L’expansion devrait se poursuivre au cours des deux prochaines années, avec une hausse du PIB mondial qui devrait selon les prévisions s’établir à près de 4 % en 2018 et 2019. Dans la zone OCDE, la croissance devrait rester proche de 2 ½ pour cent par an et bénéficier de l’assouplissement budgétaire qui devrait intervenir dans de nombreuses économies ; dans le reste du monde, elle s’affermira pour avoisiner les 5 % (Tableau 1.1). Même si la progression de l’emploi devrait être plus modérée dans les économies avancées, le taux de chômage devrait atteindre son niveau le plus bas depuis 1980 dans l’ensemble de l’OCDE, provoquant une intensification des pénuries de main‑d’œuvre dans certains pays. La hausse des prix et des salaires devrait en conséquence augmenter, mais modérément seulement, compte tenu de l’impact apparemment faible que les tensions sur les ressources ont eu sur l’inflation ces derniers temps et des possibilités existantes, dans certaines économies, d’accroître le taux d’activité et les heures travaillées. À l’échelle mondiale, l’investissement et les échanges sont repartis à la hausse l’année dernière et devraient continuer de croître régulièrement au cours des deux années à venir, si les tensions commerciales ne s’aggravent pas davantage. Malgré tout, les perspectives d’amélioration forte et durable des niveaux de vie à moyen terme restent inférieures à ce qu’elles étaient avant la crise, dans les économies avancées comme dans les économies de marché émergentes, en raison d’évolutions démographiques moins favorables et des conséquences sur la croissance potentielle des résultats insuffisants en matière d’investissement et de productivité au cours de la dernière décennie.
Perspectives économiques de l'OCDE, Volume 2018 Numéro 1
Chapitre 1. Évaluation générale de la situation macroéconomique
Introduction
Bien que les perspectives à court terme demeurent favorables, les risques d’une révision à la baisse de ce scénario prédominent. Le taux de croissance mondiale prévu, proche de 4 %, est conforme au taux moyen de long terme relevé avant la crise, mais l’expansion en cours reste soutenue par une politique monétaire très accommodante dans les économies avancées et, de plus en plus, par un assouplissement de la politique budgétaire, ce qui laisse à penser que l’objectif d’une croissance forte et autonome n’est pas encore atteint. Dans le domaine des échanges, les tensions protectionnistes ont déjà contribué à fragiliser la confiance, et toute nouvelle escalade en la matière aurait des conséquences négatives sur l’investissement, l’emploi et les niveaux de vie. Au cours des dernières semaines, des préoccupations d’ordre géopolitique ont contribué à une nouvelle hausse sensible des prix du pétrole et, si cette situation devait perdurer, elle alimenterait l’inflation et pèserait sur la progression des revenus réels des ménages. Des risques géopolitiques restent également présents en Europe, comme l’atteste le récent creusement des différentiels de taux au sein de la zone euro. Par ailleurs, il existe toujours un risque que la normalisation des taux d’intérêt dans certaines économies, surtout si elle devait être rapide et s’assortir d’une appréciation du dollar des États‑Unis, révèle les vulnérabilités et tensions financières suscitées par le niveau élevé des prises de risque et de l’endettement. Sous l’effet de la hausse des rendements des obligations américaines et de l’appréciation du dollar des États‑Unis, des pressions sont déjà apparues sur les marchés de capitaux pour certaines économies de marché émergentes, en particulier celles qui présentent des déséquilibres intérieurs et extérieurs significatifs et grandissants, ou une importante dette extérieure libellée en dollars des États‑Unis.
Dans un contexte d’affermissement de l’économie mondiale, l’action publique doit mettre l’accent sur des mesures propres à garantir une progression plus solide et plus résiliente de la productivité, de l’investissement et des niveaux de vie. Une normalisation progressive de la politique monétaire s’impose, mais à des degrés divers dans les grandes économies avancées. Il est essentiel de continuer à communiquer clairement sur la trajectoire de normalisation pour minimiser les risques de perturbations sur les marchés de capitaux. En temps opportun, une mise en œuvre pro‑active de règles prudentielles et de politiques de surveillance est également nécessaire pour limiter l’intensification des risques liés aux vulnérabilités financières, dans les économies avancées comme dans les économies de marché émergentes. Les pouvoirs publics, dans leurs choix budgétaires, devraient éviter de se montrer excessivement procycliques et donner la priorité à des mesures qui puissent conforter la croissance à moyen terme et garantir un large partage des fruits de la reprise. Au regard du niveau élevé de la dette publique et des déficits dans de nombreux pays, et des marges d’action étroites dont disposeraient les autorités si d’importants risques de dégradation de l’activité venaient à se matérialiser, il conviendrait, à la faveur du regain de dynamisme de l’économie, de chercher à reconstituer des marges de manœuvre budgétaire. Les efforts de réformes structurelles devraient être relancés dans les économies avancées comme dans les économies de marché émergentes pour aider à soutenir la croissance et favoriser une plus large répartition de ses retombées. Le redressement en cours, qui se double d’une forte progression de l’emploi, offre un moment opportun pour relancer la dynamique des réformes structurelles. En effet, des conditions conjoncturelles favorables contribuent à maximiser les avantages des réformes, alors qu’effectués, comme souvent, en période de crise, de tels efforts risqueraient d’accentuer les coûts à court terme de leur mise en œuvre. Il est indispensable de préserver le système commercial international fondé sur des règles, d’éviter toute escalade des tensions commerciales et de renforcer la coopération multilatérale afin de couper court à l’assombrissement des perspectives de croissance à long terme que ne manquerait pas de provoquer une moindre ouverture des marchés (voir chapitre 2).
Les politiques publiques contribueront à soutenir la croissance mondiale
L’expansion mondiale reste solide et repose sur une large assise, même si la croissance du PIB mondial a fléchi au premier trimestre de 2018 (Graphique 1.1, partie A). L’investissement et les échanges sont repartis à la hausse et ont contribué à des créations d’emplois généralisées. Dans les économies avancées, l’activité continue de bénéficier du soutien des politiques budgétaires et monétaires, les effets de la politique monétaire toujours accommodante étant renforcés par l’assouplissement de l’orientation budgétaire dans la majorité des pays. Dans les économies de marché émergentes, l’activité a également rebondi, sous l’impulsion du redressement des échanges mondiaux, de l’augmentation des prix des produits de base et de la vigueur des investissements dans les infrastructures en Chine et dans d’autres économies d’Asie. Les conditions financières continuent dans l’ensemble d’accompagner l’activité, mais elles ont commencé à se resserrer ces dernières mois (voir ci‑après), sur fond de recul des cours des actions après des pics élevés, de hausse des taux d’intérêt à long terme et de hausse de la volatilité, qui s’était tenue à des niveaux inhabituellement faibles ces dernières années. Certaines économies de marché émergentes, en particulier celles qui présentent des déséquilibres intérieurs et extérieurs accusés et grandissants ou une dette importante libellée en dollars des États‑Unis, sont confrontées à des pressions qui commencent à s’intensifier sur les marchés de capitaux (voir ci‑après).
Les cours du pétrole ont augmenté d’environ 15 % depuis le début de l’année, portant le prix du baril à 80 USD, soit 25 USD au‑dessus du prix moyen calculé pour 2017. Malgré les importants volumes de pétrole produits aux États‑Unis, les prix ont été poussés à la hausse par une demande mondiale toujours soutenue, des restrictions au niveau de l’offre provoquées par les limitations de production convenues entre les pays de l’OPEP et quelques pays non‑membres de cette organisation, par des chutes brutales de production au Venezuela, ainsi que par les risques de limitation des exportations iraniennes sous l’effet de tensions géopolitiques1. Dans les prévisions présentées ci‑après, le prix du baril a été fixé par hypothèse à 70 USD pour le reste de l’année 2018 et pour 2019 (Annexe A.1), ce qui correspond globalement au prix moyen des contrats à terme pour 2019 observés entre mi‑avril et mi‑mai 2018. Toute hausse additionnelle introduirait d’importants risques de dégradation de l’activité par rapport aux prévisions, en alimentant encore l’inflation globale et en réduisant la croissance du revenu réel dans les économies importatrices de pétrole2.
Si les récents indicateurs à haute fréquence de l’activité mondiale donnent des signaux mitigés, ils enregistrent pour la plupart un fléchissement qui semble cohérent avec le ralentissement de la croissance du PIB durant le premier trimestre de 2018 (Graphique 1.1, parties B à D). Dans l’ensemble, la confiance des entreprises semble s’être stabilisée ces derniers mois mais certains indicateurs des échanges, comme les commandes de biens destinés à l’exportation et le trafic portuaire de conteneurs, ont continué à fléchir. Le ralentissement de la croissance du PIB observé sur le premier trimestre de l’année a concerné avant tout les économies avancées, en particulier l’Europe et le Japon. Elle découle en partie de facteurs temporaires, incluant des conditions météorologiques inhabituellement défavorables. Cependant, les préoccupations relatives aux perturbations des échanges mondiaux ont pu engendrer des incertitudes, conduisant les entreprises à repousser temporairement des investissements. L’augmentation des prix du pétrole, en poussant à la hausse l’inflation globale et en ralentissant temporairement la progression des revenus réels des ménages, peut aussi avoir contribué à la modération des dépenses de consommation observée récemment (Graphique 1.1, partie D). Les prévisions ci‑après s’appuient sur l’hypothèse d’une dissipation rapide de ces effets, ne serait‑ce que parce que les politiques macroéconomiques continueront d’accompagner l’activité, mais d’importants risques de révision à la baisse des prévisions demeurent, en particulier si des tensions géopolitiques devaient encore faire monter les prix du pétrole.
Malgré un démarrage lent en 2018 dans certains pays, la croissance du PIB mondial devrait atteindre près de 4 % en 2018 comme en 2019, soutenue par l’affermissement de la croissance aux États‑Unis, en Inde et dans les économies productrices de produits de base (Graphique 1.2). La croissance mondiale devrait pouvoir ainsi renouer avec les taux moyens relevés pendant les deux décennies ayant précédé la crise, bien qu’à la différence notable des expansions précédentes, celle‑ci est étayée par des politiques macroéconomiques extrêmement accommodantes. La croissance par habitant s’améliore désormais dans la majorité des économies de l’OCDE et hors OCDE, et a enfin retrouvé ses niveaux d’avant la crise dans la plupart des cas, mais les déficits de croissance observés pendant les années postérieures à la crise n’ont toujours pas été compensés (Graphique 1.3). D’ici à 2019, les revenus réels par habitant dans l’ensemble des économies de l’OCDE devraient, selon les prévisions, être encore inférieurs de plus de 10 % aux niveaux qu’ils auraient atteints s’ils avaient progressé depuis 2007 au même rythme annuel moyen que celui enregistré pendant les deux décennies antérieures à la crise (Graphique 1.3, partie B).
