Ce chapitre présente des exemples et des orientations sur la manière d’évaluer régulièrement la performance des cadres légaux, afin de vérifier leur capacite à atteindre les objectifs fixes et de s’assurer que les entités de l’économie sociale et solidaire (ESS) respectent leurs missions sociétales. Il souligne l’importance de définir un mécanisme formel d’évaluation qui inclut les parties prenantes concernées. De plus, ce chapitre examine la nécessité de disposer de critères pour évaluer les processus et les résultats, en capitalisant sur l’analyse d’impact réglementaire (AIR) et les normes internationales pour soutenir le processus d’évaluation des cadres légaux de l’ESS.
Guide de politique publique sur les cadres légaux pour l'économie sociale et solidaire
3. Évaluer la performance des cadres légaux
Copier le lien de 3. Évaluer la performance des cadres légauxAbstract
Pourquoi est-ce important ?
Copier le lien de Pourquoi est-ce important ?L’évaluation périodique des cadres légaux de l’économie sociale et solidaire (ESS) peut soutenir de nombreux objectifs. Cela permet d’évaluer l’impact des cadres légaux sur les activités des entités de l’ESS et de recueillir les informations nécessaires pour soutenir les réformes, les adaptations et l’amélioration de la législation. Malgré l’adoption généralisée de cadres légaux pour l’ESS, seuls quelques pays et régions (tels que le Canada (Québec), la France, le Luxembourg et le Mexique) ont institué des mécanismes formels pour évaluer leur performance. L’absence d’une évaluation régulière peut entraver la capacité des pays et des régions à modifier, adapter et faire évoluer les cadres légaux en temps opportun, créant ainsi des obstacles supplémentaires par rapport à d’autres formes juridiques.
Une évaluation efficace exige l’implantation d’un mécanisme formel destiné à évaluer à la fois les processus et les résultats. Dans le domaine des cadres légaux, l’approche « input-process-output-outcome » est conçue pour assister les autorités dans l’examen de chaque étape, depuis la conception et la mise en œuvre jusqu’à la réalisation des objectifs stratégiques des lois et règlements (OECD, 2014[1]). Les processus (processes) font référence à la manière dont les cadres légaux sont élaborés et appliqués. Les résultats (outcomes) indiquent si les cadres légaux ont atteint leurs objectifs et leurs implications potentielles (positives et négatives) sur le développement des écosystèmes. Cela est cruciale pour déterminer la nécessité de mettre à jour ou de réviser les lois.
Cette section fournit des orientations pour assister les pays dans l’évaluation de la performance des cadres légaux de l’ESS. Elle présente les critères et les outils possibles pour évaluer les processus et les résultats.
D’un pays à l’autre, les facteurs de réussite et les écueils à éviter suivants peuvent aider à évaluer les performance des cadres légaux pour l’ESS.
Valoriser les mécanismes d’évaluation de la législation pour ajuster ou améliorer les cadres légaux de l’ESS
Copier le lien de Valoriser les mécanismes d’évaluation de la législation pour ajuster ou améliorer les cadres légaux de l’ESSDéfinir un mécanisme formel d’évaluation impliquant les parties prenantes pour une évaluation régulière les cadres légaux
Copier le lien de Définir un mécanisme formel d’évaluation impliquant les parties prenantes pour une évaluation régulière les cadres légauxLes pays et régions qui évaluent les cadres légaux de l’ESS intègrent des mécanismes formels dans les législations relatives à l’ESS. La nécessité d’évaluer les cadres légaux de l’ESS a été exprimée par les autorités publiques et les entités de l’ESS dans de nombreux pays. Un mécanisme formel permet de fournir des retours d’information constants sur les performances et les résultats inattendus de la législation. La Recommandation du Conseil de l’OCDE de 2012 sur la politique de réglementation et la gouvernance, le Cadre de 2014 pour l’évaluation de la politique de réglementation (Encadré 3.1) et les Lignes directrices et la boîte à outils de l’UE sur l’amélioration de la réglementation (Encadré 3.2) fournissent des orientations concernant les éléments à prendre en compte par les autorités lors de la conception d’un mécanisme d’évaluation législative. Par exemple, la province de Québec (Canada) a adapté les orientations internationales en matière d’évaluation aux besoins et aux spécificités de l’ESS (Encadré 3.3).
