Cette note examine le rôle des mesures de préservation de l’emploi – notamment les dispositifs de chômage partiel – et du régime d’assurance chômage dans le soutien au revenu des travailleurs, et comment ils peuvent garantir que l’emploi se rétablira rapidement lorsque les restrictions appliquées aux activités non essentielles dans le contexte du COVID-19 auront été levées. Les conséquences à long terme de la crise du COVID-19 pour la réaffectation des ressources entre secteurs et entre entreprises étant très incertaines, l’enjeu consiste à préserver les emplois qui sont viables à moyen terme tout en favorisant la réorientation de la main-d’œuvre des entreprises et secteurs en difficulté vers les entreprises et secteurs qui offrent de meilleures perspectives de croissance. Sur cette toile de fond, la présente note examine un certain nombre de solutions de politique qui peuvent permettre d’équilibrer préservation de l’emploi et réaffectation des ressources en ajustant les paramètres des politiques existantes au fil de l’évolution de la crise du COVID‑19.
Perspectives économiques de l'OCDE, Volume 2020 Numéro 1
Note de réflexion 5 : Aplatir la courbe du chômage : comment soutenir le revenu des travailleurs tout en œuvrant au prompt rétablissement du marché du travail ?
Introduction et principaux constats
La propagation du virus du COVID-19 virus sur la planète et les mesures adoptées par les gouvernements pour l’endiguer – fermeture de nombreuses entreprises et restrictions sur les déplacements et la mobilité notamment – vont entraîner une forte contraction du PIB, et les pertes d’emplois qui en découlent risquent d’être très loin supérieures à celles enregistrées lors de la crise mondiale de 2008-09. L’OCDE projette une augmentation du taux de chômage d’environ 6 points de pourcentage entre le quatrième trimestre de 2019 et le deuxième trimestre de 2020 dans la zone OCDE, à comparer à la hausse de 2.2 points enregistrée entre le troisième trimestre de 2008 et le deuxième trimestre de 2009.
Les politiques du marché du travail ont un rôle essentiel à jouer, en limitant la précarité sociale et en faisant en sorte que l’emploi puisse rebondir rapidement lorsque les mesures de mise à l’arrêt des activités non essentielles auront pris fin. Cette note s’intéresse plus particulièrement au rôle joué par les politiques visant à préserver les emplois existants (par exemple, dispositifs de chômage partiel, de mise à pied temporaire, et mesures administratives pour limiter les licenciements) et par le régime d’assurance chômage. Les récessions économiques qui sont provoquées par des chocs transitoires et exogènes, tels que les catastrophes naturelles, ne requièrent généralement qu’une réaffectation limitée des ressources. Dans ce cas, les mesures visant à préserver les emplois existants sont peut-être les plus indiquées pour soutenir les travailleurs et veiller à ce que les entreprises puissent reprendre leur activité rapidement une fois les effets du choc initial passés. Mais dans le cas de chocs qui nécessitent une réaffectation massive des ressources, tels qu’une crise financière ou une crise du logement, ou encore des changements persistants des prix des produits de base, les emplois existants sont susceptibles de devenir non viables. Il peut alors être judicieux de s’appuyer partiellement sur le régime d’assurance chômage pour opérer une réaffectation suffisante des ressources et éviter de préserver des emplois dont la viabilité est remise en cause. Le dosage optimal à trouver pour soutenir les travailleurs et assurer une reprise rapide de l’activité, entre mesures de préservation de l’emploi et recours de allocations de chômage, dépendra donc de la question de savoir si le choc exogène provoqué par le COVID-19 est purement transitoire ou plus persistent.
Les principaux constats de l’analyse sont résumés dans l’encadré 2.6.
Encadré 2.6. Principaux constats
Les projections de l’OCDE faisant état d’une hausse du taux de chômage de l’OCDE d’environ 6 points entre le quatrième trimestre de 2019 et le deuxième trimestre de 2020 sont nettement supérieures à la hausse de 3 points prévue sur la base de la relation historique entre le chômage et la croissance du PIB (« loi d’Okun »).
Les projections du chômage dévient fortement de la loi d’Okun dans les pays qui n’ont mis en place que des dispositifs de maintien dans l’emploi limités pour préserver les emplois existants, alors qu’elles sont conformes à cette loi dans les pays dotés de dispositifs de maintien dans l’emploi de grande ampleur. En outre, les données administratives tirées des registres du chômage pour avril 2020 laissent penser que le chômage a beaucoup moins augmenté dans les pays disposant d’importants programmes de maintien dans l’emploi.
Les dispositifs de maintien dans l’emploi sont peut-être efficaces en termes de préservation à court terme des emplois existants, mais ce ne sont peut-être pas des moyens efficients de réaffecter les travailleurs occupant des emplois non viables vers les entreprises et secteurs offrant de meilleures perspectives de croissance à moyen terme. Il est possible que les restrictions appliquées à certaines activités non essentielles (par exemple les voyages, l’hôtellerie et la restauration, certains secteurs de la vente au détail et les services de loisirs) perdurent pendant un moment et que, par la suite, la demande des consommateurs ne se rétablisse que partiellement, et inversement, les secteurs et entreprises dont les modèles économiques sont compatibles avec les contraintes d’éloignement physique (par exemple le commerce en ligne, les services de courrier, de livraison express et de distribution de colis, certains pans du secteur de la santé et les activités qui reposent essentiellement sur des tâches pouvant être exécutées à distance) pourraient voir s’ouvrir à eux des perspectives de croissance. En conséquence, le choc causé par le COVID-19 nécessitera peut-être une réaffectation considérable des ressources.
Les conséquences à long terme de la crise du COVID-19 pour la réaffectation des ressources entre secteurs et entre entreprises étant très incertaines, les mesures visant à préserver les emplois existants pourraient être combinées à une extension temporaire des allocations de chômage dans les cas où la générosité et/ou la couverture actuelles de ces prestations sont faibles.
Par exemple, la contribution des employeurs au coût des dispositifs de maintien dans l’emploi pourrait être calculée de telle sorte que seules les entreprises qui s’attendent à rester viables à moyen terme choisissent volontairement de participer à ces dispositifs au lieu d’utiliser le régime d’assurance chômage. Il faudrait peut-être fixer la contribution des employeurs à un faible niveau pendant la phase aiguë de cessation des activités, et l’augmenter progressivement au fil du temps. En outre, faciliter l’accès à la formation et alléger les restrictions qui empêchent de cumuler prestations de chômage partiel et revenus provenant d’un autre emploi serait utile pour permettre aux travailleurs de saisir les nouvelles possibilités d’emploi lorsqu’elles se présentent.
