Ce chapitre présente un cadre de référence pour aider les enseignants à mettre au point des activités en salle de classe qui développent dans le cadre du programme de cours les compétences des élèves en créativité et en esprit critique. Élaboré conjointement par les participants au projet OCDE-CERI, ce cadre se compose d’un portfolio de référentiels de compétences génériques et spécifiques par domaine ainsi que d’un ensemble de critères d’élaboration des cours. Ces outils sont destinés à orienter les enseignants dans l’élaboration de plans de cours afin de permettre aux élèves de mettre en œuvre leurs compétences en créativité et en esprit critique pendant l’apprentissage. Les enseignants des équipes de 11 pays ont adapté ce cadre à leurs pratiques pédagogiques habituelles et ont mis au point des plans de cours dans tout un éventail de disciplines. Ce chapitre présente une sélection d’exemples de plans de cours dans différentes disciplines et se conclut par la proposition de quelques idées clés.
Développer la créativité et l’esprit critique des élèves
Chapitre 4. Créativité et esprit critique dans l’enseignement et l’apprentissage au quotidien
Abstract
Un cadre au service de la conception d’expériences d’apprentissage pour développer la créativité et l’esprit critique
Quelles sont les stratégies les plus efficaces pour développer la créativité et l’esprit critique dans l’enseignement primaire et secondaire ? Les enseignants ne se sentent pas toujours bien préparés pour répondre à cette question. Il n’existe pas de représentation professionnelle commune de la réalité de ces compétences dans les cadres éducatifs formels et, plus particulièrement, de la manière de les intégrer dans le programme de cours. Certains professionnels de l’éducation craignent que l’attention portée à ces compétences s’opère au détriment des connaissances propres aux matières générales, partant du principe que les activités dédiées à l’enseignement de ces matières ne peuvent pas développer en même temps la créativité et l’esprit critique. D’autres s’inquiètent de ce que les approches pédagogiques mieux adaptées au développement de ces compétences, telles que l’apprentissage par projet ou par la recherche, soient trop chronophages et difficiles à intégrer dans l’enseignement habituel, dans la mesure où elles reposent en général sur des activités plus longues et des modes non conventionnels d’organisation des activités en classe. Nombreux sont enfin ceux qui ne disposent tout simplement pas d’un modèle fonctionnel des modalités concrètes de la créativité et de l’esprit critique, ni de la confiance pédagogique nécessaire pour les cultiver dans leur cadre scolaire.
La plupart de ces craintes résultent de dichotomies erronées entre connaissances et compétences, ou connaissances et dispositions, qui y voient des objectifs d’apprentissage concurrents au lieu de reconnaître leur nature inextricablement liée. Les enseignants ont besoin de modèles illustrant concrètement la façon dont les apprenants peuvent mobiliser leurs connaissances des matières enseignées dans des contextes nouveaux et équivoques en utilisant leur créativité et leur esprit critique – autrement dit, l’interaction positive entre connaissances des matières enseignées et compétences de raisonnement d’ordre supérieur1.
Le projet OCDE-CERI a donc tenté de créer une représentation sociale et professionnelle commune de ce que signifient concrètement l’enseignement, l’apprentissage et l’évaluation de la créativité et de l’esprit critique dans des cadres éducatifs formels. Il a rassemblé des équipes d’enseignants, de chercheurs et de pédagogues de 11 pays afin de concevoir des exemples de plans de cours ou d’unités de travail illustrant différentes stratégies susceptibles d’encourager la créativité et l’esprit critique chez les élèves dans le cadre de l’enseignement des connaissances liées aux matières générales. Au terme de cette initiative, l’OCDE a constitué un ensemble de référentiels et de plans de cours qui se veut une source d’inspiration pour les enseignants, les chefs d’établissement et les concepteurs de programmes des différents pays désireux de donner plus de place aux compétences en créativité et en esprit critique dans leurs systèmes d’éducation, sans pour autant sacrifier l’acquisition des compétences techniques liées aux différentes disciplines. Ces ressources sont accessibles via l’application mobile et le site web du projet2.
L’élaboration de ce matériel est le fruit d’un processus itératif et collaboratif. Avec l’aide d’un groupe d’experts, l’équipe OCDE-CERI a produit une première série de référentiels de compétences proposant une terminologie et une interprétation communes des principales sous-dimensions de la créativité et de l’esprit critique. Les enseignants des équipes des 11 pays participants ont testé ces référentiels à diverses fins, de l’organisation et la conception de leurs plans de cours, à la structuration des discussions avec leurs pairs et leurs élèves (voir les chapitres Chapitre 2 et Chapitre 6). Une première série d’exemples de plans de cours a également été élaborée et diffusée auprès des coordinateurs locaux du projet. Au fil de la mise en œuvre, les retours d’expérience du terrain ont clairement mis au jour la nécessité de consignes plus précises sur la manière de transposer les concepts des référentiels en activités pour la classe. C’est ainsi que fut décidée l’élaboration d’une série de critères d’élaboration des cours destinés à fournir une aide supplémentaire aux enseignants pour leur propre adaptation et production de plans de cours. La mise à l’essai des plans de cours est à son tour venue compléter les recherches en contribuant à identifier les principales caractéristiques des environnements d’enseignement et d’apprentissage propices à l’épanouissement de la créativité et de l’esprit critique. Les référentiels de compétences, les critères d’élaboration, les exemples de plans de cours et les résultats des recherches sur les environnements favorables à l’apprentissage offrent ainsi un cadre de référence aux établissements et enseignants désireux de cultiver la créativité et l’esprit critique de leurs élèves dans le cadre de leurs programmes nationaux d’enseignement, grâce à l’évolution progressive ou plus radicale de leurs pratiques pédagogiques.
Les référentiels de compétences
Les référentiels de compétences de l’OCDE sur la créativité et l’esprit critique décrivent les sous-catégories de compétence mobilisées dans ces processus de réflexion et actions. Au lieu de tenter d’établir une définition universelle de la créativité et de l’esprit critique chez les élèves, l’OCDE a préféré constituer un portfolio de référentiels de compétences maintenant une solide cohérence conceptuelle, tout en permettant des adaptations en fonction des objectifs et disciplines spécifiquement visés. Le référentiel de base inclut : un référentiel générique « global » ; un référentiel générique « adapté à l’usage des enseignants » ; cinq référentiels adaptés à l’usage des enseignants, spécifiques aux cours de mathématiques, de sciences, d’arts visuels, de musique et de langues ; et deux référentiels décrivant les niveaux de progression pour l’évaluation des productions et processus pour lesquels les élèves mobilisent ces compétences dans le cadre scolaire. Les participants du projet ont en outre produit d’autres adaptations de ces référentiels, par exemple par rapport aux tâches de certains plans de cours, ainsi que des outils connexes venant compléter le matériel de base approuvé par l’OCDE.
La structure et la terminologie des référentiels de compétences OCDE-CERI s’appuient sur un examen de la littérature scientifique et une sélection de normes et référentiels de compétences sur la créativité et l’esprit critique développées par les organismes éducatifs de différents pays. Elles s’inspirent aussi du modèle des cinq modes de pensée créative de Lucas, Claxton et Spencer (2013 [1] ), et des résultats de son ‘test sur le terrain’ réalisé dans des établissements scolaires anglais. Les référentiels de compétences de l’OCDE distinguent quatre sous-dimensions, ou composantes élémentaires, pour les compétences en créativité et en esprit critique, à savoir chercher, imaginer, faire et réfléchir (voir le chapitre Chapitre 2 pour un examen plus approfondi).
Considérées ensemble, ces quatre sous-dimensions représentent les macro-processus intervenant dans la créativité et l’esprit critique. Les référentiels de compétences ne prétendent toutefois pas imposer une séquence préétablie d’étapes, dont l’ordre implicite peut être modifié soit parce que la tâche invite les apprenants à suivre une séquence différente, soit parce que chaque apprenant peut aborder différemment la tâche donnée. Les référentiels soulignent l’importance de prendre en compte les processus de pensée tant générative qu’évaluative. Dans le cadre scolaire, il s’agit là d’un aspect essentiel pour dépasser les conceptions et mesures de la créativité qui ciblent uniquement l’originalité et négligent le critère d’adaptation à la situation : les processus de pensée évaluative et convergente sont précisément ceux qui demandent aux apprenants de mobiliser leurs connaissances des matières enseignées dans le respect des contraintes de la tâche et qui peuvent établir un lien plus étroit avec le programme de cours (Cropley, 2006 [2] ; Baer, 2011 [3] ). Par ailleurs, la sous-dimension réfléchir ouvre la possibilité d’utiliser des pédagogies métacognitives pour développer la créativité et l’esprit critique, en encourageant enseignants et élèves à prendre du recul et réfléchir à la manière dont ils utilisent ces compétences dans le cadre scolaire (Mevarech et Kramarski, 2014 [4] ).
Les référentiels de compétences définissent des sous-dimensions communes pour ces deux compétences cognitives complexes. Si ces sous-dimensions témoignent des éléments communs des macro-processus de réflexion sous-jacents, les différentes manières de chercher, d’imaginer, de faire et de réfléchir entre créativité et esprit critique peuvent aussi traduire des possibilités d’interaction. Pringle et Sowden (2017 [5] ) montrent par exemple que les alternances entre pensée associative et analytique sont une variable prédictive de la créativité dans les processus de conception.
Tout en visant à refléter les idées-forces de la littérature scientifique dans ce domaine, le principal objectif des référentiels de compétences restait néanmoins de proposer un langage simple que les enseignants pourraient utiliser pour mieux intégrer la créativité et l’esprit critique dans leurs pratiques habituelles. Les référentiels ont été testés sur le terrain et améliorées afin de fournir une terminologie qu’enseignants et apprenants puissent utiliser pour identifier et cibler les manifestations de la créativité et de l’esprit critique dans les différentes matières enseignées. Ce processus impliquait aussi la transposition des descripteurs génériques de compétences en référentiels spécifiques par domaine, définissant les caractéristiques concrètes de la créativité et de l’esprit critique dans cinq grandes disciplines : sciences, mathématiques, arts visuels, musique et langues.
En 2016, plus de 50 pays à travers le monde reconnaissaient l’importance d’autres compétences que la littératie et la numératie dans les différentes matières de leur programme d’enseignement national, la créativité et l’esprit critique étant à cet égard les plus couramment cités, aux côtés de la communication ; ces compétences peuvent être incluses dans les programmes à titre de matières à part entière, intégrées dans les contenus de différentes matières, ou encore développées dans le cadre de projets interdisciplinaires (Care, Anderson et Kim, 2016 [6] ). Si certains programmes de cours considèrent la créativité et l’esprit critique comme des compétences transversales, d’autres les associent à des matières spécifiques : pour la créativité, il s’agira en général des disciplines artistiques, du design ou de la musique, et pour l’esprit critique, des sciences ou de la philosophie.
Le cadre conceptuel des référentiels de compétences envisage la créativité et l’esprit critique comme des compétences à développer dans le cadre de disciplines ou de matières scolaires spécifiques, mais susceptibles de devenir des « dispositions » ou des « modes de pensée » au fil de leur pratique plus fréquente et systématique dans les différentes matières (Costa et Kallick, 2002 [7] ). Deux grandes hypothèses sous-tendent la notion de disposition : la première, que les individus peuvent cultiver et apprendre des attitudes mobilisant ces compétences, et la deuxième, que leur pratique régulière permet leur déploiement spontané dans tout un éventail de contextes. Cela implique aussi qu’à terme, le fait de cultiver la créativité et l’esprit critique dans le cadre scolaire vise à développer ces compétences en vue d’y faire appel dans un éventail plus large de situations de la vie réelle (Lucas, 2019 [8] ).
En invitant les enseignants à intégrer la créativité et l’esprit critique dans l’enseignement des différentes matières, les référentiels s’alignent sur un vaste corpus de recherches qui montre comment, plutôt que de se développer dans un vide décontextualisé, la capacité à s’engager dans des processus de pensée créative et critique s’inscrit dans des domaines et des tâches spécifiques (encadré Encadré 4.1). Dans le cadre éducatif, le fait que les compétences en créativité et en esprit critique se manifestent de façon spécifique selon les domaines comporte une implication importante : cela remet en cause l’idée traditionnelle qui voudrait que ces compétences ne puissent se développer que dans certaines disciplines. Ce type de conviction sous-tend l’hypothèse conventionnelle selon laquelle l’enseignement de la créativité reviendrait à intégrer des tâches « artistiques » dans d’autres matières. Il est aussi à la base d’une acception limitée de l’esprit critique, comme simple synonyme de pensée analytique ou logique. À l’inverse de ces conceptions, les référentiels de compétences de l’OCDE concordent avec l’idée que les compétences en créativité et en esprit critique peuvent se cultiver dans n’importe quelle matière, et que leur développement dépend essentiellement de la mise en œuvre d’approches pédagogiques et d’évaluation adéquates, et non de matières enseignées spécifiques. Les référentiels de compétences s’affranchissent donc de l’idée traditionnelle selon laquelle l’enseignement des disciplines artistiques serait le cadre naturel (ou unique) du développement de la créativité, et le raisonnement mathématique et scientifique, et d’autres formes d’inférences logiques, les seuls catalyseurs de l’esprit critique. Les référentiels s’attachent au contraire à faire reconnaître que le développement de la créativité et de l’esprit critique a sa place dans l’ensemble des matières et approches interdisciplinaires du programme scolaire.
