Le présent chapitre aborde les engagements pris et les expériences menées par les différentes équipes participant au projet OCDE-CERI en faveur du renforcement de la capacité des enseignants à développer la créativité et l’esprit critique et à évaluer ces deux compétences. Les coordinateurs des équipes locales se sont appuyés sur trois types de mesures pour concevoir leurs stratégies de développement professionnel, à savoir : des sessions de formation, un suivi personnalisé des enseignants et la mise en place d’un dialogue et d’une collaboration entre pairs. Solliciter le soutien des chefs d’établissement et des responsables du système d’éducation s’est également avéré essentiel pour offrir aux enseignants des conditions propices à l’apprentissage professionnel. Les équipes ont accordé à ces mesures divers degrés d’importance étant donné que leur pertinence et leur efficacité dépendaient des spécificités de chaque contexte à l’échelle locale.
Développer la créativité et l’esprit critique des élèves
Chapitre 5. Plans de développement professionnel des enseignants
Abstract
Introduction
L’évolution des pratiques pédagogiques exige un certain accompagnement. Toutes les équipes nationales prenant part au projet OCDE-CERI ont été invitées à mettre en place un plan de développement professionnel minimal et encouragées à fournir un appui aux enseignants durant toute la phase de mise en œuvre du projet. La majorité d’entre elles ont profité de l’occasion qui leur était offerte et ont rassemblé des informations sur la façon dont elles avaient soutenu l’apprentissage professionnel des enseignants participants.
Ce chapitre présente et analyse les stratégies élaborées au service du renforcement de la capacité des enseignants à développer la créativité et l’esprit critique et à évaluer ces deux compétences en classe. Définies en fonction du contexte local, ces stratégies de développement professionnel variaient considérablement d’une équipe à l’autre. Dans la mesure où les participants ont disposé d’une grande autonomie dans la conception de leurs stratégies, cette variabilité permet de tirer plusieurs leçons préliminaires.
Ce chapitre met également à profit les rapports préparés par les coordinateurs de chaque équipe. Ces rapports fournissent des informations contextuelles relatives à leur expérience du projet ainsi que des constatations qualitatives émises sur la base de leurs propres observations et des retours d’expérience des participants (enseignants, chefs d’établissement, responsables du système d’éducation ou élèves). Après une première section portant sur l’analyse des mesures de développement professionnel instaurées par les équipes participant au projet, il met en évidence les principales leçons tirées des plans de développement professionnel mis en œuvre par les équipes nationales afin de soutenir les enseignants participants à développer la créativité et l’esprit critique de leurs élèves.
Composantes essentielles des plans de développement professionnel des enseignants
Dans le cadre du projet OCDE-CERI, les équipes nationales ont mis en œuvre des stratégies en faveur du développement professionnel des enseignants en vue de développer en classe la créativité et l’esprit critique en s’appuyant sur plusieurs mesures. Les équipes ont été priées d’organiser, au minimum, une formation d’introduction d’une journée au début du projet afin de présenter aux enseignants le matériel, les objectifs et les approches pédagogiques proposées dans le cadre du projet. À l’exception de cette condition commune à tous, les coordinateurs étaient libres de concevoir les plans de développement professionnel de leur choix en fonction de leur intérêt, de leur capacité et du contexte à l’échelle locale.
La grande majorité des coordinateurs des équipes locales a décidé de proposer aux enseignants des plans de développement professionnel plus poussés ne se limitant pas aux exigences minimales requises. Outre la présentation des concepts et outils du projet, ils ont conçu des stratégies visant à soutenir les enseignants dans la mise en œuvre de nouvelles activités pédagogiques en classe et à les encourager à réfléchir à leurs pratiques pédagogiques.
Dans le cadre de leurs plans de développement professionnel, les coordinateurs des équipes locales se sont appuyés sur trois types de mesures, à savoir : des sessions de formation, un suivi personnalisé des enseignants et la mise en place d’un dialogue entre pairs. Le quatrième pilier de leur stratégie a consisté à solliciter le soutien des chefs d’établissement et responsables du système d’éducation pour favoriser la mise en œuvre des trois mesures précédemment citées.
Les différents aspects de ces plans de développement professionnel font l’objet d’une analyse dans les sections suivantes. Afin d’illustrer certaines pratiques spécifiques adoptées par les équipes au cours du projet, cette analyse est complétée par des exemples concrets tirés de l’expérience acquise par ces diverses équipes.
Formation
La littérature relative au développement professionnel des enseignants insiste sur l’utilité des programmes de formation pour doter officiellement les enseignants des connaissances nécessaires afin qu’ils améliorent leurs compétences professionnelles (Hoban et Erickson, 2004 [1] ). Cette mesure fait toutefois l’objet de nombreuses critiques pour deux raisons principales, à savoir le fait qu’elle soit trop éloignée des pratiques des enseignants au quotidien et qu’elle considère ces derniers non pas comme de véritables acteurs de leur propre développement professionnel mais comme des bénéficiaires passifs de connaissances (Avalos, 2011 [2] ; Clarke et Hollingsworth, 2002 [3] ; Borko, 2007 [4] ). À cet égard, ses détracteurs plaident en faveur de la conception de programmes de formation directement intégrés aux activités quotidiennes des enseignants et s’inscrivant dans leur contexte immédiat (Opfer, 2016 [5] ; Kraft, Blazar et Hogan, 2018 [6] ; OCDE, 2019 [7] ).
Dans le cadre d’un projet dont l’objectif consiste à faire évoluer les pratiques pédagogiques, les enseignants peuvent immédiatement mettre en pratique les connaissances acquises lors de la formation, ou du moins tenter de les appliquer, de sorte que la formation reste similaire à la pratique quotidienne des enseignants. La majorité des équipes a élaboré des programmes de formation étroitement liés à la réalité professionnelle des enseignants et d’une grande utilité pour renforcer la capacité de ces derniers à favoriser en classe le développement de la créativité et de l’esprit critique. Ces programmes de formation mis en œuvre par les diverses équipes présentaient néanmoins des différences en termes de type, intensité, fréquence, activités et méthodes d’apprentissage à l’intention des enseignants.