En règle générale, les mécanismes d’évaluation comprennent la consultation des parties prenantes, l’évaluation ex ante, l’évaluation ex post et la périodicité.
Consultation des parties prenantes. La consultation doit être ouverte aux groupes intéressés et au public. L’implication des parties prenantes dans le processus d’élaboration de la réglementation et la conception de processus de consultation visent à optimiser la collecte d’informations de qualité et à garantir que les pratiques locales de l’ESS soient reflétées et intégrées dans les lois. Un large éventail d’approches pourrait être utilisé, notamment la consultation informelle, la diffusion de commentaires, les auditions publiques ou la création d’organes consultatifs. Par exemple, l’article 16 de la loi de 2013 sur l’économie sociale, mise en œuvre dans la province de Québec (Canada), a introduit un mécanisme de reddition de comptes. Cette loi reconnaît l’existence des tables rondes des parties prenantes et établit une obligation de dialogue entre les autorités provinciales et les parties prenantes (Encadré 3.3).
Évaluation ex-ante. Cette démarche permet de déterminer s’il est nécessaire d’introduire une nouvelle réglementation ou si la révision de la législation existante est suffisante.
Évaluation ex-post. Cette évaluation vise à déterminer l’efficacité, l’efficience, la cohérence et la simplicité d’application des lois. Par exemple, aux Pays-Bas, le Sénat examine la législation sur la base des critères d’efficacité et de simplicité, principes communs qui doivent être intègres dans les lois.
Périodicité. L’évaluation doit être clairement définie dans le temps afin d’indiquer les moments de sa réalisation. Par exemple, en France, la loi de 2014 sur l’économie sociale et solidaire stipule qu’une évaluation de la loi doit être effectuée biennalement. Au Luxembourg, la loi de 2016 instituant un nouveau statut juridique pour les entreprises sociales, les Sociétés d’Impact Sociétal (SIS), précise que la loi doit être évaluée, sous la responsabilité du Ministère responsable de l’économie sociale et solidaire, dans un délai de trois ans après son entrée en vigueur.
Encadré 3.1. Cadre de l’OCDE pour la politique règlementaire
Copier le lien de Encadré 3.1. Cadre de l’OCDE pour la politique règlementaireL’objectif de la « qualité réglementaire » consiste à améliorer la performance, l’efficience économique la qualité juridique des règlements et des formalités administratives. Cette notion de qualité de la réglementation comprend les processus, à savoir les modalités d’élaboration et application des règles, et leur conformité avec les principes de consultation, de transparence, de responsabilité et de rigueur factuelle. Elle englobe également les résultats, en évaluant l’efficacité, l’efficience, la cohérence et la simplicité des réglementations.
En pratique, cela implique que les lois et les réglementations doivent :
1. servir des objectifs politiques clairement identifiés et s’avérer efficaces pour atteindre ces objectifs ;
2. être formulées de manière claire, simple et pratique pour les utilisateurs ;
3. avoir une base juridique et empirique solide ;
4. être cohérentes avec les autres règlementations et politiques ;
5. produire des avantages qui justifient les coûts, en considérant la répartition des effets dans la société et les conséquences économiques, environnementales et sociales ;
6. être implémentées de manière équitable, transparente et proportionnée ;
7. minimiser les coûts et les distorsions du marché ;
8. promouvoir l’innovation par le biais d’incitations commerciales et d’approches fondées sur des objectifs ; et,
9. être compatibles, dans la mesure du possible, avec les principes de concurrence, de commerce et de facilitation des investissements aux niveaux national et international.
Source : (OECD, 2012[2]; OECD, 2014[1]; OECD, 2018[3])
Encadré 3.2. Les Lignes directrices et la boîte à outils de l’UE pour une meilleure réglementation
Copier le lien de Encadré 3.2. Les Lignes directrices et la boîte à outils de l’UE pour une meilleure réglementationLa politique pour une meilleure réglementation de la Commission européenne a vu le jour au début des années 2000 et a progressivement évolué depuis. La Commission met en œuvre cette politique dans le cadre de ses activités législatives et politiques, et encourage les autres institutions de l’UE ainsi que les États membres à adopter une démarche similaire.