Dans les économies avancées, les politiques macroéconomiques soutenant l’activité, la forte hausse de l’emploi et la reprise de l’investissement sont autant de facteurs qui contribuent à étayer les perspectives de croissance, avec une hausse du PIB qui devrait approcher en moyenne les 2 ½ pour cent par an sur la période considérée. Aux États‑Unis, l’assouplissement budgétaire contribuera à soutenir l’investissement et la croissance de la production en 2018‑19 mais la législation actuelle prévoit un resserrement budgétaire en 2020 et l’accroissement de la dette publique représentera un nouveau défi sur le moyen terme (Encadré 1.1). Les réductions d’impôts et la hausse des dépenses pourraient, en 2018 comme en 2019, ajouter entre ½ et ¾ de point à la croissance du PIB du pays qui pourrait ainsi avoisiner 3 % pendant ces deux années, ce qui produira des effets d’entraînement positifs sur la demande dans d’autres économies (Encadré 1.1). À l’inverse, une hausse des taux d’intérêt aux États‑Unis et la poursuite de l’appréciation du dollar qui pourrait l’accompagner, sur fond d’accroissement des écarts de taux d’intérêt, serait susceptible d’accentuer les pressions financières dans certains pays, en particulier les économies de marché émergentes. Dans la zone euro, la croissance devrait rester robuste et généralisée et s’établir entre 2 et 2 ¼ pour cent sur la période 2018‑19, le surcroît d’assouplissement budgétaire prévu dans de nombreux pays européens, dont l’Allemagne en 2019, donnant une impulsion qui viendra s’ajouter à celle déjà attribuable à la politique monétaire accommodante et à l’amélioration des marchés du travail. Au Japon, les dépenses supplémentaires annoncées dans le cadre de la rallonge budgétaire récente aideront à soutenir la demande pendant le restant de l’année 2018, mais un resserrement budgétaire est attendu pour 2019.
Encadré 1.1. Évaluation de l’impact de l’évolution de la politique budgétaire des États-Unis
L’adoption d’une vaste réforme fiscale, le US Tax Cuts and Jobs Act, et la décision du Congrès de relever les plafonds de dépense au cours des deux prochaines années, vont entraîner un assouplissement considérable de la politique budgétaire des États-Unis qui devrait représenter environ 1 % du PIB en 2018 comme en 2019. (À titre de comparaison, dans l’édition de novembre 2017 des Perspectives économiques, on prévoyait un assouplissement de l’ordre de 0.5 % du PIB en 2018 et une politique inchangée en 2019). On trouvera dans le présent encadré une évaluation des conséquences de ces mesures budgétaires sur les perspectives de croissance¹.
Les principales mesures fiscales incluent une réduction permanente du taux marginal de l’impôt sur les sociétés, qui est ramené à 21 %, une baisse des taux de l’impôt sur le revenu des personnes physiques qui prendra fin en 2025 et la possibilité d’amortir 100 % de certaines dépenses d’investissement pendant la période 2018‑2022, après quoi ce dispositif sera progressivement supprimé à l’horizon 2026. Ces mesures se traduisent également, pour les États-Unis, par un passage à un système davantage territorial, à l’image de celui en vigueur dans la plupart des grandes économies. Globalement, le coût direct du Tax Cuts and Jobs Act aura pour effet d’accroître le déficit de l’administration fédérale d’environ 0.7 % du PIB en 2018 et d’encore 0.7 % du PIB en 2019, selon des estimations du Congressional Budget Office. Par la suite, l’impact sur le déficit budgétaire annuel devrait s’atténuer et devenir quasi-nul d’ici 2026-27, sur la base de la législation actuelle, ce qui implique un certain resserrement budgétaire au cours de la première moitié de la décennie 2020.
Le nouveau budget sur deux ans voté au début de février prévoit pour 2018 comme 2019 un plafond de dépenses supérieur aux prévisions antérieures. L’abandon supposé de ces dépenses supplémentaires en 2020 ajoute au resserrement budgétaire résultant des hausses d’impôts qui devraient intervenir au cours de la prochaine décennie (conformément au chiffrage ex ante du coût de la loi fiscale).
Dans le scénario modélisé, ces mesures budgétaires ont été prises en compte pour produire les hypothèses suivantes :
Une réduction du taux effectif de l’impôt sur les sociétés de 8 points de pourcentage en 2018 et 7 points de pourcentage en 2019 qui s’amenuise progressivement par la suite. Ces mesures devraient entraîner une baisse des recettes provenant de l’impôt sur les sociétés d’environ 0.5 % du PIB en 2018 et de 0.8 % en 2019, soit un niveau à peu près équivalent à l’impact des modifications collectives en cours dans le système de l’impôt sur les entreprises. Les autres mesures fiscales sont supposées intervenir par le biais de réductions du taux effectif de l’impôt sur le revenu des personnes physiques qui feront baisser les recettes fiscales d’environ 0.6 % du PIB en 2019. Leur effet est supposé se dissiper lentement par la suite.
Le relèvement des plafonds de dépenses aura pour effet, selon les hypothèses, d’accroître la consommation publique de 0.3 % du PIB (par rapport au scénario de référence) en 2018 et de 0.6 % du PIB en 2019.
L’impact à court terme des mesures budgétaires combinées devrait entraîner un relèvement de la croissance du PIB des États-Unis compris entre ½ et ¾ de point de pourcentage en 2018 comme en 2019 (voir graphique). Cette stimulation est attribuable à hauteur d’environ deux tiers à l’impact collectif des modifications de la fiscalité. L’investissement des entreprises augmentera relativement rapidement, à la faveur de la forte baisse, d’environ 10 %, du coût du capital mais aussi de la perspective d’une hausse de la production future. Le coup de pouce à la demande finale aux États-Unis aura également pour effet de stimuler la progression des importations et ajoutera aux tensions sur le marché du travail, avec un taux de chômage qui devrait reculer de ½ point de pourcentage sur la période 2018‑19 et des salaires réels qui devraient être supérieurs d’environ 1 % au niveau du scénario de référence à l’horizon 2019. La forte hausse de la demande contribuera à creuser le déficit courant des États-Unis d’environ ¾ pour cent du PIB en 2019. Dans la mesure où l’amélioration de l’activité à court terme se répercutera sur le solde budgétaire, la hausse globale du déficit sera plus proche de 1½ pour cent du PIB en 2019. La politique monétaire sera durcie à court terme, avec des taux directeurs supérieurs de quelque ¾ de point de pourcentage au scénario de référence en 2019, si bien que le taux de change effectif du dollar des États-Unis devrait s’apprécier.
D’autres pays devraient bénéficier du raffermissement de la demande extérieure aux États-Unis (dans l’hypothèse de politiques commerciales inchangées), en particulier des partenaires commerciaux proches comme le Canada et le Mexique. Cela étant, cet impact sera atténué en partie par la mise en œuvre, dans de nombreux pays, de politiques monétaires nationales un peu plus restrictives que dans le scénario de référence, en raison d’une augmentation plus forte des prix des importations attribuable à une dépréciation des monnaies nationales par rapport au dollar des États-Unis.
La prise en compte, dans l’analyse, de l’hypothèse de comportements d’anticipation a pour conséquence de minorer quelque peu l’effet de stimulation à court terme de la production, dans la mesure où, si les consommateurs anticipent une augmentation future des impôts, ils vont commencer à constituer une épargne pour pouvoir y faire face. Elle est également utile pour apprécier l’ampleur du resserrement de la politique monétaire en 2018-19. Selon un autre scénario dans lequel les consommateurs n’anticipent pas d’augmentation future des impôts, la stimulation de la croissance du PIB en 2018-19 serait un peu plus forte et dépasserait ¾ de point de pourcentage par an en moyenne, toutefois les tensions inflationnistes seraient accrues et le déficit extérieur se creuserait davantage.
À moyen terme, il s’avère difficile d’apprécier et de modéliser l’impact total de la loi fiscale adoptée aux États‑Unis et la mesure dans laquelle ses éventuelles retombées positives seront, ou non, largement partagées (Barro et Furman, 2018). On ne peut dire avec certitude quelles seront les incitations qui apparaîtront suite aux changements opérés et les comportements qu’elles induiront, notamment s’agissant des décisions d’implantation d’investissements et de la mesure avec laquelle les réductions directes de la fiscalité des personnes physiques dont bénéficieront les ménages à haut revenu seront consacrées à la constitution d’une épargne plutôt qu’à des dépenses supplémentaires. La réduction permanente du taux marginal de l’impôt sur les sociétés signifie que le coût réel d’usage du capital sera inférieur à ce qu’il aurait été autrement, ce qui entraînera une augmentation durable du stock de capital productif propre à stimuler l’offre². Tout bien considéré, la production potentielle à l’échelle de l’économie devrait progresser d’environ ¾ pour cent d’ici le milieu de la décennie 2020 dans le scénario pris en compte, et de quelque 1 % à l’horizon 2030. Toutefois, la hausse des taux d’intérêt aura commencé d’ici là à se faire sentir sur les effets à moyen terme, avec un ratio dette publique/PIB qui devrait selon les estimations augmenter d’environ 6‑7 points d’ici le milieu des années 2020, ce qui fera augmenter les primes de risque sur les titres d’État et les taux d’intérêt à long terme.
1. Cette évaluation a été effectuée à l’aide du modèle macroéconomique mondial NiGEM de l’Institut national de recherche économique et sociale (National Institute of Economic and Social Research) du Royaume-Uni. Ce modèle a été mis en œuvre en posant comme principe l’existence d’anticipations, autrement dit dans l’hypothèse où les entreprises et les ménages sont pleinement au fait des évolutions budgétaires futures. On a supposé que la politique monétaire serait endogène dans tous les pays, à l’exception du Japon et de la zone euro, où les taux directeurs ont été maintenus à leur niveau jusqu’en 2020. La règle de solvabilité budgétaire a été utilisée à partir de 2020 pour ramener le ratio déficit/PIB des États-Unis au niveau du scénario de référence d’ici le milieu des années 2020, ce qui implique des hausses progressives du taux d’imposition effectif des revenus des ménages.
2. Des modifications des impôts sur les revenus des ménages pourraient aussi avoir un impact sur les décisions en matière d’offre de travail, mais elles n’ont pas été modélisées ici.
