Sur la base des données issues des questionnaires et du retour d’information qualitatif provenant des équipes de 11 pays, le présent chapitre examine les convictions et comportements en matière de créativité et d’esprit critique des enseignants participant au projet OCDE-CERI. Ces enseignants se sentent-ils préparés à développer la créativité et l’esprit critique chez leurs élèves ? Partagent-ils la même vision de la façon dont ces compétences se manifestent en milieu scolaire et se transposent dans le cadre de matières spécifiques ? Ont-ils à leur disposition des méthodes concrètes pour évaluer la créativité et l’esprit critique des élèves ? Dans quelle mesure les programmes de cours et la charge d’enseignement leur permettent-ils d’innover vers la réalisation de ces objectifs ?
Développer la créativité et l’esprit critique des élèves
Chapitre 6. Attitudes et pratiques des enseignants relatives à la créativité et à l’esprit critique
Abstract
Introduction
Les enseignants constituent la clé de la réussite de toute innovation dans le domaine de l’éducation. Pour que la créativité et l’esprit critique soient au cœur de la pratique pédagogique, les enseignants doivent adhérer à ce projet et se l’approprier. Cela explique le rôle essentiel qu’ils ont joué dans les principes d’action du projet OCDE-CERI portant sur l’amélioration et l’évaluation des compétences en créativité et en esprit critique dans l’éducation. Ce projet avait pour objectif de mieux comprendre les actions et convictions des enseignants dans le cadre de l’enseignement qui vise à développer la créativité et de l’esprit critique, et à faire concorder leurs attitudes et leurs pratiques avec celles de la base de données sur les méthodes efficaces pour développer ces compétences en classe.
En s’appuyant sur les données issues des questionnaires et du retour d’information qualitatif provenant des équipes de 11 pays, le présent chapitre examine les questions relatives aux convictions et comportements des enseignants participants. Se sentent-ils préparés à développer la créativité et l’esprit critique chez leurs élèves ? Partagent-ils la même vision de la façon dont ces compétences se manifestent en milieu scolaire et se transposent dans le cadre de matières spécifiques ? Ont-ils à leur disposition des méthodes concrètes pour évaluer la créativité et l’esprit critique des élèves ? Dans quelle mesure les programmes de cours et la charge d’enseignement leur permettent-ils d’innover vers la réalisation de ces objectifs ?
Façonner les attitudes et pratiques des enseignants pour développer les compétences en innovation
Ces dernières années, de nombreux pays ont entrepris une révision des connaissances que doivent acquérir les élèves et qui sont jugées indispensables dans ce XXIe siècle caractérisé par des environnements en perpétuelle évolution (Care, Anderson et Kim, 2016 [1] ). Les établissements d’enseignement sont appelés à préparer les élèves à occuper des emplois qui n’existent pas encore, et à faire face aux défis sociaux et environnementaux que nous ne sommes pas en mesure d’anticiper pleinement aujourd’hui. Les générations futures devront disposer d’un éventail de compétences plus large en vue d’une participation fructueuse à la vie sociale, économique et culturelle. Il existe d’ailleurs un vaste consensus selon lequel la créativité et l’esprit critique font partie des compétences essentielles pour préparer les jeunes à affronter l’avenir.
L’importance de la créativité et de l’esprit critique dans les programmes de cours est certes reconnue mais le principal défi pour les systèmes d’éducation consiste à trouver des façons de promouvoir des environnements d’enseignement et d’apprentissage propices au développement de ces compétences, parallèlement aux compétences techniques et socio-affectives, dans les différentes matières inscrites au programme. Tout d’abord, il est nécessaire de parvenir à une vision commune plus largement partagée quant au sens à donner à la créativité et l’esprit critique en milieu scolaire, à la matérialisation de ces compétences dans les différentes matières enseignées et aux pratiques pédagogiques et d’évaluation permettant de créer un environnement favorable dans lequel les élèves peuvent développer ces compétences et en faire la démonstration. Par exemple, le fait de reconnaître que la pensée créative peut être enseignée et que cela nécessite un certain temps peut motiver les enseignants, d’une part, à accorder à leurs élèves davantage de temps pour mûrir des idées créatives et, d’autre part, à adapter de manière plus délibérée l’enseignement qu’ils proposent et le temps qu’ils y consacrent (Csikszentmihalyi, 1997 [2] ). Dans l’ensemble, les enseignants doivent mieux comprendre la façon d’apprécier la créativité et l’esprit critique, les conditions propices à leur développement et la manière dont ils peuvent aider les élèves à approfondir ces compétences. C’est sur ce socle commun que pourraient reposer un enseignement et un apprentissage plus cohérents des compétences en créativité et en esprit critique dans les systèmes scolaires à l’échelle internationale.
L’enseignement étant une activité à multiples facettes, il peut se présenter sous diverses formes. Le présent chapitre porte davantage sur « l’enseignement pour » la créativité et l’esprit critique comme partie intégrante du contenu des programmes, que sur « l’enseignement relatif à » ces compétences (Jeffrey et Craft, 2004 [3] ). L’enseignement relatif à la créativité ou l’esprit critique fait de ces compétences le sujet enseigné, dans le cadre d’un cours conçu à cette fin par exemple, et n’entre donc pas dans le champ d’application du projet. Toutefois, un enseignement qui vise à développer les compétences des élèves en créativité et en esprit critique (enseignement pour) peut souvent faire la démonstration de ces compétences, devenant un « enseignement avec ». Par exemple, un enseignement créatif peut promouvoir la créativité des élèves en façonnant leurs comportements, tels que la propension à prendre des risques et le fait d’apprendre de ses erreurs ou de rechercher la complexité, et peut s’appliquer dans n’importe quelle matière (Beghetto, 2017 [4] ). De même, les élèves peuvent s’inspirer des enseignants qui font preuve d’esprit critique dans leur pratique pour apprendre à remettre en question leurs hypothèses ou prendre conscience des signes de partialité dans leur raisonnement. Le présent chapitre examine donc l’enseignement « pour » et « avec » la créativité et l’esprit critique en tant qu’objectifs complémentaires.
Attitudes et pratiques des enseignants en tant que résultats proches de l’expérience
Le graphique Graphique 6.1 présente les principes d’action sur lesquels repose le projet OCDE-CERI sur l’amélioration et l’évaluation des compétences en créativité et en esprit critique dans l’éducation (voir le chapitre Chapitre 1). Dans la première phase du projet, l’objectif consistait à élaborer des instruments valides à l’échelle internationale et des ressources pédagogiques pouvant être validées dans un cadre expérimental comme décrit dans le graphique Graphique 6.1. Les attitudes et pratiques des enseignants constituent des résultats de l’expérience à part entière, tout en faisant office de médiateurs de l’impact potentiel sur les compétences des élèves en créativité et en esprit critique. Deux aspects complémentaires du projet visaient à susciter des changements d’attitudes et de comportements chez les enseignants. Le premier de ces aspects avait trait à l’utilisation et l’amélioration itérative d’un portfolio de référentiels de compétences (voir le chapitre Chapitre 2) et de plans de cours (voir le chapitre Chapitre 4), tandis que le deuxième portait sur les activités de formation continue proposées aux enseignants (voir le chapitre Chapitre 5). Ces deux éléments avaient pour objet d’aider les enseignants à définir un langage relatif aux compétences en créativité et en esprit critique ainsi qu’à façonner leurs points de vue et leurs interactions avec les élèves. Il était également prévu que les chefs d’établissement jouent un rôle important dans ce processus de changement en apportant aux enseignants encadrement, encouragements et soutien durant la phase de test des outils du projet et de mise en œuvre de l’expérience pédagogique. Un autre objectif central de cette phase initiale de développement du projet consistait à concevoir, puis à tester des instruments d’enquête pouvant être utilisés dans une étude de validation ou d’efficacité, ce qui impliquait une mise à l’essai en situation réelle.
Dans ce chapitre, les résultats présentant un intérêt particulier sur le plan des attitudes sont les suivants : les convictions des enseignants relatives à la créativité et l’esprit critique, ainsi que leur sentiment d’efficacité personnelle et le degré de préparation qu’ils estiment posséder pour développer ces compétences chez leurs élèves. Les comportements des enseignants ici à l’étude sont une palette de pratiques pédagogiques et d’évaluation en classe qui correspondent aux référentiels de compétences de l’OCDE sur la créativité et l’esprit critique. Des changements dans ces domaines étaient prévisibles dans la mesure où l’expérience mettait en place des concepts et outils relatifs à l’enseignement pour la créativité et l’esprit critique qui sont rarement pris en compte dans les programmes de formation des enseignants et qui pouvaient contraster avec les tâches quotidiennes habituelles de nombreux enseignants participants, même si leur participation au projet se faisait sur la base du volontariat.1
Recueillir des données relatives aux enseignants et à l’enseignement
Ce chapitre s’appuie sur plusieurs sources pour étudier la fréquence d’utilisation et l’évolution d’un ensemble d’attitudes et de pratiques pour le développement de la créativité et de l’esprit critique dans les établissements d’enseignement. En premier lieu, il réunit toutes les informations provenant des entretiens et des groupes de discussion avec les enseignants ainsi que le retour d’information communiqué par les coordinateurs des équipes locales, toutes ces données ayant été synthétisées dans les rapports des équipes nationales. Ces données fournissent des descriptions détaillées de la mise en œuvre de l’expérience à l’échelle locale et des différences observées par rapport aux pratiques pédagogiques et d’évaluation ordinaires dans les établissements du groupe de contrôle. Les rapports des équipes examinent également la façon dont les enseignants se sont approprié les référentiels de compétences (souvent en collaboration avec leurs pairs), les modifications qu’ils ont apportées à leur enseignement et les changements qu’ils ont perçus quant à l’engagement et la performance des élèves.
En second lieu, le chapitre se fonde sur les réponses apportées aux questionnaires « Enseignant » administrés au groupe expérimental et au groupe de contrôle, avant et après l’essai de terrain consacré aux référentiels de compétences et plans de cours de l’OCDE.2 Les questionnaires ont permis de recueillir des informations sur les classes spécifiques des enseignants, leurs pratiques pédagogiques et d’évaluation habituelles, leurs points de vue en matière de créativité et d’esprit critique, ainsi que des données sur leur situation personnelle. En outre, une fois le travail de terrain terminé, les enseignants dans le groupe expérimental ont répondu à une série de questions concernant leur utilisation des référentiels de compétences, leur participation aux activités du projet et leur évaluation personnelle des impacts du projet.
Les déclarations des enseignants offrent un aperçu privilégié de l’expérience des principaux acteurs de l’expérience. De ce fait, elles constituent une source précieuse d’informations sur les défis relatifs à la mise en œuvre d’innovations en milieu scolaire pour la promotion des compétences en créativité et en esprit critique, ainsi qu’un gisement de connaissances concernant l’impact de ces innovations sur un vaste éventail de résultats. Ces déclarations peuvent toutefois présenter quelques défauts. Plus particulièrement, elles sont souvent biaisées par des considérations de désirabilité sociale, pouvant ainsi potentiellement refléter les points de vue que les enseignants jugent être appropriés ou qu’on serait censé attendre d’eux, et non pas leurs véritables opinions. Par ailleurs, elles peuvent également traduire des différences interculturelles dans les styles de réponse (van de Vijver et He, 2014 [5] ).3 En vue de minimiser ces risques, le chapitre analyse également les données tirées des déclarations des élèves et des chefs d’établissement afin de les recouper avec les témoignages des enseignants quant à la fréquence d’utilisation de diverses pratiques pédagogiques.