Encadré 4.1. « Créatif, mais en quoi ? » Arguments en faveur d’une spécificité de la créativité selon les domaines
La créativité et l’expertise ont un point commun : elles nécessitent toutes deux un contexte. Tout comme il serait incomplet de qualifier quelqu’un d’expert sans spécifier son domaine d’expertise, répondre à la question « Êtes-vous créatif ? » n’a guère d’intérêt sans préciser le contexte : « Créatif, mais en quoi ? » À l’instar d’une compétence de raisonnement qui ne peut être sortie de son contexte et requiert un certain niveau de connaissances dans un domaine, la notion de spécificité de la créativité selon les domaines remet en cause la théorie concurrente d’une créativité générique (Baer, 2015 [9] ; Baer, 2016 [10] ).
Les recherches sur la créativité reconnaissent de plus en plus que « le potentiel créatif implique en partie une capacité générique, en partie un ensemble de capacités spécifiques selon le domaine, et en partie un ensemble de capacités spécifiques selon la tâche » (Barbot, Besançon et Lubart, 2016 [11] ). Les arguments en faveur de la spécificité de la créativité selon les domaines mettent en avant la variation de la nature du travail créatif en fonction du domaine (par exemple, musique, chimie ou publicité) et, à un niveau plus granulaire, en fonction des exigences spécifiques de la tâche au sein du domaine concerné (par exemple, composition et interprétation en musique). Les différentes capacités que chaque individu apporte à une tâche forment également des configurations uniques de ressources au service du travail créatif. Sur le plan empirique, la spécificité de la créativité en fonction des domaines est étayée par le fait que les évaluations de la créativité des productions de différents domaines sont en général faiblement corrélées. À l’inverse, les évaluations de la créativité des productions au sein d’un même domaine présentent souvent une corrélation certes modérée, mais positive. En d’autres termes, la créativité dans un domaine semble être un indicateur peu probant de la créativité dans d’autres domaines (Baer, 2016 [10] ). Les travaux de recherche montrent également que les exercices de créativité reposant sur des tâches authentiques d’un domaine spécifique sont en général plus efficaces que ceux fondés sur des tâches génériques. La méta-analyse de plus de 70 études conclut que l’utilisation d’exercices spécifiques par domaine est le facteur le plus systématiquement associé à l’efficacité des programmes de développement de la créativité (Scott, Leritz et Mumford, 2004 [12] ).
Il est important de noter que les référentiels ont assuré la cohérence et la concordance du matériel mis à l’essai et affiné par les équipes des différents pays sans imposer un choix restreint d’approches pédagogiques. Les plans de cours élaborés conformément aux référentiels de compétences proposaient un éventail de techniques spécifiques permettant d’intégrer la créativité et l’esprit critique dans le programme de cours. Ces techniques s’appuyaient sur les connaissances pédagogiques des experts associés au projet, ainsi que sur les méthodes déjà mises en œuvre avant l’expérience par les enseignants participants. Cette approche non directive laisse aux enseignants une grande liberté pour le choix des méthodes pédagogiques les plus adaptées à leurs élèves et à leur contexte spécifique d’enseignement.
Les critères destinés à orienter les enseignants dans l’élaboration de leurs plans de cours
Outre les référentiels de compétences, le cadre inclut un ensemble de critères d’élaboration des cours destinés à aider les enseignants à adapter leurs plans de cours ou à en concevoir de nouveaux, dans lesquels l’objectif de développement des compétences des élèves en créativité et en esprit critique soit compatible avec l’enseignement des différentes matières, et le renforce. Les retours d’expérience des premières phases du travail de terrain ont clairement montré que les descripteurs des référentiels n’étaient souvent pas suffisants pour aider les enseignants dans la tâche complexe visant à laisser dans leurs activités de classe la place nécessaire à l’expression des attitudes et processus de pensée mis en avant dans les référentiels. Pour pallier cette difficulté, nous avons proposé une liste de principes définissant les activités de classe et les devoirs susceptibles d’encourager les élèves à mobiliser et faire preuve de leurs compétences en créativité et en esprit critique.
En opérationnalisant les concepts du référentiel, ces critères fournissent aux enseignants des orientations supplémentaires les aidant à visualiser les caractéristiques des activités d’enseignement et d’apprentissage conformes aux référentiels. Ces critères prennent aussi en compte certaines dimensions liées à l’engagement des élèves et à la bienveillance des enseignants, leur objectif étant de faciliter une mise en œuvre effective auprès de groupes d’élèves hétérogènes et de garantir que des enseignants dans des contextes différents puissent y trouver des indications pour l’adaptation progressive de leurs pratiques d’enseignement et d’évaluation.
S’ils constituent une liste non exhaustive de principes potentiellement utiles, ces huit critères visent néanmoins à mettre en phase les plans de cours axés sur la créativité et l’esprit critique avec certains des grands principes sous-tendant un apprentissage efficace, comme l’établit une base de connaissances toujours croissante (voir, par exemple, Sawyer (2006 [13] ) ; Dumont, Istance et Benavides (2010 [14] ) ; National Academies of Sciences, Engineering and Medicine (2018 [15] )). Parmi ces principes, citons la motivation et l’engagement des apprenants, l’activation cognitive et les liens avec des matières enseignées pertinentes, les possibilités d’évaluation formative, et le copilotage du processus d’apprentissage par les enseignants et les élèves.
On aboutit ainsi à la liste des critères d’élaboration des cours suivants :
1. Susciter chez les élèves l’envie d’apprendre. Les activités stimulantes augmentent les possibilités d’apprentissage. L’envie d’apprendre est favorisée chez les élèves par les expériences qu’ils valorisent et qui suscitent en eux un sentiment d’appartenance et d’utilité (National Academies of Sciences, Engineering and Medicine, 2018 [15] ). Les plans de cours doivent donc être conçus de manière à stimuler la curiosité et l’engagement des élèves, par exemple en traitant de « grandes questions » ou de sujets en lien avec leurs domaines d’intérêt. Ces stratégies visent à renforcer la motivation intrinsèque des élèves, afin qu’ils trouvent un réel intérêt à apprendre, au lieu d’attendre simplement des gratifications extérieures. Ce principe implique en général de débuter les activités en formulant une grande question, en présentant un défi ou un sujet « provocateur », ou en plaçant les élèves dans une situation inhabituelle et inattendue. Ces déclencheurs peuvent motiver les élèves à se mettre en action et à trouver des solutions créatives et critiques aux problèmes qui leur sont soumis. Il s’avérera tout aussi important de revenir plusieurs fois à ces questions liminaires au fil de l’activité, que ce soit pour recentrer le travail, ou pour réexaminer le défi initial à la lumière de nouvelles informations ou des premières tentatives de résolution. Pour stimuler et éveiller l’intérêt des apprenants, les questions servant de fil conducteur aux activités doivent aborder des sujets porteurs, ancrés dans des situations de la vie réelle ; ce type de questions est caractéristique de l’apprentissage par projet (Krajcik et Blumenfeld, 2006 [16] ) (voir le chapitre Chapitre 3).
2. Être stimulant. Souvent, le manque d’engagement des élèves dans les activités proposées en classe vient du fait qu’ils trouvent les objectifs et les tâches d’apprentissage trop faciles ou inadaptés pour leur permettre de faire preuve de leurs capacités. Pour maintenir l’implication des élèves, l’un des principes consiste donc à fixer des objectifs stimulants que les élèves jugent accessibles et dignes de leurs efforts. Mais trouver le niveau adéquat de difficulté cognitive implique aussi de prendre en compte la progression dans les matières du programme, ainsi que l’âge et la maturité des élèves. Les activités amenant les apprenants à atteindre le niveau juste au-dessus de leur capacité, sans pour autant leur imposer une charge excessive, créent non seulement les conditions d’un apprentissage efficace, mais aussi d’une évaluation tenant compte des forces et faiblesses des apprenants (Wiliam, 2010 [17] ).
3. Développer des connaissances techniques claires dans une ou plusieurs matières du programme. Tout processus de pensée créative ou critique se fonde sur des connaissances propres à un contenu spécifique, car il n’existe pas de pensée dénuée de contenu. Pour améliorer les compétences en créativité et en esprit critique, il convient donc aussi d’aider les élèves à acquérir des connaissances propres aux matières enseignées. Parallèlement, la stimulation d’une réflexion approfondie sur un sujet est la meilleure façon d’enseigner ces connaissances, car elle induit chez les apprenants des niveaux supérieurs d’activation cognitive : le traitement actif et réfléchi des informations est le meilleur allié de l’apprentissage, et l’accent mis sur les connaissances propres aux matières n’est donc pas en contradiction avec le développement des compétences de raisonnement d’ordre supérieur (Beghetto, Baer et Kaufman, 2015 [18] ). Les plans de cours et activités de classe conçus pour engager les élèves dans des processus de pensée créative et critique dispensent donc aussi des contenus propres à une ou plusieurs matières du programme, mobilisant des connaissances tant procédurales que propres aux matières elles-mêmes.
4. Inclure la réalisation d’une production visible. Les recherches en sciences de l’éducation indiquent que les élèves apprennent mieux lorsqu’ils développent des représentations extérieures des connaissances qu’ils ont acquises, que ces productions soient abstraites ou concrètes (Scardamalia et Bereiter, 2006 [19] ). Donner une visibilité au processus d’apprentissage est aussi un premier pas vers l’évaluation des compétences en créativité et en esprit critique. À chaque étape du processus de travail correspondra une production plus ou moins « finalisée ». Certaines pourront montrer l’aboutissement du processus de travail : représentation sur scène, portfolio d’œuvres, conception intégrale d’un produit, rapport de recherche, ou encore modèle scientifique ou mathématique testé par les élèves ; tandis que d’autres pourront refléter les étapes intermédiaires de ce processus : esquisses et prototypes, plans de rédactions, listes d’hypothèses ou modèles préliminaires en réponse à une question scientifique. Idéalement, les plans de cours et les activités prévoiraient ensuite le développement et l’amélioration itératifs des productions, par exemple en demandant aux élèves de produire et de comparer différentes versions d’une solution ou d’une production. En mettant l’accent sur la visibilité des productions des élèves, l’observation des processus de créativité et d’esprit critique se trouve facilitée, et par là même l’évaluation formative. Les plans de cours peuvent encourager les élèves à documenter les différentes étapes de leur cheminement, et non uniquement son aboutissement. La documentation du processus de travail est non seulement essentielle pour évaluer la progression des élèves dans la maîtrise des compétences en créativité et en esprit critique, mais permet aussi de désacraliser la production finale et d’aider les élèves à prendre davantage conscience de la valeur de leur propre processus d’apprentissage.
5. Inviter les élèves à co-concevoir en partie la production ou la solution. Les activités et les tâches qui orientent le travail vers un modèle unique et aboutissent à un ensemble de productions similaires entre les élèves ne favorisent en général guère le développement de leurs compétences en créativité et en esprit critique. Les productions doivent à l’inverse refléter un fort degré d’autonomie des élèves dans les choix aboutissant aux productions ou solutions en réponse à la tâche donnée. En d’autres termes, les productions réalisées dans le cadre d’un plan de cours laissant de la place à la créativité et à l’esprit critique devraient en principe ne pas toutes se ressembler, mais au contraire exprimer tout un éventail de possibilités. Pour donner aux élèves la possibilité de co-concevoir les productions et solutions, les plans de cours doivent maintenir un degré important d’ouverture et de capacité d’action des apprenants, ce qui est non seulement compatible avec, mais aussi favorisé par, la présence de limites bien définies encadrant l’expérimentation et le jeu en collaboration. Le cerveau humain est fait pour l’interaction, et les possibilités de co-construction des connaissances exploitent plus judicieusement la nature sociale et collaborative d’un apprentissage efficace (Wiliam, 2010 [17] ).
6. Aborder des problèmes pouvant être envisagés selon différents points de vue. Les plans de cours doivent proposer des problèmes à réponse ouverte et des tâches d’exploration encourageant la curiosité et l’imagination des élèves. La conception de problèmes susceptibles d’accepter plusieurs solutions correctes implique de valoriser la nouveauté et l’utilité, et non simplement l’exactitude et la conformité à des solutions et procédures prédéfinies. Elle implique aussi de favoriser les tâches ne requérant pas l’utilisation d’une technique ou d’une procédure spécifique et unique pour leur résolution. Les sujets en lien avec les arts, les sciences sociales, ou les compétences en langue et en littératie peuvent sembler se prêter plus facilement à ce type de problèmes, mais en réalité, les tâches ouvertes susceptibles d’accepter plus d’une seule solution peuvent se concevoir dans n’importe quel domaine du programme. Si traditionnellement, l’enseignement des mathématiques s’est en grande partie fondé sur des problèmes routiniers nécessitant l’application d’algorithmes prêts à l’emploi, les nouvelles approches de l’enseignement des mathématiques et des sciences favorisent en revanche de plus en plus les tâches complexes, non familières et non routières. En général, ce type de tâches évoque à la fois des situations concrètes et formelles, implique la coordination de connaissances et expériences antérieures, intègre des informations sous des formes non explicites, demande aux élèves de rechercher des informations supplémentaires, et accepte des solutions multiples ou différentes modalités d’inférence pour parvenir à la bonne solution (Mevarech et Kramarski, 2014 [4] ). De manière plus générale, les problèmes ouverts demandent aux élèves de faire leur propre interprétation des exigences de la tâche. Ils présentent en outre un champ relativement vaste de réponses possibles ou, autrement dit, acceptent différentes réponses valables, pour autant qu’elles soient justifiées de manière adéquate sur la base de critères pertinents.
