Ce chapitre présente onze pédagogies-signatures, conformes aux référentiels de compétences de l’OCDE sur la créativité et l’esprit critique, et susceptibles d’inspirer les établissements et les enseignants quant à la façon d’encourager ces deux compétences chez leurs élèves en mathématiques, en sciences, en arts visuels, en musique et dans le cadre de projets interdisciplinaires. Par pédagogies-signatures, on entend des modèles pédagogiques structurés pouvant s’appliquer tels quels aux activités ou projets éducatifs. Elles vont au-delà des techniques pédagogiques que tous les enseignants sont censés maîtriser en sus des méthodes traditionnelles d’enseignement magistral. Certaines de ces pédagogies ont été utilisées par les équipes nationales participant au projet de l’OCDE.
Développer la créativité et l’esprit critique des élèves
Chapitre 3. Onze pédagogies-signatures en lien avec le développement de la créativité et de l’esprit critique
Abstract
Pédagogies-signatures : De quoi parlons-nous ?
Certaines pédagogies sont plus susceptibles que d’autres de développer les compétences des élèves en créativité et en esprit critique, selon la discipline et ses normes d’expertise et d’excellence. Introduit par Shulman (2005 [1] ), le concept de « pédagogie-signature » renvoie à l’idée que certaines pédagogies sont plus structurées et complètes sur le plan philosophique que d’autres techniques pédagogiques de moindre envergure pouvant s’intégrer dans tout type de pédagogie, y compris traditionnelle ou mixte. Les « pédagogies-signatures » auxquelles nous faisons référence dans ce chapitre correspondent à des pédagogies complètes proposant une philosophie d’enseignement et d’apprentissage, ainsi qu’une approche pédagogique globale fondée sur des processus et techniques spécifiques. Elles se distinguent des améliorations des pédagogies existantes présentées au chapitre Chapitre 4, qui se contentent d’adapter des approches pédagogiques en place, quelles qu’elles soient.
En dehors de la méthode Montessori, les pédagogies-signatures présentées dans ce chapitre ne proposent pas un modèle éducatif complet, même si elles peuvent adopter une certaine approche d’enseignement et d’apprentissage dans une discipline spécifique. Toutes ont été choisies, car elles favorisent d’une manière ou d’une autre l’enseignement et l’apprentissage des compétences en créativité et en esprit critique, en sus du développement de compétences techniques, sociales et comportementales. Certaines d’entre elles ont été adoptées par les équipes nationales participant au projet de l’OCDE : Creative Partnerships pour les équipes hongroises, thaïlandaises et galloises ; l’apprentissage par projet ou par la recherche pour les équipes françaises ; Orff Schulwerk pour les professeurs de musique de l’équipe de Vista aux États-Unis ; et CREATE, développée dans le cadre du projet de l’OCDE. D’autres pédagogies-signatures présentées dans ce chapitre sont simplement associées à l’enseignement et l’apprentissage des compétences en créativité et en esprit critique, en sus des compétences techniques habituelles dans les matières scolaires.
Certaines laissent plus de place au développement de la créativité, tandis que d’autres mettent davantage l’accent sur l’esprit critique. Toutes requièrent en revanche un environnement d’apprentissage de qualité (OCDE, 2013 [2] ; 2017 [3] ) et répondent aux critères des cours de qualité, présentés au chapitre Chapitre 4. S’il n’existe guère de travaux de recherche liant l’esprit critique à des environnements d’apprentissage spécifiques, nombre d’entre eux combinent des éléments habituellement associés au développement de la créativité ou d’un apprentissage plus actif. Ceux-ci incluent, à des degrés divers : une culture de la motivation intrinsèque ; des relations respectueuses et un dialogue de qualité entre enfants et adultes ; une utilisation flexible de l’espace et du temps ; un juste équilibre entre travail en autonomie et opportunités de collaboration, et entre liberté et structure ; l’acceptation du non-conformisme ; et, en général, la création d’une production ou d’une performance (Beghetto et Kaufman, 2010 [4] ; Cardarello, 2014 [5] ; Davies et al., 2013 [6] ).
1. Creative Partnerships (toutes disciplines)
Principales caractéristiques de la pédagogie
Creative Partnerships (que l’on pourrait traduire par Partenariats créatifs) est une approche pédagogique promouvant la mise en place de partenariats entre praticiens de la création et établissements d’enseignement. Initialement lancé au Royaume-Uni au début des années 2000, ce programme s’est étendu à d’autres pays ces dernières années.
Il promeut une évolution des méthodes pédagogiques, en impliquant des praticiens de la création, en général des artistes ou des personnes travaillant dans les industries créatives, comme acteurs et conseillers dans le processus d’apprentissage. Ces praticiens de la création interviennent dans les établissements autour d’une problématique pré-identifiée, et travaillent avec les enseignants au développement de projets ou de nouvelles techniques pédagogiques permettant d’aborder cette problématique sur la base de leur expérience créative de non-enseignants – sans pour autant priver l’enseignant de son rôle.
Ces expériences impliquent une formation initiale des enseignants, du personnel de l’établissement et des praticiens de la création, et sont mises en œuvre dans le cadre de l’enseignement traditionnel en classe ou de projets spécifiques hors de la classe. Chaque projet Creative Partnership est unique et adapté au contexte individuel de l’établissement et aux enseignants et intervenants participants. Toutefois, toutes les expériences ont un objectif commun : placer la créativité au cœur du processus d’apprentissage dans les différents domaines, et permettre l’évolution non seulement des expériences d’apprentissage des élèves, mais aussi des enseignants et des établissements dans leur globalité.
Ces nouvelles pratiques innovantes et créatives visent à transformer en profondeur l’enseignement et l’apprentissage dans le cadre scolaire. Les points de vue qu’apportent les professionnels de la création viennent élargir et enrichir la façon dont les enseignants enseignent le programme, et aident les élèves à développer un éventail plus complet de compétences. Le renforcement des compétences liées à la créativité est, par exemple, l’un des objectifs explicites du programme, qui utilise le référentiel des « Cinq modes de pensée créative » parmi ses outils (Lucas, Claxton et Spencer, 2014 [7] ) : les nouvelles méthodes pédagogiques doivent encourager les élèves à devenir plus imaginatifs, curieux, disciplinés, collaboratifs et persévérants dans l’ensemble des disciplines du programme.
L’approche Creative Partnerships promeut aussi le suivi de l’environnement d’apprentissage et une « classe à fonctionnement optimal » sur le plan de l’enseignement et de l’apprentissage (Collard et al., 2016 [8] ; Lucas, Claxton et Spencer, 2013 [9] ; Lucas et Spencer, 2017 [10] ). Dans les classes à fonctionnement optimal, les enseignants transforment leurs pratiques et conçoivent des plans de cours permettant aux élèves de se confronter à des problématiques en lien avec des expériences de la vie réelle. Les cours doivent impliquer les élèves sur le plan physique, social, émotionnel et intellectuel ; ils doivent placer les élèves au centre du processus d’apprentissage en mettant leurs expériences, observations et questions personnelles au premier plan. Cette approche fait passer le développement éducatif des élèves d’un modèle d’assimilation de connaissances extérieures à un modèle leur donnant une plus grande capacité d’action dans leur apprentissage (Galton, 2007 [11] ).
Autant que faire se peut, la classe à fonctionnement optimal vise à présenter les caractéristiques suivantes (par opposition à celles d’une classe « à fonctionnement sous-optimal ») :
Rôle de l’enseignant : stimulant (plutôt qu’encadrant).
Nature des activités : authentique (plutôt qu’artificielle).
Organisation du temps : flexible (plutôt que soumise aux contraintes horaires).
Organisation de l’espace : atelier (plutôt que classe).
Approche des tâches : en groupe (plutôt qu’individuelle).
Visibilité des processus : forte (plutôt que faible).
Localisation des activités : mobile (plutôt que statique).
Chaque individu comme ressource d’apprentissage : central (plutôt qu’ignoré).
Émotions : reconnues (plutôt que méconnues).