Dans les économies de marché émergentes et les économies en développement, les perspectives de croissance paraissent solides pour 2018 et pour 2019, mais cette prévision masque des évolutions divergentes entre les grandes économies. Après un démarrage vigoureux en 2018, la croissance devrait lentement ralentir en Chine et revenir en dessous de 6 ½ pour cent en 2019. Les politiques macroéconomiques et réglementaires devraient progressivement devenir plus restrictives maintenant que la politique budgétaire est globalement neutre et que les conditions du crédit sont moins expansionnistes ; par ailleurs, la population d’âge actif diminue. En Inde en revanche, la vigueur de la hausse de la demande intérieure devrait conforter la croissance du PIB qui pourrait ressortir à environ 7 ¼ pour cent pour l’exercice 2018 et 7 ½ pour cent pour l’exercice 2019, à la faveur de réformes antérieures qui contribueront à un redémarrage marqué de la hausse de l’investissement privé. Le niveau élevé des dépenses consacrées à l’investissement dans les infrastructures devrait aussi continuer de soutenir la croissance en Indonésie et dans plusieurs économies dynamiques d’Asie sur la période 2018‑19. La croissance devrait également s’affermir dans plusieurs autres économies productrices de matières premières, en particulier le Brésil et l’Afrique du Sud, et l’activité bénéficiera de l’assouplissement de la politique monétaire, des efforts de réforme déjà engagés et de l’amélioration de la confiance. En Russie, la hausse des prix du pétrole et la baisse des taux d’intérêt devraient aussi contribuer à alimenter la croissance en Russie, malgré une politique budgétaire restrictive.
La croissance des échanges mondiaux a progressé, s’établissant à 5 ¼ pour cent en 2017, sous l’effet de la reprise en Europe, du redressement du commerce de biens électroniques en Asie et d’un rééquilibrage de la composition de la demande en faveur de l’investissement. La hausse des importations a été également plus forte dans de nombreuses économies exportatrices de produits de base. Sur la période 2018‑19, la hausse des échanges devrait ralentir, mais rester généralisée, progressant à un rythme compris entre 4 ½ et 4 ¾ pour cent par an en moyenne, dans l’hypothèse où les tensions commerciales ne s’aggravent pas significativement ( Graphique 1.4). À ce rythme, l’intensité des échanges resterait modeste à l’aune des niveaux atteints avant la crise, mais serait très légèrement supérieure au niveau moyen atteint sur la période 2012‑17. Les déséquilibres des comptes courants mondiaux devraient augmenter modérément en 2018‑19, sur fond de creusement du déficit extérieur d’environ ¾ pour cent du PIB aux États‑Unis (en partie dû à l’assouplissement budgétaire en cours) et d’augmentation des déficits dans plusieurs économies de marché émergentes, en particulier celles concernées par une hausse relativement forte de la demande intérieure. Au Japon, dans la zone euro et en Chine, l’excédent courant devrait rester globalement stable en 2018‑19 et s’établir respectivement à environ 4 % du PIB (Japon et zone euro) et 1 ¼ pour cent du PIB (Chine). L’augmentation du prix du pétrole favorisera par ailleurs l’amélioration de la position extérieure des grandes économies productrices de pétrole (dont la Russie).
En 2018‑19, la croissance régulière de l’emploi devrait se poursuivre dans la plupart des économies avancées, avec une progression moyenne d’un peu plus de 1 ¼ pour cent par an du taux d’emploi à l’échelle de l’ensemble de la zone OCDE. Revenu à un niveau inférieur à celui observé avant la crise, le taux de chômage constaté dans la zone OCDE devrait rester orienté à la baisse pour s’établir à 5 % d’ici à la fin 2019, soit le taux le plus bas depuis 1980, inférieur de plus de ½ point de pourcentage au taux de chômage considéré comme viable à long terme. Les enquêtes réalisées auprès des entreprises donnent en outre à penser que les pénuries de main‑d’œuvre commencent à s’amplifier dans quelques grandes économies (Graphique 1.5), plus particulièrement en Allemagne et dans plusieurs économies d’Europe centrale et de l’Est, sous l’effet peut‑être de l’émergence de pénuries de compétences (BEI, 2017).
Certains éléments donnent à penser que les tensions sur les salaires ont commencé à s’accentuer, surtout aux États‑Unis, au Canada, en Allemagne et dans plusieurs économies européennes plus modestes comme la Hongrie, la Pologne et la République tchèque, où l’on observe un resserrement croissant du marché du travail. Au Japon, également touché par des pénuries de main‑d’œuvre particulièrement marquées, la croissance des salaires reste modérée ; néanmoins, elle pourrait être dynamisée par de nouveaux crédits d’impôts réservés aux entreprises qui accorderont des hausses de rémunérations de 3 % ou plus. Au total, dans les économies de l’OCDE, on estime que les salaires réels augmenteront d’environ 0.9 % par an en moyenne en 2018‑19, contre une croissance annuelle de 0.3 % en moyenne sur la période 2014‑17 (Graphique 1.6). Ce redressement est imputable, pour trois‑quarts environ, à une légère accélération de la croissance de la productivité du travail, de telle sorte que l’accélération de l’inflation des coûts unitaires de main‑d’œuvre sera seulement modérée dans de nombreuses économies.
La croissance des salaires reste toutefois inférieure à ce que l’on aurait pu attendre compte tenu du recul du chômage et de la multiplication des signes de pénurie de main‑d’œuvre qualifiée. Il semble donc que les mesures traditionnelles du chômage officiel puissent sous‑estimer l’ampleur du sous‑emploi conjoncturel de la main‑d’œuvre qui subsiste sur les marchés du travail de la zone OCDE, ce qui signifie que, dans certaines économies, la demande de main‑d’œuvre pourrait continuer d’augmenter sans que cela ne génère de tensions importantes sur les salaires.
Si elle varie dans son ampleur entre les différentes grandes économies, la sous‑utilisation des ressources de main‑d’œuvre implique des taux comparativement élevés de travail à temps partiel subi dans certains pays, ainsi qu’une proportion considérable de personnes ayant des liens ténus avec le marché du travail mais qui sont disponibles pour travailler. Ces facteurs, qui semblent relativement déterminants en Europe, jouent un rôle moins important aux États‑Unis et au Japon (Graphique 1.7). On constate également d’importantes variations d’un pays à l’autre en ce qui concerne le taux d’activité des différentes classes d’âge (Graphique 1.8). À l’exception notable des États‑Unis, les taux d’activité sont en hausse dans la plupart des pays, notamment pour les travailleurs plus âgés, ce qui accroît l’offre de main‑d’œuvre disponible. La hausse du taux d’activité tient en partie à l’effet cumulé des réformes déjà engagées sur les marchés du travail en vue de stimuler la création d’emplois, de limiter les voies d’accès à la retraite anticipée et de réduire les obstacles à l’activité des femmes. Dans certains pays européens, les entrées de demandeurs d’asile contribuent aussi, de façon modeste, à l’accroissement de la main‑d’œuvre. La baisse du taux d’activité des travailleurs d’âge très actif (tranche des 25‑54 ans) aux États‑Unis tient en partie à la proportion croissante de personnes ayant des problèmes de santé ou en situation d’invalidité, comme en témoigne le grand nombre de prescriptions d’opioïdes (CEA, 2018). Pour améliorer les perspectives d’emploi et conforter l’expansion actuelle, tous les pays doivent redoubler d’efforts afin de mettre en œuvre des réformes structurelles propres à améliorer les compétences, enrichir l’offre d’emplois disponibles et accroître le taux d’activité.
Le redressement de la croissance de l’emploi et des revenus reste contrasté. Si le taux d’emploi des travailleurs plus âgés (55 ans et plus) a sensiblement progressé ces dernières années, celui des travailleurs d’âge très actif et des jeunes reste dans de nombreux pays équivalent, voire inférieur, au niveau constaté avant la crise. Ces dix dernières années, de nombreux ménages, notamment les plus modestes, ont vu leur revenu disponible réel n’augmenter que très modérément (Graphique 1.9). La faible progression des salaires alimente en outre le mécontentement de la population à l’égard des performances économiques.
Principaux enjeux et risques majeurs
Vers une poussée inflationniste ?
Le renchérissement des produits de base a déjà contribué à une accélération de l’inflation globale dans de nombreuses économies avancées, notamment dans la zone euro, au Japon et aux États‑Unis. Dans le même temps, l’inflation sous‑jacente reste modérée, en partie en raison du rythme très lent de la reprise depuis la crise (Graphique 1.10). Dans les économies de marché émergentes, l’inflation se maintient aussi généralement à un niveau modeste. Pour autant, les tensions inflationnistes s’accentuent dans certains pays, comme l’Argentine, le Mexique et la Turquie (Graphique 1.11).
Les anticipations d’inflation, notamment celles des entreprises, sont reparties à la hausse dans la zone euro et aux États‑Unis (Graphique 1.12). Cette tendance, couplée au renchérissement du pétrole et à la légère augmentation du coût de la main‑d’œuvre (voir plus haut), entraînera une hausse de l’inflation, qui s’établira juste au‑dessus de l’objectif d’inflation aux États‑Unis mais qui restera en‑deçà dans la zone euro et au Japon (Graphique 1.10). Au vu de ce qui s’est produit ces dernières années, il est possible que la contraction du volant de ressources inutilisées dans l’économie n’aboutisse pas immédiatement à une hausse significative de l’inflation : en effet, la corrélation entre inflation et ressources économiques inutilisées semble ténue dans la plupart des économies avancées3.
Des risques de révision à la hausse de l’inflation par rapport aux prévisions, du moins à court terme, sont associés à une possible accélération du renchérissement des produits de base, et notamment du pétrole. Ils seront particulièrement élevés si les préoccupations géopolitiques persistent ou s’accentuent. Durant les dernières semaines, ces préoccupations ont déjà contribué à la hausse des prix du pétrole, qui se sont établis à un niveau supérieur d’environ 10 % à l’hypothèse de 70 USD le baril retenue dans le scénario de référence (voir plus haut). Au cours des dernières décennies, ce sont les variations marquées des prix de l’énergie et des produits alimentaires qui ont provoqué les plus fortes fluctuations en matière d’inflation (Graphique 1.13 ; Choi et al., 2017). Par ailleurs, compte tenu des signes de diminution des capacités inemployées, la hausse des prix de l’énergie et des produits alimentaires pourrait se répercuter de manière encore plus prononcée sur l’inflation globale, avec des retombées sur les prix hors énergie et produits alimentaires. Dans les économies de marché émergentes, en particulier celles qui sont vulnérables (voir ci‑après), l’inflation devrait être plus forte si la dépréciation récente de leurs monnaies persiste4.
