Perspectives économiques de l'OCDE, Volume 2020 Numéro 1

1. Évaluation générale de la situation macroéconomique

Introduction

La pandémie de COVID-19 est une crise mondiale de santé publique sans précédent de mémoire d'homme, et continue de causer de nombreuses pertes en vies humaines et d'immenses souffrances. Pour limiter la propagation du virus et sauver des vies, la plupart des gouvernements du monde ont imposé des mesures strictes d'endiguement. Dans de nombreux secteurs, les activités ont été totalement interrompues, et les voyages et autres déplacements de personnes ont été restreints. Ces mesures nécessaires ont permis de ralentir la propagation des infections et de réduire le nombre de morts, mais elles ont entraîné à court terme des perturbations économiques et des pertes d'emplois importantes, aggravées par une dégradation de la confiance et un durcissement des conditions financières. L'économie mondiale traverse maintenant la plus grave récession qu'elle ait connue depuis la Grande Dépression des années 1930, caractérisée par des baisses de produit intérieur brut (PIB) de plus de 20 % dans de nombreux pays pendant les suspensions d'activités, et par une forte hausse du chômage.

Les perspectives économiques sont exceptionnellement incertaines. L'atténuation de l'urgence sanitaire a permis la diminution progressive des mesures de confinement. Le redémarrage de l'activité va automatiquement accroître la production, même si certaines mesures d'endiguement, telles que la fermeture de nombreuses frontières internationales, vont perdurer pendant un certain temps. La reprise sera probablement hésitante, et pourrait être interrompue par une nouvelle vague de l'épidémie de coronavirus si des mesures d'endiguement ciblées, notamment des programmes de dépistage, de suivi des malades et de traçage de leurs contacts, ne sont pas adoptées ou se révèlent inefficaces. Compte tenu de ce degré d'incertitude inhabituel, cette édition des Perspectives économiques présente deux scénarios tout aussi probables pour chaque pays et économie : dans le premier, une deuxième vague de l'épidémie se produit dans toutes les économies vers la fin de cette année (tableau 1.1, partie A), tandis que dans le second, cette deuxième vague est évitée (tableau 1.1, partie B). Dans le scénario « de deux chocs successifs », le PIB mondial devrait diminuer de 7.6 % cette année et demeurer nettement en deçà de son niveau d'avant la crise à la fin de 2021 ; dans le scénario « du choc unique », le PIB mondial devrait diminuer de 6 % cette année, mais il aura quasiment retrouvé son niveau d'avant la crise à la fin de 2021. Quoi qu'il en soit, dans de nombreuses économies avancées, l'équivalent de cinq années de croissance du revenu réel par habitant ou plus pourrait être perdu d'ici à 2021.

Les gouvernements et les autorités monétaires ont réagi à la crise avec une rapidité remarquable, freinant la propagation du virus et empêchant un effondrement économique et financier encore plus grave. Des mesures d'urgence ont permis de renforcer les capacités des hôpitaux et d'autres pans des systèmes de santé, contribué à préserver les revenus des travailleurs et des entreprises malgré les suspensions d'activités, et permis de garantir massivement les dettes privées dans certains pays. La politique monétaire a été assouplie, ce qui s'est traduit par des baisses de taux d'intérêt, un renforcement des programmes d'achat d'actifs et des interventions ciblées sur certains segments des marchés financiers soumis à des tensions extrêmes. Les autorités ont également assoupli les politiques financières pour favoriser la distribution de crédit par les établissements financiers. En conséquence, les responsables de l'action publique sont maintenant confrontés à des défis exceptionnels : les déficits budgétaires sont importants et la dette publique devrait atteindre des niveaux exceptionnellement élevés dans de nombreux pays, les taux d'intérêt ont été ramenés à zéro voire en deçà, et les bilans des banques centrales ont connu une expansion spectaculaire.

Tableau 1.1. L'activité mondiale s'est effondrée et la reprise sera lente et peut-être interrompue

Statlink

Compte tenu du niveau exceptionnel d'incertitude, les pouvoirs publics doivent se montrer flexibles et réactifs pour pouvoir faire face à une éventuelle résurgence de l'épidémie de coronavirus, mettre en œuvre des stratégies de sortie différentes selon les secteurs, et relever les défis résultant de la chute vertigineuse de la production. Si une deuxième vague d'infections par le virus devait se produire, comme on le suppose dans le scénario de deux chocs successifs, ou si la reprise devait s'avérer plus faible qu’attendue, il reviendrait aux autorités budgétaires de prendre des mesures de relance complémentaires compte tenu des possibilités limitées d'assouplissement supplémentaire de la politique monétaire. Néanmoins, dans ce cas, il pourrait être nécessaire que les autorités monétaires étoffent les programmes d'apport de liquidités et de soutien du crédit, et veillent à ce que les taux d'intérêt restent bas le long de la courbe des rendements.

Même en l’absence de nouvelle vague de la pandémie, les politiques budgétaires et monétaires devraient conserver leur orientation expansionniste pour favoriser une reprise durable, sachant que certains secteurs connaîtront probablement un niveau réduit d'activité pendant un certain temps. La dégradation des finances publiques cette année sera compensée dans une certaine mesure en 2021 par une amélioration conjoncturelle de la situation budgétaire et la réduction de l’ampleur des mesures d'urgence, mais les déficits budgétaires et l'endettement resteront nettement plus élevés qu'en 2019. Compte tenu de la fragilité probable de la reprise et de la faiblesse de l'inflation, il faudra prendre garde à ne pas démanteler trop rapidement ces mesures d'urgence ou, si ces mesures sont supprimées, veiller à les remplacer par d'autres dispositifs stimulant davantage l'activité économique. Il faudrait que la politique monétaire reste très accommodante et garantisse le maintien de taux d'intérêt bas pour empêcher une éviction des dépenses privées.

La crise va peser lourdement sur l'économie, partout dans le monde et dans la zone OCDE. En 2021, elle aura eu pour effet de ramener le revenu réel par habitant de la majorité des économies de l'OCDE au niveau de 2013 dans le scénario de deux chocs successifs et au niveau de 2016 dans le scénario du choc unique. La production potentielle pourrait s'en trouver durablement réduite, en raison de la mise au rebut prématurée de biens d'équipement qui accompagnera probablement la multiplication des faillites, et d'effets d'hystérèse sur les marchés du travail liés à l'allongement des périodes de chômage. Il est nécessaire que les autorités déploient de nouveaux efforts pour mettre en œuvre des réformes renforçant la productivité et une croissance inclusive de l'emploi, et favorisant un redéploiement des ressources entre secteurs, afin de contrer ces chocs négatifs liés à la crise. De même, les perturbations temporaires subies par les chaînes de valeur mondiales pendant la crise pourraient inciter les entreprises à renforcer leur résilience en diminuant durablement leurs chaînes d'approvisionnement et en réduisant leurs achats d'intrants auprès de fournisseurs efficients mais éloignés, ce qui aurait, à l’échelle mondiale, des effets préjudiciables sur l'efficience et les revenus.

Une coopération internationale renforcée est nécessaire pour contribuer à mettre fin plus rapidement à la pandémie, accélérer le redressement de l'économie mondiale, et éviter de porter atteinte au processus de rattrapage des économies de marché émergentes et des pays en développement. Le partage des connaissances ainsi que des ressources médicales et financières et la réduction de ces mesures préjudiciables que sont les interdictions frappant les échanges commerciaux, en particulier s'agissant des produits de santé, sont essentiels pour remédier aux difficultés résultant de la pandémie.

L'activité mondiale s'est effondrée soudainement

La pandémie et les mesures d'endiguement nécessaires pour limiter sa propagation ont entraîné la fermeture de larges pans de l’activité des économies dans le monde entier cette année, provoquant des contractions marquées et soudaines de la production, des dépenses et de l'emploi. On estime que le PIB mondial a enregistré un recul de l'ordre de 3 % au premier trimestre de 2020, alors que des mesures d'endiguement et d'atténuation de l'épidémie n'ont été adoptées que courant mars dans de nombreux pays (graphique 1.1). L'activité a fortement diminué en Chine, foyer initial de la pandémie, la production ayant diminué de 10 % par rapport à son niveau du dernier trimestre de 2019. D'autres économies d'Asie entretenant des liens étroits avec la Chine, fondés sur les chaînes d'approvisionnement et les flux touristiques, ont également vu leur production se contracter. Parmi les autres grandes économies avancées, la production a diminué plus fortement dans la zone euro qu'aux États-Unis et au Japon, ce qui s’explique par des mesures plus strictes de suspension des activités adoptées plus tôt par de de nombreuses économies européennes, et par une croissance tendancielle plus faible avant la suspension d'activités.

L'impact global de ces mesures de suspension d'activités s'est traduit par un recul de la production mondiale encore plus marqué au deuxième trimestre de 2020. Des chocs inattendus affectant l'offre ont perturbé le fonctionnement de nombreuses entreprises, la suspension des activités non essentielles et les restrictions de déplacement entravant le fonctionnement efficace des entreprises et leurs relations avec des fournisseurs clés. La demande a également fléchi soudainement, en particulier concernant de nombreux biens et services de consommation caractérisés par des contacts étroits entre producteurs et consommateurs, ainsi que les activités de voyage et de tourisme. De nombreuses entreprises ont subi en conséquence d'amples pertes de recettes et un choc important de liquidités (voir ci‑après). Les dégradations marquées de la confiance des consommateurs et la montée du chômage limitent la consommation des ménages et renforcent l'épargne de précaution. Les petites et moyennes entreprises (PME) ont été particulièrement touchées, étant donné que nombre d'entre elles exercent leurs activités dans les secteurs des services les plus directement affectés par les mesures de suspension d'activités, et qu’elles disposent de réserves financières limitées pour absorber une forte baisse de chiffre d'affaires (OCDE, 2020a).

Graphique 1.1. L'activité mondiale a brutalement reculé au premier trimestre de 2020

Pourcentage de variation du PIB, en glissement trimestriel

Source : Base de données des Perspectives économiques de l'OCDE, n° 107.

Statlink

D'après des estimations de référence de l'OCDE réalisées à titre illustratif en mars, environ un quart des activités économiques pourrait avoir été suspendu directement dans de nombreux pays à la suite de la mise en œuvre de mesures d'endiguement strictes destinées à atténuer la pandémie, et la réduction des dépenses de consommation pourrait être d'environ un tiers (OCDE, 2020b). Les estimations nationales disponibles laissent entrevoir des baisses peu ou prou comparables dans certains pays, mais des effets plus modestes dans les pays ayant adopté des mesures d'endiguement moins strictes (Chapitre 2, Note de réflexion 1). Dans tous les pays, les baisses d'activité ont été relativement concentrées dans une poignée de secteurs à forte intensité d'emploi, en particulier dans le commerce de gros et de détail, ainsi que dans les activités d'hébergement et de restauration. Les liens de ces secteurs avec leurs fournisseurs, et les contraintes qui limitent la disponibilité de la main-d'œuvre dans les secteurs où les possibilités de télétravail sont limitées, ont négativement affecté d'autres pans de l'économie (OCDE, 2020b), en particulier les secteurs manufacturiers. Une dégradation de la confiance et des perturbations des chaînes d'approvisionnement internationales ont encore amplifié la détérioration de l’activité.

Les premières données disponibles indiquent d’ores et déjà clairement que les coûts économiques et sociaux de la pandémie sont considérables. Les indicateurs fondés sur les enquêtes de conjoncture ont chuté à des points bas records dans la plupart des pays en avril, les baisses ayant été particulièrement marquées dans les secteurs de services, contrairement aux évolutions constatées normalement en période de récession (graphique 1.2). Malgré un léger redressement observé en mai, tandis que les pays commençaient à sortir lentement de leur confinement, la plupart des indicateurs sont demeurés à des niveaux très bas. L’activité de nombreux secteurs de services est toujours très affectée par les mesures de distanciation, la suspension des activités non essentielles et les restrictions de déplacement.

Graphique 1.2. Les mesures de l'activité des entreprises établies à partir d'enquêtes restent à un niveau exceptionnellement bas

Source : Markit ; et calculs de l'OCDE.

Les indicateurs à haute fréquence illustrent le début de la reprise de certaines activités à la suite de l'adoption progressive de mesures de sortie de confinement dans de nombreux pays, mais témoignent également d'importantes différences entre pays (graphique 1.3). Les mesures quotidiennes des déplacements, des voyages et de la présence au travail ont chuté en mars et en avril, la consommation d'électricité a sensiblement diminué, et de nombreuses activités de loisir et de tourisme ont quasiment cessé. Ces changements ont été particulièrement marqués dans de nombreux grands pays européens, ainsi que dans des économies de marché émergentes comme l'Inde, l'Afrique du Sud et l'Argentine, où des mesures d'endiguement relativement strictes ont été appliquées avec rigueur. Des baisses plus limitées ont eu lieu dans certaines économies d'Asie, où les autorités ont davantage eu recours à des procédures efficaces de dépistage, de suivi des malades et de traçage de leurs contacts pour limiter la propagation du virus, plutôt qu'à la suspension complète de certaines activités, ainsi qu'aux États‑Unis. La reprise actuellement observée en Chine à la suite de l'assouplissement des mesures d'endiguement intervenu en février, en particulier dans les secteurs manufacturiers, a également contribué à limiter dans une certaine mesure le recul global de l'activité économique mondiale. Les données relatives au mois de mai laissent à penser que l'impact global des mesures d'endiguement a commencé à s'atténuer progressivement dans la plupart des économies, même si le Japon, où les mesures de suspension d'activités ont commencé relativement tard, fait figure d'exception à cet égard (graphique 1.3, parties A et B). L'activité demeure très faible dans certains secteurs, comme le transport aérien.

Les dépenses consacrées à certains biens de consommation durables, tels que les automobiles, ont enregistré un recul exceptionnellement marqué. En mars et en avril, les ventes mondiales de véhicules automobiles étaient inférieures de 37 % à leur niveau moyen mensuel de 2019, le redressement progressif de la demande en Chine ayant été compensé par son atonie ailleurs. Un arrêt quasi total des ventes de véhicules neufs a marqué le mois d'avril dans de nombreux pays, notamment en Espagne, en Italie, au Royaume-Uni et en Afrique du Sud. En avril, les ventes enregistrées dans la zone euro et aux États‑Unis étaient respectivement inférieures d'environ un cinquième et de moitié à leur niveau de 2019. La forte incertitude et l'effondrement de la demande auxquels ont été confrontées de nombreuses entreprises ont encore dégradé les perspectives d'évolution de l'investissement. Dans les grandes économies avancées, la production de biens d'équipement a reculé de 12 % environ au premier trimestre de 2020, sachant qu'elle avait déjà baissé au second semestre de 2019, et les mesures des intentions d'investissement établies à partir d'enquêtes ont fortement diminué.

La situation du marché du travail s'est considérablement dégradée, et une forte augmentation des demandes d'indemnisation au titre des régimes d'assurance-chômage et de chômage partiel a reflèté les destructions d'emplois et de la diminution du nombre d'heures travaillées. Aux États-Unis, le marché de l'emploi a subi un choc sans précédent. En mai, le nombre d'emplois salariés non agricoles avait reculé de plus de 13 % par rapport à février, réduisant à néant toute la croissance de l'emploi enregistrée au cours des dix dernières années. Le taux de chômage s'est également envolé, s'établissant en moyenne à 14 % en avril et en mai, soit son niveau le plus élevé depuis la Grande Dépression, tandis que le taux de chômage U6 (qui est une mesure du sous-emploi de la main-d'œuvre au sens large) est maintenant supérieur à 20 %. Des dispositifs conséquents financés par les pouvoirs publics ont contribué à limiter la hausse du chômage dans les grandes économies européennes, en particulier pour les travailleurs sous contrat à durée indéterminée, permettant à environ 20 % à 25 % des travailleurs du secteur privé de bénéficier d'un dispositif de chômage partiel ou de subvention salariale dans les grandes économies européennes. L'évolution du marché du travail a été moins marquée jusqu'ici au Japon, les suspensions d'activités n'ayant pas eu lieu au même moment ni dans les mêmes proportions, mais le taux de chômage a légèrement augmenté et l'évaluation de la situation du marché du travail par les consommateurs est tombée à un point bas record en avril et en mai. L'augmentation du télétravail observée depuis le début de la crise a permis d'atténuer la diminution du nombre d'heures travaillées dans de nombreux pays, mais des données d'enquêtes tendent à indiquer que moins de la moitié des travailleurs sont en mesure de télétravailler régulièrement (ONS, 2020 ; Statistique Canada, 2020).

Graphique 1.3. Les données à haute fréquence laissent entrevoir de fortes contractions de l'activité pendant les périodes de suspension d'activités

Note : Dans toutes les parties du graphique, les données sont des moyennes mensuelles des données journalières disponibles. Dans les parties A et B, les données relatives au mois de mai couvrent la période allant jusqu'au 29 mai 2020. Les données de la partie D se rapportent aux vols au départ du principal aéroport international de chaque pays, exception faite de la Chine, pour laquelle a été utilisée une moyenne des nombres de départs de l'aéroport international de Beijing et de l'aéroport international de Shanghai-Pudong, et des États-Unis, pour lesquels a été utilisée une moyenne des nombres de départs de l'aéroport international Hartsfield-Jackson d'Atlanta et de l'aéroport international de Los Angeles.

Source : Google LLC « Google COVID-19 Community Mobility Reports », https://www.google.com/covid19/mobility/ consulté le 04/06/2020 ; Réseau européen des gestionnaires de réseau de transport d'électricité ; Flightradar24.com ; et calculs de l'OCDE.

Statlink

Le commerce mondial est également en forte diminution, puisqu'on estime que le volume de biens et services échangés a diminué de 3 ¾ pour cent au cours des trois premiers mois de 2020 (graphique 1.4). Le trafic aérien a été très durement touché, puisqu’en glissement annuel, le trafic international de passagers avait diminué de plus de 98 % et le trafic international de marchandises de près de 30 % en avril. Les perturbations subies par les fournisseurs en raison des mesures d'endiguement et l'arrêt quasi total des voyages internationaux ont accentué les effets de l'effondrement de la demande. À l'échelle mondiale, les commandes à l'exportation sont tombées à un point bas record en avril et sont restées exceptionnellement faibles en mai, tous les pays enregistrant des baisses notables. Ces reculs ont été particulièrement marqués en Europe et dans certaines économies de marché émergentes, notamment en Inde et en Indonésie. Même dans les pays où les mesures d'endiguement adoptées ont été relativement limitées, de nombreuses entreprises sont durement touchées par une forte baisse de la demande extérieure.

Graphique 1.4. Le commerce mondial est en train de s'effondrer

Source : Base de données des Perspectives économiques de l'OCDE, n° 107 ; et Markit.

Statlink

L'aversion pour le risque a nettement augmenté sur les marchés financiers au début de la crise liée au COVID‑19, mais elle s'est récemment atténuée. La propagation rapide de la pandémie et les mesures d'endiguement strictes adoptées par les gouvernements ont provoqué des baisses massives des cours des actifs financiers et une forte hausse de la volatilité, certains marchés cessant de fonctionner correctement. Dans de nombreux pays, les cours des actions ont chuté de 30 % à 50 %, et ce au rythme journalier le plus rapide observé depuis 1987, et la volatilité des cours des actions a atteint des niveaux supérieurs à ceux constatés lors de la crise financière mondiale (graphique 1.5, parties A et C). Les rendements des obligations d'État à long terme ont sensiblement diminué dans de nombreuses économies avancées, en lien avec l'assouplissement de la politique monétaire et la fuite des capitaux vers les placements sûrs, mais les écarts de rendement entre les obligations d'État de nombreuses économies de marché émergentes et les obligation émises par le Trésor des États-Unis ont augmenté, sur fond de sorties de capitaux records et d'appréciation sensible du dollar des États-Unis (voir ci-après). Les écarts de rendement des obligations de sociétés ont également augmenté, en particulier pour les emprunteurs les plus mal notés, sachant que les risques de révision à la baisse des notations financières s'accentuent en raison de la récession et de facteurs de vulnérabilité antérieurs à la crise liés au niveau élevé d'endettement et à la dégradation de la qualité du crédit (voir ci-après). Les écarts de rendements se sont également creusés pour des obligations de sociétés de catégorie investissement dont le risque de défaillance est perçu comme plus faible, en raison de la forte demande de liquidités des investisseurs qui les incite à vendre ces instruments liquides (Haddad et al., 2020). Les réactions rapides et de grande ampleur des banques centrales, qui ont notamment activé des mécanismes internationaux d'apport de liquidités (voir ci-après), ont contribué à rétablir une certaine stabilité, ce qui s'est traduit par une inversion partielle de l'évolution des cours des actifs financiers et une moindre volatilité. Néanmoins, dans nombre de grandes économies, les cours des actions sont inférieurs de 10 % à 20 % à leurs niveaux de la fin de 2019, et les mesures de volatilité et les écarts de rendement sont un peu plus élevés qu'il y a six mois (graphique 1.5, partie C).