Divers types de formation pour différents contextes
Les programmes de formation constituaient une composante essentielle de tous les plans de développement professionnel mis en œuvre dans le cadre du projet OCDE-CERI. Le type de programmes de formation variait cependant grandement d’une équipe à l’autre. Si certaines s’appuyaient uniquement sur la tenue d’une seule session d’introduction en amont de l’expérience, d’autres organisaient de multiples sessions de formation pendant toute la durée du projet. Les sessions d’introduction avaient pour but de présenter le projet aux enseignants, de les sensibiliser aux objectifs visés et de leur fournir les informations nécessaires pour garantir une mise en œuvre adéquate de l’expérience. Par ailleurs, les sessions de formation supplémentaires visaient à améliorer la compréhension des enseignants quant aux approches ou méthodes pouvant les aider à transposer les objectifs du projet dans leurs pratiques pédagogiques.
Les sessions d’introduction pouvaient représenter une solution appropriée pour le développement professionnel des enseignants qui faisaient déjà preuve d’une certaine motivation à faire évoluer leur enseignement et qui disposaient d’un socle de connaissances solide sur les pratiques à mettre en place. Toutefois, dans les faits, ces seules sessions d’introduction étaient rarement suffisantes pour répondre aux besoins de développement professionnel que nécessitait un tel projet. Les objectifs de l’expérience constituaient souvent une nouveauté pour les enseignants, à l’instar des référentiels de compétences utilisés comme outil pédagogique et de certaines des pratiques connexes. Si une unique session pouvait susciter de l’intérêt, elle n’entraînait généralement pas une appropriation et une utilisation de ces référentiels et de leurs concepts de la part des enseignants, à moins que soient mises en place d’autres possibilités d’apprentissage. En général, les équipes qui n’organisaient qu’une seule session sur la créativité et l’esprit critique mettaient en œuvre une pédagogie-signature pour laquelle les enseignants bénéficiaient d’un accompagnement (voir le chapitre Chapitre 3 pour une analyse plus détaillée des différentes pédagogies-signatures). Cependant, la formation s’avérait particulièrement utile lorsqu’elle consistait en plusieurs sessions organisées à intervalles réguliers et de manière continue pour mettre l’accent sur la créativité, l’esprit critique et le matériel du projet.
Au cours du projet, les programmes de formation se sont révélés particulièrement pertinents concernant deux aspects essentiels. D’une part, ils se sont avérés utiles pour présenter aux enseignants les concepts de créativité et d’esprit critique ainsi que le matériel du projet. Et d’autre part, ils ont offert aux enseignants la possibilité d’explorer activement de nouvelles approches pédagogiques et de réfléchir à leurs propres pratiques.
Appropriation des concepts et outils du projet
Dans la majorité des équipes participantes, les concepts de créativité et d’esprit critique ont été présentés aux enseignants à l’aide du référentiel de compétences initial de l’OCDE et de la série d’activités pédagogiques élaborées au début du projet. Dans quelques rares cas, le référentiel des « cinq modes de pensée créative » (Lucas, Claxton et Spencer, 2013 [8] ) a été utilisé à la place du référentiel mis au point par l’OCDE. Les coordinateurs des équipes ont également eu recours à divers types d’outils ou d’approches supplémentaires pour orienter les enseignants et leur permettre d’envisager une classe dans laquelle les élèves développeraient leur créativité ou leur esprit critique, comme dans le modèle dit de « classe à fonctionnement optimal » (CCE, 2012 [9] ). Les équipes ont donc formé et accompagné les enseignants pour qu’ils maîtrisent l’utilisation du référentiel (ou un outil alternatif) à plusieurs fins pédagogiques : adapter et concevoir des activités pédagogiques, expliciter les concepts de créativité et d’esprit critique pour les élèves, mener des évaluations tant formatives que sommatives, etc. (voir le chapitre Chapitre 2 pour une analyse plus détaillée des référentiels de compétences).
La familiarisation des enseignants avec le référentiel et ses implications pour la pratique professionnelle a constitué un processus exigeant et souvent progressif. Plusieurs équipes ont adopté une approche méthodique pour favoriser l’acquisition de connaissances par les enseignants. Dans un premier temps, les pratiques des enseignants ont fait l’objet d’une modification de faible ampleur. Dans certaines équipes, les enseignants ont travaillé à partir de brèves activités pédagogiques conçues par des spécialistes externes, et expérimenté en classe un éventail de nouvelles pratiques en vue de repérer celles qui fonctionnaient le mieux avec leurs élèves. D’autres équipes ont quant à elles choisi de travailler à partir de manuels scolaires et de modifier progressivement les cours existants. À mesure que les enseignants amélioraient leur compréhension du projet, les modifications apportées sont devenues de plus en plus importantes jusqu’à conduire à la conception de plans de cours entièrement nouveaux. Même si ces mécanismes ne se sont pas traduits rapidement par une transformation significative des pratiques pédagogiques, les coordinateurs ont déclaré qu’ils s’étaient néanmoins avérés utiles pour assurer que les participants acquièrent de nouvelles connaissances leur permettant de faire preuve d’innovation dans le cadre de leur enseignement. À l’aide d’exemples de plans conçus par les équipes brésilienne et néerlandaise, l’encadré Encadré 5.1 illustre les approches progressives visant à garantir que les enseignants maîtrisent les nouveaux outils fournis dans le cadre du projet ou élaborés au cours de celui-ci.
Encadré 5.1. Plans et mesures pour la présentation des concepts et outils du projet aux enseignants des équipes brésilienne et néerlandaise
Au début du projet, la majorité des enseignants de l’équipe brésilienne avait peu réfléchi de manière explicite à la manière de favoriser le développement de la créativité et l’esprit critique chez les élèves. Le recours aux référentiels de compétences pour l’enseignement et l’évaluation constituait également une nouvelle pratique pour ces enseignants. Afin de remédier à ce problème, les coordinateurs ont choisi de mettre en œuvre une stratégie de développement professionnel entraînant un lent processus d’apprentissage et une progression pas à pas, en commençant par apporter des modifications mineures aux activités existantes pour que les enseignants s’habituent aux méthodes innovantes et également pour s’assurer de l’engagement de ces derniers.
Dans un deuxième temps, les coordinateurs ont mis au point un grand nombre de supports d’appoint (carnets, vidéos, etc.) pour aider les enseignants à s’approprier le référentiel et les approches innovantes promues dans le cadre du projet. Enfin, étant donné que le principe consistant à utiliser ce référentiel comme un outil d’évaluation formative représentait une nouveauté pour les enseignants, ils ont été invités à expérimenter cette méthode lors des sessions de formation, à l’aide d’exercices sur des référentiels de compétences simplifiés spécialement conçus à cette fin. Les coordinateurs ont déclaré que ce processus s’était avéré très utile pour permettre aux enseignants de mieux comprendre les outils et méthodes du projet.