En incluant à la fois le groupe expérimental et le groupe de contrôle, près de 800 enseignants4 ont pris part à ce projet. Au sein des équipes, on comptait en moyenne 63 enseignants participants, avec toutefois une forte variation des tailles d’échantillon, allant de moins de 20 enseignants en France, jusqu’à 159 en Thaïlande. Dans l’ensemble, le groupe expérimental comportait plus d’enseignants que le groupe de contrôle (57 % contre 43 %), et la répartition entre les enseignants de l’enseignement primaire et secondaire était pratiquement uniforme (51 % contre 49 %) (voir le tableau Tableau 6.1)5.
Avant d’entamer le travail de terrain, des questionnaires ont été remplis par environ la moitié des enseignants participant au projet (413), avec une répartition égale entre le groupe expérimental et le groupe de contrôle, et un pourcentage légèrement supérieur d’enseignants du secondaire (56 %).6 Malgré un nombre de réponses très varié, les données permettent de définir les profils des enseignants et les niveaux de référence pour une série d’attitudes et de pratiques au sein de la majorité des équipes, ainsi que d’analyser les valeurs moyennes pour l’échantillon global. Il convient de noter que dans l’ensemble des équipes, 270 enseignants ont rempli les questionnaires avant et après l’expérience, représentant pratiquement deux tiers (65 %) des répondants pré-expérience (avant l’expérience) et un tiers (33 %) du nombre total d’enseignants ayant pris part au projet. Si ces sous-échantillons du panel permettent de mener plusieurs analyses de l’évolution des attitudes et pratiques des enseignants, leur taille est trop restreinte pour pouvoir en déduire des inférences causales concernant l’impact de l’expérience.7 Les données peuvent néanmoins traduire dans une certaine mesure le sens et l’ampleur de l’évolution des attitudes et pratiques des enseignants, du moins pour ce qui est des équipes hongroise et thaïlandaise pour lesquelles nous disposons d’un plus grand nombre de réponses des enseignants aux questionnaires.8
Profil des enseignants participants
Une comparaison entre les réponses des enseignants aux questionnaires et des données issues d’enquêtes internationales suggère que les participants au projet avaient, dans une large mesure, le profil démographique moyen du corps enseignant de leur pays respectif.
En moyenne dans les équipes, le pourcentage d’enseignantes était nettement plus élevé que celui de leurs collègues masculins (79 et 21 % respectivement). Ce déséquilibre concerne l’ensemble des équipes et plus particulièrement les équipes brésilienne, indienne et russe pour lesquelles moins d’un enseignant sur dix est un homme (voir le tableau Tableau 6.2). Les participants au projet constituaient un vivier d’enseignants chevronnés. En moyenne dans les équipes, pratiquement deux tiers des enseignants participants affichaient une expérience d’au moins dix ans dans l’enseignement au moment où ils ont intégré le projet. Pour toutes les équipes, à l’exception d’une seule, cette proportion était égale ou supérieure à 50 %, et supérieure à 80 % pour cinq équipes. En revanche, dans l’ensemble des équipes, seuls 5 % des enseignants avaient une ancienneté inférieure à deux ans (voir le tableau Tableau 6.2). S’agissant des qualifications, la majorité des enseignants dans les équipes des pays de l’OCDE était diplômée de l’enseignement supérieur, tandis que les certificats d’aptitude pédagogique ou autres types de diplômes de l’enseignement post-secondaire non tertiaire constituaient les qualifications les plus courantes pour les enseignants au Brésil, en Inde et en Fédération de Russie. Tous ces chiffres sont conformes aux données statistiques internationales relatives au milieu enseignant.
Les réponses apportées aux questionnaires laissent également entendre que, par rapport au groupe de contrôle, les enseignants dans les classes du groupe expérimental faisaient face à davantage de défis liés à la gestion de la classe (voir le tableau Tableau 6.3). Dans la quasi-totalité des équipes, les enseignants dans le groupe expérimental ont plus souvent déclaré qu’en début de cours, ils devaient attendre un long moment avant que les élèves ne se calment et qu’il leur était difficile de maintenir la concentration des élèves. À l’inverse, un pourcentage plus important d’enseignants dans le groupe de contrôle a déclaré que les élèves dans leur classe veillaient à instaurer un climat d’apprentissage agréable. Cette réalité peut avoir influencé les conditions dans lesquelles l’expérience s’est déroulée, dans la mesure où des niveaux faibles en matière de discipline et de coopération peuvent limiter les possibilités de mise en œuvre de pédagogies innovantes. Selon l’Enquête internationale de l’OCDE sur l’enseignement et l’apprentissage (TALIS), il existe une corrélation positive et constante entre un climat positif en classe et le pourcentage de temps de classe consacré véritablement à enseigner et à apprendre (OCDE, 2014 [6] ; 2019 [7] ).
Attitudes des enseignants à l’égard de la créativité et de l’esprit critique
Les attitudes personnelles et les convictions aident les individus à planifier, réaliser et évaluer leurs propres actions ainsi que celles des autres. La recherche dans le domaine de l’éducation perçoit les attitudes, motivations et convictions comme des composantes importantes des compétences professionnelles des enseignants, en plus de leurs connaissances pédagogiques et des matières elles-mêmes (Guerriero, 2017 [8] ). Les attitudes et convictions doublées d’approches efficaces en faveur du développement de la créativité et de l’esprit critique peuvent contribuer à des comportements d’enseignement plus cohérents, tandis que les mythes et les idées fausses peuvent conduire les enseignants à faire fausse route. Par conséquent, il est important de comprendre les convictions des enseignants à l’égard de la créativité et de l’esprit critique afin de concevoir des pédagogies et des programmes de formation qui les aident à adopter des approches plus explicites et systématiques pour développer ces compétences.
Efficacité personnelle des enseignants dans l’enseignement pour la créativité et l’esprit critique
On entend par efficacité personnelle des enseignants, la perception qu’ils ont de leur capacité à planifier, puis mettre en œuvre des pratiques pédagogiques spécifiques ainsi qu’à obtenir chez leurs élèves les résultats escomptés (Bandura, 1997 [9] ; Tschannen-Moran et Hoy, 2001 [10] ). La conviction par rapport à sa propre efficacité joue un rôle important dans la mesure où cette conviction peut influencer les actions et les efforts déployés par les enseignants. Des travaux de recherche ont montré la présence de corrélations positives entre l’efficacité personnelle des enseignants et un éventail de résultats notamment, comme indiqué par les enseignants et les élèves, le recours à des comportements d’enseignement spécifiques et la volonté d’innover (Klassen et Tze, 2014 [11] ; Zee et Koomen, 2016 [12] ).
L’efficacité personnelle des enseignants en matière de créativité englobe les perceptions qu’ils ont de leur capacité à enseigner de manière créative et à faciliter le développement de la créativité chez les apprenants (Rubenstein et al., 2018 [13] ). Cette conviction est mobilisatrice car ce type d’efficacité personnelle peut conférer aux enseignants un sentiment de contrôle pour la mise en œuvre en classe de pratiques visant à développer cette compétence. En outre, elle est également corrélée à la perception qu’ont les enseignants de leur propre créativité, de la valeur accordée à la créativité par la société et du potentiel des élèves à devenir créatifs (Rubenstein, McCoach et Siegle, 2013 [14] ).
Les questionnaires conçus pour le projet OCDE-CERI abordaient deux dimensions liées à l’efficacité personnelle. La première de ces dimensions porte sur le degré de préparation que les enseignants estiment posséder pour la mise en œuvre de pédagogies centrées sur l’élève, y compris l’apprentissage coopératif, l’apprentissage par projet et les approches relatives à l’apprentissage personnalisé. On peut estimer que les enseignants qui se sentent préparés à avoir recours à ces stratégies ont confiance en leur capacité à utiliser une série de pratiques pédagogiques et d’évaluation conformes aux référentiels de compétences du projet (voir le chapitre Chapitre 2), ainsi que plusieurs pédagogies-signatures proposées dans le cadre de l’expérience (voir le chapitre Chapitre 3). La seconde dimension concerne l’efficacité personnelle dans le cadre du développement des compétences de niveau supérieur, examinée grâce à deux items interrogeant les enseignants sur leur degré de préparation pour favoriser, particulièrement, le développement des compétences en créativité et en esprit critique chez les élèves. Cette dimension permet d’élargir le cadre traditionnel de l’efficacité personnelle des enseignants pour englober les objectifs de l’éducation du XXIe siècle, et sert d’indicateur des besoins des enseignants en matière de formation professionnelle en vue de promouvoir la créativité et l’esprit critique dans le cadre d’un ensemble élargi de compétences des élèves.
Le graphique Graphique 6.2 indique le degré de préparation par les enseignants selon les déclarations des participants au projet pré-expérience. Dans toutes les équipes, près de sept enseignants sur dix se sentaient « bien » ou « très bien » préparés pour mettre en œuvre des approches d’apprentissage collaboratif et d’apprentissage personnalisé, tandis qu’un peu plus de la moitié avait confiance en sa capacité à mener des activités d’apprentissage par projet. En moyenne, environ deux tiers des enseignants participants ont déclaré un fort sentiment d’efficacité personnelle pour développer les compétences en créativité et en esprit critique chez les élèves, les pourcentages étant très semblables entre les enseignants du groupe expérimental et ceux du groupe de contrôle, même s’ils masquent d’importantes différences entre les équipes (voir le tableau Tableau 6.5a). Par ailleurs, ces niveaux d’efficacité personnelle parmi les participants au projet semblent correspondre aux données de l’enquête TALIS 2018 qui indiquent que, dans l’ensemble des pays, plus des quatre cinquièmes des enseignants du premier cycle de l’enseignement secondaire se sentent bien préparés à aider leurs élèves à exercer leur esprit critique. De plus, selon ces mêmes données, moins d’un enseignant sur cinq estime qu’il a un besoin important en matière de formation professionnelle dans le domaine de l’enseignement des compétences transversales ou de l’utilisation des approches d’apprentissage personnalisé (OCDE, 2019 [7] ).
Classement des capsules relatives à la créativité et l’esprit critique par les enseignants
Le classement que font les enseignants des capsules incluses dans les questionnaires offre une perspective différente pour aborder le degré de préparation qu’ils estiment posséder. En conformité avec les référentiels de compétences du projet, ces capsules décrivent à quoi pourraient ressembler les différents niveaux de compétences en créativité et en esprit critique dans le cadre de matières scolaires spécifiques. On peut considérer que les enseignants qui ont classé dans le bon ordre les scénarios des capsules (qui décrivent les différents niveaux de maîtrise de ces compétences par les élèves, à savoir faible, intermédiaire et élevé), montrent qu’ils ont une compréhension de la créativité et l’esprit critique qui correspond au cadre conceptuel du projet9.