Graphique 1.5. Les tensions se sont accentuées sur les marchés financiers

Note : « Dernière » fait référence à la variation observée entre la fin de 2019 et les dernières données disponibles jusqu'au 4 juin. « Max » fait référence à la variation maximale observée depuis la fin de 2019. « CFM » fait référence à la valeur maximale observée pendant la crise financière mondiale (entre la mi‑2008 et la mi‑2009).

1. Moyenne sur 10 jours des observations journalières.

2. Les valeurs normalisées indiquent l'écart (mesuré en écarts-types) entre une observation donnée et la moyenne rétrospective de la variable considérée. La moyenne et l'écart-type sont calculés pour l'ensemble de l'échantillon de chaque variable. Les écarts de rémunération des obligations à haut rendement correspondent à la différence de rendement entre les obligations de société à haut rendement et les obligations d'État à 10 ans dans la zone euro (ZE) et aux États-Unis (USA). Les écarts de rendement obligataire en Asie émergente, en Amérique latine et en Europe émergente correspondent à la différence entre le rendement des obligations libellées en dollar des États-Unis émises dans ces régions – mesuré à partir des indices obligataires des marchés émergents (EMBI, Emerging Market Bond Indices) de J.P. Morgan – et le rendement des obligations du Trésor des États-Unis. La volatilité des taux de change dans les économies de marché émergentes (EME) et les pays du Groupe des Sept (G7) correspond à un agrégat régional des niveaux de volatilité implicite des taux de change calculés à partir d'options.

Source : Banque centrale européenne ; Factset ; Banque fédérale de réserve de Saint-Louis ; Refinitiv ; et calculs de l'OCDE.

Statlink

L'évolution de la pandémie de COVID-19 et les stratégies de sortie sont incertaines

L'épidémie de COVID-19 est la crise sanitaire la plus grave que le monde ait connue depuis la pandémie de grippe espagnole survenue voilà à peine plus d'un siècle. Depuis que cette épidémie a débuté en Chine en décembre 2019, elle s'est propagée dans le monde entier et a touché la plupart des pays. Au début du mois de juin, le nombre de cas confirmés à l'échelle mondiale avait atteint plus de 6½ millions, et environ 380 000 décès avaient été enregistrés. Si les taux d'infection et de mortalité à l'échelle mondiale sont pour l'instant nettement inférieurs à ceux estimés pour la pandémie de grippe espagnole1, tous deux sont probablement en deçà de la réalité dans des proportions variables suivant les pays, et ils sont mesurés de manières différentes. Les cas confirmés ne représentent sans doute qu'une fraction de l'ensemble des cas, compte tenu de la faible intensité du dépistage dans le grand public et de la prévalence de cas asymptomatiques qui ne sont pas identifiés. Les taux de mortalité officiels soulèvent également d'importants problèmes de mesure2. Les phénomènes de sous-déclaration sont sans doute particulièrement prononcés dans certaines économies de marché émergentes et dans certains pays en développement, du fait de la faiblesse des capacités de leur secteur des soins de santé et des approches différentes choisies par les pouvoirs publics face à la pandémie. Compte tenu du manque de données exhaustives et normalisées de haute qualité qui permettraient de mieux comprendre les caractéristiques épidémiologiques du virus COVID-19, les perspectives d'évolution de la pandémie sont incertaines (encadré 1.1).

Encadré 1.1. Les perspectives épidémiologiques sont incertaines

Le manque de données et l'insuffisance des connaissances relatives à la nature du nouveau virus rendent incertaine l'évolution de la pandémie :

• Le COVID-19 est un virus très infectieux, mais son infectiosité est incertaine. Le consensus qui prévaut est que le taux de reproduction de base (le R0, c'est-à-dire le nombre de sujets réceptifs contaminés par chaque personne infectée par l'agent pathogène) s'établit entre 2 et 3 en l'absence de mesures d'endiguement, mais certaines sources font également état de chiffres plus élevés (Katul et al., 2020). En l'absence de mesures destinées à maîtriser l'épidémie par une réduction de la fréquence des contacts – qui constitue le déterminant non biologique du taux de reproduction – ces chiffres élevés se traduiraient in fine par de forts taux d'infection de la population. Si les données recueillies sont exactes, le faible nombre cumulé de cas confirmés laisse à penser que les confinements et les autres mesures d'endiguement adoptées ont permis de ramener le taux de reproduction effective en deçà de 1, ce qui signifie que le nombre de cas d'infection pourrait repartir vivement à la hausse lorsque ces mesures seront assouplies. Néanmoins, en cas de sous-déclaration généralisée, la levée de ces restrictions s'accompagnerait d'une hausse plus modeste des taux d'infection.

• De fait, le véritable niveau du taux d'infection de la population, et l'écart qui le sépare du niveau nécessaire pour atteindre l'immunité collective, est sujet à controverse. Les données provenant de pays où l'intensité du dépistage est forte (comme l'Islande et le Luxembourg) et des études nationales récentes (concernant par exemple la France et la République tchèque) indiquent que 6 % seulement environ de la population nationale ont été infectés. Ce chiffre est nettement inférieur à celui requis pour atteindre une immunité collective, compte tenu du niveau probable du taux de reproduction de base du virus. En outre, le degré et la durée de l'immunité obtenue par infection, qui constitue la condition préalable à toute immunité collective, restent incertains.

• Les premières estimations du taux de létalité variaient de 0.4 % à 3.8 % (OMS, 2020), et ont eu tendance à augmenter avec le temps tandis que la maladie se propageait au niveau mondial. L'ampleur de la fourchette d'estimations suggère que d'autres facteurs biologiques, tels que les maladies chroniques, ainsi que d'éventuels facteurs non biologiques, tels que les capacités des systèmes de santé, sont des déterminants importants de la mortalité due au virus.

• Par ailleurs, la possible saisonnalité du virus reste à confirmer. Pour autant que les températures élevées et l'humidité affaiblissent effectivement le virus, les infections devraient diminuer dans l'hémisphère nord au cours des mois à venir, mais le phénomène inverse devrait se produire dans l'hémisphère sud. Cependant, cette saisonnalité implique également qu'une nouvelle vague de l'épidémie se produirait vers la fin de l'année dans l'hémisphère nord.

• Le moment auquel un vaccin sera découvert étant par nature inconnu, on ignore quand le virus cessera d'être une menace pour la vie humaine. La mise au point d'un nouveau vaccin et sa production en série peuvent prendre six à sept ans. Cependant, un vaccin pour le COVID‑19 pourrait être mis au point en l'espace de 12 à 18 mois, compte tenu des efforts extraordinaires accomplis dans ce but à l'échelle mondiale par la communauté scientifique et les entreprises pharmaceutiques. Il reste néanmoins à voir dans quels délais un vaccin pourra être trouvé et distribué à l'ensemble de la population.

Les capacités des systèmes de soins de santé sont en cours de renforcement

La capacité du secteur de la santé à faire face aux infections par le COVID‑19 sera déterminante pour l'évolution future des mesures prises par les pouvoirs publics afin d'endiguer la pandémie. De fait, les dispositions adoptées ces derniers mois dans de nombreux pays étaient destinées à ramener le pic de l'épidémie à un niveau qui demeure gérable pour les structures de soins, notamment pour les unités de soins intensifs du secteur hospitalier. On dispose de peu de données comparatives sur le nombre de lits d'unité de soins intensifs3. Des données non normalisées tendent à indiquer que certains pays (notamment l'Allemagne et les États‑Unis) disposaient, à leur entrée dans l'épidémie, de capacités nettement plus importantes que d'autres (OCDE, 2020c). Néanmoins, les pays européens durement touchés (l'Espagne, la France, l'Italie et le Royaume‑Uni) sont tous parvenus à renforcer sensiblement les capacités de leurs unités de soins intensifs, et sont mieux placés qu'auparavant pour faire face à une résurgence éventuelle de l'épidémie. Dans nombre d'économies de marché émergentes et de pays en développement, les capacités des unités de soins intensifs sont très limitées, voire négligeables. Comme discuté ci-après, un renforcement des capacités de dépistage et la disponibilité d'équipements de protection individuelle sont nécessaires pour offrir une plus grande latitude aux pouvoirs publics quant au choix des futures mesures d'endiguement.

La levée des mesures de confinement et autres mesures d'endiguement

La levée des mesures de confinement et autres mesures d'endiguement est en cours, et des stratégies de sortie ont été annoncées dans plusieurs pays. Les autorités se sont engagées dans cette voie en raison de signes indiquant que le nombre de nouvelles infections et le taux de mortalité se stabilisaient, voire diminuaient, et de la nécessité ressentie de relancer l'activité économique et de permettre une reprise de la vie sociale. Dans de nombreux pays, ces stratégies sont progressives, le passage d'une phase à l'autre étant subordonné à la satisfaction de divers critères sur le plan épidémiologique et en termes de capacités du système de soins de santé.

L'assouplissement des mesures de suspension d'activités et de confinement s'accompagne de l'imposition d'obligations strictes concernant les équipements de protection individuelle dans la plupart des pays, qui se traduisent notamment par le port obligatoire d'un masque dans certains lieux publics et la fourniture de ce type d'équipement par les employeurs. Les interactions entre personnes sont également limitées, par le biais d'un plafonnement du nombre de clients pouvant être présents en même temps dans un magasin donné, de l'application de règles de distanciation obligatoires, et d'une réduction du nombre des élèves par classe. Ces mesures alourdissent le coût d'exercice des activités économiques et ralentissent la reprise, de nombreuses entreprises pouvant seulement recommencer à fonctionner avec des capacités sensiblement réduites. Par ailleurs, certaines mesures, notamment les restrictions concernant les franchissements des frontières nationales par des personnes, semblent devoir rester en vigueur au moins partiellement pendant une période prolongée, ce qui aura un effet préjudiciable sur le tourisme international et les activités des entreprises multinationales. Les comportements spontanés de distanciation physique et les craintes des entreprises de voir leur responsabilité engagée en cas d'infection de leurs salariés sur leur lieu de travail risquent de ralentir encore la reprise.

Une condition essentielle de réussite de toute stratégie de sortie réside dans l'élaboration de programmes efficaces et à grande échelle de dépistage, de suivi des malades et de traçage de leurs contacts (OCDE, 2020d). Tant qu'aucun vaccin ne sera disponible et que les mesures de suspension d'activités seront assouplies, il sera crucial de mettre fin rapidement aux phénomènes locaux de résurgence de la maladie avant qu'elle ne se diffuse plus largement. Cela suppose d'effectuer davantage de tests afin d'identifier les personnes infectées, de suivre leurs déplacements et de les isoler pour s'assurer qu'elles ne propagent pas la maladie plus avant, et de repérer les personnes avec lesquelles elles ont été en contact. En outre, un dépistage intensif peut permettre d'identifier les personnes ayant acquis une immunité et qui peuvent retourner au travail en toute sécurité, et fournir des informations plus solides sur l'évolution de la pandémie.

En cas de nouvelle vague généralisée d'infections vers la fin de l'année, des programmes de grande ampleur de dépistage, de suivi des malades et de traçage de leurs contacts permettraient aux gouvernements d'appliquer des mesures plus ciblées que lors de la première vague épidémique. Le renforcement des capacités hospitalières, résultant à la fois de l'augmentation du nombre de lits dans les unités de soins intensifs et de l'expérience acquise par les professionnels de la santé, et l'accroissement de l'offre d'équipements de protection individuelle, peuvent également réduire la nécessité d'appliquer des mesures très restrictives de suspension d'activités à l'échelle nationale et d'autres mesures strictes d'endiguement. Cela dit, une autre vague forte de l'épidémie déboucherait très probablement sur l'adoption de nouvelles mesures d'endiguement, quoique d'une ampleur plus limitée.

Deux scénarios épidémiologiques

Compte tenu des incertitudes susmentionnées, deux scénarios épidémiologiques peuvent être envisagés pour les 18 mois à venir.

• Dans le scénario de deux chocs successifs, on présume que l'assouplissement actuel des mesures d'endiguement est suivi d'une seconde vague de l'épidémie, toutefois moins intense, en octobre/novembre. Cette résurgence pourrait être due à des facteurs saisonniers dans certains pays, en particulier dans l'hémisphère nord, ou à une efficacité moindre qu’anticipéedes mesures d'endiguement, de dépistage, de traçage et d'isolement. Cela pourrait aussi tenir à des taux cumulés d'infection insuffisamment élevés pour se traduire par une immunité collective adéquate, un manque de traitements adaptés et l'absence de vaccin. Toute résurgence de l'épidémie est supposée être évitée en 2021 grâce à des percées dans le secteur pharmaceutique, mais l'éventualité de nouvelles vagues reste un risque baissier important.

• Le scénario du choc unique part de l'hypothèse selon laquelle les mesures d'endiguement actuelles vont permettre de surmonter la vague de l'épidémie à laquelle nous sommes aujourd'hui confrontés, le taux de reproduction effective diminuant et restant constamment inférieur à 1. L'augmentation des capacités hospitalières et la mise en œuvre généralisée de programmes efficaces de dépistage, de suivi des malades et de traçage de leurs contacts est supposée être suffisante pour empêcher une résurgence des infections et des cas nécessitant des soins intensifs vers la fin de l'année, et jusqu'à ce qu'un vaccin soit disponible.

Deux scénarios de perspectives économiques à court terme pour illustrer une évolution de l’économie mondiale très incertaine

Le niveau d'incertitude qui entoure à la fois la conjoncture actuelle et les perspectives de l’économie mondiale est exceptionnel. L'évolution de la croissance dépend de nombreux facteurs, dont l’ampleur et la durée de la mise à l’arrêt des économies nationales, le rythme auquel les mesures d’endiguement vont être levées, la confiance des agents, et la rapidité avec laquelle les mesures de soutien budgétaire et monétaire prises par les gouvernements et les autorités monétaires produiront leurs effets. L'assouplissement des mesures de restriction a commencé dans la plupart des pays, mais les stratégies adoptées diffèrent selon les pays, les régions et les secteurs. Pour certaines activités telles que les déplacements à l'étranger et les événements sportifs, ces mesures seront probablement maintenues pendant un certain temps dans de nombreuses économies. Une très grande incertitude devrait également régner de manière prolongée et freiner l’investissement, même si une seconde vague pandémique peut être évitée. De nombreuses entreprises opérant dans les secteurs de services les plus affectés par l'arrêt de l’activité deviendront probablement insolvables si elles ne peuvent retrouver des capacités de production suffisantes et que la demande ne se redresse pas, ce qui se traduira par des destructions d’emplois. La hausse du chômage devrait en outre pousser les ménages à se constituer une épargne de précaution et, pour des millions de travailleurs informels, la crise aggrave les risques de pauvreté et de dénuement. Dans un monde hautement interconnecté au travers des chaînes d'approvisionnement, des flux touristiques internationaux et de l’investissement, toutes les économies pâtissent fortement des perturbations de la demande et de l’offre, quel que soit le degré de confinement mis en place à l’échelle nationale pour contenir la propagation du virus. Les fragilités préexistantes, qu'il s'agisse de l’ampleur et de la dégradation de la qualité de la dette des entreprises ou des tensions commerciales entre grandes économies, risquent également d’aggraver le ralentissement et de freiner toute reprise ultérieure.

Dans ce contexte d’incertitude élevée, deux scénarios susceptibles de refléter l'évolution à venir de l’économie mondiale ont été établis. Ils diffèrent en ce que le scénario de deux chocs successifs se fonde sur l’hypothèse de nouvelles mises à l’arrêt de l’activité dans toutes les économies au quatrième trimestre de 2020, à la suite à une résurgence de l’épidémie de COVID-19. Ces mesures entraîneraient une cessation d'activité de moitié environ par rapport à celles mises en œuvre au premier semestre, et seraient allégées à des rythmes différents selon les secteurs après deux à trois mois.

Une récession profonde suivie d’une lente reprise économique

Dans les deux scénarios, tous les pays devraient connaître une profonde récession en 2020 suivie, en 2021, d’une reprise lente et progressive de l’activité. Dans le scénario de deux chocs successifs, le PIB mondial chuterait d’un peu moins de 7 ¾ pour cent en 2020, avant d'augmenter de quelque 2 ¾ pour cent en 2021 (graphique 1.6, partie A). Les baisses de production dans les économies de l’OCDE sont plus prononcées encore, le scénario prévoyant un recul de 9 ¼ pour cent du PIB de la zone OCDE (graphique 1.6, partie B). Dans le scénario du choc unique, la baisse de production reste très importante en 2020, le PIB mondial diminuant de 6 % et celui de l’OCDE, de 7 ½ pour cent. Les perspectives de croissance sont toutefois un peu plus solides en 2021, grâce à de nets effets de rattrapage durant la reprise progressive de l’activité au second semestre 2020 ; le PIB mondial augmenterait alors d’environ 5 ¼ pour cent l’année prochaine.

Le recul sans précédent de l’activité devrait avoir atteint son niveau maximal au deuxième trimestre 2020 (graphique 1.7), le niveau de la production mondiale accusant une baisse de 12 ½ pour cent par rapport au quatrième trimestre 2019, et le PIB de la zone euro chutant de plus de 18 %. La mise en œuvre de politiques de soutien, prévoyant des dispositifs de chômage partiel et de soutien au revenu, des report d'impôts et des garanties de crédit, permet d’atténuer l'impact de cet effondrement de l’activité sur les ménages et les entreprises (voir ci-après). Pour autant, toute reprise ultérieure devrait être lente et progressive même si, comme c’est ici supposé, la levée graduelle des mesures d’endiguement se traduit d'abord par une amélioration du niveau de production général de l’économie et que de nouvelles vagues épidémiques ne se produisent pas. Dans le secteur des services, de nombreuses entreprises ne devraient pas fonctionner à pleine capacité avant longtemps, sans effets de rattrapage attendus sur la consommation perdue durant la mise à l’arrêt de l’activité. Des défaillances d’entreprises sont probables, renforçant les risques d’une nouvelle vague de destructions d’emplois, de pertes de revenus et de dépréciation d'actifs au bilan des banques, au moment où les plans d’urgence mis en place par les gouvernements devraient toucher à leur fin.

Graphique 1.6. Effondrement de la production suivi d'une lente reprise

Note : les projections de novembre 2019 sont issues des Perspectives économiques de l’OCDE de novembre 2019.

Source : base de données des Perspectives économiques de l’OCDE, n° 107 ; et base de données des Perspectives économiques de l’OCDE, n° 106.

Statlink

Graphique 1.7. Le premier semestre 2020 connaît un effondrement sans précédent de la production

Évolution du PIB en pourcentage entre le T4 2019 et le T2 2020

Note : PIB à prix constants. Les données relatives à la Chine renvoient à l’évolution du PIB entre le T4 2019 et le T1 2020.

Source : Base de données des Perspectives économiques de l’OCDE, n° 107.

Statlink

Dans le scénario de deux chocs successifs, la résurgence de la maladie survenant au quatrième trimestre 2020 s’accompagne pendant toute sa durée d’une nouvelle baisse sensible de l'activité (graphique 1.6). La production mondiale reculerait alors de 4 ¼ pour cent et celle des économies de l’OCDE d’environ 4 ½ pour cent au dernier trimestre 2020. Dans cette hypothèse, la production mondiale ressortirait en baisse de 11 % fin 2020 par rapport à la fin 2019, traduisant un effondrement considérable et durable de l'activité, sans précédent depuis la Grande dépression. Plus touché encore, le PIB de l’OCDE afficherait un recul de 13 % par rapport à la fin 2019. Même si de nouvelles mesures de soutien sont mises en œuvre, une aussi longue période de tension affectant autant d’entreprises, en particulier dans les secteurs où une grande partie de l’activité se verrait encore une fois fortement réduite, entraînerait probablement une nette augmentation des faillites et des destructions d’emplois.