Dans l’équipe néerlandaise, même si les enseignants avaient déjà une certaine expérience des approches pédagogiques préconisées dans le cadre du projet, les méthodes et référentiels de compétences constituaient néanmoins une nouveauté. Les coordinateurs ont par conséquent planifié l’expérience comme un système à plusieurs étapes conçu pour aider les enseignants à acquérir de nouvelles connaissances et maîtriser les nouveaux outils.
Lors de la première session de formation, l’atelier interactif organisé pour présenter le référentiel a donné l’occasion aux enseignants de débattre de certaines questions fondamentales concernant le projet, et notamment : la créativité et l’esprit critique sont-ils des compétences complexes ? Peuvent-ils être enseignés de façon efficace en milieu scolaire ? Des niveaux de progression peuvent-ils être définis ? etc. Ce débat a permis aux enseignants de commencer à s’approprier les objectifs du projet et à remettre en question plusieurs idées préconçues qu’ils avaient à propos de la créativité et de l’esprit critique.
Par la suite, les coordinateurs ont structuré l’expérience en trois principales étapes afin de permettre le développement progressif des capacités professionnelles des enseignants à mettre en œuvre les nouvelles pratiques. Dans un premier temps, les enseignants ont utilisé les plans de cours élaborés par des spécialistes de l’éducation. Puis, ils ont conçu de nouvelles activités selon des critères communs, afin de maintenir un certain niveau de comparabilité entre les activités et faciliter ainsi les discussions et la réflexion collective lors des sessions de formation. Au cours de la troisième étape, les enseignants ont été invités à élaborer de nouvelles activités en jouissant d’une liberté pédagogique totale, c’est à dire sans aucun critère imposé. Après chaque étape, les enseignants ont eu la possibilité de réfléchir à leurs pratiques en collaboration avec des spécialistes externes.
Conférences et ateliers
Le type d’activités proposées dans le cadre de la formation était un troisième aspect important de ces programmes. Les sessions de formation pouvaient se présenter sous forme de cours magistraux ou d’ateliers collaboratifs. Si cette première forme pouvait parfois être privilégiée lors des sessions d’introduction, les activités de suivi consistaient généralement en des ateliers.
Les cours magistraux se sont avérés utiles pour communiquer aux enseignants les concepts et outils du projet. Les équipes ont toutefois déclaré que la majorité des enseignants éprouvait des difficultés à imaginer la façon de transposer dans leurs pratiques pédagogiques ces concepts et outils. À cet égard, les ateliers interactifs invitant les enseignants à débattre et collaborer se sont révélés particulièrement efficaces. Outre le fait d’encourager les enseignants à participer activement à leur apprentissage, ces ateliers ont stimulé l’échange entre pairs et la réflexion des enseignants sur leurs propres pratiques pédagogiques. Afin de créer les conditions propices au dialogue, certaines équipes ont réparti les participants dans des petits groupes de travail. Cela a permis à chaque enseignant de prendre part aux ateliers de façon active et de travailler avec des pairs enseignant des matières similaires à un niveau d’enseignement comparable.
Plusieurs équipes sont parvenues à susciter une participation active des enseignants dans leur apprentissage en concevant des activités de formation adéquates. Le programme adopté au sein de l’équipe espagnole, dont l’encadré Encadré 5.2 propose une description, est un bon exemple de programme de formation ayant favorisé chez les enseignants l’exploration active des nouvelles approches pédagogiques ainsi que la réflexion sur leur pratique professionnelle.
Encadré 5.2. Établir un lien entre, d’une part, le contenu et d’autre part, la pratique professionnelle et les ateliers collaboratifs pour favoriser l’apprentissage actif des enseignants de l’équipe espagnole
Le programme de formation mis en œuvre dans l’équipe espagnole a consisté en cinq sessions organisées pendant toute la durée de l’expérience. Ce programme était particulièrement axé sur l’élaboration d’activités pédagogiques et sur leur mise en œuvre au sein de la classe. Après chaque session de formation, les enseignants se voyaient confier des exercices à préparer à la maison, puis à expérimenter avec leurs élèves. Le formateur utilisait ensuite les résultats de ces exercices pour concevoir la prochaine session de formation. Chaque session débutait par la présentation des principaux problèmes rencontrés par les enseignants dans le cadre de ces exercices ainsi que les stratégies ayant permis de les surmonter. Le formateur proposait ensuite une description des prochaines étapes à accomplir. Grâce à cette méthode, il a été possible d’intégrer la formation aux pratiques professionnelles des enseignants et l’approche par étapes successives a permis une amélioration progressive de leurs compétences professionnelles.
Les coordinateurs ont en outre indiqué une évolution imprévue survenue au cours de la troisième session lorsque le formateur a demandé à chaque enseignant de présenter pendant dix minutes son expérience dans le cadre de la mise en œuvre d’activités pédagogiques visant à développer la créativité et l’esprit critique chez les élèves. À la suite de chaque présentation, les autres enseignants participants ont fait part de leurs commentaires, en mettant en avant les résultats positifs et en formulant des propositions d’amélioration. Ce programme a incité les enseignants à partager leurs points de vue sur les pratiques efficaces et les problèmes rencontrés, tout en leur permettant de s’inspirer des expériences comparables. Le formateur a par la suite constaté une amélioration de la qualité des activités menées par les enseignants chez tous ceux qui avaient participé à cette troisième session de formation. À la lumière de ce résultat, le formateur a décidé de réitérer ce processus de collaboration lors des deux sessions suivantes.
Suivi personnalisé
Au cours du projet, le suivi personnalisé a consisté en plusieurs dispositifs visant à soutenir et accompagner les enseignants dans la mise en œuvre de nouveaux cours accordant plus de place à la créativité et l’esprit critique des élèves. Dans l’ensemble, les objectifs des mesures de suivi personnalisé étaient conformes à ceux des activités de formation : d’une part, maintenir le degré de sensibilisation et de motivation des enseignants à l’égard de l’expérience et, d’autre part, accroître leur compréhension des objectifs du projet et des moyens d’y parvenir. Les activités de suivi se distinguaient toutefois des sessions de formation dans la mesure où elles étaient organisées de façon continue et non pas sporadique. De plus, elles ne se concentraient pas sur un groupe d’enseignants mais bien sur chaque enseignant. À cet égard, les activités de suivi personnalisé ont fourni aux enseignants des possibilités d’apprentissage continu et personnalisé. Enfin, elles étaient généralement organisées au sein même de l’établissement des enseignants, ce qui était rarement le cas des sessions de formation.