Comme l’indique le graphique Graphique 6.3, en amont de l’expérience et en moyenne dans les équipes, légèrement moins de 40 % des enseignants avaient classé les scénarios de la capsule relative à la créativité dans le bon ordre, tandis qu’environ 71 % avaient attribué les bons niveaux de compétences aux scénarios présentés dans la capsule relative à l’esprit critique. Parmi les douze équipes pour lesquelles ces données étaient disponibles, le fait que les enseignants soient parvenus à mieux classer les scénarios relatifs à l’esprit critique que ceux portant sur la créativité a été observé dans dix équipes (voir le tableau Tableau 6.5a). Les résultats montrent donc clairement que, du moins avant l’expérience, les enseignants des différentes équipes comprenaient bien mieux comment qualifier en classe les niveaux de compétence faible, intermédiaire et élevé en esprit critique, que la façon de définir de manière équivalente la créativité. Cela peut être dû au fait que dans les programmes de cours l’esprit critique est défini de manière plus cohérente que la créativité, permettant ainsi aux enseignants de visualiser plus facilement les types de résultats et processus qui traduisent l’esprit critique en milieu scolaire.
L’analyse du classement des capsules permet également de constater, tant pour la créativité que pour l’esprit critique, que dans l’ensemble des équipes pratiquement neuf enseignants sur dix sont parvenus à correctement identifier la capsule correspondant au niveau de maîtrise le plus faible desdites compétences. En d’autres termes, un pourcentage très élevé d’enseignants a placé le scénario décrivant un faible niveau de compétences des élèves en créativité ou esprit critique en bas du classement, comme escompté. Ce pourcentage indique que, si des niveaux de compétences supérieurs peuvent être plus difficiles à qualifier, notamment dans le cas de la créativité, il existe néanmoins un point d’accord parmi les enseignants pour définir quels sont les travaux des élèves qui ne sont pas créatifs ou qui ne témoignent pas de l’exercice d’un esprit critique. Ces résultats suggèrent donc qu’il est plus facile pour les enseignants de repérer l’absence de ces compétences que de décrire ce qu’elles représentent véritablement dans un contexte scolaire. Il convient de noter que sur le plan du classement des scénarios des capsules, il n’existe aucune différence substantielle pré-expérience entre les enseignants du groupe expérimental et ceux du groupe de contrôle (voir le tableau Tableau 6.5a).
Convictions des enseignants en matière de créativité et d’esprit critique
Les convictions pédagogiques des enseignants constituent un autre facteur important dans le domaine des attitudes. Les enseignants franchissent le seuil de la salle de classe en ayant déjà des idées relatives à la nature de l’enseignement et de l’apprentissage qu’ils ont généralement développées au cours de leur formation initiale, des activités de formation professionnelle et de précédentes interactions avec les élèves (Hofer et Pintrich, 1997 [15] ). Les avis des enseignants sur le bien-fondé de diverses stratégies visant à soutenir l’apprentissage des élèves, comme les approches constructivistes ou de transmission directe, peuvent influer sur les méthodes d’enseignement et d’évaluation qu’ils sélectionnent. Par exemple, le recours des enseignants à des comportements d’enseignement axés sur le choix et la justification, plutôt que sur des consignes et des délais, semble être arbitré par leurs convictions relatives à l’efficacité et la normativité culturelle de telles pratiques (Reeve et al., 2014 [16] ). La valeur que les enseignants accordent à différents objectifs pédagogiques constitue un autre aspect de leurs attitudes. Selon la théorie de la valeur perçue de la tâche, les individus seront plus susceptibles de poursuivre des objectifs qu’ils estiment à la fois réalisables et utiles à titre personnel (Eccles et Wigfield, 2002 [17] ). La valeur que les enseignants accordent de manière subjective aux objectifs d’apprentissage et pratiques innovantes peut donc s’avérer importante dans la perspective des approches pédagogiques particulières qu’ils utilisent réellement.
Les données issues des questionnaires de référence font état d’un niveau de soutien élevé en faveur des pédagogies constructivistes de la part des enseignants parmi l’ensemble des participants au projet (voir le tableau Tableau 6.4a). Au sein des équipes, plus de 80 % des enseignants ont indiqué, entre autres, que leur rôle consistait à aider les élèves à mener leurs propres recherches et que les élèves apprenaient mieux lorsqu’ils trouvaient eux-mêmes les solutions aux problèmes. Ce pourcentage est conforme aux données de précédents rapports de l’enquête TALIS (OCDE, 2014 [6] ) et cela n’a peut-être rien d’étonnant étant donné les principes sur lesquels ont reposé l’expérience ainsi que la nature volontaire de la participation des enseignants. Les réponses apportées aux nouveaux items des questionnaires « Enseignant » vont également dans ce sens. Par exemple, plus de 90 % des enseignants ont déclaré être d’accord avec le fait que l’enseignement devrait encourager les élèves à tenter d’apporter des solutions et réponses nouvelles, même s’ils se trompent, et promouvoir chez les élèves l’expression de nouvelles idées. Par contraste, seuls environ 36 % des enseignants dans toutes les équipes ont convenu que l’enseignement consistait principalement à transmettre aux élèves des connaissances communément acceptées, illustrant ainsi une situation ouvertement contestée par les référentiels de compétences et les critères de conception des activités proposés dans le cadre de l’expérience. Il convient toutefois de noter que les enseignants souscrivaient largement à l’affirmation selon laquelle les évaluations devraient être articulées autour de problèmes ayant des réponses claires et exactes, ce qui contredit partiellement le modèle de tâches libres avec solutions multiples intégré dans de nombreux plans de cours mis au point pour le projet (voir le chapitre Chapitre 4).
Les travaux de recherche ont particulièrement examiné les convictions des enseignants concernant la nature de la créativité et les manifestations de cette créativité en milieu scolaire. Également appelées théories implicites de la créativité, ces convictions latentes ont des répercussions d’ordre pratique sur l’enseignement lorsque les enseignants s’en servent, de manière intentionnelle ou inconsciente, comme des modèles pour juger la performance et le comportement des élèves en matière de créativité (Sternberg, 1985 [18] ; Runco, Johnson et Bear, 1993 [19] ). Ayant passé en revue les études parues ces deux dernières décennies sur ce thème, Andiliou et Murphy (2010 [20] ) répartissent les convictions des enseignants à propos de la créativité en trois catégories principales. La première catégorie est liée à la nature de la créativité, notamment les convictions quant à sa répartition au sein de la population, sa malléabilité tout au long de la vie, sa spécificité thématique ou les facteurs qui définissent les résultats créatifs. La deuxième porte sur les convictions des enseignants quant au profil des individus créatifs, notamment leurs traits de caractère et les connaissances dont ils disposent. Enfin, la dernière catégorie concerne les avis des enseignants sur la capacité de différents climats en classe et de diverses stratégies pédagogiques à promouvoir la créativité. L’importance de ces dimensions se retrouve également dans des études plus récentes menées par Mullet et al. (2016 [21] ) ainsi que par Bereckzi et Kárpáti (2018 [22] ). Globalement, les données suggèrent que dans les différents pays les enseignants tendent à adopter une vision positive et démocratique de la créativité, à appuyer l’idée selon laquelle la créativité peut être développée chez tous les individus et démontrée dans toutes les matières scolaires et à penser de plus en plus que l’enseignement pour la créativité nécessite un enseignement créatif. Toutefois, le manque de temps, les programmes de cours trop chargés, la formation inadéquate, les tests normalisés et le manque de clarté en matière d’évaluation sont largement considérés par les enseignants de différents pays comme des obstacles à la promotion de la créativité en classe.
Les études spécialisées décrivent également un décalage fréquent entre les convictions des enseignants et les théories scientifiques sur la créativité. Les professionnels de l’éducation sont nombreux à imaginer à tort que la créativité implique uniquement la notion d’originalité, tandis que les chercheurs ont tendance à insister sur la double exigence de nouveauté et de pertinence pour la tâche à accomplir [voir, par exemple, Kaufman et Beghetto (2013 [23] )]. Parmi les autres idées fausses relativement répandues chez les enseignants, figurent des préjugés à l’égard des disciplines artistiques [voir, par exemple, Patson et al. (2018 [24] )], une perception négative (assimilée à des comportements déplacés) de certaines attitudes chez les élèves liées à la créativité comme prendre des risques ou jouer sur l’ambiguïté [voir, par exemple, Kettler et al. (2018 [25] )], ou encore les stéréotypes sexistes pour définir les filles et les garçons créatifs [voir, par exemple, Gralewski et Karwowski (2013 [26] )]. Des convictions différentes concernant la créativité peuvent également exister entre les enseignants et les élèves [voir, par exemple, Hong, Part et Rowell (2017 [27] )].
Les convictions des enseignants relatives à l’esprit critique ont fait l’objet de moins d’études, ce qui peut traduire un consensus plus important à propos des dimensions de cette compétence et des aptitudes des esprits critiques (Facione, 1990 [28] ). Des travaux de recherche montrent que les enseignants assimilent souvent l’esprit critique à des capacités intellectuelles élevées, si bien que les activités d’enseignement plus ou moins axées sur l’esprit critique auxquelles ils ont recours dépendent grandement de la perception qu’ils ont des capacités de leurs élèves (Zohar, Degani et Vaaknin, 2001 [29] ; Warburton et Torff, 2005 [30] ).
Les questionnaires « Enseignant » du projet OCDE-CERI ont été conçus pour examiner bon nombre des domaines mis en avant par de précédentes études portant sur les convictions des enseignants en matière de créativité et d’esprit critique (voir les tableaux Tableau 6.6a et Tableau 6.7a). Certains items portaient sur la malléabilité et les propriétés de spécificité thématique de ces compétences, ainsi que sur les difficultés perçues pour leur évaluation. Tandis que d’autres concernaient la valeur que les enseignants accordaient à la créativité et l’esprit critique en tant qu’objectifs d’apprentissage à part entière, ainsi que les obstacles à la promotion de ces compétences perçus par les enseignants dans leur pratique quotidienne. Le graphique Graphique 6.4 présente les résultats pour certaines de ces questions.
En moyenne dans les équipes, les enseignants soutiennent largement l’idée que les compétences en créativité et en esprit critique sont transférables entre différents domaines. Pratiquement neuf enseignants sur dix ont déclaré être d’accord avec les affirmations suivantes : ces compétences peuvent être apprises dans n’importe quelle matière ; devenir créatif ou exercer son esprit critique dans une matière a des retombées positives dans d’autres domaines, par exemple en contribuant à ce que les élèves fassent preuve de plus de curiosité dans différentes parties du programme. Dans le cas de la créativité, cette réalité est radicalement opposée à la vision traditionnelle selon laquelle les disciplines artistiques détiennent le monopole des productions créatives. Les enseignants de l’équipe slovaque constituent la seule exception à cette tendance.
Il est important de noter que plus de 85 % des enseignants des différentes équipes ont déclaré être d’accord avec le fait que la créativité et l’esprit critique peuvent être enseignés de façon efficace à l’école. Ce pourcentage laisse entendre qu’il existe un large soutien en faveur de l’idée selon laquelle ces compétences sont malléables et se prêtent à un enseignement en milieu scolaire. Ce résultat contraste avec le stéréotype selon lequel la créativité et l’esprit critique sont des talents innés dont les enfants peuvent ou non faire preuve à l’école, et offre, en filigrane, la possibilité pour les enseignants et les établissements d’assumer un rôle plus actif dans la promotion de ces compétences. Dans chaque équipe participante, la majorité des enseignants partageait ce point de vue, quoique dans une bien moindre mesure dans les équipes hongroise, slovaque et française (Lamap).