7. Laisser de la place à l’imprévu. Les cours strictement planifiés peuvent être efficaces pour accompagner l’acquisition par les élèves des connaissances propres aux matières, mais peuvent aussi leur donner l’impression que leurs idées personnelles ne valent pas la peine d’être explorées et partagées. Soulignant à nouveau l’idée d’ouverture, ce principe invite à la conception d’activités et de tâches pour lesquelles ni les enseignants ni les élèves ne connaîtraient à l’avance toutes les réponses possibles, ou les réalisations finales des élèves seraient difficiles à anticiper, dans le but de renforcer le sentiment qu’ont les élèves de s’approprier le processus d’apprentissage, ainsi que leur disposition à prendre des risques dans leurs propositions et à s’aventurer en terrain inconnu. Même si un plan de cours implique l’enseignement et l’apprentissage de techniques ou de solutions courantes, il peut aussi encourager l’exploration et la discussion de raisonnements et de réponses inattendus. Cela nécessite, de la part des enseignants, un effort délibéré de suivi des idées des élèves pouvant être inattendues ou sortir des sentiers battus, afin d’en explorer le potentiel créatif au lieu de les rejeter (Beghetto, 2013 [20] ). La volonté de renoncer à l’idée de plans de cours aux séquences et limites clairement définies constitue la première étape pour saisir les opportunités non planifiées d’explorer la créativité et l’esprit critique des élèves.
8. Donner aux élèves le temps et l’espace nécessaires pour réfléchir, et faire et recevoir des commentaires. Les moments de réflexion sont conçus comme un moyen d’aider les élèves à prendre davantage conscience des étapes qu’ils ont franchies au cours de l’activité, et donc de leurs propres progrès et des possibilités dont ils disposent pour continuer à s’améliorer. Les élèves peuvent exposer leurs productions matérielles (par exemple, affiches, dessins, modèles 3D) en classe pour que les autres puissent en prendre connaissance et les commenter, ou simplement discuter de leurs idées avec leurs pairs, ou encore faire une présentation à la classe dans laquelle ils décriront leur travail et justifieront leurs choix ou le point de vue adopté dans un débat. Du côté des enseignants, cela implique une gestion vigilante du temps de classe et la nécessité de s’assurer que tous les élèves ont la possibilité de partager ce qu’ils ont appris. Il est en outre nécessaire de laisser aux élèves le temps et la possibilité d’utiliser les commentaires qu’ils reçoivent pour améliorer leur travail de manière itérative ; par conséquent, il faudrait idéalement ne pas prévoir uniquement un temps de réflexion en fin d’activité, mais aussi lors de ses étapes intermédiaires. Ce principe conceptuel contribue également à ne plus envisager les « erreurs » comme des échecs, mais plutôt comme autant d’opportunités d’apprentissage. Les commentaires formatifs constituent l’un des piliers d’un apprentissage efficace, et les possibilités d’évaluation mutuelle et d’auto-évaluation formatives peuvent non seulement aider les élèves à améliorer leur travail, mais aussi les révéler comme ressources éducatives mutuelles et maîtres du processus d’apprentissage (Wiliam, 2010 [17] ; OCDE, 2013 [21] ).
Et concrètement, à quoi cela pourrait-il ressembler ? Exemples de plans de cours dans différentes matières
Les référentiels de compétences et les critères d’élaboration de cours de l’OCDE proposent un langage cohérent et un ensemble d’orientations en matière de qualité pour aider les enseignants à œuvrer de manière plus explicite en faveur du développement des compétences en créativité et en esprit critique de leurs élèves. Toutefois, pour que ces compétences prennent une dimension plus visible et tangible auprès des enseignants et des apprenants, il est aussi nécessaire d’apporter des illustrations plus concrètes de la manière dont elles peuvent s’inscrire dans les activités de tous les jours en classe, tout en poursuivant l’enseignement des objectifs d’apprentissage des programmes locaux. Le référentiel d’exemples de plans de cours constitué dans le cadre du projet OCDE-CERI a pour principal objectif de montrer comment développer les compétences décrites dans les référentiels de compétences dans le cadre de l’enseignement et de l’apprentissage des différentes matières. Ces plans de cours entendent constituer une source d’exemples et d’inspiration pour les enseignants désireux de faire évoluer leurs pratiques pédagogiques afin d’offrir à leurs élèves la possibilité de mettre en œuvre au moins certaines des sous-catégories de compétences en créativité et en esprit critique.
Les enseignants participant au réseau international étaient invités à tester et affiner les plans de cours inspirés des référentiels de compétences et des critères d’élaboration des cours. Parmi les équipes, l’expérience pédagogique impliquait deux types de contribution autour des plans de cours. D’un côté, les plans de cours élaborés par les experts en pédagogie ont été communiqués aux enseignants pour adaptation à leur contexte local. De l’autre, les enseignants se sont vu remettre des modèles vierges pour élaborer leurs propres plans de cours, soit en adaptant le matériel qu’ils utilisaient déjà, soit en concevant des activités totalement nouvelles.
Ce modèle reproduit le format et la structure types des plans de cours adaptés à l’usage des enseignants, mais introduit une série de nouveaux éléments pour créer des possibilités de développer la créativité et l’esprit critique. La première page du modèle fournit des informations standard sur l’unité de travail, notamment le groupe d’âge ciblé, la ou les matières et le contenu spécifique couvert dans ces matières, une description générale des activités et tâches proposées, le nombre approximatif de cours nécessaires à la réalisation de l’activité, et une série de mots clés destinés à aider les enseignants à évaluer, en un coup d’œil, l’adéquation avec le programme qu’ils doivent dispenser. Notons que cette première page liste également les sous-dimensions spécifiques des référentiels de compétences de l’OCDE pour la créativité et l’esprit critique ciblées par le plan de cours, et propose une description des productions et processus que les enseignants peuvent évaluer en lien avec ces compétences. La formulation est conçue pour refléter les résultats et processus de réflexion idéalement mobilisés par les élèves lorsqu’ils font preuve de niveaux élevés de créativité et d’esprit critique, illustrant ainsi en termes concrets « ce à quoi cela ressemble » dans le contexte spécifique du plan de cours.
Les plans de cours proposent ensuite une séquence d’étapes. Sont notamment incluses la décomposition des cours et, pour chacune des étapes, la description des rôles attendus de la part de l’enseignant et des élèves, ainsi que la formulation explicite du contenu spécifique des matières et des possibilités de mise en œuvre et d’évaluation des compétences en créativité et en esprit critique. Enfin, le modèle reproduit une version adaptée à un usage en classe des référentiels de l’OCDE, qui met en correspondance les étapes du cours avec les sous-dimensions spécifiques de la créativité et de l’esprit critique, de manière à permettre aux enseignants d’appréhender facilement les compétences ciblées par les différentes tâches.
En combinant ce modèle avec les référentiels de compétences et les critères d’élaboration des cours, les enseignants et les experts de 11 pays ont élaboré plus de 100 plans de cours mettant explicitement l’accent sur la créativité et l’esprit critique. Ce matériel est le fruit de tout un éventail de processus de développement. Dans certains cas, les enseignants ont adapté des unités de travail existantes. Dans d’autres, ils ont conçu des activités totalement nouvelles. De même, certains plans de cours sont le fruit de tentatives de (re)conception pédagogique s’appuyant uniquement sur les connaissances antérieures des enseignants, tandis que d’autres résultent d’un processus au cours duquel les enseignants ont suivi un programme de développement professionnel spécifique présentant les référentiels de compétences du projet et fournissant des exemples de stratégies et techniques pédagogiques susceptibles de développer la créativité et l’esprit critique chez les élèves. Une troisième catégorie de plans de cours sont ceux commandés à des experts en pédagogie3.
Les plans de cours collectés tout au long du projet ont ensuite été conservés et examinés par les pairs, avec pour objectif de sélectionner les activités susceptibles d’être présentées comme exemples et mises en ligne, à disposition des enseignants du monde entier. Le processus de conservation prévoyait notamment la révision, l’harmonisation de la mise en page et l’amélioration de la clarté des séquences pédagogiques conformément aux référentiels de compétences et aux critères d’élaboration des cours. Un groupe international d’experts et de professionnels a ensuite effectué un examen par les pairs, afin de fournir des commentaires sur la qualité des activités, leur conformité avec le cadre conceptuel et leur opérationnalité4.
Les discussions sur la qualité des plans de cours retenus reflètent la diversité des points de vue sur la dimension d’opérationnalité. Certains participants du projet ont fait remarquer que les exemples de plans de cours marquaient un changement d’orientation net par rapport à la culture pédagogique dominante de leur pays, et qu’à l’échelon local, les enseignants avaient besoin de consignes et de descriptions claires des étapes à suivre pour la mise en œuvre de ces activités. D’autres ont mis en avant l’objectif qui vise à permettre aux enseignants de (re)concevoir leurs propres plans de cours ; dans cette perspective, les exemples doivent donc constituer principalement une source d’inspiration laissant une grande latitude à l’adaptation locale. Dans l’ensemble, les activités élaborées dans le cadre du projet couvrent tout un éventail d’orientations pratiques de mise en œuvre.
Au final, 80 plans de cours ont été sélectionnés. Comme l’illustre le tableau Tableau 4.1, les activités sont réparties uniformément entre les niveaux d’enseignement primaire et secondaire, et plus des trois quarts abordent l’une des quatre matières principales de l’expérience, à savoir les sciences (14), les mathématiques (19), les arts visuels (18) et la musique (12), ce qui reflète globalement les niveaux et domaines choisis par les différentes équipes pour l’expérience pédagogique. Un nombre plus restreint d’activités font appel à des connaissances et techniques d’autres disciplines (5) ou adoptent une approche interdisciplinaire (12). En termes de durée, la moitié environ des activités sont conçues pour se dérouler sur trois à six cours, les activités de plus courte durée se concentrant dans l’enseignement primaire, et celles de type projet, de plus longue durée, étant plus répandues dans le secondaire. Il convient de noter que plus de la moitié des activités ciblent le développement conjoint des compétences en créativité et en esprit critique, témoignant du large consensus sur la compatibilité de cette approche. Parmi les plans de cours dont le champ est plus restreint, la plupart choisissent de mettre l’accent sur les possibilités de mise en œuvre et d’évaluation de la créativité plutôt que de l’esprit critique. Enfin, lorsqu’on les classe selon le degré de contrôle du processus d’apprentissage laissé aux élèves (ouverture)5, la plupart des plans de cours leur donnent un niveau intermédiaire (44) ou important (31) d’autonomie, tandis que seuls quelques-uns (5) confient aux enseignants un rôle plus directif. Ce constat concorde avec l’accent mis sur l’ouverture des tâches et l’apprentissage auto-dirigé par les élèves dans les critères d’élaboration des cours développés conjointement par les participants du projet. Les plans de cours couvrent aussi tout un éventail de sujets spécifiques et d’approches. Il apparaît en effet qu’en fonction de leurs pratiques actuelles, les enseignants peuvent se montrer plus ou moins attirés par différents degrés d’ouverture des tâches et des approches pédagogiques. Comme pour les référentiels de compétences, il a été décidé de s’adapter à la diversité des points de vue et pratiques pédagogiques parmi les pays.
Tableau 4.1. Répartition des plans de cours de l’OCDE pour le développement de la créativité et de l’esprit critique, selon les principales caractéristiques
Niveaux primaire et secondaire confondus |
Primaire |
Secondaire |
|
---|---|---|---|
Total |
80 |
41 |
39 |
Selon la matière |
|||
Sciences |
14 |
4 |
10 |
Mathématiques |
19 |
13 |
6 |
Arts visuels |
18 |
6 |
12 |
Musique |
12 |
8 |
4 |
Approche interdisciplinaire |
12 |
6 |
6 |
Autres |
5 |
4 |
1 |
Selon la durée |
|||
1 à 2 cours |
18 |
15 |
3 |
3 à 6 cours |
44 |
20 |
24 |
6 > cours |
18 |
6 |
12 |
Selon la compétence ciblée |
|||
Créativité |
29 |
17 |
12 |
Esprit critique |
8 |
6 |
2 |
Créativité et esprit critique |
43 |
18 |
25 |
Selon le degré d’ouverture |
|||
Ouvert |
31 |
15 |
16 |
Mixte |
44 |
23 |
21 |
Directif |
5 |
3 |
2 |
Les plans de cours et le modèle sont consultables sur l’application du projet ; la boîte à outils numérique à l’usage des professionnels de l’éducation peut être téléchargée gratuitement, contribuant ainsi à la base de ressources mondiale grandissante au service du développement des compétences en créativité et en esprit critique chez les jeunes apprenants. Aux côtés des référentiels de compétences, les plans de cours du projet se veulent principalement une source d’inspiration pour les enseignants des différents pays, en leur montrant comment mieux intégrer ces compétences dans leurs pratiques pédagogiques habituelles sous forme d’objectifs d’apprentissage compatibles avec l’acquisition des connaissances propres aux différentes matières du programme. Comme examiné dans les sections suivantes, leur contenu fournit des indications précieuses sur au moins trois domaines. Tout d’abord, les plans de cours mettent au jour tout un éventail de stratégies pédagogiques au service du développement de la créativité et de l’esprit critique, susceptibles d’être appliquées dans différentes disciplines. Ensuite, ils illustrent la nature des tâches offrant aux élèves la possibilité de mobiliser et de manifester ces compétences dans le cadre de l’enseignement des matières scolaires. Enfin, ils offrent des exemples de la manière dont les concepts et la terminologie des référentiels de compétences peuvent s’utiliser en lien avec le contenu de matières spécifiques.