Inclusivité : totale (plutôt que partielle).
Rôle de l’apprenant : auto-géré (plutôt que dirigé).
Comment cette approche est-elle censée développer la créativité et l’esprit critique ?
Creative Partnerships développe les compétences en créativité et en esprit critique en rendant le processus d’apprentissage plus créatif et en donnant aux élèves une plus grande capacité d’action dans leur apprentissage. L’utilisation du référentiel des « Cinq modes de pensée » comme outil métacognitif (et parfois d’évaluation formative) par les enseignants et les élèves renforce le caractère délibéré de l’enseignement et de l’apprentissage de dispositions créatives. De nombreuses dimensions de ce référentiel sont en adéquation avec celles des référentiels de l’OCDE sur la créativité et l’esprit critique (voir le chapitre Chapitre 2).
Éléments connexes
L’évaluation du programme Creative Partnership au Royaume-Uni (Ofsted, 2006 [12] ) a mis au jour des résultats prometteurs. Sur la base de diverses sources de données quantitatives et qualitatives (données d’enquête, données administratives, observations en classe, analyse des travaux des élèves, etc.), le rapport a mis en évidence l’impact du programme sur l’évolution de l’enseignement et de l’apprentissage dans les établissements. Les données semblent indiquer une progression des dispositions créatives des élèves, avec notamment une amélioration de leur capacité à improviser, prendre des risques, faire preuve de résilience et collaborer avec les autres. Les établissements participant au programme Creative Partnerships ont aussi fait part d’une amélioration des résultats scolaires de leurs élèves dans différents domaines tels que la littératie, la numératie, l’information et la technologie, mais aussi d’une augmentation de leur satisfaction durant les apprentissages en classe. L’étude note en outre une amélioration de la compréhension de la créativité et des pédagogies créatives chez les enseignants.
Une étude quasi-expérimentale récente de l’impact d’un projet pilote de Creative Partnerships en Hongrie a mis au jour un effet positif du programme sur l’image de soi des élèves participants, leurs compétences sociales, et leurs progrès en compréhension de l’écrit et en mathématiques (Collard et al., 2016 [8] ).
Pour tout complément d’information
Pour de plus amples informations sur le programme Creative Partnerships, consulter Creative Partnership : Initiative and Impact (Ofsted, 2006 [12] ), Creating Creative Learning Environments by Creative Partnerships Programme (Collard et al., 2016 [8] ) et https://www.creativitycultureeducation.org.
2. Design Thinking (toutes disciplines)
Principales caractéristiques de la pédagogie
Le Design Thinking est une méthode commerciale développée pour la conception de produits ou processus nouveaux ou améliorés, inspirée de Simon (1969 [13] ) et visant à faire de l’innovation une technique suivant des étapes spécifiques (Kelley et Littman, 2001 [14] ). Cette méthode a été transposée en approche pédagogique dans les « cours d’innovation », à la fois dans l’enseignement universitaire et pré-universitaire. Elle consiste à engager les élèves dans des expériences d’apprentissage leur permettant de penser et d’agir comme des designers, et donc de développer leurs compétences en créativité et en esprit critique.
Approche interdisciplinaire de l’enseignement et de l’apprentissage, le Design Thinking invite les élèves à trouver une solution innovante à un problème complexe concret en mettant en œuvre certains processus spécifiques de conception. À l’instar de professionnels du design, les élèves sont invités à produire des solutions multiples, pour ensuite les analyser, les évaluer et les améliorer progressivement. Cette approche est centrée sur l’élève et orientée vers le processus.
La pédagogie Design Thinking présente trois grandes caractéristiques : 1) la flexibilité de l’espace d’apprentissage ; 2) le travail en équipe ; et 3) une approche systémique de la résolution de problèmes. Elle encourage chez les élèves l’exploration, l’ouverture aux nouvelles idées et le partage des connaissances. Elle peut être mise en œuvre à l’occasion de courtes sessions dans un domaine spécifique ou dans le cadre de projets interdisciplinaires de longue durée, menés sur plusieurs semaines.
Le processus de conception comprend plusieurs étapes au cours desquelles les élèves développent et consolident leurs idées (Rhinow, Noweski et Meinel, 2012 [15] ) :
Compréhension et observation (développement) : Les élèves évaluent le contexte et les limites du problème. Ils développent leur empathie et améliorent leur compréhension des acteurs et du contexte de la situation, de manière à pouvoir adapter leurs actions à l’éventail des besoins actuels.
Synthèse (consolidation) : Les élèves définissent le problème et son contexte afin de produire des idées pertinentes. Ils recueillent les différents points de vue sur le problème, et en font l’interprétation et la synthèse afin de proposer des éclairages pertinents et des solutions exploitables. Cette étape demande en particulier aux élèves de mobiliser leurs compétences en esprit critique et en interprétation.
Idéation (développement) : Les élèves imaginent et produisent des idées afin de résoudre le problème. Ils doivent rechercher des idées en équipe et mobiliser leurs compétences de créativité et de collaboration.
Prototypage (consolidation) : Les élèves expérimentent et travaillent à la transformation de leurs idées en productions concrètes et tangibles.
Test (développement) : Les élèves mettent en œuvre les idées et solutions qu’ils ont produites tout au long du processus. Ils reçoivent des commentaires de la part de leurs enseignants, de leurs pairs et éventuellement de tiers.
Itération : Le processus du Design Thinking est de nature itérative. Les élèves passent d’une étape à une autre (sans ordre préétabli). Ils doivent parfois recommencer l’ensemble du processus ou certaines de ses étapes.
Au départ, le problème est mal défini : les élèves doivent l’identifier, le définir et déterminer l’éventail de besoins y afférents. Il s’agit là d’une particularité du Design Thinking, qui le distingue d’autres approches pédagogiques telles que l’apprentissage par projet. Durant le processus de conception, les élèves doivent mobiliser leurs compétences en pensée analytique et stratégique pour garantir une mise en œuvre efficace de leurs réflexions et actions. Ils doivent reconnaître la complexité du problème, prendre des risques et faire preuve de résilience. Ils doivent admettre qu’ils feront probablement des erreurs, sans pour autant renoncer à aller de l’avant.
Comment cette approche est-elle censée développer la créativité et l’esprit critique ?
Le Design Thinking vise à développer les compétences des élèves en créativité et en esprit critique dans le cadre d’une approche concrète. Les activités et processus cognitifs qu’il met en œuvre sont en adéquation avec le référentiel de compétences de l’OCDE (voir le chapitre Chapitre 2). Un référentiel de Design Thinking, conçue par la d.school de l’université de Stanford pour l’enseignement scolaire, décrit le processus d’apprentissage selon la séquence d’étapes suivante : empathie, définition, idéation, prototypage, test. Un ensemble de référentiels a également été développé. L’adéquation avec les dimensions de la créativité et de l’esprit critique mises en avant dans le référentiel de l’OCDE est ici claire : il est demandé aux élèves d’appliquer différentes méthodes de recherche, en fonction du problème, d’imaginer des solutions innovantes et multiples, notamment via la technique du brainstorming, de créer une production et un prototype, puis de réfléchir au processus ainsi mis en œuvre, avant d’éventuellement le recommencer.
Éléments connexes
Les travaux de recherche sur l’application pédagogique du Design Thinking sont de plus en plus nombreux, mais restent principalement axés sur l’enseignement supérieur. Certains de ces travaux se concentrent sur l’impact du Design Thinking sur la créativité et la confiance des individus en leurs capacités créatives, et de nombreux présentent les résultats créatifs des ateliers de Design Thinking, permettant ainsi au lecteur d’appréhender le degré de esprit critique intervenant dans le processus de Design Thinkng, et de créativité du résultat obtenu (voir, par exemple, Plattner, Meinel et Leifer, 2016a [16] ; Plattner, Meinel et Leifer, 2016b [17] ; Horii, 2015 [18] ; Hölttä-Otto, Conner et Genco, 2012 [19] ).
