L’interconnexion croissante des économies et le progrès technologique génèrent des opportunités, mais aussi des défis que les décideurs publics et les régulateurs ne peuvent résoudre chacun de leur côté. Le besoin de coordination est de plus en plus évident si l’on souhaite résoudre les problèmes qui se jouent des frontières nationales, et apporter à moindre coût une réponse réglementaire cohérente et efficace aux entreprises et aux citoyens. Ce chapitre documente et analyse les pratiques des pays s’agissant de la prise en compte du contexte international dans l’élaboration des règles nationales. Il montre dans quelle mesure les outils classiques de gestion de la réglementation tiennent compte de la dimension internationale, et analyse l’interface entre l’élaboration des règles de niveau national et de niveau international. Il s’appuie pour cela sur les réponses apportées aux questions incluses dans l’enquête 2017 de l’OCDE sur la politique et la gouvernance réglementaires, et sur l’enquête conduite en 2015 auprès de 50 organisations internationales.
Politique de la réglementation : Perspectives de l'OCDE 2018
Chapter 5. Favoriser l’adoption de règles de meilleure qualité grâce à la coopération réglementaire internationale
Abstract
Les données statistiques concernant Israël sont fournies par et sous la responsabilité des autorités israéliennes compétentes. L’utilisation de ces données par l’OCDE est sans préjudice du statut des hauteurs du Golan, de Jérusalem Est et des colonies de peuplement israéliennes en Cisjordanie aux termes du droit international.
Principaux constats
Étant donné le profond changement de culture réglementaire qu’elle implique, la coopération réglementaire internationale (CRI) peut être perçue comme un défi de gouvernance majeur (Hoekman, 2015[1]; Hoekman, 2015[2]; Hoekman and Mavroidis, 2015[3]). Toutefois, elle est également considérée, de plus en plus, comme un moyen indispensable « pour aider les gouvernements à atteindre leurs objectifs stratégiques et pour minimiser les coûts pour la société » (OCDE, 2016[4]), afin de surmonter les difficultés et de tirer parti des avantages liés aux nombreuses possibilités qu’offre l’interconnexion croissante des économies présentée au chapitre 1. La Recommandation du Conseil concernant la politique et la gouvernance réglementaires de 2012 tient compte de l’importance de la CRI pour assurer la qualité et l’efficacité de la réglementation dans un monde globalisé. Le Principe 12, en particulier, souligne la nécessité pour les décideurs et les organismes de réglementation de tenir compte des normes et cadres internationaux pertinents pour la coopération, ainsi que des effets probables de la réglementation sur les parties situées hors du pays ou du territoire où celle-ci s’applique.
Pour mettre en lumière les pratiques de CRI dans les différentes pays, l’enquête 2017 de l’OCDE sur la politique et la gouvernance réglementaires a inclus un certain nombre de questions sur la manière dont les organismes de réglementation sont tenus de prendre en considération le contexte international dans le processus d’élaboration des règles nationales. Les résultats montrent qu’en dépit d’une prise de conscience croissante, la mise en œuvre de la CRI reste embryonnaire, les principaux progrès accomplis concernant l’adoption d’instruments internationaux – conformément aux engagements internationaux pris dans le cadre des accords de l’OMC sur les obstacles techniques au commerce (OTC) et la mise en œuvre des mesures sanitaires et phytosanitaires (SPS) – et l’examen des impacts internationaux dans le cadre des processus d’AIR.
S’ajoute à ces difficultés le fait que les données révèlent la fragmentation des politiques et des responsabilités en matière de CRI entre les différents outils juridiques et stratégiques qui relèvent d’un éventail d’organismes compétents différents. Aucun pays n’a encore mis au point de socle stratégique ou juridique d’ensemble cimentant sa vision et sa politique publique dans le domaine de la coopération réglementaire. La stratégie en la matière est dispersée entre plusieurs documents qui traitent séparément de l’adoption et de la mise en œuvre des engagements internationaux, de la prise en compte des normes internationales ou des accords de coopération sectoriels et, dans la majorité des cas, les responsabilités ne sont ni clairement attribuées ni coordonnées entre les organes compétents. Cette gouvernance fragmentée ne facilite pas l’élaboration d’un discours cohérent et convaincant sur la CRI susceptible d’exercer une influence sur la culture réglementaire et législative des pays.
