Les textes législatifs et réglementaires ont des incidences sur tous les aspects de l’économie et, plus généralement, de l’existence. Ils déterminent les contours de notre sécurité et de notre mode de vie, la facilité à mener une activité économique et la réalisation des objectifs sociétaux et environnementaux. Alors qu’une bonne réglementation favorise la croissance économique et le bien-être, une réglementation inadaptée pénalise l’une comme l’autre. Cependant, une bonne réglementation représente un objectif de plus en plus difficile à atteindre. Le rythme effréné des évolutions technologiques et l’interconnexion inédite des économies placent les pouvoirs publics face à l’incertitude et à la complexité s’agissant de savoir quand et comment adopter ces textes. La validité des cadres réglementaires existants et, de fait, l’aptitude des administrations publiques à s’adapter au changement sont en train d’être remises en cause. La situation exige un secteur public de plus en plus agile, apte à tirer parti des nombreuses possibilités offertes par les évolutions technologiques pour mieux mener à bien ses activités normatives et pour s’adapter aux nouvelles réalités et aux nouveaux risques.
Après une première édition publiée en 2015 sous le titre de Perspectives de l’OCDE sur la politique de la réglementation, l’édition 2018 de ces Perspectives décrit les efforts déployés par les pays pour améliorer la qualité de leur réglementation en application des principes de la Recommandation du Conseil de l’OCDE concernant la politique et la gouvernance réglementaires (ci-après dénommée « Recommandation de 2012 »). À la lumière des données tirées de la vaste enquête sur les indicateurs en matière réglementaire (iREG) réalisée par l’OCDE en 2017, ces Perspectives soulignent l’importance de bons textes législatifs et réglementaires et mettent en relief les bonnes pratiques des pays de l’OCDE en la matière. Elles apportent aussi des éclairages précieux en recensant les domaines dans lesquels ces pays sont susceptibles de progresser.
Les pays de l’OCDE sont attachés à la qualité de la réglementation, comme le montre la situation constatée fin 2017 : tous les pays Membres de l’OCDE ou candidats à l’adhésion s’étaient dotés d’une politique générale en matière de réglementation et avaient chargé une instance spécifique de veiller à la qualité de la réglementation ainsi que de mener un travail de coordination en ce sens à l’échelle de l’ensemble de l’administration. Ces pays avaient également réalisé des progrès sur le terrain de l’adoption des outils « traditionnels » de gestion de la réglementation, en particulier l’association des parties prenantes et l’analyse d’impact de la réglementation (AIR). En effet, ils sollicitaient d’avantage l’avis des particuliers et des entreprises sur les projets de textes législatifs et réglementaires, en ménageant des délais de consultation plus longs, et l’AIR était devenue une étape importante du processus normatif dans la plupart d’entre eux.
Il existe néanmoins une marge de progression. Les réponses recueillies à l’issue des processus de consultation pourraient être mieux prises en compte à l’étape de la conception des textes. Il serait nécessaire de progresser sur le plan de l’association effective des parties prenantes, de la transparence et de la communication pour que les particuliers et les entreprises se sentent inclus dans le processus de l’action publique, acceptent les décisions prises en matière de réglementation et, à terme, fassent confiance aux pouvoirs publics. Dans certains pays, les aspects procéduraux sont devenus excessifs au sein de l’AIR, et l’AIR n’est pas ciblée sur les textes législatifs et réglementaires les plus importants, soit parce qu’il n’existe aucun système de tri, soit parce que des projets de textes dotés d’un impact important n’y sont pas soumis. De plus, les AIR qui sont menées se focalisent souvent sur des impacts économiques définis de façon étroite, tels que la charge réglementaire pesant sur les entreprises, en négligeant d’autres effets importants.