Pour tout complément d’information
Pour de plus amples informations sur la pédagogie du Design Thinking, consulter Transforming Constructivist Learning into Action : Design Thinking in Education (Rhinow, Noweski et Meinel, 2012 [15] ), What Is Design Thinking and Why Is It Important? (Razzouk et Shute, 2012 [20] ), Design Thinking:An Educational Model towards Creative Confidence (Rauth et al., 2010 [21] ). La série Design Thinking Research, éditée par Plattner, Meinel et Leifer (2012 [22] ; 2016a [16] ; 2016b [17] ; 2018a [23] ; 2018b [24] ), présente les derniers travaux de recherche sur le Design Thinking dans l’enseignement et au sein des organisations. Voir aussi https://dschool.stanford.edu.
3. Enseignement dialogique (toutes disciplines)
Principales caractéristiques de la pédagogie
L’enseignement dialogique est une pédagogie s’appuyant sur le pouvoir du langage pour encourager la réflexion des élèves et stimuler leur apprentissage et leur compréhension.
C’est un modèle pédagogique qui favorise l’établissement d’un dialogue continu et contrôlé entre élèves et enseignants, par opposition aux méthodes magistrales traditionnelles, centrées sur l’enseignant. Il implique une discussion allant au-delà d’un simple exercice de question-réponse, qui a avant tout une fonction de transmission des connaissances. La pédagogie dialogique encourage les élèves à exposer, expliquer, analyser, spéculer, explorer, évaluer, discuter, argumenter, etc. Elle demande aussi aux élèves d’apprendre à écouter leurs pairs, réfléchir à ce qu’ils disent, leur donner le temps de la réflexion et respecter leur point de vue. Parallèlement, les enseignants utilisent les discussions en classe pour mieux identifier les besoins des élèves, et adapter leurs pratiques d’enseignement et d’évaluation en conséquence. À ce titre, la parole de l’élève et celle de l’enseignant jouent toutes deux un rôle essentiel dans l’enseignement dialogique : tandis que celle des élèves stimule et développe leur apprentissage, celle de l’enseignant est capitale pour encourager, faciliter et stimuler la discussion en classe, et donc les compétences de raisonnement d’ordre supérieur chez les élèves. Les enseignants doivent avoir pleinement conscience de leur niveau d’élocution et de leurs interactions avec les élèves, notamment de la façon dont ces éléments stimulent leur confiance en eux, leur niveau de réflexion et leur questionnement créatif et critique.
L’enseignement dialogique encourage l’échange d’idées et d’informations, et requiert : des interactions (qui stimulent la réflexion), des questions (qui invitent à approfondir les recherches), des réponses (qui sont justifiées et développées), des commentaires (qui informent et font progresser la réflexion), des contributions (qui élargissent la réflexion), des échanges (qui établissent des liens avec les idées antérieures et améliorent la compréhension), de la discussion et de l’argumentation (qui remettent en question), l’implication de l’enseignant vis-à-vis du sujet (qui porte la discussion au-delà des conceptions traditionnelles), et une classe organisée (qui permet la mise en œuvre de l’ensemble des dimensions susmentionnées).
Les enseignants peuvent organiser les discussions en classe de cinq façons différentes : 1) enseignement en classe entière ; 2) travail en groupe (sous la conduite de l’enseignant) ; 3) travail en groupe (sous la conduite des élèves) ; 4) échange en tête-à-tête entre enseignant et élève ; ou 5) échange en tête-à-tête entre élève et élève. Au sein de ces différents types d’organisation, les possibilités de pédagogies axées sur la discussion et le dialogue sont infinies. Les pédagogies dialogiques sont régies par cinq principes fondamentaux (Alexander, 2017 [25] ) :
Collectivité : Les élèves abordent ensemble les tâches d’apprentissage.
Réciprocité : Les élèves s’écoutent les uns les autres, partagent leurs idées et prennent en compte les points de vue alternatifs.
Soutien : Les élèves expriment librement leurs idées, sans peur de se tromper, et s’aident les uns les autres pour parvenir à une compréhension mutuelle.
Cumul : Les élèves développent des idées à partir des contributions orales de leurs pairs, alimentant ainsi un fil cohérent de réflexion.
Intentionnalité : Les discussions en classe sont ouvertes et encouragées, mais aussi planifiées et structurées afin d’atteindre des objectifs spécifiques d’apprentissage.
Au-delà de ces principes, chaque classe s’inscrit dans un contexte spécifique, avec ses propres caractéristiques socio-culturelles. Les enseignants doivent donc affiner et adapter leurs pédagogies dialogiques à ces circonstances particulières, tout en plaçant toujours la discussion et le dialogue au premier plan. Notons toutefois que les pédagogies dialogiques peuvent aussi inclure des dimensions de répétition, de récitation, d’instruction et d’exposé.
Comment cette approche est-elle censée développer la créativité et l’esprit critique ?
L’enseignement dialogique met principalement l’accent sur l’esprit critique ; il encourage les élèves à questionner, spéculer, échanger, respecter leurs points de vue mutuels sur différents sujets, et favorise ainsi leur esprit critique et leur compréhension de la façon dont les problèmes peuvent être appréhendés différemment selon les personnes, et de leurs propres biais éventuels à l’égard d’un problème. Du fait de l’importance qu’il accorde à la qualité du discours et du dialogue entre enseignants et élèves, l’enseignement dialogique instaure aussi un environnement propice au développement de la créativité : il crée un environnement d’apprentissage au sein duquel les élèves peuvent prendre des risques, utiliser des idées originales, travailler en collaboration avec les autres, etc. La seule dimension du référentiel de compétences de l’OCDE que cette pédagogie n’encourage pas nécessairement est la production par l’élève d’un résultat significatif (« faire »). En revanche, elle favorisera en général la recherche, l’imagination et la réflexion, que ce soit sous l’angle de la créativité ou de l’esprit critique.
Éléments connexes
Une étude commandée par l’English Education Endowment témoigne du niveau élevé d’efficacité de cette pédagogie : elle met ainsi au jour des effets positifs systématiques en anglais, en sciences et en mathématiques, équivalant à environ deux mois de progrès supplémentaires, pour l’ensemble des élèves scolarisés en 5e année. Les résultats sont similaires lorsque l’étude cible uniquement les élèves issus de milieux socio-économiques défavorisés (ayant droit à des repas scolaires gratuits en Angleterre) (EEF, 2017 [26] ). La créativité et l’esprit critique n’étaient pas encore inclus dans les résultats d’apprentissage.
Pour tout complément d’information
Pour de plus amples informations sur l’enseignement dialogique, pédagogie mise au point par Robin Alexander, mais à laquelle s’apparentent différentes autres pédagogies axées sur les vertus du questionnement et du dialogue, consulter Towards Dialogic Teaching:Rethinking Classroom Talk (Alexander, 2017 [25] ), Essays on Pedagogy (Alexander, 2008 [27] : 72-172 et 184-191) et https://www.robinalexander.org.uk/dialogic-teaching.
4. Pédagogie métacognitive (enseignement des mathématiques, toutes disciplines) :CREATE
Principales caractéristiques de la pédagogie
L’utilisation de référentiels de compétences comme outil pour développer la créativité et l’esprit critique constitue en soi une approche métacognitive, c’est-à-dire une approche amenant les enseignants et les élèves à réfléchir à leur enseignement et leur apprentissage, et veillant à ce qu’ils disposent d’outils et de stratégies explicites pour réguler leur apprentissage.
Mevarech et Kramarski ont mis au point une pédagogie métacognitive baptisée « IMPROVE » afin d’entraîner les élèves à se poser eux-mêmes certaines questions métacognitives lors de la résolution de problèmes de mathématiques et de sciences (voir Mevarech et Kramarski, 2014 [28] ). Mevarech a adapté cette approche afin de concevoir une série de questions-guides conformes au référentiel de l’OCDE sur la créativité et l’esprit critique (voir le chapitre Chapitre 2), destinées à aider les élèves à prendre davantage conscience des processus d’apprentissage qu’ils mettent en œuvre lorsqu’ils développent leur créativité. CREATE vise ainsi à appliquer les principes-guides suivants : comprendre le problème central et le décomposer en sous-problèmes ; rétablir des liens pour produire de nouvelles idées ; explorer, expliquer et expérimenter ; ajouter des idées/stratégies/méthodes/technologies ; toujours appliquer le principe du « tout à fait, mais... » ; et évaluer.