Pour instaurer un équilibre adéquat entre préservation des emplois existants et réaffectation des ressources, il serait également souhaitable que les régimes d’assurance chômage incitent davantage les employeurs à réembaucher les travailleurs licenciés dès lors que la conjoncture économique s’améliore. L’association d’allocations de chômage généreuses et de règles prévoyant l’octroi de subventions ou d’allègements fiscaux aux entreprises qui réembauchent les travailleurs qu’elles ont licenciés permettrait de soutenir les travailleurs et serait aussi efficace que les régimes de chômage partiel pour préserver les emplois correctement pourvus, tout en offrant la possibilité d’opérer une réaffectation suffisante des ressources.
Prévisions de référence du chômage fondées sur la loi d’Okun
La loi d’Okun quantifie la réponse moyenne du taux de chômage aux variations de la croissance du PIB. Les études antérieures ont constaté dans l’ensemble que la loi d’Okun était observée avec une grande régularité empirique dans la plupart des pays (Ball et al., 2017). Il apparaît néanmoins qu’en règle générale, le coefficient d’Okun – c’est-à-dire l’effet d’un choc de PIB de 1 % sur le taux de chômage – varie d’un pays à l’autre et, dans une moindre mesure, qu’il varie au fil du temps dans un même pays. Les estimations types du coefficient d’Okun se situent entre -0.1 et environ -0.8, ce qui signifie qu’un déclin de 1 % du PIB conduit à une hausse du taux de chômage comprise entre 0.1 et 0.8 point de pourcentage. Ces variations sont généralement mises au compte des différences existant entre les politiques et institutions du marché du travail.
Les coefficients d’Okun par pays sont estimés à l’aide des données trimestrielles sur le chômage et le PIB au cours de la période 2000-2019, appliquées à l’équation suivante :
(3)
où désigne le taux de chômage au trimestre q, le PIB réel, β les coefficients d’Okun et ε le terme d’erreur ; dénote l’ordonnée à l’origine et peut être interprété comme la mesure dans laquelle le taux de chômage varie quand la croissance du PIB est nulle. Conformément aux résultats des études antérieures, les coefficients d’Okun estimés sont compris entre environ -0.1 dans certains pays, parmi lesquels la Corée, le Japon et la Norvège, et -0.8 en Espagne (graphique d’annexe 2.B.1).
Appliquée aux projections du PIB dans un scénario tablant sur une seule vague de COVID-19 (le « scénario du choc unique »), la loi d’Okun indique que le taux de chômage de l’OCDE pourrait grimper d’environ 5 % au quatrième trimestre de 2019 à 8 % au deuxième trimestre et à 9 % au troisième trimestre de 2020 (graphique 2.25). Dans le scénario du choc unique, la croissance du PIB dans la zone OCDE serait d’environ -2 % au premier trimestre de 2020, de -13 % au deuxième trimestre et de +6 ½ pour cent au troisième trimestre. Le chômage prévu par la loi d’Okun continue d’augmenter au troisième trimestre en dépit du fait que la croissance du PIB repasse en territoire positif, car les coefficients d’Okun estimés impliquent une forte persistance du chômage.
La déviation moyenne positive des projections de l’OCDE par rapport aux prévisions d’Okun peut être due à plusieurs raisons. L’un des facteurs possibles est la prévalence des arrêts d’activité liés au COVID-19 dans les secteurs à forte intensité d’emploi – situation qui semble se vérifier dans la zone OCDE dans son ensemble (graphique d’annexe 2.B.2). Une autre raison possible, particulièrement pertinente dans le contexte actuel, est que la réponse du chômage est non linéaire. Plus précisément, des chocs négatifs massifs sur le PIB sont susceptibles de produire un impact d’une ampleur et d’une rapidité disproportionnées sur le taux de chômage en comparaison de chocs plus modérés. Quoi qu’il en soit, la déviation moyenne positive des projections par rapport aux prévisions d’Okun masque des différences significatives entre les pays (OECD, 2020c). Cela vient peut-être en partie de ce que les projections de l’OCDE intègrent les mesures du marché du travail exceptionnelles mises en place en réaction à la crise du COVID-19.
Rôle des politiques dans les déviations du chômage par rapport aux prévisions d’Okun
Les politiques qui encouragent la préservation des emplois existants, tels que les dispositifs de maintien dans l’emploi et les suspensions administratives des licenciements, peuvent faire dévier le chômage des prévisions d’Okun. La loi d’Okun décrite ci-avant mesure la réponse moyenne du chômage aux variations de la croissance du PIB pendant les phases d’expansion économique comme pendant les récessions. Étant donné qu’un certain nombre de gouvernements ont mis en place des mesures exceptionnelles pour freiner la hausse du chômage en réponse à la crise du COVID-19, on peut s’attendre à ce que la loi d’Okun surestime la hausse du chômage, ou tout au moins ne la sous-estime pas, comme le fait apparaître le graphique 2.25 pour la moyenne de l’OCDE. Les données sur la croissance du PIB et le chômage au premier semestre de 2020 n’étant pas encore disponibles, il n’est pas possible de vérifier formellement cette hypothèse ; cependant, on peut effectuer une évaluation préliminaire à l’aide des projections de l’OCDE. Les experts des pays de l’OCDE intègrent dans leurs projections des informations en temps réel sur la croissance du PIB et le chômage, tirées d’indicateurs à haute fréquence, ainsi que des informations sur l’étendue des mesures de préservation de l’emploi, y compris des données relatives aux expériences passées et des informations en temps réel sur l’utilisation des programmes. Si elles ne permettent pas de vérifier formellement l’hypothèse selon laquelle les mesures de préservation de l’emploi atténuent la hausse du chômage, les projections de l’OCDE peuvent néanmoins être utilisées pour résumer les informations actuellement disponibles de façon synthétique.
Pour pouvoir comparer et contraster les résultats, il a été décidé de répartir les pays en deux groupes : ceux dotés de dispositifs de maintien dans l’emploi de grande ampleur (« pays avec dispositifs de maintien dans l’emploi » et ceux qui n’ont pas pris de mesures exceptionnelles dans ce domaine et ont continué de compter principalement sur l’assurance chômage (« pays s’en remettant à l’assurance chômage »). Les « pays avec dispositifs de maintien dans l’emploi » ont étendu les dispositifs existants ou mis en place de nouveaux programmes de grande ampleur pendant la crise, et des données indiquent qu’une part importante des entreprises et des travailleurs y ont effectivement recours (tableau d’annexe 2.B.1). Les « pays s’en remettant à l’assurance chômage » n’ont pas de dispositifs de maintien dans l’emploi, ou les dispositifs qui existent ne sont utilisés que par une faible proportion des entreprises et des travailleurs.