La croissance de l’investissement s’est accélérée, tout en restant inférieure aux niveaux observés lors d’expansions antérieures
En 2017, la croissance de l’investissement s’est redressée dans la plupart des économies, grâce à un accroissement de la demande intérieure et mondiale et de la dissipation des contraintes financières. La production de biens d’équipement a progressé l’an dernier et les enquêtes réalisées auprès des entreprises font ressortir une amélioration des intentions d’investissement dans de nombreuses grandes économies (Graphique 1.14), même si les inquiétudes suscitées par le protectionnisme commencent à éroder la confiance dans certains pays5. Néanmoins, la reprise reste plus faible que lors de précédentes phases d’expansion conjoncturelle, et la croissance du stock de capital productif demeure inférieure au rythme d’avant la crise (OCDE, 2017a), ce qui limite les perspectives de croissance de la productivité et de la production potentielle à moyen terme.
Dans les économies avancées, l’investissement des entreprises devrait croître en moyenne à un rythme compris entre 3 ½ et 3 ¾ pour cent par an sur la période 2018‑19. Il devrait être particulièrement robuste aux États‑Unis, avec une progression annuelle moyenne de 5 ½ pour cent sur la période, soutenu par l’effet des réformes fiscales et des conditions financières favorables. Le rythme de croissance dynamique de l’investissement devrait également se maintenir dans de nombreuses économies d’Europe centrale et orientale. Toutefois, pour la médiane de l’OCDE, les dépenses d’investissement en 2018‑19 devraient s’établir à un niveau inférieur d’environ 12 % au niveau nécessaire pour s’assurer que le stock de capital productif net augmente au même rythme annuel moyen qu’au cours de la décennie ayant précédé la crise, ce qui signifie que le taux de dépréciation du capital augmente au fil des ans (OCDE, 2017a). Dans plusieurs économies de marché émergentes, notamment l’Inde, l’Indonésie et la Turquie, l’investissement devrait être dynamique mais l’intensité globale de l’investissement mondial (Chine incluse) ne devrait dépasser que très légèrement les moyennes à long terme (Graphique 1.15).
Les obstacles potentiels à une reprise durable sont de plusieurs ordres : révision à la baisse des anticipations de croissance à long terme, manque de dynamisme des entreprises dans certaines économies, et climat incertain, notamment s’agissant des politiques commerciales mondiales. Les ressources bloquées dans des entreprises non productives (Andrews et al., 2017), ainsi que le ralentissement des efforts de réforme engagés pour éliminer les réglementations qui entravent la concurrence sur les marchés de produits (OCDE, 2018b), limitent aussi les incitations à investir. Pour les entreprises, les seuils de rentabilité des investissements demeurent bien supérieurs au coût du capital ; ils sont restés élevés et n’ont guère fléchi au fil du temps en dépit des fluctuations tendancielles des coûts de financement (OCDE, 2017a). Par conséquent, le taux moyen de rendement avant impôt des biens d’équipement s’est stabilisé, et s’est même redressé dans certains pays, depuis la crise (Graphique 1.16 ; Weale, 2015). Il semble donc que les entreprises ne procèdent pas à tous les investissements marginaux, mais rentables, qu’elles pourraient être incitées à réaliser compte tenu du faible niveau des taux d’intérêt. Parallèlement, les fusions et acquisitions d’entreprises sont nombreuses et représentent des montants importants, particulièrement aux États‑Unis, les ressources étant utilisées pour acquérir des biens d’équipement existants qui appartiennent à d’autres entreprises plutôt que pour augmenter le stock de capital total.
La hausse des taux d’intérêt pourrait faire naître des tensions et mettre au jour des vulnérabilités financières
Si elles demeurent très favorables à la croissance, les conditions financières se sont resserrées dans de nombreux grands pays depuis novembre 2017, date de publication de la précédente édition des Perspectives économiques de l’OCDE. Le relèvement des taux d’intérêt à long terme reflète largement l’amélioration des perspectives économiques, plus prononcée qu’initialement anticipée par les marchés, ce qui a conduit à revoir quelque peu à la hausse les projections d’inflation et à anticiper une nouvelle orientation moins accommodante des politiques monétaires (Graphique 1.17). Dans les principales économies, les cours des actions ont diminué, quittant les niveaux record récemment atteints, tandis que la volatilité des marchés boursiers, restée l’an dernier inhabituellement modérée, s’est accrue, ce qui devrait contribuer à réduire les prises de risques excessives (Graphique 1.18). Les marchés du crédit sont toutefois restés calmes dans l’ensemble, et, malgré une récente évolution à la hausse, les écarts de rendement des obligations émises par les entreprises et les économies de marché émergentes demeurent faibles pour la plupart (Graphique 1.18).
Les incidences directes sur la croissance pourraient être limitées dans la mesure où les évolutions récentes laissent présager un nécessaire ajustement des rendements obligataires, motivé par les anticipations relatives à des politiques monétaires moins accommodantes. Des vulnérabilités importantes continuent cependant de peser sur les perspectives de croissance. Dans certains pays, la faiblesse durable des taux d’intérêt et de la volatilité a incité les entreprises et les ménages à recourir à l’emprunt, de sorte qu’un renchérissement du coût du crédit aura des répercussions pour les plus endettés d’entre eux, notamment ceux qui ont souscrit des emprunts à taux variable. Ce contexte a également favorisé la prise de risques, exposant davantage le système financier mondial aux éventuels changements de perception des agents à mesure que les politiques monétaires se normalisent, comme l’a illustré la correction généralisée observée sur les marchés boursiers au début de l’année 2018 (OCDE, 2017b)6. De nouvelles tensions seraient, en particulier, susceptibles de se manifester en cas de hausse imprévue de l’inflation, qui pourrait conduire les marchés à anticiper de brusques relèvements des taux directeurs. Plus généralement, la normalisation des politiques monétaires pourrait donner lieu à de nouvelles corrections du prix des actifs, puisque certains marchés conservent des valorisations élevées (comme le marché des actions aux États‑Unis ; ceux de l’immobilier en Australie, au Canada, en Nouvelle‑Zélande, en Norvège et en Suède ; et celui des obligations d’entreprises), tandis que les anticipations des marchés concernant les taux directeurs aux États‑Unis demeurent inférieures à la trajectoire probable annoncée par la Réserve fédérale des États‑Unis.
La faiblesse persistante des écarts de risque de crédit et les niveaux élevés de la dette privée et publique soulèvent également des préoccupations relatives à la stabilité financière. En effet, de nombreux pays et secteurs d’activité présentent des niveaux d’endettement supérieurs aux niveaux observés avant la crise (Graphique 1.19 Graphique 1.28). De plus, au cours des dernières années, le secteur privé a procédé à d’importantes émissions obligataires, alors que la qualité des clauses restrictives qui protègent les intérêts des détenteurs d’obligations classées dans la catégorie des investissements à risque élevé s’est dégradée, y compris aux États‑Unis. Un niveau d’endettement élevé pourrait amplifier les conséquences de toute nouvelle correction des prix des actifs et des rendements obligataires, accentuant les risques liés à des défauts de paiement plus nombreux, à un alourdissement du service de la dette et à un repli des dépenses du secteur privé.
Depuis la crise financière mondiale, les banques ont accru leur capacité à résister à des chocs défavorables, de par la mise en œuvre d’une réglementation prudentielle plus rigoureuse, qui prévoit notamment des exigences de fonds propres plus élevées, et sous l’effet d’une amélioration générale de la qualité du crédit. Dans les économies avancées, si le volume des créances douteuses et litigieuses évolue à la baisse, notamment dans les pays les plus fortement touchés par des pertes d’actifs au lendemain de la crise financière (comme l’Italie ou l’Irlande), il reste relativement élevé (Graphique 1.20). Cela étant, durant la dernière décennie, l’offre de crédit a progressé au sein du système bancaire parallèle et des marchés obligataires, transférant certains des risques du système bancaire vers d’autres institutions financières ou intermédiaires de crédit (OCDE, 2017b). Cette évolution ne va pas sans risques, puisque la capacité à absorber les chocs propre aux intermédiaires financiers non bancaires, notamment les fonds d’investissement et des fonds négociés en bourse, en essor rapide, n’a pas été établie.
Les économies de marché émergentes sont également exposées à des vulnérabilités liées au risque d’une brusque détérioration de la confiance des investisseurs à même d’entraîner une perte de valeur des monnaies nationales et des actifs. Certaines de ces économies, en particulier l’Argentine et la Turquie, ont déjà connu d’importantes dépréciations monétaires et des hausses des taux d’intérêt au cours des dernières semaines, mais une correction généralisée sur les marchés, semblable à celles observées lors des épisodes d’affolement provoqués par la sortie progressive de l’assouplissement quantitatif aux États‑Unis en 2013 ou au début de 2016, a été évitée jusqu’à ce jour. De fait, de nombreuses économies de marché émergentes sont aujourd’hui moins vulnérables qu’elles ne l’étaient à la fin des années 90, grâce à la diminution de la dette extérieure, à l’amélioration de certains fondamentaux macroéconomiques nationaux (comme un ralentissement de l’inflation, une baisse de la dette publique ou un assainissement des finances publiques), au renforcement des institutions, à l’adoption de régimes de change assouplis et à l'existence de réserves de change plus conséquentes. Cela étant, quelques économies de marché émergentes restent plus fortement exposées au risque d'un soudain revirement du sentiment des marchés, dans la mesure où elles conservent d’importants déficits budgétaires et courants, tandis que leurs réserves en devises sont limitées et qu’une grande partie de leur dette est libellée en monnaie étrangère (Graphique 1.19 Graphique 1.21). De plus, la progression rapide de la dette privée dans plusieurs économies émergentes durant la dernière décennie, notamment la hausse de la dette des sociétés non financières en Chine, comporte des risques pour la stabilité financière et accentue la vulnérabilité d’ensemble des économies de marché émergentes (Graphique 1.19).
Les préoccupations relatives à la stabilité financière ne sont pas non plus levées en Chine et dans certaines autres économies d’Asie de l’Est, car la hausse rapide des prix de l’immobilier s’est accompagnée d’une progression de l’endettement des promoteurs. Depuis peu, certains grands promoteurs immobiliers ont commencé à délaisser les prêts bancaires traditionnels au profit de titres de dette, souvent libellés en devises7. En Chine, les besoins de refinancement de ces promoteurs iront croissant jusqu’en 2020 (Graphique 1.22). Cette situation, associée à la mise en place de nouvelles règles plus strictes pour l’octroi de prêts, pourrait faire obstacle à un retour rapide vers le crédit bancaire, exposant le secteur immobilier national à des risques élevés en matière de refinancement et de liquidité. Les promoteurs chinois sont en outre exposés aux risques de change, puisqu’une part importante des titres de créance qui arrivent à échéance sont libellés en devises et que le secteur semble recourir relativement peu à la couverture des risques de change8.