Techniques visant à développer la créativité et l’esprit critique
Une nouvelle base de connaissances s’est constituée sur les pratiques pédagogiques innovantes qui permettent de développer les compétences d’ordre supérieur. Si les modes d’enseignement favorisant le transfert des connaissances sont en général plus difficiles à mettre en œuvre que ceux favorisant simplement leur rétention, les compétences d’ordre supérieur peuvent néanmoins se développer dans le cadre de disciplines spécifiques et ne requièrent pas nécessairement l’adoption de pratiques pédagogiques radicalement novatrices (Greiff et al., 2014 [22] ; Schwichow et al., 2016 [23] ).
Les plans de cours collectés mettent au jour une série de techniques pédagogiques susceptibles d’être appliquées dans les différentes disciplines et de promouvoir explicitement les processus définis dans les référentiels de compétences (à savoir chercher, imaginer, faire et réfléchir). Les enseignants peuvent par exemple utiliser le brainstorming pour aider les élèves à mettre en œuvre les dimensions de leur créativité relevant de la pensée divergente. Le brainstorming peut développer la tolérance des élèves à l’ambiguïté, dans la mesure où il les invite à formuler des idées multiples sur un sujet, tout en évitant d’écarter prématurément certains axes de réflexion, établissant ainsi un lien avec les sous-dimensions chercher et imaginer de la créativité. De même, demander aux élèves de formuler des métaphores les invite à s’engager dans un processus de pensée analogique et aide à établir des liens entre les questions de différentes disciplines, ce qui fait également appel à la dimension de recherche de la créativité.
D’autres techniques influent davantage sur l’esprit critique. Les enseignants peuvent notamment utiliser des tâches demandant aux élèves de définir les conditions d’échec, par exemple pour des problèmes scientifiques ou de conception. L’identification des conditions dans lesquelles une expérience ou une proposition ne fonctionnera pas est une manière de comprendre, par opposition, les conditions nécessaires à son succès, ce qui fait appel aux sous-dimensions chercher et faire de l’esprit critique. Une méthode complémentaire consiste dans un premier temps à identifier les contraintes des solutions traditionnelles d’un problème, pour ensuite amener les élèves à imaginer les résultats alternatifs possibles une fois ces contraintes levées.
Les référentiels de compétences et les principes conceptuels ont fourni l’axe orientant les enseignants des différents pays dans la conception de leurs nouvelles activités pédagogiques, tout en proposant un cadre suffisamment large pour englober différentes approches et techniques pédagogiques. L’un des principaux enseignements de ce projet est que les méthodes pédagogiques qui développent la créativité et l’esprit critique peuvent prendre de multiples formes et enrichir ainsi tout un éventail de pratiques pédagogiques. Même si les activités pédagogiques collectées sont toutes conformes aux référentiels de compétences et aux principes conceptuels, elles diffèrent par leur durée, leurs techniques d’enseignement et leur stratégie pédagogique globale. Les différents choix reflètent la diversité des besoins, motivations et difficultés des élèves, ainsi que d’autres facteurs de l’environnement d’apprentissage, tels que les espaces dans lesquels se déroulent l’enseignement et l’apprentissage, les ressources disponibles et le soutien des chefs d’établissement.
Les exemples présentés dans le tableau Tableau 4.2 ne constituent en aucun cas une liste exhaustive des méthodes pédagogiques pouvant contribuer au développement des compétences en créativité et en esprit critique, mais reflètent simplement nombre de celles couramment mentionnées dans les plans de cours élaborés durant le projet. Une liste plus complète des méthodes d’enseignement et d’apprentissage au service du développement de la pensée créative est proposée par Lucas et Spencer (2017 [24] ).
Notons que d’après l’expérience du projet, il semble préférable que les enseignants intègrent progressivement ce type de techniques et d’autres similaires, de manière ponctuelle et par petites étapes, plutôt que dans l’optique de se distancier radicalement des pratiques établies. L’un des principaux avantages d’une transition progressive vers l’adoption de pratiques innovantes pour le développement de la créativité et de l’esprit critique des élèves est de fournir un support aux enseignants pour modifier graduellement leurs habitudes professionnelles, à mesure qu’ils se familiarisent avec l’incertitude inhérente aux tâches plus flexibles. Même de brèves expositions à ces pratiques peuvent aider les enseignants à observer comment les élèves réagissent à des tâches plus complexes et ouvertes, et s’ils sont capables de collaborer efficacement avec leurs pairs. Sur la base de ces observations, les enseignants peuvent prévoir des stratégies d’aide aux élèves, comme poser des questions supplémentaires pour orienter le processus de recherche, ou créer des conditions propices permettant aux élèves de partager et de développer des idées non conventionnelles dans le cadre de leur travail.
Tableau 4.2. Exemples de techniques pédagogiques favorisant certains aspects des compétences en créativité et en esprit critique
Technique |
Consignes pour les élèves |
---|---|
Brainstorming |
On a besoin de vos idées sur ce sujet/cette question (X) ! Il faudra évoquer un tas d’idées avant de s’accorder sur quelques-unes. Alors pour le moment, plus on en aura, mieux ce sera ! Il n’y a pas de mauvaises idées : toutes peuvent potentiellement devenir la prochaine solution/invention/production du siècle. Il est interdit de critiquer les idées des autres. Chaque élève doit prendre la parole au moins une fois. On organisera ensuite un « second tour » de brainstorming sur le même sujet (le jour suivant). Sélectionnez des idées à travailler. Toutes les idées sont inscrites sur un tableau. |
Liens |
Imaginez les liens entre cet objet/concept et trois autres qui vous viennent à l’esprit [liens indépendants]. Déterminez comment cet objet/concept est lié à un ensemble de trois autres (liens réseau). Trouvez différents moyens de relier ces dix objets aléatoires. |
Déterminer les conditions d’échec |
Quelles propositions alternatives ne permettraient pas d’atteindre le résultat visé ? Qu’est-ce qui pourrait ne pas fonctionner si l’on suivait ces idées alternatives ? Que pourrait-on faire pour avoir de meilleures chances de réussite la prochaine fois ? |
Définir le problème/la question |
Comment décririez-vous le problème ? Décrivez les « besoins » ou intérêts qui font de cette situation un problème. En quoi consiste le problème/dilemme central ? Est-il possible de décomposer le problème en plus petits sous-problèmes/questions ? Identifiez les composantes principales et secondaires du problème/de la question. |
Identifier les contraintes |
Quelles contraintes faut-il respecter lorsqu’on cherche une solution au problème/à la question ? En quoi ces facteurs limitent-ils notre capacité à résoudre le problème ? Dans quelle mesure le résultat serait-il différent si ces contraintes n’existaient pas ? |
IMPROVE |
Identifiez le type de problème et établissez des liens avec vos connaissances antérieures : dans quelle mesure le problème est-il semblable ou différent d’autres problèmes que vous avez déjà résolus par le passé ? Quelles stratégies peut-on utiliser pour résoudre le problème ? Le problème peut-il être résolu différemment ? |
Lister les impossibilités |
Quelles solutions ou propositions d’idées sont totalement hors du champ des possibles ? (comme opportunité de remettre en question les hypothèses). |
Décrire les hypothèses alternatives |
Quelles sont toutes les explications possibles à ce problème/cette question ? |
Méthode PATENT |
Problème : En quoi consiste le problème ? Argument : Quel est votre principal argument ? Travail de raisonnement : Comment pouvez-vous justifier ce que vous affirmez ? Expérimentation : Comment pouvez-vous prouver que vos propositions fonctionnent ? Exigences nécessaires et souhaitables : La solution/production satisfait-elle les exigences nécessaires ? La solution/production satisfait-elle les exigences souhaitables ? Expliquez votre raisonnement. Tout à fait, mais... : Quelles sont les réserves/exceptions/objections potentielles à votre solution/argument/production ? |
Avantages et inconvénients |
Quels sont les avantages ou les inconvénients de la solution/l’idée proposée ? Une fois la solution/l’idée proposée, qu’en résulte-t-il ? Quelles sont les retombées négatives et positives de la solution ? |
Justification des solutions |
Qu’est-ce qui justifie la solution proposée ? Pourrait-on proposer/justifier la solution autrement ? |
Rétro-ingénierie |
Racontez une histoire bien connue à l’envers : commencez par la fin et remontez chaque étape jusqu’au début. Soulignez les moments où l’histoire aurait pu prendre d’autres directions. |
Jeu de rôle |
Mettez-vous à la place du personnage/de la personne X1, et dites ou faites ce que vous pensez qu’il ou elle ressentirez/penserait/ferait dans la situation Y/comment il ou elle répondrait à la question Y/quelle solution il ou elle proposerait au problème Y. (À combiner avec une rotation des rôles et une réflexion.) |
Méthode SWOT |
Notez vos premières réactions face à ce sujet/cette idée/cet argument (X). Prenez désormais le temps d’examiner ses forces (Strengths en anglais), faiblesses (Weaknesses), opportunités (Opportunities) et menaces (Threats) : Quels sont ses principaux avantages ? Présente-t-il/elle des points faibles ? Si cette idée/solution/argument était correcte, à quelle prochaine étape pourrait-il/elle nous mener ? Quels seraient les risques ou problèmes qui en découleraient ? Qu’en est-il par rapport à vos réactions préalables ? Vos idées précédentes sont-elles remises en question ? |
Tester et évaluer des hypothèses |
Maintenant qu’une solution est proposée, comment pouvez-vous démontrer qu’elle aboutirait au résultat escompté ? Comment simuler ce résultat ? Pouvez-vous concevoir une expérience pour tester votre hypothèse ? De quel type de preuve aurions-nous besoin pour vérifier la validité de l’hypothèse ? |
Utiliser et proposer des métaphores |
Pensez à d’autres situations/relations similaires/analogues à celle observée. Établissez un lien entre ce problème/cette question et un problème/une question similaire d’un autre sujet/discipline. |
Prendre le temps |
Faites une pause et laissez-vous plusieurs minutes de réflexion avant de répondre afin de parvenir à des réponses plus intuitives/approfondies. |
Pour que tout ceci puisse se réaliser, la connaissance et la confiance des enseignants dans ces techniques pédagogiques restent essentielles. L’offre d’activités de développement professionnel axées sur ces approches pédagogiques peut jouer un rôle déterminant à cet égard, d’autant plus quand l’on sait que le développement de la créativité et de l’esprit critique figure rarement dans les programmes de formation initiale des enseignants. De même, les chefs d’établissement ont un rôle important à jouer. Une culture d’établissement ouverte à l’innovation peut donner aux enseignants une plus grande liberté pour expérimenter des structures de cours non conventionnelles, collaborer avec leurs collègues pour concevoir des activités interdisciplinaires et proposer des expériences pédagogiques sur la durée. À l’inverse, les enseignants travaillant dans un environnement peu favorable à l’innovation pédagogique auront en général moins d’incitations et de soutien pour essayer un plus large éventail de techniques pédagogiques.
Tâches favorisant la créativité et l’esprit critique
L’un des principaux obstacles au développement de la créativité dans différentes matières scolaires est l’idée qu’elle ne pourrait s’exprimer qu’à travers les disciplines artistiques. Une pratique courante consiste en effet à introduire des contenus et des tâches en rapport avec les arts pour rendre les activités d’autres disciplines telles que les sciences ou les mathématiques plus « créatives ». Si cette approche présente certainement des avantages et peut contribuer à l’implication des élèves et même à leur créativité artistique, elle n’encourage néanmoins pas de manière délibérée la créativité spécifique à la matière enseignée et ne peut être envisagée comme la seule stratégie utilisée pour développer la créativité et l’esprit critique dans les différentes matières du programme. À l’inverse, l’esprit critique est trop souvent associé aux disciplines axées sur la logique (mathématiques ou philosophie) ou aux sciences. Les enseignants peuvent donc ne pas utiliser le potentiel des disciplines non scientifiques pour développer l’esprit critique chez leurs élèves (Claxton, 1999 [25] ).