Les projections du chômage sont supérieures aux prévisions d’Okun dans les pays s’en remettant à l’assurance chômage, mais comparables aux prévisions d’Okun dans les pays avec dispositifs de maintien dans l’emploi (graphique 2.26). Le fait que les projections du chômage ne dévient pas sensiblement des prévisions d’Okun dans les pays avec dispositifs de maintien dans l’emploi – alors que l’intensité d’emploi apparaît plus élevée dans les secteurs ayant été contraints de fermer que dans les autres secteurs – signifient que dans les projections établies par les bureaux géographiques, les dispositifs de maintien dans l’emploi freinent considérablement la hausse du chômage. Au deuxième trimestre, la déviation est négligeable dans ces pays alors qu’elle dépasse la prévision d’Okun d’environ 7 ½ points dans les pays s’en remettant à l’assurance chômage. Si l’on prend cette différence de déviation entre les deux groupes de pays au pied de la lettre, cela signifie que, sur la base des projections établies par les bureaux géographiques, les dispositifs de maintien dans l’emploi freinent la hausse du chômage de 7 ½ points en moyenne au deuxième trimestre de 2020 (déviation nulle moins déviation positive de 7 ½ points)1.
Une façon complémentaire d’évaluer l’efficacité probable des politiques en termes de préservation des emplois existants consiste à comparer l’évolution en temps réel du chômage dans les pays dotés et non dotés de dispositifs de maintien dans l’emploi de grande ampleur. Dans l’idéal, il faudrait comparer les déviations par rapport à la même prévision d’Okun. Or, les données sur le PIB sont moins actuelles que les données sur le chômage et sont recueillies à une fréquence moins élevée, de sorte qu’il n’est pas possible de calculer les déviations par rapport à la loi d’Okun en temps réel. L’approche retenue dans l’encadré 2.7 met en regard le changement du nombre de chômeurs déclarés et la part de la population active couverte par les demandes de recours aux dispositifs de maintien dans l’emploi. La hausse du chômage a été systématiquement plus faible dans les pays où la part de la population active couverte par les demandes d’utilisation des dispositifs de maintien dans l’emploi était plus élevée, ce qui tendrait à montrer que ces dispositifs ont effectivement limité la hausse du chômage.
Encadré 2.7. Évolution du chômage en temps réel
Les données officielles sur le chômage recueillies par le biais des enquêtes sur la population active sont généralement publiées avec un décalage de plusieurs semaines ou mois, et la plupart des données actuellement disponibles se rapportent à une période antérieure à l’arrêt des activités dans les pays. C’est la raison pour laquelle le choix a été fait ici d’utiliser les données administratives des registres du chômage, qui sont souvent d’une actualité bien meilleure. L’analyse se concentre sur le nombre de chômeurs déclarés en proportion de la population active totale.
Les pays dans lesquels une part élevée de la population active était couverte par les demandes d’utilisation des dispositifs de maintien dans l’emploi ont généralement enregistré une hausse du chômage (déclaré) plus faible entre le début du mois de mars et la fin du mois d’avril 2020 que cela n’a été le cas dans les pays où ces dispositifs étaient plus limités (graphique 2.27)1. Cette tendance est conforme aux données d’enquête recueillies en temps réel en avril dans un petit nombre de pays de l’OCDE (Adams-Prassl et al., 2020). La tendance est encore plus nette si l’on exclut de l’analyse les extensions massives de l’assurance chômage effectuées aux États-Unis et en Irlande, qui poussent le taux de chômage à la hausse en comparaison des pays qui n’ont pas procédé à de telles extensions. Concernant les données sur les demandes d’utilisation des dispositifs de maintien dans l’emploi, une réserve s’impose au sens où une partie seulement de ces demandes débouche sur une utilisation effective (encadré 2.8). Des données préliminaires indiquent néanmoins qu’en France, l’utilisation de ces dispositifs est de l’ordre de 50 %, une proportion beaucoup plus élevée que celle observée pendant la crise économique de 2008-09 (DARES, 2020).
Les données provenant d’entreprises privées telles que les moteurs de recherche sur Internet offrent également un aperçu en temps réel de l’évolution du marché du travail, et leur degré d’actualité est encore plus élevé que celui des données administratives. L’analyse des données Google Trends sur les recherches relatives aux allocations de chômage dégage des tendances par pays comparables à celles qui ressortent des données administratives (OECD, 2020c) ; cette approche souffre néanmoins d’un handicap, au sens où la relation estimée entre les recherches sur Internet et le taux de chômage peut être instable, en particulier dans la situation exceptionnelle considérée ici.
1. Le chômage déclaré englobe les travailleurs en congé non rémunéré en Israël et les mises à pied temporaires en Norvège. Si les enquêteurs de ces deux pays suivent la pratique courante, ces travailleurs ne devraient pas entrer dans les statistiques du chômage fondées sur la population active.
Examen des politiques
D’après les analyses présentées ci-dessus, effectuées à partir des projections du chômage de l’OCDE et de données sur le chômage en temps réel, les mesures qui encouragent la préservation des emplois existants sont probablement efficaces pour ce qui est de limiter la hausse du chômage à court terme. Des recherches antérieures laissent également penser que ces mesures sont efficaces au sens où elles ne préservent pas au premier chef des emplois qui auraient été maintenus même en l’absence de tels dispositifs (Hijzen and Venn, 2011 ; OECD, 2018). Chercher un emploi adéquat sur le plan du salaire et d’autres attributs non salariaux, tels que le lieu d’exercice, le temps de travail ou les avantages offerts par l’employeur, est coûteux pour les travailleurs, de même que chercher du personnel adéquat est coûteux pour les employeurs. La préservation des emplois existants réduit ces coûts d’appariement entre employeurs et employés et peut ainsi contribuer à ce que le rebond de l’activité s’accompagne d’une plus prompte reprise du marché du travail. À considérer que le choc lié au COVID-19 soit temporaire et ne nécessite pas une réaffectation massive des ressources, le fait de geler l’affectation actuelle des ressources en préservant les emplois existants pourrait également favoriser la croissance à long terme de l’emploi et de la productivité en limitant la perte de capital humain propre aux entreprises2. Il se pourrait toutefois que la préservation des emplois existants ne soit pas efficiente si le choc lié au COVID-19 perdure plus longtemps que prévu initialement, dans la mesure où une partie des emplois préservés par les dispositifs de maintien dans l’emploi ne sont peut-être pas viables à long terme. Par exemple, un certain nombre d’activités non essentielles (telles que les voyages, l’hôtellerie et la restauration, certains secteurs de la vente au détail et les services de loisirs) pourraient accuser un déclin durable et non transitoire sous l’influence des nouvelles normes d’éloignement physique et de l’évolution des préférences des consommateurs3.
