Ce chapitre s’intéresse aux dispositifs de retraite destinés aux travailleurs atypiques dans les pays de l’OCDE. On entend par travailleurs atypiques ceux qui ne bénéficient pas de contrats à temps plein et à durée indéterminée, autrement dit les travailleurs à temps partiel, temporaires, ou indépendants, en particulier ceux qui exercent de nouvelles formes de travail. L’analyse présente dans un premier temps les caractéristiques propres à ces travailleurs, explique les problèmes liés à leur retraite, et décrit ensuite les règles auxquels ils sont assujettis à cet égard. La dernière section porte sur les moyens de renforcer le caractère inclusif des régimes de retraite compte tenu de la transformation des marchés du travail. Le chapitre s’inscrit dans le cadre de travaux plus généraux de l’OCDE sur l’avenir du travail et celui de la protection sociale.
Panorama des pensions 2019
Chapitre 2. Formes d’emploi atypique et pensions
Abstract
Introduction
Le travail atypique est un terme générique qui désigne des formes de travail très diverses. Les travailleurs qui occupent un emploi atypique peuvent être des contractants indépendants travaillant seuls, des travailleurs indépendants employant, le cas échéant, d’autres personnes, des salariés qui travaillent à temps partiel, des travailleurs en contrat d’intérim, des travailleurs occasionnels, des travailleurs de plateforme ou toute autre personne exerçant un emploi qui n’est pas « traditionnel », c’est‑à‑dire un emploi à temps plein et en contrat à durée indéterminée auprès d’un seul employeur (OCDE, 2019[1]). Selon le type de travail atypique, les conditions de travail, la sécurité de l’emploi et les règles de protection sociale varient considérablement, ce qui montre que les travailleurs atypiques sont loin de constituer une catégorie homogène.
De nombreux types de travail atypique soulèvent des préoccupations en termes de protection sociale en général et de protection au titre de la retraite en particulier (chapitre 7, OCDE (2019[1]). Dans plusieurs pays de l’OCDE, la totalité ou certains types de travailleurs indépendants sont dispensés de s’affilier aux régimes de retraite liés à la rémunération qui sont obligatoires pour les travailleurs salariés, ce qui accroît le risque de faibles revenus pour les personnes âgées. De plus, dans certains pays, les travailleurs à temps partiel et temporaires n’ont pas accès, pour leur retraite, à la même protection que les travailleurs qui occupent un emploi traditionnel.
Si le débat sur les retraites des travailleurs atypiques n’a rien d’inédit, ce sujet revêt une importance croissante. La mondialisation, l’automatisation et l’évolution démographique transforment les marchés du travail à un rythme soutenu, et peuvent conduire à une expansion du travail atypique. Il est très difficile de savoir quel aspect ces marchés présenteront à l’avenir, mais on pourrait observer une augmentation du nombre de travailleurs atypiques. Les pays doivent se préparer à cette éventualité, car les marchés du travail changent rapidement, alors que l’intervention des pouvoirs publics, en particulier dans le domaine des retraites, est souvent un processus délicat et que ses effets peuvent ne pas se manifester avant longtemps.
L’émergence de « nouvelles » formes de travail suscite des inquiétudes quant à la façon dont les travailleurs qui se livrent à de telles activités sont couverts pour leur retraite future. Ces « nouvelles » formes de travail désignent le travail de plateforme, les contrats à très court terme, les contrats dits zéro heure, c’est‑à‑dire les contrats sans nombre d’heures de travail garanti et, plus généralement, les autres types de travail à compte propre. De nombreux travailleurs titulaires de contrats de ce type bénéficient d’une grande souplesse pour organiser leur travail, mais d’une faible sécurité de l’emploi et de maigres revenus d’activité. De plus, les gouvernements peinent à organiser la protection des nouvelles formes de travail au titre de la retraite ; en effet, aux termes de ces contrats, il est parfois difficile de dire dans quelle mesure ces travailleurs sont des indépendants ou des salariés, alors qu’une partie de leur activité continue parfois de relever du secteur informel. Si elles ne représentent aujourd’hui qu’une faible part de l’emploi total, les nouvelles formes de travail risquent de concerner à l’avenir un grand nombre de travailleurs.
Tous types d’activités confondus, l’emploi atypique représente plus d’un tiers de l’emploi dans les pays de l’OCDE (section 1). De nombreux travailleurs restent dans cette situation pendant une période prolongée. Les travailleurs atypiques gagnent souvent moins que les travailleurs traditionnels, encourent des risques de chômage accrus et affichent des carrières incomplètes. De plus, ils sont moins bien couverts par les systèmes de retraite. Tous ces facteurs s’additionnent, de sorte qu’un nombre substantiel de personnes âgées risquent de percevoir une maigre retraite.
Le présent chapitre fait le point sur les différentes approches adoptées pour organiser les retraites des travailleurs qui occupent un emploi atypique dans les pays de l’OCDE. La section 2 présente le contexte à travers une synthèse des tendances du marché du travail dans l’emploi atypique, en montrant qu’il ne s’agit pas d’un phénomène isolé. La section 3 explique pourquoi le travail atypique crée des problèmes en matière de retraite, en soulignant que des types de travail atypique différents suscitent des difficultés diverses. La section 4 décrit les règles qui régissent la retraite des travailleurs atypiques, en les distinguant de celles qui s’appliquent aux indépendants, aux travailleurs à temps partiel et temporaires. La section 5 analyse les possibilités d’amélioration des retraites des travailleurs atypiques. La section 6 conclut.
Tendances et caractéristiques du travail atypique
Le travail atypique représente une part considérable de l’emploi
Si l’emploi salarié à temps plein reposant sur un contrat à durée indéterminée – qualifié de travail traditionnel – est la forme de travail la plus répandue, le travail atypique est relativement fréquent et loin de constituer un phénomène isolé. Dans les pays de l’OCDE, quelque 15 % des travailleurs exerçaient en tant qu’indépendant en 2017, et 13 % et 15 % des salariés, respectivement, étaient titulaires de contrats d’intérim ou travaillaient à temps partiel, soit moins de 30 heures par semaine, la moitié d’entre eux travaillant moins de 20 heures par semaine. Certains travailleurs conjuguent différentes formes de travail atypique, par exemple en travaillant à temps partiel et en intérim. Dans l’ensemble, le travail atypique représente plus d’un tiers de l’emploi total dans les pays de l’OCDE.
Le travail à temps partiel
Dans de nombreux pays de l’OCDE, le travail à temps partiel a progressé au fil des ans. Dans les deux tiers des pays de l’OCDE environ, sa part dans l’emploi salarié total est plus élevée aujourd’hui qu’il y a 20 ans (OCDE, 2019[1]). De plus, les temps partiels courts (soit 20 heures de travail par semaine au plus) ont aussi grimpé de 6 % de l’emploi salarié en 1985 à 9 % en 2005 dans les 13 pays pour lesquels des données sont disponibles et ils sont restés globalement stables depuis. Ces hausses à long terme sont dues à plusieurs facteurs, dont le nombre plus élevé de femmes ayant fait leur entrée sur le marché de l’emploi à temps partiel, l’évolution des modes de vie et, peut‑être, celle de la demande de main d’œuvre.
Si dans les pays de l’OCDE, deux travailleurs à temps partiel sur trois travaillaient à mi‑temps par choix en 2017, un sur trois aurait préféré travailler plus longtemps, ce qui indique qu’il était sous‑employé (OCDE, 2019[1]). L’ampleur du sous‑emploi variait considérablement d’un pays à l’autre, de moins de 2 % de l’emploi salarié en Estonie, au Japon, en Hongrie, en République tchèque et en Turquie à plus de 10 % en Australie, en Espagne et en Italie. Par rapport à 2006, le sous‑emploi a progressé dans les deux tiers des pays de l’OCDE, passant de 4.3 % à 5.4 % de l’emploi salarié en moyenne dans l’ensemble des pays. Bien qu’elle ait été particulièrement marquée dans les pays qui ont été durement touchés par la crise économique, la hausse du sous‑emploi ne peut pas être attribuée en totalité à des fluctuations temporaires et à un fort chômage conjoncturel, mais elle s’explique aussi par des changements structurels.
Le travail temporaire
Le travail temporaire a suivi une tendance à la hausse à long terme. Parmi les 14 pays de l’OCDE pour lesquels des données sont disponibles, il a grimpé de quelque 10 % du travail salarié au milieu des années 1980 à 13 % en 2000 et à 14 % en 2017. Une augmentation moyenne de 1 point de pourcentage entre 2000 et 2017, soit de 11 % à 12 %, est également constatée pour un plus grand groupe de pays de l’OCDE, soit 27 pays. Cette tendance à long terme est attribuable à des évolutions progressives et à des changements rapides.
En Pologne, l’emploi temporaire a explosé pendant la période de forte croissance économique qu’a connue le pays entre 2001 et 2007, bondissant ainsi de 12 % de l’emploi total à 28 %, avant de se stabiliser à ce niveau très élevé (Graphique 2.1, partie A). D’autres pays ont fait état de hausses durables, bien que moins prononcées, comme l’Italie, le Luxembourg, la République slovaque et la Slovénie. En revanche, après deux décennies de niveaux record, la part des contrats d’intérim est revenue en Espagne de 34 % à 26 % entre 2006 et 2009 (partie B). Des diminutions similaires se sont produites en Turquie et au Japon. En Lituanie, après avoir atteint un sommet à 7 % en 2002, la part des travailleurs temporaires dans l’emploi est revenue à 2 % en 2008 et est restée globalement stable par la suite.
La tendance à la hausse du travail temporaire coïncide avec un recul de l’ancienneté dans l’emploi. Corrigée des variations de la structure démographique de la main‑d’œuvre, l’ancienneté moyenne dans l’emploi a diminué dans les pays de l’OCDE de 5 %, soit de près de cinq mois, entre 2006 et 2017, ce phénomène touchant principalement les travailleurs ayant un faible niveau d’instruction (OCDE, 2019[1]). Les États‑Unis constituent néanmoins une exception notable, puisqu’ils ont enregistré une augmentation de l’ancienneté moyenne dans l’emploi au cours des 20 dernières années, sous l’effet principalement d’une diminution des durées d’emploi très brèves (Pries et Rogerson, 2019[2]). Néanmoins, l’ancienneté dans l’emploi et le recours aux contrats d’intérim ont évolué dans la même direction ces dix dernières années en Australie, au Canada, en Estonie, en Grèce et en Lituanie (OCDE, 2019[1]).
Le travail indépendant
La part du travail indépendant dans l’emploi total a reculé de 17 % à 15 % entre 2000 et 2017, dans les pays de l’OCDE, en moyenne. Ce repli n’est pas un phénomène nouveau, mais plutôt l’épisode le plus récent d’une tendance à long terme persistante. Plusieurs dynamiques ont contribué à cette tendance. Le secteur agricole, par exemple, a connu une forte concentration au cours des dernières décennies et de nombreux agriculteurs indépendants ont changé d’emploi pour devenir salarié, souvent dans d’autres secteurs. En revanche, dans le secteur des médias, la numérisation a pesé sur les prestataires traditionnels en facilitant la coopération à distance et s’est traduite par un grand nombre de contrats de travail en freelance apportant une souplesse accrue, mais une moindre protection.
La contraction de la part du travail indépendant a été particulièrement forte dans les pays qui étaient en phase de rattrapage économique, comme la Corée, la Hongrie, la Pologne, le Portugal et la Turquie. Toutefois, la situation est contrastée, et la part du travail indépendant dans l’emploi total a progressé dans certains pays de l’OCDE, dont l’Estonie, les Pays‑Bas, la République slovaque et la République tchèque. Dans certains cas, des facteurs clairement identifiables expliquent cette tendance à la hausse, du moins en partie, comme l’allégement des impôts et des cotisations de sécurité sociale aux Pays‑Bas (Milanez et Bratta, 2019[3]) et en Italie (Encadré 2.1 ci-dessous).
Le travail atypique subit une transformation
Le travail atypique subit une profonde transformation. Ces dernières années, le reflux de certains types de travail indépendant, dans l’agriculture notamment, a été en partie compensé par l’émergence et l’expansion des nouvelles formes de travail atypique, en particulier les métiers reposant sur les nouvelles technologies, comme les travailleurs de plateforme du secteur des VTC (voitures de tourisme avec chauffeur). S’il ne représente pour l’heure que 0.5 % à 3 % de l’emploi total dans les pays développés, ce type de travail revêt une importance considérable pour les jeunes qui recourent plus fréquemment aux nouvelles formes de travail que les générations plus âgées et qui, pour certains, semblent accorder une plus grande valeur à l’autonomie professionnelle (OCDE, 2019[1]).
Du fait de ces nouvelles organisations du travail, la frontière entre le travail salarié et le travail indépendant est encore plus floue qu’auparavant. Ainsi, certains indépendants présentent de très nombreuses similitudes avec les travailleurs salariés, dans le sens où ils n’ont qu’un seul client, manquent d’indépendance financière et n’ont qu’une maîtrise limitée de leurs conditions de travail, et notamment de leurs horaires. En moyenne, dans les pays de l’OCDE, 16 % des travailleurs à leur propre compte ont un client principal, ce taux variant de 6 % au Danemark à 29 % en République slovaque (OCDE, 2019[1]). Le fait de n’avoir qu’un seul client ne signifie pas nécessairement qu’une personne est classée à tort parmi les travailleurs indépendants, mais le faux travail indépendant pourrait être fréquent dans cette catégorie. Les cotisations de retraite, et plus généralement les cotisations de sécurité sociale, qui sont bien plus faibles pour les travailleurs indépendants que pour les salariés, pourraient en effet encourager le dumping social, certains employeurs cherchant ainsi à abaisser leurs coûts de main-d'œuvre en externalisant le travail au lieu de recruter des salariés (Milanez et Bratta, 2019[3]).
Les nouvelles technologies peuvent faciliter la formalisation des activités à domicile qui n’étaient pas classées dans l’emploi formel par le passé, comme les tâches ou les missions de très courte durée réalisées via Internet. Les plateformes en ligne ont la possibilité – bien que celle‑ci ne soit guère exploitée pour l’instant – d’améliorer la formalisation du travail réalisé par les contractants indépendants, par exemple en notant leurs heures de travail et leur revenu réel, et en offrant ainsi une base fiable pour leurs cotisations de retraite. Néanmoins, il peut être particulièrement difficile de distinguer ces tâches du travail à domicile non commercial, notamment parce que certaines plateformes rémunèrent les travailleurs en points propres à la plateforme, en présents, ou en cryptomonnaie (Mineva et Stefanov, 2018[4]).
Au sein du travail salarié lui‑même, de nouvelles formes de travail ont aussi émergé et se sont développées ces 20 dernières années (OCDE, 2019[1]). Comme pour le travail indépendant, dans ces nouveaux modes d’organisation du travail, les risques sont transférés en plus grand nombre des employeurs vers les salariés ou vers d’autres parties. Dans le cas des agences de travail intérimaire, l’agence engage des travailleurs et les met à la disposition d’une entreprise utilisatrice. Ainsi, contrairement à la majeure partie du travail de plateforme, il existe un contrat de travail, mais l’agence et un principal effectif se partagent le rôle de l’employeur. Les contrats à la demande et zéro heure ne garantissent pas le nombre d’heures de travail, de telle sorte que le revenu mensuel du travailleur n’est pas prévisible. Les contrats de cette nature existent dans certains pays de l’OCDE, notamment l’Australie, l’Irlande, la Nouvelle-Zélande, les Pays-Bas et le Royaume-Uni.
Le travail atypique est fréquent chez les travailleurs de plus de 65 ans et les femmes
Le travail atypique est courant parmi les travailleurs âgés. Si le taux d’emploi global diminue à un âge avancé, la part du travail atypique est particulièrement élevée parmi les travailleurs de plus de 65 ans : seuls 15 % environ des travailleurs âgés de 65 à 74 ans occupent un emploi traditionnel, contre plus de 60 % pour les 55‑64 ans et les 25‑54 ans (Graphique 2.2, partie A).
Un tiers des travailleurs âgés de 65 à 74 ans sont des salariés travaillant à temps partiel, contre 16 % pour les 55‑64 ans et 13 % pour les 25‑54 ans. Le travail à temps partiel permet aux plus âgés de se retirer progressivement du marché du travail, notamment lorsque la baisse de leurs revenus d’activité est compensée par des prestations de retraite à taux plein ou à taux réduit (OCDE, 2018[5]). Cela dit, le cumul emploi-retraite est rare dans les pays de l’OCDE : il n’est pratiqué par plus de 5 % des personnes âgées de 60 à 69 ans qu’au Danemark, en Estonie, aux États-Unis, en Israël, en Suède et en Suisse (OCDE, 2019[6]). Contrairement au travail à temps partiel, l’emploi intérimaire n’est pas particulièrement répandu chez les travailleurs âgés, seuls 5 % des 55‑64 ans et 14 % des 65‑74 ans travaillant en tant que salariés en contrat d’intérim, contre 9 % pour les 25‑54 ans et 37 % pour les 15‑24 ans.