En 2015, la Commission européenne a publié les Lignes directrices « Meilleure Réglementation ». Selon ces directrices, « Meilleure Réglementation» est conçue comme une approche de l’élaboration des politiques et des lois qui permet d’atteindre les objectifs au moindre coût, tout en garantissant que les décisions politiques soient prises de manière transparente, avec la participation des parties prenantes et basées sur les meilleures données probantes possibles.
Ces lignes directrices reposent sur les principes de nécessité (besoin d’intervention), de proportionnalité (ne pas excéder ce qui est strictement nécessaire), de subsidiarité (agir au niveau de gouvernance approprie et uniquement au niveau de l’UE lorsque cela ne peut être réalisé efficacement au niveau national ou local) et de transparence.
Les lignes directrices pour une meilleure réglementation précisent notamment que la législation et l’élaboration des politiques doivent :
être ouvertes et transparentes ;
bénéficier de l’implication globale des parties prenantes ;
reposer sur des données solides.
Les lignes directrices pour une meilleure réglementation sont complétées par la « boîte à outils » pour meilleure réglementation. Trois outils permettent à l’initiative « Meilleure Réglementation» d’élaborer des politiques fondées sur des données probantes :
l’analyse d’impact ex ante (également appelée AIR dans certains pays) ;
l’évaluation ex-post et ;
l’implication du public et des parties prenantes par le biais de la consultation.
La Meilleure Réglementation devrait aboutir à une meilleure qualité de la législation, à une simplification et à une réduction des contraintes réglementaires, y compris celles cumulatives, tout en préservant les avantages. Inspirée par le principe du développement durable, cette approche considère les impacts sociaux, environnementaux et économiques des politiques et des lois.
Source : (European Commission, 2017[4])
Encadré 3.3. Le mécanisme de responsabilité de la loi québécoise sur l’économie sociale (Canada)
Copier le lien de Encadré 3.3. Le mécanisme de responsabilité de la loi québécoise sur l’économie sociale (Canada)La province de Québec au Canada a adopté la loi sur l’économie sociale en 2013 dans le but de reconnaître la contribution de l’économie sociale au développement socio-économique et de soutenir l’engagement à long terme du gouvernement envers l’économie sociale.
Cette loi met en place un mécanisme de responsabilité pour évaluer ses résultats, basé sur trois piliers :
l’établissement d’une relation privilégiée, favorisant le dialogue entre le gouvernement et les principaux acteurs de l’économie sociale, et les organisations membres du Panel des partenaires de l’économie sociale, tels que le Chantier de l’économie sociale, le Conseil québécois de la coopération et de la mutualité ;
l’obligation d’adopter un plan d’action quinquennal sur l’économie sociale, après consultation des acteurs du secteur. Ce plan d’action établit également les mécanismes de reporting pour rendre compte des actions politiques entreprises en soutien de l’économie sociale ;
l’obligation de publier un rapport sur la mise en œuvre du plan d’action, qui doit ensuite être déposé à l’Assemblée nationale. Ce rapport, avec les consultations des parties prenantes, sert de base à l’élaboration du plan d’action suivant.
En outre, un rapport décennal est envisagé pour évaluer la loi sur l’économie sociale et son efficacité à long terme, dans le but d’examiner les progrès réalisés, de rapporter les changements survenus et d’adapter la loi aux réalités en évolution.
Source : Loi sur l’économie sociale (Québec, 2013), consultations des parties prenantes de l’OCDE, réunion internationale d’experts de l’OCDE sur « L’utilisation des cadres légaux pour faire avancer l’économie sociale et solidaire » (10 décembre 2020), (Québec, 2020[5])
Définir des critères pragmatiques pour évaluer les processus et les résultats
Copier le lien de Définir des critères pragmatiques pour évaluer les processus et les résultatsLes critères d’évaluation, qui englobent fréquemment les processus et les résultats, peuvent bénéficier d’une approche pragmatique appuyée par l’expérience des praticiens et des réseaux. Ces critères peuvent inclure l’évaluation de l’impact afin de comprendre dans quel contexte certaines options légales sont plus appropriées que d’autres. L’évaluation devrait également bénéficier des retours d’information des utilisateurs ou bénéficiaires des cadres légaux.