Les politiques commerciales prennent une orientation restrictives
L’annonce de nouvelles mesures restrictives en matière commerciale ont déjà affecté la confiance des entreprises dans certains pays (Banque du Canada, 2018). La Chine et les États‑Unis ayant conclu à la mi‑mai un accord‑cadre au titre duquel la Chine accepte d’importer davantage de produits énergétiques et agricoles des États‑Unis, les mesures de restriction des échanges annoncées précédemment par les deux pays ont été mises en attente pendant la négociation d’un accord plus étendu. Cependant, si cet accord ne recevait pas l’aval de l’une ou l’autre des parties, la menace explicite portant sur l’application des mesures de restriction pourrait être suivie d’effets. La mise en œuvre des mesures annoncées antérieurement par les États‑Unis et la Chine pourrait augmenter le total des coûts des échanges pour ces pays d’environ 0.7 % et 0.5 % respectivement. Ces restrictions produiraient ainsi des effets sectoriels et locaux importants qui s’ajouteraient à ceux des nouvelles restrictions appliquées par les États‑Unis aux importations d’acier et d’aluminium, sans toutefois entraîner d’incidences macroéconomiques majeures. Cela étant, la hausse probable des coûts des échanges devrait exercer un effet défavorable sur le niveau de vie des consommateurs et accroître les coûts de production des entreprises. Toute mesure consistant à relever les droits de douane ou à renforcer les obstacles non tarifaires conduirait également à une hausse des prix des produits échangés ou à une baisse des quantités échangées, voire aux deux effets simultanés (OCDE, 2018a)9.
Les mesures prises pour libéraliser davantage les échanges internationaux, dans un contexte de renforcement de l’intégration commerciale associé à un important développement des chaînes de valeur mondiales, pourraient se révéler bénéfiques pour de nombreux pays, y compris pour ceux dont les obstacles douaniers sont déjà relativement peu élevés (voir chapitre 2). Selon un scénario dans lequel les droits de douane sont abaissés, pour tous les secteurs, au niveau le plus bas appliqué dans les économies du G20 (ce qui équivaut, en moyenne pondéré, à une réduction des coûts de 2 % pour toutes les économies), les échanges mondiaux augmenteraient de plus de 3 % sur le moyen terme, conformément aux évaluations réalisées à l’aide du modèle METRO de l’OCDE (Graphique 1.23). La Chine enregistrerait la plus forte hausse des échanges, en cohérence avec le niveau relativement élevé des droits qu’elle applique actuellement, les importations progressant plus fortement que les exportations. En complément des droits de douane, d’autres instruments présentent un potentiel plus élevé encore pour dynamiser les échanges et les revenus, en particulier les mesures visant à réduire les coûts des échanges liés aux mesures non tarifaires et à lever les obstacles aux échanges de services. De telles réformes contribueraient à renforcer la concurrence et permettraient des gains de productivité et de revenu dans les économies considérées, aussi bien dans les secteurs ainsi libéralisés que dans les activités intervenant en aval dans les chaînes de valeur locales et mondiales.
Plus généralement, les pays devraient redoubler d’efforts pour développer les échanges internationaux et accroître leur participation dans les chaînes de valeur mondiales, ce qui reste un moyen efficace d’obtenir des gains de productivité et de niveau de vie, en particulier pour les petits pays (FMI, 2013b ; OCDE, 2013). Cela plaide en faveur du lancement de nouvelles réformes visant à améliorer l’éventail de compétences des travailleurs (voir ci‑après). Les compétences cognitives, les compétences relatives aux technologies de l’information et des communications (TIC), à la gestion et à la communication, ainsi que la volonté d’apprendre, sont toutes corrélées avec les gains de productivité et une plus grande intégration mondiale des différents secteurs d’activité (Grundke et al., 2017a, 2017b).
Les politiques publiques doivent mettre l’accent sur une amélioration durable et inclusive des niveaux de vie
Dans le contexte d’une économie mondiale plus dynamique, l’action publique doit s’attacher prioritairement à soutenir les gains de productivité, à asseoir une croissance plus inclusive et à accroître la résilience face à d’éventuels risques, en particulier aux vulnérabilités financières. Les politiques monétaires de soutien à l’activité peuvent être normalisées progressivement, à mesure que le volant de ressources économiques inutilisées s’amenuise et que les marges permettant un soutien budgétaire se reconstituent (Graphique 1.24). Les choix de politique budgétaire devraient éviter toute orientation procyclique à l’excès, et contribuer à relever les défis structurels auxquels les pays sont confrontés tout en veillant à assurer une plus large répartition des fruits de la croissance, et en consacrant à la constitution d’amortisseurs budgétaires les éventuelles marges de manœuvre dégagées grâce à l’affermissement de la croissance. À la faveur du contexte propice lié au regain de dynamisme de l’économie, les initiatives de réforme structurelle devraient être relancées afin de consolider le redémarrage de la productivité et de l’investissement ainsi que l’amélioration des niveaux de vie. En temps opportun, une mise en œuvre pro‑active de règles prudentielles et de politiques de surveillance est également nécessaire pour limiter l’intensification des risques liés aux vulnérabilités financières, dans les économies avancées comme dans les économies de marché émergentes, en particulier ceux induits par les niveaux d’endettement élevés qui caractérisent certains secteurs économiques ou pays.
Les politiques monétaires suivront des trajectoires divergentes
Dans certaines économies avancées, la normalisation des politiques monétaires s'est pour l’instant déroulée sans heurts. Aux États‑Unis, le relèvement des taux directeurs a été communiqué avec suffisamment d’avance et n’a pas, jusqu'à une date récente, donné lieu à des turbulences sur les marchés de capitaux. Le dollar des États‑Unis a commencé depuis peu à s'apprécier, ce qui est logique au regard de l’accroissement des différentiels de taux d’intérêt, et des tensions sont apparues sur les marchés de capitaux, en particulier concernant les économies de marché émergentes. Néanmoins, la Réserve fédérale américaine a dans l’ensemble amorcé sans heurts la réduction de la taille de son bilan, tandis que les achats d'actifs de la BCE ont considérablement ralenti (Graphique 1.25)10.
La normalisation progressive des politiques monétaires doit être poursuivie dans la plupart des grandes économies avancées, mais en suivant des modalités diverses puisque les perspectives de croissance et les prévisions d’inflation diffèrent elles‑mêmes d’un pays à l’autre, et, dans le cas de la zone euro et du Japon, en conservant une orientation très accommodante (Graphique 1.26).
Aux États‑Unis, la Réserve fédérale devrait poursuivre son programme actuel de relèvement graduel des taux directeurs et de réduction de son bilan, en particulier compte tenu des niveaux plus élevés de croissance et d’inflation liés aux mesures de relance budgétaire en 2018 et 2019, en établissant la limite supérieure de la fourchette cible du taux des fonds fédéraux à 3 ¼ pour cent d’ici la fin de 2019.
Dans la zone euro, une hausse de l’inflation effective et anticipée permettrait à la BCE de mettre fin à ses achats d’actifs, probablement d’ici la fin de 2018, puis d’enclencher l’abandon – là encore, par étapes – de sa politique de taux d’intérêt négatifs au cours du deuxième semestre de 2019.
Au Japon, où l’inflation sous‑jacente comme les anticipations d’inflation demeurent faibles, les mesures de relance actuelles devraient être prorogées afin d’atteindre la cible d’inflation définie. Il conviendrait toutefois de réexaminer cette stratégie si la cible d’inflation n’était pas atteinte pendant une période prolongée ou en cas de difficultés pour assurer le contrôle de la courbe des rendements à long terme.
Dans la plupart des économies, un léger surcroît d’inflation par rapport aux prévisions ne devrait pas justifier de brusque relèvement des taux directeurs, y compris en cas de dépassement marginal des objectifs à moyen terme. Dans ce contexte, pour limiter autant que possible les turbulences sur les marchés de capitaux, il est indispensable de maintenir une communication claire sur la trajectoire de normalisation des politiques monétaires.
Le fait que les niveaux d’inflation soient restés longtemps inférieurs aux cibles retenues malgré l’ampleur des mesures de relance monétaire mises en œuvre, et alors même que la croissance se raffermissait et que le chômage refluait, amène à s’interroger sur la pertinence des stratégies actuelles de ciblage de l’inflation. En effet, plusieurs approches alternatives pourraient être envisagées (Encadré 1.2). Si aucune d’entre elles n’est exempte de faiblesses, et s’il reste à déterminer les améliorations significatives qu’elles pourraient apporter par comparaison avec les approches de ciblage utilisées à ce jour, un réexamen régulier des méthodes suivies pour définir les cibles de l’inflation serait un exercice utile.
Encadré 1.2. Les cadres de ciblage de l’inflation : modifications possibles et approches alternatives
S’ils diffèrent dans le détail et dans leurs modalités de mise en œuvre, les cadres de politique monétaire utilisés par les banques centrales des économies avancées reposent pour l’essentiel sur des cibles d’inflation à moyen terme égales à 2 %. Au cours des dernières années, en dépit de l’orientation exceptionnellement accommodante des politiques monétaires, l’inflation s’est durablement inscrite en dessous des objectifs définis, tandis que la croissance restait faible, de sorte que différents aménagements ou solutions alternatives aux stratégies actuelles de ciblage de l’inflation ont pu être proposés dans l’objectif de renforcer l’efficacité et la crédibilité de la politique monétaire. Cet encadré décrit brièvement les avantages et inconvénients de certaines de ces propositions, en examinant leur robustesse au regard de différentes hypothèses relatives à la formation des anticipations et aux mécanismes de transmission de la politique monétaire.
Relèvement de la cible d’inflation
Le relèvement des objectifs d’inflation a été proposé comme un moyen d’accroître l’inflation en induisant une hausse des anticipations inflationnistes et, en fin de compte, de l’inflation observée elle-même (Blanchard et al., 2010 ; Ball, 2014 ; Baker et al., 2017). Cette approche s’appuie sur des modèles théoriques qui retiennent l’hypothèse de la crédibilité de la politique monétaire, et selon lesquels l’inflation est avant tout déterminée par les attentes prospectives que les agents forment à son égard.
