de 10 % des charges brutes d’intérêts de l’État, soit deux fois plus qu’en 2008. En Italie, les transferts de bénéfices de la Banque d’Italie (intégrant la part italienne des bénéfices de la BCE) ont augmenté pour atteindre 7.5 % des charges brutes d’intérêts de l’État en 2017, contre environ 2 % en 2008‑10. Au Royaume-Uni, les versements de trésorerie par le Fonds de la Facilité d’achats d’actifs au Trésor britannique se sont montés à 20 % environ des charges brutes d’intérêt au cours des quatre dernières années. Au Japon, les sommes versées par la Banque du Japon à l’État ont représenté quelque 5 % des charges brutes d’intérêts.
← 12. Parvenir à ces résultats nécessiterait soit des modifications dans les deux domaines d’action publique cités d’une ampleur conforme à ce qui a été observé par le passé dans les pays de l’OCDE, soit un alignement sur le pays le plus performant lorsque la variation typique du pays concerné est plus importante que l’écart par rapport au pays le plus performant. La variation typique correspond à l’évolution moyenne d’un indicateur observé dans les pays ayant mis en oeuvre cette réforme structurelle particulière dans le passé (Égert et Gal, 2017). Parmi les indicateurs possibles, on peut citer la réglementation globale de l’énergie, des transports et des communications, et les dépenses consacrées à des politiques actives du marché du travail par chômeur (exprimées en pourcentage du PIB par habitant).
← 13. La modification des taux directeurs est entraînée par une hausse de l’objectif de PIB nominal de 1 % sur trois ans dans la règle par défaut du modèle NiGEM.