L’une des options de politique pouvant être envisagée pour préserver les emplois existants est le recours aux dispositifs de maintien dans l’emploi. Ceux-ci reposent en général sur le principe suivant : les entreprises sont subventionnées pour préserver les emplois correctement pourvus existants, et de leur côté, les employés ne subissent pas de perte de salaire ou ne subissent qu’une perte limitée (encadré 2.8). En pratique, les entreprises continuent à payer une part importante du salaire mensuel de leurs employés, même si ceux-ci ne travaillent qu’à temps partiel ou ne travaillent pas du tout. En retour, elles peuvent demander une subvention salariale couvrant une partie de l’excédent de coûts salariaux qu’elles ont à payer. Les dispositifs de chômage partiel permettent d’instaurer un partage du travail dans la mesure où, en règle générale, le temps de travail de l’ensemble des salariés est réduit dans une proportion fixe. Les dispositifs de mise à pied temporaire, quant à eux, permettent aux entreprises de mettre la totalité ou une partie de leur personnel en « congé » (c’est-à-dire en « zéro heure »). Dans la pratique, la différence entre les deux dispositifs est moins nette car la plupart des programmes de mise à pied temporaire établis pendant la crise du COVID-19 autorisent un certain degré de partage du travail. Divers pays, parmi lesquels l’Australie et la Nouvelle-Zélande, ont mis en place de vastes programmes de subvention salariale qui ne sont pas subordonnés à la réduction du temps de travail mais peuvent être utilisés comme des dispositifs de chômage partiel ou de mise à pied temporaire. Il est généralement imposé aux entreprises qui ont recours aux dispositifs de maintien dans l’emploi de ne pas licencier pendant qu’elles utilisent ces dispositifs, mais ce n’est pas le cas dans tous les pays, comme l’illustre l’exemple du régime de chômage partiel allemand (encadré 2.8).
Encadré 2.8. Illustration des mesures adoptées pour préserver les emplois existants
Le dispositif de chômage partiel allemand
La subvention de chômage partiel (Kurzarbeitergeld) a pour objectif de réduire les coûts de main-d’œuvre des entreprises confrontées à des difficultés temporaires. En l’état actuel, les entreprises sont généralement admises à recourir au chômage partiel en cas de baisse importante – temporaire et inévitable – de leur activité due à des facteurs économiques ou à des événements exceptionnels. Plus spécifiquement, un tiers au moins des employés doivent subir une perte de salaire brut supérieure à 10 %, et toutes les autres possibilités de réduire le temps de travail, telles qu’un compte épargne-temps en solde négatif, doivent avoir été épuisées.
En temps normal, l’agence pour l’emploi rembourse 60 % des revenus d’activité nets perdus pour un travailleur sans enfant et 67 % pour un travailleur ayant des enfants. Les cotisations de sécurité sociale correspondant au temps de travail perdu doivent normalement être intégralement couvertes par l’employeur. Tous les travailleurs assujettis à des cotisations de sécurité sociale peuvent bénéficier de la subvention, y compris les travailleurs en contrat temporaire ou les apprentis ; en revanche, les personnes qui occupent un emploi marginal (minijob) ou qui travaillent en intérim n’y ont pas droit. La subvention peut être utilisée pendant un maximum de 12 mois (contre six mois avant 2016). Les entreprises qui utilisent le chômage partiel peuvent procéder à des licenciements pour raisons économiques si leur situation se dégrade au-delà de ce qu’elles ont indiqué dans leur notification de recours au chômage partiel.
Suite à la crise du COVID-19, des mesures exceptionnelles ont été mises en place :
Le seuil d’admissibilité en termes de proportion de personnel touché a été abaissé à 10 % en mars 2020 et les exigences de compte épargne temps négatif ont été levées. Les travailleurs intérimaires peuvent désormais bénéficier de la subvention.
L’agence pour l’emploi prend en charge 100 % des cotisations de sécurité sociale correspondant au temps de travail perdu, à partir du premier mois.
En avril 2020, le gouvernement a porté le taux de remplacement des revenus d’activité nets perdus à 70 % pour les travailleurs sans enfant et à 77 % pour les travailleurs avec enfants à partir du quatrième mois de chômage partiel, si la réduction du temps de travail est d’au moins 50 %. Au septième mois, le taux d’indemnisation augmente encore pour atteindre 80 % et 87 % respectivement.
Les restrictions concernant la possibilité de combiner emploi à temps partiel et prestation de chômage partiel ont été levées. Le revenu d’activité complémentaire ne vient pas en déduction de la prestation de chômage partiel dès lors que le revenu total ne dépasse pas le revenu d’activité antérieur.
Ces mesures devraient être supprimées progressivement à la fin de 2020. L’agence pour l’emploi a enregistré un nombre élevé de demandes d’utilisation du dispositif de chômage partiel dans le sillage de la pandémie de COVID-19, ce qui laisse penser qu’il a été beaucoup plus largement mis à contribution que lors de la crise économique de 2008-09. Depuis le début du mois de mars, plus de 750 000 entreprises ont déposé des notifications de recours potentiel au chômage partiel, l’augmentation la plus importante ayant eu lieu en avril. Le nombre cumulé de travailleurs cités dans ces notifications – qui correspond à la limite supérieure du nombre de travailleurs effectivement placés en chômage partiel – dépasse 10 millions. L’agence pour l’emploi estime qu’environ 6 millions de travailleurs étaient en chômage partiel en avril (environ 14 % de la population active). En 2009, les notifications initiales adressées à l’agence pour l’emploi concernaient 3.3 millions de travailleurs, et un tiers d’entre eux en moyenne ont effectivement été placés en chômage partiel.
Le dispositif de maintien dans l’emploi du Danemark
Le gouvernement et les partenaires sociaux danois se sont mis d’accord sur l’établissement d’un dispositif de maintien dans l’emploi (Lønkompensationsordning), entré en vigueur le 9 mars 2020. Les employeurs peuvent mettre en congé entre 30 et 100 % de leur personnel, 75 % des coûts salariaux mensuels correspondants étant pris en charge par l’État. Pour les salariés faiblement rémunérés, dont le contrat implique généralement un court préavis, la subvention de l’État s’élève à 90 % du coût salarial mensuel. Cette subvention est plafonnée à 4 000 EUR par salarié et par mois. Les employeurs doivent payer la fraction restante du salaire et s’engager à ne mettre à pied aucun employé pour raisons économiques. Les employés conservent leur salaire mais doivent utiliser cinq jours de congés annuels et ont l’interdiction de travailler les jours où ils sont placés en congé1. Les employeurs peuvent mettre leur personnel en congé à temps partiel (par exemple, un jour sur deux ou une semaine sur deux), du moment que 30 % au moins des employés (ou 50 personnes au moins) en moyenne sont placés en congé. Ce dispositif devrait rester en vigueur pendant quatre mois.