Processus
Copier le lien de ProcessusLes processus efficaces qui aboutissent à l’élaboration de cadres légaux pour l’ESS sont généralement de nature ascendante, séquencée et inclusive des parties prenantes (Infographie 3.3). Certains pays ont développé des bonnes pratiques, parfois inscrites dans la loi elle-même, afin de garantir que les étapes conduisant à la conception de cadres légaux résultent du processus de co-construction impliquant des réseaux et des parties prenantes à tous les niveaux de gouvernement et dans tous les secteurs (Encadré 3.4).
Encadré 3.4. Exemples de processus inclusifs et ouverts aux cadres légaux pour les entreprises sociales
Copier le lien de Encadré 3.4. Exemples de processus inclusifs et ouverts aux cadres légaux pour les entreprises socialesDanemark : Un comité national spécifique a été créé pour préparer la loi de 2014.
France : Bien que la loi-cadre de 2014 sur l’économie sociale et solidaire ne définisse pas de méthode ou d’outil spécifique pour évaluer la performance de la loi, elle indique la nécessité d’une évaluation semestrielle. Elle fait également référence aux conférences semestrielles qui mobilisent les autorités nationales et infranationales ainsi que les représentants et les réseaux de l’ESS pour évaluer les réalisations et explorer les possibilités d’améliorer les lois, les politiques et les stratégies.
Mexique : La loi de 2012 sur l’économie sociale et solidaire précise qu’une entité indépendante devrait être chargée d’évaluer les cadres légaux. Le Conseil d’évaluation des politiques sociales est responsable de l’évaluation. L’implication d’une institution spécialisée dans la direction du processus d’évaluation est considérée comme un facteur clé de réussite. Néanmoins, l’institution faisant partie de l’administration, le processus d’évaluation peut être perçu comme un mécanisme de contrôle (Raquel Ortiz-Ledesma, 2019[7]).
Slovaquie : Un processus de consultation de deux ans a été mis en place, durant lequel des contributions ont été recueillies auprès d’universitaires, d’entrepreneurs sociaux et de gouvernements locaux, avant l’adoption de la loi sur l’économie sociale et les entreprises sociales en 2018.
Espagne : Un modèle de partenariat a été développé pour promouvoir une forte implication des différentes parties prenantes dans les processus relatifs aux lois telles que la loi sur l’économie sociale de 2011 (loi 5/2011) reconnaissant le concept d’entreprise sociale. Les parties prenantes comprennent les autorités régionales, les universités, les associations et le secteur privé (par exemple, la Corporation coopérative de Mondragon), ainsi que la Confédération espagnole des entreprises de l’économie sociale (CEPES), une organisation faîtière créée en 1992 représentant les entreprises de l’économie sociale.
Source : (OECD, 2022[8])
Résultats
Copier le lien de RésultatsLes résultats de la législation sont généralement liés aux questions et aux priorités qui ont motivé l’introduction des lois. Par conséquent, les évaluations des résultats doivent être spécifiques à chaque pays et reposer sur des critères qui mesurent l’impact de la législation sur les activités des entités de l’ESS. Par exemple, elles pourraient inclure le nombre de fermetures d’entreprises (dans le cas des entreprises sociales) ; la géographie des entités d’ESE (urbaine/rurale) ; le nombre et la qualité des emplois créés par elles et leur contribution à la mise en œuvre des priorités et des politiques stratégiques. Cela pourrait permettre de mieux comprendre pourquoi certains cadres légaux ne sont pas appropriés pour soutenir les entités de l’ESS, et d’identifier leurs conséquences inattendues telles que l’augmentation de la paperasserie, les charges administratives supplémentaires, les lourdes restrictions en matière de procédures d’information, la complexité, l’absence de demande de législation ou la mauvaise connaissance des besoins des entités de l’ESS. Les stratégies d’évaluation des résultats des cadres légaux pour l’ESS devraient inclure les utilisateurs finaux/bénéficiaires de la réglementation, c’est-à-dire les réseaux de l’ESS et/ou leurs représentants. Cela pourrait faciliter la révision et la mise à jour des lois, le cas échéant, comme le montre l’exemple du Luxembourg (Encadré 3.5).
En fin de compte, l’évaluation des résultats devrait aider les pays à définir de meilleures conditions-cadres pour l’ESS. Cette démarche devrait faciliter une meilleure reconnaissance et visibilité de l’ESS, assurer une clarté juridique des définitions, supprimer les obstacles ou les distorsions du marché affectant les entités de l’ESS, améliorer l’accès au financement, et élaborer une fiscalité adaptée, entre autres.