Le travail indépendant est également fréquent chez les travailleurs âgés. De nombreux travailleurs indépendants n’optent pour ce statut qu’à un stade avancé de leur carrière, ce qui explique en partie pourquoi les indépendants ont tendance à quitter le marché du travail plus tard que les autres types de travailleurs. La part des travailleurs indépendants dans l’emploi total s’élève à 38 % pour les 65‑74 ans, contre 18 % pour les 55‑64 ans et 13 % pour les 25‑54 ans (Graphique 2.2, partie A). Les indépendants travaillent aussi plus longtemps parce qu’ils se heurtent moins directement aux obstacles juridiques et institutionnels à l’allongement de la vie active, comme l’âge obligatoire de la retraite et les pressions exercées par les employeurs pour que les travailleurs partent en retraite à un âge donné, ce qui est courant en Corée, par exemple (OCDE, 2018[7]). Aux États‑Unis, sept travailleurs indépendants sur dix comptent prendre leur retraite après 65 ans, voire pas du tout, et six sur dix ont l’intention de travailler pendant leur retraite (Transamerica, 2019[8]). Le travail indépendant permet d’effectuer une transition en douceur entre la vie active et la retraite, les travailleurs pouvant ainsi réduire leurs heures de travail à leur discrétion.
Le travail atypique est aussi courant parmi les femmes, en particulier le travail à temps partiel. Cela tient en partie au fait que le travail à temps partiel permet de concilier la garde des enfants et les responsabilités professionnelles et que la garde des enfants est aujourd’hui encore principalement assurée par les femmes (OCDE, 2018[9]). Le travail à temps partiel est trois fois plus élevé chez les femmes actives que chez les hommes actifs, et une femme active sur quatre travaille à temps partiel dans les pays de l’OCDE (Graphique 2.2, partie B). Le travail à temps partiel peut néanmoins compromettre les perspectives d’évolution professionnelle et être un obstacle à l’indépendance économique des femmes dans le cercle familial (OCDE, 2019[10]). En revanche, le travail indépendant est plus fréquent chez les hommes.
Le travail atypique génère de faibles revenus d’activité et est souvent persistant
Les travailleurs atypiques perçoivent, en moyenne, des revenus d’activité inférieurs à ceux des salariés à temps plein en contrat permanent. Dans les 19 pays de l’OCDE pour lesquels des données sont disponibles, les travailleurs à temps partiel et temporaires gagnent environ 50 % de moins par an que les travailleurs à temps plein, cette différence étant bien plus forte dans des pays comme l’Espagne ou la Lettonie (Graphique 2.3). Cet écart s’explique par un salaire horaire plus bas, par un nombre d’heures de travail moins élevé (pour les travailleurs à temps partiel, par exemple) et par des périodes d’inactivité (pour les travailleurs temporaires, notamment). Une fois prises en compte les caractéristiques des salariés et des employeurs, OECD (2015[11]) constate un désavantage salarial de 12 % pour les temporaires.
Les indépendants à temps plein médians gagnent en moyenne, dans les pays de l’OCDE, 16 % de moins que les salariés à temps plein, mais on observe de fortes variations d’un pays à l’autre1. En Espagne, en Estonie et en Lettonie, les indépendants à temps plein gagnent moins de 70 % du salaire d’un salarié à temps plein, à la médiane, tandis qu’en France, en Lituanie et en République slovaque, ils gagnent plus de 100 % de sa rémunération.
Dans bien des cas, l’emploi atypique ne correspond pas à une brève interruption de carrière dans l’emploi traditionnel. Dans l’OCDE, en moyenne, 87 % des salariés traditionnels restent dans cette forme d’emploi ou y reviennent dans un délai de deux ans, alors que 78 % des travailleurs indépendants à temps plein et 54 % des travailleurs à temps partiel conservent leur statut (Graphique 2.4)2. OECD (2015[11]) indique que même lorsque l’on tient compte d’autres caractéristiques, le taux de transition d’un emploi temporaire à un emploi permanent demeure souvent inférieur à 50% sur trois ans. Dans de nombreux pays, le travail temporaire améliore les chances de trouver un emploi permanent, ce qui est moins souvent le cas de l’emploi indépendant et à temps partiel3.
Il est courant de cumuler travail indépendant et travail salarié
Le travail indépendant n’est pas la seule source de revenus d’un grand nombre de travailleurs indépendants. En moyenne, dans l’ensemble des pays, il représente plus de deux tiers des revenus d’activité de 59 % des personnes qui touchent un revenu en tant que travailleur indépendant au cours d’une année donnée (Graphique 2.5)4. Pour 14 % d’entre elles, les revenus tirés du travail salarié et indépendant sont d’une importance similaire, et pour 27 %, le travail indépendant représente plutôt une activité complémentaire, qui leur procure moins d’un tiers de leur revenu d’activité total5.
Pourquoi le travail atypique crée-t-il des problèmes au regard de la retraite ?
À l’heure qu’il est, le montant des retraites des travailleurs atypiques pourrait être relevé dans de nombreux pays. Toutefois, améliorer les règles régissant ces retraites est une gageure. Par rapport aux salariés à temps plein en contrat à durée déterminée, les travailleurs atypiques présentent un certain nombre de caractéristiques qui rendent complexe le traitement de leur retraite. Les travailleurs indépendants, en particulier, sont la catégorie qui suscite les plus grandes difficultés en termes de couverture retraite parce qu’à l’inverse des autres types de travailleurs, ils n’ont pas une relation de travail formalisée (contrat de travail) pouvant servir de base vérifiable pour les cotisations de retraite. L’émergence et l’expansion des nouvelles formes de travail ont amplifié les problèmes que pose le travail atypique au regard des retraites, en particulier pour les bas revenus. La plupart des systèmes de retraite étant fondés sur l’hypothèse de carrières stables, linéaires, le développement de nouvelles formes de travail suscite des inquiétudes quant aux perspectives de revenus des futures générations de retraités.
Les contrats d’intérim et à temps partiel soulèvent des difficultés quant à l’adéquation des retraites
Les contrats temporaires assurent souvent une protection moins étendue de l’emploi que les contrats à durée indéterminée, et les travailleurs temporaires atteignent moins souvent l’ancienneté nécessaire dans l’emploi pour bénéficier d’une protection complète. Il est en général relativement aisé et peu coûteux pour les employeurs de mettre fin à un contrat à durée déterminée à son terme – c’est‑à‑dire de ne pas le renouveler –, alors qu’ils sont tenus de respecter des préavis et de verser des indemnités lorsqu’ils licencient des travailleurs en contrat permanent. Dans de nombreux pays, les personnes sans emploi continuent d’acquérir des droits à retraite tant qu’elles perçoivent des allocations de chômage. S’il atténue les effets des pertes d’emploi sur les retraites, cet instrument n’a qu’une efficacité partielle pour les travailleurs temporaires. En raison de fréquents changements de poste et pertes d’emploi, les temporaires ont généralement une ancienneté dans l’emploi relativement brève, ce qui se traduit souvent par des périodes d’assurance chômage plus courtes ou un accès restreint aux allocations de chômage.
Plus directement, en cas de périodes d’activité très brèves, les travailleurs risquent de ne pas atteindre le nombre minimum de jours de travail requis pour valider ces périodes (un mois ou un trimestre, souvent) et donc leurs droits à des prestations de retraite contributives. En outre, dans plusieurs pays, certains types de contrats d’intérim ne confèrent pas de droits à retraite6. En particulier, le travail temporaire, occasionnel et saisonnier ainsi que les stages sont exclus de la couverture retraite dans certains pays, même s’ils sont couverts par des contrats de travail.
Dans le travail temporaire, des changements de poste fréquents conduisent également à une moindre couverture des plans de retraite professionnels. Les périodes d’acquisition des droits à retraite peuvent produire des effets négatifs sur les droits des travailleurs temporaires en raison de leur brève ancienneté. Faute de portabilité, les périodes d’activité effectuées dans différentes entreprises ne s’additionnent pas toujours, et les changements de poste fréquents se traduisent par des droits à retraite moins élevés. De plus, les droits peuvent être versés sous forme de capital à la fin du contrat (chapitre 3), ce qui va à l’encontre de l’objectif consistant à leur assurer une protection à la vieillesse.
Le travail à temps partiel crée lui aussi des difficultés au regard de la retraite. Dans certains cas, il donne droit à une validation intégrale des périodes de cotisation. Dans d’autres, les périodes de travail à temps partiel ne sont pas prises en compte pour le calcul des droits à retraite et, dans certains pays notamment, la validation d’une période spécifique nécessite un nombre de jours de travail ou un revenu d’activité minimum. Ces exclusions accroissent le risque que les travailleurs ne parviennent pas à satisfaire aux conditions d’admission au bénéfice des retraites contributives du premier pilier et de celles qui sont liées à la rémunération, ou qu’ils ne les remplissent qu’en prenant leur retraite plus tardivement.
Le travail temporaire et à temps partiel est souvent associé à des revenus peu élevés, en raison notamment de périodes d’inactivité plus longues ou d’un nombre d’heures de travail inférieur. Le fait de percevoir de faibles revenus pendant la vie active se traduit par de faibles revenus à la retraite. De plus, l’existence de liens ténus avec l’employeur en raison des contrats d’intérim ou du travail à temps partiel réduit les possibilités d’acquérir des compétences propres à un emploi et limite l’accès à la formation professionnelle. En conséquence, de faibles revenus d’activité sont corrélés à des carrières plus fragmentées et des périodes de cotisations totales plus brèves, ce qui diminue en outre le revenu des bas salaires à la retraite (Valdés-Prieto et Leyton, 2019[12]). L’obligation de cotiser dix ans ou plus pour bénéficier d’une retraite liée à la rémunération risque donc de diminuer substantiellement le montant des retraites des travailleurs atypiques à faible revenu.
Les indépendants touchent des pensions moins élevées que les salariés
Les retraites des anciens travailleurs indépendants sont généralement inférieures à celles des anciens salariés7. En moyenne, dans 15 pays de l’OCDE, les indépendants retraités perçoivent, à la valeur médiane, des retraites publiques inférieures de 22 % à celles des salariés retraités (Graphique 2.6, partie A). L’écart est nettement plus mince, soit moins de 10 % en général, dans les pays où les retraites forfaitaires sont élevées, comme le Danemark, Israël, la République tchèque et la Suisse. En revanche, les retraités qui étaient indépendants en Allemagne, en France, en Italie, au Luxembourg et en Pologne perçoivent des retraites médianes inférieures de plus 30 % à celles des anciens salariés.
Le faible montant des retraites publiques des indépendants n’est pas compensé par les régimes privés de retraite professionnelle. Les anciens indépendants touchent une retraite professionnelle au titre de régimes ad hoc ou des droits acquis en tant que salariés. Selon l’enquête SHARE, dans les cinq pays où les plans professionnels privés couvrent au moins 10 % des retraités, soit l’Allemagne, le Danemark, Israël, la Suède et la Suisse, le taux de couverture des retraités est nettement plus élevé pour les anciens salariés que pour les anciens travailleurs indépendants (Graphique 2.6, partie B). C’est en Suède que le taux de couverture des plans de retraite professionnels privés est le plus élevé pour les anciens travailleurs indépendants (28 %)8. La faible couverture des indépendants creuse l’écart de revenus qui les sépare des salariés pendant la retraite.
Le plus faible niveau des retraites publiques et la couverture plus étroite des régimes professionnels expliquent en partie que, dans de nombreux pays, les travailleurs indépendants perçoivent généralement à la retraite des revenus plus bas que ceux des salariés. Le travailleur indépendant retraité médian bénéficie d’un revenu disponible qui, dans les 14 pays de l’OCDE pour lesquels on dispose de données, est en moyenne inférieur de 16 % à celui des salariés retraités (Pettinicchi et Börsch-Supan, 2019[14])9, et de plus de 20 % en Espagne, en Finlande, en France et en Pologne.
Dans la majorité des pays, l’écart de revenus entre indépendants et salariés est plus marqué pour les retraités que pour les travailleurs âgés (de plus de 50 ans). Globalement, dans l’ensemble des pays, il atteint 6 % pour les travailleurs (valeur médiane) contre 16 % pour les retraités, comme on l’a vu précédemment, soit un écart de 10 points de pourcentage. En Espagne et en Italie, cet écart est actuellement supérieur de plus de 30 points de pourcentage pour les retraités que pour les travailleurs10. Cela semble paradoxal étant donné que les mécanismes redistributifs des régimes de retraite ont pour objectif de réduire les inégalités entre les personnes âgées. L’une des explications possibles pourrait tenir au fait que les indépendants cotisent moins aux régimes de retraite (cf infra).
Le patrimoine ne compense pas le niveau moins élevé des retraites pour la plupart des indépendants
On fait couramment valoir que le niveau de protection dont les travailleurs indépendants ont besoin au titre des retraites obligatoires est moindre parce qu’ils disposent d’une épargne privée plus importante, sous forme d’épargne liquide ou de capital investi dans leur entreprise. Or, si la situation peut être très diverse selon les indépendants, leurs actifs médians ne sont que légèrement supérieurs à ceux des salariés. Cela vaut même pour les anciens indépendants retraités qui, en général, ont déjà liquidé le capital investi dans leur entreprise.
Comparé au salarié médian (en termes d’actifs), le travailleur indépendant médian affiche en moyenne, dans les pays de l’OCDE, un ratio actifs liquides nets11-revenus annuels plus élevé, à la fois pendant sa vie active (1.2 contre 0.8) et après son départ en retraite (1.0 contre 0.7) (Graphique 2.7). Ces chiffres montrent que les actifs liquides d’un indépendant retraité médian correspondent à 12 mois de revenu au titre de la retraite, contre 9 pour les salariés. Les indépendants retraités possèdent des actifs relativement plus importants que les salariés retraités dans 10 des 17 pays pris en compte, mais leurs actifs supplémentaires sont supérieurs à 12 mois de revenu uniquement en Belgique et au Danemark : l’incidence sur la capacité à financer la consommation durant toute la retraite n’est donc pas substantielle dans la plupart des pays (partie A). De plus, pendant leur activité, les travailleurs indépendants affichent des ratios actifs‑revenus supérieurs à ceux des salariés dans tous les pays figurant dans la partie B, à l’exception de l’Allemagne, d’Israël et de la République tchèque, les différences étant moins marquées entre les retraités.
L’exemple des États‑Unis donne à penser que parmi les propriétaires d’entreprise, dont les entrepreneurs individuels, l’épargne‑retraite facultative et l’accession à la propriété se complètent plus qu’elles ne s’excluent : les propriétaires d’entreprise ont en effet plus de chances d’adhérer à des plans de retraite facultatifs s’ils sont propriétaires de leur logement (Lichtenstein, 2010[15]). De ce fait, les travailleurs indépendants retraités touchant des retraites peu élevées ont aussi moins de chances de disposer d’un patrimoine sous la forme d’un logement, ce qui en fait une catégorie vulnérable sur le plan financier. De nombreux anciens indépendants ne disposent pas d’un niveau d’actifs suffisant pour compenser la faiblesse de leurs droits à retraite et justifier qu’on les dispense de s’affilier à des régimes de retraite12. Par ailleurs, aux Pays-Bas, les indépendants sont plus souvent propriétaires de leur logement que les salariés, ce qui n’amortit que partiellement l’incidence du plus faible niveau de leur retraite sur la consommation13.
Les travailleurs indépendants cotisent moins pour les pensions de vieillesse que les salariés
Dans de nombreux pays, les travailleurs indépendants sont moins bien couverts par les retraites obligatoires que les salariés. Selon un certain nombre d’indicateurs, les indépendants verseraient des cotisations de retraite moins élevées que les salariés pour des revenus d’activité similaires. Dans bien des pays, la part des cotisations de sécurité sociale versées par les indépendants dans les cotisations totales est sensiblement inférieure à celle du travail indépendant dans l’emploi total (Graphique 2.8, partie A) – indépendants et salariés du secteur informel compris -, ce qui ne peut être attribué à des différences dans les cotisations d’assurance chômage. Ces différences notables semblent témoigner d’un profond écart de la couverture de retraite publique entre les indépendants et les salariés.
La part des cotisations versées par les indépendants équivaut à moins de la moitié de celle du travail indépendant dans l’emploi total au Canada, en Corée, en Hongrie, en Irlande, en Lettonie, au Portugal, en République slovaque, au Royaume-Uni, en Suède, en Suisse et en Turquie. En Corée, en Italie, et en Turquie, pays où les travailleurs indépendants représentent environ un quart de l’emploi total au moins, les écarts de couverture risquent de concerner un nombre particulièrement important de personnes, lesquelles toucheraient des retraites moins élevées à l’avenir. Dans les pays dotés de retraites forfaitaires contributives, comme l’Irlande et le Royaume-Uni, il n’existe pas de lien étroit entre le montant des cotisations et les droits, et les répercussions sur les retraites futures seront probablement moins importantes.
Un faible nombre de cotisants aux régimes de retraite témoigne aussi de l’existence d’écarts de cotisations entre les travailleurs indépendants et les salariés. Ce critère présente l’avantage de concerner uniquement les retraites (et non la sécurité sociale), mais il est disponible pour un nombre limité de pays. Le ratio indépendants-salariés est en général nettement plus bas pour les cotisants que pour l’ensemble des travailleurs : la différence est particulièrement marquée au Chili, en Lettonie, au Portugal et en Turquie (partie B). Dans ces pays, le faible nombre des travailleurs indépendants cotisant au régime de retraite est probablement la principale raison expliquant les écarts de cotisations, c’est‑à‑dire que les indépendants sont nombreux à ne pas cotiser du tout aux retraites liées à la rémunération. Inversement, le nombre de cotisants ne témoigne pas d’écarts substantiels au Canada, en Hongrie et en Irlande, ce qui semble indiquer que les écarts de cotisations sont principalement dus à des cotisations plus faibles par cotisant.
