Angel Gurría, Secrétaire général de l’OCDE
Si l’extrême pauvreté a enregistré un recul sensible depuis le début des années 2000 – pour concerner aujourd’hui moins de 10 % de la population mondiale – l’autosatisfaction n’est pas de mise. Ce chiffre global masque une triste réalité : la faim dans le monde – on décomptait pas moins de 821 millions de mal-nourris en 2017 – est revenue à ses niveaux d’il y a une décennie. Alors même que les membres de l’OCDE et les économies émergentes d’Amérique latine et d’Asie connaissent une prospérité économique croissante, les inégalités économiques au sein des pays se creusent et constituent une menace pour le développement durable. Dans un contexte de progrès à l’échelle mondiale et nationale, mesurés à l’aune du PIB, les habitants les plus pauvres sont exclus des gains du développement. Pis encore, ils sont à proprement parler invisibles, car les moyennes nationales ne rendent pas compte de leur réalité et ne disent rien de leur histoire, faute de système de données satisfaisants.
Nous ne pouvons pas nous prévaloir d’être en voie de « ne laisser personne de côté », alors que les femmes et les filles continuent d’être exposées de manière disproportionnée au risque de pauvreté : elles sont 330 millions à vivre avec moins de 1.90 USD par jour, soit 4.4 millions de plus que d’hommes. Nous ne pouvons nous prévaloir de bâtir un avenir meilleur pour tous alors qu’en 2030, plus de 2.3 milliards d’êtres humains, soit environ 27 % de la population mondiale, vivront dans des contextes fragiles, et notamment sous la menace de conflits, de déplacements forcés, de pandémies, de l’extrémisme violent, de famines ou de catastrophes naturelles. Un total qui englobe plus de 80 % des habitants les plus pauvres de la planète.
Nous devons inverser ces tendances. Tous les acteurs, des pays de l’OCDE à la société civile, du secteur privé aux administrations nationales, doivent opérer un changement radical afin d’unir leurs forces et cibler leur action sur des politiques à même de promouvoir une croissance inclusive et durable, afin d’assurer que personne ne soit laissé de côté. Dans le monde actuel, qui n’a jamais été aussi interconnecté, nos destins liés font de notre responsabilité collective vis-à-vis des plus vulnérables une priorité non négociable. Nous ne pouvons ignorer ceux qui sont les oubliés de l’économie, de la société, de la politique et qui, de plus en plus, sont les premiers exposés aux menaces environnementales, puisque les effets du changement climatique pèsent de façon disproportionnée sur les plus pauvres.
Un peu plus de dix ans nous séparent encore de 2030, il reste du temps pour apporter notre pierre à l’édifice. La bonne nouvelle, c’est que la communauté de la coopération pour le développement, certains signes le montrent, commence à mieux appréhender le nouveau contexte dans lequel nous opérons. Les politiques et l’investissement mettent davantage l’accent sur une croissance et un bien-être centrés sur l’humain. Néanmoins, les Objectifs de développement durable demandent bien plus aux acteurs du développement s’ils veulent se montrer à la hauteur de l’engagement pris de commencer par résorber le retard de ceux qui sont au plus bas de l’échelle. La coopération pour le développement doit montrer qu’elle est préparée à se mettre au service d’un programme mondial de développement porteur de transformations, tout en donnant la priorité aux plus défavorisés.
L’édition 2018 du rapport Coopération pour le développement aide à préciser ce que recouvre, concrètement, l’engagement de « ne laisser personne de côté ». Il jette un regard neuf et critique sur l’état de préparation et la capacité de la coopération pour le développement et de l’aide publique au développement à aider les pays et les communautés en développement à atteindre les ODD. Il exhorte les acteurs du développement et les parties prenantes concernées à déployer des efforts résolus, systématiques et coordonnés pour maximiser leur impact afin de ne laisser personne de côté.
Dans tous ces domaines et d’autres encore, l’OCDE continuera d’être présente pour élaborer, développer et mettre en œuvre des politiques meilleures au service d’une coopération pour le développement plus inclusive et plus durable.