Encadré 3.5. Évaluation des résultats du Luxembourg en matière de cadres légaux pour l’ESS
Copier le lien de Encadré 3.5. Évaluation des résultats du Luxembourg en matière de cadres légaux pour l’ESSEn 2016, le Luxembourg a adopté une loi visant à réglementer la création d’entreprises sociales sous un nouveau statut juridique : les Sociétés d’Impact Sociétal (SIS). Cette loi définit les principes de l’économie sociale et solidaire (ESS) et prévoit une évaluation de la loi dans les trois ans suivant son entrée en vigueur. Depuis 2016, deux évaluations ont été réalisées avec la participation des parties prenantes. Le Ministère luxembourgeois du travail, de l’emploi et de l’économie sociale et solidaire (MTEESSS) a mené des consultations, notamment des ateliers, des consultations d’experts, des enquêtes et un séminaire à grande échelle impliquant des acteurs clés de l’ESS.
Ainsi, les amendements à la loi adoptés en 2018 ont résolu de nombreuses incertitudes résiduelles liées à la transition des entités de l’ESS vers le régime SIS. Plus précisément, cela impliquait de modifier la législation existante afin d’étendre aux SIS des droits spécifiques, tels que des exonérations fiscales, qui bénéficiaient auparavant les organisations à but non lucratif et les fondations.
Par conséquent, le nombre de SIS a augmenté : en juillet 2019, il y avait 31 SIS enregistrées, dont 25 ont obtenu leur accréditation après l’amendement de 2018. La modification la plus récente, en 2021, a pris en compte les défis sans précédent auxquels les SIS ont dû faire face pendant la pandémie de COVID-19 et a répondu à la nécessité de réduire la charge administrative afin d’inciter davantage d’entrepreneurs à adopter l’accréditation SIS.
Source : (OECD, 2022[8])
L’analyse d’impact de la réglementation (AIR) pourrait soutenir l’évaluation des résultats des cadres légaux pour l’ESS. L’AIR est un outil de décision qui permet (i) d’examiner de manière systématique et cohérente les impacts potentiels d’une action gouvernementale et (ii) de communiquer ces informations aux décideurs. Les cadres légaux sont souvent conçus sans connaissance suffisante de leurs conséquences en raison de l’absence d’évaluation ex ante. Cette lacune de compréhension pourrait conduire à des réglementations moins efficaces, inutiles et même contraignantes. Par conséquent, l’analyse d’impact de la réglementation appliquée aux cadres légaux de l’ESS peut constituer une stratégie efficace pour améliorer leur qualité et garantir que les réglementations répondent à leur objectif sans engendrer de nouveaux problèmes. L’OCDE a développé un ensemble de bonnes pratiques pour l’AIR qui pourrait inspirer l’évaluation des résultats des cadres légaux conçus pour l’ESS (Encadré 3.6).
Encadré 3.6. Bonnes pratiques en matière d’analyse d’impact de la réglementation (AIR)
Copier le lien de Encadré 3.6. Bonnes pratiques en matière d’analyse d’impact de la réglementation (AIR)1. Maximiser l’engagement politique en faveur de l’AIR
Les principes de la réforme et l’utilisation de l’AIR doivent être approuvés au plus haut niveau de l’État. L’AIR doit devrait bénéficier d’une responsabilité ministérielle claire en matière de conformité.
2. Répartir soigneusement les responsabilités pour les éléments du programme d’AIR
Confier la responsabilité de l’AIR aux régulateurs renforce son intégration dans le processus décisionnel. Un organisme de surveillance est nécessaire pour contrôler le processus d’AIR et garantir sa cohérence, sa crédibilité et sa qualité. Il doit bénéficier d’une autorité et de compétences adaptées pour exercer cette fonction.
3. Former les régulateurs
Veiller à ce qu’il existe des programmes de formations formels et bien conçus pour donner aux régulateurs les compétences nécessaires à la réalisation d’une AIR de qualité.