Les plans de cours élaborés durant le projet montrent que, si les tâches développant les compétences en créativité et en esprit critique ont bel et bien des caractéristiques générales communes, certains problèmes spécifiques à chaque discipline peuvent aussi encourager la pratique de ces compétences. D’un côté, les tâches créant des possibilités de s’engager dans des processus de créativité et d’esprit critique se caractérisent en général par leur ouverture : presque invariablement, elles sont stimulantes, complexes et à réponse ouverte. De l’autre, ces tâches doivent développer des compétences techniques propres aux matières et être solidement ancrées dans le contenu de la matière enseignée ou des thématiques transversales. Sur la base des plans de cours du projet, le tableau Tableau 4.3 présente des exemples de problèmes et de questions susceptibles de stimuler la réflexion et l’imagination des élèves dans le cadre de matières spécifiques.
Dans les unités de sciences, les questions servant de fil conducteur concernaient souvent l’explication de phénomènes physiques observés ou expérimentés, ou des enjeux environnementaux pour lesquels il n’existe pas encore de solution faisant consensus. L’explication de phénomènes physiques est typiquement une tâche de science requérant des compétences scientifiques créatives, comme choisir la méthode expérimentale adéquate, identifier les tendances pertinentes ressortant des données et les interpréter. De cette manière, en demandant par exemple aux élèves de déterminer les causes de la gravité ou de l’évaporation, on peut les amener à s’engager dans l’exploration auto-dirigée de concepts scientifiques. L’étude de questions socio-scientifiques permet aussi d’envisager les problèmes scientifiques sous différents angles et de prendre en compte les théories et hypothèses alternatives.
En mathématiques, la littérature met en évidence l’utilisation de problèmes qui ont des solutions multiples ou qui demandent explicitement aux élèves de parvenir à la seule solution correcte par le biais de différents cheminements (Levav-Waynberg et Leikin, 2012 [26] ). L’expression mathématique créative peut aussi être renforcée par des tâches ouvertes fondées sur des opportunités bien structurées de dialogue en classe signalant aux élèves que les idées non conventionnelles peuvent être prises au sérieux (Schoevers et al., 2019 [27] ). Les plans de cours de mathématiques élaborés dans le cadre du projet mettent au jour différentes stratégies pour développer le raisonnement autonome des élèves et leur créativité. Il peut par exemple s’agir d’une tâche demandant aux élèves de trouver le plus grand nombre de manières possibles de calculer le périmètre d’une figure géométrique. Les problèmes « mal structurés » constituent un autre type de tâche utilisé dans les activités collectées pour développer la capacité d’action des élèves en mathématiques. Ce type de problème suppose une définition relativement floue ou incomplète de l’espace du problème (état initial, objectif et contraintes), de manière à ce que les élèves puissent non seulement choisir les méthodes qu’ils utilisent pour sa résolution, mais aussi la question précise à laquelle ils tentent de répondre. Il pourra par exemple s’agir de proposer une destination de voyage scolaire, et de planifier des itinéraires et des modalités de voyage en respectant un budget déterminé.
Tableau 4.3. Exemples de tâches favorisant les compétences en créativité et en esprit critique, par discipline
Type de tâche |
Question ou problème servant de fil conducteur |
Mission des élèves |
---|---|---|
Activités de sciences |
||
Expliquer un phénomène physique |
Pourquoi a-t-on plus froid quand on est mouillé que quand on est sec lorsqu’on est assis au bord de la piscine ? |
Les élèves répondent à une question scientifique en appliquant une méthode scientifique (par exemple, expériences, analyse de données). |
Résoudre un problème environnemental |
Comment réduire la pollution atmosphérique ? |
Les élèves identifient les causes d’un problème et proposent une solution. Peut nécessiter de prendre en compte des conditions de réussite dépassant la sphère scientifique (par exemple, les contraintes socio-économiques). |
Conception d’une production |
Comment construire une structure résistante aux tornades ? |
Les élèves doivent concevoir une production respectant certaines contraintes. |
Remettre en question une théorie |
Peut-on imaginer une manière alternative de classer les êtres vivants ? |
Les élèves remettent en question une théorie ou un système scientifique en les comparant à des théories ou systèmes concurrents. |
Imaginer des scénarios scientifiques hypothétiques |
À quoi ressemblerait le monde si la théorie de la tectonique des plaques ne s’appliquait pas ? |
Les élèves s’engagent dans un raisonnement hypothétique afin d’imaginer quelles seraient les implications de la modification de certaines conditions, par exemple si une théorie scientifique ne s’appliquait pas. |
Activités de mathématiques |
||
Problème mathématique mal structuré |
Trouver une destination pour le voyage scolaire de cette année. |
Les élèves résolvent un problème authentique reproduisant des situations de la vie réelle. Le problème laisse une marge d’interprétation et les données fournies ne sont pas concluantes de manière à amener les élèves à définir l’espace du problème, prendre en compte différentes alternatives et justifier leurs choix. |
Tâches à solutions multiples |
Trouver au moins trois façons de calculer le périmètre et l’aire d’une figure. |
Les tâches à solutions multiples n’ont qu’une seule réponse, mais différentes méthodes peuvent être utilisées pour y parvenir. |
Activités d’arts visuels |
||
Fusionner différentes formes artistiques |
Réaliser un graffiti contemporain en s’inspirant de l’art rupestre. |
Les élèves décomposent les différents éléments des formes artistiques (par exemple, technique, thèmes) et produisent une œuvre personnelle combinant les éléments de différentes formes artistiques. |
Remettre en question des théories artistiques |
Le graffiti est-il une forme artistique légitime ? Peut-on considérer les objets fonctionnels comme des œuvres d’art ? |
Les élèves examinent ce qu’il en est des définitions traditionnelles de l’art face aux œuvres non conventionnelles. |
Exprimer une expérience émotionnelle ou esthétique |
Choisir des objets qui vous représentent et les assembler pour former un visage ou une silhouette. |
Les élèves produisent une représentation visuelle de leur monde intérieur. |
Activités interdisciplinaires |
||
Synergies entre disciplines artistiques |
Imaginer ce que donnerait un poème classique ou un autre texte littéraire en version rap. |
Les élèves analysent une œuvre d’art à travers le prisme d’une autre discipline artistique (par exemple, une peinture à travers le prisme de la littérature, un morceau de musique à travers celui des arts visuels). |
Synergies entre sciences et arts |
Produire un imprimé humoristique de t-shirt sur le thème de la structure des cellules. |
Les élèves utilisent des concepts scientifiques au travers de techniques artistiques (par exemple, métaphores, poésie, imagerie et visualisation). |
Problème de conception faisant appel à l’art et à la technologie |
Concevoir un accessoire de mode pouvant servir d’éclairage de vélo. |
Les élèves conçoivent une production devant satisfaire des contraintes à la fois fonctionnelles et esthétiques. |
Parmi les plans de cours d’arts visuels, un exemple de stratégie de premier plan consistait à demander aux élèves d’analyser et de comparer différents styles artistiques, avant de produire eux-mêmes une nouvelle œuvre combinant différents éléments de deux styles, voire davantage. Les élèves pouvaient par exemple être encouragés à réaliser un graffiti contemporain en s’inspirant de l’art rupestre. Les activités interdisciplinaires constituent quant à elles un cas particulier : elles permettent aux élèves de s’engager dans des tâches au-delà des limites traditionnelles. Parmi les exemples tirés de la collecte de plans de cours, il pouvait par exemple s’agir d’inviter les élèves à interpréter une œuvre d’art à travers le prisme d’une autre discipline artistique, ou à concevoir une production devant satisfaire des contraintes à la fois fonctionnelles et esthétiques correspondant à deux domaines distincts.
Un enseignement important ressort du projet : l’une des conditions clés de la réussite de la mise en œuvre des activités qui développent la créativité et l’esprit critique consiste à instaurer un environnement bienveillant et rassurant, dans lequel les élèves se sentiront disposés à prendre le risque de partager leurs idées personnelles (Beghetto, 2009 [28] ). Cet environnement présuppose différentes attitudes et convictions de la part des enseignants, notamment une attitude positive à l’égard des erreurs et la croyance en la malléabilité des compétences et connaissances des élèves. Il requiert en outre un certain degré de discernement et la capacité à mener des dialogues et discussions de qualité avec les élèves et la classe. Cette approche aide les élèves à adopter un état d’esprit de développement, selon lequel l’intelligence, les capacités et les résultats ne sont pas figés, mais susceptibles d’être améliorés par le biais de l’éducation (Dweck, 2006 [29] ). Les élèves préférant un état d’esprit de développement à un état d’esprit fixe seront plus persévérants, ce qui peut contribuer à la réussite du processus créatif.
Une pratique dans ce sens consiste à se servir des erreurs ou des échecs pour amorcer une réflexion, et donc comme autant d’opportunités d’apprentissage, en aidant ainsi les élèves à voir dans leurs méprises une chance de s’améliorer, et non un raté. À titre d’exemple, le programme d’introduction destiné aux enseignants de l’équipe néerlandaise abordait une pratique consistant à présenter « la plus belle erreur » rencontrée lors de la résolution d’un problème de mathématiques, et dont toute la classe pourrait tirer un enseignement. Le calcul par estimation peut se prêter à ce type d’approche : il ne repose pas sur des procédures précises, n’aboutit pas à des réponses claires et semble souvent ardu aux élèves ayant des difficultés en algèbre. L’explication de la manière d’améliorer les hypothèses erronées représente une opportunité d’apprentissage. Un autre exemple issu de cette équipe consistait à choisir une question que l’enseignante elle-même ne parvenait pas à résoudre, afin de montrer ainsi clairement aux élèves que le processus de réflexion sous-tendant tout problème mathématique peut compter autant que sa réponse. D’autres plans de cours tentaient de favoriser un environnement sans risque grâce à la mise en œuvre de techniques de pleine conscience aidant les élèves à prendre davantage conscience de leur image d’eux-mêmes, de leurs émotions et de leurs objectifs. Ce type d’approche peut aider les apprenants à valoriser davantage leur propre point de vue sur les questions et problèmes rencontrés dans le cadre de leur travail scolaire, et les préparer ainsi à oser proposer et partager des idées nouvelles et inattendues.
Exemples de plans de cours, par matière
Les plans de cours présentés ci-après illustrent de manière plus détaillée la façon dont les quatre grandes sous-dimensions des référentiels de compétences de l’OCDE sur la créativité et l’esprit critique – à savoir, chercher, imaginer, faire et réfléchir – peuvent être transposées dans des plans de cours qui sont en phase avec le contenu de matières spécifiques. Chaque exemple comporte une brève description d’une proposition de séquence d’enseignement, ainsi qu’un examen de la façon dont l’unité développe la créativité et l’esprit critique chez les élèves, tout en enseignant le contenu des matières en question. Les tableaux présentés en complément de l’analyse montrent comment les dimensions de la créativité et de l’esprit critique des référentiels peuvent s’appliquer à ces activités spécifiques.
Plan de cours de sciences : Refroidissement par évaporation
Le plan de cours Refroidissement par évaporation est une activité de sciences destinée à l’enseignement secondaire ; il illustre l’enseignement des sciences par la recherche. Cette activité montre comment la créativité et l’esprit critique scientifiques peuvent être cultivées tout en acquérant des connaissances théoriques et procédurales sur les notions scientifiques de forces intermoléculaires et de transferts d’énergie durant les changements d’état de la matière. Le plan de cours débute par une question qui servira de point d’ancrage dans l’expérience et le contexte immédiat des élèves : pourquoi a-t-on plus froid quand on est mouillé que quand on est sec lorsqu’on est assis au bord de la piscine ? Il est ensuite demandé aux élèves de trouver une explication à cette sensation dont tous ont déjà pu faire l’expérience. Tout au long de l’activité, les élèves travaillent les concepts et termes scientifiques requis pour décrire, comprendre et expliquer le phénomène d’évaporation et de changement de température.
Ce plan de cours illustre les activités adoptant une approche d’apprentissage par la recherche en sciences ; les élèves s’y voient confier le rôle de scientifiques effectuant des observations, cherchant des explications aux phénomènes naturels observés, élaborant et modifiant des modèles, et justifiant leur raisonnement dans le respect des méthodes scientifiques. Ce type d’approche encourage les élèves à prendre en main leur propre apprentissage et cultive l’ensemble des quatre dimensions de la version des référentiels du projet dédiée aux sciences, comme le montre le tableau Tableau 4.4.