Les perspectives de croissance des grandes économies sont très variables (graphique 1.8), même si toutes devraient enregistrer une baisse de production. En outre, la plupart d’entre elles devraient afficher fin 2021 un niveau de production inférieur à celui de la fin 2019, et beaucoup plus faible que ne le laissaient attendre les projections passées (graphique 1.9).

• Au sein des économies avancées, le PIB devrait être particulièrement faible cette année en Europe, en raison de la mise en œuvre de mesures d’endiguement contraignantes durant une période relativement longue. En 2020, le PIB de la zone euro devrait accuser une baisse de 11 ½ pour cent par rapport à 2019 dans le scénario de deux chocs successifs, et d’un peu plus de 9 % dans le scénario du choc unique. Aux États‑Unis et au Japon, le PIB reculerait respectivement de 8 ½ et 7 ¼ pour cent dans le scénario de deux chocs successifs, et de 7 ¼ pour cent et 6 % respectivement dans le scénario du choc unique. Ces chiffres reflètent la mise en œuvre de mesures d’endiguement plus tardives, plus brèves et moins strictes, à la fois au deuxième trimestre 2020 et lors de la nouvelle vague supposée de l’épidémie au quatrième trimestre 2020. Parmi les économies avancées, la Corée se distingue nettement, son PIB étant attendu en baisse d’environ 1 ¼ pour cent seulement en 2020 par rapport à 2019 dans le scénario du choc unique, et de 2 ½ pour cent dans le scénario de deux chocs successifs, le pays ayant adopté des mesures d’endiguement moins strictes et bien ciblées. Ces écarts entre les pays se reproduisent dans les prévisions pour 2021, une fois la reprise économique amorcée, les estimations de croissance étant généralement plus fortes dans les économies ayant subi les chutes de production les plus importantes en raison des mesures d’endiguement.

• Le fait que la crise sanitaire se double d’une crise économique cause des problèmes considérables à de nombreux pays en développement et économies de marché émergentes, et notamment aux pays producteurs de matières premières. L’impact de la pandémie y est extrêmement difficile à gérer car au manque fréquent de ressources des systèmes de santé, qui fait obstacle à une réponse efficace à la maladie, s'ajoutent la baisse des prix des matières premières, la chute des envois de fonds des ressortissants expatriés, la faiblesse de la demande extérieure et le durcissement des conditions financières. En 2020, le PIB devrait être inférieur d'au moins 7 % par rapport à 2019 au Brésil, en Russie, en Afrique du Sud et au Mexique dans les deux scénarios, et en Turquie dans le scénario de deux chocs successifs. Dans certaines grandes économies de marché émergentes d’Asie, la chute de production devrait être plus limitée. La Chine et l’Indonésie, qui bénéficient de l’impact de la baisse des prix des matières premières sur les revenus réels, devraient voir leur production diminuer de 2 ½ à 4 pour cent en 2020 dans les deux scénarios. L’Inde bénéficiera aussi du recul des prix des matières premières, mais devrait néanmoins voir son activité chuter fortement sur l'année fiscale 2020‑21, son PIB reculant d’environ 7 ¼ pour cent par rapport à 2019‑20 dans le scénario de deux chocs successifs et de 3 ¾ pour cent dans le scénario du choc unique. Dans les deux scénarios, la production serait proche ou supérieure à son niveau de la fin 2019 (graphique 1.9), comme en Chine et en Indonésie, mais l’impact sur les revenus n’en serait pas moins important par rapport aux prévisions précédentes d'une croissance de 5 à 6 % par an.

Graphique 1.8. Toutes les économies devraient enregistrer une baisse de production cette année

Croissance annuelle du PIB, en %

Note : Les données relatives à l’Inde correspondent à l’exercice budgétaire.

Source : Base de données des Perspectives économiques de l’OCDE, n° 107.

Statlink

Graphique 1.9. La production va connaître une longue période de faiblesse

Note : les projections de novembre 2019 sont issues des Perspectives économiques de l’OCDE de novembre 2019 et ont été remises à l'échelle pour tenir compte des modifications postérieures des années de base dans les comptes nationaux des pays.

Source : Base de données des Perspectives économiques de l’OCDE, n° 107 ; et base de données des Perspectives économiques de l’OCDE, n° 106.

Statlink

La consommation privée tout comme l’investissement fixe devraient diminuer fortement cette année, avant de se redresser lentement en 2021. L’effondrement de l'activité au premier semestre 2020 s’explique par le fléchissement des dépenses des ménages sous l’effet de la fermeture des commerces non essentiels, de la limitation des déplacements et du recul de la confiance. Parallèlement, l'épargne des ménages a nettement augmenté, de nombreux pays ayant mis en place des mesures de soutien des revenus pour les employés contraints de réduire leur activité. Le niveau élevé des incertitudes, le faible degré de confiance et les pertes d’emplois devraient favoriser l’accumulation d’une épargne de précaution pendant un certain temps, même si l'allègement des mesures d’endiguement et la réouverture des commerces devraient s'accompagner d’une lente reprise des dépenses. La baisse de la demande, l'ampleur des incertitudes et le manque de liquidités devraient sensiblement peser sur l’investissement cette année et limiter les perspectives d'un redressement rapide en 2021. Sous l’hypothèse d’une résurgence ultérieure de la maladie cette année, les incertitudes s’intensifieraient durant une période prolongée, la tendance à l’épargne de précaution se renforcerait tandis que la consommation des ménages diminuerait, et les perspectives d’investissement se dégraderaient nettement.

• Dans les économies de l’OCDE, les dépenses des ménages devraient accuser une baisse d’environ 10 ¾ pour cent cette année par rapport à l'année dernière dans le scénario de deux chocs successifs, et de 8 ½ pour cent dans le scénario du choc unique, avant de se redresser tout au long de 2021. Le niveau d’investissement fixe dans les économies de l’OCDE devrait enregistrer un repli d’environ 12 ¾ pour cent en 2020 par rapport à 2019 dans le scénario de deux chocs successifs, et de 10 ½ pour cent dans le scénario du choc unique.

• De nombreuses économies de marché émergentes devraient subir un déclin plus important de l’investissement, en raison des tensions financières accrues dans certains pays, de l’endettement élevé des entreprises et d’une forte dégradation de la confiance. Dans le scénario de deux chocs successifs, le niveau d’investissement reculerait de plus de 13% en 2020 en Afrique du Sud, au Brésil, en Inde, au Mexique et en Turquie.

Des mesures budgétaires contribueront à soutenir l'activité en 2020, qu’il s’agisse de dispositifs spécifiques de maintien des revenus ou de l’emploi durant la mise à l’arrêt de l’activité, ou de l'augmentation des dépenses finales. Dans les économies de l’OCDE, les dépenses publiques de consommation finale devraient s'accroître de 4 à 4 ¼ pour cent en 2020, après avoir augmenté d’environ 2 % par an en moyenne sur la période 2018‑19, leur croissance s’avérant relativement élevée au Royaume‑Uni, en Corée, en Australie, au Japon et en Allemagne. Les mesures supplémentaires exceptionnelles de politique monétaire mises en œuvre depuis le début de la pandémie sont également importantes pour stabiliser l’économie et contenir le service de la dette au moment où les pays commencent à assouplir leurs modes de confinement, mais sont moins susceptibles d’avoir un impact sensible sur le rythme auquel la demande intérieure se redressera par la suite (OCDE, 2019a). À bien des égards, le très bas niveau des taux d’intérêt et les prix élevés des actifs semblent avoir eu un impact relativement modeste sur la demande intérieure finale ces dernières années, peut‑être parce que l'anticipation d’une faiblesse durable des taux d’intérêt n’incite pas les ménages à avancer leurs dépenses dans le temps. En outre, l'appréciation des actifs financiers concerne surtout des ménages ayant une faible propension à consommer leur patrimoine.

Le marché du travail devrait connaître une nette dégradation. Dans les économies de l’OCDE, le taux de chômage, qui avait atteint fin 2019 un point bas en cinquante ans, devrait avoir plus que doublé à la mi‑2020, à environ 11 ½ pour cent, dépassant largement le niveau observé durant la crise financière mondiale (graphique 1.10). À mesure que les économies rouvrent, le chômage devrait s'atténuer progressivement, tout en restant sensiblement plus élevé qu’il ne l’était avant la pandémie, reflétant l’ampleur des destructions d’emplois immédiates dans certains pays et les licenciements probables au second semestre 2020, lorsque les dispositifs temporaires de soutien des salaires et de l’emploi prendront fin. Dans le scénario de deux chocs successifs, le taux de chômage reste élevé durant une période encore plus longue dans les économies de l’OCDE après avoir atteint un sommet à 12 ½ pour cent environ au quatrième trimestre 2020, ce qui augmente le risque d’hystérèse à mesure que le chômage de longue durée s’enracine et que le taux d'activité fléchit, reflet du découragement de certains demandeurs d’emploi. Dans ce scénario, le taux de chômage de l’ensemble des pays de l’OCDE devrait approcher les 9 % fin 2021, un niveau supérieur au pic observé durant la crise financière mondiale et dépassant de 3 ½ points de pourcentage le taux de la fin 2019 (graphique 1.10). Un degré élevé de sous‑emploi de la main d’œuvre exercerait à son tour des pressions à la baisse sur la croissance des salaires et des revenus.

Les licenciements suivis de réintégrations sont particulièrement fréquents aux États‑Unis, où le taux de chômage, après avoir fortement augmenté en avril et en mai 2020, devrait redescendre aux alentours de 10 % à la fin 2021 dans le scénario de deux chocs successifs, et à 8 ¼ pour cent dans le scénario du choc unique. De fortes hausses du chômage sont également attendues au Royaume‑Uni et en Espagne, ainsi que dans de plus petites économies ouvertes, même si les programmes de soutien temporaires amortissent les pertes de revenu du travail à court terme. Le taux de chômage devrait connaître des variations moins prononcées en Allemagne, en France et en Italie, ces pays ayant mis en place des dispositifs de soutien à l’emploi, ainsi qu’au Japon (OCDE, 2020e ; Chapitre 2, Note de réflexion 5).

Graphique 1.10. La crise entraîne de très nombreuses destructions d’emplois et un chômage élevé

Source : Base de données des Perspectives économiques de l’OCDE, n° 107.

Statlink

Le commerce mondial, déjà ralenti avant la pandémie, devrait chuter de 11 ½ pour cent en 2020 dans le scénario de deux chocs successifs, et de 9 ½ pour cent dans le scénario du choc unique, avant de se redresser en 2021 (graphique 1.11). Les échanges devraient connaître une baisse très prononcée dans de nombreuses économies européennes cette année, en raison des liens transnationaux qui les unissent et, pour certaines, du poids des exportations de tourisme. Une baisse marquée des échanges devrait également affecter nombre d'économies productrices de matière premières qui ont subi une nette diminution de la demande extérieure. La production mondiale devrait reculer bien davantage cette année qu’au cours de la crise financière mondiale, mais la chute des échanges commerciaux dans leur ensemble devrait être largement comparable, en 2020, à celle de 2009. Cela tient pour partie au fait, d'une part, que la crise actuelle se concentre plutôt dans les secteurs de services, où l’intensité des échanges est plus faible que dans les secteurs manufacturiers caractérisé par d'importantes chaînes de valeur mondiales, et, d'autre part, que l’intensité des importations de la consommation des ménages est inférieure à celle de l’investissement fixe. L’intensité des échanges agrégée s’est par ailleurs stabilisée depuis la crise financière mondiale. Ces dernières années, le commerce mondial n'a progressé qu'un peu plus rapidement que la production mondiale, alors qu’il augmentait deux fois plus vite au début des années 2000.

Si l’un ou l’autre des deux scénarios susmentionnés pourrait se concrétiser au cours des 18 prochains mois, un large éventail d’autres hypothèses restent envisageables. Un maintien à l’arrêt plus long que prévu de certaines activités, notamment dans les voyages et le tourisme, pourrait être nécessaire pour garantir que le nombre de nouvelles infections et de décès reste bas. Le cas échéant, le choc sur la production serait probablement plus important cette année. De nouveaux épisodes épidémiques, d’une moindre ampleur toutefois, pourraient aussi se produire au cours de l’année 2021 et nécessiter de nouvelles mesures d’endiguement, ralentissant alors toute reprise. Sous une hypothèse plus positive, l'assouplissement actuel des mesures d’endiguement dans de nombreux pays pourrait se dérouler mieux et plus rapidement que prévu, permettant un redressement rapide de la confiance, ou un traitement efficace pourrait être mis au point dans un délai relativement bref. Dans ce cas, les perspectives d’une reprise durable de la production et des revenus s'amélioreraient.

Graphique 1.11. Sur fond de grande faiblesse des échanges mondiaux, les économies dépendantes du tourisme devraient être confrontées à d’importants défis

Note : Les projections de novembre 2019 sont issues des Perspectives économiques de l’OCDE de novembre 2019 ; la partie A représente l’ensemble des échanges de biens et de services. Dans la partie B, « CSS » renvoie aux petits États des Caraïbes, « MENA » désigne la région Moyen‑Orient Afrique du Nord et « LIC » renvoie aux pays à faible revenu, conformément aux définitions de la Banque mondiale.

Source : Base de données des Perspectives économiques de l’OCDE, n° 107 ; base de données des Perspectives économiques de l’OCDE, n^o 106 ; base des Indicateurs du développement dans le monde de la Banque mondiale ; et calculs de l’OCDE.

Statlink

L'inflation devrait rester faible

Dans les économies avancées, les taux d’inflation annuels mesurés par les prix à la consommation ont fléchi début 2020, de nombreux pays enregistrant une baisse de moitié de l’inflation entre la fin 2019 et avril‑mai 2020 sous l’effet du recul des prix de l'énergie, malgré une légère hausse des prix des denrées alimentaires (graphique 1.12, partie A). Les incertitudes quant au niveau de l’inflation ont toutefois augmenté, de nombreux services n’ayant pas été fournis en raison des mesures strictes d’endiguement de l’épidémie, et les agences de la statistique estimant de nombreux prix par extrapolation (Bureau de statistiques sur l’emploi, 2020 ; Eurostat, 2020). Les mesures de la contrepartie exigée au titre de l’inflation fondées sur les marchés financiers, et notamment sur l'évolution des rendements obligataires, ont sensiblement régressé.

Dans les deux scénarios, en 2020 comme en 2021, l’inflation mesurée par les prix à la consommation dans les économies avancées devrait rester basse, et inférieure à ses niveaux de 2019 (graphique 1.12, partie A). La zone euro et le Japon devraient connaître une déflation temporaire, contrairement aux États‑Unis, où l’inflation devrait mieux résister. Comme observé durant la crise financière mondiale, ces prévisions reflètent une moindre pression à la hausse des salaires dans un contexte de chômage élevé et de faible demande des ménages.4 Dans la plupart des économies de marché émergentes, les taux d’inflation annuels devraient connaître un recul progressif au cours des 18 prochains mois, reflétant la faiblesse de l’activité économique et une dissipation des chocs inflationnistes liés à la dépréciation des taux de change et à une hausse des prix des denrées alimentaires et des prix réglementés (graphique 1.12, partie B).

Graphique 1.12. L'inflation devrait rester faible

Scénario de deux chocs successifs

1. Les économies avancées sont les pays de l’OCDE à l'exception du Chili, de la Colombie, de la Hongrie, du Mexique, de la Pologne et de la Turquie.

2. Les économies de marché émergentes sont l’Afrique du Sud, le Brésil, le Chili, la Chine, la Colombie, le Costa Rica, la Hongrie, l’Inde, l’Indonésie, le Mexique, la Pologne, la Russie et la Turquie.

Source : Base de données des Perspectives économiques de l’OCDE, n° 107 ; et calculs de l’OCDE.

Statlink

Ces prévisions sont très incertaines en raison de la nature singulière de la crise actuelle et de l’impact négatif potentiel qui pourrait s’ensuivre sur l’offre, lequel est difficile à anticiper à ce stade. Les mesures d’endiguement du virus et les règles de distanciation entraîneront des coûts pour les entreprises et réduiront leurs capacités, ce qui pèsera sur leur rentabilité. Dans ce contexte, les entreprises pourraient être tentées de relever leurs prix. Ce risque en termes de processus de formation des prix est plus prononcé dans le scénario de deux chocs successifs, en raison notamment d’une augmentation des faillites qui réduirait la concurrence ainsi que l'offre de certains biens et services. Ces tendances se renforceraient si le commerce international connaissait des perturbations durables ou que de nouvelles barrières aux échanges apparaissaient (voir ci‑après). Il n’est toutefois pas certain que ce type d’impact sur l’offre suffirait à neutraliser les pressions désinflationnistes liées aux capacités inutilisées dans de nombreux secteurs de l’économie.

Il existe aussi un risque à la hausse de l’inflation associé aux prix du pétrole. Début 2020, les prix du pétrole se sont effondrés à cause de la chute de la demande, bien que les principaux producteurs de pétrole aient très fortement réduit leur offre. Compte tenu du très bas niveau des cours pétroliers, la conclusion d’un accord en faveur d’une nouvelle baisse substantielle de l’offre pourrait entraîner une augmentation plus rapide et plus importante des prix du pétrole que ne le prévoit le scénario du choc unique ; l'écart entre la hausse des prix du pétrole, tirée par la réduction de l’offre et leur stabilité prévue dans le cadre du scénario de deux chocs successifs, malgré un recul de la demande, serait encore plus marqué (annexe 1.A).

La récession, de grande ampleur, pourrait laisser des traces profondes et s’inscrire dans la durée

De nombreux pays pourraient perdre cinq années de croissance des revenus ou davantage d'ici à la fin 2021

Les perturbations dues à la pandémie laisseront probablement des traces dans de nombreuses économies. Les niveaux de vie ont sensiblement diminué, les taux de chômage dépassent désormais largement leurs niveaux d'avant la crise, augmentant le risque de périodes d’inactivité prolongées pour un grand nombre d’individus, et l’investissement s’effondre. L’impact direct sur les moyens de subsistance des populations est particulièrement marqué au sein des catégories les plus vulnérables (Chapitre 2, Note de réflexion 4). Nombre de secteurs de services parmi les plus affectés par la pandémie emploient une main d’œuvre abondante, faiblement rémunérée ou ne bénéficiant pas de contrats de travail classiques, et dont l'activité ne se prête pas au télétravail (OCDE, 2020f ; Dingel et Neiman, 2020 ; Yasenov, 2020). Les mises à l'arrêt contraintes de l’économie, la reprise de l’activité à des taux moins élevés d’utilisation des capacités, et l'évolution des préférences et des comportements des consommateurs pourraient compromettre la viabilité de nombreuses entreprises et se traduire par des destructions d’emplois définitives.

• Le revenu réel par habitant devrait diminuer de 9 ½ pour cent en 2020 dans le scénario de deux chocs successifs dans l’économie médiane de l’OCDE (graphique 1.13, partie A), et enregistrer d’importants reculs dans toutes les économies. En 2021, même en cas de reprise, le revenu par habitant n'atteindrait que son niveau de 2013 dans l'économie type, et serait inférieur de plus de 10 ½ pour cent aux prévisions établies avant la pandémie. Dans le scénario du choc unique, les baisses de revenu sont moins prononcées mais le revenu réel par habitant de 2021 enregistre encore son niveau le plus faible depuis 20165.

• Dans l’économie médiane de l’OCDE, le taux de chômage devrait atteindre cette année son plus haut niveau depuis 25 ans, avant de redescendre lentement en 2021. Les jeunes actifs et les travailleurs peu qualifiés, en particulier, devraient porter les stigmates des destructions d’emplois, et de nombreuses personnes pourraient connaître des périodes de chômage prolongées.

• L’investissement net va fléchir encore sous l’effet de la pandémie. Avant même que la crise sanitaire ne se déclare, l’investissement productif net (des entreprises et de l’État) était faible dans l’économie médiane de l’OCDE, atteignant en moyenne 4 ½ pour cent du PIB sur la période 2015-2019, soit un taux inférieur d’environ 2 ¼ points de pourcentage à celui de la décennie précédant la crise financière mondiale. De nouvelles baisses substantielles sont attendues en 2020-21 (graphique 1.13, partie B). Une telle évolution augmenterait les risques que la croissance de la production reste durablement faible.