4. Recourir à une méthode d’analyse cohérente mais flexible
Le principe bénéfices/coûts devrait être adopté pour toutes les réglementations, mais les méthodes analytiques peuvent varier tant que l’AIR identifie et évalue tous les effets positifs et négatifs significatifs et intègre des analyses qualitatives et quantitatives. Des lignes directrices obligatoires devraient être publiées pour plus de cohérence.
5. Élaborer et mettre en œuvre des stratégies de collecte de données
La qualité des données est essentielle pour une analyse pertinente. Une politique explicite devrait clarifier les normes de qualité pour les données acceptables et suggérer des stratégies pour collecter des données de haute qualité à un coût minimum dans les délais impartis.
6. Cibler les efforts de l’AIR
Les ressources devraient être allouées aux règlementations ou les impacts sont les plus significatifs et ou les perspectives de modification des résultats réglementaires sont les meilleures. L’AIR doit être appliquée à toutes les propositions politiques importantes, qu’elles soient mises en œuvre par une loi, des règles de niveau inférieur ou des actions ministérielles.
7. Intégrer l’AIR dans le processus d’élaboration des politiques dès que possible
Les régulateurs devraient considérer l’AIR comme une composante essentielle des décisions politiques, plutôt que comme une exigence supplémentaire pour la consommation externe.
8. Communiquer les résultats
Les décideurs politiques ne sont que rarement des analystes. Les résultats de l’AIR doivent être communiqués clairement avec des implications concrètes et des options explicitement identifiées. L’utilisation d’un format commun favorise une communication efficace.
9. Impliquer le public de façon élargie
Il est primordial de consulter de manière étendue et opportune les groupes d’intérêt. Cette démarche implique souvent un processus de consultation comportant plusieurs étapes.
10. Appliquer l’AIR aux réglementations existantes et aux nouvelles
Les disciplines de l’AIR devraient également être appliquées aux examens de la réglementation existante.
Comprendre la meilleure manière de superviser la conformité des entités de l’ESS avec leurs objectifs sociétaux déclarés
Copier le lien de Comprendre la meilleure manière de superviser la conformité des entités de l’ESS avec leurs objectifs sociétaux déclarésExaminer la meilleure manière de superviser la conformité des entités de l’ESS
Copier le lien de Examiner la meilleure manière de superviser la conformité des entités de l’ESSUne méthode supplémentaire pour évaluer l’efficacité des cadres légaux consiste à vérifier si les entités de l’ESS se conforment aux objectifs sociétaux qu’elles se sont fixés. Le contrôle de la conformité des entités de l’ESS dépend probablement du degré de soutien gouvernemental dont bénéfice l’ESS, de sa priorité en matière de marchés publics ou d’une abstention réglementaire. Plus les entités de l’ESS bénéficient d’avantages qui ne sont pas normalement accessibles à d’autres acteurs économiques, plus les gouvernements sont susceptibles de vouloir s’assurer qu’ils respectent les objectifs sociétaux qui ont justifié ces avantages de s’accumuler. Dans le cas contraire, il existe un risque que d’autres entités non-ESS se présentent de manière incorrecte pour bénéficier des avantages destinés aux acteurs de l’ESS.
La question suivante réside dans l’identification des autorités qui devraient gérer le processus de contrôle. Il convient d’examiner la manière dont d’autres activités économiques sont réglementées ou supervisées dans un pays ou une région spécifique. Dans certains pays, la surveillance et le contrôle réglementaires sont répartis en fonction de la forme juridique de l’entité surveillée. Pour les pays ayant institué des formes juridiques spécifiques pour l’ESS et qui ont une tradition de régulation basée sur la forme plutôt que sur la fonction, l’autorité gouvernementale qui accorde un avantage peut être la mieux placée pour assumer un rôle de contrôle et de surveillance. Par exemple, en Colombie, la Superintendance de l’économie solidaire est l’entité nationale responsable de superviser les coopératives et autres entités de l’ESS. Toutefois, cela pourrait s’avérer difficile pour les pays où les formes juridiques des entités de l’ESS sont limitées, voire, le cas échéant, de formes juridiques spécifiquement définies pour les entités de l’ESS. Par exemple, en Australie, l’Australian Prudential Regulation Authority (APRA) supervise les organisations financières, telles que les sociétés mutualistes appartenant à leurs membres, autorisées en tant qu’institutions financières acceptant des dépôts. Dans ces pays, le contrôle et la supervision peuvent être répartis entre plusieurs agences gouvernementales et différents niveaux de gouvernement (État, province, municipalité). Une surveillance dispersée peut exercer une pression supplémentaire sur les autorités gouvernementales pour qu’elles coordonnent leurs efforts, en particulier pour éviter que les parties ne cherchent à profiter de la surveillance réglementaire la moins contraignante en effectuant un triage réglementaire.