L’obligation légale de tenir compte des instruments internationaux lors de l’élaboration de nouveaux textes législatifs et réglementaires est assez répandue – en ligne notamment avec l’obligation d’adopter ou de transposer l’acquis communautaire de l’UE et d’autres obligations internationales. Étonnamment, toutefois, les pratiques sont encore loin d’être systématiques et la mise au point des outils et méthodes visant à soutenir les ministères et organismes de réglementation dans cet effort (orientations spécifiques, base de données sur les instruments, etc.) reste à parfaire dans la plupart des pays. Souvent, les autorités sont soumises à une obligation formelle dans ce domaine sans guère disposer des moyens ou des connaissances permettant de l’appliquer concrètement. En outre, lorsqu’elles existent, ces règles portent principalement sur des réglementations techniques (dont les effets concernent le plus souvent les échanges) et n’éclairent pas de manière plus générale le programme législatif et réglementaire du pays. Cela nuit à la capacité des pays de tirer parti plus largement des avantages d’une plus grande cohérence avec les instruments internationaux et de la possibilité pour les autorités de profiter de l’expertise internationale dans leur propre champ de compétences.
La prise en compte des effets qu’une réglementation nationale produit sur le plan international demeure limitée. La pratique ex ante vise pour l’essentiel les effets sur les échanges et ne semble pas s’approfondir ou s’élargir à d’autres pays au fil du temps. La pratique ex post est cantonnée à un petit sous-ensemble de pays mais semble connaître une légère amélioration. Encore une fois, il se peut que le facteur limitant soit la méconnaissance, chez les régulateurs, de ce qu’ils pourraient faire dans ce domaine.
L’association des parties prenantes pourrait se révéler très utile pour recueillir les points de vue et les contributions d’acteurs étrangers – qu’il s’agisse de régulateurs d’autres pays ou d’autres parties prenantes. Cependant, le mécanisme de notification commerciale (au sein de l’UE ou dans le cadre de l’OMC) constitue l’outil qui permet de tirer le plus systématiquement parti des contributions étrangères. Il porte donc à titre principal sur les questions commerciales. Même dans ce champ restreint, les données font apparaître un décalage entre les autorités chargées du contrôle des dispositions de transparence commerciale et celles qui supervisent la bonne association des parties prenantes aux processus d’élaboration des règles.
Globalement, les données indiquent qu’il y a matière à accroître le soutien aux ministères et autorités administratives afin qu’ils mettent en œuvre les règles de CRI existantes, qu’ils les élargissent au-delà du seul champ des considérations commerciales et qu’ils intègrent mieux l’analyse de l’impact de la réglementation, la consultation des parties prenantes et l’évaluation ex post pour tenir compte plus systématiquement du contexte international lors de l’élaboration des lois et des réglementations nationales.
Les données font également apparaître de vastes possibilités de combler l’écart qui existe entre les pratiques réglementaires nationales et les tentatives internationales de développer une culture des normes internationales plus transparente et fondée sur les données de l’expérience. Que ce soit par l’association des parties prenantes ou la réalisation d’une analyse d’impact, l’expertise et les données recueillies au niveau national peuvent être utiles sur le plan international. Inversement, l’adoption par des organisations internationales (au-delà de la Commission européenne) de pratiques et de règles de discipline telles que celles que prône la Recommandation de 2012 au niveau national pourraient s’avérer très utiles pour renforcer la confiance qu’ont les régulateurs et décideurs nationaux, et l’opinion publique en général, envers la qualité des normes internationales.
Introduction : qu’est-ce que la CRI et que signifie-t-elle pour les organismes de réglementation ?