Les traces laissées par la pandémie sur les marchés du travail et des produits, la nécessité d’une réaffectation intersectorielle partielle des travailleurs et du capital après la crise sanitaire et l’incidence fortement négative de celle‑ci sur les niveaux de vie mettent en lumière l’urgence de la mise en œuvre de nouvelles réformes structurelles bien ciblées dans toutes les économies. Les gouvernements utilisent un large éventail de mesures d'aide au marché du travail et de dispositifs de soutien aux entreprises pour préserver les revenus des actifs et des entreprises durant la phase d'arrêt de l’activité. Flexibilité et agilité seront nécessaires pendant quelque temps dans l'action publique, les mesures d’endiguement étant levées à des rythmes différents et de nouvelles vagues d’épidémie étant possibles. Dans certains secteurs comme l’aviation et le tourisme, l'activité pourrait rester nettement plus faible pendant un certain temps. Les préférences des consommateurs pourraient également changer de manière définitive et accélérer la transition numérique avec un recours accru au commerce et aux services électroniques.

Graphique 1.13. La pandémie aura des conséquences à long terme

Note : Les projections de novembre 2019 sont issues des Perspectives économiques de l’OCDE de novembre 2019. L’investissement net correspond à l’investissement brut moins les dépréciations. L’investissement productif correspond à l’investissement total hors investissement résidentiel.

Source : Base de données des Perspectives économiques de l’OCDE, n° 107 ; base de données des Perspectives économiques de l’OCDE, n° 106 ; et calculs de l’OCDE.

Statlink

Un défi majeur consistera à identifier et soutenir les emplois et les entreprises viables à court terme, tout en assurant à l’économie la souplesse nécessaire à la réaffectation des ressources entre les secteurs de façon à minimiser les effets néfastes à long terme de la récession et à restaurer la croissance de la productivité.

• Les dispositifs de chômage partiel permettent de préserver les emplois existants mais ne facilitent pas nécessairement les ajustements intersectoriels après la crise. Augmenter progressivement les contributions financières des employeurs à ces dispositifs pourrait être un moyen d’identifier les entreprises qui pensent rester durablement viables (OCDE, 2020e ; Chapitre 2, Note de réflexion 5). Dans les pays où les allocations chômage élevées servent à soutenir les revenus, le défi sera de parvenir à rétablir les emplois pourvus de manière adéquate avant la crise, qui redeviendront viables une fois que les mesures d’endiguement seront levées et que l’activité repartira. Il pourrait s'agir d’inciter financièrement les entreprises à ne recourir qu'au débauchage temporaire ou à réintégrer d'anciens employés.

• Plus généralement, la mise en œuvre de programmes actifs du marché du travail et la promotion de l’enseignement et de la formation professionnels seront nécessaires pour créer des opportunités pour tous, faciliter la réallocation possible des emplois après la levée des mesures d’endiguement et éviter l’érosion du capital humain. Le renforcement des solutions de garde d’enfant et l'amélioration de l’efficacité et du ciblage des politiques d'imposition et de redistribution doivent aussi faire partie intégrante de trains de mesures bien conçus, assurant un meilleur taux d’activité et un marché du travail plus inclusif.

• Les aides publiques aux entreprises, sous forme de subventions salariales, de reports d’impôts et de garanties devront aussi être progressivement supprimées parallèlement à la levée des mesures d’endiguement, pour faire en sorte que les entreprises non viables ne bénéficient pas trop longtemps d’un soutien (OCDE, 2020f ; Chapitre 2, Note de réflexion 2). Une solution consiste à transformer de tels reports en participations publiques au capital, même s’il convient de veiller à ce que ce processus ne produise pas de distorsion de concurrence, et qu’il existe des stratégies transparentes et clairement définies de cession conditionnelle de ces investissements (OCDE, 2020g). Des réformes visant à rationaliser les procédures d’insolvabilité pourraient aussi s'avérer nécessaires dans certains pays afin de réduire au minimum les obstacles aux restructurations d’entreprise et de stimuler une réallocation de capital productive (Adalet McGowan et al., 2017).

• À moyen terme, des réformes pour soutenir le dynamisme des entreprises, remédier au déficit d’infrastructures et réduire l’incertitude portant sur les politiques suivies pour répondre aux défis à long terme du changement climatique, de la numérisation et de la mondialisation, permettraient aussi d’inciter davantage les entreprises à investir et amélioreraient les perspectives d’une augmentation durable du niveau de vie.

• Enfin, il sera important de mettre en balance le besoin de résilience avec la baisse d’efficacité qui pourrait résulter de mesures visant à encourager les entreprises à restructurer leurs chaînes d'approvisionnement et à diminuer leurs intrants en provenance de fournisseurs performants mais lointains (voir ci‑dessous).

Les efforts déployés par les gouvernements en vue de soutenir la reprise économique devront aussi intégrer des mesures indispensables pour contenir la menace à long terme du changement climatique. La reprise économique ne doit pas s'accompagner d’un abandon des normes environnementales existantes et les aides financières sectorielles doivent être si possible subordonnées à des améliorations en la matière, comme des engagements renforcés ou de meilleures performances environnementales de la part des secteurs très polluants particulièrement touchés par la crise (OCDE, 2020h). La possibilité que les prix des énergies fossiles demeurent, pendant longtemps, plus faibles que prévu accroît encore l’urgence de mettre en place des incitations efficaces à l’investissement dans les technologies économes en énergie.

Défaillances d’entreprises et risques sur les marchés financiers

La mise à l’arrêt de nombreux secteurs entraîne une chute des recettes des entreprises qui accroît le risque de défauts de paiement en série. Les difficultés financières dépendront de l’ampleur et de la durée des perturbations liées aux mesures d’endiguement et du comportement des consommateurs une fois le confinement levé. Dans certains secteurs comme l’hôtellerie, les voyages et le tourisme, où les restrictions dureront plus longtemps, et qui devront mettre en place des mesures sanitaires et d’hygiène contraignantes, les entreprises risquent de ne pas pouvoir rattraper leurs pertes de revenu. L’impact dépendra également de la capacité des entreprises à réduire leurs charges fixes afin de limiter leurs pertes d’exploitation et d’obtenir de nouveaux financements, mais aussi de l’ampleur de leur réserve de liquidités et des paiements au titre de leur dette. Les entreprises disposant d’une trésorerie abondante, qui sont peu endettées et ont plus facilement accès à des sources alternatives de financement extérieur s’en sortiront mieux, tout comme celles qui se situent dans des pays où existent des dispositifs de soutien de l’État. Des simulations stylisées montrent que les interventions gouvernementales efficaces, y compris les moratoires sur la dette, les allègements d’impôts et les aides au paiement des salaires, pourraient réduire de plus de moitié après un an le nombre d’entreprises en proie à une pénurie de liquidités en cas de reprise durable (OCDE, 2020f ; Chapitre 2, Note de réflexion 2).

Si l’ensemble des données concernant la situation financière individuelle des sociétés non financières n’est pas disponible, il semble que pour certaines grandes entreprises, l’impact négatif de l’effondrement de la production sera très important, mais variable selon les pays et les secteurs (OCDE, 2020f ; Chapitre 2, Note de réflexion 2 ; Banerjee et al., 2020). Cela s’explique, entre autres, par de modestes réserves de liquidités. S’agissant des entreprises cotées et des grandes entreprises non cotées de certains pays de l’OCDE et économies de marché émergentes, à la fin 2019, 25 % d’entre elles ne disposaient pas d'une trésorerie suffisante pour couvrir l’ensemble des engagements financiers arrivant à échéance en 2020 (Banerjee et al., 2020). En outre, l’ajustement des frais d’exploitation est généralement beaucoup plus lent que l’évolution des recettes, et pourrait s'avérer cette fois-ci plus complexe encore compte tenu des coûts supplémentaires des nouvelles mesures d’hygiène et de sécurité. De nouveaux financements extérieurs pourraient être utiles à court terme, mais y accéder peut se révéler plus difficile dans la durée, et contracter de nouvelles dettes pour couvrir les pertes augmenterait le niveau déjà élevé d’endettement, ce qui créerait des problèmes à l'avenir. Au cours des derniers mois, les entreprises ont déjà fait appel à leurs lignes de crédit bancaire mais celles-ci pourraient se raréfier, la solvabilité des emprunteurs se dégradant et les banques se montrant moins disposées et aptes à accorder des prêts6. L'accès au financement par l’emprunt pourrait également diminuer, notamment pour les entreprises risquées. Les émissions mondiales d’obligations d’entreprise à haut rendement et de prêts à effet de levier ont déjà fortement baissé, ainsi que l’émission de dette en Europe (FMI, 2020).

L’augmentation probable des défaillances et des faillites d’entreprises pourrait créer des effets de rétroaction négative sur les marchés d’obligations d’entreprise. Les primes de risque des obligations d’entreprise à haut rendement aux États‑Unis et dans la zone euro atteignent déjà des niveaux élevés (voir ci‑dessus). De nouveaux mouvements de vente sur ces titres sont à attendre, parallèlement à des abaissements de note de crédit dus à la dégradation de la rentabilité des entreprises, notamment celles dont la note se situe juste un cran au‑dessus de la catégorie spéculative. Si les obligations émises par ces entreprises devaient être déclassées en catégorie spéculative, certains investisseurs institutionnels seraient réglementairement contraints de vendre leurs titres, ce qui pèserait sur les prix de ces obligations. Un volume record de titres de dette est déjà descendu en catégorie spéculative ces derniers mois. Pour réduire les tensions sur les émetteurs d’obligations d’entreprise à haut rendement, les autorités pourraient accroître les prêts ciblés à destination de ces emprunteurs tout en limitant les risques de crédit, et envisager des investissements dans les entreprises viables sous forme d'actions privilégiées rachetables (Chapitre 2, Note de réflexion 3).

Les difficultés financières des entreprises pourraient aussi créer des problèmes supplémentaires pour les banques, notamment en Europe où les emprunts bancaires constituent une source de financement beaucoup plus courante qu’aux États‑Unis pour les entreprises, et où, dans certains pays, les banques étaient déjà dans une situation difficile au début de la pandémie. Si les banques ne sont pas la cause de la crise actuelle et disposent de fonds propres et de volants de liquidités supérieurs à ceux qu’elles détenaient avant la crise financière mondiale de 2008, elles seront probablement pénalisées par l'augmentation des défauts de paiement des entreprises et des ménages, ainsi que par la faiblesse de la demande de nouveaux prêts et les très bas niveaux des taux d’intérêt. Les banques sont déjà manifestement perçues comme plus risquées. Dans certaines économies avancées, les cours des valeurs bancaires ont chuté davantage que les indices boursiers pris dans leur ensemble, et les primes des contrats d'échange sur le risque de défaillance des banques ont rapidement augmenté. Par ailleurs, les ratios cours/valeur comptable ont nettement diminué. Dans de nombreux pays européens, ils ont baissé au moins de moitié par rapport à leurs niveaux de 2017‑18, et touché des points bas historiques. Dans un environnement où la croissance et les taux d’intérêt sont faibles, la dégradation de la rentabilité des banques et la hausse des prêts non performants pourraient accroître la réticence des établissements bancaires à prêter, malgré le soutien de la politique monétaire. À ce stade, les critères d’octroi de prêt bancaire se sont déjà sensiblement durcis aux États‑Unis, mais seulement modérément dans la zone euro.

Les défis auxquels sont confrontés les économies de marché émergentes et les pays en développement

Les économies de marché émergentes et les pays en développement demeurent très vulnérables à la récession mondiale et à la pandémie de coronavirus.

• Le degré élevé d’endettement constitue une fragilité majeure pour nombre d’entre eux. Depuis la crise financière mondiale, la dette s’est accrue en proportion du PIB dans de nombreux pays (notamment en Chine, au Chili et en Turquie en ce qui concerne les sociétés non financières, et en Afrique du Sud, en Argentine, au Brésil, en Chine et au Chili s'agissant des États). Actuellement, ce ratio est très élevé au Brésil, au Chili et en Chine par rapport à la norme des économies de marché émergentes (graphique 1.14, partie A). En outre, en Argentine, au Chili, au Mexique et en Turquie, une part importante des prêts et des titres de créance d’emprunteurs non bancaires est libellée en devises, notamment en dollar américain (graphique 1.14, partie B). La détention par des investisseurs étrangers d’obligations d’entreprise émises en monnaie locale a également augmenté dans certains pays en développement et économies de marché émergentes (Çelik et al., 2019). Cela pose des problèmes de taille lorsque les monnaies locales se déprécient, les recettes en devises diminuent et les investisseurs internationaux ne sont pas disposés à prêter. Les réserves de change sont généralement modestes (graphique 1.14, partie C) et plusieurs pays ont déjà dû intervenir pour défendre leur monnaie7. Dans certains pays, comme l’Inde ou la Turquie, la forte proportion de prêts non performants crée des difficultés pour le secteur bancaire.

• Les économies de marché émergentes et pays en développement sont très dépendants, à des degrés divers, de la demande des économies avancées et de la Chine, au travers des chaînes de valeur mondiale, le tourisme et les envois de fonds des ressortissants expatriés constituant une source de revenus importante8. Les producteurs de matières premières disposant de réserves financières limitées, de même que les pays à bas revenu dont les marchés financiers sont sous‑développés et la base d’investisseurs locaux, très étroite, devraient être particulièrement affectés.

• Dans nombre d'économies de marché émergentes et pays en développement, les stabilisateurs budgétaires automatiques sont plus limités en lien avec le moindre développement des filets de protection sociale et l’importance de l'économie informelle. La marge d'assouplissement des politiques macroéconomiques est par ailleurs restreinte en raison d’une dette publique élevée et des tensions inflationnistes créées par la dépréciation de la monnaie locale. Le caractère composite du choc provoqué par la pandémie de COVID‑19, qui se manifeste par une baisse de la demande étrangère, une diminution des recettes fiscales et une hausse nécessaire des dépenses publiques, accroît le risque d’une crise à double déficit dans ces pays.

La perception du risque à l’égard des économies de marché émergentes et des pays en développement s’est dégradée durant la crise du COVID‑19, même si elle s’est quelque peu améliorée dans certains cas au cours des dernières semaines. Les taux de change se sont significativement dépréciés, de 20‑30 % en Afrique du Sud, au Brésil, en Colombie, au Mexique et en Russie – mais moins cependant, qu’au plus fort de la crise financière mondiale –, avant de redresser partiellement (graphique 1.15). Les primes de risque des obligations d’État libellées en dollar par rapport aux bons du Trésor américains ont retrouvé leurs sommets de 2009 (notamment en Amérique latine) et le nombre d’émetteurs souverains affichant des primes de risque très élevées dépasse celui de 2009 (graphique 1.5). Les sorties de capitaux investis en portefeuille ont atteint un niveau record dans les économies de marché émergentes et pays en développement, à près de 100 milliards de dollars sur une période de moins de deux mois (IIF, 2020), un montant considérablement plus élevé que celui observé durant la crise financière mondiale. De nombreux emprunts souverains ont été déclassés ou font à présent l’objet de perspectives négatives, y compris ceux de l’Afrique du Sud, de la Colombie et du Mexique.

Graphique 1.14. Fragilités des économies de marché émergentes

Note : Données à fin 2019 (à l’exception de la Turquie dans la partie C où les données renvoient au T1 2020).

1. Sociétés non financières.

2. Somme des prêts locaux et transnationaux et des titres de créance libellés en dollar, en euro et en yen empruntés par le secteur non bancaire dans chaque pays.

Source : Base de données des Perspectives économiques de l’OCDE, n° 107 ; Banque des règlements internationaux ; Fonds monétaire international ; et calculs de l’OCDE.

Statlink

Pour alléger les pressions financières, les pays du G20 ont décidé de geler les remboursements de prêts gouvernementaux bilatéraux accordés à 76 pays à faible revenu, et ont appelé les créanciers privés à faire de même. Par ailleurs, le FMI a approuvé pour 17 milliards de DTS (24 milliards USD) de financements d’urgence à destination de 66 pays sous forme de nouveaux prêts concessionnels (plus de 100 pays en ont fait une demande), et a annulé les remboursements au titre de la dette de 25 pays pendant six mois. Bien que ces mesures offrent un répit provisoire aux pays concernés, le défi de l’endettement demeure et s'intensifiera si la pandémie s’inscrit dans la durée ou si un deuxième vague d’infections se produit et que l'économie mondiale reste en récession. Enfin, obtenir un allégement de la dette auprès des créanciers privés pourrait être plus difficile, comme l'ont récemment montré les négociations sur la dette souveraine argentine. En conséquence, une augmentation des tensions est probable, assortie de risques de contagion pour certaines économies avancées et la Chine, qui est devenue un créancier important de nombreux pays en développement et économies émergentes (Horn et al., 2019).

Graphique 1.15. Les monnaies locales se sont considérablement dépréciées par rapport au dollar

Évolution du taux de change face au dollar en pourcentage

Note : Sur la base de la moyenne sur 10 jours des relevés quotidiens. « Dernière période connue » renvoie à la variation entre la fin 2019 et le 4 juin 2020. « Max » renvoie à la variation la plus importante depuis la fin 2019. « CFM » renvoie à la variation la plus importante au cours de la crise financière mondiale (entre la mi‑2008 et la mi‑2009).

Source : Refinitiv ; et calculs de l’OCDE.

Statlink

Les conséquences de la contraction du commerce international

La crise a mis au jour la fragilité d’une production locale dépendant d'intrants en provenance de sources lointaines. Pour des raisons d’efficacité, certaines entreprises ont délocalisé leur production de façon à bénéficier d'avantages comparatifs dans différentes activités, ce qui a donné naissance à des chaînes de valeur mondiales (CVM) à la fois longues et complexes. Selon les dernières données disponibles, la valeur ajoutée étrangère dans la production dépassait les 50 % dans la plupart des économies et des régions, les liaisons en amont étant relativement fortes dans le secteur manufacturier et notamment dans l’automobile et l’électronique, tandis que les liaisons en aval concernent davantage les services, comme le secteur bancaire et les services aux entreprises (graphique 1.16, partie A). Du fait de l’harmonisation réglementaire au sein du marché unique et de l’union monétaire, certains petits pays européens ont une très forte exposition aux fournisseurs européens transnationaux. Dans la mesure où ces approvisionnements sont plus sûrs que ceux provenant de sources étrangères plus lointaines, l’exposition étrangère totale surévalue la vulnérabilité de ces petits pays européens aux perturbations de l’offre étrangère (Figure 1.16, partie B).

Graphique 1.16. Certains pays de l’OCDE sont très vulnérables aux chocs commerciaux

Note : Le degré d’exposition à un choc d’offre est calculé en tant que part de la valeur ajoutée étrangère dans la production brute du secteur manufacturier, tandis que le degré d’exposition à un choc de demande est calculé en tant que part de la valeur ajoutée locale dans la demande finale étrangère. La mention « Autres pays d’Asie » renvoie au Japon, à la Corée, à l’Inde et aux pays de l’ANASE.

Source : OCDE, estimation des échanges en valeur ajoutée (TiVA), données de 2018 ; et calculs de l’OCDE.

Statlink

Si l’interdépendance croissante des économies est facteur de résilience, elle peut également avoir l’effet inverse, amplifiant alors la transmission des fragilités à l’ensemble du système en raison des spécialisations accrues de chaque partenaire commercial, ou réduisant la substituabilité entre produits et fournisseurs (Jouanjean et al., 2017). Les chocs se propagent le long de la chaîne d'approvisionnement avec des degrés d’intensité variables selon la position de chaque secteur dans le réseau9, nécessitant la mise en place d'amortisseurs adéquats pour empêcher toute contagion. La diversification internationale des investissements directs étrangers, des fournisseurs et des marchés peut contribuer à la résilience si les chocs (crises économiques ou catastrophes naturelles) ne sont pas corrélés ou s’ils sont propres à un pays ; elle est toutefois moins efficace lorsqu’une série de chocs se produit simultanément à travers le monde, ce qui est le cas lors d’une pandémie (Acemoglu et al., 2012).