Tableau 4.4. Créativité et esprit critique dans le plan de cours de sciences Refroidissement par évaporation
Chercher |
Imaginer |
Faire |
Réfléchir |
|
---|---|---|---|---|
Créativité en sciences : descripteurs du référentiel |
Établir des liens avec d’autres concepts scientifiques ou idées conceptuelles tirées d’autres disciplines. |
Élaborer et utiliser des idées originales et innovantes pour aborder et résoudre un problème scientifique. |
Formuler un problème scientifique et chercher à le résoudre d’une manière personnelle et novatrice. |
Réfléchir aux différentes étapes pour formuler et résoudre un problème scientifique. |
Esprit critique en sciences : descripteurs du référentiel |
Identifier et remettre en question des hypothèses et des idées généralement admises sur l’explication ou l’approche scientifique d’un problème. |
Examiner un problème scientifique sous différents angles. |
Expliquer les points forts et les limites d’une solution scientifique en s’appuyant sur des critères logiques et éventuellement d’autres critères (pratiques, éthiques, etc.). |
Réfléchir à l’approche scientifique ou à la solution à adopter en fonction des différentes alternatives possibles. |
Exemples de mise en œuvre tirés du plan de cours |
Établissement de liens entre d’une part, la sensation d’être mouillé et d’avoir froid, et d’autre part, des concepts scientifiques. Identification et remise en question de différentes façons d’observer et de mesurer l’évaporation et les changements de température. |
Élaboration d’un premier modèle afin d’expliquer la sensation de froid quand on est mouillé sur la base de connaissances antérieures et d’autres explications possibles. Formulation d’hypothèses et exploration de différentes théories pour expliquer les tendances ressortant des données. Examen de modèles et hypothèses, et identification de différentes façons d’expliquer le phénomène. |
Proposition de modèles explicatifs du refroidissement par évaporation (des représentations initiales aux modèles informatiques). Explication des points forts, mais aussi des limites des propositions d’explication de l’évaporation. Reconnaissance des biais éventuels, de l’incertitude concernant les paramètres du modèle ou des limites de l’explication. |
Évaluation des différents modèles par les pairs, sur la base de la grille de référence, suivie de la révision finale de chaque modèle proposé. Présentation des modèles révisés à la classe et réflexion finale. Évaluation de l’unité en fin d’activité afin de réfléchir aux apprentissages réalisés. |
Source : Tableau fondé sur le plan de cours élaboré par les experts de la Michigan State University (États-Unis) pour le référentiel OCDE-CERI d’activités pédagogiques en faveur du développement de la créativité et de l’esprit critique.
Cette activité illustre aussi comment les élèves peuvent élaborer, de manière itérative, des productions visibles servant de base solide à l’évaluation des processus de travail, comme suggéré dans les critères d’élaboration des cours. Dans le cadre du plan de cours, les élèves élaborent plusieurs explications des processus d’évaporation. Ils commencent par mettre au point un modèle simplifié du phénomène à partir de leur intuition et de leurs connaissances antérieures. Après une série d’expériences destinées à tester le taux d’évaporation de différents liquides et la corrélation avec le changement de température, les élèves élaborent un modèle plus complexe intégrant de nouveaux concepts ainsi que les relations qui les lient (comme la corrélation positive entre changement de température et taux d’évaporation). En dernier lieu, les élèves sont invités à produire un modèle informatique qu’ils pourront tester à l’aide d’un logiciel de simulation. Les observations réalisées au cours de cette simulation permettent aux élèves d’affiner davantage leur modèle initial. Cette approche itérative développe non seulement les connaissances des élèves, mais leur enseigne également que grâce à la réflexion et à la révision de leurs travaux, ils peuvent passer d’une compréhension élémentaire à une compréhension plus approfondie d’un phénomène physique.
Plan de cours de mathématiques : Un monde aux ressources limitées
Le plan de cours Un monde aux ressources limitées est une activité de mathématiques destinée à l’enseignement primaire. Elle invite les élèves à appliquer un raisonnement mathématique pour résoudre les problèmes rencontrés quand il faut procéder au partage équitable et exact d’une quantité limitée de ressources. Cette activité se divise en deux parties se fondant chacune sur un scénario fictif. Dans un premier temps, les élèves travaillent en petits groupes pour examiner la façon dont une généreuse donation financière à leur établissement pourrait être partagée équitablement au sein de la communauté scolaire. Cette tâche implique l’examen de différents critères pour une répartition équitable et l’utilisation d’opérations et d’outils mathématiques tels que la division, les fractions et les pourcentages. Dans le second scénario, l’enseignant demande aux élèves de diviser la cour de récréation entre différents groupes d’âge à l’aide de ratios et de leurs compétences en résolution de problèmes. Outre le raisonnement mathématique, cette seconde étape demande aux élèves de trouver comment mesurer et diviser la superficie de la cour de récréation à partir d’un effectif d’élèves et de sa répartition par groupes d’âge.
L’ensemble des dimensions de la créativité et de l’esprit critique mises en avant dans le référentiel de mathématiques adaptée à un usage en classe sont favorisées durant cette activité, comme l’illustre le tableau Tableau 4.5. Les élèves développent leur créativité en cherchant à trouver des solutions à un problème concret lié à leur environnement immédiat, et exercent leur esprit critique en envisageant les avantages relatifs de solutions alternatives, dans la mesure où le problème n’a pas qu’une solution correcte. Enfin, cette activité permet le développement des connaissances mathématiques des élèves, dans la mesure où elle leur demande d’apprendre et d’appliquer tout un éventail de méthodes de mesure et de calcul.
Tableau 4.5. Créativité et esprit critique dans le plan de cours de mathématiques Un monde aux ressources limitées
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Créativité en mathématiques : descripteurs du référentiel |
Établir des liens avec d’autres concepts mathématiques ou idées tirées d’autres disciplines. |
Élaborer et utiliser plusieurs approches pour formuler ou résoudre un problème mathématique. |
Formuler un problème mathématique et imaginer comment le résoudre judicieusement d’une manière personnelle et novatrice. |
Réfléchir aux différentes étapes pour formuler et résoudre un problème mathématique. |
Esprit critique en mathématiques : descripteurs du référentiel |
Identifier et remettre en question des hypothèses et des procédés généralement admis pour formuler ou résoudre un problème mathématique. |
Examiner un problème mathématique sous différents angles. |
Expliquer les avantages et les inconvénients des différentes façons de formuler ou de résoudre un problème mathématique en s’appuyant sur des critères logiques et éventuellement d’autres critères. |
Réfléchir à l’approche mathématique et la solution à adopter en fonction des différentes alternatives possibles. |
Exemples de mise en œuvre tirés du plan de cours |
Sensibilisation à l’utilisation de la division et des fractions pour le traitement des problèmes de justesse et d’équité de la répartition de ressources limitées. Exploration de différentes idées et approches pour la définition d’une répartition équitable. |
Élaboration de plusieurs idées pour résoudre le problème de répartition et comprendre ses implications en langage mathématique. Examen de différentes approches mathématiques pour la répartition des ressources (ratios, nombres absolus et décimaux, pourcentages, etc.) et sélection des plus appropriées pour la résolution de différents problèmes. |
Proposition d’une solution pour une répartition équitable des ressources combinant des critères d’exactitude mathématique et d’équité. Présentation et évaluation des différentes solutions afin de mettre au jour la pluralité des critères et modalités de partage de ressources limitées. |
Discussion finale durant laquelle l’enseignant invite les élèves à réfléchir à ce qu’ils ont appris et à la façon dont ils ont utilisé leur pensée créative et critique pour élaborer leur solution. |
Source : Tableau fondé sur le plan de cours élaboré par les experts de Creativity, Culture and Education et Hidden Giants (Royaume-Uni) pour le référentiel OCDE-CERI d’activités pédagogiques en faveur du développement de la créativité et de l’esprit critique.
Plan de cours d’arts visuels : Graffiti : Perceptions et liens historiques
Le plan de cours Graffiti : Perceptions et liens historiques encourage les élèves du secondaire à explorer et expérimenter l’art du graffiti, sous un angle à la fois socio-culturel et artistique. Les élèves sont tout d’abord invités à explorer différentes attitudes envers cette forme d’art et à développer et exprimer leur propre point de vue. Ils sont ensuite encouragés à analyser les liens entre l’art du graffiti et d’autres formes artistiques, comme l’art rupestre. Cette analyse aboutit à la production, par les élèves, d’une œuvre combinant les caractéristiques de ces deux formes artistiques. Ils ont le choix entre la réalisation d’un graffiti à l’aide des techniques de l’art rupestre, ou d’une œuvre d’art rupestre à l’aide des techniques du graffiti.
Le plan de cours implique donc la production d’une œuvre personnelle et novatrice, et une réflexion sur divers jugements de valeur et convictions à l’égard de différentes formes artistiques. Ce faisant, cette activité fait découvrir aux élèves des contenus d’histoire de l’art et les encourage à explorer et utiliser différentes techniques d’art visuel. Le tableau Tableau 4.6 illustre la façon dont le plan de cours aide les élèves à développer les quatre dimensions de la créativité et de l’esprit critique formalisées dans le référentiel dédié aux arts visuels.
Tableau 4.6. Créativité et esprit critique dans le plan de cours d’arts visuels Graffiti : Perceptions et liens historiques
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Créativité en arts visuels : descripteurs du référentiel |
Établir des liens avec d’autres concepts et aspects des arts visuels ou avec des idées conceptuelles d’autres disciplines. |
Utiliser des idées innovantes et originales sur les arts visuels lors de l’élaboration ou de la création d’une œuvre d’art visuel. |
Créer une œuvre d’art visuel présentant des qualités expressives ou de nouvelles manières pour chacun d’aborder le sujet traité. |
Réfléchir aux étapes suivies pour créer une œuvre d’art visuel et à son originalité par rapport aux conventions. |
Esprit critique en arts visuels : descripteurs du référentiel |
Identifier et remettre en question des hypothèses et les règles conventionnelles d’une œuvre d’art visuel (contenu, style, technique, couleur, composition, etc.). |
Examiner le contenu, la technique ou l’expression d’une œuvre d’art visuel sous différents angles. |
Étayer les forces et les faiblesses d’une œuvre d’art visuel par des critères esthétiques, logiques ou autres. |
Réfléchir aux choix expressifs adoptés pour une œuvre d’art visuel en fonction des différentes alternatives possibles. |
Exemples de mise en œuvre tirés du plan de cours |
Établissement de liens (par exemple, entre des formes anciennes et nouvelles d’art/de graffiti). Exploration des caractéristiques techniques et du contexte socio-culturel de l’art du graffiti et de l’art rupestre (par exemple, couleurs, matériaux, formes, textes, imagerie, objectifs, motivation, contexte). |
Conception d’une production artistique en faisant appel aux techniques et matériaux utilisés dans l’art du graffiti et l’art rupestre. Réflexion sur la façon de combiner ces différents éléments dans une œuvre d’art unique. Interprétation d’œuvres de différents mouvements artistiques (anciens et nouveaux) et comparaison de ces dernières sous différents angles : esthétique, technique, socio-culturel, figuratif. |
Production d’un graffiti contemporain à partir d’une œuvre d’art rupestre, ou d’une œuvre d’art rupestre à partir d’un graffiti contemporain. Identification des forces et faiblesses de ses propres points de vue et de ceux des autres sur l’art du graffiti (sur des fondements esthétiques ou socio-culturels). |
Présentation d’une première esquisse du graffiti ou de la peinture rupestre envisagés, et modification de celle-ci en fonction des commentaires reçus. Justification par l’élève du point de vue qu’il adopte sur l’art du graffiti, tout en admettant l’incertitude qui le caractérise. |
Source : Tableau fondé sur le plan de cours élaboré par les enseignants gallois pour le référentiel OCDE-CERI d’activités pédagogiques en faveur du développement de la créativité et de l’esprit critique.
Plan de cours de musique : Poésie musicale
Poésie musicale est une activité musicale destinée aux élèves du primaire. Elle débute par une présentation par l’enseignant des concepts de rythme et de tempo, à l’aide d’exemples et de définitions, suivie d’une discussion avec l’ensemble de la classe. Dans un deuxième temps, les élèves travaillent sur un poème choisi au préalable par l’enseignant pour ses nuances et son potentiel rythmique. Ils imaginent le type d’accompagnement sonore qui pourrait convenir au poème, en envisageant différents timbres et effets sonores, ainsi que le rythme et le tempo. Durant ce processus, l’enseignant encadre une discussion entre les élèves sur les atouts que différents effets sonores et tempos pourraient apporter au poème. Les élèves composent ensuite un accompagnement sonore pour le poème et jouent leur composition devant le reste de la classe. Après chaque passage, tous les élèves remplissent une fiche d’écoute sur ce qu’ils viennent d’entendre et discutent des différents choix faits par leurs pairs afin d’identifier les éléments qu’ils ont appréciés et ceux qui pourraient être améliorés en faisant d’autres choix musicaux.
Comme l’illustre le tableau Tableau 4.7, les différentes dimensions de la créativité et de l’esprit critique mises en avant dans la version dédiée à la musique des référentiels de compétences sont favorisées durant l’activité Poésie musicale. Les élèves peuvent exercer leur créativité musicale sur le plan de la composition et de l’interprétation en expérimentant tout un éventail de timbres et de rythmes, et en les reliant à la littérature et à la poésie. Ils sont en outre invités à exercer leur sens critique pour écouter les compositions des autres élèves et évaluer les qualités expressives de différents rythmes et effets sonores.