Selon l’OCDE, la CRI désigne toute mesure prise par un pays ou une juridiction, formelle ou informelle, unilatérale, bilatérale ou multilatérale, qui vise à promouvoir la coordination ou la cohérence, sous une forme ou une autre, de la conception, du suivi, de la mise en œuvre ou de la gestion ex post des lois et réglementations (OCDE, 2013[5]). La CRI s’est érigée en dimension essentielle de la qualité et de l’efficacité réglementaires, comme l’illustre l’inclusion d’un principe consacré à la CRI dans la Recommandation de 2012 (Encadré 5.1).
Cette inclusion témoigne de la prise de conscience du fait que réglementer isolément, c’est-à-dire sans tenir compte du contexte international, n’est plus possible. Une CRI avisée constitue un facteur fondamental de la performance réglementaire et s’accompagne d’avantages pour la société tels que l’amélioration de la sécurité et le renforcement de la viabilité environnementale ; des gains d’efficacité administrative et d’économies pour les administration publiques, les entreprises et les citoyens ; la hausse des flux d’échanges commerciaux et d’investissements ; la croissance économique (grâce à la réduction des éléments d’incohérence et d’incertitude) (OCDE, 2013[5]).
Une étude récemment publiée par la Fédération internationale des experts-comptables (IFAC) et par le Comité consultatif économique et industriel de l’OCDE (BIAC) sur les différences de réglementation dans le secteur financier1 montre par exemple que les différences réglementaires coûtent aux établissements financiers entre 5 % et 10 % de leur chiffre d’affaires mondial annuel (soit quelque 780 milliards USD par an) et qu’elles affectent de manière disproportionnée les résultats financiers des organisations de moindre taille. L’étude souligne l’importance que revêt la coopération réglementaire afin de réduire ces coûts.
La CRI a des effets significatifs sur les activités des régulateurs et de leurs organes de contrôle. Elle suppose une évolution de la culture réglementaire de sorte que le processus d’élaboration des règles tienne davantage compte du contexte international. Pour ce faire, il faut tout à la fois procéder à un examen et à une prise en compte plus systématique des cadres réglementaires étrangers et internationaux pertinents lors de la mise au point des réglementations, et constamment évaluer l’impact des mesures réglementaires et la manière dont elles s’inscrivent dans le traitement transnational plus large de la question à résoudre. De ce point de vue, les outils de gestion de la réglementation constituent des points d’entrée très utiles dans le processus d’élaboration des règles afin de tenir compte du contexte international lors de l’élaboration et de la révision des textes législatifs et réglementaires. Les débats du Comité de la politique de réglementation2 et d’autres travaux d’analyse (Basedow and Kauffmann, 2016[6]), en particulier, ont fait apparaître quatre pratiques essentielles à la mise en œuvre du Principe 12.
Pratique 1 – Lors de l’élaboration de réglementations, tenir systématiquement compte des instruments internationaux, en particulier les normes techniques, et documenter les raisons qui justifient de ne pas les intégrer au processus d’AIR
Pratique 2 – Consultation ouverte aux parties étrangères
Pratique 3 – Faire de la cohérence avec les normes internationales un principe directeur du processus d’examen de l’évaluation ex post
Pratique 4 – Créer au sein du gouvernement un mécanisme de coordination des activités de CRI afin de centraliser les informations pertinentes sur les pratiques et activités en matière de CRI, de bâtir un consensus et de définir un vocabulaire commun.
Ce chapitre recense les obligations légales et les pratiques des pays en lien avec ces quatre domaines essentiels, en se fondant sur de nouvelles données recueillies grâce à l’enquête 2017 de l’OCDE sur la politique et la gouvernance réglementaires (iREG). Il fait également apparaître les possibilités d’amélioration de la qualité des normes internationales grâce au recours plus systématique à l’association des parties prenantes et à l’évaluation par des organisations internationales, s’appuyant sur une enquête conduite en 2015 auprès d’organisations internationales (OCDE, 2016[4]).