La perturbation des CVM liée à des problèmes d’offre a été mise en lumière en 2011, lorsque le tsunami au Japon et les inondations en Thaïlande ont entraîné une pénurie de composants peu substituables en aval des CVM dans le matériel de transport et les disques durs, respectivement10. Début 2020, la mise à l’arrêt de l’économie chinoise paraît avoir fortement perturbé le fonctionnement d’entreprises qui dépendent de composants fournis par la Chine, en particulier ceux provenant de la province du Hubei, maillon important des chaînes de valeur locales et internationales. En Europe, où les CVM sont particulièrement importantes, la levée des mesures d’arrêt de l’activité à des rythmes différents pourrait se traduire par des pénuries d’intrants.

Si les CVM étaient écourtées dans le but de réduire les risques d'approvisionnement en intrants et de renforcer la résilience, certains des gains d’efficacité obtenus grâce à l’extension des chaînes ces dernières décennies disparaîtraient. Les entreprises tireraient moins bénéfice des économies d’échelle et de la spécialisation. Dans le même temps, leur accès aux marchés étrangers pourrait être menacé si les activités de leurs filiales étrangères diminuaient, et la proximité des actifs stratégiques en termes de savoir (centres de recherche, universités, concurrents) nécessaires pour stimuler la recherche‑développement et les investissements dans l’innovation pourrait être compromise. En outre, relocaliser des activités diminuerait les possibilités de gains de productivité associées au partage de technologies et à l’adoption de pratiques organisationnelles et managériales plus efficaces (Criscuolo et Timmis, 2017).

Dans l’ensemble, les analyses empiriques suggèrent qu’une participation accrue aux CVM, tant dans les économies avancées que dans les économies de marché émergentes, s’est accompagnée dans le passé de fortes augmentations de la productivité. Selon les estimations, une hausse de 10 % du niveau d'importation de produits intermédiaires accroîtrait la productivité du travail de 2 % et le revenu par habitant de 11 à 14 % (Constantinescu et al., 2019). Compte tenu de l'augmentation rapide des échanges transnationaux et de l’intensité du commerce mondial depuis les années 1990 (graphique 1.17), le coût potentiel d’une baisse des échanges internationaux d'intrants pourrait être élevé si les chaînes d’approvisionnement devaient être écourtées. Pour les économies de marché émergentes et les pays en développement, une relocalisation de la production des économies avancées pourrait réduire les bénéfices des flux de capitaux associés aux CVM ainsi que l’accès aux marchés internationaux, au capital humain et au savoir.

Les défis que pose la réduction des CVM s’ajoutent à d’autres menaces pesant sur le commerce international. Le recours accru à des mesures de restriction commerciale freine les flux transnationaux de biens et de services. En dépit des initiatives visant à stopper l’escalade des tensions commerciales, la forte augmentation des droits de douanes entre les États‑Unis et la Chine durant les deux dernières années a pénalisé les flux bilatéraux d’importations et d’exportations entre les deux économies. Par ailleurs, la mise en œuvre de la première phase de l’accord commercial conclu par les États‑Unis et la Chine, qui prévoit que la Chine achète au total, en 2020‑21, 200 milliards de dollars de plus de biens et services américains (sur la base des 180 milliards de dollars d’importations réalisées en 2017), pourrait elle‑même être compromise par une baisse de la demande due à la pandémie. Plus généralement, les incertitudes quant aux politiques commerciales et l’affaiblissement des procédures fondées sur des règles pour régler les litiges commerciaux ont pesé sur les échanges, les investissements internationaux et la croissance économique ces dernières années. Enfin, les incertitudes persistantes entourant le Brexit ont entraîné une volatilité considérable des échanges et de fortes variations des taux de change.

Graphique 1.17. Les échanges transnationaux ont contribué à accroître l’intensité du commerce mondial

Note : Dans les échanges traditionnels, des produits fabriqués entièrement dans un pays sont consommés dans un autre. Dans le cadre des chaînes de valeur mondiales (CVM), les échanges recouvrent l’ensemble des liaisons en amont et en aval de chaque pays dans la région. « Amérique » renvoie aux États-Unis, au Canada, au Mexique, au Chili, à l’Argentine, au Brésil, au Costa Rica et à la Colombie. « Asie Pacifique » désigne la Chine, l’Inde, l’Indonésie, le Japon, la Corée du Sud, Hong Kong (Chine), le Taipei chinois, Singapour, la Malaisie, les Philippines, la Thaïlande, le Vietnam, l’Australie et la Nouvelle-Zélande.

Source : Base de données des Perspectives économiques de l’OCDE, n° 107 ; base de données CNUCED-Eora ; et calculs de l’OCDE.

Statlink

Impératifs pour l’action publique

À court terme, et peut‑être jusqu’à ce qu’un traitement ou un vaccin soit disponible, le principal enjeu pour les pouvoirs publics est de favoriser la reprise alors même que certaines mesures de confinement restent en vigueur et que certains secteurs sont soumis à des transformations structurelles. Cet enjeu nécessite de combiner diverses interventions qui aideront au redéploiement des ressources entre les secteurs et soutiendront le revenu des ménages et des entreprises laissés dans une situation précaire. Les vastes dispositifs budgétaires, monétaires et financiers adoptés en réponse à la crise, aideront à soutenir le revenu des ménages, l’emploi et la trésorerie des entreprises, et à atténuer au maximum les stigmates plus durables sur l’économie. Toutefois, l’action publique menée devra être souple et réactive compte tenu de la durée variable des suspensions d’activité et des phases de reprise d’un secteur à l’autre, de l’éventualité de nouvelles suspensions d’activité et d’une instabilité financière, de l’incertitude entourant l’évolution structurelle de l’offre et de la demande dans l’économie et du risque que les conséquences économiques qui vont en résulter se révèlent durables. L’élaboration des politiques publiques devra également tenir compte du risque que la crise actuelle puisse aggraver nombre de problèmes qui se posaient déjà aux pouvoirs publics avant celle‑ci, notamment la faiblesse de la croissance, les inégalités et l’importance de la dette publique.

Un renforcement de la coopération et de la coordination internationales via le G20, l’Union européenne ou d’autres enceintes, est essentiel pour suivre la propagation de la pandémie, mettre en commun les ressources financières et partager les informations sur les interventions efficaces pour contenir et gérer la crise. Une action concertée instaure la confiance et a des retombées positives qui seront pour chaque pays plus importantes que s’il avait agi seul.

Priorités des politiques publiques de santé pour réduire les vulnérabilités

La priorité d’action immédiate dans la plupart des pays est de veiller à se doter de capacités hospitalières suffisantes pour traiter l’épidémie virale actuelle et celles qui pourraient survenir ; d’accroître l’offre d’équipements de protection individuelle (EPI) pour les personnels de la santé et pour toute la population ; et de mettre en place l’infrastructure nécessaire à une stratégie efficace de dépistage, de suivi des patients et de traçage de leurs contacts.

• Il convient de renforcer la capacité d’accueil des unités de soins intensifs (USI) du secteur hospitalier, qui ont été mises à rude épreuve pour gérer l’épidémie en cours dans certains pays et régions. C’est d’ores et déjà chose faite dans certains des pays les plus touchés par le virus, et il est prévu de développer encore cette capacité. Malgré tout, la constitution de capacités supplémentaires dans ces pays et dans d’autres, au cours des mois à venir, est essentielle pour permettre au système hospitalier de pouvoir gérer une recrudescence possible de nouvelles contaminations sans retarder indûment la nécessaire prise en charge d’autres patients. Dans nombre d’économies émergentes et pays en développement, la capacité d’accueil des unités de soins intensifs est limitée, voire négligeable. À plus long terme, la plupart des pays devront revoir leur système de santé pour mieux le préparer à gérer de futures pandémies.

• Une capacité de dépistage à grande échelle est la condition préalable requise pour relâcher intégralement les mesures de confinement. Même si l’on manque de données permettant des comparaisons internationales sur cette question, les statistiques nationales disponibles semblent indiquer qu’à la fin du mois d’avril, le nombre de tests rapporté au nombre d’habitants était très variable d’un pays à l’autre (OCDE, 2020c). Cela étant, certains pays où les efforts de dépistage ont été relativement modestes affichent des objectifs ambitieux de montée en puissance en la matière à court terme. Cette augmentation de la capacité de dépistage doit s’accompagner d’un renforcement de l’aptitude à remonter jusqu’aux personnes avec lesquelles un porteur du virus identifié a été en contact ; le recours à de nouvelles technologies à cet effet impliquera de répondre à certaines interrogations concernant la protection de la vie privée.

• Une offre en plus grand nombre d’équipements de protection individuelle pour les soignants et pour toute la population devrait permettre de limiter la transmission du virus. Après les pénuries observées dans de nombreux pays au début de la pandémie et une tendance initiale à interdire leur exportation (OCDE, 2020i), l'accélération des ventes internationales d’EPI et l’augmentation très nette de leur production à l'échelle nationale ont permis de réduire les pénuries. Un nouvel accroissement du nombre de ces équipements pour atteindre les objectifs fixés par les autorités, et la garantie d’en maintenir un stock de précaution suffisant, concourront à l’assouplissement des mesures de confinement.

Les pays ont mutuellement intérêt à maintenir l’ouverture des échanges dans le secteur du matériel médical. Avant la crise, les exportations et importations globales dans ce secteur représentaient 5 % du commerce mondial, certains pays étant spécialisés dans les exportations de produits spécifiques (OMC, 2020). Ainsi, la Chine, les États‑Unis et l’Allemagne réalisaient 40 % des exportations totales d’EPI, Singapour, les États‑Unis, les Pays‑Bas et la Chine exportant plus de la moitié des respirateurs et ventilateurs exportés dans le monde. Dans certains pays, les insuffisances de l’offre ont déclenché le lancement d’une production nationale coûteuse de substitution aux importations, dont la mise à l’arrêt progressive, une fois que l’épidémie aura régressé, risque de se révéler délicate. En interférant dans les chaînes de valeur mondiales, les décisions de limitation des exportations risquent également d’avoir pesé sur la production dans les pays prenant de telles mesures. Les signes d’une levée prochaine de ces restrictions ne sont guère nombreux.

La coopération et la coordination au niveau mondial sont primordiales pour résoudre les graves difficultés sanitaires auxquelles font face tous les pays. Des actions communes et des initiatives multilatérales sont également requises pour optimiser la production de matériel médical et faire en sorte que des vaccins et des traitements d’un prix abordable soient disponibles, en grand nombre et rapidement, partout où ils sont nécessaires. Il est également fondamental de disposer d’une vaste base d’informations communes et transparentes et de connaissances sur les meilleures pratiques, pour soutenir les pouvoirs publics dans l’élaboration de stratégies de réponse solides et mieux évaluer les risques.

Politiques monétaires et financières

La réponse à la crise et son efficacité

Les politiques monétaires et financières ont été considérablement assouplies en réponse à la pandémie et à la réaction de panique qui s’en est suivie sur les marchés financiers.

• De nombreuses banques centrales ont abaissé leurs taux directeurs et se sont engagées à acheter des montants importants d’actifs de dette souveraine et privée pour maintenir les taux longs à un niveau bas (graphique 1.18 ; tableau 1.2). Dans plusieurs économies, de nombreuses mesures ont été mises en œuvre pour soutenir la liquidité du secteur financier et stimuler le crédit bancaire aux entreprises et aux ménages (tableau 1.2).

• Soucieuses de relâcher les tensions sur les financements en dollar (USD) dans le monde, six grandes banques centrales ont renforcé les accords d’échange de devises déjà conclus en prolongeant leur durée, en augmentant la fréquence des opérations et en diminuant le prix des transactions11. La Réserve fédérale des États‑Unis a également développé des accords d’échange de devises avec les banques centrales d’Australie, du Brésil, du Mexique, de Corée du Sud et d’autres pays12.

• Afin de soutenir l’activité de prêt des banques, les autorités de nombreux pays avancés et de grandes économies de marché émergentes ont également décidé d’assouplir la réglementation prudentielle bancaire (tableau 1.3). Les principales mesures prises sont les suivantes : abaissement des volants de fonds propres contracycliques ou applicables au risque systémique et du niveau des réserves obligatoires ; autorisation des banques à fonctionner à des niveaux de fonds propres et de liquidités inférieurs aux normes ; report d’application de dispositions réglementaires nouvelles, des tests de résistance et des obligations réglementaires d’information ; assouplissement des règles d’acceptation de garanties ; extension des marges de manœuvre dans le traitement des créances douteuses ou litigieuses. Dans de nombreux pays, les autorités de supervision prudentielle ont également incité les banques à aider les emprunteurs touchés par la pandémie à restructurer leurs prêts et à accorder des moratoires de remboursement aux petites entreprises et aux particuliers. Enfin, les autorités de plusieurs pays ont mis en place de vastes programmes de prêts garantis par l’État et mobilisé les banques commerciales.

La rapidité d’intervention des banques centrales des principales économies avancées, notamment aux États‑Unis, a entraîné une augmentation massive de la liquidité des marchés, qui a favorisé la diminution des tensions sur les marchés financiers et permis de minimiser les risques d’un effondrement financier systémique provoqué par les mesures de confinement. Si l’objectif principal à ce stade de la crise est de maintenir des liquidités et une stabilité financière suffisantes sur les marchés, les mesures mises en place devraient également, in fine, soutenir l’offre de crédit à l’économie et la reprise de l’activité13. Cela étant, la faiblesse des taux d’intérêt qui prévalait avant la pandémie et le niveau d’endettement élevé du secteur des entreprises pourraient conduire une moindre efficacité de la politique monétaire qu’en temps normal.

Graphique 1.18. L’orientation de la politique monétaire s’est considérablement assouplie au niveau mondial

1. Entre la fin 2019 et le 4 juin.

2. En centaines de milliers de milliards de yens.

3. La dernière observation est exprimée en pourcentage du PIB de 2019.

Source : Base de données des Perspectives économiques de l'OCDE, n° 107 ; Refinitiv ; et calculs de l'OCDE.

Statlink

Tableau 1.2. Principales mesures de politique monétaire dans les grandes zones économiques

	Achats d’actifs	Mesures de soutien au crédit	Mesures de soutien à la liquidité
Banque du Canada	- Programme d’achat d’obligations du gouvernement du Canada (55 milliards CAD) pour remédier aux tensions sur le marché des obligations du gouvernement - Programme d’achat d’obligations de sociétés (10 milliards CAD) pour renforcer la liquidité et le bon fonctionnement du marché des obligations de sociétés - Programme d’achat de papier commercial (3 milliards CAD) pour soutenir les flux de crédit à l’économie - Programme d’achat d’Obligations hypothécaires du Canada (6 milliards CAD) pour soutenir le marché du financement hypothécaire	- Facilité d’achat des acceptations bancaires (39 milliards CAD) pour soutenir le financement des PME - Programme d’achat de titres provinciaux sur les marchés monétaires (6 milliards CAD) et Programme d’achat d’obligations provinciales (2 milliards CAD) pour soutenir la liquidité et le bon fonctionnement des marchés de financement à court terme des gouvernements provinciaux	- Accroissement de la fréquence des opérations de prise en pension à plus d’un jour pour assurer le fonctionnement continu des marchés financiers - Relèvement temporaire des limites et fourchettes de soumission dans les adjudications de titres du gouvernement du Canada pour soutenir la liquidité et le bon fonctionnement des marchés financiers - Mécanisme conditionnel de prise en pension à plus d’un jour pour fournir des liquidités contre des titres émis ou garantis par le gouvernement du Canada - Élargissement de la liste des actifs admissibles acceptés en garantie pour y inclure les titres hypothécaires dans le cadre du Mécanisme permanent d’octroi de liquidités à plus d’un jour
Banque d’Angleterre	- Programme d’achat d’obligations du Trésor et de sociétés britanniques (200 milliards GBP) pour assouplir les conditions de financement sur le marché intérieur	- Covid Corporate Financing Facility (CCFF) : facilité de prêt (325 milliards GBP) pour soutenir la trésorerie des sociétés non financières - Term Funding Scheme with additional incentives for SMEs (TFSME) : dispositif de financement à terme (100 milliards GBP) prévoyant des incitations supplémentaires en faveur des prêts aux PME pour améliorer la transmission des baisses de taux de rémunération des réserves (Bank Rate) à l’économie réelle - Extension temporaire de la ligne de crédit Ways and Means pour assurer une source à court terme de liquidités supplémentaires au gouvernement du Royaume-Uni, en cas de besoin, pour lisser sa trésorerie	- Extension du mécanisme conditionnel de prise en pension à terme (Contingent Term Repo Facility, CTRF) pour donner plus de souplesse à la Banque d’Angleterre dans la fourniture de liquidités - Relèvement des plafonds de fonds d’État détenus dans la Facilité d’achat d’actifs (Asset Purchase Facility, APF) pour atténuer les frictions de fonctionnement et soutenir les canaux de fonctionnement normaux du Bureau de gestion de la dette (DMO)
Banque du Japon	- Achat de bons du Trésor et d’obligations d’État pour stabiliser la courbe des rendements à un niveau bas - Achat d’effets commerciaux et d’obligations de sociétés (20 000 milliards JPY) pour assurer le financement continu des entreprises - Achat d’actifs dans des fonds indiciels cotés (12 000 milliards JPY) et dans des sociétés d’investissement immobilier japonaises (200 milliards JPY) pour diminuer les primes de risque sur les prix des actifs	- Acceptation de titres de dette sur le secteur des entreprises, des PME et des ménages en garantie d’opérations spéciales de refinancement des institutions financières afin de faciliter le déploiement d’un programme de financement (de 55 000 milliards JPY) et de leur assurer un soutien ferme dans l’exécution de leurs fonctions auprès d’un large éventail de secteurs privés.	- Fourniture d’amples volants de liquidités en yen en recourant à des opérations de marché de longue durée assorties de garanties groupées - Fourniture d’amples volants de liquidités en dollar - Augmentation temporaire du nombre d’émissions de titres de l’État japonais proposées dans le cadre de la facilité de prêt de titres, et offres de cession de ces titres assorties d’accords de rachat pour stabiliser le marché des prises en pension
BCE	- Programme d'achats d'urgence face à la pandémie (PEPP, Pandemic Emergency Purchase Programme), doté de 1 350 milliards EUR (achats de titres des secteurs public et privé), pour diminuer les coûts d’emprunt et augmenter l’activité de prêt - Enveloppe temporaire (120 milliards EUR) affectée à des achats supplémentaires au titre du Programme d’achats d’actifs (APP, Asset Purchase Program) existant pour assouplir les conditions financières sur toute la courbe des rendements	- Opérations de refinancement à plus long terme non ciblées d’urgence face à la pandémie (PELTRO, Pandemic Emergency Longer-Term Refinancing Operations) - Élargissement temporaire de la base de garanties, réduction des décotes et suppression des critères de qualité appliqués aux garanties pour faciliter l’accès au crédit des entreprises et des ménages	- Opérations supplémentaires de refinancement à plus long terme pour apporter aux banques des liquidités immédiates
Réserve fédérale des États-Unis	- Bons du Trésor, titres adossés à des créances hypothécaires résidentielles (MBS) et commerciales (CMBS), émis par le secteur parapublic pour améliorer le fonctionnement des marchés du crédit	- Achats d’obligations d’entreprises privées sur les marchés du crédit primaire et secondaire via deux instruments (PMCCF et SMCCF) et achats de titres adossés aux prêts à la consommation et aux cartes de crédit, au titre du programme TALF, pour une valeur de 850 milliards USD, afin de renforcer le crédit aux entreprises - Prêts au titre de la Municipal Liquidity Financing (MLF) (500 milliards USD) pour aider les États et les collectivités locales à gérer leur trésorerie - Programme Main Street Lending (600 milliards USD) pour soutenir les prêts aux petites et moyennes entreprises - Enveloppe de 300 milliards USD au titre du fonds de stabilisation des changes (ESF) pour soutenir le crédit aux ménages et aux entreprises - Acceptation de titres de créances au titre du programme PPP (Paycheck Protection Program), mis en place par la SBA (Small Business Administration), à titre de sûretés admissibles pour faciliter l’accès des petites entreprises au crédit - Modification des règles de ratio de liquidité à court terme pour favoriser la participation au mécanisme de liquidité des fonds communs de placement du marché monétaire (MMLF) et au mécanisme de financement du programme PPP pour soutenir le crédit en faveur des ménages et des entreprises	- Extension des opérations de pension au jour le jour et à terme pour soutenir la transmission de la politique monétaire et le bon fonctionnement des marchés de financement à court terme en dollar

Source : Banque du Canada ; Banque d’Angleterre ; Banque du Japon ; Banque centrale européenne ; et banques fédérales de réserve des États-Unis.