On estime que des cibles d’inflation plus élevées, lorsqu’elles parviennent à accroître l’inflation réelle, réduisent les probabilités d’atteindre le plancher constitué par des taux d’intérêt nominaux nuls, et réduisent alors les coûts économiques potentiellement importants des épisodes de stagnation1. Cette approche permet de relever les taux d’intérêt nominaux, en particulier lorsque l’on considère que les taux d’intérêt neutres ont diminué. En effet, les coûts économiques liés aux taux d’intérêt nominaux ramenés à leur valeur plancher de zéro peuvent, en théorie, être atténués par l’adoption de mesures non conventionnelles (comme l’assouplissement quantitatif, les indications prospectives, les taux d’intérêt négatifs ou le contrôle de la courbe de rendements), mais l’efficacité d’ensemble de telles mesures reste une question controversée, en raison notamment de leurs possibles conséquences non souhaitées.
En tout état de cause, un relèvement de l’objectif d’inflation et une hausse de l’inflation réelle peuvent également avoir des coûts économiques, même s’il est difficile d’évaluer le niveau d’inflation au-delà duquel les coûts commencent à l’emporter sur les avantages. En effet, lorsque l’inflation est plus élevée, elle tend aussi à être plus volatile, ce qui tire à la hausse les primes de risque et les coûts de financement réels des entreprises et des ménages et exerce une pression sur l’activité économique. Par ailleurs, une inflation plus forte peut être mal perçue par le public, d’autant qu’elle peut être à l’origine d’effets redistributifs défavorables (Romer et Romer, 1998 ; Easterly et al., 2000). En outre, si les agents estiment qu’une banque centrale ayant déjà modifié son objectif d’inflation est susceptible d’en changer à nouveau, on pourra observer un désancrage des anticipations inflationnistes à même de saper l’efficacité du cadre de ciblage.
Si des objectifs d’inflation faible ont contribué à réduire l’inflation dans les années 90 (et à la stabiliser par la suite), il n’est pas certain pour autant que la réciproque soit vraie. Les difficultés qui peuvent alors surgir sont illustrées par l’exemple du Japon, qui a relevé son objectif d’inflation de 1 % à 2 % en 2013 et a procédé à un assouplissement quantitatif et qualitatif de sa politique monétaire de grande ampleur, à l’issue d’une longue période d’inflation très modeste. En dépit de leur hausse, les taux observés et anticipés de l’inflation restent en-dessous de la cible, et il semble que les anticipations inflationnistes s’appuient sur une vision rétrospective.
Ciblage d’un niveau de prix
Selon les régimes de ciblage d’un niveau de prix, une période de baisse de l’inflation devrait être suivie d’une période de hausse qui vienne neutraliser les effets en termes de variation des prix. Dans le contexte actuel, ces stratégies reviendraient à s’engager à fixer temporairement un objectif d’inflation plus élevé, sans pour autant subir les coûts liés à une inflation supérieure, dès lors que le taux moyen d’inflation reste inchangé. Même si elle ne s’est pas engagée sur un niveau de prix donné, on peut considérer que la Banque du Japon a adopté une stratégie de cet ordre lorsqu’elle s’est engagée, en septembre 2016, à dépasser l’objectif d’inflation. Comme dans le cas du relèvement de la cible d’inflation, l’efficacité d’un tel cadre dépend de la capacité d’une banque centrale à influer sur les niveaux anticipés et effectifs de l’inflation. Lorsque celle-ci est en mesure de le faire, cette approche permet de renforcer les anticipations d’inflation et d’éviter que les taux nominaux n’atteignent le plancher du taux nul. À l’inverse, si la banque centrale ne dispose pas de cette influence, ou si l’économie subit des chocs positifs persistants du côté de l’offre, cette stratégie peut conduire à prolonger une politique monétaire très accommodante ce qui peut soulever des risques pour la stabilité financière future2.
Application symétrique des cibles d’inflation
Une variante moins stricte du ciblage d’un niveau de prix est l’engagement de la banque centrale à conduire une politique monétaire symétrique de part et d’autre de son objectif d’inflation. Si les principales banques centrales ont défini des objectifs symétriques sur le moyen terme, certaines d’entre elles sont considérées comme appliquant leur politique monétaire selon un biais, cherchant à maintenir l’inflation à un niveau proche, mais inférieur, à leurs objectifs (Evans, 2017). Un tel biais pourrait alors affecter leur capacité à relever les anticipations inflationnistes et, partant, à atteindre la cible. Cette préoccupation a probablement incité la Réserve fédérale des États-Unis et la BCE à insister, dans leurs communications, sur la nature symétrique de leur objectif d’inflation3. Dans le contexte actuel, les banques centrales qui ont adopté une cible symétrique devraient tolérer un dépassement de l’objectif après une période d’inflation inférieure à la cible. Elles pourraient ainsi accroître quelque peu leur capacité à relever les anticipations d’inflation sans encourir les désavantages propres à l’application d’un objectif de niveau de prix.
Ciblage du niveau du PIB nominal
Lorsqu’il est efficace, un régime de ciblage du niveau du PIB nominal offre les avantages du ciblage d’un niveau de prix sans encourir les risques d’une réaction excessive des banques centrales en cas de chocs sur l’offre (Bean, 2013). Dans son esprit, il s’apparente au double mandat de la Réserve fédérale américaine4. Il est en principe efficace lorsque le maintien de la stabilité des prix à court terme ne suffit pas à assurer une croissance stable de l’économie sur le moyen et le long terme. Cependant, le ciblage du niveau du PIB nominal n’est pas exempt des inconvénients décrits ci-dessus, et sa mise en œuvre soulève des difficultés, le contrôle du niveau du PIB nominal étant plus complexe que celui de l’inflation. En outre, les données relatives au PIB font fréquemment l’objet de révisions non négligeables et ne sont pas disponibles suivant une fréquence élevée.
Cible d’inflation définie par une fourchette
L’adoption d’une fourchette de taux comme objectif d’inflation, telle que celle utilisée par la Banque de réserve d’Australie depuis le début des années 90, avec une limite supérieure établie au-dessus de 2 %, présenterait dans le contexte actuel des similitudes avec les approches décrites ci-dessus. La ressemblance est notamment forte avec l’application symétrique des cibles d’inflation, lorsqu’il est précisé qu’un dépassement de l’objectif peut être accepté. Il existe néanmoins une différence de taille, puisque ce cadre accorde aux autorités monétaires une plus grande latitude dans leurs actions, et rend, de ce fait, moins tangible leur engagement en matière de politique monétaire à venir. Cette approche repose sur le constat que les autorités monétaires n’ont qu’une capacité limitée à prédire l’inflation et à contrôler les niveaux anticipés et effectifs de l’inflation (Andersson et Jonung, 2017)5.
Elle offre aux banques centrales une plus grande souplesse dans la conduite de leur politique monétaire, en particulier lorsque la durée et l’ampleur des chocs idiosyncratiques sont incertaines, ou lorsqu’une réorientation de la politique monétaire pourrait accentuer les risques entourant la stabilité financière. En effet, aucune action des autorités n’est requise lorsque les prévisions tablent sur un maintien de l’inflation à l’intérieur de la fourchette, celles-ci n’intervenant que lorsque l’inflation semble en passe d’en sortir. Si la fourchette de taux retenue est suffisamment étroite et basse, elle peut rester compatible avec l’objectif de stabilité des prix sans entraîner d’effets négatifs sur le bien-être, autorisant une politique monétaire moins active. Cette approche peut donc réduire les risques de voir les taux nominaux approcher de la limite du taux zéro, dans la mesure où les banques centrales, en intervenant moins fréquemment, garderaient intacte leur force de frappe. Ce régime peut également renforcer la crédibilité des banques centrales, puisqu’il est plus probable que l’inflation se maintienne à l’intérieur d’une fourchette qu’à un taux précis retenu comme objectif. Un autre argument en faveur de cette approche est le faible impact des écarts de chômage sur l’inflation, or s’efforcer de stabiliser l’inflation à un niveau donné peut supposer une variation importante de l’écart de chômage (Blanchard et al., 2015).
Concernant les inconvénients potentiels, le ciblage de l’inflation au moyen d’une fourchette peut réduire l’influence des banques centrales sur les anticipations inflationnistes, notamment en rendant moins lisible la fonction de réaction des banques centrales. En effet, il est parfois plus simple de communiquer sur un taux d’inflation cible, qui peut en outre se révéler plus efficace pour influer sur les anticipations des ménages et des entreprises. Néanmoins, dans la pratique, des écarts même marginaux par rapport au taux retenu comme cible tendent à être perçus comme un échec de la politique monétaire et à susciter des attentes quant à une réaction des autorités monétaires.
1. Kiley et Roberts (2017) estiment qu’aux États-Unis, ramener le taux d’intérêt nominal neutre de 5 % à 3 % relèverait la probabilité de voir les taux nominaux ramenés au plancher du taux nul de 3.2 % à 17.4 %, ou de 5.1 % à 31.7 %, suivant le modèle utilisé. De même, concernant l’économie canadienne, Dorich et al. (2018) estiment qu’une diminution du taux d’intérêt nominal neutre augmenterait d’environ 2 % à environ 12 % le risque que les autorités monétaires se heurtent ainsi au plancher des taux d’intérêt nominaux. Ball (2014) estime que si la Réserve fédérale avait évité le plancher constitué par des taux d’intérêt nominaux nuls en fixant la cible d’inflation à 4 % au cours des années 2000, la production réelle des États-Unis aurait été supérieure de 16.4 % cumulativement durant la période 2010-13, en précisant toutefois que ce calcul ne tient pas compte des possibles conséquences négatives d’une inflation plus élevée en temps normal. Enfin, selon Kiley et Roberts (2017), dans le cas d’un taux d’intérêt nominal neutre égal à 3 %, la production américaine serait en moyenne de 1.3 point de pourcentage au-dessous du potentiel, contre 0.1 point de pourcentage au-dessous du potentiel dans l’hypothèse d’un taux d’intérêt nominal neutre de 5 %.
2. Réciproquement, ce régime pourrait conduire les banques centrales à réagir de manière excessive aux chocs négatifs sur l’offre, lorsque des niveaux d’inflation plus élevés coïncident avec un ralentissement de l’activité économique, en opérant un brusque resserrement de la politique monétaire destiné à compenser cette hausse de l’inflation.
3. La Réserve fédérale des États-Unis souligne la nature symétrique de son objectif d’inflation dans les communiqués publiés par le FOMC depuis mars 2017. La BCE, qui poursuit l’objectif d’un taux d’inflation légèrement inférieur à 2 % à moyen terme, a indiqué qu’elle conduirait sa politique monétaire de manière symétrique (Draghi, 2016).