L’importance que les enseignants accordent aux compétences en créativité et en esprit critique en tant qu’objectifs d’apprentissage et par rapport à d’autres objectifs potentiellement contradictoires, peut également influer sur leur appropriation plus ou moins active d’innovations conçues pour promouvoir ces objectifs. Autre signe du soutien en faveur de l’importance des compétences de niveau supérieur est la proportion d’enseignants dans les différentes équipes, estimée à environ 70 %, ayant déclaré être d’accord avec l’affirmation selon laquelle plus de temps devrait être consacré en cours à la promotion des compétences en créativité et en esprit critique, même si cela implique d’aborder moins de contenu. Seuls se démarquent les enseignants de l’équipe russe, qui ne sont que 17 % à soutenir cette affirmation.
Les questions relatives à l’évaluation des compétences des élèves en créativité et en esprit critique révèlent que cet aspect demeure problématique pour la majorité des enseignants. Seuls 54 % des enseignants des différentes équipes sont convaincus que la créativité des élèves pouvait être évaluée en classe de manière fiable, contre 64 % qui souscrivaient à l’idée qu’il était compliqué de mettre en évidence les résultats relatifs à la créativité dans les matières qu’ils enseignaient. Les enseignants ont fait part d’une préoccupation légèrement inférieure quant à l’évaluation des compétences des élèves en esprit critique : ils étaient 67 % dans l’ensemble des équipes à déclarer être d’accord avec le fait qu’ils pouvaient évaluer cette compétence de manière fiable, contre 56 % ayant indiqué que le concept d’esprit critique dans leurs matières manquait de clarté. Ces pourcentages varient considérablement d’une équipe à l’autre, notamment en ce qui concerne la difficulté de traduire dans le langage des matières scolaires l’acquisition de compétences dans les deux domaines évoqués précédemment. Dans l’ensemble, étant donné le soutien massif quant à la pertinence de ces compétences, l’évaluation ressort comme le domaine dans lequel les enseignants considèrent que les besoins de solutions pratiques sont les plus grands, notamment pour ce qui est de l’évaluation de la créativité des élèves.
Les items qui font apparaître les convictions des enseignants concernant les obstacles à l’enseignement de la créativité et de l’esprit critique apportent également de précieuses informations. Dans les différentes équipes, seuls 36 % des enseignants sont d’avis que le programme de cours qu’ils sont censés enseigner ne laisse aucune marge à la promotion de la créativité chez les élèves, un pourcentage qui tombe à 20 % s’agissant de l’esprit critique. Cette tendance des résultats qui s’observe dans pratiquement toutes les équipes suggère que les enseignants n’estimaient pas que le cadre conceptuel de leur programme de cours respectif constituait un obstacle majeur au développement de la créativité et de l’esprit critique chez les apprenants. Deux exceptions sont toutefois à signaler : le pourcentage élevé d’enseignants qui considèrent que le programme de cours n’est pas conciliable avec la créativité dans l’équipe thaïlandaise, et avec l’esprit critique dans l’équipe hongroise, respectivement à hauteur de 86 et 60 %.
En revanche, la perception est plus négative à l’égard des contraintes de temps qui empêcheraient les enseignants de se consacrer à une promotion plus systématique de la créativité et de l’esprit critique chez les élèves. Dans les équipes, près de la moitié des enseignants a déclaré être d’accord avec l’affirmation selon laquelle la charge de travail actuelle ne laisse pas suffisamment de temps pour mettre en œuvre les pédagogies nécessaires au développement de la créativité (53 %) ou de l’esprit critique (46 %) ; ces points de vue étaient les plus fréquents parmi les enseignants des équipes française et galloise. Dans une certaine mesure, les enseignants reconnaissent donc implicitement que l’enseignement pour la créativité et l’esprit critique implique des stratégies pédagogiques et d’évaluation qui nécessitent une organisation différente du temps d’enseignement.
Observations tirées du retour d’information qualitatif
De nombreux éléments montrent que les caractéristiques individuelles expliquent en grande partie les diverses attitudes adoptées par les enseignants, soulignant ainsi le fait que les professionnels de l’éducation peuvent avoir des convictions et des motivations très différentes au sein de contextes identiques à l’échelle des pays ou des établissements (OCDE, 2014 [6] ). Le retour d’information de la part des coordinateurs locaux du projet sous-entend en effet qu’il existait au sein de la majorité des équipes participantes une diversité de profils d’enseignants ainsi que différents degrés d’implication dans le projet. Par exemple, les coordinateurs des équipes brésilienne et espagnole (Madrid) ont proposé une description de trois profils généraux parmi leurs enseignants. Un premier groupe était constitué d’enseignants qui faisaient preuve de scepticisme quant à la faisabilité du projet ou qui le considéraient comme une énième initiative qui se traduirait par une augmentation de leur charge de travail ; certains de ces enseignants ont abandonné le projet dès les premières phases, n’ont apporté que de faibles évolutions qualitatives à leur pratique et n’ont consacré qu’un minimum d’effort à la collecte des données. Un deuxième groupe réunissait les enseignants qui adhéraient à la proposition mais qui avaient des difficultés à adapter leur façon de penser et leurs pratiques pédagogiques, et qui avaient souvent des doutes sur l’efficacité des outils et approches proposés. Enfin, un troisième groupe comportait les enseignants qui envisageaient le projet comme une chance d’innover et d’améliorer leurs pratiques et, de ce fait, l’engagement et les résultats de leurs élèves ; ces enseignants ont eu tendance à rester très motivés après les séances d’initiation et les premières interactions avec les collègues, et à appréhender de manière proactive les outils et tâches qui leur étaient présentés. Les rapports de l’équipe russe font également état de degrés d’implication très hétérogènes parmi les enseignants, qui sont souvent le reflet d’une volonté d’innovation différente au sein des établissements. La pluralité des convictions préexistantes pouvait également être observée parmi les enseignants qui disposaient d’une solide expérience des pédagogies innovantes. Par exemple, certains enseignants de l’équipe française (CRI) se sont opposés aux référentiels de compétences du projet en affirmant que la créativité et l’esprit critique pouvaient faire l’objet d’un apprentissage approprié de façon intuitive sans qu’il soit nécessaire d’exposer explicitement ces compétences.
Évolution des attitudes des enseignants associée à l’expérience
Dans les équipes hongroise et thaïlandaise, les données sur les enseignants permettent de mener un premier examen de l’impact de l’expérience du projet OCDE-CERI sur leurs attitudes relatives à la créativité et l’esprit critique. Le graphique Graphique 6.5 présente l’évolution du sentiment d’efficacité personnelle des enseignants dans les équipes hongroise et thaïlandaise, ainsi que la plus grande exactitude dans le classement les capsules dans le bon ordre. Cela étant, les résultats témoignent de deux situations relativement différentes.
Dans l’équipe hongroise, l’expérience semble être associée à une baisse notable du pourcentage d’enseignants ayant confiance en leur capacité à développer la créativité et l’esprit critique chez les élèves, et à une augmentation du pourcentage d’enseignants qui classent dans le bon ordre les capsules relatives à la créativité. Les facteurs contextuels et les niveaux de référence pour ces résultats apportent quelques pistes pour interpréter ces pourcentages. La majorité des enseignants de l’équipe hongroise avaient participé au programme local Creative Partnerships (voir le chapitre Chapitre 3) en amont du projet, et avaient donc entamé celui-ci en se sentant mieux préparés que les enseignants de la plupart des autres équipes, s’agissant notamment de la capacité à promouvoir la créativité des élèves (voir le tableau Tableau 6.5b). L’expérience, qui mettait à leur disposition un ensemble différent d’outils et de formulations sur les tenants et aboutissants de ces compétences en milieu scolaire, semble avoir amoindri leur sentiment d’efficacité personnelle. À l’inverse, les enseignants dans le groupe de contrôle ont, quant à eux, estimé qu’ils possédaient un meilleur degré de préparation. Ces résultats peuvent s’expliquer par le fait que l’expérience a incité les enseignants à remettre en question d’anciennes convictions et hypothèses en leur faisant prendre conscience des difficultés inhérentes à l’enseignement pour la créativité et l’esprit critique ce qui, en définitive, les a conduits à se sentir plus vulnérables. Des études en psychologie ont montré que les effets liés à une prise de conscience peuvent aboutir à une baisse du sentiment d’efficacité personnelle, notamment lorsque des tâches plus complexes exigent de la part des individus des capacités plus grandes (Bandura, 1997 [9] ; Stajkovic et Luthans, 1998 [31] ). Des exigences accrues pour les compétences en créativité peuvent donc entraîner les enseignants à déclarer des niveaux plus faibles d’efficacité personnelle en matière de créativité (Tierney et Farmer, 2011 [32] ). Le retour d’information qualitatif de la part des participants au projet laisse entendre que ce type de processus a pu avoir lieu. Dans le cadre des entretiens menés auprès de l’équipe brésilienne, par exemple, les témoignages recueillis ont mis en lumière la déception ressentie par certains enseignants pendant l’expérience lorsqu’ils ont pris conscience du manque de robustesse de plusieurs anciennes hypothèses qu’ils faisaient concernant la manière de développer la créativité et l’esprit critique des élèves.
On peut cependant observer une tendance des résultats différente parmi les enseignants de l’équipe thaïlandaise, pour qui l’expérience a été associée à une hausse du degré de préparation qu’ils estimaient posséder pour la promotion de la créativité et de l’esprit critique, comme le démontre également le graphique Graphique 6.5. Dans cette équipe, le sentiment d’être mieux préparé se retrouve chez tous les enseignants participants, mais de façon plus marquée chez les enseignants dans le groupe expérimental. Le retour d’information qualitatif établit un lien entre ces niveaux de confiance plus élevés et les commentaires que les enseignants ont reçus de la part des coordinateurs locaux du projet et des personnes en charge de la formation après la mise à l’essai initiale des référentiels de compétences et plans de cours. Ce lien souligne l’importance des activités de suivi et des commentaires à des fins formatives formulés aux enseignants concernant les efforts qu’ils déploient dans la mise en œuvre d’une innovation. Parmi les enseignants thaïlandais, les données indiquent toutefois une moindre réussite dans le classement des capsules relatives à l’esprit critique, et aucune évolution pour celles relatives à la créativité.
Fondés également sur les sous-échantillons du panel pour les équipes hongroise et thaïlandaise, le graphique Graphique 6.6 et le graphique Graphique 6.7 montrent l’évolution, suite à l’expérience, des convictions des enseignants relatives à la créativité et à l’esprit critique dans le cadre scolaire. Tandis que seulement une poignée de ces estimations est statistiquement significative, les résultats donnent un aperçu de la façon dont les enseignants qui utilisaient le matériel du projet et participaient à des activités de formation continue ont changé d’avis sur la nature de ces compétences et sur les modalités permettant de les intégrer davantage à leur pratique quotidienne.