Tableau 1.3. Principales mesures de politique financière dans les grandes zones économiques

	AUS	CAN	FRA	DEU	ITA	JPN	KOR	GBR	USA
Abaissement du volant de fonds propres contracyclique			X	X				X
Abaissement des exigences applicables au risque systémique ou de la réserve pour stabilité intérieure		X
Utilisation d’autres volants de fonds propres	X	X	X	X	X	X	X	X	X
Utilisation des réserves de liquidités	X	X	X	X	X	X	X	X	X
Assouplissement des exigences de provisionnement de prêts	X	X	X	X	X	X	X	X	X

1. Le calcul des exigences de « provisionnement de prêts » prend en compte les changements temporaires de définition et de traitement des créances douteuses ou litigieuses (CDL) pendant la crise du COVID-19.

2. L’« utilisation des réserves de liquidités » inclut l’assouplissement temporaire du ratio de liquidité à court terme et du ratio structurel de liquidité à long terme.

Source : Banque centrale européenne ; et autorités nationales de supervision bancaire.

Impératifs pour l’action publique en vertu des deux scénarios

Les nombreux programmes actuels de politique monétaire et financière offrent une latitude suffisante pour gérer un éventuel retour de la pandémie et les perturbations économiques associées, et une recrudescence de la volatilité des marchés financiers. En pareil cas, bon nombre de ces programmes pourraient et devraient monter en régime, voire être prolongés, notamment les mesures de soutien à la liquidité et au crédit. Une nouvelle extension des accords d’échange sur les financements en dollar, qui pourraient éventuellement être élargis à un plus grand nombre d’économies de marché émergentes, pourrait également se révéler nécessaire. Cependant, dans l’hypothèse d’une récession mondiale prolongée, il serait plus difficile de minimiser les risques d’instabilité financière. Les volants de fonds propres des institutions financières seraient sans doute épuisés, les faillites seraient beaucoup plus nombreuses et des plafonds seraient peut‑être fixés si un nombre croissant de secteurs de l’économie avaient besoin d’être soutenus. En fonction de l’ampleur de ces répercussions, une aide formelle des pouvoirs publics au secteur bancaire pourrait être nécessaire. Tout nouvel assouplissement des obligations prudentielles devrait être opéré sous réserve de transparence sur les expositions financières et de restrictions au versement de dividendes et de primes.

En revanche, si l’on en a fini avec la pandémie et que les mesures de confinement décrétées sont levées progressivement, conformément à l’hypothèse retenue dans le scénario du choc unique, il est possible d’envisager de réduire l’ampleur des mesures de soutien à la liquidité dans les économies avancées14. Il serait néanmoins nécessaire que la politique monétaire reste très accommodante, avec des taux d’intérêt bas et des mesures de soutien au crédit, pour garantir l’accès des secteurs public et privé à des financements bon marché. Cette orientation est appropriée étant donné que selon les prévisions, la reprise devrait être timide et l’inflation relativement faible à moyen terme. En effet, l’inflation devrait rester faible en l’absence de contraction prolongée du côté de l’offre (y compris de pétrole), signe d’une demande inférieure à la normale, mais cette situation pourrait être problématique à terme (voir plus bas). Cela étant, si l’inflation devait remonter de manière conséquente et persistante, les autorités monétaires pourraient envisager de revenir sur certaines mesures de relance.

Réponse aux tensions à la hausse sur les rendements obligataires

Si les rendements des obligations d’État ‑ qui influent sur la tarification du crédit dans d’autres segments des marchés financiers ‑ venaient à augmenter, les banques centrales pourraient réagir de différentes façons. Elles pourraient abaisser leurs taux directeurs s’il leur reste une marge pour ce faire, formuler des indications prospectives concernant les taux d’intérêt et augmenter leurs achats d’actifs. Pour maintenir des rendements bas sur les titres à plus longue échéance, les banques centrales pourraient aussi choisir de maîtriser leur courbe des rendements, à l’instar ce que fait la Banque du Japon15. Ce mécanisme aide à contrôler directement le prix des obligations d’État à plus long terme, contrairement aux mesures habituelles d’assouplissement quantitatif, qui se concentrent sur le volume des achats d’actifs.

Il pourrait être encore difficile pour la BCE de contrôler les rendements obligataires dans chaque État membres étant donné que les achats d’obligations d’État continuent de correspondre aux participations de chacun au capital de la BCE. Toutefois, la flexibilité du calendrier des achats d’actifs, entre les classes d’actifs et entre les juridictions, introduite grâce au programme PEPP (programme d’achats d’urgence face à la pandémie), aidera la BCE à assurer une transmission de sa politique monétaire plus symétrique au sein de la zone euro16.

Des défis de plus en plus nombreux pour l’action publique

Bien que nécessaire dans le contexte de récession mondiale la plus sévère qui soit depuis la Grande Dépression, le soutien prolongé de la politique monétaire à l’économie va aggraver bon nombre des problèmes présents avant la crise.

• La transmission de la politique monétaire pourrait être perturbée par la faiblesse de la rentabilité des banques et de leur bilan. Une récession profonde et persistante, comme dans le scénario de deux chocs successifs, et une longue période de faible croissance, de taux d’intérêt bas, voire négatifs, et de courbes de rendements plates, auraient des effets néfastes sur le secteur bancaire. Dans certains pays européens, ces facteurs aggraveraient les difficultés liées aux prêts non performants d’avant la crise ainsi que les faiblesses structurelles observées de longue date comme un rapport coût‑efficacité médiocre, la faible diversification des recettes et les surcapacités bancaires (BCE, 2018). L’augmentation probable des taux de créances douteuses et litigieuses nécessiterait une stricte surveillance prudentielle, des procédures d’insolvabilité efficaces et rapides et le développement de marchés des créances compromises, ou bien la création d’une structure bancaire de défaisance.

• Il faudra faire machine arrière progressivement dans l’assouplissement de la réglementation prudentielle, de rigueur pendant la crise, pour reconstituer des volants de fonds propres et de liquidités. La solidité du système financier sera essentielle pour la transmission future de la politique monétaire et sa résilience lors de la prochaine récession.

• Par ailleurs, la longue période actuelle de croissance faible et de taux d’intérêt bas continuera de mettre à mal la solvabilité des fonds de retraite et des compagnies d’assurance. La faiblesse des taux d’actualisation augmente la valeur actuelle nette des engagements des régimes de retraite à prestations définies et des compagnies d’assurance vie (OCDE, 2015 ; OCDE, 2016). Les effets négatifs de taux d’intérêt bas sur les fonds de retraite sont de plus grande ampleur encore pour ceux qui détenaient déjà des engagements non capitalisés avant la crise. Leurs déficits de financement se sont creusés depuis la crise financière mondiale, et s’établissaient déjà à 30 % environ de leur actif total au Royaume‑Uni et aux États‑Unis au milieu des années 2010, aggravant de ce fait les difficultés résultant de l’allongement de l’espérance de vie (FMI, 2016).

• L’augmentation prévisible, du fait de la crise, de la dette publique et des actifs des banques centrales pourrait faire craindre une érosion de l’indépendance des banques centrales, ce qui pourrait avoir des répercussions négatives pour les anticipations d’inflation. Pour écarter au maximum ce risque, les autorités budgétaires et monétaires devraient communiquer ensemble sur leur adhésion au principe d’indépendance de la banque centrale, et veiller à une délimitation claire et nette de leur mandat respectif, celui de la politique monétaire restant centré sur l’objectif d’inflation. Le total des actifs des banques centrales a déjà atteint des sommets inédits, en particulier aux États‑Unis où la valeur nominale de ces actifs a augmenté de près de 70 % depuis le début du mois de mars (graphique 1,18, parties B et C). Il est appelé à augmenter encore du fait de la poursuite des achats d’actifs et d’utilisation accrue des mesures de soutien au crédit et à la liquidité. De plus, certaines mesures prises par les banques centrales pour soutenir les sociétés non financières et les collectivités locales ont des conséquences sur la distribution des revenus, pouvant laisser penser que les autorités monétaires s’arrogent des missions réservées aux élus. Enfin, des risques de crédit de niveau plus élevé pourraient aboutir à des pertes en fonds propres à terme et à un regain de critiques et d’ingérence de la sphère politique17.

Politique budgétaire : mesures d’urgence et priorités futures

La réponse à la crise et impératifs pour l’action publique à court terme

Les soldes budgétaires et la dette publique des pays de l’OCDE devraient, selon les prévisions, se détériorer dans des proportions spectaculaires en 2020‑21 dans les deux scénarios, ce qui s’explique par les vastes programmes de soutien mis en place (encadré 1.2) et par le jeu des stabilisateurs automatiques :

• Dans le scénario de deux chocs successifs, les soldes budgétaires de base devraient connaître une détérioration brutale en 2020 (graphique 1.19, partie A) d’environ 9 % du PIB dans l’économie médiane de l'OCDE, soit environ trois fois plus qu’en 2008-09. En effet, les déficits devraient se creuser de façon particulièrement marquée en 2020 dans plusieurs pays, en particulier aux États‑Unis, au Royaume-Uni, au Japon et en Italie. Le redressement assez modeste des positions budgétaires en 2021 dans le scénario de deux chocs successifs s’explique par le report de certaines mesures discrétionnaires ainsi que par le fonctionnement des stabilisateurs automatiques. Dans le scénario du choc unique, les déficits budgétaires se creusent légèrement moins que dans le premier scénario (graphique 1,19, partie B), soit d’environ 2 % du PIB en 2021 dans l’économie médiane de l’OCDE. En effet, les coûts des mesures discrétionnaires sont moins élevés et sont essentiellement concentrées en 2020, et l’impact des stabilisateurs automatiques est moindre.

• Les prévisions de ratio de dette publique reflètent la détérioration des soldes budgétaires, ainsi que la baisse du PIB (au dénominateur du ratio de dette publique) et les mesures de soutien extrabudgétaires supplémentaires, qui influent sur les actifs financiers des administrations publiques (prêts, recapitalisations d’entreprises et prises de participations). Dans le scénario de deux chocs successifs, le ratio de dette médian augmente de près de 15 % du PIB en 2020, contre une augmentation de 10 % en 2009. La dette continue de croître en 2021, pour atteindre 87 % du PIB (graphique 1.19, parties C et D). Au Japon, en Grèce, en Italie, au Portugal et en Espagne, les ratios de dette culminent à des niveaux extrêmement élevés. Les niveaux de dette estimés pour ces pays en 2021 sont, rapportés au PIB, supérieurs d’environ 20‑35 % à ce qu’ils étaient en 2019. Dans le scénario du choc unique, le ratio de dette augmente légèrement moins.

Graphique 1.19. Les positions budgétaires devraient se détériorer considérablement

Source : Base de données des Perspectives économiques de l'OCDE, n° 107.

Statlink

Encadré 1.2. Mesures prises par les pouvoirs publics en réaction à la pandémie

Les principales mesures prises par les autorités pour lutter contre la crise liée à la pandémie ont été les suivantes (graphique 1.20) :

• Du côté des dépenses, et hormis les dépenses de santé supplémentaires, les mesures les plus fréquentes ayant une incidence directe sur les soldes budgétaires ont pour but d’aider à préserver les revenus et l’emploi via des dispositifs de chômage partiel et de subventions salariales en faveur des salariés licenciés et des indépendants ; via la prolongation des durées de versement des prestations de chômage (y compris aux salariés en chômage partiel), des congés de maladie rémunérés et d’autres types de congés (en élargissant les critères d’admissibilité ou en prolongeant les durées de versement) ; enfin, via des aides supplémentaires pour la garde des enfants ou la prise en charge d’autres besoins de soins. Les pouvoirs publics versent également des prestations complémentaires aux ménages, aux travailleurs indépendants et aux entreprises et augmentent les dépenses de services publics dans des secteurs autres que la santé (politiques d’activation du marché du travail, éducation, etc.). Dans la majorité des pays, les mesures de dépenses sont responsables de la majeure partie des évolutions budgétaires directes.

• Côté recettes, de nombreux pays ont abaissé temporairement les prélèvements d’impôts ou de cotisations sociales soit directement, soit en assouplissant les règles de calcul de la base d’imposition des entreprises (notamment en prolongeant la durée des déductions possibles au titre du report en arrière des pertes ou des amortissements). En outre, de nombreux pays ont reporté les prélèvements fiscaux et sociaux sur les particuliers et les entreprises et certains ont anticipé la restitution des créances dues par l’administration aux ménages et aux entreprises, notamment des crédits d’impôt, pour soutenir leur trésorerie. Quelques pays ont facilité le rachat de pensions (grâce au rachat anticipé, à l’abaissement des seuils, etc.), ou ont ouvert la possibilité de souscrire des emprunts adossés aux pensions (notamment les États‑Unis et l’Australie). Alors que les reports de charges n’auront pas directement d’effet sur les soldes budgétaires en vertu des règles de comptabilité nationale, ils augmenteront temporairement les besoins de financement des administrations publiques.

• En outre, la plupart des gouvernements ont annoncé de vastes programmes de soutien hors budget, sous forme de prêts et de recapitalisations (assurés directement soit par l'État, soit par des banques publiques de développement ou encore par des fonds d’aide spéciaux), et de garanties de prêts1. En fait, dans nombre d’économies, les dispositifs de garanties d’État de grande ampleur (de l’ordre de 15 % du PIB au Royaume‑Uni et de plus de 25 % du PIB en Allemagne) constituent la majeure partie des mesures de relance.

• Soucieux de soutenir les secteurs les plus durement touchés (tourisme, hôtellerie, transport aérien, culture, secteurs exportateurs, construction automobile), plusieurs pays ont déployé un large éventail de mesures, certaines consistant en des programmes applicables à l’ensemble de l’économie moyennant des enveloppes spécifiquement affectées à tel ou tel secteur, et d’autres étant davantage taillées sur mesure. L’Italie a ainsi étendu son filet de protection sociale aux travailleurs saisonniers des industries du tourisme et des loisirs et a versé une prime ponctuelle spéciale à ceux d’entre eux qui ont perdu leur emploi en raison de la pandémie. Plusieurs pays ont institué des programmes spéciaux de prêts et/ou de garanties en faveur des secteurs les plus touchés, comme la Finlande, la Norvège et la Suède (transport aérien), mais aussi le Canada (entreprises agricoles et agroalimentaires). D’autres ont choisi de suspendre temporairement ou de réduire le règlement de certaines charges dans des secteurs spécifiques (loyers fonciers des aéroports au Canada, taxes sur l’hôtellerie au Royaume‑Uni et en Islande, réduction temporaire du taux de la TVA acquittée par le secteur de la restauration en Allemagne). Certains pays, dont la Finlande, les Pays‑Bas et le Portugal, ont également apporté des aides directes, notamment aux entreprises agricoles, aux restaurants et aux prestataires de services culturels. Le soutien au tourisme a pris la forme de chèques‑vacances subventionnés en faveur des salariés (en République tchèque, par exemple), ou encore de campagnes de communication destinées à promouvoir le pays comme destination touristique (en Islande, notamment). En outre, certains pays associent les mesures de lutte contre la crise liée à la pandémie à d’autres objectifs à long terme, notamment à la transition écologique. En France, par exemple, l’augmentation prévue de la prime à l’achat et des aides à la mise à la casse d’un véhicule ancien (« bonus écologique ») vise non seulement à aider le secteur automobile, durement touché, mais également à lutter contre la pollution et à promouvoir l'usage des véhicules électriques. Enfin, en plus d’accompagner certains secteurs en particulier, la quasi‑totalité des pays ont mis en place des programmes spécifiques (subventions, prêts et/ou garanties) ciblant les PME (OCDE, 2020j ; OCDE, Outil de suivi de la plateforme numérique sur le COVID‑19).

Graphique 1.20. Fréquence d’adoption des différentes mesures de lutte contre la crise liée à la pandémie

Nombre de pays adoptant les mesures indiquées

Note : Les pays hors OCDE sont l'Afrique du Sud, le Brésil, la Chine, le Costa Rica, l’Inde, l’Indonésie et la Russie.

Source : OCDE, Outil de suivi de la plateforme numérique sur le COVID‑19 ; et sources nationales.

Statlink

1. Par ailleurs, les autorités de certains pays ont incité les entreprises privées à accorder des moratoires sur le règlement de certaines charges, notamment sur les remboursements de dette et d’intérêts, les loyers ou encore, les charges courantes. Toutefois, ces mesures n’entrent pas dans le champ des finances publiques.

En dépit de la forte détérioration prévue dans les finances publiques, la situation pourrait se révéler pire encore que les prévisions en raison des lourdes incertitudes entourant l’impact économique de la crise, le recours aux mesures de soutien et la réalisation de passifs éventuels. Les dépenses publiques liées aux stabilisateurs automatiques et les programmes d’aide spécifiques risquent de coûter bien plus cher que prévu si l’activité économique vient à être encore plus fragile, si les programmes de soutien sont prolongés ou si le taux d’utilisation des dispositifs de chômage partiel et des mesures de garantie de revenu est supérieur aux prévisions. Il est également possible que de fortes pressions politiques soient exercées pour maintenir en place des mesures d’accompagnement généreuses une fois la pandémie passée. Enfin, des coûts budgétaires supplémentaires pourraient devoir être supportés du fait de pertes sur la réalisation de passifs éventuels – notamment sur les garanties de prêts accordées aujourd’hui par les pouvoirs publics18.

L’efficacité de la relance budgétaire et la nécessité de mesures spécifiques évolueront au fil du temps, ce qui multipliera les arbitrages à opérer entre la nécessité de soutenir l’économie, celle de redéployer les ressources vers des secteurs offrant de meilleures perspectives à plus long terme et le coût de ces mesures pour les finances publiques.

• En phase d’arrêt de l’activité et durant les premières phases du déconfinement, l’objectif principal des mesures de soutien budgétaire est de limiter le préjudice économique infligé par la pandémie et les mesures de confinement qu’elle entraîne. Les multiplicateurs budgétaires ont toutes les chances de rester proches de zéro pendant un confinement total, puisque les mesures prises par les pouvoirs publics risquent de ne pas avoir un effet très stimulant sur la consommation privée et l’investissement étant donné les restrictions administratives appliquées à l’activité économique. L’objectif premier est ici de préserver l’emploi et le revenu des ménages, et de protéger les entreprises de la faillite. Il est de la plus haute importance de réduire le plus possible les retards administratifs dans l’activation des mesures si l’on veut en obtenir la plus grande efficacité possible. Selon toute probabilité, les multiplicateurs budgétaires devraient augmenter au fur et à mesure de la levée des restrictions, contribuant ainsi à stimuler la demande et à réduire les effets d’hystérèse.

• Les entreprises confrontées à des baisses transitoires de la demande et à des perturbations dans leurs chaînes d’approvisionnement ont besoin d’une aide de trésorerie, qui peut être apportée sous forme de subventions, de crédits ou de garanties de prêts. Ces mesures permettent d’éviter que des difficultés de trésorerie ne se transforment en problèmes de solvabilité. Cependant, elles peuvent se révéler coûteuses et inefficaces si elles sont dispensées en faveur d’entreprises non viables. Pour limiter au maximum ces risques, il conviendrait d’évaluer les programmes au fil du temps et de les ajuster si nécessaire, de provisionner suffisamment les pertes qui se répercutent directement dans les soldes budgétaires et de mettre en place certaines incitations au remboursement (en accordant des garanties partielles, par exemple).

Dans l’hypothèse où une seconde vague de la pandémie deviendrait réalité (comme dans le scénario de deux chocs successifs), ou si la croissance économique et l’emploi se révélaient encore plus fragilisés que dans les deux scénarios étudiés, il serait peut‑être nécessaire d’élargir le périmètre des programmes de soutien et d'en prolonger la durée, tout en affinant leur cible. De nouvelles mesures en faveur des entreprises pourraient prendre la forme d’instruments de partage des risques de type participation en fonds propres, comme ce dispositif qui consiste à prélever une surtaxe sur les futurs profits contre un transfert de fonds (Boot et al., 2020) pour apporter aux entreprises les liquidités dont elles ont besoin sans augmenter leur endettement. Les interventions de cette nature sont spécialement importantes pour les PME, qui ont plus de difficultés à lever des fonds en période de ralentissement de l’activité, et elles ont des répercussions positives sur la stabilité du système bancaire. Souplesse et réactivité seront alors d’une importance cruciale. Les décisions d’intervention devront prendre en considération les coûts marginaux et les bénéfices attendus, la solidité des stabilisateurs automatiques et la marge de manœuvre budgétaire disponible. Cette dernière dépendra essentiellement de la réaction de la politique monétaire.