4. De même, les statuts de la Banque du Japon prévoient que sa politique monétaire doit avoir pour objectif d’assurer la stabilité des prix, contribuant ainsi au développement sain de l’économie nationale .
5. En septembre 2017, la Banque de Suède a adopté une plage de variation de l’inflation de 1 à 3 %, en précisant qu’elle s’efforcerait d’atteindre un objectif de 2 %, que l’inflation se situe à l’intérieur ou à l’extérieur de la plage de variation définie. Cette mesure avait pour objectif de communiquer plus clairement sur le fait qu’il était normal d’observer des variations mensuelles de l’inflation, qui n’avait pas vocation à reste égale à 2 % constamment.
Parmi les grandes économies de marché émergentes qui devraient voir leur inflation diminuer, certaines disposent de marges autorisant un assouplissement de la politique monétaire, comme l’Afrique du Sud et le Mexique ; la Russie sera dans le même cas si le taux de change du rouble se stabilise. Un resserrement de la politique monétaire pourrait s’avérer nécessaire au Brésil, en Inde, en Indonésie et en Turquie à l’horizon de deux ans pour faire face à des taux d’inflation élevés ou croissants. En Chine, l’inflation devrait rester stable, et la politique monétaire devrait viser à faire face aux risques liés à la stabilité financière, en particulier la dette élevée des entreprises.
La probable poursuite de la divergence entre les taux directeurs en vigueur dans les principales économies au cours des deux prochaines années fait naître des risques d’effets de contagion par l’intermédiaire des taux de change et des taux d’intérêt. Compte tenu de l’importance pour les marchés mondiaux de capitaux de l’évolution de la situation financière aux États‑Unis et dans d’autres grandes économies, tout resserrement plus brusque qu’escompté des politiques monétaires donne lieu à des risques de réévaluation sur d’autres marchés d’actifs et de volatilité accrue des flux de capitaux. Comme mentionné au chapitre 2, les conditions financières qui prévalent aux États‑Unis ont des répercussions particulièrement fortes compte tenu de la prédominance du dollar américain dans les échanges commerciaux et financiers internationaux. Pour de nombreuses économies émergentes, une appréciation du dollar des États‑Unis renchérit également le coût du service de la dette extérieure libellée dans cette monnaie. Parallèlement, pour nombre de pays, cette appréciation améliorerait également le ratio entre avoirs extérieurs nets et PIB, hormis dans le cas de la Turquie et de quelques autres grandes économies émergentes, tout en produisant l’effet inverse aux États‑Unis. Enfin, un éventuel affaiblissement de leur monnaie nationale pourrait amener certains pays à accélérer le rythme de leur resserrement monétaire.
Les politiques budgétaires devraient être axées sur les défis de moyen terme
Les mesures de soutien budgétaire mises en œuvre par plusieurs pays durant les deux dernières années, conformément aux recommandations de l’OCDE, ont contribué à dynamiser l’activité économique après des années de croissance mondiale inférieure à la normale. L’orientation de la politique budgétaire sera assouplie dans à peu près les trois quarts des économies de l’OCDE en 2018 et en 2019 (Graphique 1.27) et le solde primaire sous‑jacent de l’économie médiane se contractera d’environ ¾ pour cent du PIB. C’est aux États‑Unis et dans plusieurs petits pays d’Europe que l’on prévoit la plus forte expansion budgétaire cumulée. Malgré un recours généralisé à la relance budgétaire, la dette publique brute rapportée au PIB devrait reculer dans la majorité des pays de l’OCDE à la faveur d’une croissance plus soutenue du PIB et, dans nombre de ces pays, d’une amélioration cyclique des soldes budgétaires de base venant souvent contrebalancer l’assouplissement budgétaire. De plus, en dépit de la hausse des taux d’intérêt du marché, les paiements nets d’intérêt rapportés au PIB devraient selon les prévisions continuer de baisser ou rester constants puisque les titres de dette ont été émis à des taux d’intérêt très bas ces dernières années. Du côté des grandes économies de marché émergentes, la politique budgétaire devient globalement neutre en Chine tandis que dans beaucoup d’autres pays, elle subit un léger durcissement.
Compte tenu du caractère généralisé de la reprise, il importe d’éviter que la politique budgétaire ne soit trop procyclique et de veiller à ce qu’elle soit axée sur les enjeux à moyen terme. Il est encore possible d’utiliser la politique budgétaire pour améliorer les perspectives d’instauration d’une croissance solide et plus inclusive à moyen terme, mais il convient aussi de mettre à profit toute occasion suscitée par l’affermissement de la croissance à court terme pour constituer des marges de manœuvre budgétaires pour le futur. La dette et les déficits publics restent élevés et sont même, dans plusieurs pays, supérieurs à ce qu’ils étaient avant la crise financière mondiale, ce qui limite les possibilités d’actionner les leviers de l’action publique en cas de récession future (Graphique 1.28). Les dépenses et les mesures relevant de la politique fiscale doivent être bien ciblées, permettre d’intensifier les incitations à investir et à participer au marché du travail, et garantir que les augmentations de revenu et de niveau de vie soient plus largement partagées. Le redressement de la croissance potentielle peut grandement contribuer à la viabilité des finances publiques en favorisant un repli de la dette publique rapportée au PIB.
En matière de politiques structurelles, les ambitions doivent être revues à la hausse pour instaurer une croissance inclusive plus vigoureuse à moyen terme
La nette amélioration des perspectives économiques offre une fenêtre d’opportunité pour mettre en œuvre des réformes plus ambitieuses en matière de politiques structurelles. Les avantages procurés par les réformes peuvent en effet être perçus plus rapidement lorsque la demande et les créations d’emplois sont dynamiques qu’en période de crise où la mise en œuvre de réformes, comme on l’a souvent fait dans le passé, présente davantage de risques d’alourdir les coûts immédiats. Il faut que les économies de marché avancées et émergentes intensifient leurs efforts de réforme pour améliorer les perspectives à moyen terme en matière d’investissement, d’échanges et de productivité, et pour faire en sorte que la reprise produise des avantages bénéficiant à tous. Néanmoins, comme le soulignent les auteurs de l’édition 2018 d’Objectif croissance, un ralentissement des efforts de réforme structurelle a été observé dans les économies de marché avancées et émergentes, notamment en 2017, en dépit d’initiatives d’envergure engagées dans certains pays du G20 comme l’Italie, la France, le Japon, l’Inde et l’Argentine (OCDE, 2018b ; Graphique 1.29). Poursuivre dans cette voie, pour des résultats timides en termes de productivité et de salaires, expose à un risque accru de décrochage plus prononcé de la progression du niveau de vie par rapport aux résultats antérieurs et, partant, à une nouvelle perte de confiance dans les capacités des responsables de l’action publique. Un renoncement généralisé à l’ouverture des marchés et à des normes et des cadres multilatéraux communs serait également préjudiciable à la prospérité.
Des réformes plus vigoureuses s’imposent pour favoriser la dynamique des entreprises et la diffusion des connaissances, améliorer l’acquisition des compétences et développer les capacités d’innovation, et aider la population active à tirer profit de l’évolution rapide des marchés du travail. Il est primordial d’adopter des stratégies de réforme cohérentes pour tirer parti des synergies entre les grandes catégories de réformes, gérer les arbitrages à opérer et s’assurer que les avantages découlant des réformes seront avec le temps largement partagés. On peut faire davantage pour mettre à profit les possibilités qui s’offrent d’associer des mesures destinées à stimuler la concurrence, que ce soit en agissant sur les marchés intérieurs de produits ou en levant les obstacles au commerce et à l’investissement internationaux, à des réformes du travail ciblées visant à aider les travailleurs à évoluer vers de nouveaux emplois et à acquérir de nouvelles compétences (Encadré 1.3). Une amélioration de l’acquisition des compétences permettrait également d’accroître les retombées positives des mesures prises pour favoriser le développement de l’investissement dans les infrastructures numériques qui est indispensable si l’on veut que les travailleurs, les ménages et les entreprises puissent bénéficier des possibilités offertes par la transformation numérique en cours11. D’autres réformes indispensables pour éclaircir l’horizon, consistant notamment à améliorer l’intégration sur le marché du travail de groupes sous‑représentés, offrent également plus de chances d’avoir des retombées bénéfiques durables si elles sont entreprises pendant une phase de croissance riche en emplois. Une meilleure redistribution obtenue grâce aux politiques de transferts et de prélèvements mises en œuvre doit également faire partie d’un ensemble de mesures bien conçu pour valoriser le travail, procurer un soutien aux groupes vulnérables et contribuer à doper l’expansion du revenu réel des ménages les plus pauvres.
Encadré 1.3. Réformes visant à améliorer le niveau de formation et l’acquisition des compétences
Les réformes conçues pour améliorer le niveau de formation et l’acquisition des compétences représentent 1/5e environ de l’ensemble des recommandations de réforme formulées par l'OCDE dans l’édition 2018 de son rapport Objectif croissance. Ces réformes sont particulièrement importantes pour faire face aux signes de plus en plus nombreux de pénurie de main-d’œuvre qualifiée observés dans de nombreuses économies (voir corps du texte), ainsi que pour renforcer le capital humain et améliorer les perspectives de croissance à moyen terme. En aidant les travailleurs d’aujourd’hui et de demain à acquérir de nouvelles compétences ou à améliorer celles qu’ils possèdent déjà, il sera aussi possible d’atténuer l’impact d’une intégration mondiale de plus en plus poussée sur les travailleurs et les régions vulnérables (chapitre 2) et de permettre à tous les individus de se doter des compétences (cognitives et non cognitives) nécessaires pour maîtriser les nouvelles technologies numériques et d’en tirer avantage.
Pour autant, les progrès constatés dernièrement dans la mise en œuvre de nouvelles réformes dans ce domaine sont modestes (voir graphique ci-dessous). Des mesures supplémentaires pourraient être prises dans certains secteurs clés afin de pallier les pénuries de compétences actuelles : il conviendrait notamment de renforcer l’aide fournie aux immigrés afin qu’ils puissent participer pleinement au marché du travail (surtout en Europe), de développer la formation professionnelle et l’apprentissage et de faciliter la formation continue, et de faire en sorte que les programmes universitaires et les formations soient davantage en adéquation avec les besoins du marché du travail. Les réformes ciblées sur l’enseignement primaire et secondaire sont essentielles pour contribuer à améliorer les perspectives de croissance à moyen et à long terme. Pour nombre de pays avancés et d’économies de marché émergentes, les principaux défis à relever à cet égard consistent à améliorer la qualité des pratiques et des systèmes d’incitations dans l’enseignement, à renforcer le soutien apporté aux établissements et aux élèves défavorisés, et (dans les économies émergentes) à engager des réformes pour augmenter le taux de scolarisation.