Pendant les deux premiers mois d’existence du dispositif, les employeurs ont mis en congé environ 7 % de la population active, ce qui a permis de limiter la hausse du chômage à 1.6 point de pourcentage, soit un niveau relativement modeste, pendant l’arrêt des activités. L’utilisation du dispositif de chômage partiel Arbejdsfordelingsordning, qui existait déjà avant la crise, n’a augmenté qu’à hauteur de 0.3 % de la population active. Sans doute cela tient-il au fait que ce dispositif est moins accessible et moins souple pour les employeurs et qu’il nécessite d’établir un accord avec les syndicats. Le régime de chômage partiel est beaucoup moins généreux que le dispositif de maintien dans l’emploi pour les salariés, qui reçoivent uniquement des prestations d’assurance chômage complémentaires les jours non travaillés. En outre, les salariés des secteurs les plus durement touchés sont aussi ceux qui, dans l’ensemble, présentent les plus faibles taux de syndicalisation et d’affiliation au régime d’assurance chômage volontaire.
Le dispositif danois de maintien dans l’emploi est parvenu à préserver les emplois existants à grande échelle durant l’arrêt des activités. Les préoccupations qu’il suscite tiennent à la perte économique que représente le fait de subventionner des personnes qui ne travaillent pas et à de possibles défauts de conception. Bien que le dispositif offre la possibilité de mettre les employés en congé seulement à temps partiel, cette option n’est pas forcément intéressante pour les employeurs : ceux-ci doivent en effet assumer un coût salarial de 25 % au titre des jours non travaillés, alors qu'ils n’ont aucun coût à payer s’ils utilisent le régime de chômage partiel.
Suspension des licenciements économiques en Italie
La première mesure adoptée en réponse à la crise du COVID-19 en Italie a été la publication en mars du décret Cura Italia. L’une des dispositions de ce décret suspend la possibilité pour les entreprises de licencier des salariés pour raisons économiques. Le décret Relance publié en mai proroge cette interdiction jusqu’au 16 août 2020. La suspension couvre les contrats de travail permanents et temporaires, mais les contrats temporaires dont la date d’expiration tombe pendant la période de suspension pourront prendre fin normalement. Au quatrième trimestre de 2019, 17 % de la population active en Italie travaillaient sous contrat temporaire ; 20 % de ces contrats étaient supposés se terminer dans les trois mois, et 400 000 en mars et avril 2020. Treize pour cent de la population active, soit 3 millions de travailleurs, sont établis à leur compte.
Les décrets Cura Italia et Relance ont également étendu le principal dispositif de chômage partiel, le Fonds de garantie des salaires (Cassa Integrazione, CIG), à l’ensemble des entreprises, prolongé la période pendant laquelle il peut être utilisé et simplifié ses modalités d’accès et son administration. Néanmoins, la CIG ne couvre ni les salariés sous contrat temporaire ni les travailleurs indépendants. Le gouvernement a étendu les allocations de chômage et d’autres filets de protection sociale. Les employeurs continueront d’avoir accès à ces dispositifs étendus d’appui aux liquidités et aux salaires lorsque la suspension des licenciements économiques sera levée. La suspension des licenciements économiques pourrait encourager les employeurs à utiliser ces dispositifs ainsi qu’à prendre d’autres mesures pour s’adapter aux fermetures imposées par le COVID-19, par exemple adopter le télétravail ou obliger leurs employés à prendre des congés.
1. Les salariés peuvent en principe travailler pour un autre employeur les jours où ils sont placés en congé. Ils s’en abstiennent en pratique, car ils doivent être disponibles dans un délai d’une journée pour l’employeur qui les a mis en congé.
Les dispositifs de maintien dans l’emploi utilisés dans un objectif de partage du travail sont particulièrement efficaces pour préserver le capital humain, dans la mesure où les salariés continuent de travailler à temps partiel tout en percevant une subvention de chômage partiel. La modulation du nombre d’heures travaillées permet aux entreprises d’ajuster le temps de travail au lieu d’ajuster l’emploi, et donc de préserver les emplois correctement pourvus, tandis qu’elle permet aux travailleurs de conserver leur capital humain et leur évite le traumatisme de la perte d’emploi. Pour que les dispositifs de maintien dans l’emploi contribuent au partage du travail entre l’ensemble des travailleurs, un paramètre important à prendre en considération est la couverture des travailleurs atypiques, tels que les travailleurs temporaires et les travailleurs indépendants économiquement dépendants. Une large couverture est un moyen de s’assurer que les travailleurs atypiques n’assument pas une part disproportionnée des coûts d’ajustement de l’emploi (OECD, 2020d).
Autre mesure relevant du marché du travail qui peut être envisagée pour préserver les emplois existants et geler l’affectation des ressources dans son état actuel : la suspension des licenciements économiques. Un certain nombre de pays parmi lesquels l’Italie et l’Espagne ont mis en place ce type de suspension à des degrés divers (encadré 2.8). À l’inverse des dispositifs de chômage partiel, dont le coût est généralement réparti entre les travailleurs, les entreprises et l’État, le coût des suspensions administratives est entièrement supporté par l’entreprise si aucune subvention compensatoire n’est en place. Cela fait peser un risque de faillite sur des entreprises qui seraient viables en d’autres circonstances. En Italie et en Espagne, par exemple, les autorités s’efforcent d’atténuer ce risque en octroyant des subventions, qui prennent la forme d’un appui aux liquidités (OECD, 2020a), ou en combinant suspension des licenciements et dispositifs de chômage partiel. Néanmoins, l’un des inconvénients majeurs de la suspension des licenciements économiques est qu’elle ne s’applique pas aux travailleurs atypiques, tels les travailleurs temporaires dont le contrat est sur le point d’expirer ou les travailleurs indépendants économiquement dépendants, qui ne sont pas couverts par la réglementation sur les licenciements. L’accès limité des travailleurs atypiques aux dispositifs de chômage partiel pourrait encore accentuer le caractère inégalitaire de l’ajustement de l’emploi entre les différents groupes de travailleurs (OECD, 2020d).
Un certain nombre de pays, parmi lesquels on trouve une proportion importante de pays d’Europe centrale et orientale et les États-Unis, n’ont instauré qu’un nombre très limité de mesures relevant du marché du travail pour préserver les emplois existants4. Dans ces pays, les entreprises sont davantage incitées à mettre à pied une partie de leurs employés pour faire face au choc du COVID-19. Ainsi, des données sur le chômage déclaré aux États-Unis indiquent que dans ce pays, 13 % environ des actifs ont été mis à pied entre la mi-mars et la fin avril 2020. Ce chiffre s’explique en partie par la facilité des procédures de mise à pied aux États-Unis, ainsi que par l’absence de dispositifs de maintien dans l’emploi importants au niveau fédéral5.