Plusieurs initiatives nouvelles de l’UE ont été proposées pour soutenir les pays les plus touchés et corriger les divergences que fait apparaître le choc de la pandémie (encadré 1.3). Ces initiatives sont les bienvenues ; leur efficacité dépendra au final de leur conception, de leur envergure et de leur application, qui sont toujours en cours d’examen. Le cas échéant, d’autres options pourraient être envisagées (Boone et Pereira, 2020).

Encadré 1.3. Programmes de l’UE destinés à limiter les conséquences économiques de la pandémie

Les institutions de l’UE et de la zone euro ont présenté plusieurs initiatives souhaitables pour aider les États membres, en particulier ceux durement affectés par la pandémie et dont la marge de manœuvre est moindre, à financer des mesures budgétaires en réponse à la crise, à un coût relativement bas, limitant ainsi les répercussions sur leur endettement public.

• La première initiative porte sur la mise en place d’un soutien à la lutte contre la pandémie au titre du Mécanisme européen de stabilité (MES) : il s’agit d’une ligne de crédit à faible conditionnalité à laquelle les pays de la zone euro peuvent accéder pour bénéficier de prêts à concurrence de 2 % de leur PIB de 2019, d’une durée pouvant aller jusqu’à dix ans. S’il convient de saluer cette avancée, ce dispositif en soi risque de ne pas suffire. En effet, le montant de cette ligne de crédit est modeste au vu du contexte actuel et l’absence d’automaticité de l’aide (qui requiert une nouvelle évaluation de la Commission par rapport aux conditions d’admissibilité, puis l’approbation du Conseil des gouverneurs du MES) risque de dissuader les États membres d’en faire la demande.

• De la même manière, le fonds de garantie paneuropéen de la Banque européenne d’investissement (BEI), doté d’une enveloppe de 25 milliards EUR pour faciliter la mobilisation de jusqu’à 200 milliards EUR de prêts destinés essentiellement aux PME, est également bienvenu mais risque de ne pas être d’une aide suffisante pour les petites et très petites entreprises à haut risque.

• Un dispositif temporaire, destiné à atténuer le risque de chômage en période d’urgence (programme SURE, Support to mitigate Unemployment Risk in an Emergency), a été mis sur pied pour lutter contre le chômage dans l’Union européenne. Cette initiative appropriée pourrait aider à lisser l’activité économique des États membres en les aidant à financer leur dispositif national de chômage partiel. Toutefois, le programme repose intégralement sur des prêts et, au‑delà des taux d’intérêt bas qu’il offre, ne résout pas la question des marges budgétaires réduites. De plus, son enveloppe est modeste (100 milliards EUR, soit 0.7 % du PIB de l’UE‑27 en 2019) pour gérer des chocs de grande ampleur à l’échelle de toute l’Union. À l’avenir, la constitution d’une capacité budgétaire commune permanente pour lisser les chocs négatifs sur l’emploi, sans trop grever les budgets nationaux et les ratios de dette, pourrait être envisagée (Claveres et Stráský, 2018).

• La Commission européenne a proposé de renforcer le budget de l’UE par un plan de relance exceptionnel et temporaire, doté de 750 milliards EUR se répartissant en 450 milliards EUR environ de subventions, 50 milliards EUR de garanties et 250 milliards EUR de prêts. La répartition exacte de ces ressources entre les États membres et les programmes n’est pas encore connue et pourrait être soumise à des règles de conditionnalité. La majeure partie de ces fonds (80 % environ) viendraient à l’appui de l’investissement public, notamment aux fins de la transition écologique et de la transformation numérique, et de réformes structurelles essentielles dans les pays ou les régions où l’impact de la crise et les besoins de résilience sont au plus fort. Le plan prévoit également d’autres outils, notamment un instrument de soutien à la solvabilité destiné à apporter d’urgence des financements aux entreprises saines mises en péril par la crise, et un programme « santé » pour renforcer la sécurité sanitaire et se préparer à des crises sanitaires futures. Ce plan de relance serait financé principalement grâce à des émissions d’emprunts ponctuelles de la Commission européenne sur les marchés financiers pour le compte de l’Union européenne. Les remboursements (qui devraient s’échelonner entre 2028 et 2058) dépendront de la possibilité de créer de nouvelles taxes au niveau de l’UE pour répondre aux enjeux du changement climatique et d’une fiscalité équitable dans une économie mondialisée (avec des taxes sur le numérique, par exemple). Les décaissements de fonds devraient intervenir au début de 2021.

Options pour la gestion d’un niveau élevé de dette publique sur le long terme

Les niveaux élevés de déficit budgétaire et de dette publique estimés pour 2021 vont aggraver les difficultés qui pesaient sur les finances publiques avant la crise et risquent d’accroître les vulnérabilités budgétaires dans de nombreuses économies de l’OCDE. Un choc ponctuel sur le niveau de la dette pourrait, en soi, ne pas mettre en péril la viabilité de celle‑ci lorsque la reprise sera au rendez‑vous, car c’est la dynamique de la dette qui importe et qu’il faut maîtriser. Au lendemain de la crise, un assainissement par trop rapide des finances publiques pourrait trop entraver la croissance, comme certains pays de l'OCDE en ont fait l’expérience après la crise financière mondiale. Mais ne pas se préoccuper suffisamment de la viabilité de la dette, une fois que la reprise se sera affermie, constituerait également un risque important.

Le maintien à des niveaux bas des coûts de service de la dette permettra de réduire les tensions financières mais n’empêchera pas, en soi, l’accumulation de la dette. Depuis la crise financière mondiale, l’orientation de la politique monétaire est très accommodante, avec comme objectif de remonter l’inflation jusqu’à sa cible. La faiblesse des taux d’intérêt et le gonflement du portefeuille d’obligations d’État détenu par les banques centrales qui en résultent (graphique 1.21) ont permis de réduire sensiblement les coûts de service de la dette publique. Cette orientation accommodante de la politique monétaire devra sans doute être maintenue pendant plusieurs années encore, étant donné que la situation en matière de capacité de production, de revenus, d’emploi et d’inflation pourrait mettre du temps à se redresser après la pandémie. Si la réalisation du mandat des banques centrales l’exigeait, des conditions monétaires plus accommodantes pourraient être assurées via de nouveaux achats nets d'obligations d’État, la maîtrise des courbes de rendement et le renforcement des indications prospectives, avec des implications diverses pour le coût du service de la dette publique sur longue période.

Un niveau plus élevé de croissance économique et d’inflation suffirait en soi à abaisser le ratio dette/PIB. Pour y parvenir, les autorités devraient mettre en place des réformes structurelles ambitieuses pour stimuler la croissance potentielle (OCDE, 2019b). Pour autant, les enseignements de la dernière décennie suggèrent qu’atteindre rapidement une plus forte croissance, grâce à des réformes structurelles, peut se révéler une tâche ardue en l'absence de soutien monétaire et budgétaire. De la même manière, remonter l’inflation jusqu’à sa cible et la maintenir à ce niveau pourrait nécessiter un accompagnement monétaire et budgétaire dans la durée.

Graphique 1.21. Plusieurs banques centrales sont devenues les principaux détenteurs des obligations d’État émises dans leur économie

En pourcentage de l’encours total d’obligations négociables

Note : Pour les États-Unis, titres du Trésor négociables, hors bons du Trésor, détenus par la Réserve fédérale exprimés en pourcentage de l'encours des titres du Trésor négociables, hors bons du Trésor, à leur valeur de marché. Pour le Royaume‑Uni, avoirs de la facilité d'achat d'actifs (APF, Asset Purchase Facility) de la Banque d'Angleterre en pourcentage de l'encours de fonds d'État (classiques), à leur valeur de marché. Pour le Canada, obligations d’État, hors bons du Trésor, détenues par la Banque du Canada en pourcentage de l’encours d’obligations émises par le gouvernement canadien. Pour le Japon, obligations d’État détenues par la Banque du Japon en pourcentage de l'encours des titres du Trésor, hors bons du Trésor et comprenant les obligations du Programme budgétaire d'investissements et de prêts (PBIP), à leur valeur de marché. Pour les pays de la zone euro, achats nets cumulés d'obligations d’État réalisés dans le cadre du programme d'achats de titres du secteur public de l'Eurosystème et du programme d’achats d’urgence face à la pandémie (PEPP) à leur valeur comptable à la fin de mai 2020, en pourcentage de l'encours des obligations des administrations publiques à leur valeur nominale à la fin d’avril 2020. Pour la Suède, montant des achats d'obligations d’État (355.4 milliards SEK au 15 mai 2020) en pourcentage de l'encours de ces obligations à la fin d’avril 2020, à leur valeur nominale.

Source : Base de données des Perspectives économiques de l'OCDE, n° 107 ; Conseil des gouverneurs du Système fédéral de Réserve des États‑Unis ; Département du Trésor des États‑Unis (US Department of the Treasury), Bureau of Fiscal Services ; Banque du Canada ; Banque du Japon ; ministère des Finances japonais ; Banque de Suède (Sveriges Riksbank), statistiques sur la dette des administrations publiques ; Bureau de gestion de la dette (Debt Management Office) du Royaume‑Uni ; Banque centrale européenne (BCE) ; et calculs de l'OCDE.

Statlink

Un réexamen de l’ensemble des dépenses publiques sera nécessaire pour que les sommes allouées aillent bien aux domaines et catégories de population prioritaires et renforcent la croissance, sans mettre à mal la viabilité de la dette. Tout d’abord, il va falloir dans de nombreux pays accroître les dépenses de santé, non seulement pour améliorer la capacité de réponse à des pandémies futures, mais également pour faire face à des hausses structurelles des coûts de la santé (Lorenzoni et al., 2019)19. Ensuite, après une décennie de faiblesse des dépenses publiques d’équipement, il est indispensable de développer des investissements publics de qualité dans les secteurs du numérique, de l’éducation et de l’atténuation du changement climatique. Les défaillances du marché dans ces divers secteurs entraînent un sous‑investissement des acteurs privés et empêchent la réalisation de larges externalités positives et d'objectifs sociaux importants. À l’inverse de ce qui s’est passé lors de précédents épisodes d’assainissement majeur des finances publiques, il conviendrait d’éviter une diminution de l’investissement public (Blöchliger et al., 2012). Troisièmement, les autorités devront faire face à l’accroissement des dépenses liées au vieillissement (OCDE, 2019c)20. Enfin, des pressions politiques pourraient s'exercer en faveur de prestations sociales et d’une protection des revenus du travail plus généreuses pour pouvoir mieux résister à de prochains ralentissements de l’activité économique. Il importe d’engager rapidement ce réexamen des dépenses publiques parce que la réaffectation des budgets aux interventions prioritaires est généralement un processus graduel.

Dans le même temps et une fois que les économies se seront redressées après la crise, il sera également nécessaire d’augmenter les recettes publiques pour soutenir la viabilité de la dette dans certains pays, tout en renforçant la progressivité du système fiscal et en soutenant les initiatives d’atténuation du changement climatique. Il faudra à cet effet réexaminer complètement la structure fiscale des pays à la lumière des considérations de croissance, d’inclusivité et de durabilité, qui pourraient peser plus lourd dans l’élaboration des politiques publiques après la crise. Une révision de l’imposition du capital (depuis les revenus du capital jusqu’aux plus‑values et à la taxation de la propriété immobilière) devrait être envisagée au regard des objectifs de croissance, en conférant au système fiscal une plus grande progressivité là où c’est nécessaire. Le recours aux taxes sur la consommation a été fréquent au lendemain de la crise financière mondiale et la marge de manœuvre est peut‑être étroite, mais elle mériterait d’être explorée là où c’est possible. Tout en veillant aux effets sur la distribution des revenus, il faudrait également développer le recours à la taxation du carbone et réduire les subventions aux combustibles fossiles. Cette option permettrait non seulement de corriger de graves défaillances de marché en contribuant à susciter des changements urgents dans l’économie pour lutter contre le changement climatique (Marten et van Dender, 2019 ; OCDE, 2020h), mais également de procurer des recettes pour compenser les ménages et les petites entreprises les plus touchés par ces mesures. De même, s'attaquer aux enjeux fiscaux soulevés par la transformation numérique de l’économie et faire en sorte que les entreprises multinationales acquittent un impôt minimum permettraient de renforcer la capacité de lever des recettes et pourrait même être vu comme un moyen de contribuer à une répartition équitable de la charge. Une coordination de l’action publique en la matière conférerait plus d’efficacité aux réformes, notamment en luttant contre l’évasion fiscale et en veillant à ce que des différends fiscaux n’aboutissent pas à des guerres commerciales, qui seraient encore plus préjudiciables à la reprise (OCDE, 2020k).

L’adoption de règles budgétaires bien conçues et une réforme de la procédure d’établissement des budgets incitant davantage à une planification à long terme prudente et fournissant des informations de meilleure qualité, aideraient à la prise des décisions budgétaires. L’instauration ou le renforcement de conseils budgétaires indépendants, et la création d’outils budgétaires spécifiques, à l’instar des objectifs de planification à long terme mis en place par la réforme Enzi‑Whitehouse de la procédure budgétaire aux États‑Unis, pourraient être utiles à cet égard21. Dans l’Union européenne, les règles budgétaires devront être réformées pour qu’une orientation contracyclique soit admissible en période de ralentissement tout en préservant la stabilité des finances publiques. Cela pourrait impliquer le remplacement de la multitude actuelle de règles numériques par une règle de dépenses, si possible arrimée à un objectif de ratio de dette (Claeys et al., 2016 ; Darvas et al., 2018 ; OCDE, 2018).

Priorités d'action dans les économies de marché émergentes

Plusieurs grandes économies de marché émergentes ont déjà assoupli l'orientation de leur politique monétaire et annoncé des mesures budgétaires (graphiques 1.18 et 1.19). Les autres interventions des pouvoirs publics dépendront de la durée et de l'ampleur des tensions observées sur les marchés financiers, de l'impact de la baisse des cours du pétrole, des effets d'entraînement internationaux négatifs induits sur la demande, des perturbations intérieures dues à la pandémie, de la mesure dans laquelle les facteurs de vulnérabilité se sont accumulés avant la crise, et des marges de manœuvre dont disposent les pouvoirs publics pour atténuer les chocs négatifs.

• Les économies de marché émergentes caractérisées par un cadre d'action macroéconomique crédible, un régime de change flexible et un niveau gérable d'endettement en devises devraient continuer d'amortir le choc. En termes de politique monétaire, cela impliquerait de procéder à de nouvelles réductions des taux d'intérêt directeurs et de faire abstraction des éventuelles hausses temporaires de l'inflation dues à des dépréciations ponctuelles de la monnaie nationale. Néanmoins, le niveau déjà bas des taux d'intérêt réels risque de rendre difficile un nouvel assouplissement de la politique monétaire dans certains pays, étant donné que toute nouvelle dépréciation de la monnaie nationale risque d'alimenter l'inflation et d'accentuer les risques liés au niveau élevé de la dette en devises qui pèsent sur la stabilité financière (graphique 1.14). Dans ces cas de figure, une mesure contracyclique peut consister à réduire le niveau des réserves obligatoires (Cordella et al., 2014). Sur le plan budgétaire, il faudrait laisser jouer pleinement les stabilisateurs automatiques. Les autorités pourraient envisager d'adopter d'autres mesures temporaires de relance budgétaire n'ayant guère de conséquences à plus long terme sur la dette publique.

• Par contre, les pays présentant des paramètres macroéconomiques fondamentaux moins solides pourraient n'avoir d'autre choix que de limiter leur action de relance macroéconomique, ce qui aurait des effets négatifs sur la demande intérieure. Si l'accès au crédit international est difficile ou très coûteux, ils devraient s'efforcer de contracter de nouveaux emprunts auprès d'institutions internationales et de négocier avec leurs créanciers internationaux des moratoires sur le remboursement de leur dette ou une restructuration de celle‑ci, dans le but de réduire au minimum les perturbations sur la croissance et de préserver leur accès futur aux marchés du crédit22. Sur le plan budgétaire, les cadres budgétaires à moyen terme, éventuellement soutenus par des règles budgétaires ou des conseils budgétaires, devraient englober toutes les activités budgétaires et quasi‑budgétaires pour contribuer à renforcer la qualité et la transparence des cadres d'action macroéconomique.

• Bien que les régimes de change flexible atténuent généralement les chocs extérieurs dans les économies de marché émergentes, une volatilité excessive des taux de change peut saper la stabilité financière23. Lorsque ce risque est fort, des interventions transparentes et temporaires peuvent être nécessaires. Lorsque des interventions sont envisagées, il convient de prendre en compte leur efficacité potentiellement limitée face à des chocs persistants et le montant limité des réserves de change (Basu et al., 2018). Dans les cas extrêmes de crise financière, des restrictions aux sorties de capitaux peuvent être inévitables, mais elles ne doivent pas retarder les ajustements nécessaires pour remédier aux déséquilibres sous‑jacents. À l'inverse, les pays pourraient assouplir les restrictions aux entrées de capitaux relatives aux opérations en devises réalisées par des établissements financiers résidents, notamment en réduisant le niveau des réserves obligatoires en devises (OCDE, 2020l)24.

Agir pour éviter de perdre les fruits de la mondialisation

Les responsables de l'action publique doivent prendre des mesures coordonnées pour préserver la liberté des flux d'échanges et d'investissement, afin de neutraliser le risque grandissant d'une inversion de la mondialisation. Une coopération destinée à réduire les tensions commerciales et à éliminer les coûts tarifaires et autres coûts additionnels pour les entreprises et les consommateurs est essentielle pour atténuer les effets négatifs induits sur l'activité et éviter que les ménages et les entreprises, déjà touchés par la crise, ne subissent de nouvelles pertes de revenu. De même, les gouvernements devraient s'abstenir d'instaurer, pour les biens essentiels, des restrictions aux exportations susceptibles de dégrader la confiance dans les marchés mondiaux, de provoquer des achats motivés par la panique et une instabilité des prix, et de porter préjudice aux pays dépendant des importations (OCDE, 2020m).

La crise actuelle met également à rude épreuve les chaînes d'approvisionnement internationales. Leur résilience devrait être évaluée régulièrement au moyen de tests de résistance destinés à identifier leurs points faibles spécifiques, et assurée par les entreprises et les pouvoirs publics via la constitution de stocks stratégiques et la conclusion d'accords en amont pour la reconversion des chaînes de montage en période critique. Les politiques d'investissement devraient favoriser une adoption plus large des infrastructures numériques et la facilitation des transports, afin de contribuer à réduire les distances et les coûts des échanges le long des chaînes de production, et remédier aux perturbations des processus fondés sur des interactions en face à face. Les pouvoirs publics peuvent aider les entreprises à moderniser leur stratégie industrielle en faisant preuve d'une flexibilité réglementaire propice à l'innovation et à la diversification des approvisionnements, et en mettant en place des programmes de soutien au crédit destinés à améliorer l'efficience de la logistique. Enfin, il est particulièrement important de préserver les échanges internationaux pour les pays les plus pauvres, exposés aux pénuries de produits alimentaires et de fournitures médicales. Par conséquent, les accords de coopération concernant la constitution de stocks régionaux et l'aide sanitaire d'urgence dans les économies avancées devraient être élaborés d'une manière inclusive, qui tienne également compte des besoins des pays les plus vulnérables. Il est particulièrement important que les économies de marché émergentes et les pays en développement ne soient pas coupés des chaînes de valeur mondiales, qui améliorent leurs perspectives de croissance en leur donnant accès aux marchés, au capital humain et au savoir à l'échelle internationale.

Références

Acemoglu, D., V. M. Carvalho, A. Ozdaglar et A. Tahbaz-Salehi (2012), « The Network Origins of Aggregate Fluctuations », Econometrica, n° 80, pp. 1977 2016.