Un autre aspect à examiner est le rôle du marché, tant dans son secteur privé que public, dans la rétroaction envers l’ESS. Les consultations des parties prenantes indiquent que les pays et les régions peuvent bénéficier de la mise en place de cadres encourageant les réponses du marché au comportement des acteurs de l’ESS. Cela nécessite de mettre en place un cadre qui facilite la transparence et la divulgation d’informations aux parties prenantes de l’ESS. Une partie de ce cadre peut s’appuyer sur des mécanismes préexistants favorisant la transparence. Néanmoins, il est probable que ce cadre puisse être complété par d’autres régimes de divulgation.
Utiliser l’évaluation pour répondre aux évolutions dans l’ESS
Copier le lien de Utiliser l’évaluation pour répondre aux évolutions dans l’ESSS’adapter aux besoins émergents
Copier le lien de S’adapter aux besoins émergentsLes pays pourraient recourir à des évaluations légales pour adopter une approche dynamique des cadres légaux de l’ESS. Comme pour toute législation, les cadres légaux régissant l’ESS risquent de devenir obsolètes avec le temps ou nécessitent d’être mis à jour/ajustés pour s’adapter aux nouvelles situations/évolutions sociales ou économiques. Les entités de l’ESS opèrent par nature sur des marchés dynamiques et font face à des besoins et des défis en constante évolution. Par exemple, les entités de l’ESS sont appelées à jouer un rôle plus important dans la transition vers des économies et des sociétés plus inclusives et plus vertes. En conséquent, les décideurs politiques doivent être prêts à adapter les cadres légaux aux nouveaux développements du marché et à l’évolution des besoins changeants des parties prenantes.
Il est crucial de préserver la dynamique politique dans le temps, car des difficultés peuvent surgir lors de la conception et de la mise en œuvre des cadres légaux. La mise en place d’un mécanisme formel de responsabilité, tel que celui développé par la province de Québec au Canada, peut être un moyen utile de garantir l’adaptabilité des cadres légaux sur le long terme tout en conservant un élan politique soutenu. De même, ces mécanismes facilitent la liaison directe entre les activités de suivi et les interventions politiques, assurant ainsi que les cadres légaux restent en phase avec les besoins concrets des entreprises sociales. Les activités menées au Luxembourg à la suite de ces processus témoignent des bénéfices de ces approches. L’intégration de ces exigences permet de garantir que les ressources financières et humaines nécessaires sont disponibles pour les évaluations futures, même si les priorités politiques ont évolué vers de nouveaux domaines.
Références
[6] European Commission (2021), Better Regulation Guidelines, https://ec.europa.eu/info/sites/default/files/swd2021_305_en.pdf.
[4] European Commission (2017), EU Better Regulation Toolbox, https://ec.europa.eu/info/sites/default/files/better-regulation-toolbox_1.pdf.
[8] OECD (2022), Designing Legal Frameworks for Social Enterprises: Practical Guidance for Policy Makers, Local Economic and Employment Development (LEED), OECD Publishing, Paris, https://doi.org/10.1787/172b60b2-en.
[3] OECD (2018), OECD Regulatory Policy Outlook 2018, OECD Publishing, Paris, https://doi.org/10.1787/9789264303072-en.
[1] OECD (2014), OECD Framework for Regulatory Policy Evaluation, OECD Publishing, Paris, https://doi.org/10.1787/9789264214453-en.
[2] OECD (2012), Recommendation of the Council on Regulatory Policy and Governance, https://www.oecd.org/gov/regulatory-policy/49990817.pdf.
[5] Québec (2020), Application de la loi sur l’économie sociale. Rapport 2013-2020.
[7] Raquel Ortiz-Ledesma (2019), “Legal-political frameworks that promote Social and Solidarity Economy in Colombia and Mexico. A comparative cartography”, Deusto Journal of Human Rights, Vol. 4, https://djhr.revistas.deusto.es/article/view/1703/2128.