L’exemple d’autres pays de l’OCDE semble indiquer que les travailleurs indépendants versent des cotisations de retraite relativement faibles. En Espagne, en Pologne, en République slovaque et en Slovénie, 70 % au moins des indépendants règlent uniquement les cotisations minimum obligatoires (Spasova et al., 2017[16]). Au Royaume‑Uni, 27 % des hommes indépendants à temps plein possédaient des comptes de retraite actifs en 2012-13, contre 51 % des hommes salariés à temps plein (D’Arcy, 2015[17]).
Une grande latitude quant à la fixation de l’assiette des cotisations, l’absence d’obligation d’adhérer aux régimes de retraite liés à la rémunération, de moindres incitations à adhérer aux régimes facultatifs et des taux de cotisation potentiellement moins élevés sont les principaux facteurs expliquant pourquoi de nombreux travailleurs indépendants versent des cotisations de retraite inférieures à celles les salariés. Dans certains cas, le niveau plus faible des cotisations réglées par les indépendants résulte de mesures visant à accroître l’emploi total, à promouvoir l’entrepreneuriat, à relever les revenus du travail de certaines catégories professionnelles comme les agriculteurs, ou à renforcer les incitations à travailler en tant qu’indépendant en augmentant la rémunération effectivement perçue.
Le niveau inférieur des cotisations de retraite des travailleurs indépendants est parfois justifié comme un moyen de refléter leur propension à gérer eux‑mêmes leurs finances (y compris leur épargne‑retraite) et/ou à rester en dehors des régimes de retraite traditionnels (Karpowicz, 2019[18]). Les travailleurs indépendants se caractérisent aussi, en général, par une aversion au risque moins prononcée (Ekelund et al., 2005[19] ; Colombier et al., 2008[20]). Ces préférences pourraient être liées à une confiance limitée dans les retraites publiques (AISS, 2012[21]). Dans certains pays, comme l’Allemagne et les Pays‑Bas, les indépendants se sont opposés à leur intégration dans les régimes de retraite des salariés (Kautonen et al., 2010[22]).
Cependant, un faible niveau de cotisations pourrait avoir de graves conséquences, aujourd’hui comme demain. Tout d’abord, il entraîne une détérioration de la situation financière des régimes par répartition dans de nombreux pays de l’OCDE. À l’avenir, il se traduira généralement par de faibles revenus pour les personnes âgées et par une dépendance accrue vis‑à‑vis des prestations non contributives, ce qui accroîtra la pression exercée sur les finances publiques par le vieillissement de la population. En outre, l’existence de taux de cotisation de retraite plus bas pour certains types d’indépendants au moins pourrait créer des incitations financières qui amèneraient les entreprises à recruter des indépendants plutôt que des travailleurs traditionnels, suscitant ainsi des préoccupations au regard du faux travail indépendant et du dumping social (Encadré 2.1).
Les retraites minimum et les retraites forfaitaires contributives jouent un rôle essentiel dans la prévention et la réduction de la pauvreté des personnes âgées. Dans la plupart des cas, le montant des cotisations à ces dispositifs n’entraîne pas de majoration des droits. En l’occurrence, les incitations à réduire les cotisations en sous‑déclarant les revenus perçus sont fortes : certaines catégories de travailleurs, les indépendants notamment, peuvent le faire plus aisément14.
Encadré 2.1. Des cotisations de retraite plus faibles pour les indépendants entraînent‑elles une érosion de l’emploi traditionnel ?
Lorsque les cotisations de retraite, et de sécurité sociale en général, sont plus faibles pour les indépendants que pour les travailleurs qui occupent un emploi traditionnel, les entreprises peuvent être incitées, d’un point de vue financier, à externaliser certaines tâches à des contractants indépendants au lieu de recruter des salariés et de payer des cotisations patronales. Il se peut également que les travailleurs optent pour un salaire net plus élevé au prix d’une protection plus faible. Ce problème est depuis peu un thème majeur du débat sur l’action des pouvoirs publics et la protection sociale des travailleurs qui exercent de telles activités, comme les livreurs de repas à domicile, suscite des polémiques.
Ce phénomène n’a rien de nouveau, pourtant. En Italie, les « para-salariés » ont versé pendant des années des cotisations de retraite beaucoup plus basses que celles des salariés traditionnels, y compris lorsqu’ils dépendaient sensiblement voire exclusivement d’un seul contractant. Ces taux de cotisation de retraite inférieurs peuvent avoir contribué à la forte hausse du nombre des para‑salariés observée en Italie à la fin des années 1990 et au début des années 2000. Pour éliminer les incitations à recourir de manière excessive à l’emploi para‑salarial et tenter de lutter contre le faux travail indépendant, le gouvernement italien a progressivement relevé les taux de cotisation pour les para‑salariés, et pris des mesures complémentaires, comme le durcissement des contrôles destinés à détecter le faux travail indépendant et de nouvelles règles visant à limiter le recours aux para-salariés. Ces mesures semblent avoir été efficaces. Après avoir culminé aux alentours de 2007, le nombre des para‑salariés a accusé une forte baisse, soit de 40 % environ entre 2007 et 2016.
Intégrer les indépendants dans les régimes des salariés ne va pas sans mal
Dans la pratique, intégrer les travailleurs indépendants dans les régimes de retraite des salariés ne va pas sans mal. Les cotisations de retraite des salariés sont souvent fondées sur leur salaire brut, ce qui ne correspond à aucune catégorie des revenus d’activité d’un indépendant (Graphique 2.10). Le salaire brut correspond à la somme des cotisations salariales, de l’impôt sur le revenu des personnes physique (IRPP) correspondant et du salaire net après impôt. Il est inférieur au coût total de la main‑d’œuvre du point de vue de l’employeur, car celui-ci comprend les cotisations patronales. En revanche, le chiffre d’affaires total du travailleur indépendant comprend le revenu brut du travail et du capital (avant cotisations et impôts), ainsi que les dépenses professionnelles et le coût du matériel.
En ce qui concerne les travailleurs indépendants, les revenus du travail et ceux du capital sont habituellement impossibles à dissocier. Certains pays les distinguent de manière artificielle à l’aide de « salaires théoriques » (la Finlande par exemple), mais les règles de calcul utilisées sont fortement discrétionnaires. La Norvège et la Suisse permettent de déduire les intérêts sur les dépenses d’équipement pour déterminer le revenu à prendre en compte pour les cotisations de retraite. De nombreux pays autorisent les travailleurs indépendants à définir eux‑mêmes la part de leurs revenus qui correspond aux revenus du travail ou à fixer librement leur assiette de cotisations, dans certaines limites. Outre les retraites, le fait de dissocier les salaires des bénéfices crée des difficultés du point de vue fiscal, les uns et les autres étant souvent imposés différemment, les revenus du capital étant souvent assujettis à un taux d’imposition inférieur à ceux du travail (OCDE, s.d.[24] ; OCDE, 2015[25])15.
L’harmonisation complète de l’assiette des cotisations de retraite entre salariés et indépendants exigerait donc que ces deux catégories de travailleurs payent des cotisations sur leur revenu total, ou que l’on distingue de façon précise les revenus du travail des indépendants de leurs revenus du capital. Dans le premier cas, les cotisations seraient aussi versées sur le rendement de l’épargne, y compris celle des revenus du travail. Cela nécessiterait un profond remaniement des retraites des salariés. Dans le second, il paraît impossible de dissocier les sources de revenus sans aucune marge d’appréciation, du moins pour certaines catégories de travailleurs indépendants. D’une manière générale, l’harmonisation impose donc de laisser aux indépendants une certaine souplesse pour déterminer la part du travail et celle du capital.
Un autre problème a trait aux cotisations. L’application du taux plein de cotisation des emplois traditionnels (qui correspond à la somme des cotisations patronales et salariales) au chiffre d’affaires total des travailleurs indépendants ou à leur revenu brut se traduirait pour ces derniers par des cotisations de retraite totales supérieures à celles de salariés ayant un revenu d’activité imposable identique. Inversement, son application au seul revenu net de cotisations (avant impôt), induirait une diminution des cotisations versées par le travailleur indépendant.
Validation des revenus, pouvoir de négociation et variabilité des revenus
Les travailleurs indépendants n’ont pas d’employeur (spécifique), ce qui crée d’autres complications pour la mise en place de leur régime de retraite. D’abord, le fait qu’ils paient les deux types de cotisations, salariales et patronales, au titre des retraites obligatoires peut donner le sentiment qu’elles constituent une charge financière plus lourde pour les indépendants que pour les salariés, les cotisations patronales de ces derniers étant moins directement visibles.
Ensuite, aucun employeur ne valide donc les revenus du travailleur indépendant, de sorte qu’il est plus difficile d’empêcher la sous‑déclaration des revenus (autrement dit une informalité partielle au moins) et les faibles cotisations. L’expérience de l’Espagne, par exemple, semble indiquer que la sous‑déclaration des revenus est beaucoup plus répandue chez les indépendants que chez les salariés (Martinez-Lopez, 2012[26]). Les observations relatives à d’autres pays confirment que les travailleurs indépendants sous‑déclarent fréquemment leurs revenus d’activité (Hurst, Li et Pugsley, 2010[27] ; Bucci, 2019[28]). Aux États‑Unis, selon une enquête de 2018, 32 % des indépendants sous‑déclarent incontestablement leurs revenus à des fins fiscales (Bruckner et Hungerford, 2019[29]). Qui plus est, la tendance à l’informalité risque d’être accentuée chez ceux qui travaillent avec les plateformes en ligne ou par leur intermédiaire, surtout si celles-ci sont basées à l’étranger et ne communiquent aucune donnée de transaction aux autorités nationales. Dans certains cas, toutefois, le travailleur indépendant pourrait être tenté de choisir une assiette de cotisations plus élevée. Par exemple, dans les régimes à prestations définies qui associent le montant des prestations au revenu des dernières années d’activité (par opposition au revenu sur l’ensemble de la vie active), il pourrait opter pour une assiette supérieure au cours de ses dernières années d’activité de manière à augmenter sa retraite. C’est pour cette raison que l’Espagne fixe un plafond à l’assiette de cotisation librement déclarée pour les personnes de 47 ans et plus qui avaient auparavant opté pour une assiette inférieure. En outre, il est d’ordinaire impossible d’évaluer de manière objective le temps de travail d’un indépendant, et donc de calculer un salaire horaire de façon fiable. Lorsque les droits à la retraite minimum et l’accès aux régimes obligatoires liés à la rémunération dépendent du temps de travail, les règles en vigueur pour les salariés ne peuvent pas être étendues aux indépendants sans modification.
Troisièmement, la stabilité des revenus d’activité est l’une des composantes du contrat de travail des salariés car les employeurs supportent l’essentiel des risques, comme le risque de fluctuation de la demande. Comme les travailleurs indépendants supportent tous les risques, leurs revenus subissent fréquemment de fortes variations. De ce fait, ils atteignent les planchers et les plafonds fixés pour les revenus d’activité ouvrant droit à retraite d’une manière plus imprévisible. En fonction des règles régissant les retraites, le revenu inférieur au plancher soit n’est pas soumis à cotisations et ne confère aucun droit, soit est soumis aux cotisations minimum ; ce dernier cas se traduit par un taux de cotisation effectif élevé, voire des problèmes de liquidité. Inversement, tout dépassement des plafonds de cotisations conduit à un taux de cotisation effectif plus bas16.
Règles régissant les retraites pour les formes de travail atypiques
Les règles qui régissent les retraites prévoient souvent, pour les travailleurs atypiques, une couverture moins complète que pour les travailleurs traditionnels. Cette section présente un aperçu de la façon dont les systèmes de retraite intègrent les travailleurs atypiques, en soulignant qu’il existe de profondes différences entre les pays. Elle analyse les règles qui s’appliquent aux travailleurs indépendants, à temps partiel et temporaires et fait la synthèse des réformes intervenues récemment.
Le travail indépendant
Couverture et champ d’application
La couverture retraite des travailleurs indépendants varie considérablement d’un pays de l’OCDE à l’autre. Si la plupart obligent les indépendants à adhérer aux régimes liés à la rémunération, ces travailleurs versent des cotisations similaires à celles des salariés dans dix pays seulement (Tableau 2.1, première colonne). Même dans ces pays, une observation insuffisante des règles qui régissent les retraites peut compromettre la couverture retraite. En Corée, par exemple, la majorité des indépendants ne sont pas couverts par les retraites publiques bien qu’ils soient tenus par la loi d’adhérer au régime public (Kim et Lee, 2012[30]).
Dans 18 pays (colonnes 2 à 4), les travailleurs indépendants sont obligatoirement couverts par des régimes liés à la rémunération, mais leur taux de couverture est quelque peu limité car ils sont autorisés à verser des cotisations moins élevées que les salariés grâce à des taux de cotisation réduits (deuxième colonne), à une plus grande liberté dans la fixation de leur assiette de revenus, ce qui se traduit souvent par le versement des cotisations minimum (troisième colonne), ou à des seuils de revenu minimum au‑dessous desquels ils sont exonérés de toute obligation de versement des cotisations (quatrième colonne). En Allemagne, en Australie, au Danemark, au Japon, au Mexique et aux Pays‑Bas, les travailleurs indépendants, contrairement aux salariés, ne sont pas tenus d’adhérer aux régimes liés à la rémunération – ce qui était aussi le cas au Chili et en Israël, mais depuis peu, ces régimes sont obligatoires pour les indépendants17. Enfin, en Irlande et au Royaume-Uni, les travailleurs indépendants sont affiliés à des régimes forfaitaires contributifs dans des conditions similaires à celles qui s’appliquent aux salariés, tandis que les régimes liés à la rémunération sont facultatifs pour tous les types de travailleurs.
Pour ce qui est des retraites facultatives, la plupart des pays offrent aux travailleurs indépendants un accès aux régimes de retraite privés facultatifs ainsi que des avantages fiscaux, comme c’est le cas pour les salariés. Pour compenser une couverture obligatoire moins importante, le plafond de non‑imposition des cotisations aux régimes facultatifs est plus élevé pour les indépendants que pour les salariés en Belgique, en France, au Japon et en Suisse. De plus, l’Allemagne, la Belgique, la France, le Japon et le Luxembourg ont mis en place des programmes de retraite facultatifs spécifiquement conçus pour certaines catégories d’indépendants au moins, lesquelles bénéficient de déductions d’impôts et d’aides financières. En Nouvelle‑Zélande, en Pologne, au Royaume-Uni et en Turquie, les salariés sont automatiquement affiliés au dispositif de retraite de leur employeur – qu’ils peuvent choisir de quitter –, ce qui n’est pas le cas des travailleurs indépendants (chapitre 3)18.
Tableau 2.1. Les indépendants ne cotisent pas pleinement aux régimes de retraite (quasi) obligatoires
Cotisations aux régimes de retraite obligatoires et quasi obligatoires imposés aux travailleurs indépendants, pays de l’OCDE
Cotisations obligatoires ou quasi obligatoires aux régimes liés à la rémunération |
Cotisations obligatoires aux seules retraites forfaitaires |
Pas de cotisations de retraite obligatoires |
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Similaires à celles des salariés |
Taux de cotisation réduit |
Cotisations forfaitaires obligatoires uniquement |
Cotisations normales obligatoires uniquement au-delà d’un seuil de revenu |
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Canada |
Autriche |
Espagne |
Autriche |
Irlande* |
Allemagne |
Corée |
Belgique |
Pologne |
Chili |
Japon |
Australie |
Estonie |
Chili |
Turquie |
Finlande |
Pays-Bas |
Danemark |
États-Unis |
France |
Lettonie |
Royaume-Uni* |
Mexique |
|
Grèce |
Islande |
République slovaque |
|||
Hongrie** |
Israël |
Turquie |
|||
Lituanie** |
Italie |
||||
Luxembourg |
Lettonie |
||||
République tchèque |
Norvège |
||||
Slovénie** |
Portugal |
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Suède |
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Suisse |
Notes : « Similaires à celles des salariés » indique que les travailleurs indépendants sont couverts par des régimes identiques ou équivalents à ceux des salariés, qu’ils ont les mêmes taux et seuils de cotisation, et que leurs cotisations sont fondées sur les revenus. (*) En Irlande et au Royaume-Uni, ni les indépendants ni les salariés ne sont couverts par des régimes de retraite obligatoires ou quasi obligatoires liés à la rémunération, mais les retraites forfaitaires sont financées par les cotisations. (**) En Hongrie, en Lituanie et en Slovénie, certains travailleurs indépendants exerçant dans le cadre de formes juridiques particulières versent uniquement des cotisations forfaitaires.
Source : Informations communiquées par les pays, MISSOC (2018[31]), Spasova et al. (2017[16]) et SSA (2018[32]).