Différentes structures pour le suivi personnalisé des enseignants
L’intensité et les conditions du suivi personnalisé proposé aux enseignants variaient d’une équipe à l’autre. À tout le moins, les coordinateurs communiquaient à distance avec les enseignants sur demande de ces derniers. Cependant, dans la majorité des équipes, le suivi personnalisé proposé aux enseignants était davantage structuré. Certaines équipes ont tiré profit du protocole du projet relatif à la collecte des données qualitatives pour mener des entretiens, effectuer des observations en classe et fournir aux enseignants des conseils sur leurs pratiques pédagogiques. Dans plusieurs équipes, les activités de suivi et de soutien ont également eu lieu par le biais de plateformes en ligne.
Le recrutement de médiateurs pour assurer le suivi personnalisé des enseignants a par ailleurs constitué une mesure intéressante dans les équipes qui étaient composées d’un grand nombre d’enseignants. Ces médiateurs étaient souvent des formateurs d’enseignants ou des conseillers pédagogiques en poste dans les établissements d’enseignement. Ils proposaient aux enseignants un retour d’expérience et jouaient le rôle d’intermédiaire pour établir une passerelle entre, d’un côté, les enseignants et, de l’autre, les coordinateurs et les autorités responsables du système d’éducation.
Le profil et l’expérience des experts chargés d’assurer le suivi des enseignants étaient un aspect important de ces mesures. Les activités de suivi personnalisé se sont avérées particulièrement bénéfiques lorsqu’elles étaient menées par des intervenants n’appartenant pas au milieu scolaire. Avec un tel soutien externe, les enseignants ne se sont pas seulement entretenus avec des collègues affichant un état d’esprit similaire, mais ont également été mis au défi d’adopter de nouvelles méthodes de travail. Par ailleurs, ils ont eu accès à une expertise spécialisée dont ils n’auraient pu bénéficier autrement. L’encadré Encadré 5.3 propose plusieurs exemples de mesures adoptées par les équipes durant le projet concernant le suivi personnalisé des enseignants assuré par des intervenants externes.
Encadré 5.3. Accompagnement des enseignants dans les équipes galloise, hongroise, indienne et néerlandaise
Plusieurs équipes participant au projet ont proposé un suivi personnalisé à leurs enseignants. L’équipe indienne a, par exemple, entamé une collaboration avec des spécialistes du Conseil national indien de recherche et de formation pédagogique (NCERT). Ces spécialistes ont premièrement conçu des activités pédagogiques que les enseignants devaient utiliser en classe. Puis, lors des étapes ultérieures, ces spécialistes du NCERT ont accompagné chaque enseignant dans l’élaboration de nouvelles activités pour développer la créativité et l’esprit critique chez les élèves.
Aux Pays-Bas, les coordinateurs de l’équipe locale ont veillé à ce que chaque enseignant bénéficie de deux interlocuteurs spécialisés, à savoir : un chercheur issu de l’équipe de coordination et un spécialiste en pédagogie dans leur domaine (mathématiques, sciences ou arts visuels). Ce programme de tutorat a permis de fournir aux enseignants des conseils personnalisés sur des aspects liés aux activités et objectifs spécifiques du projet, ainsi que sur la pertinence de leurs pratiques pédagogiques dans leur ensemble.
Dans les équipes galloise et hongroise, l’accompagnement des enseignants était au cœur de la stratégie de développement professionnel. L’expérience était structurée autour d’une étroite collaboration au sein même de la classe entre des enseignants et des artistes, dans le but de mettre en œuvre des activités pédagogiques innovantes. Des médiateurs externes ont supervisé cette collaboration et se sont assurés que l’expérience demeure conforme aux objectifs pédagogiques fondamentaux du projet. La présence d’artistes a permis la mise en place de nouvelles méthodes de travail dans les établissements participants et a offert aux enseignants l’occasion de développer leurs compétences en créativité. La confrontation entre les normes professionnelles des artistes et celles des enseignants a également conduit ces derniers à réfléchir à leur pratique professionnelle et a, dans l’ensemble, favorisé l’apprentissage. Il y a eu, en effet, dans la stratégie adoptée par ces équipes une répartition nette des différentes tâches, de manière à ce que l’artiste reste dans son rôle et n’intervienne pas en tant que suppléant de l’enseignant.
Répondre aux besoins particuliers de chaque enseignant
Les activités de suivi personnalisé ont fourni aux enseignants des possibilités d’apprentissage personnalisé ainsi que des conseils adaptés en fonction de la situation et des besoins de chacun. Dans certaines équipes, ces activités ont permis aux enseignants d’acquérir des connaissances supplémentaires et de maîtriser d’autres méthodes qui ne faisaient pas directement partie des approches et outils promus dans le cadre du projet, mais qui se sont toutefois avérés très utiles pour favoriser le développement de la créativité et l’esprit critique chez les élèves. À titre d’exemple, plusieurs équipes ont proposé aux enseignants un accompagnement visant à améliorer leurs compétences en matière d’enseignement et de gestion de la classe, ce qui a contribué à renforcer leur capacité à mettre en œuvre de nouvelles pratiques pédagogiques. Comme illustré dans l’encadré Encadré 5.4, de telles méthodes peuvent se révéler efficaces pour favoriser le développement de la créativité et l’esprit critique en classe.
Encadré 5.4. Développement des compétences en matière d’enseignement et de gestion de la classe dans les équipes néerlandaise et thaïlandaise
Durant le projet, plusieurs équipes ont mis à profit le développement des compétences en matière d’enseignement et de gestion de la classe afin d’améliorer la confiance des enseignants et leur capacité à expérimenter de nouvelles approches pédagogiques. Ces compétences ont conféré aux enseignants la capacité de définir des objectifs d’apprentissage clairs, établir une stratégie pédagogique pour atteindre ces objectifs, reconnaître les réussites et les échecs, et identifier les domaines susceptibles d’être améliorés. L’exemple des équipes néerlandaise et thaïlandaise est particulièrement intéressant, car les coordinateurs ont fait état de progrès significatifs dans la capacité professionnelle des enseignants à favoriser le développement de la créativité et de l’esprit critique après avoir mis au point des méthodes pédagogiques plus génériques. Dans ces deux pays, les ressources de la boîte à outils pédagogique, c’est-à-dire les référentiels de compétences et les activités pédagogiques, étaient au centre de ce processus.