L’acronyme « CREATE » est ainsi destiné à aider les enseignants et les élèves à mémoriser et appliquer les principes-guides suivants, correspondant aux différentes dimensions des référentiels.
Comprendre le problème central et le décomposer en sous-problèmes : En quoi consiste le problème ? Peut-on décomposer le problème central en sous-problèmes ? Peut-on envisager le problème sous différents angles dans un domaine et/ou entre différents domaines ?
Rétablir des liens pour produire de nouvelles idées : Reconstruire autant d’idées que possible ; reconstruire des idées de différents types ; reconstruire des idées originales (inhabituelles) ; se demander en quoi ce problème est similaire ou différent de ce que l’on sait déjà sur ce problème/phénomène/tâche ; intégrer les points de vue d’autres disciplines ; changer de perspective.
Explorer, expliquer et expérimenter : Comment justifier ce que l’on affirme ? Quels sont les besoins, les éléments connus et les options ? Explorer et utiliser des idées originales ; expérimenter : Comment vérifier et démontrer ses hypothèses et propositions ?
Ajouter des stratégies, méthodes, technologies : Réfléchir à ses propositions et voir si l’on peut résoudre le problème en utilisant différentes méthodes, technologies, ressources.
Toujours appliquer le principe du « tout à fait, mais... » : Quelles sont les réserves ou exceptions à notre proposition/solution ? La solution satisfait-elle les exigences nécessaires/souhaitées ? Examiner à nouveau les besoins, contraintes et données, et réfléchir à ce que l’on a fait jusqu’ici pour améliorer ses propositions ; remettre en question les hypothèses.
Évaluer : Auto-évaluation et évaluation collective de l’intégralité du processus et de la production : La solution est-elle judicieuse ? Le problème peut-il être résolu différemment ?
Comment cette approche est-elle censée développer la créativité et l’esprit critique ?
Les principes-guides mis au point par Mevarech correspondent au développement de sous-catégories de compétence clés de la créativité, en adéquation avec la littérature scientifique et les référentiels de l’OCDE sur la créativité et l’esprit critique. Le principal mode opératoire de cette pédagogie consiste à soutenir les élèves dans leur approche de la créativité et de l’esprit critique, et à les encourager à développer ces modes de pensée en leur proposant des tâches adaptées, notamment complexes, non familières et non routinières, en général mal définies et/ou à solutions multiples. CREATE peut s’utiliser en mathématiques, en sciences et dans d’autres disciplines.
Éléments connexes
Afin d’analyser les effets de CREATE, Mevarech et Taieb (à paraître [29] ) ont conçu une étude dans laquelle les élèves sont répartis de façon aléatoire dans un groupe expérimental qui résout des tâches de mathématiques complexes, non familières et non routinières à l’aide des questions-guides CREATE, et dans un groupe de contrôle résolvant le même problème de façon traditionnelle. L’ensemble des élèves passent le test de créativité de Torrance avant et après l’expérience. Les résultats préliminaires montrent que le groupe expérimental obtient des résultats significativement supérieurs à ceux du groupe de contrôle, et ce pour tous les facteurs de créativité : fluidité, flexibilité et originalité. D’autres études actuellement menées par Mevarech et ses collègues semblent mettre au jour des résultats tout aussi encourageants.
Ces conclusions montrent que la créativité peut être encouragée dans le cadre scolaire grâce à la mise en œuvre d’une pédagogie métacognitive intégrée dans des tâches de mathématiques complexes, non familières et non routinières. Remettre en question les hypothèses, changer de perspective, rechercher d’autres idées, intégrer des méthodes de différentes disciplines, etc. : voici autant de stratégies ayant fait la preuve de leur utilité pour la résolution créative d’un large éventail de problèmes. L’utilisation de l’acronyme CREATE aide les élèves à mémoriser et utiliser des stratégies métacognitives, et à développer ce type de mode de pensée.
Pour tout complément d’information
Pour de plus amples informations sur les pédagogies métacognitives en mathématiques, consulter Critical Maths for Innovative Societies: The Role of Metacognitive Pedagogies (Mevarech et Kramarski, 2014 [28] ).
5. MouvementModern Band (éducation musicale)
Principales caractéristiques de la pédagogie
Promu par la fondation Little Kids Rock, le mouvement « Modern Band » a profondément transformé l’éducation musicale aux États-Unis ces dernières décennies, en intégrant la musique populaire dans l’enseignement de la musique à l’école. C’est l’un des nombreux programmes à travers le monde promouvant l’apprentissage de la musique par le biais de la musique populaire (Till, 2017 [30] ).
Deux particularités caractérisent la pédagogie Modern Band : le répertoire et les instruments. Le répertoire des cours appliquant cette pédagogie est emprunté à la musique populaire, c’est-à-dire la musique que les élèves écoutent à titre personnel et entre eux. Ces cours couvrent donc un large éventail de genres musicaux contemporains : par exemple, rock, pop, reggae, hip-hop, rhythm & blues, dance, ainsi que d’autres styles contemporains, au gré de leur apparition. Le répertoire s’adapte aux évolutions de la musique populaire actuelle. Par ailleurs, les cours suivant cette pédagogie intègrent les instruments emblématiques de la musique populaire : guitare, basse, batterie, piano, voix et technologie, même si d’autres instruments peuvent venir s’y ajouter lorsque les élèves jouent, composent ou improvisent. En ciblant les styles musicaux du quotidien des élèves, Modern Band aide à combler le fossé qu’ils peuvent ressentir entre la « musique de l’école » et la « vraie musique ».
Si ce mouvement promeut la musique populaire et l’utilisation de ses instruments comme atouts culturels incontestables de l’éducation musicale, il ne propose en revanche pas de principes systématiques. À certains égards, il suit l’esprit de la pédagogie Orff Schulwerk (voir la section 7), tout en ciblant un répertoire et des instruments différents (le répertoire d’Orff Schulwerk accordant en général une place plus importante à la musique folklorique nationale). Contrairement à la majeure partie de l’éducation musicale traditionnelle, les élèves suivant un programme Modern Band apprennent à jouer, composer et improviser.
Les programmes Modern Band s’inspirent d’une méthode pédagogique baptisée « La musique comme seconde langue ». Mise au point par Dave Wish, fondateur de Little Kids Rock, cette méthode se fonde sur le principe selon lequel chacun d’entre nous est par nature un être musical, tout comme nous avons tous une disposition naturelle pour le langage. Les élèves devraient donc apprendre la musique à la manière d’une seconde langue, en apprenant d’abord à la parler avant de l’écrire, et en multipliant les opportunités de la pratiquer via les instruments, la composition et l’improvisation (Powell et Burstein, 2017 [31] ). En travaillant en petits ensembles, les élèves ont la possibilité – et l’obligation – de collaborer, partager leurs idées et faire des compromis lorsqu’ils proposent leur propre interprétation de chansons populaires ou créent des œuvres musicales entièrement nouvelles.
Modern Band organise l’enseignement de la musique autour d’un répertoire centré sur l’élève (musique populaire), favorise un environnement d’apprentissage agréable, renforce la motivation intrinsèque, utilise des ressources compréhensibles, et initie les élèves à l’improvisation et à la composition dès les premiers stades de leur développement musical. Dans le cadre de la pédagogie Modern Band, l’apprentissage se fait par la pratique, et les connaissances et compétences musicales sont donc acquises sans que le processus soit trop conscientisé.
Comment cette approche est-elle censée développer la créativité et l’esprit critique ?