Tableau 4.7. Créativité et esprit critique dans le plan de cours de musique Poésie musicale
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Créativité en musique : descripteurs du référentiel |
Établir des liens avec d’autres concepts de style musical ou idées conceptuelles tirées d’autres disciplines. |
Utiliser des idées originales et innovantes en préparant une performance, en composant, en orchestrant ou en analysant une œuvre musicale. |
Jouer, composer ou analyser de la musique ayant des qualités expressives ou se rapportant à des sujets d’intérêt personnel. |
Réfléchir aux étapes suivies pour créer une performance, une composition ou une analyse d’une œuvre musicale. |
Esprit critique en musique : descripteurs du référentiel |
Identifier et remettre en question des hypothèses et des conventions dans une composition ou analyse musicale. |
Envisager différentes perspectives sur une œuvre, composition, interprétation ou analyse musicale. |
Expliquer les forces et les faiblesses d’une performance, d’une composition ou d’une analyse d’une œuvre musicale. |
Réfléchir à la manière choisie d’effectuer une performance, de composer ou d’analyser une œuvre musicale en fonction des différentes alternatives possibles. |
Exemples de mise en œuvre tirés du plan de cours |
Établissement de liens entre les émotions suscitées par le poème et l’expression musicale. Remise en question et examen des conventions liées aux différentes formes d’expression musicale. |
Expression d’idées sur différents rythmes et timbres, et utilisation de ces idées. Exploration de tout un éventail d’idées sur ce qu’il est possible d’exprimer en modifiant les effets sonores et le rythme. |
Composition et interprétation d’une œuvre musicale pour accompagner le poème. Explication des choix finaux et de leurs liens avec le poème. Examen des forces et limites de différentes formes d’expression musicale. |
Examen, réflexion et évaluation critique de différentes idées et œuvres musicales. Réflexion sur l’originalité des compositions, interprétations et choix effectués par les autres en termes de rythme et de tempo. |
Source : Tableau fondé sur le plan de cours du référentiel OCDE-CERI d’activités pédagogiques en faveur du développement de la créativité et de l’esprit critique.
Activité interdisciplinaire : Ma région : Et qu’en aurait-il été si... ?
Ma région : Et qu’en aurait-il été si... ? est une activité interdisciplinaire destinée à l’enseignement secondaire ; elle invite les élèves à explorer en profondeur différents processus historiques. Son intérêt est immédiat pour les élèves, dans la mesure où elle cible des événements historiques intervenus dans leur région. Les élèves sont répartis en groupes et invités à explorer une période historique passée en effectuant des recherches sur les conditions de vie d’un groupe social spécifique, chaque groupe d’élèves s’attachant à une strate ou une communauté sociale différente. Ils sont ensuite invités à présenter leurs résultats à la classe via un jeu de rôle, par exemple sous la forme d’une vidéo ou d’un bulletin d’informations. Dans un troisième temps, ils identifient un événement historique ayant suscité d’importants changements dans les domaines de l’art, de la science ou de la technologie, et imaginent des scénarios alternatifs dans l’hypothèse où cet événement particulier ne se serait pas produit. L’activité se conclut par un exercice d’anticipation, dans lequel les élèves formulent des propositions pour promouvoir différents changements dans leur région.
Chaque sous-dimension des référentiels de compétences du projet sur la créativité et l’esprit critique est abordée dans cette activité, comme l’illustre le tableau Tableau 4.8. En invitant les élèves à explorer une période historique à travers le prisme d’un groupe social spécifique, cette activité aborde l’histoire comme un processus d’interprétation plutôt que comme une vérité objective, et jette ainsi les bases des interprétations personnelles que seront amenés à faire les élèves de faits historiques. Les élèves mènent leurs recherches sur la période historique sous l’angle du groupe social qu’ils ont choisi. Ils établissent ensuite des liens entre différents domaines, en explorant les chaînes de causalité entre le contexte socio-politique et les évolutions scientifiques et artistiques durant la période historique qu’ils étudient. En demandant aux élèves de réinventer le cours de l’histoire, cette activité les amène à s’engager dans un processus de raisonnement hypothétique, outil précieux pour l’innovation et l’évaluation critique des événements historiques et de la façon dont ils sont interprétés.
Tableau 4.8. Créativité et esprit critique dans le plan de cours interdisciplinaire Ma région : Et qu’en aurait-il été si... ?
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Créativité : descripteurs du référentiel |
Établir des liens avec d’autres concepts et savoirs de la même discipline ou d’autres disciplines. |
Élaborer et utiliser des idées originales et innovantes. |
Produire, exécuter ou concevoir une production significative, personnelle et originale. |
Réfléchir à la nouveauté de la solution et à ses conséquences possibles. |
Esprit critique : descripteurs du référentiel |
Identifier et remettre en question des hypothèses et des idées ou pratiques généralement admises. |
Examiner plusieurs points de vue sur un problème en fonction de différentes suppositions. |
Expliquer les forces et les faiblesses d’une production, d’une solution ou d’une théorie par des critères logiques, éthiques ou esthétiques. |
Réfléchir à la solution/position adoptée en fonction des différentes alternatives possibles. |
Exemples de mise en œuvre tirés du plan de cours |
Établissement de liens entre les événements historiques, d’une part, et les arts ou la technologie, d’autre part. Compréhension du contexte des événements historiques et des caractéristiques actuelles des régions ; analyse et comblement des lacunes de connaissances par la recherche. Exploration d’une période historique, empathie avec les groupes sociaux attribués et identification de certaines caractéristiques distinctives. |
Utilisation de scénarios et du raisonnement hypothétique : proposition de scénarios alternatifs dans l’hypothèse où l’événement historique ne se serait pas produit. Fait d’envisager de nouvelles séquences d’événements historiques à partir d’un point de départ différent. |
Fait d’envisager les conséquences économiques éventuelles dans l’hypothèse où l’événement historique ne se serait pas produit. Création par les élèves d’une performance pour la présentation des résultats de leurs recherches. Reproduction de l’exercice dans une optique prospective en se demandant comment l’avenir se présentera et quels seront les défis à relever. |
Présentation des scénarios alternatifs imaginés, appréciation de leur caractère novateur et réflexion sur les façons de les améliorer. Évaluation par les élèves des scénarios élaborés par leurs pairs à l’aide d’une grille fournie par l’enseignant. Discussion finale sur l’intérêt de l’élaboration de scénarios et du raisonnement hypothétique. |
Source : Tableau fondé sur le référentiel du projet d’activités pédagogiques en faveur du développement de la créativité et de l’esprit critique. Plan de cours élaboré par l’équipe du CERI pour le projet OCDE-CERI.
Changement d’état d’esprit : Le juste équilibre entre structure et ouverture
Un thème important ressort des entretiens et des groupes de discussion avec les enseignants : les meilleurs plans de cours et activités proposés dans le cadre de l’expérience impliquent de s’écarter des conventions et pratiques pédagogiques traditionnelles, en particulier de l’idée selon laquelle l’enseignement devrait amener les élèves à penser suivant un cheminement clair et prédéterminé. De nombreuses activités du projet ont investi les enseignants comme les élèves de nouveaux rôles, non seulement en lien avec les tâches cognitives, mais aussi entre eux. Dans plusieurs cas et équipes, les participants du projet résument cette dynamique ainsi : trouver le juste équilibre entre structure et ouverture.
D’après les témoignages des enseignants, les activités les plus efficaces pour stimuler la créativité et l’esprit critique chez les élèves minimisaient l’influence de l’enseignant et offraient aux élèves des possibilités de résoudre les problèmes en toute autonomie. Parmi les autres caractéristiques pertinentes figuraient les tâches permettant d’aborder des sujets en lien avec les domaines d’intérêt des élèves. L’ouverture était ainsi décrite comme la possibilité d’accepter les différentes directions prises par les élèves dans le cadre d’un projet ou d’une tâche, et donc comme un renoncement partiel au contrôle exercé par les enseignants, comme un espace permettant le développement de la conscience et de la métacognition des apprenants face à leurs choix ou actions.
Les enseignants ont toutefois aussi souligné le constat suivant : plus grande est l’ouverture, plus forte est la nécessité d’expliciter clairement aux élèves les objectifs d’apprentissage et les modalités d’action. Les activités moins directives nécessitent la définition de paramètres bien établis dès le départ, ce qui requiert à son tour une préparation importante et un langage clair de la part des enseignants. En un sens, la structure s’en trouve ainsi plus renforcée que négligée : cette plus grande ouverture s’inscrit dans le cadre d’attentes et d’objectifs bien définis. Les enseignants ont plébiscité les plans de cours solidement ancrés dans les contenus enseignés et liés au programme, et dans lesquels l’enseignant restait responsable de la définition des problèmes et des tâches pour les élèves.
Ces thèmes se retrouvent également dans les recherches en éducation et en psychologie. D’après Davies et al. (2013 [30] ), un niveau élevé de contrôle des apprenants sur leurs apprentissages et leurs activités en classe est caractéristique des environnements créatifs en éducation. Les données semblent indiquer que la créativité est renforcée lorsque les apprenants sont soutenus pour prendre des risques et faire leurs propres choix dans le cadre de structures sûres et flexibles, et lorsqu’ils ont une idée claire des attentes concernant les objectifs de l’activité. Les conditions favorisant la créativité incluent aussi la possibilité de travailler en collaboration et de pratiquer l’évaluation mutuelle et l’auto-évaluation, aspects liés à la dimension métacognitive. De même, le rôle de limites adéquates pour les tâches des élèves fait écho à la reconnaissance, dans la psychologie cognitive, de l’influence positive des contraintes sur la résolution créative de problèmes et l’évaluation des idées (Medeiros, Partlow et Mumford, 2014 [31] ; Medeiros et al., 2018 [32] ).
Les experts travaillant avec l’équipe néerlandaise ont noté que la plupart des activités proposées aux enseignants marquaient une prise de distance par rapport au contrat didactique standard, c’est-à-dire l’ensemble implicite d’obligations réciproques traditionnellement assumées par les enseignants et les apprenants (Brousseau, 2011 [33] ). Dans le cadre d’un contrat de ce type, les attentes habituelles comptent entre autres les suivantes : les problèmes posés aux élèves n’ont qu’une seule solution correcte ; la résolution des problèmes requiert d’utiliser uniquement les informations présentées aux élèves (et dans leur totalité) ; ou les solutions ne sortent pas du cadre des contenus enseignés. Les enseignants de l’équipe néerlandaise ont noté la forte composante conceptuelle de certaines activités du projet, qu’ils ont perçue comme une invitation à clarifier dès le départ les concepts et objectifs d’apprentissage des référentiels auprès des élèves. Les enseignants ont en outre établi un lien entre l’ouverture, d’une part, et les tâches promouvant une stimulation plus importante des élèves et l’élargissement des critères d’évaluation, d’autre part. Le rôle des enseignants dans les activités présentées en exemple se concentre donc sur la définition de limites pour les tâches, limites dans le cadre desquelles les élèves sont ensuite invités à expérimenter et trouver leurs propres solutions.
Dans l’équipe brésilienne, certains enseignants ont décrit les activités du projet comme la recherche d’un équilibre entre le contenu et la possibilité pour les élèves de réfléchir et d’agir de différentes façons. Les coordinateurs d’équipe ont souligné que le référentiel avait principalement été utilisé à des fins d’évaluation formative, et que l’explicitation des objectifs d’apprentissage visés était progressivement devenue un élément clé des plans de développement professionnel des enseignants. Les enseignants ont été encouragés à concevoir des activités permettant l’expression de la réflexion des élèves et leur donnant une définition claire des attentes à leur égard – sous une forme facilement compréhensible pour eux –, ainsi que des possibilités fréquentes d’auto-évaluation. Les enseignants ont perçu un effet positif sur l’autonomie des élèves prenant part à ces activités, et une amélioration de leur raisonnement métacognitif se répercutant souvent dans les autres disciplines.
Dans l’équipe des États-Unis (Vista), les enseignants ont fait part d’un changement de leur approche pédagogique se traduisant par le fait de poser aux élèves davantage de questions ne les orientant pas vers une seule réponse correcte, et de créer des tâches plus ouvertes encourageant différents résultats. Pour certains enseignants, cela s’est accompagné du constat que le contrôle de la majeure partie du résultat permettait certes un enseignement sans risque, mais souvent peu propice à l’appropriation par les élèves de leur apprentissage ou à l’amélioration de leurs compétences de raisonnement. Les enseignants ont indiqué que les élèves étaient heureux de participer à des activités d’apprentissage où ils pouvaient faire entendre leurs idées, au lieu de se contenter de répondre à des questions. Les témoignages des enseignants sont nombreux à décrire le remaniement des plans de cours comme un facteur de responsabilisation pour les élèves.
Dans l’équipe russe, les coordinateurs de projet ont noté que le principal changement suscité par l’expérience était une modification des styles d’enseignement : ceux-ci sont devenus moins directifs et autoritaires qu’à l’accoutumée, amenant les enseignants à s’engager plus souvent dans des discussions avec les élèves. Les coordinateurs ont établi un lien entre cette évolution et les activités pédagogiques testées durant le projet, tout en se demandant si ce type d’attitudes pourrait s’étendre à des cours structurés de manière plus conventionnelle.
Dans l’équipe thaïlandaise, témoignant sur leur rôle dans les activités du projet, les enseignants ont affirmé davantage faciliter les discussions entre élèves et rappeler à la classe le véritable objectif des cours, que guider leur réflexion. De nombreux enseignants ont eu le sentiment qu’une relation plus respectueuse et mature s’était ainsi établie avec les élèves, aspect qui ne faisait pas partie de leur culture pédagogique. Dans le même esprit, un témoignage d’élève décrit les cours habituels comme « uniquement centrés sur le point de vue des enseignants », tandis que « le nouveau format d’activités donne [aux élèves] la possibilité de penser par [eux]-mêmes ».