Assiette des cotisations de retraite et de sécurité sociale
Même lorsque les règles régissant les retraites, pour une assiette de cotisations donnée, sont similaires pour les salariés et pour les indépendants, les cotisations de retraite peuvent varier sensiblement. L’assiette des cotisations, c’est‑à‑dire les revenus d’activité pris en compte pour calculer les cotisations, n’est pas la même pour ces deux types de travailleurs. Pour les salariés, les cotisations de retraite sont généralement payées sur le salaire brut, qui correspond au coût total de la main‑d’œuvre minoré de la part des cotisations de sécurité sociale à la charge de l’employeur. Pour les indépendants, il n’existe pas de véritable équivalent au salaire brut (section 2.3).
La plupart des pays utilisent un critère lié aux revenus pour fixer l’assiette des cotisations applicable aux travailleurs indépendants (Graphique 2.11). Selon les pays, ce critère correspond au revenu avant ou après déduction des cotisations de sécurité sociale. Plusieurs pays n’appliquent le taux de cotisation qu’à une fraction des revenus, soit 50 % en République tchèque, 67 % en République slovaque, 75 % en Slovénie et 90 % en Lituanie.
La plupart des travailleurs indépendants en Espagne, en Lettonie, en Pologne et en Turquie, et certains indépendants exerçant en vertu de formes juridiques spécifiques en Hongrie, en Lituanie et en Slovénie, doivent cotiser aux régimes de retraite obligatoires mais disposent d’une grande liberté pour choisir leur assiette de revenus dans une fourchette donnée. La Finlande leur laisse aussi une grande latitude à cet égard, mais impose une contrainte qui est, néanmoins, difficile à vérifier : l’assiette de cotisations doit correspondre au salaire qui serait versé si le travail de l’indépendant était effectué par une autre personne, tout aussi compétente, que l’indépendant en question. Avec une telle souplesse, les cotisations risquent d’être faibles quels que soient les revenus d’activité réels, par manque de prévoyance financière, par exemple19. Dans un troisième groupe de pays, ainsi que le montre le tableau 2.1, les cotisations de retraite ne sont pas obligatoires pour les indépendants (Graphique 2.11).
La plupart des pays fixent des assiettes de cotisations ou des seuils de revenu minimum (Graphique 2.11)20. Les premières correspondent à un montant minimum auquel s’appliquent les cotisations de retraite ou de sécurité sociale des indépendants, même si le revenu réel est inférieur. Elles empêchent les indépendants de verser des cotisations très faibles, mais elles impliquent aussi que le taux de cotisation effectif est élevé pour les personnes dont le revenu est inférieur au seuil. Pour atténuer cet inconvénient, la Pologne autorise les travailleurs indépendants à diminuer leurs cotisations pendant une période limitée lorsque leurs revenus sont bas. Les assiettes minimum sont élevées dans certains pays, et sont mêmes égales ou supérieures à 50 % du salaire moyen en Italie, en Pologne et en Slovénie.
Les seuils minimum correspondent à un montant minimum au-dessous duquel les indépendants sont exonérés des cotisations de retraite ou de sécurité sociale obligatoires21 ; dans ce cas, ils n’acquièrent pas non plus de droits à retraite. De tels seuils existent dans huit pays de l’OCDE, et s’échelonnent de 11 % du salaire moyen en Irlande à 50 % en République slovaque et en Turquie. En Lettonie, les personnes dont les revenus sont inférieurs au seuil sont en fait soumises à un taux de cotisation beaucoup plus bas22(Graphique 2.11).
Taux de cotisation
Dans la plupart des pays, les cotisations sont spécialement affectées aux retraites tandis que dans cinq autres, les cotisations sociales couvrent l’ensemble de l’assurance sociale des travailleurs indépendants, à savoir l’assurance invalidité, l’assurance chômage parfois, et d’autres types d’assurance sociale. Dans ces derniers cas, il est généralement impossible de démêler les cotisations de retraite des autres types de cotisations sociales.
Dans la moitié des pays où les cotisations de retraite sont spécialement affectées, les taux de cotisation sont identiques pour les salariés et les indépendants (Graphique 2.12) : les indépendants sont soumis à un taux de cotisation qui correspond au taux de cotisation total des salariés (soit la somme des cotisations salariales et patronales). C’est le cas au Canada, en Corée, en Estonie, aux États-Unis, en Finlande, en Grèce, en Hongrie, en Lettonie, en Lituanie, au Luxembourg, en Pologne, en République slovaque, en République tchèque, en Slovénie et en Turquie. Dans les autres pays pratiquant l’affectation spéciale des cotisations de retraite, les taux de cotisation sont plus faibles pour les indépendants. En Allemagne, en Australie, au Danemark, au Japon, au Mexique, aux Pays‑Bas, en Suède et en Suisse, c’est le cas parce que les travailleurs indépendants ne sont pas tenus de cotiser, ou uniquement en partie, aux régimes liés à la rémunération. En revanche, en Autriche, au Chili, en France, en Islande, en Israël et en Italie, les indépendants sont obligatoirement couverts par l’ensemble des régimes liés à la rémunération, mais les taux de cotisation sont plus bas. En Autriche, toutefois, le taux de cotisation réduit des travailleurs indépendants ne se traduit pas par des droits inférieurs à la retraite car les cotisations sont complétées par l’impôt. En Norvège, les indépendants versent des cotisations moins élevées au régime de retraite public et ne sont en outre pas couverts par le régime privé auquel les salariés doivent obligatoirement s’affilier.
Parmi les pays qui ne distinguent pas les cotisations de retraite des autres cotisations de sécurité sociale, seule l’Espagne applique aux travailleurs indépendants des taux identiques au taux de cotisation total des salariés – soit la somme des cotisations salariales et patronales (Graphique 2.12). En Belgique, en Irlande, au Portugal et au Royaume-Uni, les indépendants sont soumis à des taux de cotisations de sécurité sociale inférieurs à ceux des salariés, et les écarts sont importants. L’une des raisons en est que, à l’exception du Portugal, les indépendants ne sont pas assurés contre le chômage (OCDE, 2018[7])23.
Si les taux de cotisation de retraite figurant dans le graphique ci‑dessus correspondent à la règle générale en vigueur pour les travailleurs indépendants, on peut observer de fortes variations d’une catégorie d’indépendants à l’autre ; en particulier, les taux peuvent différer dans des proportions considérables pour certaines professions, les indépendants à faibles revenus et ceux qui sont économiquement dépendants. En Allemagne, d’une manière générale, les indépendants ne sont pas obligatoirement couverts par les retraites, comme le montre le Graphique 2.11. Toutefois, certains indépendants (comme les accompagnant(e)s à la naissance) sont obligatoirement couverts par le régime de retraite général, moyennant le plus souvent des cotisations forfaitaires, tandis que les autres types de travailleurs indépendants (comme les médecins) sont obligatoirement affiliés à l’un des 89 régimes de retraite organisés par des associations professionnelles. De plus, des règles spécifiques s’appliquent aux artistes et publicitaires indépendants, qui acquittent uniquement la part salariale des cotisations, c’est‑à‑dire la moitié des cotisations totales, le reste étant financé au moyen d’une cotisation spécifique versée par leurs clients et d’une aide publique. De même, aux Pays‑Bas, les peintres sont tenus d’adhérer au régime de retraite professionnel, ce qui n’est pas le cas pour la plupart des autres indépendants.
En Italie, les taux diffèrent entre les divers types de travail indépendant. Le taux de cotisation applicable aux indépendants s’élève à quelque 24 % pour les agriculteurs, les artisans, les entrepreneurs individuels, les travailleurs sous contrat et les « nouveaux » indépendants, c’est‑à‑dire ceux qui exercent une profession non réglementée ; pour les professions libérales, il existe plusieurs catégories, qui sont assujetties à divers taux de cotisation allant de 10 % à 33 % du revenu professionnel. La France compte plusieurs catégories de professions qui sont soumises à des taux de cotisation variés. En général, le taux de cotisation de retraite valable pour les travailleurs indépendants est de 24.75 %, mais des taux différents – et dans certains cas, des sommes forfaitaires – s’appliquent aux professions libérales. De plus, les travailleurs indépendants qui enregistrent un chiffre d’affaires limité et utilisent les règles administratives simplifiées pour créer leur entreprise, dits « microentrepreneurs », sont assujettis à des taux de cotisation spécifiques moins élevés. Les propositions actuelles liées à la mise en œuvre d’un régime de retraite universel en France (chapitre 1) prévoient notamment l’unification des régimes couvrant les professions libérales et les travailleurs indépendants, même si certaines spécificités pourraient s’appliquer à différentes professions, dont les artistes, les journalistes et les marins. De plus, l’Allemagne, l’Autriche, l’Espagne, la Finlande, la France, la Grèce et la Pologne ont mis en place des régimes spéciaux pour les agriculteurs (Choi, 2009[33]). En Pologne, les agriculteurs paient des cotisations de sécurité sociale très faibles, en fonction de leur surface agricole et non de leurs revenus. Le régime des agriculteurs est fortement subventionné via les recettes fiscales, puisqu’en 2018, les cotisations n’ont financé que 15 % des dépenses malgré le niveau relativement bas des prestations de retraite servies aux agriculteurs. On trouvera à l’Encadré 2.2 davantage d’exemple des dispositifs de retraite en vigueur pour deux professions : les travailleurs de plateforme du secteur des VTC et les journalistes.
Dans les pays où les retraites professionnelles sont très répandues, comme le Danemark, les États‑Unis, l’Irlande et le Royaume‑Uni, les cotisations des salariés à ces régimes sont habituellement complétées par les cotisations des employeurs. Un tel abondement est impossible pour les travailleurs indépendants, qui doivent pourvoir eux‑mêmes au taux de cotisation total pour bénéficier du même taux de couverture que les salariés dans les régimes professionnels.
Dans la plupart des pays, les personnes qui conjuguent travail indépendant et travail salarié versent des cotisations basées soit sur la totalité des revenus tirés de ces deux types d’activité, soit sur les revenus provenant de chaque type d’activité de manière séparée. Quelques pays appliquent toutefois des règles spécifiques dans ce cas. En Belgique, le niveau de cotisation minimum est sensiblement plus bas pour les personnes dont le travail indépendant constitue une « activité complémentaire » (environ 35 % des indépendants), c’est‑à‑dire ceux qui combinent une activité indépendante avec un emploi de salarié à mi‑temps au moins. Ces travailleurs n’acquièrent pas de droits au titre de la retraite publique à travers leur activité indépendante. En Corée, seuls les revenus du travail salarié sont soumis aux cotisations de retraite et font croître les droits à retraite en cas de cumul d’un travail salarié avec une activité indépendante.
Encadré 2.2. Règles régissant les retraites des travailleurs de plateforme du secteur des VTC et des journalistes
(1) Les travailleurs de plateforme du secteur des VTC
Les plateformes de travail en ligne se sont formidablement développées ces dernières années. L’exemple des plateformes du secteur des VTC illustre l’évolution rapide de ces plateformes, même si leur utilisation est illégale dans quelques pays, dont le Japon, la Norvège et la Turquie. Les chauffeurs de taxi traditionnels sont classés parmi les travailleurs indépendants, mais dans certains pays, certains d’entre eux sont considérés comme des salariés. En général, les mêmes règles s’appliquent aux retraites des chauffeurs de taxi et à celles des travailleurs de plateforme du secteur des VTC, c’est‑à‑dire qu’il n’existe pas de réglementation spécifique pour ces derniers.
En Finlande, les restrictions concernant les services de taxi ont été assouplies en juillet 2018, et les chauffeurs de taxi traditionnels comme les travailleurs de plateforme sont désormais traités de la même façon au regard de l’assurance retraite : ils sont couverts par l’assurance retraite traditionnellement destinée aux travailleurs indépendants – connue sous le nom de YEL – lorsqu’ils dépassent un seuil de revenu minimum. Les revenus du travail, qui servent de base pour les cotisations sociales, sont aussi calculés de façon identique. Du fait de l’émergence d’entreprises dites de portage salarial, le traitement des retraites des travailleurs de plateforme est désormais plus complexe en Finlande. Ces entreprises facturent les plateformes au nom des travailleurs indépendants et des freelances professionnels pour les services qu’ils assurent et gèrent certaines tâches administratives pour le compte des indépendants. Elles versent par exemple, aux sociétés d’assurance, les cotisations des travailleurs de plateforme indépendants du secteur des VTC. Le service d’intermédiaire proposé par ces entreprises a posé la question de savoir dans quelle mesure elles peuvent être considérées comme des employeurs.
En France, les travailleurs de plateforme du secteur des VTC sont considérés comme des indépendants à l’instar des chauffeurs de taxi traditionnels et ils peuvent choisir d’être assurés comme des travailleurs indépendants ou de fonctionner comme des microentrepreneurs à condition de remplir certains critères. Dans le deuxième cas, les chauffeurs sont soumis à un taux de cotisation mensuel ou trimestriel (22 % en 2019) directement appliqué sur leur chiffre d’affaires et non sur leurs revenus – c’est‑à‑dire qu’ils ne peuvent pas déduire de frais – et tous les risques sociaux, dont l’assurance vieillesse, sont couverts.
Le classement des travailleurs de plateforme du secteur des VTC dans la catégorie des travailleurs indépendants ou dans celle des salariés reste un sujet d’actualité et de controverse dans de nombreux pays. En Autriche, la plateforme de VTC Uber est engagée dans un incessant différend juridique au sujet des services qu’elle est autorisée à offrir. Récemment, la Cour suprême du pays a décidé qu’Uber n’avait pas le droit d’intervenir en tant qu’un intermédiaire en ligne pour la location de voitures ; cette décision implique que de nombreux chauffeurs de la plateforme qui n’étaient pas tenus de verser des cotisations de retraite puisqu’ils étaient classés parmi les contractants indépendants paient désormais des cotisations de retraite obligatoires, car ils sont considérés comme des partenaires d’Uber sous contrat. En Belgique, la situation des travailleurs de plateforme est très variée et aucune conclusion définitive quant à leurs droits sociaux n’a été arrêtée. En 2016, une nouvelle législation a été mise en place pour réglementer le travail de plateforme, en vertu de laquelle les travailleurs gagnant jusqu’à 6 000 EUR par an ne paient pas de cotisations et, de ce fait, n’acquièrent pas de droits sociaux, retraite comprise.
En général, le principal problème soulevé par les travailleurs de plateforme est la difficulté de déterminer si la plateforme devrait être considérée comme l’employeur ou les travailleurs comme des indépendants. En fonction de la solution trouvée à ce problème, les règles applicables aux retraites diffèrent.
(2) Les journalistes
Les journalistes ont été fortement touchés par l’évolution technologique et le transfert des contenus écrits vers les contenus numériques. Par conséquent, les modèles économiques ont évolué et la situation contractuelle de la profession est passée d’un emploi principalement salarié à un emploi majoritairement indépendant. Dans certains pays de l’OCDE, les journalistes sont tous des travailleurs indépendants, tandis que dans d’autres, ils peuvent être soit indépendants, soit salariés. Dans la plupart des pays, les règles qui régissent traditionnellement les retraites des salariés ou des indépendants s’appliquent en conséquence.
Néanmoins, certains pays ont introduit des régimes de retraite spéciaux pour les journalistes. En Belgique, une retraite complémentaire pour les travailleurs reconnus comme des « journalistes professionnels » a été mise en place en 1971 et vient s’ajouter à la retraite publique générale. Ce dispositif est obligatoire, financé par une cotisation supplémentaire de 2 % pour l’employeur et de 1 % pour le journaliste. Pour les journalistes qui ont effectué une carrière complète, cette retraite complémentaire sert des prestations pouvant aller jusqu’à 33 % de leur retraite publique, en fonction de la durée de cotisation au régime.
En Autriche, les journalistes sont généralement classés parmi les salariés ou les journalistes freelances, et dans le deuxième cas, ils sont considérés comme de « nouveaux » travailleurs indépendants. Les « nouveaux » indépendants sont couverts par le même régime public obligatoire que les travailleurs indépendants traditionnels.
En Allemagne, les artistes indépendants et les membres des professions de l’édition sont obligatoirement couverts par l’Assurance sociale des artistes (Künstlersozialversicherung). Les travailleurs affiliés à ce régime ne paient que la moitié des cotisations, l’autre moitié étant versée par les clients (30 %) et provenant d’une aide de l’État financée par l’impôt (20 %). Ce régime donne droit à des pensions de vieillesse, d’invalidité et de réversion.
En France, les journalistes professionnels sont couverts par les régimes obligatoires des salariés. Les pigistes – qui sont payés à la publication et non au temps de travail – bénéficient d’une réduction de 20 % sur les cotisations de sécurité de sociale plafonnées (parts salariale et patronale) et les cotisations non plafonnées (part patronale, uniquement) au régime général. Ce taux réduit n’entraîne pas de diminution des prestations et il est financé par une redistribution au sein du régime. De plus, les journalistes peuvent déduire 30 % de leurs frais professionnels (dans la limite de 7 600 EUR par année civile) des cotisations de sécurité sociale à leur charge.
En Lettonie, les revenus tirés des droits d’auteur, qui sont la principale source de revenu pour de nombreux journalistes, sont soumis à un taux de réduit pour les cotisations de retraite et confèrent des droits réduits, soit 5 % contre 20 % pour les salariés. Les cotisations versées sur les droits d’auteur sont directement payées par les clients.