L’équipe thaïlandaise a mis en œuvre un vaste plan de formation et de suivi personnalisé pour permettre aux enseignants de mieux comprendre la signification de ces référentiels et leurs utilisations potentielles. Les coordinateurs ont insisté sur le fait que ce processus a finalement mis à la disposition des enseignants davantage de règles et de procédures grâce auxquelles ils ont pris l’habitude de définir des objectifs d’apprentissage avec leurs élèves et de mettre en œuvre un système par étapes pour atteindre ces objectifs. En outre, les enseignants participants ont indiqué que l’expérimentation de nouvelles approches pédagogiques en utilisant les référentiels de compétences avait amélioré leur satisfaction et leur confiance à l’égard de leur travail.
Dans l’équipe néerlandaise, le développement des compétences en matière d’enseignement et de gestion de la classe a eu lieu grâce à la mise en œuvre au sein de la classe des nouvelles activités conçues par des spécialistes externes et à la réflexion ultérieure sur leurs pratiques pédagogiques. Selon les enseignants, et notamment ceux en charge des cours d’arts visuels, les nouvelles activités ont constitué une véritable « révélation », dans la mesure où les outils et méthodes promus pour développer la créativité et l’esprit critique les ont dotés de connaissances supplémentaires pour orienter l’apprentissage des élèves et mieux structurer leur enseignement. Avec la mise en pratique des nouvelles approches, les enseignants ont amélioré leur capacité à définir à l’avance des objectifs d’apprentissage clairs, fournir aux élèves des repères spécifiques dans le cadre de leur apprentissage et établir un lien entre ces repères et les méthodes et activités pédagogiques pertinentes.
Les avantages relatifs au renforcement des compétences en matière d’enseignement et de gestion de la classe ne se sont pas limités au développement de la créativité et l’esprit critique chez les élèves. À la fin de l’expérience, les enseignants participants dans les équipes néerlandaise et thaïlandaise ont déclaré avoir mieux compris la façon d’encourager le processus d’apprentissage en adoptant ces techniques pédagogiques dans l’ensemble de leurs pratiques.
Les activités de suivi personnalisé ont vraisemblablement eu un impact important sur le développement professionnel des enseignants. Cela a particulièrement été mis en avant par les équipes dans lesquelles les enseignants étaient moins coutumiers des pratiques et objectifs promus dans le cadre du projet. Dans ce contexte, les coordinateurs ont souvent déclaré que les enseignants avaient besoin d’être motivés et encadrés par un tuteur pour assimiler les nouveaux concepts, utiliser la boîte à outils pédagogique du projet et mettre en œuvre de nouvelles pratiques pédagogiques. À cette fin, un accompagnement renforcé des enseignants dans leurs pratiques quotidiennes s’est avéré efficace en complément des sessions de formation qui, en soi, ne pouvaient pas garantir le même développement continu des capacités professionnelles des enseignants.
Dialogue entre pairs
Dans la littérature scientifique, la participation des enseignants à des réseaux professionnels grâce auxquels ils peuvent discuter et partager des idées avec leurs pairs a été considérée comme une forme innovante et extrêmement efficace de développement professionnel (Trust, Krutka et Carpenter, 2016 [10] ; Bolam et al., 2005 [11] ; OCDE, 2019 [7] ). Au sein des réseaux collaboratifs, le dialogue entre pairs permet aux enseignants d’enrichir collectivement leurs connaissances, de se soutenir mutuellement en fonction des besoins de chacun et de collaborer afin d’apporter des innovations dans leurs pratiques (Paniagua et Istance, 2018 [12] ).
Lors du projet OCDE-CERI, le soutien dont ont bénéficié les enseignants grâce au dialogue entre pairs était similaire à celui obtenu dans le cadre des activités de suivi personnalisé, dans la mesure où il était proposé de façon continue et personnalisée. Par contraste, ce soutien n’était pas assuré par des intervenants extérieurs à la profession, mais bien par des collègues enseignants. Il a ainsi constitué un outil complémentaire utile au suivi réalisé par les spécialistes externes, en permettant aux enseignants d’acquérir et de partager des types de connaissances plus implicites en lien direct avec leur pratique et contexte professionnels.
Les équipes locales ont tablé sur différents moyens pour promouvoir le dialogue entre pairs. Dans tous les cas, ces stratégies se sont révélées utiles pour soutenir les enseignants et encourager leur implication dans le projet.
Différentes méthodes pour favoriser le dialogue entre pairs
Les équipes participant au projet ont encouragé le dialogue entre pairs de diverses façons. Certaines se sont servies des sessions de formation comme d’un espace de discussion pour permettre aux enseignants de collaborer et d’échanger des idées. Tandis que d’autres ont encouragé la collaboration entre enseignants d’un même établissement ou campus, en organisant à l’échelle locale des réunions et ateliers pour la conception de nouvelles activités pédagogiques. Dans quelques rares cas, un dialogue entre pairs au sein d’un même établissement s’est manifesté spontanément lorsque les enseignants ont collaboré au développement des nouvelles activités pédagogiques. Ce phénomène a également été observé chez les enseignants qui ne participaient pas au projet, suite à un effet d’entraînement induit par les pratiques innovantes adoptées par les enseignants prenant part à l’expérience.
Plusieurs équipes ont également utilisé des plateformes virtuelles comme outil de communication et collaboration entre les enseignants. Les technologies du web ont mis à disposition de nouvelles possibilités en matière de dialogue entre pairs, notamment lorsque les participants étaient géographiquement très éloignés les uns des autres.
À un niveau avancé, le dialogue et la collaboration entre pairs peuvent conduire à l’émergence de communautés professionnelles d’apprentissage. Il s’agit de communautés très interactives au sein desquelles les enseignants se rencontrent ou se contactent régulièrement pour échanger des idées, résoudre des problèmes et collaborer en matière de stratégies pédagogiques. L’encadré Encadré 5.5 propose une description des mesures mises en œuvre par l’équipe brésilienne pour promouvoir l’émergence d’une communauté professionnelle d’apprentissage.