Cette approche est compatible avec l’éventualité que le choc lié au COVID-19 ait des répercussions économiques plus durables que prévu initialement, et qu’il faille en conséquence procéder à une réaffectation importante des ressources à l’avenir. Les travailleurs mis à pied sont plus susceptibles de s’engager dans une recherche d’emploi que les travailleurs placés en chômage partiel. Il semble par ailleurs qu’une part exceptionnellement élevée des mises à pied effectuées aux États-Unis en mars et avril soient de nature temporaire, de l’ordre de 90 % de l’ensemble des travailleurs mis à pied ayant déclaré l’être de façon temporaire dans l’enquête sur la population active d’avril. Les travailleurs mis à pied à titre temporaire se sont vu explicitement notifier une date de réembauche par leur employeur ou s’attendent à être réembauchés à l’avenir, ce qui semblerait indiquer que les relations employeur-employé n’ont pas été totalement rompues et qu’une partie du lien entre l’employé et son ancien employeur reste intacte (Groshen, 2020). Le taux de réembauche est particulièrement élevé dans le cas des mises à pied temporaires – de l’ordre de 85 % selon Fujita et Moscarini (2017). Par conséquent, il est possible qu’une part importante de ces travailleurs soient réembauchés par leur ancien employeur si la situation économique se normalise6. En revanche, les employeurs dont les perspectives de croissance à long terme sont compromises par le choc lié au COVID-19 seront sans doute enclins à rompre les relations d’emploi de façon définitive.
Le principal inconvénient de l’approche consistant à recourir à l’assurance chômage au lieu de préserver les emplois existants est qu’elle risque de provoquer un nombre de licenciements excessif et d’être source de précarité sociale. Les entreprises n’assument pas immédiatement le coût des mises à pied, tandis qu’elles assument une partie du coût des dispositifs de chômage partiel. Même si elles considèrent que les emplois correctement pourvus sont viables à long terme, les entreprises peuvent être tentées de mettre à pied certains de leurs employés pour réduire leurs coûts, générant une externalité négative pour le régime d’assurance chômage (Cahuc and Zylberberg, 2008). Le risque de licenciements excessifs est particulièrement élevé dans les pays où l’emploi est peu protégé. Par ailleurs, l’approche consistant à se reposer sur le régime d’assurance chômage au lieu de préserver les emplois existants peut être source de précarité sociale, en particulier si les taux de remplacement des revenus d’activité sont bas ou si une fraction importante de la population active n’est pas admissible aux allocations de chômage (par exemple les travailleurs indépendants économiquement dépendants) ou ne peut prétendre qu’à de faibles indemnités (par exemple les travailleurs temporaires dont l’historique d’emploi est lacunaire) (OECD, 2020d). Même si la couverture du régime d’assurance chômage a été étendue et le montant des prestations augmenté, cette approche peut engendrer des difficultés sociales dans les pays où l’assurance maladie et/ou retraite est fournie par l’employeur ou liée au statut des personnes au regard de l’emploi.
Compte tenu de l’incertitude élevée qui entoure l’incidence du choc lié au COVID-19 sur la réaffectation des ressources, l’enjeu pour les décideurs est de trouver le juste équilibre entre les mesures axées sur la préservation des emplois viables à long terme et la réaffectation des travailleurs qui occupent des emplois non viables. L’attitude prudente est d’associer mesures de préservation des emplois existants et extensions temporaires des allocations de chômage, qui peuvent limiter les pertes de revenus des travailleurs mis à pied. Il pourrait être envisagé d’ajuster les coûts relatifs de l’utilisation du chômage partiel et des mises à pied pour les entreprises (OECD, 2018). Dans les situations où il apparaît nécessaire d’intensifier la réaffectation des ressources – ce qui pourrait être le cas si l’activité des secteurs impliquant de nombreux contacts ne se redresse pas complètement à moyen terme – une solution, pour rendre l’option de la mise à pied plus attrayante, serait de réduire la subvention de l’État aux dispositifs de chômage partiel, quitte à étendre l’assurance chômage pour protéger les revenus des travailleurs. C’est là une piste qui gagnerait à être creusée à mesure que les restrictions sur l’activité seront assouplies dans les pays où les dispositifs de maintien dans l’emploi sont subventionnés très généreusement par l’État, tels que le Danemark, la France et le Royaume-Uni. Dans les pays exposés à un risque de licenciements excessifs, tels que la plupart des pays d’Europe centrale et orientale et les États-Unis, il y a peut-être matière à promouvoir l’utilisation des dispositifs de chômage partiel existants et/ou de subordonner l’accès aux divers programmes d’aide établis en réponse au COVID-19 à des obligations de préservation de l’emploi7. Dans les États américains dotés de dispositifs de chômage partiel, par exemple, les entreprises pourraient être encouragées à réduire la durée du travail au lieu de mettre à pied des employés, en sorte que les travailleurs en activité partielle puissent percevoir l’intégralité des 600 USD forfaitaires hebdomadaires alloués par le plan d’urgence face au COVID-19, en plus des allocations de chômage proratisées (Von Watcher, 2020).
Un autre moyen d’ajuster l’équilibre entre préservation des emplois existants et réaffectation des ressources est d’encourager la réaffectation dans le cadre des dispositifs de chômage partiel et de promouvoir la réembauche de main-d’œuvre dans les cas où les entreprises recourent principalement aux mises à pied pour ajuster le temps de travail total. Pour favoriser la réaffectation au sein des dispositifs de chômage partiel, il pourrait être judicieux de lever les restrictions qui empêchent les travailleurs de combiner nouvel emploi et prestations. Des subventions à la formation, par exemple dans le domaine des compétences numériques, pourraient être accordées aux travailleurs couverts par les dispositifs de chômage partiel afin qu’ils soient aptes à chercher et occuper un emploi en ligne. Dans les pays où les entreprises recourent essentiellement aux mises à pied, il est possible d’encourager la préservation des emplois existants qui sont viables à long terme en subventionnant la réembauche des travailleurs licenciés. Les entreprises ne prennent pas en compte l’externalité positive que représentent les réembauches dans la mesure où les avantages liés aux réembauches ne reviennent qu’en partie aux entreprises, sous la forme d’une hausse de la productivité, une autre partie de l’externalité positive revenant aux travailleurs sous la forme de salaires plus élevés. En Israël, par exemple, le gouvernement a instauré une subvention à la réembauche d’environ 2 100 USD à la fin du mois de mai. Un moyen de subventionner les réembauches dans le contexte de la crise du COVID-19 consisterait à convertir en partie l’appui aux liquidités fourni sous la forme de prêts sans intérêts ou de reports d’impôts en subventions assorties d’une obligation pour l’entreprise de réembaucher les employés qu’elle a licenciés (Fujita et al., 2020).