Dans les économies avancées, les perspectives de croissance modeste à moyen terme renvoient en outre à la nécessité généralisée de redoubler d’efforts pour mettre en œuvre des réglementations plus favorables à la concurrence, y compris par le biais de la politique commerciale, de façon à renforcer les incitations à investir et à favoriser la diffusion des innovations entre les entreprises situées à la frontière et le reste de l’économie. L’adoption de régimes de faillite plus propices à la réaffectation des ressources permettrait de dégager des financements accaparés par des entreprises lourdement endettées qui affichent une faible productivité au profit d’entreprises plus productives, dont la capacité à attirer de nouveaux capitaux se trouverait dès lors accrue. Les progrès accomplis dans la mise en application d’autres réformes ayant pour but de stimuler la croissance et d’ouvrir de nouvelles possibilités, notamment en renforçant l’efficacité de la structure de la fiscalité et l’acquisition de compétences, ont été particulièrement lents.
Il est également essentiel de raviver le dynamisme de l’activité dans les économies de marché émergentes pour accroître la probabilité d’une convergence plus poussée des niveaux de vie entre les économies. De meilleurs résultats pourraient être obtenus si l’on abaissait les obstacles au commerce extérieur, à l’investissement et à l’entrée des entreprises sur le marché. Il conviendrait d’éliminer les goulots d’étranglement structurels, d’intensifier les investissements publics dans les infrastructures et le capital humain et de renforcer la résilience par le traitement des vulnérabilités financières potentielles pour contribuer à donner un nouvel élan aux investissements à long terme. La croissance pourrait également devenir plus inclusive si l’on améliorait l’éducation et si l’on s’attaquait au travail informel.
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Annexe A.1. Hypothèses de politique économique et autres hypothèses sous-tendant les prévisions
Les hypothèses concernant les paramètres des politiques budgétaires pour 2018 et 2019 sont fondées autant que possible sur les mesures concernant la fiscalité et les dépenses qui ont été adoptées par les parlements, et concordent avec les prévisions concernant la croissance, l'inflation et les salaires. Lorsque des projets ont été annoncés par les gouvernements sans avoir été adoptés par le pouvoir législatif, il en est tenu compte s'il paraît clair qu'ils seront mis en œuvre sous une forme proche de celle annoncée. Lorsqu'on ne dispose pas d'informations suffisantes pour déterminer quels seront les résultats budgétaires, on présume que les soldes primaires sous‑jacents resteront inchangés, ce qui suppose l'absence de modification discrétionnaire de l'orientation de la politique budgétaire ; pour les pays de la zone euro, les objectifs indiqués dans les Programmes de stabilité sont également pris en compte. Au Japon, on table sur une hausse de la taxe sur la consommation au quatrième trimestre de 2019.
S'agissant de la politique monétaire, les hypothèses relatives au profil d'évolution des taux d'intérêt directeurs représentent le résultat le plus probable, sur la base des prévisions de l'OCDE concernant l'activité économique et l'inflation, ces prévisions pouvant être différentes de la trajectoire indiquée par les autorités monétaires.
Aux États‑Unis, on suppose que la limite supérieure de la fourchette retenue comme objectif pour le taux des Fonds fédéraux sera progressivement relevée de 1.75 % aujourd'hui à 3.25 % en décembre 2019.
Au Japon, il est présumé que le taux de rémunération des dépôts sera maintenu à ‑0.1 % pendant toute la période considérée.
Dans la zone euro, on pose l'hypothèse que le taux des opérations principales de refinancement sera maintenu à 0 % jusqu'à la fin de 2019 et que le taux négatif de la facilité de dépôt sera relevé de 0.25 point de pourcentage au second semestre de 2019.
En Chine, on présume que la politique monétaire sera neutre, les autorités adoptant un biais restrictif au regard des risques qui pèsent sur la stabilité financière.
Dans le cas de l'Inde, on pose l'hypothèse que le taux des prises en pension sera porté de son niveau actuel de 6 % à 6.25 % en 2018, puis qu'il restera constant.
Au Brésil, il est supposé que le taux directeur sera maintenu à son niveau actuel jusqu’au premier trimestre de 2019, puis progressivement relevé à 7.5 % d'ici à la fin de 2019.
Bien que leur impact soit difficile à évaluer, on pose l'hypothèse que les mesures suivantes d'assouplissement quantitatif seront prises au cours de la période considérée, avec un effet implicite sur les taux d'intérêt à long terme. Aux États‑Unis, on suppose que la Réserve fédérale réduira son stock d'actifs, comme elle l'a annoncé. Au Japon, il est présumé que la banque centrale poursuivra ses achats d'actifs et sa politique de contrôle de la courbe des rendements jusqu'à la fin de 2019, et que le rendement des obligations d'État à 10 ans sera maintenu en conséquence à 0 %. Dans la zone euro, on pose l'hypothèse que la Banque centrale européenne (BCE) réduira progressivement ses achats d'actifs en 2018, et que les taux d'intérêt à long terme resteront donc relativement constants jusqu'à la fin de 2018.
Seules sont prises en compte les réformes structurelles déjà mises en œuvre ou annoncées pour la période considérée. On suppose qu'aucune autre réforme ne sera mise en œuvre.
Les prévisions reposent sur l'hypothèse que les taux de change resteront aux niveaux observés à la date du 26 avril 2018, où le dollar des États‑Unis valait 109.3 JPY, 0.83 EUR (ce qui signifie que l'euro valait 1.21 USD) et 6.33 CNY.
Il est supposé que le cours du baril de pétrole brut de référence Brent restera constant à 70 USD pendant toute la période considérée. On pose comme hypothèse que les prix des produits de base non pétroliers resteront également inchangés au cours de la période considérée, à leurs niveaux moyens d’avril 2018.
Les prévisions relatives au Royaume‑Uni reposent sur l'hypothèse que ses échanges commerciaux ne seront guère perturbés en 2019, compte tenu de l'accord de transition conclu entre le Royaume‑Uni et l'Union européenne (UE).
Ces prévisions ont été établies à partir d'informations collectées jusqu'à la date du 25 mai 2018.
Notes
← 1. Selon les estimations de la Banque de réserve fédérale de New York, ces récentes hausses résultent en grande partie des restrictions pesant sur l’offre et des différents facteurs de risque. Chacun de ces facteurs expliquerait en effet deux cinquièmes environ de la progression cumulée du cours du Brent depuis début janvier, tandis que l’accroissement de la demande serait à l’origine d’environ un cinquième de cette hausse (Banque de réserve fédérale de New York, 2018).
← 2. En prenant pour référence le volume de la production mondiale de 2017 et le prix moyen du baril calculé pour 2017, une hausse des prix du pétrole qui porterait le baril à 80 USD correspondrait à un transfert ex ante des consommateurs aux producteurs de l’ordre d’environ 900 milliards USD (soit 1 % du PIB mondial en dollars des États-Unis courants).
← 3. Les cadres empiriques standards (c’est-à-dire les modèles fondés sur la courbe de Phillips) utilisés pour évaluer l’inflation n’ont pas toujours un très bon pouvoir explicatif et ne sont pas très robustes (Stock et Watson, 2010). Dans les économies avancées, la courbe de Phillips s’est aplatie à compter du milieu des années 70 jusqu’au début des années 90, pour se stabiliser ensuite (FMI, 2013a ; Rusticelli, 2014 ; Rusticelli et al., 2015 ; Blanchard et al., 2015). Toutefois, certaines données récentes laissent entrevoir une légère accentuation de la pente de la courbe de Phillips dans la zone euro (Giannone et al., 2014 ; Riggi et Venditti, 2015 ; Ciccarelli et Osbat, 2017). Par ailleurs, la corrélation entre croissance des salaires nominaux et chômage semble se renforcer dans certains pays européens (Bulligan et Viviano, 2017). Aux États-Unis, cette corrélation devrait s’intensifier parallèlement à la reprise, sa faiblesse récente ayant été semble-t-il causée pour l’essentiel par des facteurs conjoncturels (Leduc et Wilson, 2017).
← 4. Les prévisions d’inflation sont fondées sur les taux de change fixe au 26 avril (Annexe A.1) et de ce fait, elle ne reflètent pas forcément l’intégralité de la dépréciation récente des monnaies de nombreuses économies de marché émergentes.
← 5. Les incertitudes soulevées par les annonces actuelles de mesures de restriction des échanges pourraient freiner l’investissement des entreprises, dès lors que celles-ci sont en mesure de reporter leurs dépenses d’investissement, tant dans les pays qui imposent ces restrictions qu’ailleurs (Handley et Limão, 2015).
← 6. La correction du prix des actions et le regain de volatilité ont été amplifiés par des pratiques de gestion des risques fondées sur la valeur en risque ou sur des stratégies de contrôle de la volatilité, ainsi que par des clauses de résiliation de certain supports de placement, qui permettent une liquidation anticipée en cas de volatilité extrême.
← 7. En 2016, la part de l’endettement des promoteurs financé par des titres obligataires représentait 20 % à Singapour, 30 % à Hong Kong et en Indonésie, 40 % en Chine continentale et près de 50 % en Thaïlande (Chui et al., 2018).
← 8. Parmi les 34 sociétés immobilières chinoises cotées en bourse à Hong-Kong qui ont émis des obligations libellées en devises durant les dernières décennies, douze seulement ont déclaré disposer d’une couverture des risques (Chui et al., 2018).
← 9. Selon un scénario plus radical, la Chine, l’Europe et les États-Unis relèveraient de 10 points de pourcentage les droits de douane appliqués à tous leurs partenaires pour tous les biens échangés (en excluant les services) : dans ce cas, à l’échelle mondiale, les échanges et la production pourraient reculer d’environ 6 % et 1 ½ pour cent respectivement à moyen terme, par rapport au niveau qui serait le leur dans le scénario de référence (OCDE, 2016). Les reculs les plus marqués seraient alors enregistrés par les régions à l’origine des mesures de restriction, mais des retombées négatives seraient également observées dans le reste du monde.
← 10. Les achats d’actifs ont également diminué au Japon, dans la mesure où un volume moindre d’achats s’est révélé suffisant pour assurer le contrôle de la courbe de rendements des obligations d’État à 10 ans.
← 11. Au nombre des infrastructures numériques indispensables figurent des réseaux, données, logiciels et matériels de communication haut débit, ainsi que les services que permettent d’assurer ces réseaux (OCDE, 2017c, d).