Dans les deux équipes, l’expérience semble avoir entraîné une hausse du pourcentage d’enseignants adhérant à l’idée selon laquelle la créativité des élèves peut être efficacement développée dans les établissements. Cette hausse est plus importante parmi les enseignants de l’équipe hongroise et entièrement attribuable aux évolutions survenues dans le groupe expérimental, tandis que dans l’équipe thaïlandaise la hausse est moins importante et s’explique largement par les évolutions survenues dans le groupe de contrôle. En revanche, on observe dans les deux équipes une légère diminution du pourcentage d’enseignants affirmant qu’ils pouvaient promouvoir en toute efficacité l’esprit critique dans le cadre scolaire. Ces résultats devraient être interprétés à la lumière d’un niveau de soutien supérieur en faveur de la malléabilité de l’esprit critique, et donc potentiellement comme une convergence de points de vue concernant ces deux compétences. Il se peut également qu’en insistant sur des aspects tels que la mise en perspective et la prise de conscience de la partialité de chacun, l’expérience a en quelque sorte davantage jeté le doute sur la compréhension que les enseignants avaient de l’esprit critique que sur les notions relativement plus vagues qu’ils avaient de la créativité.
Sur le plan de l’évaluation, l’expérience semble être légèrement associée à une augmentation du nombre d’enseignants affirmant qu’il est compliqué d’évaluer la créativité et l’esprit critique, notamment en raison d’un manque de clarté sur le sens à donner à ces compétences dans le cadre de matières spécifiques. Parmi les enseignants de l’équipe hongroise, cela peut aussi être lié à une perception beaucoup plus fine d’une contradiction entre le programme de cours et certains aspects de l’esprit critique définis dans les référentiels de compétences du projet. Par contraste, les résultats suggèrent également que l’expérience a augmenté le nombre d’avis positifs quant à la possibilité d’un enseignement pour la créativité et l’esprit critique malgré la charge de travail régulière des enseignants. Toutes ces évolutions sont néanmoins de faible ampleur et imputables, dans certains cas, aux changements d’attitudes des enseignants dans les classes du groupe de contrôle plutôt que dans celles du groupe expérimental. Par ailleurs, un résultat intéressant observé chez les enseignants de l’équipe hongroise est le soutien accru en faveur de l’idée selon laquelle les compétences en créativité et en esprit critique méritent plus d’attention tout au long de la scolarité, et ce malgré toutes les difficultés que le projet a pu mettre davantage en évidence. Parmi les enseignants de l’équipe thaïlandaise, l’importance subjective accordée à ces compétences n’a pas diminué par rapport au niveau élevé dont elle bénéficiait déjà pré-expérience.
Pratiques pédagogiques et d’évaluation en matière de créativité et d’esprit critique
Dans le cadre scolaire, les résultats des élèves sont principalement influencés par la qualité des pratiques pédagogiques, notamment les stratégies utilisées par les enseignants visant à activer les processus cognitifs des élèves, évaluer leur travail et fournir un retour d’information qui améliore leur apprentissage. Parallèlement aux convictions des enseignants à l’égard de la créativité et de l’esprit critique, ce sont les pratiques pédagogiques et d’évaluation qu’ils mettent en œuvre qui permettent le développement de ces compétences chez les élèves.
Pratiques pédagogiques et d’évaluation en soutien de la créativité et de l’esprit critique
Des études ont montré que les pratiques pédagogiques fondées sur la collaboration, l’utilisation différente des connaissances et compétences en vue de leur transférabilité dans divers contextes, les multiples approches pour la résolution de problèmes, l’auto-évaluation et l’apprentissage autonome contribuent à la promotion de la créativité (Cropley, 1995 [33] ; Hong, Hartzell et Greene, 2009 [34] ). Notamment en début de scolarité, les élèves apprennent en imitant les comportements créatifs de leurs enseignants, d’autant plus lorsque ces comportements font l’objet d’une récompense explicite (Soh, 2017 [35] ). Dans l’ensemble, comme Lucas et Spencer (2017 [36] ) le résument, les pédagogies axées sur l’apprentissage par la résolution de problèmes, les communautés d’apprentissage en classe, une perspective centrée sur le développement et une expérimentation ludique associée à une pratique systématique sont d’une importance capitale pour cultiver la créativité.
L’enseignement visant à promouvoir la créativité fait souvent partie d’un cadre plus général. Celui-ci comprend, entre autres, l’utilisation plus souple de l’environnement physique et des ressources matérielles, tant en classe que dans les espaces extérieurs, ainsi qu’un juste équilibre entre l’apprentissage structuré et le jeu pour que les élèves apprennent à prendre des risques et des décisions, grâce aux méthodes d’apprentissage fondé sur le jeu par exemple. Du point de vue des élèves, on entend par flexibilité la liberté d’aborder de multiples perspectives tandis que pour les enseignants il s’agit de la possibilité, mais également de l’exigence, d’adapter l’enseignement en fonction des orientations prises par les élèves (Davies et al., 2013 [37] ). De leur côté, les pratiques d’évaluation qui tiennent compte de l’objectif visant à développer la créativité peuvent être centrées soit sur l’élève – grâce à l’évaluation formative, l’auto-évaluation, l’évaluation par les pairs et le retour d’information en temps réel – soit sur l’enseignant – à l’aide d’une notation basée sur des critères de référence, d’activités d’évaluation ou d’annotation des productions réalisées en classe par les élèves (Lucas et Spencer, 2017 [36] ).
Certaines pratiques pédagogiques sont également associées au développement des compétences en esprit critique. Abrami et al. (2008 [39] ) se sont inspirés de la typologie des approches visant à intégrer l’esprit critique à l’enseignement, mise au point par Ennis (Ennis, 1989 [38] ), pour mener une méta-analyse. Celle-ci a révélé qu’une approche mixte dans laquelle les principes de l’esprit critique sont enseignés dans le cadre d’un itinéraire distinct au sein d’une matière spécifique est celle qui fonctionne le mieux auprès des élèves, tandis que les méthodes d’immersion dans lesquelles l’apprentissage de ces principes n’est pas explicite offrent des résultats inférieurs à toutes les autres approches. Plus précisément, les véritables problèmes inspirés de la vie réelle incitent les élèves à exercer plus efficacement leur esprit critique et contribuent à susciter leur intérêt. Les simulations, jeux de rôle et l’apprentissage fondé sur le jeu figurent parmi les méthodes qui encouragent l’exercice de la résolution de problèmes. Les discussions et débats en classe, qu’ils soient contradictoires ou coopératifs, sont également des leviers efficaces pour le développement de l’esprit critique. Les pédagogies axées sur la résolution de problèmes de la vie réelle et l’apprentissage dialogique sont particulièrement efficaces lorsqu’elles sont conjuguées à des activités de tutorat présentes dans l’offre pédagogique (Abrami et al., 2015 [40] ).
Intégrer des éléments relatifs à l’esprit critique aux pratiques pédagogiques et d’évaluation est un moyen d’activer chez les élèves des processus de prise de décision autonome et, surtout, de leur permettre de transférer leurs compétences et comportements à de nouveaux contextes et problèmes (Holmes, Wieman et Bonn, 2015 [41] ). Il ressort des études qu’un enseignement et une évaluation de l’esprit critique sur une base explicite et constante peuvent être intégrés au contenu ordinaire des cours et menés dans l’ensemble du programme (Marin et Halpern, 2011 [42] ; Cargas, Williams et Rosenberg, 2017 [43] ).
Les réponses apportées aux questionnaires sont l’occasion d’étudier les pratiques pédagogiques et d’évaluation chez les enseignants qui participent au projet OCDE-CERI, grâce aux données qu’elles fournissent sur la fréquence d’utilisation d’un éventail de pratiques au cours d’une période donnée10. Le graphique Graphique 6.8 indique le pourcentage d’enseignants affirmant utiliser différentes pratiques pédagogiques conformes aux référentiels de compétences du projet et certaines pédagogies-signatures connexes dans au moins 25 % de leur cours en amont de l’expérience (voir le chapitre Chapitre 2 pour une analyse plus détaillée des référentiels de compétences et le chapitre Chapitre 3 pour plus d’information sur les pédagogies-signatures). Avec en moyenne quatre heures d’enseignement par semaine proposées aux classes spécifiques, ces pourcentages peuvent être utilisés pour déterminer si les enseignants utilisaient ces pratiques au moins une fois par semaine ou au moins lors d’un cours sur quatre.
En moyenne dans les équipes, la pratique consistant à demander aux élèves d’expliquer les raisons qui justifient leurs réponses s’impose comme celle la plus répandue pré-expérience, avec 77 % des enseignants l’utilisant au moins une fois par semaine. En revanche, seuls environ 40 % des enseignants participants laissaient leurs élèves travailler sur des sujets en lien avec leurs propres centres d’intérêt, constituant ainsi la pratique la moins utilisée. Entre ces deux pratiques, celles consistant à demander aux élèves de reformuler avec leurs propres mots un problème ou une tâche, et de travailler en collaboration pour trouver une solution commune à un problème donné étaient utilisées au moins une fois par semaine par plus de la majorité des enseignants dans toutes les équipes.
Deux pratiques présentent un intérêt particulier en raison de leur lien étroit avec les descriptions proposées dans les référentiels de compétences du projet. En amont de l’expérience, environ la moitié des enseignants participants ont déclaré avoir demandé à leurs élèves de débattre en adoptant un point de vue différent du leur et de trouver une solution originale à un problème ou une tâche lors d’au moins un cours sur quatre. Selon les déclarations des enseignants, le taux d’utilisation le plus élevé de ces deux pratiques est observé dans les équipes indienne et espagnole (Madrid). Toutefois, en l’absence de points de comparaison externes, il est difficile d’évaluer si la fréquence d’utilisation de ces pratiques parmi les participants au projet est élevée ou faible. Ces déclarations suggèrent néanmoins que les stratégies élémentaires visant à stimuler la créativité et l’esprit critique des élèves en classe faisaient partie du répertoire pédagogique d’au moins la moitié des enseignants participant au projet.
Le graphique Graphique 6.9 fournit des données complémentaires sur la fréquence relative à laquelle les enseignants participants utilisaient, en amont de l’expérience, une série de pratiques d’évaluation axées sur la créativité et l’esprit critique, et conformes aux référentiels de compétences ainsi qu’aux critères d’élaboration des plans de cours. Comme pour les pratiques pédagogiques, le seuil de déclaration a été fixé à 25 % des cours avec la classe spécifique, ce qui correspond habituellement à une utilisation des méthodes énumérées au moins une fois par semaine. Certaines pratiques sont liées à une évolution des critères d’évaluation du travail des élèves pour aller au-delà des notions de réponses justes ou conformes aux attentes. En moyenne dans les équipes, environ un enseignant sur quatre a déclaré que le fait de tenir compte d’un esprit créatif ou d’un raisonnement original en cas de réponses ou résultats incorrects, était une pratique qu’ils adoptaient habituellement dans au moins 25 % de leurs cours. Deux autres pratiques supposent d’étendre la responsabilité en matière d’évaluation aux élèves, en leur demandant d’auto-évaluer leurs propres progrès ou résultats et de s’évaluer les uns les autres. De même, en moyenne dans les équipes, près d’un quart des enseignants ont déclaré avoir recours à ces pratiques au moins une fois par semaine. Par contraste, l’évaluation des portfolios des élèves associés à des projets est une pratique moins courante. À nouveau, l’absence de données comparables pose des difficultés pour évaluer si la fréquence d’utilisation de ces critères et méthodes d’évaluation, telle que déclarée par les enseignants, correspond aux données provenant de sources externes. Selon une interprétation provisoire de ces résultats, les approches d’évaluation promues dans le cadre du projet n’étaient que très peu utilisées, mais pas totalement étrangères à la pratique habituelle des enseignants participants.