En Italie, les retraites des journalistes freelances et salariés sont versées par l’Institut de prévoyance pour les journalistes (INPGI). Ce fonds est toujours à prestations définies, alors que la plupart des autres travailleurs sont couverts par des régimes de comptes notionnels à cotisations définies. En 2017, les dépenses ont dépassé les recettes de 42 %, laissant apparaître les profonds déséquilibres existant entre les cotisations et les prestations totales (Itinerari Previdenziali, 2019[34]).
Droits à la retraite
Globalement, dans l’OCDE, les travailleurs indépendants dont le revenu imposable (net des cotisations de sécurité sociale) est égal au salaire moyen net avant impôts (salaire brut net des cotisations salariales) peuvent compter percevoir – après versement des cotisations obligatoires d’une carrière complète – une pension de retraite égale à 79 % de la pension brute théorique du salarié moyen (Graphique 2.13)24 25.
Dans les pays où les indépendants ne sont pas tenus de cotiser aux régimes de retraite liée à la rémunération alors que les salariés le sont, la pension théorique relative compte parmi les plus faibles. Dans ces pays, la pension de retraite des indépendants au titre des régimes obligatoires est limitée aux prestations de vieillesse relevant du filet de protection sociale, retraite forfaitaire comprise. Dans le cas d’une carrière complète, la pension théorique des indépendants représente la moitié environ de celle des salariés, voire beaucoup moins au Mexique (21 %), au Japon (33 %) ainsi qu’en Allemagne, au Danemark, et aux Pays-Bas. Parmi ces pays, l’Australie se distingue car la retraite forfaitaire subordonnée à un critère de ressources (Age Pension) accorde aux travailleurs indépendants une pension équivalant à 90 % de celle que les salariés moyens perçoivent des régimes obligatoires liés à la rémunération (Superannuation).
Les pensions théoriques relatives des travailleurs indépendants sont également faibles - entre 40 % et 60 % de celles des salariés – en Espagne, en Pologne et en Turquie, où ils sont seulement obligés de verser des cotisations forfaitaires aux régimes liés à la rémunération sont obligatoires, et en Lettonie, où les cotisations obligatoires sont sensiblement réduites au-dessus du salaire minimum.
Dans de nombreux pays, l’application de taux de cotisation plus bas et d’une assiette de cotisations réduite dans les régimes obligatoires liés à la rémunération se traduit pour les travailleurs indépendants par des pensions inférieures à celles des salariés ayant des revenus imposables identiques. Par exemple, en Belgique, en France (composante par points) et en Italie, les taux de cotisation réduits influent directement sur les droits acquis au titre du régime public, tandis qu’en Norvège, en Suède et en Suisse, les pensions sont plus faibles parce que les travailleurs indépendants ne versent pas de cotisations ou paient un taux réduit aux régimes par capitalisation obligatoires. En conséquence, les pensions théoriques des travailleurs indépendants représentent 50 % de celles des salariés en Suisse, quelque 70 % en Belgique, au Chili26 et en Italie, 80 % environ en France, en Israël, en République tchèque et en Suède, 90 % en Lituanie, en Norvège et en Slovénie, et 97 % en Estonie. Il existe toutefois des facteurs compensatoires. En République tchèque, par exemple, grâce aux taux de remplacement progressifs, les pensions théoriques relatives des indépendants atteignent 80 %, même si l’assiette de cotisations est fixée à 50 % seulement du revenu imposable. En Norvège, le taux de cotisations réduit au régime public ne diminue pas implicitement les prestations, et en Autriche, les cotisations réduites des travailleurs indépendants sont explicitement complétées par l’impôt.
Certains pays calculent les retraites des travailleurs indépendants sur la base du revenu brut, à savoir le revenu avant déduction des cotisations, ce qui se traduit par des revenus donnant droit à prestation supérieurs, « toutes choses étant égales par ailleurs », dans le cas examiné ici (le revenu imposable du travailleur indépendant est égal au salaire net avant impôt) car le taux de cotisations versé par le travailleur indépendant est supérieur au taux de cotisations salariales des salariés. De ce fait, les pensions théoriques des travailleurs indépendants sont un peu plus élevées que celles des salariés en Autriche, en Grèce, en Hongrie, au Luxembourg et en République slovaque. Dans ce dernier pays, cela fait plus que compenser l’assiette de cotisations réduite des travailleurs indépendants, fixée à 57 % des revenus bruts, et se traduit pour eux par une assiette de cotisations supérieure de 10 % à celle des salariés ayant des revenus imposables identiques. Les États-Unis autorisent les indépendants à déduire la moitié des cotisations de sécurité sociale avant le calcul de l’assiette de cotisations. Comme le taux de cotisations appliqué aux salariés et aux employeurs est le même, cette déduction égalise les pensions théoriques entre travailleurs indépendants et salariés.
L’Irlande, la Nouvelle-Zélande et le Royaume-Uni, qui ne versent que des prestations forfaitaires dans le cadre des régimes de retraite obligatoires des salariés, accordent les mêmes prestations aux travailleurs indépendants et aux salariés.
Le travail à temps partiel
Des heures de travail réduites entraînent une diminution du revenu d’activité total et, in fine, des retraites servies par les dispositifs liés à la rémunération. Dans certains pays, l’impact, sur les retraites, du travail exercé à temps partiel pendant une partie de la carrière au moins peut être limité selon le niveau des revenus d’activité, à travers les effets des prestations non contributives, des retraites forfaitaires contributives, des retraites minimum et des règles relatives au salaire de référence dans les régimes liés à la rémunération. Toutefois, les conséquences sur les retraites peuvent être proportionnellement plus lourdes dans d’autres pays, c’est‑à‑dire que le montant des retraites peut baisser plus fortement que le revenu d’activité. Cette situation peut se produire lorsqu’une condition de revenu d’activité ou de temps de travail minimum s’applique aux retraites. Ainsi, alors qu’une condition de revenu minimum s’applique officiellement à tous les salariés dans certains pays, une obligation de revenu minimum d’un montant inférieur au salaire minimum mensuel des salariés à plein temps ne s’applique qu’aux salariés à temps partiel ou à certaines catégories de temporaires.
Des conditions de revenu d’activité ou de temps de travail minimum existent dans la moitié environ des pays de l’OCDE (Tableau 2.2). Ainsi, en Allemagne, en Corée et au Japon, les travailleurs peuvent prétendre aux retraites obligatoires moyennant un nombre minimum d’heures de travail. Quatorze pays ont fixé un revenu d’activité minimum – par semaine, par mois, par trimestre ou par année – pour l’acquisition des droits aux retraites obligatoires (Graphique 2.14), qui varie de moins de 5 % du revenu d’activité moyen en Irlande et en Finlande à plus de 50 % en Turquie. En Allemagne, s’il n’existe pas de condition de revenu d’activité minimum, les travailleurs touchant 450 EUR au plus par mois (les « mini‑jobbers ») ont la possibilité de sortir du dispositif d’assurance retraite légal27. Dix-neuf pays, en revanche, n’imposent ni revenu d’activité ni nombre d’heures minimum, de sorte que la totalité des travailleurs à temps partiel est couverte par les régimes de retraite.
Tableau 2.2. Conditions de revenu d’activité et de temps de travail minimum concernant les droits à retraite des travailleurs à temps partiel
Revenu d’activité minimum |
Nombre d’heures de travail minimum |
Pas de conditions |
---|---|---|
Australie, Autriche, Canada, Corée, États‑Unis, Finlande**, France, Hongrie, Irlande, Japon, République tchèque, Royaume-Uni, Suisse, Turquie |
Allemagne (jusqu’à 3 mois ou 70 jours/an), Corée (15 heures/semaine), Danemark (9 heures/semaine), Japon (20 heures/semaine), Norvège (dispositif par capitalisation ; 20 % d’un temps plein) |
Belgique*, Chili, Espagne, Estonie, Grèce, Islande, Israël, Italie, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Mexique, Nouvelle‑Zélande, Pays‑Bas, Pologne, Portugal, République slovaque, Slovénie, Suède |
Source : (*) En Belgique, lorsque le temps de travail est inférieur à un tiers et deux tiers de l’équivalent temps plein annuel, l’année concernée n’est pas prise en compte, respectivement, dans le calcul des droits à la retraite anticipée et à la retraite minimum. En République slovaque, le montant minimum du revenu d’activité ne s’applique que pour valider l’admissibilité au minimum vieillesse, mais pas aux pensions de vieillesse. (**) En Finlande, un minimum de revenu d’activité très bas, qui assure une couverture représentant 1.6 % du salaire moyen, est fixé pour des raisons pratiques, à savoir pour ne pas imposer un lourd fardeau administratif pour de petits travaux comme promener le chien d’un voisin.
Source : Informations communiquées par les pays, MISSOC (2018[31]), Spasova et al. (2017[16]) et SSA (2018[32]).
Si les conditions de revenu d’activité et de temps de travail minimum pénalisent les travailleurs à temps partiel qui ne les remplissent pas, d’autres travailleurs à temps partiel peuvent en tirer avantage. Cela peut être le cas lorsqu’ils satisfont de très peu aux conditions minimum et acquièrent (pratiquement) les mêmes droits à retraite que les travailleurs à temps plein. En particulier, si ces conditions sont fixées à un niveau peu élevé et que le lien entre les cotisations et les droits à retraite est ténu, comme c’est le cas par exemple pour les régimes de retraite minimum reposant simplement sur la validation des périodes de cotisation, de nombreux travailleurs à temps partiel peuvent en tirer profit. En pareille situation, les règles régissant les retraites impliquent une redistribution des travailleurs à temps plein vers les travailleurs à temps partiel.
En Espagne, en Estonie, en Hongrie, et en Lituanie, des règles sont en place pour déterminer les droits à retraite ou l’admissibilité aux prestations des travailleurs à temps partiel selon des méthodes particulières. En Lituanie, chaque assuré doit payer des cotisations de retraite sur le salaire minimum mensuel au moins afin de pouvoir valider un mois pour le calcul des retraites. Lorsque les cotisations de retraite sont versées sur un montant inférieur au salaire minimum mensuel, les relevés du temps de travail du régime d’assurance sont moins élevés en proportion. Des mécanismes similaires s’appliquent en Estonie et en Hongrie aux revenus d’activité inférieurs au salaire moyen. En Espagne, les travailleurs à temps partiel peuvent percevoir des prestations supérieures à celles de salariés à temps plein dont le revenu d’activité total est le même.
Le travail à temps partiel peut conférer des droits à retraite différents pour un même nombre d’heures de travail rémunérées au même salaire horaire. Ainsi, les personnes qui travaillent 3 jours par semaine sur 5 valident une période de cotisations plus brève que celles qui effectuent 60 % des heures de travail normales 5 jours par semaine dans certains pays, comme la Grèce et la Turquie, qui valident les périodes de cotisation sur une base quotidienne. D’autres pays utilisent des périodes plus longues : les semaines (Irlande, Royaume‑Uni), les mois (Pologne) ou les trimestres (France).
Dans tous les pays de l’OCDE, les travailleurs occupant plus d’un emploi à temps partiel doivent payer des cotisations de retraite obligatoires calculées sur leur revenu total pour la totalité des emplois exercés ou sur les revenus de chaque activité, et ils perçoivent des prestations en conséquence. En 2015, la Belgique a introduit les « flexi-jobs » pour les travailleurs et les retraités qui travaillent à 80 % d’un temps plein au moins et gagnent des revenus supplémentaires dans un certain nombre de secteurs, comme la restauration. Ces emplois sont exonérés de l’impôt sur le revenu et les cotisations de retraite salariales et patronales sont réduites. En République tchèque, les revenus perçus dans le cadre d’un contrat de travail spécial, qui permet d’exercer une activité supplémentaire à concurrence de 20 heures par semaine ou de 300 heures par an, sont exonérés des cotisations de retraite et ne confèrent pas de droits à retraite.
Le travail temporaire
Dans la plupart des pays, les règles applicables à l’assurance retraite des travailleurs temporaires sont alignées sur celles des travailleurs traditionnels. Néanmoins, certains pays fixent des taux de cotisation réduits ou nuls pour les travailleurs des agences de travail temporaire, les jeunes, les travailleurs saisonniers, les apprentis et/ou les stagiaires, leur conférant ainsi des droits réduits. Les stagiaires ne sont couverts par aucun régime de retraite en Hongrie, et les travailleurs des agences d’intérim et les contractants en sont exclus en Corée. En Lituanie, les travailleurs occasionnels et saisonniers titulaires de contrats basés sur des « chèques » sont dispensés d’adhérer aux régimes de retraite obligatoires. En Pologne, le travail temporaire, qui est réglementé par le droit civil et non par le code du travail – on parle ainsi de « contrats de droit civil pour un travail spécifique » – n’est pas soumis aux cotisations de retraite obligatoires.
Même lorsque les travailleurs intérimaires sont soumis, en matière de retraite, aux mêmes règles que les salariés traditionnels, leur couverture retraite est généralement réduite en raison de périodes d’activité moins longues. Ainsi, aux Pays‑Bas, les plans de retraite professionnels ne couvrent les travailleurs qu’au‑delà de six mois d’activité dans la même société, ce qui réduit de fait la couverture des travailleurs temporaires et des travailleurs employés par des agences d’intérim. De plus, les périodes d’acquisition des cotisations patronales, c’est‑à‑dire le temps nécessaire pour que les salariés deviennent propriétaires des cotisations aux dispositifs de retraite professionnels qui ont été faites en leur nom, sont souvent supérieures à un an. Dans certains pays, les périodes d’acquisition des cotisations patronales aux retraites professionnelles peuvent même dépasser trois ans, comme aux États‑Unis, en Nouvelle‑Zélande et en Turquie. La longueur des périodes d’acquisition constitue un problème pour les travailleurs temporaires, car ces derniers ont tendance à changer fréquemment d’employeur. La majorité des pays, mais pas la totalité, offrent des possibilités de transférer les dispositifs professionnels vers d’autres dispositifs d’entreprise ou de ne pas les fermer (sans y verser d’autres contributions). Autoriser le transfert des droits au titre de régimes professionnels facultatifs vers des plans de retraite individuels est moins courant, mais cela se pratique par exemple au Canada, au Danemark, en Espagne et aux États‑Unis. Dans quelques pays, les travailleurs peuvent faire valoir leurs droits à l’échéance du contrat, ce qui rompt le lien avec la retraite (chapitre 3).
Des crédits de retraite sont souvent accordés aussi longtemps que les chômeurs perçoivent les prestations de chômage. Une carrière incomplète peut empêcher les travailleurs temporaires de toucher les prestations de chômage, aggravant ainsi les répercussions des interruptions de carrière sur les retraites. De fait, une publication de l’OCDE (2019[1]) montre que les travailleurs atypiques reçoivent moins souvent des prestations de chômage que les travailleurs traditionnels. Néanmoins, la situation est contrastée et varie sensiblement d’un pays de l’OCDE à l’autre au regard des règles applicables aux prestations de chômage. La période de cotisation minimum requise pour être admis au bénéfice des prestations de chômage s’étend de moins de six mois au Canada et en Islande à plus de deux ans au Mexique (OCDE, 2018[7]). Dans bien des cas, les conditions d’attribution permettent une certaine flexibilité et la Suède, par exemple, impose aux temporaires d’avoir travaillé et cotisé pendant 6 des 12 derniers mois seulement avant de déposer une demande de prestations, alors que la République slovaque exige d’eux qu’ils aient travaillé durant au moins 24 des 48 derniers mois.
Réformes
Plus de la moitié des pays de l’OCDE ont réformé les règles applicables aux retraites des travailleurs atypiques au cours des 20 dernières années. Bien souvent, les réformes ont eu pour but de renforcer la couverture des travailleurs indépendants et à temps partiel. Récemment, les régimes liés à la rémunération ont été rendus obligatoires pour les indépendants en Israël. Depuis 2012, le Chili s’efforce d’intégrer les travailleurs indépendants, en les y affiliant de façon automatique, dans le régime de retraite par capitalisation qui est obligatoire pour les salariés, mais la majorité d’entre eux (80 % en 2017) ont choisi d’en sortir ; depuis 2019, les cotisations de retraite sont obligatoires pour les travailleurs indépendants qui émettent des factures, à l’exception des plus âgés et des bas revenus. En 2013, la couverture de retraite de certains travailleurs atypiques, comme les étudiants, les titulaires de certains contrats de droit civil et les personnes effectuant des « tâches complémentaires » (comme le ménage ou le babysitting), a été étendue en Slovénie et en République slovaque, et en Slovénie seulement pour les travailleurs indépendants aux faibles revenus d’activité. En Allemagne, l’accord de coalition en vigueur prévoit de créer une assurance retraite obligatoire pour l’ensemble des indépendants.