Encadré 5.1. Principes de CRI dans la Recommandation de 2012
Principe 12 : « Lors de l’élaboration des mesures réglementaires, prendre en considération l’ensemble des normes et des cadres internationaux pertinents pour permettre la coopération dans le domaine concerné et, le cas échéant, leurs effets possibles sur les parties situées hors du territoire où la réglementation est applicable. »
Le Principe 12 y est détaillé plus avant autour des principaux aspects suivants :
tenir compte du cadre réglementaire international pertinent lorsqu’ils formulent des projets de réglementation, de manière à favoriser la cohérence globale ;
agir conformément aux obligations qui leur incombent au titre de traités internationaux ;
coopérer avec les autres pays afin de promouvoir l’élaboration et la diffusion des bonnes pratiques et des innovations en matière de politique et de gouvernance réglementaires ;
contribuer aux travaux des instances internationales qui favorisent une meilleure coopération réglementaire internationale ;
éviter les doublons lorsque la prise en compte des réglementations et des normes en vigueur permettrait, à moindre coût, d’atteindre le même objectif d’intérêt public ;
ouvrir la consultation concernant les projets de réglementation aux contributions de parties prenantes étrangères.
Source : (OCDE, 2012[7]), Recommandation 2012 sur la politique et la gouvernance réglementaires, Éditions OCDE, Paris.
Pratiques de CRI des organismes nationaux de réglementation : constats
Bien que les avantages potentiels de la CRI soient reconnus, les données systématiques sur les pratiques de CRI des organismes nationaux de réglementation demeurent rares. L’enquête 2017 vise à remédier à cette lacune en posant une série de questions sur les pratiques de CRI conformes à la Recommandation de 2012 et sur les pratiques connexes. La présente section donne un premier aperçu de la mise en œuvre de la CRI par les organismes nationaux de réglementation à partir des réponses apportées au questionnaire. Elle montre qu’il existe certes des signes attestant de la prise en compte plus fréquente des questions relatives à la CRI dans l’élaboration des règles, mais que les pratiques sont loin d’être systématiques et cohérentes d’un pays de l’OCDE à l’autre.
Organisation et gouvernance de la CRI
Le socle de la CRI, qu’il soit stratégique ou juridique, peut désigner une politique systématique, de niveau national et à l’échelle de l’ensemble de l’administration, qui favorise la coopération réglementaire internationale. Selon cette définition, et malgré l’adoption de méthodes de CRI de toutes sortes, aucun pays n’a à ce jour mis au point de cadre transversal de CRI. Toutefois, les données d’enquête montrent qu’un certain nombre de pays, conformément au Principe 12 de la Recommandation de 2012, ont élaboré des mesures ou un socle juridique qui codifient l’engagement pour les organismes nationaux de réglementation de tenir compte des normes internationales et des cadres réglementaires internationaux pertinents dans leurs domaines de compétence, de soutenir une coopération systématique avec leurs homologues des pays étrangers, ou de promouvoir la coopération concernant les bonnes pratiques réglementaires par-delà les frontières (Graphique 5.1 et Tableau 5.1).
Tableau 5.1. Exemples de politiques nationales de CRI
Australie |
Canada |
États-Unis |
Mexique |
CE |
Pays de l’UE |
---|---|---|---|---|---|
Directive ministérielle sur les normes internationales et les évaluations des risques |
Directive du Cabinet sur la gestion de la réglementation |
Ordonnance exécutive 13609 (Promotion de la coopération réglementaire internationale) |
Loi fédérale de procédure administrative (LFPA) et Loi fédérale sur la métrologie et la normalisation (LFMN) |
Lignes directrices et boîte à outils pour une meilleure réglementation |
Plusieurs cadres et mesures juridiques provenant des membres de l’UE |
Source : Indicateurs de l’enquête 2017 sur la politique et la gouvernance réglementaires, http://oe.cd/ireg.
Parmi elles figurent notamment le Canada, avec sa Directive du Cabinet sur la gestion de la réglementation (Encadré 5.2), et les États-Unis, avec l’Ordonnance exécutive 13609 (Promotion de la coopération réglementaire internationale). Au Mexique, plusieurs instruments juridiques et stratégiques encadrent la prise en compte des normes internationales lors du développement des lois et des réglementations, ainsi que des effets des échanges et de la coopération entre pays sur les politiques de la réglementation (OCDE, 2018[8]). En Australie, une directive ministérielle et des orientations spécifiques encadrent la prise en compte des cadres internationaux par les organismes de réglementation. Les pays de l’Union européenne ont établi un ensemble de dispositions légales et de mesures visant à encadrer leur participation à l’UE, laquelle constitue le cadre de coopération régionale réglementaire le plus ambitieux, et doté de pouvoirs réglementaires supranationaux. En vertu du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, les États membres ont habilité les institutions de l’UE à adopter des instruments juridiques (réglementations, directives et décisions), qui priment sur le droit national et sont contraignants pour les autorités nationales.