Encadré 5.5. Promotion de l’émergence d’une communauté professionnelle d’apprentissage dans l’équipe brésilienne
La collaboration et le dialogue entre pairs ont été systématiquement favorisés dans le cadre de la majorité des activités de développement professionnel mises en œuvre par l’équipe brésilienne. À titre d’exemple, les sessions de formation étaient organisées sous la forme d’ateliers pratiques au cours desquels les enseignants collaboraient à l’adaptation du référentiel ou à l’élaboration d’activités pédagogiques.
Les coordinateurs ont, en outre, créé un réseau de médiateurs, appelés « agents multiplicateurs », pour favoriser la collaboration entre les enseignants. Au début de l’expérience, ces agents multiplicateurs ont organisé des ateliers au sein des établissements en vue de diffuser les informations relatives au projet. Lorsque les enseignants ont commencé à mettre en œuvre les nouvelles pratiques, ces agents ont observé le déroulement des cours, échangé avec les enseignants et chefs d’établissement et pris note des actions menées. En se rendant dans un nombre croissant d’établissements, ils ont été en mesure de repérer les meilleures pratiques et de les partager avec des enseignants provenant de différents campus.
Au cours des étapes ultérieures, lorsque les agents multiplicateurs ont recensé des occasions propices à l’échange de connaissances, ils ont invité les enseignants à présenter leur expérience à des pairs en poste dans d’autres établissements. Cet exercice a permis d’amplifier le processus dans la mesure où après avoir assisté à des présentations, un nombre croissant d’enseignants ont demandé d’exposer leur propre expérience et d’en débattre. Pour reprendre les termes employés par les coordinateurs du projet, les enseignants sont devenus plus enthousiastes et leur confiance en leur capacité de progresser s’est diffusée au sein du groupe. D’après les coordinateurs, les agents multiplicateurs ont joué un rôle fondamental dans le processus de création d’une communauté professionnelle d’apprentissage entre les établissements.
Enfin, les coordinateurs ont mis au point une plateforme en ligne pour promouvoir la collaboration entre tous les participants. Ils ont invité les enseignants, les chefs d’établissement et les agents multiplicateurs à y publier des idées et du matériel, poser des questions, répondre aux demandes des autres utilisateurs et proposer des commentaires et retours d’expérience. Au lancement de la plateforme en ligne, les coordinateurs et agents multiplicateurs étaient à l’origine de la majorité des contributions. Toutefois, à mesure que l’expérience se déroulait, les enseignants ont pris l’habitude de partager leurs pratiques et de formuler des commentaires, rendant ainsi la plateforme moins dépendante de l’apport de l’équipe de coordination.
Soutenir les enseignants et favoriser leur engagement
Dans plusieurs équipes, le dialogue entre pairs a offert aux enseignants un soutien d’ordre pratique et psychologique. Du point de vue de la pratique, ce dialogue a permis aux enseignants de trouver des solutions à des problèmes communs et de partager des connaissances, expériences et meilleures pratiques. Il les a également aidés à remettre en cause des idées préconçues et des hypothèses négatives, en mettant en avant des données probantes fondées sur la réalité professionnelle des enseignants. Sur le plan psychologique, le dialogue entre pairs a permis aux enseignants de surmonter l’inquiétude ou l’embarras naturel face à de nouvelles approches ou à l’adoption de pratiques moins familières.
Ce dialogue s’est également avéré utile pour favoriser l’apprentissage des enseignants et encourager la réflexion sur leurs pratiques pédagogiques. L’encadré Encadré 5.6 présente l’expérience menée par l’équipe Vista Unified District (États-Unis), dans laquelle le dialogue entre pairs a donné lieu à un processus avancé de réflexion collective.
Même si les mesures visant à encourager le dialogue entre pairs peuvent se révéler très intéressantes pour le développement professionnel des enseignants, elles doivent souvent être suivies de près. Plusieurs coordinateurs d’équipe ont mis en avant la nécessité de prendre en compte la dimension psychologique de l’implication des enseignants dans l’expérience et d’accorder une attention particulière au fait d’offrir aux enseignants un environnement bienveillant, respectueux et positif. Ils ont également souligné l’importance de préserver, tout au long de l’expérience, la propension des enseignants à partager des idées et à se soutenir mutuellement en établissant un mécanisme d’interaction respectueux au sein duquel ils peuvent discuter librement sans crainte d’être jugés. Des efforts continus ont toutefois dû être déployés par les coordinateurs des équipes locales afin de créer ces conditions.
Encadré 5.6. Dialogue entre pairs pour favoriser la réflexion collective parmi les enseignants de l’équipe Vista Unified District (États-Unis)
Dans la majorité des équipes ayant pris part au projet, la réflexion collective sur les pratiques pédagogiques a constitué un élément moteur du développement professionnel des enseignants. À cette fin, les coordinateurs ont souvent utilisé la boîte à outils pédagogique (composée des référentiels de compétences et des activités) pour demander aux enseignants de reconsidérer leurs pratiques pédagogiques et remettre en question certaines de leurs habitudes professionnelles. L’expérience de l’équipe Vista Unified District s’est révélée particulièrement intéressante à cet égard.
En effet, dans cette équipe, la réflexion des enseignants a dans un premier temps été nourrie par leur hésitation à travailler avec le référentiel de compétences international qu’ils ne percevaient pas comme un cadre opérationnel directement applicable à leur contexte d’enseignement. Il est intéressant de noter que cette situation ne s’est pas traduite par un engagement de moindre ampleur dans le projet. À l’inverse, elle a suscité des discussions parmi les enseignants, qui ont finalement conçu leur propre ensemble de référentiels de compétences qu’ils ont appelé « continuums ». Ces référentiels de compétences adaptés à l’échelle locale ont ensuite été utilisés pour élaborer de nouvelles activités pédagogiques et évaluer les élèves. Après la mise en œuvre de ces activités en classe, les travaux des élèves ont été rassemblés et ont servi de base à une réflexion à l’occasion de plusieurs réunions. L’objectif consistait à repérer, dans le cadre des cours, les éléments mettant concrètement en évidence le raisonnement des élèves et, ainsi, trouver le moyen d’améliorer les pratiques pédagogiques. Par la suite, les « continuums » ont fait l’objet de nouveaux débats et ont été affinés en fonction des leçons précédemment tirées.
D’après les coordinateurs, le projet a entraîné une évolution progressive de l’état d’esprit des enseignants. L’élaboration et l’utilisation collectives des « continuums » ont guidé leur développement professionnel en les incitant à mener une réflexion sur la créativité et l’esprit critique, approfondir leur compréhension de ces deux notions, établir un lien entre cette réflexion et leurs propres pratiques pédagogiques, et déterminer la manière de cultiver ces compétences chez différents apprenants.