Quelques pays ont introduit une réglementation spécifique pour limiter les déficits de couverture retraite pour les travailleurs indépendants qui ne comptent que quelques grands clients. Si, en Allemagne, les indépendants qui travaillent principalement pour un client28 et n’ont pas de salariés sont obligatoirement couverts par le système de retraite depuis 1999, en Italie et au Portugal, les cotisations des contractants indépendants qui dépendent de contrats uniques sont désormais complétées par celles de leurs clients. Au Portugal, en outre, si un indépendant est fortement tributaire d’un seul client – le donneur d’ordre –, ce dernier doit payer pour lui des cotisations de sécurité de sociale. Le taux de cotisation est fonction du degré de dépendance du travailleur vis‑à‑vis du client29.
En 2019, la Pologne a introduit des exonérations spécifiques pour réduire la charge financière que constituent les cotisations minimum requises des travailleurs indépendants à faible revenu d’activité. Ces derniers peuvent fixer le taux de cotisation à un niveau compris entre 30 % du salaire minimum, ce qui correspond à un niveau cinq fois moins élevé qu’auparavant, et 60 % du salaire moyen pendant trois ans sur une période de cinq ans. Les droits à la retraite sont ajustés en conséquence.
Certains pays ont modifié les règles applicables aux retraites afin d’accroître la couverture retraite des travailleurs à temps partiel. L’Allemagne, la Corée, la France, le Japon et la Suisse l’ont élargie en assouplissant les conditions d’heures de travail et/ou de revenu d’activité minimum. En 2014, la France a abaissé le seuil de revenu d’activité, en le ramenant de (l’équivalent de) 200 heures à 150 heures pour le salaire minimum, par trimestre. L’Allemagne a étendu la couverture des travailleurs à temps partiel à faible revenu moyennant un mécanisme d’affiliation automatique à compter de 2013 (tout en leur offrant la possibilité d’en sortir). Au Japon, depuis 2016, les employeurs comptant plus de 500 salariés sont tenus de garantir une couverture aux travailleurs à temps partiel qui effectuent au moins 20 heures par semaine (contre 30 précédemment) et gagnent plus de 88 000 JPY par mois (soit 20 % du revenu d’activité moyen). Depuis 2017, les travailleurs à temps partiel des entreprises de plus petite taille qui satisfont aux conditions ci‑dessus ont également le droit d’adhérer aux dispositifs de retraite liés à la rémunération dès lors que la direction et les salariés ont donné leur accord. De même, en Corée, la Retraite nationale qui a été introduite en 1988 couvre uniquement les personnes qui travaillent dans des entreprises de 10 salariés au moins depuis plus de trois mois. La couverture obligatoire a été progressivement étendue à de nombreux travailleurs atypiques30. La Suisse a également abaissé le seuil d’entrée des dispositifs de retraite professionnels pour intégrer un plus grand nombre de travailleurs à bas revenu, en particulier les travailleurs à temps partiel31. En 2018, la Lettonie a étendu la couverture retraite obligatoire aux indépendants qui perçoivent des revenus inférieurs au salaire minimum, lesquels étaient uniquement couverts jusque‑là par des plans facultatifs, en les assujettissant à un taux de cotisation réduit de 5 %, contre 20 % pour le taux standard.
Améliorer les dispositions relatives aux retraites des travailleurs atypiques
Les systèmes de retraite qui atténuent les disparités existantes entre travailleurs traditionnels et atypiques en termes de couverture, de cotisations et de droits tendent à garantir une protection équitable, à réduire les inégalités, à mutualiser les risques aussi largement que possible et à faciliter la mobilité de la main‑d’œuvre entre les différents types d’emploi. La flexibilité croissante des conditions d’emploi et, en particulier, le développement de nouvelles formes de travail soulignent que la frontière entre le salariat et le travail indépendant n’est pas toujours clairement définie. Là où le nombre de travailleurs relevant de cet entre-deux augmente, cela peut mettre les gouvernants au défi d’adapter la protection sociale en général, et les pensions de vieillesse en particulier, à ce nouvel environnement (OCDE, 2018[23]).
Le travail atypique est souvent encouragé, financièrement par exemple, pour promouvoir l’entrepreneuriat, réduire l’informalité, ou offrir une plus grande souplesse aux entreprises, voire à certains travailleurs. Dans plusieurs cas, le travail atypique génère à l’âge actif des risques financiers, qui ont des répercussions sur les perspectives de revenu des personnes âgées. La lutte contre les différentes formes de travail précaire est un objectif essentiel, qui sort néanmoins du champ d’application des politiques de retraite analysées dans ce chapitre. C’est par une approche plurielle que l’on peut le plus efficacement remédier à l’une de ses formes extrêmes, l’emploi informel, en visant à relever les prestations, à abaisser le coût de la formalisation, et à renforcer les mécanismes d’application de la loi (OCDE, 2015[35]). Les mesures visant à réduire, sinon à éliminer, le traitement fiscal préférentiel des travailleurs indépendants et à lutter dans le même temps contre l’évasion fiscale sont importantes pour consolider le financement des régimes de prestations sociales et améliorer les perspectives de revenu de ces travailleurs à la retraite. En ce qui concerne l’emploi précaire, des modalités d’emploi comme l’enchaînement de contrats à durée déterminée et le faux travail indépendant pourraient en partie résulter du niveau moins élevé des cotisations sociales des indépendants, ce qui suscite des préoccupations au regard du dumping social (OCDE, 2019[1] ; Spasova et al., 2017[16]). Pour lutter contre ces procédés, il convient de s’attaquer à leurs causes fondamentales, notamment la réglementation et l’organisation du marché du travail qui concourent en fait à sa segmentation et se traduisent par des cotisations et prestations plus faibles.
La présente section propose plusieurs moyens d’actions pour améliorer les dispositions relatives aux retraites des travailleurs atypiques. Certains des problèmes rencontrés par ces derniers, comme les conséquences d’un faible niveau de revenu d’activité pendant toute la vie professionnelle ainsi que des interruptions de carrière sur le revenu au titre de la retraite, touchent aussi les travailleurs traditionnels.
Mieux coordonner les régimes contributifs et non contributifs
Il est important de bien coordonner les régimes contributifs et non contributifs pour les retraites en général, et pour les travailleurs atypiques en particulier, car ces derniers sont rarement couverts par une assurance obligatoire. L’objectif est de leur assurer une bonne protection des revenus pendant la retraite et de les inciter à cotiser aux dispositifs de retraite et d’acquérir des droits à la retraite.
Les retraites non contributives du premier pilier – c’est‑à‑dire les retraites forfaitaires soumises à condition de résidence et les prestations d’assurance sociale destinées aux personnes âgées – fixent un plancher pour les revenus de ces personnes, indépendamment des antécédents professionnels des retraités. Dans de nombreux pays, le filet de protection des personnes âgées n’est pas assez haut pour éviter aux bénéficiaires de tomber sous le seuil de pauvreté, défini comme correspondant à 50 % du revenu disponible médian des ménages (chapitre 6). Le niveau des retraites non contributives du premier pilier dépend en théorie des préférences de chaque pays en matière de redistribution ; il résulte d’un équilibre entre l’adéquation des revenus des catégories les plus vulnérables et la maîtrise des coûts financiers et le maintien d’incitations à cotiser aux dispositifs de retraite liés à la rémunération.
Il existe trois grands moyens de parvenir à une solide coordination des régimes contributifs et non contributifs. Premièrement, les retraites du premier pilier peuvent correspondre à des prestions forfaitaires universelles – qui pourraient dépendre de la composition du ménage – auxquelles viennent s’ajouter des droits contributifs. C’est le cas en Nouvelle‑Zélande et aux Pays‑Bas, par exemple. Deuxièmement, les prestations au titre du filet de protection pourraient diminuer progressivement dans le cadre de la composante liée à la rémunération, comme au Chili, en Norvège ou en Suède. Le choix du taux de dégressivité résulte en lui‑même d’un arbitrage. Un taux bas implique une couverture plus universelle, limite les stigmates associés au fait de bénéficier du filet de protection et réduit les désincitations à cotiser au régime de retraite. Toutefois, il implique aussi que le filet de protection n’est pas strictement ciblé, générant ainsi un coût plus élevé pour les finances publiques. Une troisième solution consiste à combiner les deux choix précédents : une partie du dispositif est alors universelle et l’autre progressivement retirée dans le cadre de la composante liée à la rémunération, comme c’est le cas au Canada, au Danemark et en Islande.
La bonne coordination de régimes fondés sur l’une des trois options ci‑dessus garantit, en toute transparence, que chaque droit confère une protection supplémentaire au‑delà du filet de protection destiné aux personnes âgées, dont peuvent bénéficier celles qui n’ont jamais cotisé à un dispositif de retraite lié à la rémunération. Si chaque personne âgée, y compris les travailleurs qui ont occupé des emplois atypiques au cours leur carrière, perçoivent des prestations minimum, un complément est versé en fonction de leurs années de cotisations.
L’existence de règles simples concernant les droits au titre des retraites contributives facilite grandement une bonne coordination des régimes contributifs et non contributifs. Insister sur l’importance d’une bonne coordination pour les travailleurs atypiques renforce donc les arguments qui militent en défaveur de l’instauration de règles complexes. Faire en sorte que tous les revenus du travail, jusqu’à un seuil suffisamment élevé au moins, et toutes les périodes de travail atypique donnent lieu à des cotisations constitue une étape importante vers l’adéquation des retraites des travailleurs atypiques.
Améliorer l’accès aux retraites pour les travailleurs atypiques vulnérables
Des mesures de contrôle adaptées sont indispensables pour améliorer l’accès aux retraites des travailleurs atypiques. Le travail atypique en général, et le travail de plate-forme en particulier, est en effet plus exposé à l’informalité que l’emploi traditionnel. Des amendes élevées pour non-respect de la réglementation ne peuvent compenser le recouvrement insuffisant des cotisations obligatoires (Kanbur et Ronconi, 2018[36]), ce qui semble poser un problème au Chili par exemple (Valdés-Prieto et Leyton, 2019[12]). D’un point de vue technique, les données dont on dispose pour améliorer le respect de la réglementation sont de plus en plus abondantes, qui proviennent de sources publiques (registres fiscaux et de sécurité sociale) et privées (banques, travail de plateforme par exemple) ; des algorithmes plus efficients (intelligence artificielle) peuvent en outre orienter plus efficacement les inspections du travail et les contrôles fiscaux. Néanmoins, l’utilisation de ces données soulève des problèmes de confidentialité et exigerait en outre un accroissement des capacités de l’administration publique et une meilleure coordination de l’administration du travail, des organismes de sécurité sociale et des services fiscaux (OCDE, 2008[37])32.
Les nouvelles formes de travail relèvent souvent de la zone floue entre travail salarié et indépendant. Dans plusieurs pays, comme l’Autriche et le Royaume-Uni, la question de savoir si les travailleurs de plateformes sont des salariés ou des travailleurs indépendants fait l’objet d’un vif débat juridique. Lorsqu’ils sont classés dans la catégorie des salariés, les plateformes sont parfois tenues de payer la part patronale des cotisations au régime de retraite. Qui plus est, s’agissant des retraites professionnelles, elles peuvent aussi être contraintes de proposer des plans de retraite professionnels et d’abonder les cotisations salariales, comme pour les travailleurs traditionnels.
En ce qui concerne les faux indépendants, qui sont recrutés en tant que tels mais qui accomplissent en réalité un travail salarié, les classer comme il se doit parmi les salariés permettrait d’améliorer leur assurance retraite. Souvent, il suffit simplement de faire respecter le code du travail en vigueur. Spasova et al. (2017[16]) proposent d’alourdir les amendes et d’imposer un versement rétroactif des cotisations aux employeurs qui recourent au faux travail indépendant. Certains pays ont opté pour une solution différente mais complexe pour certains indépendants, c’est-à-dire les freelances, qui dépendent fortement de clients uniques, en obligeant les clients à verser la part patronale des cotisations ou en prélevant les cotisations sur certains produits, comme les publications33. Pour les régimes de retraite facultatifs – notamment en cas d’affiliation automatique –, les cotisations versées par les clients peuvent sensiblement renforcer la couverture, comme c’est le cas pour les abondements des employeurs. Néanmoins, de telles solutions rendent le système de retraite plus complexe.
Par ailleurs, les mesures qui visent à assurer un traitement égal de tous les revenus du travail impliquent que les contrats de travail temporaire ne soient pas exclus de l’assurance retraite obligatoire, quelle que soit leur durée, et qu’aucune ancienneté minimum ne soit requise pour acquérir des droits à retraite. À l’heure qu’il est, le travail temporaire, les contrats zéro heure et le travail saisonnier ne sont pas couverts dans certains pays, et les conditions relatives à une ancienneté minimum ne sont pas rares.
Les dispositifs contributifs du premier pilier (retraites minimum et forfaitaires liées aux cotisations), qui existent dans la moitié environ des pays de l’OCDE, majorent les prestations de vieillesse suivant le nombre d’années de cotisation. L’instrument redistributif de la politique des retraites peut grandement bénéficier aux travailleurs à temps partiel en fonction des règles relatives à la validation des périodes de cotisation.
Pour les travailleurs traditionnels, les conséquences des interruptions de carrière sur les retraites dépendent des liens existant entre leurs droits et leurs revenus d’activité, ainsi que des instruments permettant d’amortir les chocs sur l’emploi, comme les crédits de retraite pendant les périodes de chômage. Globalement, dans l’ensemble des pays, un peu moins de la moitié des chocs sur l’emploi se répercutent sur les revenus au titre de la retraite : les pensions versées aux travailleurs traditionnels diminuent de 1.3 % environ par année d’inactivité en moyenne, dans les pays de l’OCDE (chapitre 5, Graphique 5.12) alors qu’elles reculeraient d’environ 2.7 % si le rapport entre le revenu d’activité et les retraites était de un pour un.
Pour les travailleurs atypiques, l’impact sur les retraites liées à la rémunération est plus marqué, c’est-à-dire qu’en cas de perte d’emploi, les droits à retraite sont inférieurs, car cette catégorie d’actifs perçoit généralement des allocations chômage de plus faible montant, et donc des droits à retraite inférieurs. Premièrement, les travailleurs atypiques n’ont pas toujours directement accès à l’assurance chômage (de nombreux types d’indépendants et certaines catégories de travailleurs temporaires, par exemple, ne sont pas couverts par l’assurance chômage). Deuxièmement, leurs périodes d’activité sont souvent plus courtes, ce qui aboutit à une durée d’indemnisation maximum plus brève et/ou des allocations moins importantes. Les politiques des retraites ne peuvent pas protéger contre tous les chocs qui se produisent sur le marché du travail, et des mesures portant sur le chômage des travailleurs atypiques offriraient un moyen plus direct de remédier à cette situation.
Rendre les retraites obligatoires pour les indépendants ?
L’affiliation des travailleurs indépendants aux régimes liés à la rémunération est généralement obligatoire pour deux grandes raisons, qui s’appliquent également aux indépendants. Premièrement, en raison d’un manque de prévoyance, les personnes qui sont laissées à elles‑mêmes ont tendance à ne pas épargner suffisamment pour leur retraite, notamment parce qu’elles sous‑estiment leurs besoins à long terme. Cet argument motive l’approche paternaliste selon laquelle les cotisations devraient être obligatoires. Les travailleurs indépendants sont tout aussi enclins à manquer de prévoyance que les salariés. Deuxièmement, offrir une protection efficace contre les risques liés aux revenus des personnes âgées impose d’avoir accès à un grand nombre de cotisants. Cet aspect est important pour que les prestataires de retraite aient la capacité d’assurer, par exemple, le risque de longévité, c’est‑à‑dire le risque que certaines personnes vivent plus longtemps que ce que peuvent financer leurs cotisations individuelles. En outre, intégrer pleinement la totalité des travailleurs atypiques dans les systèmes de retraite obligatoires de la même manière que les travailleurs traditionnels limite les incitations financières que pourraient avoir les employeurs et les travailleurs à faire un mauvais usage de l’emploi atypique pour abaisser les coûts de la main‑d’œuvre.
On fait parfois valoir que les indépendants possèdent davantage d’actifs financiers, potentiellement liés à leur activité professionnelle, voire davantage d’actifs immobiliers, ce qui leur donnerait de bonnes raisons de ne pas cotiser pour leur retraite. De tels arguments devraient être rejetés.
Comme on l’a vu dans les précédentes sections de ce chapitre, les travailleurs indépendants constituent une catégorie très éclectique, et les raisonnements préconisant leur exemption des régimes de retraite obligatoires ne s’appliquent qu’aux plus fortunés d’entre eux. Les mesures fondées sur de tels arguments exigeraient des critères de patrimoine complexes - éventuellement fondés sur les actifs futurs ; elles pourraient en outre amener à se demander pourquoi les travailleurs salariés aisés ne devraient pas être eux aussi exclus des régimes obligatoires. Tenir à l’écart certaines catégories de travailleurs parce qu’ils disposent de revenus ou d’actifs (futurs) élevés est difficile à justifier. L’égalité de traitement au regard de l’assurance retraite implique aussi que tout mécanisme de redistribution au profit des travailleurs atypiques repose sur une large assise, c’est‑à‑dire qu’il ne soit pas financé par les cotisations des seuls travailleurs traditionnels.