Encadré 5.2. Le cadre de la CRI au Canada
La Directive du Cabinet sur la gestion de la réglementation (DCGR) fixe les règles que les organismes canadiens de réglementation doivent observer lorsqu’ils élaborent et appliquent la réglementation. La Directive ordonne aux ministères et agences de tirer parti des possibilités de coopération avec d’autres pays afin de minimiser les obstacles aux échanges et de réduire le nombre d’obligations réglementaires propres au Canada à moins qu’elles ne soient justifiées. La définition de la coopération réglementaire correspond à un processus où les gouvernements travaillent de concert pour :
réduire les différences réglementaires inutiles ;
éliminer les exigences et les processus faisant doublon ;
harmoniser ou aligner la réglementation ;
mettre en commun les renseignements et les expériences ;
adopter des normes internationales.
Source : www.canada.ca/en/treasury-board-secretariat/services/federal-regulatory-management/guidelines-tools/cabinet-directive-regulation.html (consulté le 11 juillet 2018).
Le mécanisme institutionnel de contrôle de la CRI varie selon les pays de l’OCDE, mais la fragmentation des responsabilités en matière de CRI prévaut (Graphique 5.2). Parmi les répondants, la structure de gouvernance la plus répandue est le partage de responsabilités entre organes compétents de l’État. Cependant, il convient de noter que près de la moitié des répondants ne se sont pas dotés d’une structure de gouvernance spécialement consacrée au contrôle des activités de CRI. Selon les réponses recueillies, le contrôle de la CRI n’est centralisé dans une autorité unique que dans une poignée de cas. C’est notamment le cas au Canada (où cette responsabilité est confiée au Conseil du Trésor) et aux États-Unis (où elle est exercée par l’OIRA). Cette gouvernance fragmentée n’est guère surprenante étant donné l’approche sporadique de la CRI dans tous les pays.
Il faut cependant noter que l’analyse des différentes composantes de la CRI fait apparaître des schémas de gouvernance plus structurés dans les pays. Par exemple, la moitié des pays étudiés font état d’une autorité chargée de veiller à la prise en compte systématique des instruments internationaux lors de l’élaboration d’une réglementation (20 sur 39). À titre d’information, 25 pays disent appliquer une règle formelle imposant de tenir compte des instruments internationaux lors de l’élaboration ou de la révision d’une réglementation (voir section suivante). Dans une majorité de ces cas, le ministère chargé d’élaborer la réglementation exerce une responsabilité à titre principal en la matière. Dans 15 pays, c’est-à-dire 60 % de ceux qui déclarent appliquer une disposition légale, au moins un autre organe supervise le processus. Dans la majorité des cas, le ministère des Affaires étrangères est impliqué. Dans près de la moitié des cas, l’organe de contrôle réglementaire l’est également. Parmi les autres organes associés par les pays, les ministères chargés de la politique commerciale jouent un rôle (Graphique 5.3).
Incorporation des instruments internationaux
L’incorporation des instruments internationaux dans les réglementations nationales est un facteur essentiel d’harmonisation réglementaire (OCDE, 2013[5]; Abbott, Kauffmann and Lee, 2018[9]). Selon l’enquête 2017, 25 pays déclarent appliquer une règle formelle imposant la prise en compte et l’incorporation des instruments internationaux lors de l’élaboration de nouvelles réglementations nationales ou la révision de réglementations existantes (règle transversale dans 20 cas et propre à certains secteurs dans 5 cas) (Graphique 5.4). Onze de ces pays imposent la prise en compte de tous les instruments internationaux. Au-delà de ces cas, une règle impose dans neuf autres pays la prise en compte des instruments internationaux contraignants. De ce fait, 20 pays au total disent appliquer une règle formelle imposant la prise en compte et l’incorporation d’instruments contraignants dans leur processus réglementaire. Dans un certain nombre de pays de l’UE ou de pays voisins (Norvège), cette règle s’applique à la législation de l’UE – ce que reflète en partie la catégorie « Autres instruments internationaux » du Graphique 5.4.