Références
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Ball, L., D. Leigh et P. Loungani (2017), « Okun’s Law: Fit at 50? », Journal of Money, Credit and Banking, vol. 49, n° 7, pp. 1413-1441, http://dx.doi.org/10.1111/jmcb.12420.
Barrero, J., N. Bloom et S. Davis (2020), COVID-19 Is Also a Reallocation Shock, National Bureau of Economic Research, Cambridge, MA, http://dx.doi.org/10.3386/w27137.
Cahuc, P. et A. Zylberberg (2008), « Optimum income taxation and layoff taxes », Journal of Public Economics, 92/10-11, 2003-2019, http://dx.doi.org/10.1016/J.JPUBECO.2007.12.006.
DARES (2020), Situation sur le marché du travail au 12 mai 2020, https://dares.travail-emploi.gouv.fr/dares-etudes-et-statistiques/tableaux-de-bord/le-marche-du-travail-pendant-le-covid-19/tableaux-de-bord-hebdomadaires/article/situation-sur-le-marche-du-travail-au-12-mai-2020 (consulté le 14 mai 2020).
Fujita, S. et G. Moscarini (2017), « Recall and Unemployment », American Economic Review, vol. 107, n° 12, pp. 3875-3916, http://dx.doi.org/10.1257/aer.20131496.
Fujita, S., G. Moscarini et F. Postel-Vinay (2020), The labour market policy response to COVID-19 must save aggregate matching capital, VoxEU CEPR Policy Portal, https://voxeu.org/article/labour-market-policy-response-covid-19-must-save-aggregate-matching-capital.
Groshen, E. (2020), It Matters that Most COVID Layoffs in March were Furloughs, https://www.ilr.cornell.edu/work-and-coronavirus/public-policy/it-matters-most-covid-layoffs-march-were-furloughs.
Hijzen, A. et D. Venn (2011), The Role of Short-Time Work Schemes during the 2008-09 Recession, Éditions OCDE, Paris.
OCDE (2018), Des emplois de qualité pour tous dans un monde du travail en mutation : La stratégie de l’OCDE pour l'emploi, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/4e6a92fa-fr%20.
OCDE (2020a), « Fragilités des entreprises durant la pandémie de COVID-19 : évaluation et réponses des pouvoirs publics », série Les réponses de l’OCDE face au coronavirus (COVID-19), Éditions OCDE, Paris.
OCDE (2020b), « Évaluer l'impact initial des mesures visant à limiter la propagation du Covid-19 sur l’activité économique », série Les réponses de l’OCDE face au coronavirus (COVID-19), Éditions OCDE, Paris.
OCDE (2020c), Aplatir la courbe du chômage : comment soutenir le revenu des travailleurs tout en œuvrant au prompt rétablissement du marché du travail ?, Éditions OCDE, Paris.
OCDE (2020d), « Identifying workers most vulnerable to COVID-19-driven economic activity containment: Stylised facts and policy considerations », série Les réponses de l’OCDE face au coronavirus (COVID-19), Éditions OCDE, Paris.
OCDE (2020e), Taux de chômage de l’OCDE : mars 2020, https://www.oecd.org/fr/sdd/stats-travail/harmonised-unemployment-rates-oecd-03-2020-fr.pdf (consulté le 13 mai 2020).
OCDE (2020f), « Supporting people and companies to deal with the Covid-19 virus: Options for an immediate employment and social-policy response », série Les réponses de l’OCDE face au coronavirus (COVID-19), Éditions OCDE, Paris.
Von Watcher, T. (2020), A Proposal for Scaling Enrollments in Work Sharing (Short-Time Compensation) Programs During the Covid-19 Crisis: The Case of California, http://www.econ.ucla.edu/tvwachter/covid19/Scaling_STC_memo_vonWachter.pdf.
Annexe 2.B. Tableaux et graphiques par pays
Tableau d’annexe 2.B.1. Mesures de maintien dans l’emploi adoptées par les pays de l’OCDE
A. Pays avec dispositifs de maintien dans l’emploi |
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Pays |
Informations disponibles sur les dispositifs de maintien dans l’emploi |
Allemagne |
Extension du Kurzarbeit par le biais d’un élargissement de la couverture des entreprises. Au 27 mai 2020, les demandes couvraient 26.6 % de la population active. |
Australie |
Mise en place du JobKeeper payment. Au 20 mai 2020, les demandes couvraient 21.2 % de la population active. |
Autriche |
Mise en place du Corona Kurzarbeit, fondé sur le Kurzarbeit. Au 2 juin 2020, les demandes couvraient 30.8 % de la population active. |
Belgique |
Extension du chômage temporaire par le biais d’un assouplissement administratif, de l’augmentation de la subvention et de la suppression des conditions relatives au chiffre d’affaires de l’entreprise. Au 30 avril 2020, les demandes couvraient 24 % de la population active. |
Canada |
Mise en place de la Subvention salariale d’urgence du Canada (SSUC). Au 9 mai 2020, les demandes couvraient 9.4 % de la population active. |
Chili |
Mise en place de la Loi sur la protection de l’emploi. Au 22 mai 2020, les demandes couvraient 6.5 % de la population active. |
Danemark |
Mise en place de la Midlertidig loenkompensation. Au 18 mai 2020, les demandes couvraient 7 % de la population active. |
Espagne |
Extension des Expedientes de regulación temporal de empleo par le biais d’un élargissement de leur couverture et d’un assouplissement administratif. Ce dispositif peut être utilisé si des travailleurs ont été mis à pied. Au 31 mai 2020, les demandes couvraient 16.2 % de la population active. |
Finlande |
Extension du programme de mise à pied temporaire par le biais d’un raccourcissement du délai de préavis, assorti de conditions peu contraignantes. Les informations sur le nombre de demandes ne sont pas disponibles actuellement. |
France |
Modification du chômage partiel par le biais d’une augmentation des subventions. Au 25 mai 2020, les demandes couvraient 43.2 % de la population active. |
Irlande |
Mise en place du Temporary COVID-19 Wage Subsidy Scheme. Au 28 mai 2020, les demandes couvraient 20 % de la population active. |
Islande |
Extension des allocations de chômage à temps partiel par le biais d’un élargissement de la couverture, assorti de conditions strictes. Les informations sur le nombre de demandes ne sont pas disponibles actuellement. |
Israël |
Extension de l’assurance emploi pour les travailleurs placés en congé non rémunéré par leur employeur. Au 30 avril 2020, les travailleurs en congé non rémunéré représentaient 21.1 % de la population active. |
Italie |
Extension du fonds Cassa integrazione, dont la couverture a été étendue à toutes les entreprises, avec des conditions peu contraignantes. Au 18 mai 2020, les demandes couvraient 31.6 % de la population active. |
Japon |
Extension de la subvention à l’ajustement de l’emploi par le biais d’un élargissement de sa couverture et d’un assouplissement des exigences. Le dispositif impose peu de conditions. Les informations sur le nombre de demandes ne sont pas disponibles actuellement. |