La pédagogie Modern Band laisse aux élèves la latitude d’explorer, d’expérimenter, d’improviser et de créer – ou, selon la terminologie du référentiel de compétences de l’OCDE (voir le chapitre Chapitre 2), de chercher, d’imaginer et de faire. Par son biais, les élèves ont la capacité d’action pour devenir de vrais musiciens et une réelle motivation d’y parvenir. L’accent mis sur l’improvisation et la composition donne aux élèves la possibilité de développer leur créativité. Les descriptions officielles de cette pédagogie accordent peu d’importance délibérée à l’esprit critique ou, de manière plus générale, à la réflexion. Cette dimension pourrait toutefois facilement être intégrée par les enseignants qui le souhaiteraient.
Pour tout complément d’information
Pour de plus amples informations sur l’approche Modern Band, consulter : www.littlekidsrock.org et The Routledge Research Companion to Popular Music Education: « Popular Music and Modern Band Principles » (Powell et Burstein, 2017 [31] ) et “Modern Band” As School Music: A Case Study (Byo, 2017 [32] ). Consulter The Routledge Research Companion to Popular Music Education (Smith et al., 2017 [33] ) pour un aperçu plus général des approches en lien avec cette pédagogie.
6. Montessori (toutes disciplines)
Principales caractéristiques de la pédagogie
La pédagogie Montessori est un modèle éducatif global développé durant la première moitié du XXe siècle par Maria Montessori et ses collaborateurs, et pratiqué dans quelque 20 000 établissements d’enseignement à travers 6 continents. Ce modèle identifie différentes étapes ou « plans » successifs de développement : de la naissance à 6 ans, de 6 à 12 ans, de 12 à 18 ans et de 18 à 24 ans. À chacune de ces étapes de développement correspondent des environnements d’apprentissage et des programmes conçus pour répondre aux besoins et caractéristiques spécifiques de chaque période.
L’une des particularités essentielles de la pédagogie Montessori réside dans son environnement d’apprentissage explicitement pensé pour satisfaire les besoins cognitifs, sociaux et physiques des enfants aux différentes étapes de leur développement. À chaque niveau, les classes sont conçues pour encourager le mouvement, le choix, l’exploration, l’auto-correction et un réel investissement dans des stratégies multiples de résolution de problèmes. Parmi les autres caractéristiques essentielles, citons :
Des plans de classe ouverts avec des îlots de tables et de chaises organisés autour de « zones » d’étude soigneusement structurées (langage, mathématiques, sciences, histoire, disciplines artistiques, etc.), entièrement équipées de matériel didactique issu de la recherche scientifique.
Le groupement multi-âges des enfants : de la naissance à 3 ans, de 3 à 6 ans, de 6 à 9 ans, etc.
Un effectif de classe fourni (25 à 35 élèves, voire davantage), afin d’encourager l’autonomie, l’interaction sociale et un sens de la communauté qui ne soit pas dominé par le contrôle des adultes.
Des enseignants formés à cette méthode, tant sur le plan théorique que pratique, notamment à l’utilisation du matériel Montessori. Globale et intensive, cette formation se déroule en général sur une durée de 12 à 36 mois.
De longues plages (de deux à trois heures) de travail ininterrompu, afin d’encourager une exploration approfondie et des cycles naturels d’engagement, de ressourcement et de réengagement.
Comment cette approche est-elle censée développer la créativité et l’esprit critique ?
Bien que le modèle Montessori ne distingue pas la créativité comme objectif explicite, il est conforme à différents éléments clés que les recherches récentes identifient comme propices au développement du potentiel créatif. Parmi ces éléments, citons :
l’utilisation flexible de l’espace et du temps
le caractère respectueux des relations entre enfants et adultes
la culture de la motivation intrinsèque
l’équilibre entre travail autonome et opportunités de collaboration
l’acceptation du non-conformisme
l’équilibre entre liberté et structure.
Pour mieux comprendre le lien entre les environnements d’apprentissage Montessori et le développement du potentiel créatif, il est nécessaire de considérer à la fois les apports – la qualité des environnements d’apprentissage – et les résultats des apprenants dans ces environnements. Bien qu’elle accorde une importance toute particulière à la structure de l’environnement d’apprentissage, la pédagogie Montessori donne ensuite aux élèves une grande capacité d’action pour le choix des modalités de leurs apprentissages, et leur laisse la latitude d’explorer et de rechercher, d’utiliser des idées originales et de créer des productions pertinentes.
Éléments connexes
En 2017, une évaluation de la pédagogie Montessori en Caroline du Sud a mis au jour le plus grand potentiel créatif en raisonnement mathématique des élèves Montessori par rapport à leurs pairs scolarisés en milieu scolaire traditionnel. Les élèves Montessori se sont ainsi montrés capables de produire des idées mathématiques significativement plus nombreuses et plus originales que leurs pairs des établissements d’enseignement traditionnels (Culclasure, Fleming et Riga, 2018 [34] ).
Les études des résultats de la pédagogie Montessori indiquent aussi des liens significatifs entre la fidélité d’application des principes Montessori et la performance sur le plan de différentes fonctions exécutives (Diamond et Lee, 2011 [35] ), des interactions sociales, de l’engagement, des résultats d’apprentissage (Lillard et al., 2017 [36] ), et parfois même des résultats créatifs. À titre d’exemple, par comparaison avec un groupe d’enfants candidats à la pédagogie Montessori, mais scolarisés dans d’autres types d’établissements en raison de procédures d’admission par tirage au sort, les élèves Montessori rédigent des rédactions plus créatives en fin d’école primaire (Lillard et Else-Quest, 2006 [37] ). En France, des études montrent que les élèves évoluant dans des environnements d’apprentissage Montessori obtiennent de meilleurs résultats que ceux des établissements d’enseignement traditionnels pour tout un éventail d’indicateurs de la créativité (Besançon et Lubart, 2008 [38] ; Besançon, Lubart et Barbot, 2013 [39] ).
Pour tout complément d’information
The Montessori Method (Montessori, 1912 [40] ), de Maria Montessori, décrit en détail la philosophie et l’approche Montessori de l’éducation. Pour de plus amples informations, consulter Montessori:A Modern Approach (Lillard, 1972 [41] ) ou le site web de l’Association Montessori Internationale, à l’adresse https://montessori-ami.org.
7. Orff Schulwerk (éducation musicale)
Principales caractéristiques de la pédagogie
Développé par Carl Orff et Gunild Keetman, ce modèle pédagogique d’apprentissage et d’enseignement de la musique s’est largement répandu dans l’éducation musicale à travers le monde. Il cible explicitement la créativité et l’« apprentissage par le jeu », et vise à libérer le potentiel créatif des élèves, quel que soit leur « talent » musical.
La pédagogie Orff Schulwerk propose une approche active de l’éducation musicale, centrée sur l’élève. Les enfants suivent un processus d’apprentissage et de découverte fait d’exploration, d’expérimentation, de sélection et de création. Il s’agit d’une pédagogie centrée sur l’élève et orientée vers le processus : l’accent est entièrement mis sur le processus de production musicale, notamment par le biais du chant en groupe, de l’improvisation et de la composition.
Ce modèle envisage l’éducation musicale comme une activité multidimensionnelle dans laquelle les élèves s’engagent par le mouvement, le chant, le jeu, la danse, etc. Il donne aux élèves la latitude de développer leur potentiel artistique, en leur permettant de prendre confiance, d’improviser, de créer et de s’exprimer. De leur côté, les enseignants ont un rôle de médiation et guident les élèves tout au long de leur processus d’apprentissage. Pour que ce processus soit efficace, les enseignants doivent créer un environnement propice, dans lequel le comportement naturel de jeu des élèves sert de canal pour éveiller et encourager leur intérêt et leur aptitude pour la musique. Ils doivent mettre à disposition des élèves un éventail complet de ressources pour stimuler leur apprentissage. Les cours suivant la pédagogie Orff sont en particulier associés à une large gamme d’instruments de percussion tels que le marimba, le xylophone ou le métallophone. L’utilisation de ces instruments se fonde sur la conviction que le rythme percussif est une forme naturelle d’expression humaine et donc le meilleur moyen de cultiver un environnement d’apprentissage naturel.