Soutien des chefs d’établissement et des responsables du système d’éducation
De très nombreux articles scientifiques soulignent l’importance pour le développement professionnel des enseignants du soutien proposé par les chefs d’établissement et les responsables du système d’éducation. Ces acteurs ont en effet la capacité de créer une culture de l’innovation au sein des établissements et du système en général, et de lever les obstacles au développement professionnel des enseignants (Darling-Hammond et McLaughlin, 1995 [13] ; Day et al., 2010 [14] ; OCDE, 2018 [15] ; OCDE, 2019 [7] ).
Au cours du projet, la majorité des équipes a déclaré que le soutien des chefs d’établissement et des responsables du système d’éducation avait constitué, à tout le moins, une condition préalable importante pour le développement professionnel des enseignants, et dans le meilleur des cas un puissant levier. En effet, le niveau de soutien qu’ils ont accordé a déterminé les ressources mises à disposition (temps, financement, soutien administratif, etc.) et les éventuelles mesures incitatives réservées aux enseignants prenant part à l’expérience pédagogique.
Les enseignants dans les équipes participantes ont bénéficié de différents niveaux de soutien de la part des administrations scolaires. Les chefs d’établissement étaient à tout le moins informés de l’expérience et devaient donner leur aval à sa mise en œuvre. Dans plusieurs équipes, les autorités responsables des établissements et du système d’éducation ne se sont pas cantonnées à donner leur accord mais se sont engagées à soutenir le projet de manière active. Certains coordinateurs d’équipe ont activement sollicité le soutien des chefs d’établissement et responsables du système d’éducation en les impliquant dans la planification et la mise en œuvre du projet à l’échelle locale. Comme le montre l’encadré Encadré 5.7, l’expérience de l’équipe brésilienne constitue une bonne illustration de ce type d’initiative.
Le soutien des chefs d’établissement et responsables du système d’éducation a parfois conduit à la mise en place de mesures incitatives pour encourager la participation des enseignants au projet. Ces mesures se présentaient sous diverses formes. Certains coordinateurs d’équipe ont offert une indemnité aux enseignants pour compenser le temps de travail supplémentaire qu’ils consacraient au projet, tandis que d’autres ont mis en place une incitation d’ordre budgétaire pour les classes participantes en vue de financer une sortie scolaire de leur choix. Un troisième exemple a consisté à remettre à la fin de l’expérience un certificat de développement professionnel aux enseignants participants.
Si les mesures incitatives peuvent s’avérer utiles, le projet a également montré qu’elles ne constituent pas une solution miracle pour favoriser la participation des établissements et des enseignants à une expérience innovante. Plusieurs équipes ont indiqué que des relations de confiance et une tradition de coopération entre les coordinateurs et les établissements se sont avérées être des facteurs de participation plus déterminants que les incitations financières.
Encadré 5.7. S’assurer de l’engagement des chefs d’établissement et des responsables du système d’éducation au Brésil
Au sein de l’équipe brésilienne, la mise en œuvre du projet a été assurée par une association non gouvernementale œuvrant dans le domaine de l’éducation, la Fondation Ayrton Senna (Instituto Ayrton Senna, IAS), en partenariat avec le ministère de l’Éducation de l’État, le service municipal de l’éducation ainsi que la Fédération de l’industrie de l’État.
Dans le cadre de leur stratégie visant à faciliter la mise en place de l’expérience et le développement professionnel des enseignants, les coordinateurs de l’IAS ont cherché à s’assurer d’un très large soutien de la part des chefs d’établissement et des responsables du système d’éducation, grâce à des échanges et une communication active. Ils ont organisé des visites d’établissements et des réunions avec des autorités responsables de l’éducation appartenant à différents niveaux (des chefs d’établissement aux administrations régionales), en vue de préparer la mise en œuvre du projet, planifier les sessions de formation des enseignants, analyser les résultats et discuter de propositions d’amélioration.
Dans certains établissements, l’engagement des chefs d’établissement a eu un impact significatif sur l’expérience, étant donné qu’ils ont œuvré à la promotion du projet, partagé de la documentation, organisé des ateliers de développement professionnel et apporté une aide régulière pour résoudre les difficultés d’ordre pratique. Ces nouvelles approches ont également convaincu les responsables du système d’éducation à l’échelle régionale. À la fin du projet, ils examinaient des moyens pour, d’une part, amorcer une transformation de l’ensemble du système d’évaluation afin de mettre l’accent sur l’aspect formatif et, d’autre part, intégrer le recours aux référentiels de compétences dans d’autres pratiques pédagogiques.
Des observations de même ordre ont été constatées chez les enseignants. Dans les équipes qui proposaient une incitation financière équivalente à l’ensemble des participants, la propension des enseignants à faire preuve d’innovation dans le cadre de leurs pratiques pédagogiques variait néanmoins. Les enseignants extrêmement motivés ont spontanément adopté le rôle de chef de groupe, ils ont conçu leurs propres plans de cours et occupé une place centrale lors des activités de collaboration. En revanche, plusieurs enseignants ont participé de manière moins active lors des activités de groupe et n’ont mis en œuvre que les activités pédagogiques élaborées par les spécialistes externes. Si ce constat n’a rien de surprenant, il met néanmoins en évidence l’importance de la motivation intrinsèque des enseignants pour la réussite des expériences pédagogiques innovantes.
Dans l’ensemble, le développement professionnel des enseignants a clairement bénéficié d’une communication active avec les chefs d’établissement et/ou les responsables du système d’éducation ; ceux-ci doivent comprendre les objectifs du projet, s’engager dans le processus de transformation et apporter leur soutien aux enseignants. Ces derniers devraient à tout le moins obtenir de la part de leur hiérarchie l’aval et les moyens pratiques nécessaires pour participer à ce type de projet. Idéalement, ce soutien devrait se traduire par la mise en œuvre de dispositions spécifiques pour garantir que les enseignants bénéficient des bonnes mesures incitatives et des meilleures conditions de travail possible pour développer les compétences en créativité et en esprit critique chez leurs élèves.
Les leçons tirées
Plusieurs leçons peuvent être tirées des stratégies mises en place par les équipes nationales participantes pour renforcer les capacités des enseignants à développer la créativité et l’esprit critique.
