Les pays de l’OCDE connaissent de longue date une diminution de leur indicateur conjoncturel de fécondité. Après avoir marqué une pause au cours des années 2000, le mouvement baissier a repris au sortir de la grande crise financière de 2007-08. L’indicateur conjoncturel de fécondité s’établissait à 1.5 enfant par femme en 2022, en moyenne à l’échelle de l’OCDE – ce qui est sensiblement inférieur au seuil de renouvellement des générations, qui se situe à 2.1 enfants par femme. Dans les pays de l’OCDE, c’est en Israël que l’indicateur était le plus élevé en 2022, avec 2.9 enfants par femme, le Mexique et la France arrivant ensuite, avec 1.8 enfant par femme. À l’inverse, c’est en Italie et en Espagne qu’il est le plus bas, à 1.2 enfant par femme, tandis qu’en Corée, il était estimé à 0.7 en 2023. Son déclin est allé de pair avec une élévation de l’âge à la maternité, qui est passé de 26.5 ans en moyenne au niveau de l’OCDE, en 2000, à 29.5 ans, en 2022.
Si l’on observe une tendance générale à la hausse de l’infécondité dans la zone OCDE, cette tendance est plus ou moins affirmée selon les pays. L’analyse comparative de la fécondité de cohortes de femmes nées en 1935 et en 1975 montre que l’incidence de l’infécondité permanente a au moins doublé dans sept pays ; l’infécondité permanente concernait 23 et 24 % des femmes de la cohorte de 1975 en Italie et en Espagne, respectivement, et 28 % au Japon.
Les considérations économiques ont une incidence sur la fondation d’une famille. Diverses grandes variables économiques, comme le revenu du ménage et sa répartition entre les deux parents, de même que le coût des services de garde d’enfant et celui du logement, sont susceptibles d’exercer une influence sur le choix d’avoir ou non des enfants, à quel moment et combien. L’alourdissement des coûts directs et indirects associés au fait d’avoir des enfants a contribué au déclin des taux de fécondité, cependant l’évolution des préférences de jeunes pourrait bien ne pas y être étrangère elle non plus.
Au cours des dernières décennies, le niveau d’études et le taux d’activité des femmes ont progressé, ce qui signifie qu’avoir un (autre) enfant représente un coût d’opportunité plus élevé. Si les femmes doivent choisir entre travailler et fonder une famille, certaines d’entre elles vont choisir d’avoir un (ou plusieurs) enfant(s) et donc de limiter leur activité, quand d’autres vont choisir d’exercer un emploi rémunéré, et donc d’avoir moins d’enfants, sinon aucun. Néanmoins, la possibilité de concilier vie professionnelle et vie familiale, lorsqu’elle existe, conduit à une amélioration des résultats économiques et à une hausse des taux de fécondité, ce qui explique pourquoi le taux d’emploi des femmes était corrélé négativement au taux de fécondité par le passé, alors qu’aujourd’hui, cette corrélation est positive.
Les pouvoirs publics se sont attachés à aider les parents à concilier vie professionnelle et obligations familiales. Des pays comme le Danemark, la France, la Norvège, la Hongrie et la Suède assurent un accompagnement continu grâce à une bonne coordination des dispositions relatives au congé parental rémunéré et aux services d’éducation et accueil des jeunes enfants (EAJE), mais cela leur coûte environ 3 % du PIB, sinon davantage, en prestations familiales. Dans beaucoup de ces pays, cependant, l’indicateur conjoncturel de fécondité ne se situe jamais qu’autour de la moyenne OCDE à l’heure actuelle, ce qui signifie que les politiques relatives au travail et la politique familiale ne peuvent à elles seules expliquer ni le recul de la fécondité dans ces pays ni les variations observées entre les pays.
Les inquiétudes entourant le coût du logement s’imposent de plus en plus comme le principal obstacle à l’accueil d’enfants (supplémentaires). Les dépenses connexes ont considérablement augmenté depuis la fin des années 1990 dans la plupart des pays de l’OCDE. Le coût de l’enseignement privé peut aussi faire renoncer à avoir un enfant (de plus) – c’est notamment le cas en Corée, mais ce n’est pas un facteur pertinent dans toute la zone.
Les résultats des régressions pour l’ensemble de la zone OCDE mettent en évidence des corrélations positives entre les indicateurs conjoncturels de fécondité, les taux d’emploi des hommes et des femmes, les dépenses publiques au titre des congés parentaux et de l’EAJE, et dans une moindre mesure les aides financières aux ménages. Les régressions mettent également au jour une corrélation clairement négative entre les indicateurs conjoncturels de fécondité et les coûts du logement, et le taux de chômage en tant qu’indicateur conjoncturel du marché du travail. Toutefois, une part importante de la variation de la fécondité demeure inexpliquée, ce qui pourrait mettre en évidence un rôle croissant de l’insécurité perçue, ainsi que des positions et des normes sociétales.
La rapide succession de crises mondiales observée récemment, comme la pandémie de COVID-19, les problèmes climatiques croissants et la guerre d’agression de la Russie contre l’Ukraine, a probablement contribué à la diffusion d’un sentiment d’incertitude et d’imprévisibilité et accentué l’insécurité sur le marché du travail et en matière de logement, ce qui complique sans doute l’entrée des jeunes dans la parentalité.
Ces dernières années ont aussi été marquées par une évolution des attitudes à l’égard de la parentalité. Les jeunes hommes comme les jeunes femmes trouvent de plus en plus un sens à leur vie en dehors d’elle et il est de mieux en mieux accepté de ne pas avoir d’enfants. Parallèlement, les exigences normatives de « bonne parentalité » ont gagné en importance, et l’équilibre fluctuant entre les coûts et les avantages de la parentalité – qu’ils soient financiers ou non – sous-tend le choix des générations actuelles d’avoir moins d’enfants que les précédentes, voire de ne pas en avoir du tout.
La meilleure des solutions qui s’offrent aux pays soucieux de leur taux de fécondité reste encore de promouvoir l’égalité entre les genres et un partage plus équitable des responsabilités professionnelles et familiales. Cela suppose de mettre en place des politiques familiales qui aident à concilier travail et vie de famille, mais exige aussi de porter plus d’attention aux coûts afférents à l’entretien des enfants, et en particulier aux coûts de logement. Toutefois, eu égard à l’évolution des préférences individuelles en matière de fécondité, il paraît peu probable que ces mesures permettent aux pays de se rapprocher du seuil de renouvellement des générations.
Il serait d’autre part prudent d’étudier comment adapter l’action des pouvoirs publics de manière plus générale à un avenir où la fécondité sera faible. Toute progression du taux de fécondité ne se répercutera sur la population active qu’à distance d’une vingtaine d’années. Ces adaptations – qui dépassent le cadre de la politique familiale et l’objet du présent chapitre – pourraient consister à viser un solde migratoire positif, à intégrer un plus grand nombre de groupes sous-représentés dans la population active et à prendre des mesures pour améliorer leur productivité afin d’atténuer les conséquences économiques et budgétaires d’une éventuelle diminution de la main-d’œuvre.