Dans l’équipe hongroise, les évaluations des enseignants ont souligné l’introduction de nouveaux modes de travail, de discussion, de réflexion et d’évaluation en classe. Les cours les plus fructueux utilisaient l’espace à l’intérieur comme à l’extérieur de la classe de manière flexible, et faisaient pratiquer une activité physique aux enfants, permettant ainsi une amélioration de la concentration. Ils incluaient aussi systématiquement un temps de véritable réflexion, donnant ainsi la possibilité aux enfants de développer, au profit de toute la classe, certains éléments du travail effectué en plus petits groupes, et aux enseignants d’avoir une bonne idée des apprentissages réalisés et des concepts nécessitant d’être consolidés par la suite. Les enseignants et les praticiens de la création intervenant à leurs côtés ont aussi souligné que les cours qu’ils avaient conçus et dispensés ensemble encourageaient les élèves à négocier à la fois au sein des groupes et entre eux afin de résoudre les problèmes de manière collaborative.
Les activités et plans de cours innovants proposés durant l’expérience demandaient aussi aux élèves d’adapter leurs stratégies d’apprentissage. Cette adaptation ne s’est pas faite sans difficultés et a pris du temps. Plusieurs équipes ont fait part d’un certain sentiment de confusion chez les élèves vis-à-vis des tâches ne présentant pas qu’une seule bonne réponse. Ils éprouvaient aussi parfois un sentiment de frustration face à la nécessité de consacrer plus de temps que d’habitude à la planification et à la réflexion. Au fil du temps, toutefois, les témoignages semblent indiquer que les élèves sont devenus plus autonomes dans leur apprentissage et se sont sentis plus à l’aise avec ce type d’activités centrées sur l’apprenant. Une transition progressive vers de nouvelles pratiques pédagogiques, par de petits ajustements de celles existantes, doit donc s’adapter aux courbes d’apprentissage des enseignants comme des élèves. Plusieurs équipes ont encouragé ce type de stratégie de changements progressifs : au lieu de modifier l’intégralité de la structure de leurs plans de cours, les enseignants ont commencé par introduire de légères adaptations, par exemple en prévoyant en fin de cours un temps dédié à la réflexion des élèves sur leur travail. Ces petits changements peuvent ouvrir la voie à de nouvelles pratiques d’enseignement et d’apprentissage permettant aux élèves de s’approprier davantage le processus d’apprentissage, y compris en groupe.
Observations principales
Le cadre conceptuel et les exemples de plans de cours adaptés à l’usage des enseignants élaborés durant le projet ont aidé les enseignants à intégrer la créativité et l’esprit critique dans leur enseignement au quotidien
L’OCDE est parvenue à proposer un cadre pensé pour l’usage des enseignants pour la conception d’expériences d’apprentissage promouvant la créativité et l’esprit critique chez les élèves, aux côtés de connaissances et de compétences générales. Les principaux éléments de ce cadre se composent d’un ensemble de référentiels de compétences et de critères d’élaboration des plans de cours. Que ce soit dans leur version générique ou dans celle spécifique par domaine, ces référentiels de compétences proposent un langage adapté aux enseignants pour décrire les attitudes et processus de réflexion mobilisés par les apprenants lorsqu’ils mettent en œuvre leurs compétences en créativité et en esprit critique. Les référentiels distinguent quatre sous-dimensions sous-tendant les processus de créativité comme d’esprit critique, à savoir chercher, imaginer, faire et réfléchir. Les critères d’élaboration de cours sont destinés à aider les enseignants à adapter leurs plans de cours existants ou à en concevoir de nouveaux, afin d’y intégrer des possibilités pour les élèves d’utiliser leurs compétences en créativité et en esprit critique, tout en travaillant sur les contenus du programme. En venant compléter les concepts du référentiel de compétences, ces critères apportent des orientations pédagogiques supplémentaires afin de permettre aux enseignants de visualiser d’autres éléments des activités de classe faisant intervenir des processus de réflexion et des productions qui mobilisent la créativité et l’esprit critique. Ces critères visent à aligner les plans de cours sur un certain nombre de principes dont la recherche en sciences de l’éducation établit qu’ils sous-tendent un apprentissage efficace, notamment la motivation, l’activation cognitive, l’auto-régulation et les possibilités d’évaluation formative.
Dans ce cadre, les enseignants et les experts des équipes de 11 pays ont élaboré près de 100 plans de cours dans différents domaines, en mettant l’accent sur la créativité et l’esprit critique. Ces unités de travail se veulent une source d’inspiration pour les enseignants du monde entier en donnant plus de visibilité aux types d’approches et de tâches qui font de la créativité et de l’esprit critique des objectifs d’apprentissage compatibles avec l’enseignement des matières générales de l’ensemble du programme. Ces activités proposent tout un ensemble de techniques d’enseignement sans imposer aucune approche pédagogique spécifique, montrant ainsi que l’enseignement de la créativité et de l’esprit critique peut englober un large éventail de méthodes pédagogiques. Toutefois, d’après l’expérience des participants du projet, la réussite de la mise en œuvre des plans de cours repose essentiellement sur la création d’environnements rassurants au sein desquels les élèves se sentent assez en sécurité pour prendre des risques en matière de pensée et d’expression, ce qui, à son tour, présuppose une attitude positive à l’égard des erreurs et, de la part des enseignants, un souci d’autonomisation de l’apprenant.
La créativité et l’esprit critique présentent certes des spécificités d’application selon les domaines, mais peuvent être encouragées dans l’ensemble des disciplines à l’aide du bon type de tâches
Les différentes disciplines offrent différentes possibilités de développer la créativité et l’esprit critique. De fait, les plans de cours élaborés dans le cadre du projet montrent que la créativité et l’esprit critique présentent des différences selon les disciplines, et qu’il existe des tâches spécifiques à chacune d’entre elles pour développer ces compétences. Toutefois, s’il met en évidence la spécificité de la créativité et de l’esprit critique selon les domaines, le matériel élaboré durant le projet montre néanmoins que les tâches visant à pratiquer et démontrer les compétences en créativité et en esprit critique dans le cadre éducatif présentent certaines caractéristiques générales communes. Ces tâches sont stimulantes et de nature délibérément ouverte, encouragent les élèves à explorer différentes solutions dans le respect des paramètres clarifiant les objectifs, tout en demeurant relativement flexibles quant à l’espace conceptuel et aux techniques que les élèves peuvent mobiliser. Les exemples de plans de cours restent ancrés dans des contenus pertinents, tout en posant des problèmes complexes amenant les élèves à élargir leur point de vue pour leur résolution. Point important s’il en est, le fait que ces plans de cours existent pour les quatre principales matières de l’expérience – sciences, mathématiques, arts visuels et musique – montre clairement que la créativité et l’esprit critique ne sont pas l’apanage de certaines disciplines : tout comme les arts n’ont pas l’exclusivité de la créativité, les sciences et les mathématiques ne sont pas les seules matières à pouvoir stimuler l’esprit critique.
Pour la plupart des enseignants et des élèves, l’accent mis sur la créativité et l’esprit critique a nécessité une redéfinition complexe des rôles
Les expériences des équipes des différents pays montrent que l’établissement de la créativité et de l’esprit critique comme objectifs explicites d’apprentissage, ainsi que la mise en œuvre de nouveaux modes d’enseignement et d’évaluation, n’ont pas été sans difficultés pour les enseignants comme pour les élèves.
Les témoignages des enseignants indiquent clairement qu’il leur a fallu, aux fins de cette expérience, s’écarter de pratiques pédagogiques plus traditionnelles et « sans risques », et en particulier de scénarios où ils pouvaient facilement anticiper ou influer sur les processus de réflexion et les productions des élèves. Parallèlement, de nombreux enseignants ont éprouvé des difficultés face à la nécessité de décrire aux élèves de façon claire et précise ces nouvelles attentes, et de planifier les séquences d’enseignement et d’apprentissage en conséquence. Parmi les thèmes récurrents de leurs réflexions, les enseignants notaient que pour développer la créativité et l’esprit critique, du moins comme visé par le cadre du projet, il leur fallait mieux équilibrer leur enseignement entre structure et ouverture. De même, les élèves ont dû adapter leurs stratégies d’apprentissage, et nombre d’entre eux se sont sentis déroutés face à des activités faisant disparaître la certitude caractérisant la résolution des problèmes à solution unique.
D’où l’importance pour les enseignants de connaître et de ne pas craindre d’utiliser certaines méthodes d’enseignement et d’apprentissage ; il s’agit là d’un élément essentiel à la formation d’apprenants capables de penser de façon plus critique et créative. Ce type de méthodes permet aux élèves de se confronter à des problèmes concrets et stimulants, de s’approprier leur apprentissage, de co-concevoir le matériel, d’être ludiques et ouverts d’esprit, de prendre des risques et de réfléchir aux processus sous-tendant leur raisonnement. Du côté des enseignants, les connaissances de contenu restent une autre composante essentielle des compétences professionnelles requises pour proposer un enseignement qui développe la créativité et l’esprit critique. Ainsi, pour pouvoir soumettre à leurs élèves des problèmes susceptibles d’être résolus de différentes façons (par exemple, en utilisant différentes méthodes pour résoudre une équation du second degré ou trouver une racine carrée), les professeurs de mathématiques doivent connaître eux-mêmes l’existence de ces différentes méthodes. Les enseignants s’appuieront sur les connaissances de contenu pour anticiper les réponses des élèves et comprendre celles qu’ils n’avaient pas anticipées. Pour préparer les enseignants au développement de ces compétences, il faudra donc peut-être non seulement les former aux méthodes pédagogiques génériques, mais aussi s’assurer qu’ils disposent de compétences techniques solides dans leur discipline, qui leur permettront d’orienter efficacement l’apprentissage dans les limites prévues par les tâches centrées sur l’apprenant.
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Notes
← 1. Le Cadre d’apprentissage de l’OCDE pour 2030 met en avant ces interactions à travers le concept de compétence, qui implique la mobilisation conjointe de connaissances, capacités, attitudes et valeurs pour répondre à des demandes complexes. Ce cadre met l’accent sur la manière dont ces éléments interagissent et peuvent se développer simultanément, plutôt que concurremment. Il distingue différentes formes de connaissances. Les connaissances propres à chaque matière enseignée demeurent importantes, en tant que matière brute à partir de laquelle des connaissances nouvelles pourront être développées, parallèlement à la capacité de raisonnement interdisciplinaire. Les connaissances épistémologiques, comme, par exemple, savoir penser comme un mathématicien, un historien ou un scientifique, permettent aussi aux élèves de consolider leur connaissance des matières étudiées. Les connaissances procédurales impliquent quant à elles la compréhension de la série d’étapes ou d’actions nécessaires à la réalisation d’un objectif ; certaines sont spécifiques par domaine, tandis que d’autres sont transférables entre domaines. Le cadre postule aussi que, pour appliquer leurs connaissances dans des contextes inconnus et en constante évolution, les élèves ont besoin d’un large éventail de compétences, notamment des compétences cognitives et d’ordre supérieur (pensée créative, esprit critique, apprendre à apprendre, etc.), des compétences sociales et émotionnelles (empathie, efficacité personnelle, collaboration, etc.) et des compétences pratiques et physiques (par exemple, savoir utiliser de nouveaux outils technologiques). L’utilisation de cet éventail plus large de connaissances et de compétences dépend à son tour d’attitudes et de valeurs (motivation, confiance ou respect de la diversité, etc.).
← 2. Voir www.oecd.cericct.org.
← 3. En septembre 2019, sur un total de 106 activités, 63 avaient été conçues par des enseignants et des coordinateurs d’équipe locaux, 36 commandées à des experts, et 7 élaborées par l’équipe et les experts OCDE-CERI.
← 4. Cet examen par les pairs a mobilisé 27 enseignants et chercheurs de 9 pays. En moyenne, chaque plan de cours a été examiné par deux évaluateurs. Une grille d’évaluation a été conçue afin de préciser les critères d’élaboration caractérisant les plans de cours adéquats. Il était demandé aux évaluateurs de noter différents critères sur une échelle de Likert à quatre points. Ils étaient aussi encouragés à faire part de leurs commentaires sur la manière d’améliorer les plans de cours. Les résultats montrent que les évaluateurs ont jugé la plupart des plans de cours de bonne qualité et conformes aux critères de la grille d’évaluation. Sur une échelle de 1 à 4, la note moyenne était de 3.2, 75 % des plans de cours obtenant une note moyenne supérieure à 3. Sur l’ensemble des disciplines et critères d’évaluation, les notes moyennes se situaient toutes dans une fourchette allant de 2.5 à 3.5, les activités de sciences et le critère d’opérationnalité obtenant des notes moyennes inférieures à celles des autres catégories. Les modifications suggérées lors de l’examen par les pairs ont été prises en compte pour la poursuite de l’élaboration des plans de cours.
← 5. Cette classification tient par exemple compte du fait que les plans de cours incluent ou non une composante importante de production demandant aux élèves de prendre des décisions lorsque les orientations fournies par l’enseignant permettent différentes lignes d’action ou de réflexion.