Pour assurer des retraites suffisantes à un plus grand nombre de travailleurs, les régimes professionnels facultatifs pourraient couvrir tous les types de contrats, à travers des plans par défaut dans les pays où ces derniers existent pour les salariés. Le principe de l’égalité de traitement pourrait aussi s’appliquer aux régimes reposant sur l’affiliation automatique. Les taux de sortie pourraient être plus élevés pour les travailleurs atypiques et les cotisations des indépendants ne peuvent pas être abondées par l’employeur, contrairement à ce qui se passe pour les salariés. Pour autant, les travailleurs atypiques sont probablement tout aussi sensibles que les autres aux incitations. En particulier, les cotisations pourraient être automatiquement déduites lors du recouvrement de l’impôt.
Aller vers l’harmonisation …
Comme on l’a vu précédemment, des arguments convaincants plaident en faveur d’une vaste harmonisation des règles régissant les retraites des salariés et des indépendants. Cet alignement des règles applicables aux différents types de travail suppose de lisser les taux de cotisation totaux pour l’ensemble des travailleurs, les indépendants payant donc à la fois les cotisations salariales et patronales. L’évaluation de l’assiette de cotisations des indépendants constitue un sérieux obstacle à une harmonisation complète (voir plus bas).
Certains pays recourent explicitement ou implicitement à des taux de cotisation plus bas pour le travail indépendant, pour que ce dernier soit avantageux sur le plan économique et pour réduire les incitations au travail informel. Toutefois, si ces cotisations moins élevées ne sont pas compensées par des aides publiques, ces politiques risquent d’avoir des conséquences sociales dans la mesure où elles impliquent des prestations futures plus faibles. Dans ce cas, la réalisation de leur objectif de promotion du travail indépendant est facilitée si les indépendants sous‑estiment leurs besoins pendant la retraite, c’est‑à‑dire s’ils manquent de prévoyance.
Les cotisations de retraite plus faibles générant des droits à retraite réduits ne devraient pas être utilisées pour promouvoir le travail indépendant. Les règles qui définissent les revenus d’activité ouvrant droit à la retraite pour les salariés et les indépendants devraient être harmonisées dans toute la mesure du possible, et ces revenus devraient conférer les mêmes droits en fonction d’un taux de cotisation total identique. La question essentielle est alors de savoir qui verse les cotisations manquantes.
Les politiques sociales peuvent être conçues pour tenir compte du fait que certains indépendants vulnérables ne peuvent pas acquitter l’intégralité des cotisations de retraite. Dans ce cas, la possibilité de cotiser à un taux réduit devrait s’inscrire dans une politique de redistribution explicite. Ce taux réduit devrait être compensé par une composante contributive subventionnée, financée par l’impôt ou par l’ensemble des cotisations de retraite, tout au moins pour les faibles salaires. En d’autres termes, en permettant aux indépendants d’être soumis à un taux de cotisation total plus bas, il faudrait tenir compte du coût financier d’une telle mesure. S’il n’est pas compensé par des aides publiques, ce coût transparaîtra à long terme sous forme de coût social, pénalisant les retraités qui ont été encouragés à devenir travailleurs indépendants.
De même, lorsqu’il existe des régimes de retraite et fiscaux spéciaux pour les indépendants qui perçoivent des revenus limités (comme les micro-entrepreneurs en France ou en Lettonie, ou les régimes à cotisations forfaitaires en Hongrie, en Lituanie et en Slovénie) ou qui sont économiquement dépendants (en Allemagne, en Espagne, en Italie ou au Portugal, par exemple), il faut tout particulièrement veiller à ce que ces régimes ne donnent pas lieu à des cotisations de retraite plus basses à moins que celles-ci ne soient complétées. Autrement dit, les régimes de retraite ou fiscaux simplifiés ne devraient pas conduire à des retraites moins importantes.
Une harmonisation accrue des règles régissant les retraites des travailleurs traditionnels et atypiques facilite la portabilité des droits d’un emploi à l’autre et d’une entreprise à l’autre. L’importance de la portabilité des retraites est soulignée par le fait que les travailleurs atypiques changent plus fréquemment d’emploi et qu’ils sont nombreux à en cumuler plusieurs de types différents. Les comptes individuels personnels peuvent contribuer à la pleine portabilité des droits à retraite des travailleurs atypiques au titre des régimes privés (Hu et Stewart, 2009[38]).
… tout en sachant qu’il est difficile d’harmoniser pleinement les assiettes de cotisations
Il est impossible d’aligner pleinement l’assiette de cotisations des indépendants sur celle des salariés. Pour les salariés, les taux de cotisation – parts salariale et patronale – s’appliquent au salaire brut, qui n’a pas d’équivalent chez les indépendants. Pour ces derniers, l’assiette de cotisations est soit déterminée par le chiffre d’affaires ou le revenu net (en tout ou partie), c’est‑à‑dire après déduction des frais, soit sans lien strict avec les catégories de revenus. Le choix de l’assiette de cotisations influe directement sur l’acquisition des droits à la retraite.
Au‑delà de l’éventualité d’une sous‑déclaration du chiffre d’affaires, les travailleurs indépendants bénéficient souvent d’une plus grande souplesse. Ils peuvent avoir de vastes possibilités de déduire des frais professionnels, de répartir leur revenu entre le travail et le capital et dans certains cas, de choisir librement l’assiette de cotisations. Pour les indépendants qui sont face à des coûts de matériel et à des obligations de fonds propres limités comme certains freelances ou travailleurs de plateforme, le chiffre d’affaires total, ou une fraction de ce chiffre d’affaires, constituerait l’assiette de cotisations la plus fiable. Il présente aussi l’avantage de limiter les coûts administratifs liés aux déductions de frais souvent complexes de la comptabilité fiscale. En particulier, ces derniers sont désavantagés par les coûts fixes occasionnés par la justification des frais (OCDE, 2008[37]). Cependant, le choix du chiffre d’affaires comme assiette de cotisations ne conviendrait pas à tous les travailleurs indépendants, notamment lorsque les coûts de matériel et d’investissement sont élevés, et conduirait à une inégalité de traitement des différents types d’indépendants. Par conséquent, pour ceux qui supportent des coûts de matériel conséquents, comme les entrepreneurs individuels, il est préférable d’opter pour le revenu net.
En général, le choix du revenu du travail comme assiette de cotisations garantit dans une large mesure l’égalité de traitement des différents types d’indépendants. Le revenu net des cotisations de sécurité sociale (revenu imposable) est, en tant que concept, plus proche du salaire net avant impôt et permet donc une harmonisation plus étroite des règles qui régissent les retraites. Néanmoins, l’application des taux de cotisation harmonisés au revenu imposable se traduit par des cotisations plus faibles car celui-ci est net de toutes les cotisations alors que le salaire brut ne l’est que des cotisations patronales. Par exemple, si le taux de cotisation total des salariés est de 20 %, réparti à parts égales entre le salarié et l’employeur, un salaire brut de 100 correspond alors à un salaire net avant impôts de 90, le total des cotisations étant de 20. Si le travailleur indépendant dont le revenu imposable est également de 90 est soumis à un taux de cotisation de 20 % sur ce revenu imposable, le total de ses cotisations s’élève alors à 20% * 90 = 18, soit moins que le total des cotisations versées par les salariés. Un plus haut degré d’harmonisation peut être atteint si l’on fixe un taux de cotisation nominal supérieur pour le travailleur indépendant, de manière à tenir compte de l’écart entre les salaires brut et net avant impôts (22.2% sur le revenu imposable dans l’exemple ci-dessus pour atteindre un niveau de cotisations de 20, car 20/90 = 22.2%). Pour la même raison, l’application de taux de cotisation harmonisés au revenu brut (avant déduction de toute cotisation) se traduit par des cotisations plus élevées car le revenu brut, contrairement au salaire brut, comprend le total des cotisations.
Il est donc possible d’améliorer l’harmonisation en appliquant un taux de cotisation nominal plus élevé au revenu imposable des travailleurs indépendants, mais la mise en œuvre de cette mesure risque d’être délicate sur le plan politique. Une autre possibilité consisterait à appliquer le taux de cotisation total au revenu imposable ajusté ou à une partie du revenu brut34. Une autre solution encore serait de prendre le revenu imposable pour assiette de cotisations des salariés et des travailleurs indépendants, ce qui est le cas du régime de retraite public en Suède.
Limiter la grande latitude dont bénéficient les indépendants pour définir leur assiette de cotisations permet aussi d’harmoniser les règles applicables aux retraites des indépendants et des salariés. Cependant, la restreindre officiellement pourrait ne pas suffire à empêcher dans la pratique des niveaux de cotisations trop bas, et des mesures de contrôle adaptées pourraient se révéler nécessaires, par exemple sous la forme d’inspections du travail rigoureuses. En Italie, une approche innovante du contrôle des revenus a été mise en place : le revenu déclaré par les indépendants a été comparé à leurs estimations de bénéfice et à leur niveau de vie réel, ce qui permet d’identifier plus facilement les cas de sous‑déclaration fiscale (Bucci, 2019[28]).
Conclusion
Le travail atypique correspond à un groupe de travailleurs très hétérogène, les formes les plus courantes en étant le travail indépendant, à temps partiel et temporaire. Il représente plus d’un tiers de l’emploi dans les pays de l’OCDE. Le travail à temps partiel est trois fois plus répandu chez les femmes que chez les hommes et le travail indépendant particulièrement fréquent chez les travailleurs âgés.
La mondialisation, l’automatisation et l’évolution démographique transforment les marchés du travail à un rythme soutenu. On observe une expansion des nouvelles formes de travail atypique, en particulier des métiers reposant sur les nouvelles technologies, comme les travailleurs de plateforme du secteur des VTC. Dans bien des cas, le travail atypique est associé à des revenus plus bas et tend à être persistant, ce qui pèse généralement sur les perspectives financières des travailleurs à long terme.
Si le débat sur les retraites des travailleurs atypiques n’a rien d’inédit, la couverture dont ils bénéficient dans les systèmes de retraite pourrait revêtir une importance croissante. La plupart de ces systèmes étant fondés sur l’hypothèse de carrières stables, linéaires, le développement de nouvelles formes de travail suscite des inquiétudes quant aux revenus des futures générations de retraités. Pourtant, l’évolution récente des marchés du travail appelle des régimes de retraite plus inclusifs et harmonisés pour tous plutôt qu’une transformation radicale de leur conception et de leur financement.
Les règles régissant les retraites des travailleurs atypiques varient sensiblement d’un pays à l’autre, sont souvent particulièrement complexes et diffèrent de celles qui s’appliquent aux travailleurs traditionnels dans de nombreux pays. Les indépendants, notamment, sont la catégorie qui posent les problèmes les plus délicats en termes de couverture, faute de contrat de travail pouvant servir de base pour les cotisations de retraite. Certaines nouvelles formes de travail soulèvent des difficultés similaires et sont en outre plus exposés à l’informalité. Cela étant, les systèmes de retraite devraient être conçus pour atténuer les disparités existant entre travailleurs traditionnels et atypiques en termes de couverture, de cotisations et de droits de manière à protéger les personnes âgées contre la pauvreté, à lisser les niveaux de vie des retraités, à assurer une égalité de traitement, à mutualiser les risques aussi largement que possible et à faciliter la mobilité de la main‑d’œuvre entre les différents types d’emploi.
Les principales conclusions de ce chapitre sont les suivantes.
Travail indépendant
Les travailleurs indépendants cotisent moins pour les pensions de vieillesse que les salariés et perçoivent des prestations moins élevées lorsqu’ils prennent leur retraite. En moyenne, dans 15 pays de l’OCDE, les indépendants retraités touchent des retraites publiques médianes inférieures de 22 % à celles des salariés retraités.
Même si les indépendants possèdent des actifs légèrement supérieurs à ceux des salariés, leurs actifs supplémentaires sont généralement insuffisants pour compenser le niveau inférieur de leurs prestations de retraite.
Les travailleurs indépendants sont tenus de verser aux régimes obligatoires liés à la rémunération des cotisations similaires à celles des salariés dans dix pays de l’OCDE seulement.
Même lorsque les règles régissant les retraites sont similaires pour les salariés et pour les indépendants, les cotisations peuvent varier sensiblement, car l’assiette des cotisations, c’est‑à‑dire les revenus d’activité pris en compte, n’est pas la même pour ces deux types de travailleurs.
Dans 18 pays, les travailleurs indépendants sont obligatoirement couverts par des régimes liés à la rémunération, mais ils sont autorisés à verser des cotisations moins élevées que les salariés grâce à des taux de cotisation réduits, à une certaine liberté dans la fixation de leur assiette de revenus ou à des seuils de revenu minimum. L’Espagne, la Lettonie, la Pologne et la Turquie, par exemple, leur accordent une certaine liberté pour choisir l’assiette dans une fourchette donnée.
Dans six pays – l’Allemagne, l’Australie, le Danemark, le Japon, le Mexique et les Pays‑Bas – les travailleurs indépendants ne sont pas tenus d’adhérer aux régimes liés à la rémunération, contrairement aux salariés.
La plupart des pays utilisent un critère lié aux revenus pour fixer l’assiette des cotisations applicable aux travailleurs indépendants. Plusieurs pays n’appliquent le taux de cotisation qu’à une fraction des revenus, soit 50 % en République tchèque, 67 % en République slovaque ou 75 % en Slovénie.
La plupart des pays fixent des assiettes de cotisations ou des seuils de revenu minimum. Les premières garantissent le versement d’un montant minimum de cotisations par les indépendants, mais elles impliquent aussi que le taux de cotisation effectif est élevé pour les bas revenus. Elles sont comprises entre 10 % du salaire moyen ou moins au Canada, en Corée, aux États-Unis, en Norvège, en Suède et en Suisse, et 60 % en Pologne et en Slovénie. Les seuils de revenu minimum, qui réduisent la couverture retraite des indépendants à faibles revenus d’activité, existent dans huit pays de l’OCDE et s’échelonnent de 11 % du salaire moyen en Irlande à 50 % environ en République slovaque et en Turquie.
Dans la moitié des pays où les cotisations sont spécifiquement affectées à la retraite, les indépendants sont soumis au taux de cotisation total des salariés, soit la somme des cotisations salariales et patronales, dans les régimes obligatoires. Dans les autres pays, dont la France, l’Italie et la Suisse, les taux de cotisation sont plus faibles pour les indépendants.
Dans l’OCDE, globalement, les travailleurs indépendants dont le revenu net des cotisations de sécurité sociale est égal au salaire net moyen percevront, après versement des seules cotisations obligatoires durant une carrière complète, une pension de vieillesse égale à 79 % de la pension théorique de l’employé à salaire moyen du secteur privé. Cette pension relative est comprise entre moins de 50 % au Danemark, en Espagne, au Japon, au Mexique et aux Pays-Bas et plus de 90 % dans plus d’un tiers des pays : Autriche, Canada, Corée, États-Unis, Finlande, Grèce, Hongrie, Irlande, Lituanie, Luxembourg, Nouvelle-Zélande, République slovaque, Royaume-Uni et Slovénie.
En Nouvelle‑Zélande, en Pologne, au Royaume-Uni et en Turquie, les salariés sont automatiquement affiliés au dispositif de retraite de leur employeur, ce qui n’est pas le cas des indépendants.
Les taux de cotisation peuvent varier considérablement d’une catégorie d’indépendants à l’autre dans un même pays, comme en Allemagne, en France, en Italie et aux Pays‑Bas. L’Allemagne, l’Autriche, l’Espagne, la Finlande, la France, la Grèce et la Pologne ont mis en place des régimes spéciaux pour les agriculteurs, par exemple.
Plusieurs pays dont l’Allemagne, l’Italie et le Portugal, ont introduit une réglementation spécifique pour limiter les déficits de couverture retraite pour les travailleurs indépendants qui ne comptent que quelques grands clients.
Travail à temps partiel
Dans les pays de l’OCDE, un travailleur à temps partiel sur trois aurait préféré effectuer un nombre d’heures plus important, tandis que deux sur trois environ ont choisi ce mode de travail. Environ un tiers des salariés de la tranche des 65-74 ans travaille à temps partiel.
Les travailleurs à temps partiel peuvent bénéficier de mécanismes redistributifs au sein des systèmes de retraite, à travers des prestations non contributives, des retraites minimum, des retraites forfaitaires contributives et des règles relatives au salaire de référence dans les régimes à prestations définies. Si les règles régissant les retraites des travailleurs à temps partiel sont généralement conformes à celles qui s’appliquent aux travailleurs traditionnels, les conditions de revenu d’activité et de temps de travail minimum fixées pour l’acquisition des droits à retraite empêchent les travailleurs à temps partiel qui ne les remplissent pas de se constituer des droits.
Des conditions de revenu d’activité et de temps de travail minimum existent dans la moitié environ des pays de l’OCDE. L’Allemagne, la Corée, le Danemark, le Japon et la Norvège imposent aux travailleurs un nombre d’heures de travail minimum pour pouvoir bénéficier des retraites obligatoires, et 14 pays ont fixé un revenu d’activité minimum pour l’acquisition des droits aux retraites obligatoires, qui varie de moins de 5 % du revenu d’activité moyen en Finlande et en Irlande à plus de 50 % en Turquie.
Travail temporaire
Dans la plupart des pays, les règles applicables à l’assurance retraite des travailleurs temporaires sont alignées sur celles des travailleurs traditionnels. Néanmoins, certains pays, dont la Corée, la Hongrie, la Lituanie et la Pologne, fixent des taux de cotisation réduits ou nuls pour les travailleurs des agences de travail intérimaire, les jeunes, les travailleurs saisonniers, les apprentis et/ou les stagiaires, leur conférant ainsi des droits réduits.