La méthode Orff Schulwerk ne propose pas de lignes directrices systématiques aux enseignants, mais plutôt des principes. Les enseignants sont en effet censés dispenser un enseignement créatif et concevoir leur propre environnement d’apprentissage. Aux États-Unis, la méthode identifie quatre phases dans le développement musical de l’élève (Shamrock, 1986 [42] ) : 1) l’exploration (jeu préliminaire avec le matériel et l’espace, découverte des possibilités en termes de sons et de mouvements) ; 2) l’imitation (développement des compétences élémentaires de discours rythmique, de mouvement, de pratique d’un instrument, etc.) ; 3) l’improvisation (expansion des compétences développées jusqu’à l’initiation et la création de nouveaux motifs et combinaisons) ; et 4) la création (combinaison de différents matériels et composantes, initiation d’un discours naturel ou rythmique, mouvement, chant et pratique d’instruments).
À tous les niveaux, le développement des compétences musicales des élèves est flexible : chaque élève doit apprendre selon son propre niveau de compréhension et d’aptitude. Le modèle Orff Schulwerk promeut une approche inclusive de l’éducation musicale et voit en chaque élève un compositeur potentiel. Étant donné la liberté pédagogique qui leur est donnée, les enseignants peuvent concevoir leurs propres cours de musique et les adapter à l’âge et aux compétences de leurs élèves. Lorsque leur enseignement est efficace, ces cours de musique peuvent fonctionner avec un effectif d’élèves d’une grande diversité, pour autant que les tâches soient différenciées de manière fonctionnelle. Si l’enseignement est individualisé, les pédagogies Orff Schulwerk promeuvent néanmoins un environnement collectif ludique, incluant tous les élèves, quel que soit leur niveau de développement et de réussite. L’interaction, la coopération et les compétences sociales sont autant de piliers centraux de cette approche pédagogique.
Comment cette approche est-elle censée développer la créativité et l’esprit critique ?
La méthode Orff Schulwerk inscrit la créativité au cœur de sa philosophie. Dans un documentaire, Orff affirme ainsi : « Chaque être humain a en lui une part innée de créativité… Mon objectif pédagogique a toujours consisté à dépister et à révéler ce créateur qui sommeille en chacun de nous ». La pédagogie Orff Schulwerk laisse aux élèves une grande latitude pour explorer, expérimenter, improviser et créer – ou, selon la terminologie du référentiel de compétences de l’OCDE (voir le chapitre Chapitre 2), chercher, imaginer et faire. Plus que d’autres activités musicales, l’accent mis sur l’improvisation et la composition donne aux élèves la possibilité de développer leur créativité. Cette méthode met moins délibérément l’accent sur l’esprit critique et accorde peu d’importance à l’évaluation ou à l’analyse structurée du travail de l’élève. S’ils le souhaitent, les enseignants peuvent toutefois intégrer facilement des activités en lien avec l’esprit critique dans le cadre de cette méthode.
Éléments connexes
Différents éléments indiquent l’existence d’une relation positive entre la pédagogie Orff et l’intérêt, les attitudes et le plaisir des élèves vis-à-vis de l’éducation musicale (Siemens, 1969 [43] ). Les recherches sur l’impact de la pédagogie Orff sur les compétences en pensée créative des élèves sont en revanche encore limitées. À l’aide d’une méthode de recherche quasi-expérimentale, (Fang et al., 2009 [44] ) ont exploré les effets des pédagogies Orff sur la créativité des élèves durant une année scolaire. À l’issue de la comparaison d’un groupe de 30 élèves suivant un enseignement musical de type Orff avec un groupe de contrôle suivant le programme d’enseignement musical traditionnel, le groupe Orff présente des améliorations significativement plus importantes dans toutes les dimensions des compétences en pensée créative, telles que mesurées par le test de créativité de Torrance (flexibilité, fluidité et originalité). D’autres études présentant des échantillons de plus grande taille devront confirmer ces résultats préliminaires prometteurs.
Pour tout complément d’information
Pour de plus amples informations sur la pédagogie Orff Schulwerk, consulter Music for Children (Orff et Keetman, 1950 - 1954 [45] ), Orff Schulwerk: An Integrated Foundation (Shamrock, 1986 [42] ), Orff-Schulwerk in the New Millennium (Goodkin, 2001 [46] ) et https://aosa.org.
8. Apprentissage par projet (enseignement des sciences, toutes disciplines)
Principales caractéristiques de la pédagogie
L’apprentissage par projet est une méthode pédagogique interdisciplinaire centrée sur l’élève qui s’est imposée comme une stratégie de premier plan pour développer chez les apprenants la compréhension approfondie des matières scolaires, ainsi qu’un large éventail de compétences.
Ce modèle pédagogique s’organise autour de trois grands principes : 1) l’apprentissage s’inscrit dans un contexte spécifique ; 2) les apprenants jouent un rôle actif dans le processus d’apprentissage ; et 3) ils réalisent un objectif commun grâce aux interactions sociales, au partage des connaissances et à un souci constant de compréhension commune (Cocco, 2006 [47] ). Si l’apprentissage par projet est souvent utilisé dans le cadre de l’enseignement des sciences (et des sciences médicales dans l’enseignement supérieur), il peut aussi l’être dans d’autres disciplines.
Il consiste à soumettre aux élèves des problèmes concrets et à organiser l’apprentissage autour de projets collaboratifs structurés qui leur permettront d’acquérir des connaissances propres aux matières enseignées et des connaissances procédurales à mesure qu’ils tentent de les résoudre collectivement. La conception de ces projets se caractérise par cinq traits distinctifs (Krajcik et Blumenfeld, 2005 [48] ) :
La question centrale : Les projets s’organisent autour de questions ou de problèmes qui servent de fil conducteur pour amener les élèves à intégrer les principaux concepts du cours. La question centrale s’inscrit dans un contexte spécifique et porte sur des préoccupations et des défis de la vie réelle afin d’engager les élèves dans des expériences d’apprentissage porteuses de sens.
Une recherche contextualisée : L’apprentissage par projet est une approche de l’apprentissage fondée sur la recherche, dans laquelle les élèves acquièrent et développent leurs connaissances et compétences en examinant la question centrale.
La collaboration : Les élèves collaborent avec leurs pairs et leurs enseignants pour examiner la question centrale.
L’utilisation d’outils technologiques au service de l’apprentissage : Les élèves se servent d’outils technologiques à l’appui de leurs recherches (pour la collecte de données, la communication en réseau avec des tiers, etc.). Ces outils élargissent les possibilités d’apprentissage.
La création de productions : Les élèves concluent leurs projets en donnant corps à leur compréhension, leurs connaissances et leur réponse à la question centrale dans une production concrète finale. Cette production peut prendre différentes formes (exposé, vidéo, schéma, modèle, etc.).
Au travers d’un processus d’apprentissage pratique autodirigé et rigoureusement accompagné, l’apprentissage par projet permet aux élèves d’approfondir leur compréhension des concepts académiques et d’élargir l’éventail de leurs compétences. La nature authentique et concrète du problème comble le fossé entre apprentissages en classe et expériences de la vie réelle, et renforce de ce fait la motivation, l’engagement et l’intérêt des élèves vis-à-vis de l’apprentissage. Les projets sont en grande partie conçus et élaborés par les élèves, qui mènent leurs recherches en toute autonomie. Dans le cadre de ces recherches, les élèves font souvent appel à des connaissances et des compétences spécifiques à différents domaines et disciplines. L’apprentissage par projet demande en particulier aux élèves de mobiliser et de développer différentes catégories de compétences : des compétences en recherche, en prise de décisions, en esprit critique, en résolution de problèmes, en collaboration, etc.
La dernière étape du processus est essentielle à la réussite du projet : la nouvelle compréhension et la réponse des élèves à la question centrale doivent se matérialiser dans une production finale concrète. Quel que soit le niveau de réussite, la simple création de cette production confère une dimension réaliste et tangible à l’expérience de l’apprentissage par projet.