La première de ces leçons réside dans le fait qu’il est fondamental d’offrir aux enseignants des possibilités d’apprentissage professionnel qui ne se limitent pas au matériel du projet (référentiels de compétences et plans de cours). Dans une certaine mesure, si les ressources pédagogiques sont également essentielles pour une évolution des pratiques professionnelles, elles ne constituent probablement qu’une solution de second choix pour soutenir les enseignants par rapport aux possibilités d’apprentissage et à la formation en présentiel.
Une deuxième leçon consiste à reconnaître les nombreuses formes que peuvent revêtir les plans de développement professionnel, en fonction des normes d’enseignement, des convictions des enseignants, mais également du soutien des chefs d’établissement et des responsables du système d’éducation à l’égard du projet. Les équipes nationales ont articulé leur développement professionnel selon les trois grandes composantes suivantes : des sessions de formation, un suivi personnalisé des enseignants et des opportunités d’apprentissage entre pairs. Dans l’ensemble, quatre types de stratégies ont été adoptés. La première approche se limitait à une session d’introduction destinée à présenter les idées et les outils du projet aux enseignants participants. La deuxième prévoyait une série de quatre à cinq journées de formation, offrant ainsi aux enseignants la possibilité de mieux comprendre comment développer la créativité et l’esprit critique chez leurs élèves, mais aussi de discuter de leurs pratiques pédagogiques. La troisième complétait les sessions de formation par un suivi personnalisé des enseignants, avec la visite régulière d’experts leur faisant part de leurs commentaires et encourageant une réflexion personnelle sur leurs pratiques. La quatrième et dernière approche prévoyait, outre les sessions de formation et les dispositifs de suivi, plusieurs mesures pour la création d’une communauté professionnelle d’apprentissage. Parmi ces mesures, figuraient la tenue de réunions au sein des établissements pour concevoir de nouvelles activités et réfléchir aux pratiques professionnelles, l’organisation de visites d’établissements permettant aux enseignants de discuter avec leurs pairs en poste dans d’autres établissements de leurs cours (ou plans de cours) remaniés, et le développement de plateformes numériques donnant la possibilité aux médiateurs pédagogiques et aux enseignants de débattre de leurs pratiques.
Toutes ces approches ont chacune leurs avantages et leur mise en œuvre dépend en partie du budget mis à disposition des équipes ; il convient toutefois de noter qu’aucune n’était particulièrement onéreuse. La seule approche vraisemblablement peu efficace a été celle consistant à limiter le développement professionnel à une unique session de formation d’introduction. Si elle peut fonctionner avec des enseignants chevronnés extrêmement motivés, la concurrence entre une myriade d’autres tâches rend généralement cette approche moins efficace pour maintenir l’implication des enseignants vis-à-vis des concepts et des outils du projet.
L’évolution des pratiques pédagogiques est un processus compliqué qui nécessite du temps. La durée adéquate des programmes de développement professionnel dépend de la compréhension qu’ont les enseignants des pratiques promues dans le cadre du projet au début de celui-ci. Toutefois, la majorité des équipes a indiqué qu’une période de six mois était rarement suffisante pour développer les compétences professionnelles permettant aux enseignants de développer la créativité et l’esprit critique de leurs élèves. De plus, les équipes ayant mis en place les deux cycles de l’expérience ont souligné que le second cycle avait continué de procurer des avantages en matière d’apprentissage des enseignants.
Plusieurs éléments des plans de développement professionnel des enseignants peuvent être mis en exergue en tant que pratiques intéressantes :
1. L’adoption d’une stratégie progressive semble avoir conduit à un meilleur engagement de la part des enseignants. Par exemple, plusieurs équipes participant au projet ont choisi de « commencer modestement » en invitant les enseignants à apporter des modifications mineures à leurs pratiques pédagogiques ou à expérimenter des activités conçues par des spécialistes externes. Ce processus a contribué à maintenir l’implication des enseignants dans le projet et à encourager leur développement professionnel.
2. Le recours au dialogue entre pairs pour fournir aux enseignants un soutien et un retour d’expérience peut être une stratégie très efficace pour développer leurs capacités professionnelles à favoriser la créativité et l’esprit critique. Au cours du projet OCDE-CERI, les équipes ont utilisé plusieurs méthodes pour promouvoir une telle dynamique, notamment la création de plateformes physiques et en ligne visant à encourager le dialogue entre pairs. Les plateformes en ligne se sont révélées utiles afin d’offrir aux participants la souplesse nécessaire pour communiquer et collaborer. Néanmoins, elles faisaient toujours partie de systèmes plus vastes conçus pour faciliter la collaboration entre les enseignants grâce à l’élaboration concertée de cours, la réflexion collective ou d’autres moyens.
3. Les mesures visant à améliorer la capacité des enseignants à développer la créativité et l’esprit critique ne se limitent pas nécessairement à cet objectif spécifique. De la même manière, les bénéfices des activités de développement professionnel mises en œuvre durant le projet n’ont pas concerné que la capacité des enseignants à développer ces deux compétences. Par exemple, l’acquisition de compétences en matière d’enseignement et de gestion de la classe s’est avérée utile pour renforcer la capacité des enseignants à mettre en œuvre de nouvelles pédagogies, évaluer les résultats de leur enseignement et améliorer leur pratique professionnelle. De telles compétences génériques sont susceptibles de profiter à d’autres types d’objectifs ou pratiques pédagogiques.
C’est lors de l’application concrète des nouvelles approches pédagogiques que se produit la plus grande partie de l’apprentissage. En repensant à leur expérience du projet, des enseignants ont déclaré que l’amélioration de leurs compétences professionnelles était principalement due à la « pratique en classe ». La pratique semble également avoir stimulé la motivation et l’efficacité personnelle des enseignants. Plusieurs équipes ont indiqué que les convictions et points de vue des enseignants avaient considérablement changé après qu’ils ont constaté – parfois avec surprise – l’évolution des résultats des élèves, de leur comportement et de leur enthousiasme à l’égard de l’apprentissage. Chaque fois que les enseignants ont estimé que les élèves semblaient apprendre mieux et avoir plus de plaisir à l’égard de leur travail scolaire, ces résultats positifs – notamment lorsqu’ils étaient obtenus avec des élèves peu performants ou avec des problèmes de comportement – ont accru la motivation des enseignants et leur souhait de continuer à utiliser les nouvelles pratiques pédagogiques.
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