Même lorsque les règles applicables aux travailleurs temporaires et aux travailleurs traditionnels sont pleinement harmonisées, les temporaires touchent des retraites inférieures, car leurs périodes d’inactivité sont plus fréquentes et qu’en général, ils acquièrent moins de droits à retraite pendant ces intervalles.
La longueur des périodes d’acquisition constitue un problème pour les temporaires en raison de leur faible ancienneté. Les périodes d’acquisition des cotisations patronales aux retraites professionnelles peuvent dépasser trois ans dans plusieurs pays, dont les États‑Unis, la Nouvelle‑Zélande et la Turquie.
L’analyse des difficultés soulevées par les retraites des travailleurs ayant des formes d’emploi atypique met en évidence les implications suivantes pour l’action des pouvoirs publics.
Un système bien coordonné de régimes de retraite contributifs et non contributifs, particulièrement important pour les travailleurs indépendants et les personnes qui exercent de nouvelles formes de travail, peut être mis en place de manière à assurer un niveau élevé de protection sociale aux personnes âgées tout en encourageant clairement les cotisations aux régimes de retraites liés à la rémunération.
L’existence de règles simples concernant les droits au titre des retraites contributives facilite grandement la coordination des régimes contributifs et non contributifs.
Pour supprimer les obstacles et les exclusions auxquelles les travailleurs à temps partiel et temporaires se heurtent pour remplir les conditions d’éligibilité à une pension de retraite, les conditions de revenu d’activité et de temps de travail minimum doivent être fixées à un niveau suffisamment bas. Les mesures qui visent à assurer l’égalité de traitement de tous les revenus du travail impliquent que les contrats de travail temporaire ne doivent pas être exclus de l’assurance retraite obligatoire, quelle que soit leur durée, et que l’acquisition de droits à la retraite ne doit être soumise à aucune condition d’ancienneté.
Les raisons qui justifient l’existence des retraites obligatoires pour les salariés s’appliquent de la même manière aux indépendants. De plus, intégrer pleinement la totalité des travailleurs atypiques dans les systèmes de retraite obligatoires de la même manière que les travailleurs traditionnels limite les incitations financières que pourraient avoir les employeurs et les travailleurs à faire un mauvais usage de l’emploi atypique pour abaisser les coûts de la main‑d’œuvre.
L’alignement des règles applicables, pour les retraites, aux différents types de travail implique d’égaliser les taux de cotisation totaux pour l’ensemble des travailleurs. En particulier, le principe directeur devrait être que les travailleurs indépendants paient la somme des cotisations salariales et patronales. Les régimes professionnels facultatifs devraient pouvoir couvrir tous les types de contrats, à travers des plans par défaut dans les pays où ils existent pour les salariés. Le principe de l’égalité de traitement devrait aussi s’appliquer aux régimes reposant sur l’affiliation automatique comme mode de couverture par défaut.
Lorsque des cotisations obligatoires de retraite moins élevées sont appliquées aux indépendants en vue de promouvoir l’emploi indépendant ou d’atteindre des objectifs de politique sociale, il convient d’éviter la baisse des droits à la retraite qui peut en résulter en complétant les cotisations par des subventions, tout au moins pour les bas revenus.
L’assiette de revenus la plus à même de garantir, dans les faits, le plus haut degré d’harmonisation avec les salariés et pour la grande variété des indépendants est le revenu imposable. Une harmonisation complète fondée sur le revenu imposable supposerait un taux de cotisation nominal total des indépendants plus élevé, ou le même taux de cotisation sur le revenu imposable révisé de manière à mieux correspondre au salaire brut. Une autre possibilité consisterait à appliquer le même taux de cotisation à une partie du revenu brut. Les limites sérieuses que présentent les assiettes de cotisation fondées sur le revenu tiennent à l’absence de mécanismes simples permettant de distinguer le revenu du travail du revenu du capital des travailleurs indépendants, ainsi qu’aux écarts importants entre leurs frais déductibles et ceux des salariés.
Limiter la grande souplesse dont bénéficient les indépendants pour définir leur assiette de cotisations marquerait un progrès dans l’alignement des règles applicables aux retraites des indépendants et des salariés. Cependant, restreindre légalement cette souplesse dans la fixation de l’assiette de cotisations pourrait ne pas suffire à empêcher des niveaux de cotisations trop bas, et des mesures de contrôle adaptées pourraient se révéler nécessaires.
Les politiques des retraites ne peuvent mettre à l’abri de tous les chocs qui se produisent sur le marché du travail. Lorsque la faiblesse des droits à la retraite dérivant du travail atypique tient à une faible assurance chômage, un moyen plus direct de remédier au problème pourrait consister à réformer les politiques de chômage.
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[51] Zwinkels, W. et al. (2017), « Zicht op zzp-pensioen », Netspar Design Paper 91, Tillburg, Pays-Bas.
Notes
← 1. Les données tirées des enquêtes sur les revenus des travailleurs indépendants sont souvent sous‑estimées. Ainsi, Di Marco (2006[46]) soutient que leur revenu a été sous‑estimé à hauteur de 12 % dans les premières vagues de l’UE-SILC.
← 2. OCDE/UE (2019[49]) fait apparaître une longévité plus faible des activités des indépendants par rapport au statut de travailleur indépendant, car les indépendants changent d’activité tout en conservant leur statut.
← 3. De surcroît, l’emploi temporaire peut avoir une incidence durable sur la rémunération, comme en Espagne, par exemple, où la baisse de revenu due à une période de travail temporaire se ressent encore 27 ans plus tard (García-Pérez, Marinescu et Vall Castello, 2018[47]).
← 4. Les revenus tirés du travail indépendant sont considérés comme la principale source de revenus lorsqu’ils représentent au moins les deux tiers des revenus d’activité annuels du travailleur indépendant.
← 5. L’association de plusieurs types d’emploi est encore plus courante chez les personnes qui exercent de nouvelles formes de travail. Au Royaume-Uni, 58 % des personnes exerçant des « petits boulots » sont des salariés permanents qui se livrent à ces activités pour compléter leur revenu (CIPD, 2017[39]).
← 6. Source : Informations communiquées par les pays, et Spasova et al. (2017[16]).
← 7. D’après les données de Pettinicchi and Börsch-Supan (2019[13]). Les auteurs ne tiennent pas compte des caractéristiques distinctes des salariés et des travailleurs indépendants. Les travailleurs indépendants retraités (ou anciens) et les salariés retraités (ou anciens) désignent des personnes retraitées ayant travaillé pendant plus de la moitié de leur vie active en tant que travailleur indépendant ou que salarié, respectivement. Cette classification repose sur les questions rétrospectives relatives aux périodes d’activité antérieures de plus de 6 mois posées dans le cadre de Sharelife ou de la vague 7 de Share.
← 8. Souvent, les travailleurs indépendants ne peuvent bénéficier des régimes de retraite professionnels et, lorsqu’ils y ont accès, les conditions sont moins favorables. Ainsi, les régimes de retraite réservés à certaines catégories de travailleurs indépendants sont rarement assortis d’outils d’éducation financière à des fins de gestion de l’épargne qui soient comparables à ceux fournis par les employeurs (Transamerica, 2019[8]). De plus, l’affiliation automatique à ces régimes est moins courante pour les travailleurs indépendants, comme c’est le cas en Nouvelle-Zélande, en Pologne et au Royaume-Uni. Même lorsqu’elle existe, l’absence d’abondement de l’employeur supprime une incitation importante à y adhérer.
← 9. Source : Calculs de l’OCDE fondés sur des données extraites de Pettinicchi et Börsch-Supan (2019[13]), initialement réalisés à partir des données de l’enquête SHARE
← 10. Cela pourrait s’expliquer par le niveau moins élevé de la protection sociale dont bénéficient les travailleurs indépendants une fois à la retraite, mais pourrait aussi tenir à des effets de cohorte, à savoir le fait que l’écart de revenu d’activité des travailleurs indépendants actuels pourrait être plus faible que par le passé.
← 11. Les actifs liquides nets n’incluent pas des éléments importants du patrimoine net comme l’immobilier, les prêts hypothécaires ou la valeur des entreprises détenues, mais comprennent les actifs financiers comme les actions ou obligations, et le capital constitué en cas de vente d’une entreprise.
← 12. Aux États-Unis, 40 % des travailleurs indépendants comptent toucher une retraite dans le cadre des plans 401(k) ou 403(b), contre 67 % des salariés.
← 13. Selon des données provenant des Pays-Bas, la chute des revenus – nets des coûts de logement – des travailleurs indépendants parvenus à la retraite serait nettement plus forte que celle des salariés, soit 24 %, contre 17 % à la valeur médiane. Cette différence de 7 points est due à des retraites professionnelles moins élevées, qui entraîneraient à elles seules une différence de 22 points. Toutefois, de nombreux travailleurs indépendants remboursent leurs prêts hypothécaires avant leur départ en retraite, ce qui réduit la différence de 5 points. L’épargne privée plus importante dont ils disposent diminue encore l’écart de 8 points. Les 2 points restants sont dus aux retraites forfaitaires ( (Zwinkels et al., 2017[51]). Mastrogiacomo and Alessie (2015[44]) ont également montré qu’aux Pays-Bas, les travailleurs indépendants disposaient d’une épargne-retraite facultative limitée.
← 14. D’autres aspects redistributifs des retraites encouragent à exploiter la possibilité de définir l’assiette de manière à diminuer les cotisations. Cela peut se produire dans de nombreux régimes liés à la rémunération, dans lesquels la progression des cotisations versées en fonction des revenus est plus rapide que celle des droits à retraite, comme en Norvège ou en République tchèque. En revanche, dans les régimes où la redistribution est très limitée, comme au Japon où les retraites forfaitaires sont financées par des cotisations forfaitaires, ce problème ne se pose pas.
← 15. Le caractère indissociable des revenus du travail et du capital a conduit à des incohérences. Par exemple, les revenus tirés du travail indépendant sont souvent traités comme des revenus du travail pour les cotisations de sécurité sociale, mais comme des revenus du capital dans les comptes nationaux (Gollin, 2002[45]).
← 16. Par ailleurs, les travailleurs indépendants qui perçoivent des revenus peu élevés disposent d’un pouvoir de négociation moins important que les salariés à faible revenus. Premièrement, il n’existe pas de salaire minimum pour les indépendants. Deuxièmement, le droit de la concurrence les empêche en général d’organiser des négociations collectives, alors que les salariés peuvent adhérer à des syndicats. Les faux indépendants et les indépendants contraints peuvent ne pas avoir d’autre choix évident que d’accepter des contrats défavorables (OCDE, 2019[1]). Le faible niveau des revenus de nombreux travailleurs indépendants n’est cependant pas un phénomène nouveau. Il constituait déjà une source de préoccupation majeure pour le pouvoir politique dans les années 90 (Freedman et Chamberlain, 1997[40]) et il a même été analysé dès les années 40 (Wynn et Paz-Fuchs, 2019[41]). À l’inverse, les travailleurs dont le potentiel de rémunération est élevé peuvent gagner davantage en tant qu’indépendant, car ils ne sont pas soumis aux politiques salariales des entreprises, qui compriment parfois les salaires. En effet, près de la moitié des travailleurs indépendants aux États Unis déclarent avoir opté pour ce statut parce que les revenus sont supérieurs (Transamerica, 2019[8]).
← 17. En Irlande, au Japon, aux Pays‑Bas et au Royaume-Uni, les travailleurs indépendants sont tenus de cotiser aux retraites forfaitaires uniquement.
← 18. En Pologne les salariés sont automatiquement affiliés à un régime reposant sur un dispositif d’épargne à long terme dont les actifs peuvent être retirés après l’âge de 60 ans, les régimes de retraite des salariés étant en revanche facultatifs.
← 19. Pour contourner cette difficulté, la Finlande impose une contrainte qui est, néanmoins, difficile à vérifier : l’assiette de cotisations « doit correspondre au salaire qui serait versé si le travail de l’indépendant était effectué par une autre personne, tout aussi compétente, que l’indépendant en question » (https://www.etk.fi/en/the-pension-system/pension-security/pension-coverage-and-insurance/self-employed/).
← 20. La plupart des pays plafonnent également les assiettes de cotisations, comme c’est le cas pour les salariés.
← 21. Ils peuvent toutefois s’y affilier à titre volontaire dans certains pays, comme le Chili par exemple.
← 22. La Lituanie ne prévoit pas de seuil minimum strict, mais si les cotisations sont inférieures au salaire minimum, des périodes réduites sont créditées.
← 23. Au Portugal, les cotisations de sécurité sociale représentent 21.4 % du revenu de référence moyen pour la plupart des types de travailleurs indépendants, mais le taux de cotisation est plus élevé pour certaines catégories et peut atteindre 25.1 %. En Autriche, les agriculteurs sont soumis à un taux de 17 %, et les autres travailleurs indépendants à un taux de 18.5 % ; les uns et les autres bénéficient d’un complément prélevé sur le budget fédéral à hauteur de 5.8 % et de 4.3 %, respectivement.
← 24. Les prestations du premier pilier sont prises en compte dans ces projections, mais ni les régimes facultatifs, ni les régimes obligatoires pour certaines catégories de travailleurs indépendants seulement (professions libérales, agriculteurs, par exemple) ne le sont.
← 25. Ceci en dépit du fait qu’un revenu imposable, net de toutes les cotisations et des nombreuses dépenses afférentes à son activité professionnelle qu’un travailleur indépendant peut déduire, correspondant au salaire brut moyen suppose généralement qu’un indépendant gagne plus que le salarié moyen « toutes choses étant égales par ailleurs » (Graphique 2.10).
← 26. Au Chili, le taux de cotisation des travailleurs indépendants va progressivement augmenter, passant de 2.7 % en 2018 à 10 % en 2028, c’est-à-dire le taux appliqué aux salariés.
← 27. S’ils choisissent cette possibilité, seul l’employeur paie des cotisations au régime de retraite légal et les retraites seront proportionnellement plus basses.
← 28. Ce qu’on estime être le cas dès lors que 83.3 % au moins de leurs revenus du travail proviennent d’un seul client.
← 29. Au Portugal, lorsque les travailleurs indépendants perçoivent entre 50 % et 79 % de leur revenu grâce à un seul donneur d’ordre, un taux de 7 % s’applique depuis 2019 pour les cotisations de sécurité sociale. Ce taux grimpe à 10 % lorsqu’ils réalisent 80 % de leur chiffre d’affaires au moins via un donneur d’ordre. En‑deçà de 50 %, les clients ne versent pas de cotisations. Avant 2019, les donneurs d’ordre étaient soumis à un taux de cotisation de 5 % lorsque les indépendants percevaient au moins 80 % de leurs revenus grâce à eux, et nul pour un pourcentage inférieur. L’Espagne, en revanche, a introduit en 2007 une catégorie spécifique de travailleurs dépendants (trabajador autónomo económicamente dependiente, TRADE) pour ceux qui réalisent au moins 75 % de leur chiffre d’affaires via un seul client, sans fixer de règles spécifiques pour leurs retraites.
← 30. Les salariés effectuant au moins 80 heures par mois ont été intégrés en 2003, ceux effectuant au moins 60 heures en 2010, et les travailleurs atypiques comptant au moins 8 jours de travail par mois en 2018.
← 31. En outre, le gouvernement a commencé à affecter spécialement 12 % des aides financières versées aux artistes à leur régime de retraite.
← 32. L’analyse des mesures visant à améliorer le respect des obligations en matière de cotisations (OECD, 2019[50] ; Mineva et Stefanov, 2018[4]) et à vérifier les recettes et les frais des travailleurs indépendants dépasse le cadre de ce chapitre (voir (OCDE, 2018[43] ; Bigio et Zilberman, 2011[48]) pour de plus amples précisions).
← 33. De telles solutions peuvent entamer le revenu net des indépendants dans de moindres proportions que lorsqu’ils règlent eux-mêmes l’intégralité des cotisations, car il semble établi que les charges patronales ne sont pas intégralement répercutées sur les salaires nets (Saez, Schoefer et Seim, 2019[42]).
← 34. Étant donné des taux de cotisation salarial () et patronal (), le total des cotisations versées pour un salarié est de , étant le salaire brut. Exprimé en termes de salaire net avant impôts (), il est égal à . Si le taux de cotisation d’un travailleur indépendant () est appliqué au revenu imposable (), les cotisations se montant alors à . Quand le revenu imposable d’un travailleur indépendant est égal au salaire net avant impôts d’un salarié, tous deux versent les mêmes cotisations si . Cela implique que le taux de cotisation appliqué au revenu imposable du travailleur indépendant doit être supérieur au taux de cotisation total appliqué aux salariés (). Sinon, pour assurer des taux de cotisation égaux de travailleurs indépendants et de salariés () disposant du même revenu imposable, l’égalisation des cotisations totales exige un ajustement des assiettes de cotisations : Par conséquent, l’harmonisation complète des cotisations des travailleurs indépendants et des salariés requiert un ajustement du revenu imposable de ou la prise en compte d’une partie seulement du revenu brut,