Comment cette approche est-elle censée développer la créativité et l’esprit critique ?
L’apprentissage par projet en sciences met fortement l’accent sur l’esprit critique, mais développe aussi certains aspects de la créativité des élèves. Chercher ; comprendre la nature d’un problème ; faire, remettre en question et revoir des hypothèses ou des théories (au moins les siennes) ; comparer la solidité des preuves alternatives ; argumenter ; justifier sa solution ou sa production ; réfléchir sur ses points de vue et ceux des autres : toutes ces dimensions de l’esprit critique du référentiel de compétences de l’OCDE font partie intégrante de l’apprentissage par projet. La contribution la plus importante de l’apprentissage par projet au développement des compétences en créativité réside quant à elle dans la production finale créée par les élèves. De nombreuses sous-catégories des compétences en créativité sont en outre généralement développées lors du processus d’enseignement et d’apprentissage, notamment l’observation et l’idéation.
Éléments connexes
Les travaux de recherche étayent largement les effets positifs de l’apprentissage par projet sur la réussite scolaire et les attitudes à l’égard de l’apprentissage (Chen et Yang, 2019 [49] ; Akinoǧlu et Tandoǧan, 2007 [50] ; Baş, 2011 [51] ; Kaldi, Filippatou et Govaris, 2011 [52] ). Des recherches récentes montrent que l’apprentissage par projet peut avoir des effets positifs sur l’engagement et l’intérêt des élèves vis-à-vis de l’enseignement des sciences (Schneider et al., 2016 [53] ; 2020 [54] ). Les recherches sur l’impact de l’apprentissage par projet sur les compétences en pensée créative et critique des élèves sont en revanche encore limitées.
En 2012, une évaluation d’une démarche d’apprentissage par projet dans l’État de Virginie-Occidentale (Ravitz et al., 2012 [55] ) a mis en évidence ses effets positifs sur la perception des enseignants de leurs capacités à enseigner et évaluer les compétences du XXIe siècle. Cette étude comparait deux groupes d’enseignants aux caractéristiques similaires : le premier devait mettre en œuvre une démarche d’apprentissage par projet après avoir participé à un programme de formation professionnelle (44), tandis que le second n’avait pas pris part à ce programme et n’était donc pas censé appliquer ce type d’apprentissage (42). D’après les données collectées sur les pratiques et perceptions des enseignants, ceux utilisant l’apprentissage par projet indiquent dans l’ensemble enseigner et évaluer davantage les compétences du XXIe siècle, avec des tendances similaires dans les différentes disciplines.
Pour tout complément d’information
Pour de plus amples informations sur l’apprentissage par projet, consulter The Cambridge Handbook of the Learning Sciences, C.19-Project-Based Learning (Krajcik et Blumenfeld, 2005 [48] ), A Review of Research on Project-Based Learning (Thomas, 2000 [56] ) et le site web du Buck Institute for Education, à l’adresse suivante :https://www.pblworks.org.
9. Apprentissage par la recherche (enseignement des sciences)
Principales caractéristiques de la pédagogie
Traditionnellement utilisé dans l’enseignement supérieur, l’apprentissage par la recherche s’est étendu aux classes du primaire et du secondaire. Il propose la réalisation d’un projet de recherche comme stratégie d’apprentissage et d’enseignement, et ce à tous les niveaux.
Dans le cadre de cette approche pédagogique, les élèves découvrent différentes méthodes et procédures, et apprennent tout au long du processus de recherche. Les enseignants doivent planifier, répartir et évaluer le travail des élèves au cours de ces processus de recherche, tout en leur confiant une responsabilité pratique, à l’instar de vrais chercheurs.
Les élèves assument donc le rôle de chercheurs, sont initiés aux concepts, méthodes et principes éthiques de la recherche, et prennent part à des activités de recherche au cours desquelles ils examinent différents problèmes ou questions de manière scientifique. Ils découvrent la façon dont les scientifiques pensent et travaillent, et mènent leur projet de recherche conformément aux pratiques établies :
Analyse scientifique d’une question spécifique ;
Examen des travaux antérieurs sur le thème étudié/revue de la littérature ;
Conception d’un protocole expérimental ;
Mise en œuvre du protocole de recherche ;
Organisation et analyse des données ;
Validation des résultats et conclusions apportés à la question scientifique ;
Communication des résultats.
La recherche étant par nature un exercice collaboratif, les élèves mènent leurs recherches en collaboration avec leurs pairs. L’interaction sociale et la collaboration constituent donc à ce titre deux dimensions très importantes de cette méthode pédagogique, donnant la possibilité aux élèves de développer leurs compétences de collaboration et de communication.
Durant les projets de recherche de leurs élèves, les enseignants jouent un rôle de tuteurs ou de superviseurs. Les élèves sont censés devenir des apprenants autonomes et motivés. Pour mener à bien leur projet de recherche, les élèves doivent mettre en œuvre différentes compétences : poser une question susceptible d’être résolue par le biais d’une démarche scientifique ; remettre en question, décrire et formuler des hypothèses ; mobiliser ses connaissances ; expérimenter, modéliser et échanger des idées ; formuler des arguments ; et tirer des conclusions.
Le projet de recherche permet aussi aux élèves d’acquérir des connaissances techniques sur un thème ou dans un ou plusieurs domaines scientifiques, et de développer leurs capacités à mener une analyse et une réflexion critique, à organiser et planifier, à collecter et analyser des données, et à établir des conclusions au regard d’une question. Il permet aussi aux élèves de faire l’expérience d’un apprentissage authentique et utile, et de découvrir les limites et contraintes de la science (temps, budget, lacunes de connaissances, etc.).
Un dernier axe très important de la pédagogie par la recherche consiste à enseigner aux élèves l’éthique et la démarche scientifique : fondée sur des preuves (et non sur des opinions), la science est collaborative et requiert un certain niveau d’intégrité intellectuelle (les résultats doivent être validés). L’erreur fait partie intégrante du processus de recherche et des interactions d’apprentissage.
Comment cette approche est-elle censée développer la créativité et l’esprit critique ?
Cette approche pédagogique en sciences met principalement l’accent sur l’esprit critique, mais laisse aussi aux élèves la latitude de développer leur créativité. La première étape, où les élèves doivent trouver leur question de recherche, nécessite un certain degré de créativité : idéalement, cette question doit en effet présenter un caractère novateur à leurs yeux, mais aussi à ceux de la communauté scientifique. À cette fin, ils devront identifier les éléments déjà connus, observer, utiliser des idées, et formuler une question de recherche susceptible d’être examinée dans un cadre scientifique au moyen de ressources facilement accessibles. La majeure partie du processus de recherche développera alors en général leurs compétences en esprit critique : remettre en question leurs hypothèses, envisager le problème sous différents angles, adopter un point de vue fondé sur des preuves, et réfléchir à ses points forts lors de la communication des résultats.
Pour tout complément d’information
Pour de plus amples informations sur l’apprentissage par la recherche, consulter Teaching Research Methods: Learning by Doing (Aguado, 2009 [57] ) et le site web du programme français Les Savanturiers – École de la Recherche, à l’adresse suivante : https://les-savanturiers.cri-paris.org.
10. Studio Thinking (enseignement des arts visuels)
Principales caractéristiques de la pédagogie
Les conclusions présentées dans Studio Thinking 2: The Real Benefits of Visual Art Education (Hetland et al., 2013 [58] ) ont influencé les cours d’arts visuels aux États-Unis et dans le monde entier.
Le cadre conceptuel de Studio Thinking distingue quatre structures et huit modes de pensée utilisés dans les cours d’arts visuels de haut niveau, centrés sur la réflexion. Les quatre structures (démonstration-présentation, réalisation du travail par les élèves, critique et exposition) décrivent les interactions du temps et de l’espace, et les relations entre enseignant et élèves durant le cours.
