Ce chapitre explique comment les décideurs politiques peuvent s’inspirer des expériences et des enseignements d’autres pays et/ou régions. Il souligne le potentiel des méthodes d’apprentissage mutuel et propose un modèle de partenariat d’apprentissage par les pairs (PAP), visant à établir une compréhension commune et faciliter le partage des connaissances. Enfin, ce chapitre aborde le potentiel des forums internationaux pour renforcer la visibilité et la compréhension, et pour offrir une plateforme d’échange sur l’économie sociale et solidaire (ESS).
Guide de politique publique sur les cadres légaux pour l'économie sociale et solidaire
Développement économique et création d'emplois locaux (LEED)
Abstract
De plus en plus de pays et de régions conçoivent et à adoptent des cadres légaux pour l’économie sociale et solidaire (ESS). L’expansion de l’ESS a favorisé le développement d’approches juridiques novatrices, mais a également confronté les décideurs politiques à des défis communs. L’expérience des décideurs politiques ayant élaboré des cadres légaux pour l’ESS constitue une opportunité notable pour d’autres de s’engager avec eux et de tirer des leçons de leurs succès et de leurs écueils.
L’apprentissage mutuel et le dialogue permettent aux décideurs politiques de réfléchir aux enseignements tirés de l’élaboration, de l’adoption et de l’évaluation de cadres légaux pour l’ESS. S’engager avec d’autres décideurs politiques et parties prenantes au niveau international représente un moyen inestimable de bénéficier de la richesse des informations et des connaissances acquises dans d’autres pays. Néanmoins, il n’existe pas de méthode universelle pour l’élaboration de la législation sur l’ESS. Bien que les décideurs politiques puissent apprendre les uns des autres et s’orienter grâce aux exemples de bonnes pratiques d’autres pays, il demeure essentiel d’adapter les approches légales au contexte spécifique d’un pays ou d’une région donné(e). Cela contribue à créer des systèmes légaux plus efficaces, plus pertinents et mieux adaptés aux besoins de l’ESS.
Cette section explique comment les décideurs politiques peuvent bénéficier des expériences et des leçons tirées d’autres pays et/ou régions. Elle fournit des conseils sur la manière de participer activement dans les forums internationaux et autres lieux de dialogue.
D’un pays à l’autre, les facteurs de réussite et les écueils à éviter suivants peuvent contribuer à mieux tirer parti des avantages de l’échange international entre pairs.
L’engagement international en faveur de l’ESS présente des défis, notamment en raison de sa spécificité géographique et des différences de terminologie et de conditions légales entre les pays. Les définitions des notions fondamentales de l’ESS varient fréquemment d’un pays à l’autre, voire au sein d’un même pays. L’évolution des cadres légaux peut suivre des trajectoires distinctes, selon que les systèmes juridiques des pays sont fondés sur des traditions de common law ou de droit civil. De même, le processus législatif, de la proposition à l’adoption et à la mise en œuvre, diffère considérablement d’un pays à l’autre. Ces particularités peuvent constituer un obstacle pour les décideurs politiques cherchant à identifier des défis et des intérêts communs et de bénéficier de leurs expériences respectives.
Les partenariats d’apprentissage par les pairs, organisés par l’OCDE, illustrent le potentiel de l’apprentissage mutuel et offrent un modèle pour de futures initiatives. Dans le cadre de l’Action mondiale, l’OCDE a encouragé le développement de partenariats d’apprentissage par les pairs (PAP) dans divers domaines politiques associés à l’ESS, y compris les cadres légaux. Organisé par la Confederación Empresarial Española de Economía Social (CEPES) et le Réseau Européen des Villes & Régions de l’Économie Sociale (REVES), le PAP Legal Ecosystems for the Social Economy a rassemblé 25 réseaux, décideurs politiques et entités de l’ESS du Canada, de l’UE, de la Corée, du Mexique et des États-Unis. Ce partenariat a facilité une série de dialogues parmi les participants, qui ont identifié des intérêts et des défis communs, culminant dans l’élaboration à de conclusions générales. Les discussions ont abordé trois axes principaux : les lois-cadres, les lois spécifiques et d’autres options politiques telles que les marchés publics, la politique fiscale, l’accès au financement et les programmes de soutien.
Les PAP ont facilité l’échange d’expériences et d’idées entre les parties prenantes provenant de divers milieux et de pays aux traditions juridiques distinctes. Les groupes de parties prenantes comprenaient des représentants de ministères et d’institutions gouvernementales responsables des politiques publiques de l’économie sociale, des représentants des réseaux et des organisations de plaidoyer de l’économie sociale, des praticiens de l’économie sociale, des experts académiques et des organisations internationales.
L’identification de terrains d’entente et l’adoption de concepts communs peuvent faciliter le partage des connaissances et la compréhension mutuelle en dépit de la diversité. Le PAP sur les cadres légaux a rassemblé des représentants de pays ayant des traditions juridiques distinctes, des niveaux de développement hétérogènes de l’écosystème de l’ESS, ainsi que des perceptions différentes de l’ESS et des entités qui la constituent. Afin de surmonter ces différences, les participants ont établi un consensus autour des valeurs et des définitions communes relatives à l’ESS, et ont également identifié des défis communs qu’ils s’engagent à résoudre ensemble.
Un autre exemple de plateforme d’échange entre pairs est l’outil Better Entrepreneurship Policy Tool de l’UE/OCDE (Encadré 4.1), une ressource en ligne destinée aux décideurs politiques et aux parties prenantes. Bien que cette plateforme ne permette pas d’interaction en temps réel, elle sert de répertoire pour les bonnes pratiques et les initiatives notables dans le domaine de l’économie sociale, entre autres.