Il est surtout frappant de constater que le « cycle de vie » des textes législatifs et réglementaires reste largement incomplet. Les pays maîtrisent mieux les premières étapes de ce cycle, à savoir la conception des textes, que ses étapes ultérieures, celles de la mise en application et de l’examen des textes existants. De plus, il n’existe toujours pas de démarche systématique visant à évaluer si, en pratique, les textes législatifs et réglementaires permettent d’atteindre leurs objectifs. Alors que certains textes peuvent être obsolètes et, dès lors, imposer des coûts injustifiés aux entreprises et aux régulateurs, voire faire courir des risques aux particuliers, les pays n’ont pas mis en place de démarche systématique visant à recueillir des données probantes, à suivre la mise en œuvre des textes et à évaluer les résultats obtenus. Cette lacune entrave l’aptitude des pays à améliorer la qualité de la réglementation et à démontrer les résultats d’une meilleure conception normative
Il manque des politiques menées à l’échelle de l’administration toute entière pour favoriser l’amélioration des structures et des processus de gouvernance de la réglementation, et pour réduire l’écart entre l’étape de l’élaboration des textes et celle de leur mise en œuvre. Les régulateurs et les organismes d’inspection sont souvent dépourvus des cadres d’action explicites qui leur permettraient d’améliorer leurs performances. Pour pouvoir mener à bien leur mission, ils doivent bénéficier d’une autonomie suffisante, des pouvoirs et des ressources nécessaires et de mécanismes de responsabilité transparents et prévisibles ; ils doivent aussi disposer des capacités requises pour gérer et analyser les données et pour bien cibler leurs activités.
Les pays de l’OCDE reconnaissent de plus en plus le rôle important de la coopération réglementaire internationale (CRI) pour permettre aux textes législatifs et réglementaires de suivre le rythme de la mondialisation. En pratique, si les indicateurs en matière réglementaire (iREG) permettent de constater des prémices de politiques de CRI, rares sont les pays à suivre une stratégie à l’échelle de l’ensemble de l’administration en la matière, et la gouvernance de la CRI reste très fragmentée. Les ministères et les régulateurs pourraient tenir plus systématiquement compte du contexte international et des normes internationales afin de mieux réaliser leurs objectifs d’action. Ils pourraient aussi ménager davantage de possibilités d’associer significativement les parties prenantes étrangères et d’évaluer les incidences internationales de leur action, dans le cadre de l’évaluation ex ante et ex post.
Les lacunes de la politique de la réglementation peuvent s’expliquer par des insuffisances au niveau du contrôle et du suivi de la qualité, insuffisances qui demeurent la « pièce manquante du puzzle ». Le contrôle constitue un élément crucial de la gouvernance réglementaire, puisqu’il permet de faire le lien entre les exigences formelles et la mise en œuvre concrète. Il semble que certains pays de l’OCDE se soient dotés de capacités et de fonctions en matière de contrôle de la réglementation. Toutefois, dans de nombreux cas, la responsabilité du contrôle de la réglementation est partagée entre plusieurs institutions ; la coordination est donc cruciale. Le suivi de la qualité des outils de gestion de la réglementation intervient aux dernières étapes du cycle normatif et porte essentiellement sur la qualité des procédures d’AIR, plutôt que sur la réalisation des objectifs d’action.
À l’heure actuelle, l’idée de s’appuyer sur les connaissances sur le comportement pour concevoir et mener des politiques meilleures suscite beaucoup d’enthousiasme. Parce qu’elles favorisent une culture d’expérimentation et parce qu’elles s’appuient sur une meilleure compréhension des comportements effectifs, les connaissances sur le comportement constituent un outil efficace qui permet d’apprendre, de s’adapter et d’innover. Dans le domaine de la politique de la réglementation, il serait possible de mieux intégrer cet outil à l’AIR et à l’évaluation ex post, en s’appuyant sur les connaissances sur le comportement pour favoriser une association de parties prenantes informées et pour inciter les institutions, les régulateurs et les entités encadrées à évoluer dans leur comportement.
Des règles transparentes, fondées sur des données probantes et tenant compte des risques ainsi que des réalités de terrain sont plus que jamais nécessaires, et ces règles doivent être élaborées et suivies par des institutions démocratiques robustes et réactives. L’association des parties prenantes et l’analyse systématique des impacts, en amont et en aval de l’adoption des règles, ont des contributions cruciales à apporter au processus normatif. Les régulateurs, les inspections et la mise en application jouent un rôle déterminant dans l’efficacité des textes. Un contrôle de la réglementation est nécessaire pour guider et favoriser la qualité des textes au sein de toutes les composantes de l’administration. Enfin, il est crucial de s’appuyer sur la coopération réglementaire internationale et sur des solutions innovantes pour tirer parti des connaissances des divers pays et coordonner leur action face aux problématiques complexes qui, de plus en plus, dépassent les frontières administratives.