Évolution des pratiques pédagogiques et d’évaluation
En utilisant le sous-échantillon du panel d’enseignants des équipes hongroise et thaïlandaise, le graphique Graphique 6.10 montre les résultats concernant l’évolution des pratiques pédagogiques associée à l’expérience, en mettant particulièrement l’accent sur plusieurs pratiques plus étroitement liées au cadre conceptuel du projet. À l’instar de l’évolution des attitudes des enseignants, on observe différents résultats pour les deux équipes. Parmi les enseignants de l’équipe thaïlandaise, l’expérience semble liée à une hausse significative du recours à trois pratiques pédagogiques conformes aux référentiels de compétences et aux critères conceptuels des nouveaux plans de cours, à savoir : demander aux élèves de défendre une position qui n’est pas la leur, demander aux élèves de participer à des activités de résolution collaborative de problèmes et laisser les élèves travailler à des tâches en lien avec leurs centres d’intérêt. Dans l’équipe hongroise, la seule évolution significative porte sur une baisse du pourcentage d’enseignants qui demandent aux élèves de trouver des solutions originales à des tâches proposées en classe. Toutefois, et particulièrement pour les enseignants hongrois, les tendances de l’évolution au sein du groupe de contrôle jettent un doute sur la fiabilité de ces résultats. Les constatations relatives à l’évolution des pratiques d’évaluation ne font pas état d’un sens manifeste, avec des estimations essentiellement marginales et parfois contradictoires pour les deux équipes (voir le tableau Tableau 6.10b).
Les élèves ont-ils perçu une évolution des pratiques pédagogiques ?
Loin de faire double emploi, les perceptions qu’ont les enseignants et les élèves des pratiques pédagogiques sont souvent complémentaires (Kunter et Baumert, 2007 [44] ). Les déclarations des élèves sur les méthodes pédagogiques et d’évaluation permettent donc d’aborder sous un autre angle les évolutions en classe associées à l’expérience. Ces informations ont été recueillies au moyen de questions intégrées aux nombreux tests administrés dans le cadre du projet. Il convient de noter qu’en raison de la disponibilité d’un plus grand nombre d’observations, les réponses des élèves permettent de mener plusieurs analyses de l’évolution des pratiques pédagogiques dans diverses matières et à différents niveaux d’enseignement. Elles permettent également de proposer une estimation plus solide de l’impact fondée sur l’élaboration d’indices synthétiques provenant de plusieurs items dans les questions intégrées aux tests. Par rapport aux déclarations des enseignants, ces indicateurs suggèrent la présence d’une évolution des pratiques pédagogiques d’une plus grande ampleur.
Parmi les enseignants du primaire, les indices globaux de l’enseignement montrent des signes positifs, laissant entendre que les pratiques sont désormais plus en phase avec les référentiels de compétences et critères d’élaboration de cours du projet. Cette constatation est valable pour les pratiques en cours de mathématiques et de sciences parmi les enseignants de l’équipe hongroise, et pour les pratiques en cours de musique et d’arts visuels chez les enseignants de l’équipe thaïlandaise. Dans les deux cas, on constate des niveaux de référence similaires pour ces indices entre les enseignants du groupe de contrôle et ceux du groupe expérimental, ainsi qu’une signification statistique pour la majorité des estimations. Une évolution positive des pratiques pédagogiques dans les cours de sciences et de mathématiques a également été observée dans les équipes américaine (Vista) et néerlandaise, même si les valeurs de référence doivent inciter à une certaine prudence dans l’interprétation de ces résultats (voir le tableau Tableau 6.9a).
Parmi les enseignants du secondaire, aucune évolution pédagogique significative n’a été observée en sciences ou en mathématiques. En revanche, les enseignants de musique et d’arts visuels dans l’équipe néerlandaise semblent s’être éloignés des pratiques conformes aux référentiels de compétences, tandis que l’inverse vaut pour les enseignants de l’équipe slovaque (voir le tableau Tableau 6.9b). Le chapitre Chapitre 7 examine de manière plus approfondie les résultats fondés sur les données spécifiques aux élèves.
Dans l’ensemble, les résultats ne font pas état d’une évolution constante des pratiques des enseignants associée à l’expérience. Dans plusieurs équipes, les données suggèrent toutefois que les enseignants du primaire ont modifié leurs méthodes d’enseignement sur la base des référentiels de compétences et des pédagogies-signatures, et que cette évolution est survenue, au sein de différentes équipes, dans l’ensemble des matières couvertes par l’expérience. Il semblerait que tel n’était pas le cas dans l’enseignement secondaire.
Déclarations des enseignants concernant l’expérience
La présente section est axée sur les témoignages des enseignants par rapport à l’expérience proposée dans le cadre du projet OCDE-CERI. Elle s’appuie sur le retour d’information recueilli à l’occasion des entretiens et groupes de discussion avec les enseignants ainsi que sur les 131 réponses apportées par l’ensemble des équipes à un questionnaire administré dans un module destiné aux enseignants du groupe expérimental, une fois le travail de terrain terminé. Elle présente également le point de vue des chefs d’établissement, en s’appuyant sur leurs réponses aux questionnaires les concernant.
Les enseignants et chefs d’établissement participants ont fourni des informations sur la nature et l’ampleur de l’évolution des pratiques pédagogiques perçue, les types d’activités de collaboration avec les pairs pour les travaux axés sur les projets et leur fréquence d’utilisation, ainsi que l’impact de l’expérience sur les élèves. En offrant un aperçu de la façon dont ces professionnels de l’éducation ont (ré)organisé leur pratique en vue de libérer suffisamment d’espace pour développer la créativité et l’esprit critique de leurs élèves, ces données fournissent des points de repère pour l’introduction et la diffusion d’innovations pédagogiques similaires.
Dans leurs déclarations, les enseignants ont globalement évalué l’expérience de manière extrêmement favorable. En moyenne dans les équipes, lorsque les enseignants ont été invités à juger tous les aspects de leur participation au projet, ils étaient 46 % dans le groupe expérimental à évaluer leur expérience comme « très positive », 50 % à la considérer « positive », et moins de 5 % à la juger négative. Les évaluations de l’expérience les plus positives ont été recueillies auprès des enseignants des équipes brésilienne et thaïlandaise (voir le tableau Tableau 6.11e).
Évolution des pratiques pédagogiques
Les perceptions qu’ont les enseignants du sens et de l’ampleur des changements qu’ils ont apportés à leur pratique au cours de l’expérience dépendent en partie des connaissances préalables qu’ils avaient des outils et approches proposés. Le retour d’information qualitatif indique clairement que dans la majorité des équipes les enseignants avaient une pratique très limitée de certaines composantes de l’expérience mise en place. Par exemple, les enseignants de l’équipe russe ont mentionné la place centrale de la figure de l’enseignant et un contrôle strict de l’activité des élèves comme des pratiques habituelles dans le cadre de leurs cours, ainsi qu’une culture des tests déterminants qui laisse peu de place à l’évaluation formative. Les enseignants de l’équipe thaïlandaise ont fait part d’un manque de familiarité avec les référentiels de compétences et de la prépondérance de styles d’enseignement fondés sur la transmission des contenus. Dans l’équipe espagnole (Madrid), les enseignants ont ouvertement reconnu que les pratiques consistant à tenter de développer la créativité des élèves ou de mettre en rapport le contenu d’une matière avec des expériences personnelles des élèves ne représentaient pas des objectifs explicites dans le cadre de l’enseignement qu’ils proposaient habituellement. Toutefois, dans d’autres équipes, les enseignants participants ont décrit les pédagogies centrées sur l’élève et l’utilisation de référentiels de compétences comme des éléments courants de leur approche pédagogique.
Le graphique Graphique 6.11 reprend les déclarations des enseignants concernant l’ampleur des changements qu’ils ont apportés à leur pratique pédagogique habituelle dans le cadre de l’expérience ; c’est-à-dire ceux survenus en raison d’une tentative délibérée de développer et d’évaluer les compétences des élèves en créativité et en esprit critique. Selon les déclarations des enseignants, ceux-ci comprennent mieux désormais, et c’est là l’évolution la plus notable, les implications relatives au développement des compétences en créativité et en esprit critique chez les élèves. En moyenne dans les équipes, environ 38 % des enseignants ont profondément changé d’avis à cet égard, contre 59 % ayant indiqué une évolution plus modérée. Les enseignants des équipes brésilienne, française (CRI) et thaïlandaise ont fait part des évolutions les plus importantes dans ce domaine. Fait notable, moins de 3 % seulement des enseignants dans toutes les équipes ont déclaré ne pas avoir changé de position quant à la manière de développer ces compétences chez leurs élèves, preuve que l’expérience a réussi à aider les enseignants à mieux cerner les implications relatives du développement de ces compétences dans le cadre scolaire. En outre, environ 33 % des enseignants dans les différentes équipes ont affirmé avoir fait preuve d’une plus grande constance dans leurs efforts visant à développer la créativité et l’esprit critique de leurs élèves, contre 65 % ayant indiqué une constance modérément supérieure, et moins de 3 % n’ayant déclaré aucune évolution à cet égard.
Par ailleurs, les enseignants dans le groupe expérimental ont systématiquement déclaré qu’ils avaient modifié la manière dont ils préparaient leurs cours, concevaient leurs exercices et évaluaient le travail des élèves. Entre 18 et 27 % des enseignants des différentes équipes ont estimé que l’expérience avait considérablement fait évoluer leur pratique dans ces domaines, contre moins de 10 % ayant déclaré avoir conservé leurs habitudes. Dans toutes les dimensions, ce sont les enseignants de l’équipe thaïlandaise qui ont fait part des transformations les plus importantes quant à leur pratique, ce qui laisse entendre que l’expérience a constitué une évolution majeure de leur culture pédagogique.
Dans l’ensemble, moins de 10 % des enseignants des différentes équipes ont signalé une absence d’impact sur leurs pratiques pédagogiques pour ces cinq domaines (voir le tableau Tableau 6.11c). Ces chiffres témoignent d’un vif intérêt de la part des enseignants à expérimenter des pédagogies et outils innovants en matière de créativité et d’esprit critique, qui s’inscrit dans le cadre d’une expérience soutenue par leur direction scolaire et les autorités en charge de l’éducation. Ils suggèrent également que les enseignants voyaient généralement qu’il était possible d’intégrer progressivement les outils et pédagogies du projet dans leur pratique quotidienne.