Adalet McGowan, M., D. Andrews et V. Millot (2017), « Insolvency Regimes, Zombie Firms and Capital Reallocation », Documents de travail du Département des affaires économiques de l’OCDE, n° 1399, Éditions OCDE, Paris.

Banerjee, R., A. Illes, E. Kharroubi et J.-M. Serena (2020), « Covid-19 and corporate sector liquidity », BIS Bulletin », n° 10, Banque des règlements internationaux, 28 avril.

Banque mondiale (2020a), « COVID-19 Crisis Through a Migration Lens », Migration and Development Brief, n° 32, avril, http://documents.worldbank.org/curated/en/989721587512418006/pdf/COVID‑19-Crisis-Through-a-Migration-Lens.pdf .

Banque mondiale (2020b), World Development Report 2020: Trading for Development in the Age of Global Value Chains, Washington, D.C.

Basu, S. S., A. R. Ghosh, J. D. Ostry et P. E. Winant (2018), « Managing Capital Outflows with Limited Reserves », IMF Economic Review, vol. 66, n° 2, pp. 333-374.

BCE (2018), Financial Stability Review, novembre, Banque centrale européenne.

Bernanke, B. (2016), « What Tools Does the Fed Have Left? Part 2: Targeting Longer-Term Interest Rates », article de blog, Brookings Institution, 24 mars.

Blöchliger, H. Song, D.-H., et D. Sutherland (2012), « Fiscal Consolidation Part 4. Case Studies of Large Fiscal Consolidation Episodes », Documents de travail du Département des affaires économiques de l'OCDE, n° 935, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/5k9fdf5xptlq-en.

Bolton, P. et al. (2020), « Born Out of Necessity: A Debt Standstill for COVID-19 », CEPR Policy Insight, n° 103.

Boone, L. et A. Pereira (2020), « Europe must act now to prepare the aftermath of the pandemic crisis », article de blog, VoxEU, 27 avril.

Boot, A., E. Carletti, H. Kotz, J. Krahen, L. Pelizzon et M. Subrahmanyam (2020), « Corona and Financial Stability 2.0: Act jointly now, but also think about tomorrow », SAFE Policy Letter, n° 79.

Brainard, L. (2019), « "Fed Listens" in Richmond: How Does Monetary Policy Affect Your Community? », Federal Reserve Bank of Richmond, Richmond Community Listening Session, Richmond, Virginie, 8 mai.

Buiter, W. (2008), « Can Central Banks Go Broke? », CEPR Discussion Papers, n° 6827, https://EconPapers.repec.org/RePEc:cpr:ceprdp:6827.

Bureau of Labor Statistics (2020), « Effects of COVID-19 Pandemic on BLS Price Indexes », 7 avril.

Çelik, S., G. Demirtaş et M. Isaksson (2019), « Corporate Bond Markets in a Time of Unconventional Monetary Policy », OECD Capital Market Series, Éditions OCDE, Paris. http://www.oecd.org/fr/gouvernementdentreprise/corporate-bond-markets-in-a-time-of-unconventional-monetary-policy.htm.

Çelik, S., G. Demirtaş et M. Isaksson (2020), « Corporate Bond Market Trends, Emerging Risks and Monetary Policy », OECD Capital Market Series, Éditions OCDE, Paris. http://www.oecd.org/fr/gouvernementdentreprise/corporate-bond-market-trends-emerging-risks-and-monetary-policy.htm.

Claeys, G., Z. Darvas et A. Leandro (2016), « A Proposal to Revive the European Fiscal Framework », Policy Contribution, n° 2016/17, Bruegel.

Claveres, G. et J. Stráský (2018), « Stabilisation Policies to Strengthen Euro Area Resilience », Documents de travail du Département des affaires économiques de l'OCDE, n° 1492, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/140b48c3-en.

Constantinescu, C., A. Mattoo et M. Ruta (2019), « Does Vertical Specialization Increase Productivity? », The World Economy, n° 42.

Cordella, T., P. Federico, C. Vegh et G. Vuletin (2014), « Reserve Requirements in the Brave New Macroprudential World », World Bank Studies. Banque mondiale, Washington, D.C., DOI: 10.1596/978-1-4648-0212-6.

Criscuolo, C. et J. Timmis (2017), « The Relationship Between Global Value Chains and Productivity », International Productivity Monitor, n° 32, pp. 61-83.

Darvas, Z., P. Martin et X. Ragot (2018), « European Fiscal Rules Require a Major Overhaul », Policy Contribution, n° 2018/18, Bruegel.

Dingel, J.I. et B. Neiman (2020), « How Many Jobs Can Be Done At Home?  », Becker Friedman Institute White Paper, avril 2020.

Eurostat (2020), « Guidance on the Compilation of the HICP in the Context of the COVID-19 Crisis », Note méthodologique, Direction C, Unité C4, 3 avril.

FMI (2020), Global Financial Stability Report, avril, Fonds monétaire international.

FMI (2016), Global Financial Stability Report. Fostering Stability in a Low-Growth, Low-Rate Era, octobre, Fonds monétaire international.

Haddad, V., A. Moreira et T. Muir (2020), « When Selling Becomes Viral: Disruptions in Debt Markets in the COVID-19 Crisis and the Fed's Response », NBER Working Papers, n° 27168.

Horn, S., C. M. Reinhart et C. Trebesch (2019), « China’s Overseas Lending », NBER Working Papers, n° 26050.

IIF (2020), « Capital Flows Tracker – The COVID-19 Cliff », Institute of International Finance, avril. https://www.iif.com/Portals/0/Files/content/1_IIF_Capital%20Flows%20Tracker_april.pdf.

Johnson, N.P. et J. Mueller (2002), « Updating the Accounts: Global Mortality of the 1918-1920 « Spanish » Influenza Pandemic », Bulletin of Historical Medicine, n° 76, pp. 105‐115.

Jouanjean, M., J. Gourdon et J. Korinek (2017), « GVC Participation and Economic Transformation: Lessons from three sectors », OECD Trade Policy Papers, n° 207, Éditions OCDE, Paris.

Katul, G.G., A. Mrad, S. Bonetti, G. Manoli et A.J. Parolari (2020), « Global convergence of COVID‑19 basic reproduction number and estimation from early-time SIR dynamics », medRxiv preprint. DOI: https://www.medrxiv.org/content/10.1101/2020.04.10.20060954v2.

Lorenzoni, L., A. Marino, D. Morgan et C. James (2019), « Health Spending Projections to 2030: New Results based on a Revised OECD Methodology », Documents de travail de l'OCDE sur la santé, n° 110, Éditions OCDE, Paris. DOI: https://dx.doi.org/10.1787/5667f23d-en.

Marten, M. et K. van Dender (2019), « The Use of Revenues from Carbon Pricing », Documents de travail de l’OCDE sur la fiscalité, n° 43, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/3cb265e4-en.

Obstfeld, M., J.D. Ostry et M.S. Qureshi (2017), « A Tie That Binds: Revisiting the Trilemma in Emerging Market Economies », IMF Working Papers, n° 17/130, juin, Fonds monétaire international.

OCDE (2014), Boosting Resilience through Innovative Risk Governance, Éditions OCDE, Paris.

OCDE (2015), « Can Pension Funds and Life Insurance Companies Keep their Promises? », chapitre 4, in OECD Business and Finance Outlook, pp. 111-147, Éditions OCDE, Paris, http://dx.doi.org/10.1787/9789264234291-8-en.

OCDE (2016), Perspectives économiques de l'OCDE, Volume 2016 Numéro 2, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/eco_outlook-v2016-2-fr.

OCDE (2018), OECD Economic Surveys – Euro Area, Éditions OCDE, Paris.

OCDE (2019a), Perspectives économiques de l'OCDE, Volume 2019, Numéro 2, Éditions OCDE, Paris.

OCDE (2019b), Réformes économiques 2019 : Objectif croissance, Éditions OCDE, Paris.

OCDE (2019c), « Projections à long terme des dépenses publiques de retraite », in Panorama des pensions 2019 : Les indicateurs de l'OCDE et du G20, Éditions OCDE, Paris.

OCDE (2020a), « SME Policy Responses », série Tackling Coronavirus, Éditions OCDE, Paris.

OCDE (2020b), « Evaluating the Initial Impact of COVID-19 Containment Measures on Economic Activity », série Tackling Coronavirus, Éditions OCDE, Paris.

OCDE (2020c), « Beyond Containment: Health Systems Responses to COVID-19 in the OECD », série Tackling Coronavirus, Éditions OCDE, Paris.

OCDE (2020d), « Testing for COVID-19: A Way to Lift Confinement Restrictions », série Tackling Coronavirus, Éditions OCDE, Paris.

OCDE (2020e, à paraître), « Flattening the Unemployment Curve? Policies to Limit Social Hardship and Promote a Speedy Labour Market Recovery », série Tackling Coronavirus, Éditions OCDE, Paris.

OCDE (2020f, à paraître), « Corporate Sector Vulnerabilities during the COVID-19 Outbreak: Assessment and Policy Responses », série Tackling Coronavirus, Éditions OCDE, Paris.

OCDE (2020g), « OECD Competition Policy Responses to COVID-19 », série Tackling Coronavirus, Éditions OCDE, Paris.

OCDE (2020h), « From Containment to Recovery: Environmental Responses to the COVID-19 Pandemic », série Tackling Coronavirus, Éditions OCDE, Paris.

OCDE (2020i), « The Face Mask Global Value Chain in the COVID-19 Outbreak: Evidence and Policy Lessons », série Tackling Coronavirus, Éditions OCDE, Paris.

OCDE (2020j), « Tourism Policy Responses », série Tackling Coronavirus, Éditions OCDE, Paris.

OCDE (2020k), « Tax and Fiscal Policy in Response to the Coronavirus Crisis: Strengthening Confidence and Resilience », série Tackling Coronavirus, Éditions OCDE, Paris.

OCDE (2020l, à paraître), « COVID-19 and Global Capital Flows », série Tackling Coronavirus, Éditions OCDE, Paris.

OCDE (2020m), « COVID-19 and International Trade: Issues and Actions », série Tackling Coronavirus, Éditions OCDE, Paris.

OMC (2020a), Trade in Medical Goods in the Context of Tackling Covid-19, 3 avril, Organisation mondiale du commerce, https://www.wto.org/english/news_e/news20_e/rese_03apr20_e.pdf.

OMS (2020), Report of the WHO-China Joint Mission on Coronavirus Disease 2019 (COVID-19), Organisation mondiale de la santé, Genève.

ONS (2020), Coronavirus and the Economic Impacts on the UK, 7 mai, Office for National Statistics.

Simonsen, L., M. Clarke, L. Schonberger, N. Arden, N. Cox et K. Fukuda (1998), « Pandemic Versus Epidemic Influenza Mortality: A Pattern of Changing Age Distribution », Journal of Infectious Diseases, n° 178, pp. 53-60.

Statistique Canada (2020), Enquête canadienne sur la situation des entreprises : les répercussions de la COVID‑19 sur les entreprises au Canada, mars 2020, 29 avril, Statistique Canada.

Taubenberger, J.K. et D.M. Morens (2006), « 1918 Influenza: the Mother of All Pandemics », Emerging Infectious Diseases Journal, vol. 12, n° 1, Centers for Disease Control and Prevention.

Yasenov, V. (2020), « Who Can Work From Home? », IZA Discussion Paper, n° 13197.

Annexe 1.A. Hypothèses de politique économique et autres hypothèses sous-tendant les prévisions

Les deux scénarios épidémiologiques sur lesquels se fondent les deux scénarios économiques sont exposés dans le corps du texte.

Dans les deux scénarios économiques, les prévisions reposent sur l'hypothèse que les taux de change resteront aux niveaux observés à la date du 15 mai 2020, où le dollar des États‑Unis valait 107.1 JPY, 0.92 EUR (ce qui signifie que l'euro valait 1.08 USD) et 7.10 CNY.

Dans le scénario de deux chocs successifs, il est supposé que le cours du baril de pétrole brut de référence Brent restera constant à 30 USD pendant toute la période considérée. Dans le scénario du choc unique, le cours du pétrole est présumé augmenter en phase avec les cours du marché à terme, pour s'établir à 42 USD au dernier trimestre de 2021. On pose comme hypothèse que les prix des produits de base non pétroliers resteront inchangés au cours de la période considérée, à leurs niveaux moyens d'avril 2020 dans les deux scénarios.

Les prévisions relatives au Royaume-Uni reposent sur l'hypothèse qu'un accord de libre‑échange de base, concernant les biens, conclu avec l'Union européenne (UE), prendra effet au début de 2021.

Ces prévisions ont été établies à partir d'informations collectées jusqu'à la date du 4 juin 2020.

Notes

← 1.  On estime que la grippe espagnole a infecté 500 millions de personnes, soit un tiers de la population mondiale de l'époque, et provoqué au moins 50 millions de morts (Johnson and Mueller, 2002 ; Taubenberger et Morens, 2006). Contrairement à la pandémie actuelle de COVID-19, la grippe espagnole a fait des ravages dans la population d'âge actif, puisqu'on estime que la moitié environ de toutes les personnes décédées de cette maladie avaient entre 15 ans et 40 ans (Simonsen et al., 1998).

← 2.  Ainsi, les décès imputés au COVID-19 peuvent être limités aux hôpitaux et autres établissements de soins de santé dans certains pays et recouvrir un périmètre plus vaste dans d'autres, et il peut exister des variations en matière d'enregistrement des causes de décès lorsque les victimes présentaient en plus d'autres pathologies.

← 3.  Dans les statistiques de l'OCDE sur la santé, la définition des lits de soins curatifs (aigus) dans les hôpitaux est plus large que celle des lits d'unités de soins intensifs, et le nombre de ces lits de soins curatifs est généralement d'un ordre de grandeur plus élevé que le nombre de lits pris en compte actuellement pour mesurer les capacités d'accueil des unités de soins intensifs.

← 4.  Dans les grandes économies avancées, les services ont tiré à la baisse les taux d’inflation en 2009 et 2010, la durée de cet effet variant en fonction des pays.

← 5.  En 2021, le revenu réel par habitant (à PPA de 2015) dans l'économie médiane de l’OCDE serait inférieur de 1 700 USD (3 ¾ pour cent) dans le scénario du choc unique, et de 3 500 USD (8 ¼ pour cent) dans le scénario de deux chocs successifs, à son niveau de 2019.

← 6.  Dans certaines économies avancées, le recours des entreprises à leurs lignes de crédit a presque doublé depuis le dernier trimestre 2019.

← 7.  Le Brésil, le Chili, la Colombie, l’Inde, l’Indonésie, le Mexique, la Russie et la Turquie ont pris des mesures pour soutenir leur monnaie face à la crise.

← 8.  Les envois de fonds à destination des pays à revenu faible ou intermédiaire pourraient chuter de près de 20 % en 2020 (Banque mondiale, 2020a).

← 9.  Les acteurs en amont de la chaîne sont davantage exposés à la volatilité de la demande que ceux situés en aval, et risquent donc davantage de subir une réduction de la production amplifiée par l’ajustement des stocks en fonction de l'évolution attendue de la demande (l’effet « coup de fouet »). De la même manière, une pénurie d’intrants intermédiaires consécutive à un choc de l’offre se propage sur les secteurs en aval par un « effet domino » qui s’intensifie avec l’étendue des liaisons.

← 10.  Selon les estimations, la catastrophe au Japon aurait coûté 139 milliards de dollars (de valeur ajoutée) au secteur du matériel de transport, ces pertes concernant le Japon à hauteur de 40 %, les États-Unis à hauteur de 25 %, la Chine à hauteur de 8 %, l’Union européenne à hauteur de 8 % également et le Canada à hauteur de 7 % (Banque mondiale, 2020b). À l'époque des inondations à Bangkok, 45 % de la production manufacturière mondiale de disques durs pour ordinateurs provenait de la capitale thaïlandaise et les pertes en termes d’offre mondiale de disques durs ont été estimées à 30 % cette année-là (OCDE, 2014).

← 11.  La Banque du Canada, la Banque d’Angleterre, la Banque du Japon, la Banque centrale européenne, la Réserve fédérale des États-Unis et la Banque nationale suisse.

← 12.  La BCE a ouvert des lignes de swap en euro avec la Bulgarie et la Croatie. La Banque du Japon a ouvert une ligne d’échange bilatérale de monnaies locales avec la Banque de Thaïlande.

← 13.  Le crédit bancaire aux sociétés non financières a d’ores et déjà considérablement augmenté dans la zone euro et aux États-Unis, signe d’une forte demande de liquidités de la part des entreprises ; en revanche, les prêts à la consommation sont en repli.

← 14.  La Banque du Canada a déjà annoncé qu’au vu de l’amélioration notable des conditions de financement à court terme, elle allait réduire ses opérations de marché.

← 15.  Le Japon cible déjà des objectifs de rendement pour les obligations d’État à 10 ans à échéance de près de quatre ans. Une suggestion du même ordre a été formulée aux États-Unis, mais plutôt pour des échéances plus courtes (Bernanke, 2016 ; Brainard, 2019).

← 16.  Dans le cas extrême d’écarts de rendement persistants et importants, menaçant la stabilité du système financier et de l’économie - et par conséquent, des prix -, la BCE pourrait recourir à des interventions illimitées au titre du mécanisme des Opérations monétaires sur titres (OMT) si un État membre demandait à bénéficier d’un programme du Mécanisme européen de stabilité (MES).

← 17.  En principe, les banques centrales peuvent fonctionner avec une valeur nette négative (Buiter, 2008). Certaines sont dotées de mécanismes permettant d’éviter les pertes en différant les transferts futurs à l’État, ou en étant officiellement garanties par les autorités budgétaires contre les risques de pertes.

← 18.  Dans l’hypothèse où le volume global des garanties d’État, tel qu'annoncé à la date du 13 mai serait intégralement affecté et couvrirait 90 % de la valeur de chaque prêt, un défaut de paiement sur 10 % de ces prêts garantis générerait des coûts budgétaires d’environ 0.8 % du PIB de 2019 en Espagne, de 1.2 % en France et de 2.7 % en Italie.

← 19.  Dans les pays de l’OCDE, les dépenses de santé devraient, selon les projections, augmenter en moyenne de 1.4 point de PIB entre 2015 et 2030 (Lorenzoni et al., 2019).

← 20.  Dans les pays de l’OCDE, les dépenses publiques de retraite devraient, selon les projections, augmenter en moyenne de 0.6 point de PIB entre 2015 et 2050 (OCDE, 2019c).

← 21.  Aux États-Unis, un projet de loi de novembre 2019 (Enzi-Whitehouse, du nom des deux sénateurs à l’origine du texte) introduit des objectifs budgétaires dans le document de résolution budgétaire, à savoir un projet pour l’affectation effective des crédits inscrits au budget, sous la forme de ratios cibles concernant le rapport entre la dette détenue par le public et le PIB. Toute législation qui a pour effet d’augmenter la dette impliquera automatiquement des ajustements, ainsi qu’une procédure législative spéciale pour mettre le budget en concordance avec les valeurs cibles. Des cibles formelles de viabilité à long terme pourraient permettre aux responsables de l’action publique de s’approprier davantage ces objectifs et de renforcer leur engagement à les atteindre.

← 22.  Un moratoire de la dette allant au-delà de l'accord d'allègement des dettes bilatérales conclu entre les pays du Groupe des Vingt (G20) a été proposé par Bolton et al. (2020). Suivant cette proposition, on créerait pour chaque pays participant une facilité de crédit centrale, gérée et suivie par une institution multilatérale, qui collecterait les versements d'intérêts destinés à tous les créanciers bilatéraux et privés en vue d'utiliser ces fonds pour financer des mesures de lutte contre la pandémie de COVID-19. Un tel moratoire de la dette pourrait permettre aux économies de marché émergentes et aux pays en développement d'économiser une somme estimée à 800 milliards USD, représentant près de 5 % de leur PIB annuel.

← 23.  Les conditions financières intérieures semblent être moins sensibles à l'évolution des conditions financière mondiales dans les économies de marché émergentes dotées d'un régime de change flexible que dans celles qui ont opté pour un régime d'ancrage du taux de change (Obstfeld et al., 2017).

← 24.  La réglementation des entrées de capitaux a déjà été assouplie en Argentine, en Chine et en Inde, et le niveau des réserves obligatoires en devises a déjà été abaissé en Indonésie et en Turquie (OCDE, 2020l).