L’outil Better Entrepreneurship Policy (BEP) est un outil numérique créé par la Commission européenne et l’OCDE pour équiper les décideurs politiques et les autres parties prenantes avec des exemples de bonnes pratiques sur les initiatives de soutien au développement des entreprises sociales, ainsi qu’à la création d’entreprises parmi les jeunes, les femmes, les migrants et les chômeurs.
En outre, cet outil politique permet aux participants d’effectuer des auto-évaluations de leurs politiques d’entrepreneuriat social et inclusif aux niveaux national, régional et local. Disponible en 24 langues, l’outil diagnostique la performance des politiques dans sept domaines, notamment la culture de l’entrepreneuriat social, le cadre institutionnel, le cadre légal et réglementaire, l’accès au financement, l’accès aux marchés, les compétences et le soutien au développement des entreprises, ainsi que la gestion, la mesure et le reporting d’impact. L’outil politique favorise l’apprentissage mutuel en permettant aux participants de comparer leurs résultats et de contacter d’autres participants afin de tirer parti de leur expérience et d’identifier des solutions aux défis communs.
À ce jour, l’outil BEP fournit une gamme étendue d’études de cas sur les bonnes pratiques et de notes d’orientation, régulièrement mises à jour, couvrant les sept domaines d’action. Ces ressources illustrent les expériences des décideurs politiques, des initiatives spécifiques et des entreprises aux niveaux national, régional et local.
Source : https://betterentrepreneurship.eu/en
En offrant aux experts et aux praticiens une plateforme d’échange d’idées et d’expériences, les forums internationaux peuvent promouvoir une plus grande clarté et une compréhension partagee de l’ESS. Ces forums peuvent également contribuer à l’élaboration et à la diffusion de bonnes pratiques et de lignes directrices pour l’ESS. Cela peut prendre la forme d’événements temporaires tels que des conférences internationales, des ateliers et des séminaires, ou par l’intermédiaire d’organes plus permanents ou de groupes de travail au sein d’organisations internationales. En outre, dans divers forums internationaux, l’ESS est reconnue comme un moyen important de mettre en œuvre les objectifs de développement durable (ODD) (UNSRID, 2016[1]).
Une culture juridique mondiale partagée de l’ESS est peut-être en train d’émerger (Caire and Tadjudje, 2019[2]). La recherche comparative internationale ainsi que les documents de politique publique internationale sur l’ESS produits par des organisations internationales, telles que (ILO, 2022[3]; OECD, 2022[4]), contribuent à une compréhension commune de l’ampleur de l’ESS parmi les pays. Tout en reconnaissant la diversité des termes et des formes utilisés, il est envisageable et bénéfique de chercher à rapprocher les différentes légalisations de l’ESS.
Les forums internationaux peuvent contribuer à promouvoir une plus grande clarté et une compréhension partagée de l’ESS en se concentrant sur les aspects suivants :
1. Définition et cadrage : Une définition claire du concept d’ESS peut aider à garantir que les parties prenantes partagent une compréhension commune de ce à quoi il renvoie et de la manière dont il diffère des notions connexes (par exemple, l’innovation sociale) (OECD, Forthcoming[5]).
2. Exemples et études de cas : La présentation d’exemples et d’études de cas d’initiatives et de législations réussies en matière d’ESS peut contribuer à illustrer les applications pratiques et les impacts potentiels de l’ESS (par exemple (OECD, n.d.[6])).
3. Collaboration et partenariats : Encourager la collaboration et les partenariats entre les différents acteurs de l’ESS, y compris les gouvernements, les intermédiaires et le secteur privé, peut contribuer à promouvoir une compréhension partagée de l’ESS et de son rôle dans la promotion du développement social et économique.
4. Coordination : Tout aussi important est la coordination entre les différentes organisations internationales qui travaillent sur l’ESS afin d’éviter les redondances et les incohérences. Par exemple, la Task Force interinstitutionnelle des Nations unies sur l’économie sociale et solidaire (TFSSE), établie en 2013, réunit dix-sept institutions spécialisées des Nations unies (dont l’OIT, la FAO, l’UNESCO, le PNUD, l’OMS et ONU Femmes), ainsi que l’OCDE et dix membres observateurs (dont l’ICA, le RIPESS, l’EMES, le CIRIEC et l’ESESSFI) (Caire and Tadjudje, 2019[2]).
5. Recherche et données : Le partage des recherches et des données sur l’ESS peut contribuer à une compréhension globale de l’ESS. Les organisations internationales peuvent jouer le rôle de dépositaires pour la collecte de données auprès de leurs pays membres.
Références
[2] Caire, G. and W. Tadjudje (2019), Toward a global legal culture of the SSE enterprise? An international comparasin of SSE legislation, pp. (No 353), 74-88, https://base.socioeco.org/docs/e_recma_353_0074_1_.pdf.
[3] ILO (2022), Legal Compendium on the Social and, https://www.ilo.org/wcmsp5/groups/public/---ed_emp/---emp_ent/---coop/documents/publication/wcms_846368.pdf.
[4] OECD (2022), Recommendation of the Council on the Social and Solidarity Economy and Social Innovation.
[6] OECD (n.d.), Better Entrepreneurship Policy Tool, https://betterentrepreneurship.eu/.
[5] OECD (Forthcoming), Untangling the Complexity: A Conceptual Overview to the Social and Solidarity Economy.
[1] UNSRID (2016), Promoting Social and Solidarity Economy Through Public Policy, https://cdn.unrisd.org/assets/legacy-files/301-info-files/7E583F050CE1D2A4C125804F0033363E/Flagship2016_Ch4.pdf.