Dans les divers aspects liés à l’enseignement et selon les déclarations, les évolutions mineures à modérées sont plus fréquentes que les évolutions davantage radicales. On pouvait s’attendre à ce résultat étant donné que pour la majorité des équipes l’expérience n’a été que de courte durée et qu’il existe, dans ce qu’on peut considérer comme une approche progressive de l’innovation, une tendance générale à privilégier une adaptation des tâches quotidiennes et du matériel pédagogique existant plutôt qu’un changement complet de la pratique établie. Par exemple, l’équipe néerlandaise proposait un modèle en trois étapes dans lequel les enseignants travaillaient, dans un premier temps, avec des cours existants afin de se familiariser avec le langage des référentiels de compétences du projet, avant de créer de nouveaux plans de cours selon des critères communs et, enfin, concevoir de nouvelles activités sans aucune restriction. De même, les enseignants de l’équipe russe ont privilégié le fait d’intégrer à leurs cours des concepts tirés des référentiels de compétences, permettant ainsi l’adoption d’approches interdisciplinaires sans pour autant nécessiter une évolution du programme de cours. Dans l’équipe brésilienne, les coordinateurs locaux du projet ont invité les enseignants à d’abord travailler sur des activités qu’ils avaient déjà mises en œuvre dans leur classe et qui étaient facilement conciliables avec les objectifs de développement de la créativité ou de l’esprit critique, dans le but d’intégrer au matériel existant une évaluation formative de ces compétences. D’après le retour d’information provenant des entretiens et groupes de discussion, il ressort également que les pratiques pédagogiques avaient modérément évolué, mais que le sens de cette évolution était constant. Les témoignages recueillis dans plusieurs équipes ont mis en avant les changements de perceptions engendrés par l’expérience. Par exemple, les enseignants de l’équipe américaine (Vista) ont fait remarquer à quel point leur participation au projet les avait aidés à prendre conscience du fait qu’ils définissaient et imposaient la majorité de leurs cours, laissant ainsi peu de marge pour la créativité et la réflexion approfondie des élèves. Dans le même esprit, les enseignants de l’équipe slovaque ont mentionné que le fait d’avoir changé d’avis sur l’évaluation de la créativité et de l’esprit critique les avait conduits à poser de nouveaux types de questions aux élèves et à consacrer davantage de temps aux débats en classe.
Un autre facteur important de cette évolution des pratiques pédagogiques résidait sans doute dans l’adoption et l’adaptation des référentiels de compétences de l’OCDE par les enseignants. Les enseignants ont le plus souvent utilisé ces référentiels en vue de modifier les plans de cours, ou en concevoir de nouveaux, et d’offrir aux élèves un retour d’information sur leur progression dans le développement de ces compétences. Environ 30 % des enseignants dans le groupe expérimental ont utilisé les référentiels de compétences à ces fins quatre fois ou plus sur une période de six mois, contre environ 40 % à l’avoir fait une à trois fois. Les référentiels du projet ont été moins utilisées comme point de départ des débats en classe, outil d’auto-évaluation pour les élèves, ou modèle permettant d’adapter la formulation générique de la créativité et de l’esprit critique au langage d’une matière spécifique. Environ 20 % des enseignants ont eu recours à ces pratiques quatre fois ou plus pendant toute la durée de l’expérience tandis que, par ailleurs, 40 % des enseignants ont déclaré avoir utilisé les référentiels de compétences avec ces objectifs une à trois fois au cours des six derniers mois. Selon les déclarations, les enseignants des équipes brésilienne, hongroise et thaïlandaise ont le plus eu recours aux référentiels dans toutes ces applications potentielles (voir le tableau Tableau 6.11a). L’adoption et l’utilisation des référentiels de compétences de l’OCDE par les enseignants sont abordées de manière plus approfondie au chapitre Chapitre 2.
Les chefs d’établissement n’étaient certes pas censés s’impliquer dans les référentiels de compétences pour les activités en classe mais nombre d’entre eux ont toutefois eu l’occasion d’examiner ce sujet et d’en discuter avec les enseignants de leur établissement. Les points de vue des chefs d’établissement sur le matériel du projet étaient largement en phase avec les évaluations positives des enseignants. En moyenne dans les équipes, 89 % des chefs d’établissement dans le groupe expérimental ont déclaré être d’accord avec l’affirmation selon laquelle le projet avait offert un accès à des ressources précieuses qui, autrement, n’auraient pu être mises à la disposition de leur personnel enseignant. En outre, pratiquement deux tiers des chefs d’établissement dans le groupe expérimental ont estimé que les référentiels de compétences et plans de cours du projet seraient très probablement utilisés dans d’autres classes dans les années scolaires à venir (voir le tableau Tableau 6.12).
Évolution de la collaboration avec les pairs
Outre le fait de mettre à leur disposition un éventail d’outils et de concepts innovants, l’expérience a permis de susciter de nombreux échanges entre les enseignants concernant le développement de la créativité et de l’esprit critique dans l’éducation. Le graphique Graphique 6.12 montre la fréquence d’utilisation de différentes formes de collaboration parmi les enseignants du groupe expérimental. En moyenne dans les différentes équipes, près de 90 % des enseignants ont déclaré avoir discuté avec d’autres collègues de leur établissement des façons de développer la créativité et l’esprit critique des élèves au moins une fois sur une période de six mois, dont 40 % ayant indiqué l’avoir fait quatre fois ou plus au cours de l’expérience. De plus, environ 60 % des enseignants ont participé à des groupes de travail pour adapter les référentiels de compétences aux matières qu’ils enseignaient ou élaborer conjointement des plans de cours en phase avec les référentiels ; dans les équipes brésilienne, hongroise et thaïlandaise, plus d’un quart des enseignants se sont réunis avec des collègues quatre fois ou plus à ces fins. Toutefois, le projet a moins bien réussi à établir des liens entre les enseignants de différents établissements même si, en moyenne dans les équipes, 49 % des enseignants dans le groupe expérimental ont échangé sur ces sujets avec des pairs exerçant dans d’autres établissements. Ces échanges ont souvent eu lieu sur des plateformes de discussion en ligne, comme celles mises en place par les équipes brésilienne et néerlandaise, mais également au moyen de sessions de formation communes comme celles organisées, par exemple, par l’équipe thaïlandaise (voir le tableau Tableau 6.11b).
Les chefs d’établissement ont également évalué de manière très positive les dynamiques de collaboration suscitées par le projet parmi les enseignants. Environ 75 % des chefs d’établissement dans le groupe expérimental ont estimé que le projet avait amené les enseignants à collaborer de manière inhabituelle et positive, tout en offrant des possibilités de formation professionnelle auxquelles leur personnel enseignant n’aurait pas eu accès autrement. De plus, 53 % des chefs d’établissement dans le groupe expérimental ont estimé que les leçons tirées du projet viendraient très probablement alimenter les activités de formation continue dans leur établissement lors des prochaines années (voir le tableau Tableau 6.12).
Les résultats concernant la collaboration des enseignants au sein des établissements sont importants dans la mesure où ils témoignent de la réussite du projet à mobiliser des communautés professionnelles d’apprentissage autour de l’enseignement pour la créativité et l’esprit critique dans de nombreuses équipes participantes. Les données laissent entendre que, dans l’ensemble des équipes, une grande majorité des 400 et quelques enseignants de l’enseignement primaire et secondaire qui se trouvaient dans le groupe expérimental ont pu tirer profit de cet apprentissage professionnel. Les enseignants dans le groupe expérimental ont non seulement eu accès au matériel du projet, mais ils ont également eu la possibilité de l’adapter à leur contexte local et de prendre part à une réflexion collective sur les méthodes permettant de développer et d’évaluer les compétences en créativité et en esprit critique en milieu scolaire.
Tant les caractéristiques individuelles que les composantes organisationnelles au niveau des établissements jouent un rôle important dans la propension des enseignants à adopter des innovations pédagogiques. Les communautés professionnelles d’apprentissage dynamiques constituent d’ailleurs un instrument privilégié pour la poursuite d’objectifs communs et l’apprentissage par les pairs (Vieluf et al., 2012 [45] ). Pour les enseignants, ces communautés d’apprentissage sont également l’occasion de bénéficier d’activités de formation professionnelle continue, notamment lorsqu’elles les aident à transformer des concepts implicites et des pratiques occasionnelles en des approches pédagogiques plus explicites et cohérentes (Cordingley, 2008 [46] ). C’est la raison pour laquelle une composante importante de l’expérience consistait à proposer un langage permettant de mettre en œuvre un enseignement et un apprentissage plus explicites et plus systématiques de la créativité et de l’esprit critique, et à créer des espaces pour favoriser les échanges et la collaboration entre les enseignants sur ces enjeux.
Les rapports des équipes fournissent des exemples de plusieurs activités de collaboration avec les pairs menées dans le cadre de l’expérience. Au Brésil, par exemple, où l’expérience s’est déroulée sur deux années scolaires, les enseignants ayant participé à l’expérience la première année ont joué un rôle actif en tant que tuteurs des enseignants ayant intégré le projet lors de la deuxième année. Recrutés sur la base de leur profond engagement, le rôle de ces tuteurs consistait à fournir des conseils d’ordre pédagogique et un soutien pratique aux nouveaux participants en fonction de leur expérience passée, et à assurer la liaison avec les coordinateurs locaux du projet. Dans l’équipe américaine (Vista), un ensemble d’ateliers de formation professionnelle organisés après les cours a été mis en place pour les enseignants, sur leur propre campus, leur permettant ainsi partager des idées, processus et résultats. Ces ateliers mettaient à la disposition des enseignants un espace privilégié pour qu’ils puissent réfléchir à leur niveau de progression par rapport au processus d’enseignement pour la créativité et l’esprit critique. Ils pouvaient y lire des articles de recherche, puis en discuter, et partager leurs opinions personnelles quant au changement d’orientation de l’enseignement pour développer l’esprit critique et la créativité. Le chapitre Chapitre 5 analyse plus en profondeur les possibilités d’apprentissage par les pairs dans le cadre de plans de formation professionnelle.
Évolution de la performance des élèves
Les enseignants ont également été invités à décrire, en fonction de leur propre perception, l’impact de l’expérience sur un ensemble de performances des élèves. Le graphique Graphique 6.13 présente les résultats pour ces items des questionnaires. En moyenne dans les différentes équipes, près de la moitié des enseignants ont fait part d’un impact très positif sur la motivation et l’engagement de leurs élèves à l’égard de la matière enseignée ainsi que sur leur plaisir à l’égard des cours, tandis que plus d’un tiers des enseignants ont signalé des effets positifs modérés. Par ailleurs, près des trois quarts des enseignants dans le groupe expérimental ont fait état d’un effet positif sur le climat en classe, avec notamment 37 % ayant perçu des améliorations significatives.
Le retour d’information reçu à l’occasion des entretiens et groupes de discussion confirme non seulement qu’il y a eu un impact positif sur les comportements des élèves, mais également que cela a principalement concerné les élèves peu performants ou ne faisant pas preuve d’engagement, comme l’ont observé les enseignants de plusieurs équipes. Les témoignages des enseignants des équipes brésilienne, indienne, russe et slovaque ont confirmé un niveau d’engagement plus important des élèves, étant donné que de nombreuses activités testées lors de l’expérience permettaient aux élèves de s’approprier davantage leur apprentissage, conduisant à un plaisir accru et des climats plus positifs en classe. Les enseignants de l’équipe américaine (Vista) ont associé les niveaux supérieurs d’engagement aux tâches libres qui ont aidé les élèves à établir des liens avec leurs propres centres d’intérêt et autorisé diverses solutions. Les élèves semblaient développer un sentiment plus positif à l’égard de leur travail lorsque la diversité était explicitement saluée dans le cadre de leurs résultats. Il convient de noter que dans plusieurs équipes les professionnels de l’éducation ont observé que ces évolutions concernaient notamment les élèves qui craignaient de faire part spontanément de leurs idées et solutions dans des plans de cours plus traditionnels. Par exemple, les enseignants de l’équipe brésilienne ont constaté que les élèves peu performants s’impliquaient plus dans des tâches où leurs idées et propositions ne seraient pas jugées comme étant bonnes ou mauvaises. Les enseignants de l’équipe espagnole (Madrid) ont également fait part d’une participation plus active en classe parmi les élèves éprouvant des difficultés d’apprentissage dans des plans de cours élaborés et mis en œuvre dans le cadre du projet.