Ces cours d’arts visuels ne prévoient qu’une très brève plage d’enseignement (démonstration-présentation) avant que les élèves entament leur travail. L’enseignant circule ensuite dans la classe pour demander individuellement aux élèves ce qu’ils pensent, leur donner des conseils et leur poser des questions afin de les aider à approfondir leur processus de création (réalisation du travail par les élèves). Ces cours d’arts visuels incluent également un temps de critique, consacré à la réflexion des élèves : ils évaluent à la fois ce qui leur plaît et leur déplaît dans leur travail, et évoquent le processus mis en œuvre dans le cadre de leur création. Les élèves ont la possibilité de s’entraîner à faire et recevoir des commentaires constructifs durant un temps spécifiquement dédié à cet effet. Ces cours sont aussi une occasion unique pour les élèves d’exposer leurs œuvres.
La seconde partie du cadre conceptuel de Studio Thinking distingue huit grandes dispositions d’esprit, ou modes de pensée, enseignés dans le cadre de cours d’arts visuels centrés sur la réflexion : 1) développer l’habileté (technique et pratique) ; 2) faire preuve d’engagement et de persévérance (entreprendre quelque chose avec passion et s’y tenir) ; 3) proposer une vision (imaginer et planifier) ; 4) exprimer (trouver un sens et lui donner corps) ; 5) observer (examiner attentivement) ; 6) réfléchir (remettre en question, expliquer et évaluer) ; 7) élargir et explorer (jouer, se servir de ses erreurs et découvrir) ; et 8) comprendre les univers artistiques (domaines et communautés). Comme exposé dans l’ouvrage Studio Thinking from the Start:The K-8 Art Educator’s Handbook, les enseignants utilisent ces dimensions de manière systématique et de multiples façons pour l’enseignement, la planification et l’évaluation : dans l’évaluation formative des élèves, pour évoquer avec eux les progrès réalisés dans chacune de ces dimensions ; dans la conception de programmes d’enseignement intégrant explicitement ces dimensions ; et dans l’utilisation systématique de cette terminologie afin de familiariser les élèves à l’analyse de leurs créations au regard de ces différentes dimensions.
Comment cette approche est-elle censée développer la créativité et l’esprit critique ?
L’approche Studio Thinking est principalement axée sur la créativité, mais développe aussi certaines dimensions de l’esprit critique dans l’évaluation du travail personnel et de celui des autres. Si les élèves disposent d’une grande capacité d’action pour la réalisation de leur travail, la mise en avant et l’évaluation systématiques des dimensions du cadre Studio Thinking aboutissent au développement plus délibéré de certains modes de pensée créative. Nombre de ces dimensions sont en adéquation avec celles de la créativité du référentiel de compétences de l’OCDE (voir le chapitre Chapitre 2) : les élèves doivent produire quelque chose, observer, imaginer, et utiliser des idées originales (élargir et explorer). D’autres dimensions telles que « trouver un sens », « remettre en question, expliquer et évaluer », ou encore « comprendre les univers artistiques » devraient développer certains aspects de l’esprit critique dans les disciplines artistiques.
Pour tout complément d’information
Pour de plus amples informations sur cette pédagogie, consulter Studio Thinking2: The Real Benefits of Visual Art Education (Hetland et al., 2013 [58] ), Studio Thinking from the Start: The K-8 Art Educator’s Handbook (Hogan et al., 2018 [59] ), et rendez-vous sur : www.studiothinking.org.
11. Teaching for Artistic Behavior (enseignement des arts visuels)
Principales caractéristiques de la pédagogie
Ce mouvement populaire en faveur de l’enseignement des arts visuels a connu une progression spectaculaire ces dix dernières années, principalement aux États-Unis, mais aussi dans différents établissements d’enseignement du monde entier. Teaching for Artistic Behavior (TAB) est une approche pédagogique fondée sur la capacité d’action et de choix des élèves, et structurée autour de trois grands piliers :
1. Les enfants sont les artistes.
2. La classe est leur atelier.
3. Que font les artistes ?
Dans le cadre de l’approche TAB, les élèves développent leurs propres projets : ils s’efforcent de trouver de l’inspiration, d’envisager une idée, de concevoir un plan d’action, de réfléchir à leur progression, de persévérer malgré les difficultés, d’évaluer le déroulement de leur travail et de mener à terme leur projet. Ils font les recherches, explorent, créent l’œuvre, puis l’analysent et la modifient, avant de déterminer quand elle est achevée et, dans une certaine mesure, si elle est réussie.
Un cours TAB se distingue d’un cours traditionnel d’arts visuels en ce sens qu’il ne prévoit qu’un temps limité d’enseignement sous la conduite de l’enseignant (pour faire découvrir aux élèves de nouveaux matériaux ou techniques, ou suivre un programme obligatoire). Les élèves consacrent ensuite le reste du temps de cours à travailler à leur projet artistique en toute autonomie.
Les cours TAB sont structurés en termes de temps et de présentation des matériaux et techniques. Sur le plan de l’organisation temporelle, la plupart des cours débutent par une présentation sous la conduite de l’enseignant d’une durée de dix minutes environ, suivie d’un temps de travail, et enfin d’un moment d’échanges. Quant à la présentation des matériaux, des « ateliers » – par exemple, de dessin, peinture, sculpture ou textile – sont ouverts l’un après l’autre chaque semaine, de façon à faire peu à peu découvrir aux élèves les différents éléments de la classe, à terme accessible dans sa totalité.
Certains enseignants choisissent d’adapter les principes de TAB pour moduler la liberté de choix laissée aux élèves ; d’autres demandent la réalisation d’un travail important et abouti ; et nombreux sont ceux à demander aux élèves de réfléchir à leur démarche.
Dans ces classes, les murs, les ouvrages, les affiches et les pairs sont autant de sources d’enseignement. Les enseignants circulent dans la classe pour parler individuellement aux élèves, s’enquérir de leur façon de penser et les aider à résoudre d’éventuelles difficultés individuelles, et les élèves s’instruisent en observant les affiches et autres ressources de la classe, ou auprès de leurs pairs plus expérimentés (Douglas et Jaquith, 2009 [60] ; Jaquith et Hathaway, 2012 [61] ).
Comment cette approche est-elle censée développer la créativité et l’esprit critique ?
En suivant leur propre axe de recherche, les élèves s’approprient leur apprentissage, s’engagent réellement dans leur travail, et mobilisent des processus de pensée créative à la fois divergente et convergente à mesure qu’ils inventent en toute autonomie des solutions à différents problèmes : par exemple, faire en sorte que leur sculpture tienne bien droit, mélanger des couleurs jusqu’à trouver la bonne tonalité pour leur peinture, ou encore chercher l’objet parfait pour structurer leur morceau d’argile (Douglas et Jaquith, 2009 [60] ; Jaquith et Hathaway, 2012 [61] ).
On peut établir un parallèle entre cette pédagogie et l’apprentissage par la recherche dans l’enseignement des sciences : l’une donne à l’élève la responsabilité d’un scientifique ; l’autre, celle d’un artiste. Teaching for Artistic Behavior met davantage l’accent sur la créativité que sur l’esprit critique. Les dimensions d’« imagination » et de « recherche » de la créativité sont censées résulter de la combinaison de la capacité d’action donnée aux élèves et de la nature créative du processus artistique, qui fait intervenir à la fois l’imagination et la recherche. L’accent est fortement mis sur l’importance de « faire » quelque chose d’intéressant et de stimulant sur le plan individuel, et de « réfléchir » de manière critique à sa propre démarche artistique. Cette dernière dimension relève aussi de l’esprit critique.
Pour tout complément d’information
Pour de plus amples informations sur cette pédagogie, consulter Engaging Learners through Artmaking (Douglas et Jaquith, 2018 [62] ), The Learner Directed Classroom (Jaquith et Hathaway, 2012 [61] ), 2012), The Open Art Room (Purtee et Sands, 2017 [63] ) sur : www.teachingforartisticbehavior.org, et les dizaines de groupes Facebook utilisés par les enseignants pour s’entraider dans le cadre des communautés d’apprentissage professionnel.
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