Lituanie |
Mise en place de l’allocation pour arrêt de l’activité, assortie de conditions peu contraignantes. Les informations sur le nombre de demandes ne sont pas disponibles actuellement. |
Luxembourg |
Extension du chômage partiel par le biais d’un élargissement de sa couverture et d’un assouplissement administratif. Le dispositif impose peu de conditions. Les informations sur le nombre de demandes ne sont pas disponibles actuellement. |
Norvège |
Extension du Permittere par le biais d’un allègement des formalités administratives. Au 31 mai 2020, les demandes couvraient 13.8 % de la population active. |
Nouvelle-Zélande |
Mise en place du Covid-19 Leave Support Scheme et de la Covid-19 Wage Subsidy. Au 22 mai 2020, les demandes couvraient 51.8 % de la population active. |
Pays-Bas |
Mise en place du Tijdelijke Noodmaatregel Overbrugging ten behoeve van behoud van Werkgelegenheid, qui remplace le dispositif de chômage partiel antérieur. Au 30 avril 2020, les demandes couvraient 18.2 % de la population active. |
Portugal |
Extension du dispositif de mise à pied temporaire, dont la couverture a été élargie. Au 27 mai 2020, les demandes couvraient 25.3 % de la population active. |
République tchèque |
Mise en place du programme Antivirus. Au 22 mai 2020, les demandes couvraient 12 % de la population active. |
Royaume-Uni |
Mise en place du Coronavirus Job Retention Scheme. Aucune condition ne s’applique au chiffre d’affaires. Au 29 mai 2020, les demandes couvraient 24.7 % de la population active. |
Slovaquie |
Mise en place du Prvá pomoc, sans condition de chiffre d’affaires. En mars 2020, les demandes couvraient 11.5 % de la population active. |
Slovénie |
Mise en place d’un nouveau dispositif de chômage partiel, assorti de conditions strictes. Au 30 avril 2020, les demandes couvraient 33.6 % de la population active. |
Suède |
Mise en place du Korttidsarbete, sans condition de diminution du chiffre d’affaires. Au 2 juin 2020, les demandes couvraient 9.4 % de la population active. |
Suisse |
Extension du Kurzarbeit / chômage partiel par le biais d’un assouplissement administratif. Aucune condition ne s’applique au chiffre d’affaires. Au 20 mai 2020, les demandes couvraient 39.4 % de la population active. |
Turquie |
Extension du Kisa Çalisma par le biais d’un élargissement de sa couverture et d’un assouplissement administratif. Aucune condition ne s’applique au chiffre d’affaires. Au 30 avril 2020, les demandes couvraient 8 % de la population active. |
B. Pays s’en remettant à l’assurance chômage |
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Pays |
Informations disponibles sur les dispositifs de maintien dans l’emploi |
Colombie |
Il n’y a pas de dispositif de maintien dans l’emploi. |
Corée |
Extension de l’assurance emploi par le biais d’un élargissement de sa couverture et d’une hausse de la subvention, avec application de conditions strictes. Les informations sur le nombre de demandes ne sont pas disponibles actuellement. |
Estonie |
Modification du fonds d’assurance chômage de sorte qu’il indemnise le chômage partiel, avec application de conditions strictes. Les informations sur le nombre de demandes ne sont pas disponibles actuellement. |
États-Unis |
Il n’y a pas de dispositif fédéral et les demandes d’utilisation des dispositifs existant à l’échelon des États sont limitées. Au 9 mai 2020, les demandes d’utilisation des dispositifs à l’échelon des États couvraient 0.1 % de la population active. |
Grèce |
Le dispositif existant est un hybride entre assurance chômage et dispositif de maintien dans l’emploi et est assorti de conditions complexes. |
Hongrie |
Mise en place de la subvention salariale, assortie de conditions strictes. Les informations sur le nombre de demandes ne sont pas disponibles actuellement. |
Lettonie |
Mise en place de l’allocation pour arrêt de l’activité, assortie de conditions strictes. Les informations sur le nombre de demandes ne sont pas disponibles actuellement. |
Mexique |
Il n’y a pas de dispositif de maintien dans l’emploi. |
Pologne |
Mise en place du Tarcza antykryzysowa, assorti de conditions strictes. Les informations sur le nombre de demandes ne sont pas disponibles actuellement. |
Note : Les informations qui figurent dans le tableau portent sur la fin du mois de mai ou la date disponible la plus proche. Les données relatives aux demandes d’utilisation des dispositifs de maintien dans l’emploi proviennent de publications ou de déclarations ministérielles. L’utilisation effective peut être inférieure au nombre de demandes, dans la mesure où une partie seulement des entreprises ayant déposé des demandes d’utilisation du chômage partiel les concrétisent. Les principales sources consultées pour obtenir les caractéristiques détaillées des différents dispositifs sont les experts des bureaux géographiques de l’OCDE et le COVID-19 Policy Tracker de l’OCDE.
Source : COVID-19 Policy Tracker de l’OCDE ; ainsi que : Australie : Parlement, Treasury of the Australian Government ; Autriche : WKO, ministère du Travail, de la Famille et de la Jeunesse ; Belgique : Office national de l’emploi (ONEM) ; Canada : Gouvernement du Canada ; Chili : ministère du Travail et de la Sécurité sociale ; République tchèque : ministère du Travail et des Affaires sociales ; Danemark : STAR, ministère de l’Industrie, du Commerce et des Affaires financières ; Finlande : Gouvernement finlandais ; France : DARES, ministère du Travail ; Allemagne : Arbeitsagentur ; Islande : Gouvernement de l’Islande ; Irlande : Citizens Information, Revenue ; Italie : INPS ; Pays-Bas : Gouvernement des Pays-Bas ; Nouvelle-Zélande : Gouvernement de la Nouvelle-Zélande, ministère du Développement social ; Norvège : ministère du Travail et de la Protection sociale, Administration norvégienne du travail et des affaires sociales (NAV) ; Portugal : Direction de l’emploi et des relations du travail, MTSS ; Slovaquie : ministère du Travail, des Affaires sociales et de la Famille ; Slovénie : Gouvernement de la Slovénie ; Espagne : Wolters Kluwer, Service public de l’emploi (SEPE) ; Suède : Agence pour la croissance économique et régionale ; Suisse : Secrétariat d’État à l’économie, Conseil fédéral ; Turquie : ISKUR ; Royaume-Uni : Gov.uk ; États-Unis : Bureau of Labor Statistics, Département du travail.