Les évaluations réalisées par les enseignants de l’impact de l’expérience sur la compréhension qu’ont les élèves du contenu d’une matière ainsi que sur leurs compétences en créativité et en esprit critique sont systématiquement positives, bien que d’une moindre ampleur que dans le cas des résultats liés aux comportements. En moyenne dans les équipes, près d’un quart des enseignants ont estimé que l’expérience avait donné lieu à d’importantes améliorations pour les élèves, contre environ la moitié ayant perçu des effets positifs modérés. Les déclarations des chefs d’établissement dans les groupes expérimentaux ont confirmé celles des enseignants. En moyenne dans les équipes, neuf chefs d’établissement sur dix ont déclaré être d’accord ou totalement d’accord avec les affirmations selon lesquelles l’expérience a contribué à accroître les possibilités d’apprentissage pour les élèves et a conduit à une évolution positive de leur motivation et engagement (voir le tableau Tableau 6.12).
Enfin, environ 80 % des enseignants ont indiqué que l’expérience favorisait l’autonomie des élèves en tant qu’apprenants, y compris 25 % ayant perçu une amélioration substantielle à cet égard. Le retour d’information qualitatif indique que les enseignants ont estimé que bon nombre des plans de cours élaborés pour le projet avaient offert aux élèves plus de possibilités de résoudre des problèmes de manière autonome par rapport aux cours traditionnels, et avaient conféré aux enseignants un rôle consistant davantage à orienter les élèves qu’à les diriger. Le chapitre Chapitre 4 examine la manière dont l’équilibre entre structure et ouverture s’instaure dans les plans de cours du projet.
Observations principales
Dans le monde entier, la créativité et l’esprit critique sont de plus en plus présentes dans les cadres conceptuels des programmes de cours. Toutefois, dans la majorité des systèmes d’éducation, les enseignants ne disposent pas de consignes précises pour enseigner ces compétences dans leur pratique quotidienne, en même temps que les connaissances des matières enseignées et les connaissances procédurales. Pour commencer, les professionnels de l’éducation et les concepteurs des programmes de cours doivent davantage s’accorder sur la compréhension des expressions de la créativité et de l’esprit critique dans le cadre de l’enseignement et l’apprentissage d’une matière spécifique. Les enseignants doivent également bénéficier d’un soutien et d’espaces privilégiés pour adopter, progressivement mais de façon constante, les approches pédagogiques et d’évaluation qui encouragent les élèves à développer leur créativité et leur esprit critique, et à en faire la démonstration.
Les résultats du projet OCDE-CERI montrent un large soutien de la part d’enseignants provenant de 11 pays en faveur de la promotion de la créativité et de l’esprit critique chez les élèves, et fournissent des éléments probants qui confirment la volonté et la capacité des enseignants à tester des approches et outils innovants pour développer ces compétences. Même si la participation au projet s’est faite sur la base du volontariat, les enseignants participants semblent avoir des profils similaires à ceux de leurs pairs dans leur pays respectif, du moins lorsque des statistiques représentatives comparables étaient disponibles. Les enseignants de toutes les équipes se ralliaient à l’idée que la créativité et l’esprit critique sont des compétences malléables pouvant se développer dans le cadre scolaire et dans toutes les matières du programme. Toutefois, les enseignants ont rencontré de grandes difficultés à évaluer la progression des élèves sur le plan des compétences en créativité et en esprit critique, et à proposer des critères d’évaluation. Si les convictions des enseignants sur la créativité et l’esprit critique concordent en grande partie, les résultats semblent néanmoins indiquer qu’ils trouvent l’esprit critique mieux intégré dans les programmes actuels et plus facile à évaluer que la créativité.
Le travail de terrain au sein du réseau international a permis aux enseignants de tester et de s’approprier un éventail d’outils et de techniques pédagogiques visant à promouvoir la créativité et l’esprit critique. Les enseignants des différentes équipes ont testé les référentiels de compétences du projet et autre matériel à des fins diverses, de la modification ou de l’élaboration de plans de cours dans leur programme à la mise en place d’un retour d’information plus structuré à l’intention des élèves. Parmi ces diverses applications, la structure et le vocabulaire des référentiels de compétences du projet sont venus compléter les possibilités de formation professionnelle en aidant les enseignants à passer d’efforts implicites et épisodiques à une pratique plus explicite et systématique au service du développement de ces compétences chez leurs élèves.
Le projet a également montré la réelle volonté des enseignants à s’impliquer dans des communautés professionnelles d’apprentissage pour l’innovation dans l’éducation. Au sein des équipes, plus de 400 enseignants du primaire et du secondaire ont été intégrés dans le groupe expérimental, accédant ainsi à de nouvelles ressources et possibilités de formation. Le plus souvent, les enseignants ont testé ces outils et ces concepts en collaboration avec leurs pairs, en travaillant de concert afin d’adapter les outils à leur contexte local, et en échangeant avec leurs collègues au sujet de leurs expériences en classe.
Si leurs attitudes et pratiques ont évolué, elles ne sont pas toutes allées dans le même sens. La plupart d’entre eux disent à présent mieux comprendre les tenants et les aboutissants de la créativité et de l’esprit critique en milieu scolaire, et se montrent désormais plus constants dans leurs efforts pour développer ces compétences. Ces changements sont remarquables compte tenu de la durée relativement courte de l’expérience, tout comme l’évolution positive systématiquement perçue par les enseignants de l’engagement de leurs élèves face à ces cours remaniés. Parallèlement, nombre d’enseignants se sont sentis vulnérables en prenant davantage conscience de l’évolution nécessaire de leurs pratiques habituelles, notamment de leur relation avec les élèves. En incitant les enseignants à s’approprier une formulation plus explicite de la créativité et de l’esprit critique et des approches pédagogiques plus cohérentes, l’expérience a probablement aussi « jeté le doute » sur de nombreuses convictions intuitives que les enseignants possédaient quant à ces compétences et à leur capacité personnelle à favoriser leur développement.
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Annexe A. Listes des tableaux disponibles en ligne
Les tableaux suivants sont uniquement disponibles en format électronique.
Chapitre 6. Attitudes et pratiques des enseignants relatives à la créativité et l’esprit critique
Notes
← 1. Le projet s’est appuyé sur un plan d’échantillonnage dirigé, avec le recrutement d’équipes, d’établissements et d’enseignants essentiellement en fonction d’un intérêt commun pour les priorités du projet. Les échantillons de participants ne prétendent pas être représentatifs de leur système d’éducation respectif.
← 2. Il incombait aux coordinateurs locaux de traduire les instruments et de les administrer par le biais d’épreuves informatisées ou papier-crayon, en fonction des réalités locales.
← 3. Ces problèmes peuvent survenir lorsque les enseignants répondent en utilisant des échelles de Likert pour indiquer l’importance qu’ils accordent à une pratique déterminée ou leur degré d’accord avec un concept donné relatif à l’enseignement et l’apprentissage. La validité et la comparabilité interculturelle du construct peuvent donc être partiellement compromises.
← 4. Sur les 728 enseignants ayant pris part au projet, 90 d’entre eux ont participé à deux cycles de l’intervention au cours de deux années scolaires différentes dans leur équipe respective (hongroise, indienne, thaïlandaise et américaine [Vista]). Le nombre d’enseignants participants indiqué dans les tableaux statistiques est de 818, dans la mesure où ce chiffre tient mieux compte du nombre de classes impliquées dans le projet. Les données tirées des questionnaires du panel pour ces 90 enseignants ont été traitées séparément tout au long du chapitre, car l’analyse statistique n’avait fait état d’aucune différence significative dans le profil des réponses entre les deux années scolaires à l’étude.
← 6. Les taux de réponse les plus élevés ont été observés dans l’équipe thaïlandaise (91 %) et les plus faibles dans les équipes américaine (Montessori), russe et slovaque (25 % au plus), tandis qu’ils oscillent entre 40 et 60 % pour la majorité des équipes. Aucun questionnaire n’est disponible pour l’autre équipe américaine (Vista).
← 7. La taille restreinte des échantillons du panel d’enseignants (longitudinaux) empêche toute analyse solide des doubles différences. Une fois divisés pour comparer les résultats entre les enseignants dans le groupe de contrôle et ceux dans le groupe expérimental, le faible nombre de réponses ne permet pas de disposer d’une puissance statistique suffisante pour distinguer les effets réels de la variation aléatoire. Étant donné que les comparaisons avant et après intervention s’accompagnent d’une grande marge d’incertitude, la prudence est donc de mise pour l’interprétation des résultats. Même pour les échantillons plus grands des équipes hongroise et thaïlandaise, les données des questionnaires issues de la première phase du projet ne permettent pas de déduire d’inférences causales importantes concernant les impacts. Pour plus de détails sur la méthodologie, veuillez consulter l’annexe technique .
← 8. La décision d’axer les analyses des évolutions uniquement sur les sous-échantillons du panel des équipes hongroises et thaïlandaises repose sur plusieurs critères. Il s’agit en effet des seuls échantillons à inclure au moins 30 enseignants ayant rempli les questionnaires avant et après l’intervention, à s’appuyer sur une juste répartition des répondants entre le groupe expérimental et le groupe de contrôle (entre 45 et 55 % pour chaque groupe), à représenter plus de 50 % du nombre total d’enseignants participants dans leur équipe et à représenter plus de 80 % du nombre d’enseignants ayant rempli les questionnaires avant l’intervention dans leur équipe (voir le tableau Tableau 6.1).
← 9. Les capsules ont été conçues et testées pour la première fois à l’occasion du projet OCDE-CERI. Elles permettent d’évaluer le degré de conformité des répondants avec le cadre conceptuel du projet tel qu’il figure dans les grilles de référence, plutôt qu’avec d’autres définitions consensuelles ou savantes de la créativité ou l’esprit critique. L’ordre escompté des scénarios dans les capsules est déterminé en fonction des deux conditions suivantes : 1) l’identification de la structure hiérarchique présumée des trois scénarios en termes de niveaux de compétence en créativité ou esprit critique ; et 2) l’identification des exemples situés dans la partie supérieure et inférieure de la capsule comme représentant, respectivement, les niveaux les plus élevés et les plus faibles. Si elles ne font pas encore l’objet d’une validation psychométrique solide, les capsules du projet représentent une innovation prometteuse pour l’étude de la créativité et de l’esprit critique en milieu scolaire. Pour plus de détails, veuillez consulter l’annexe technique .
← 10. Pour ce qui est des pratiques pédagogiques, les enseignants ont déclaré le nombre de fois où ils avaient utilisé chaque pratique spécifique au cours des 4 dernières semaines ; et au cours des 12 dernières semaines s’agissant des pratiques d’évaluation. Dans les deux cas, les fréquences relatives (c’est-à-dire le pourcentage de cours pendant lesquels la pratique est utilisée) ont été calculées à partir des informations sur le nombre d’heures d’enseignement par semaine.