Quatre pays déclarent s’être dotés de règles concernant les normes internationales – ce qui signifie que dans 16 pays, la mission d’examen des normes internationales est directe ou relève d’une règle plus générale. Compte tenu du caractère volontaire des normes internationales, il s'agit là d’une proportion importante qui trouve son origine dans l’incitation que constituent les Accords de l’OMC de 1994 sur les obstacles techniques au commerce (OTC) et sur l’application des mesures sanitaires et phytosanitaires (SPS) à adopter des normes internationales lors de l’élaboration de réglementations et normes techniques nationales. Les États signataires se sont engagés à fonder les mesures réglementaires couvertes par ces accords sur les normes, recommandations et guides internationaux applicables, lorsqu’ils existent, dans la mesure où ils sont jugés pertinents pour limiter d’inutiles tensions commerciales.
Cependant, parmi les 25 pays appliquant une règle formelle de prise en compte des instruments internationaux, 12 seulement ont l’obligation de justifier les raisons pour lesquelles les instruments internationaux ne sont pas retenus lorsque des règles nationales sont proposées (Graphique 5.5). Cela semble étonnant, étant donné l’engagement des pays en faveur d’instruments internationaux contraignants et la règle contenue dans les Accords OTC et SPS qui impose de justifier tout écart par rapport aux normes internationales (article 2.4 de l’Accord OTC et article 3.3 de l’Accord SPS).
L’absence de règle formelle imposant la prise en compte des instruments internationaux lors de l’élaboration des règles nationales ne signifie pas forcément que les instruments internationaux ne sont pas appliqués en pratique au niveau national, mais elle témoigne tout de même d’une certaine déconnexion entre les systèmes juridiques nationaux et internationaux. Sans une telle politique, les organismes de réglementation ne demeurent que faiblement incités à tenir systématiquement compte des instruments internationaux. À ce stade, toutefois, ce résultat peut aussi être le signe de biais dans les réponses à l’enquête concernant les règles applicables existantes. Il est possible notamment qu’une telle règle relève d’un autre cadre juridique que celui qui a trait à la politique réglementaire. Ce pourrait être le cas en particulier si le programme national de politique réglementaire n’est pas encore pleinement déployé ou si l’obligation de tenir compte des normes internationales ne s’applique qu’à un sous-ensemble d’instruments réglementaires ne relevant pas du champ de la politique de la réglementation (à l’instar par exemple des réglementations techniques).
Les réponses à l’enquête 2017 confirment qu’une majorité (16) des 25 juridictions appliquant l’obligation d’envisager la reconnaissance et l’incorporation des instruments internationaux adressent des orientations aux organismes de réglementation pour faciliter la prise en compte des instruments internationaux existants lors de la mise au point et de la révision de la réglementation (l’Encadré 5.3 en donne des exemples). Près des trois quarts des pays ouvrent l’accès d’une base de données des instruments internationaux aux organismes de réglementation afin de faciliter la prise en compte des instruments pertinents. Dans la plupart des cas, toutefois, cette base de données est partielle – elle ne couvre que certains instruments (dans 14 pays) ou certains secteurs (2 cas).
Un tiers des pays seulement déclarent adopter une approche normalisée de l’incorporation des instruments internationaux dans leur législation nationale. Trois de ces pays les intègrent par une simple référence et quatre en incorporent le texte intégral (Graphique 5.6). Il est possible que le caractère limité de l’emploi systématique de l’incorporation par référence ou par texte intégral soit le signe d’une occasion manquée de promouvoir l’harmonisation réglementaire par l’incorporation des instruments internationaux. Il peut également s’expliquer par le fait que les instruments internationaux sont jugés inadaptés à la situation particulière des pays et que les organismes nationaux de réglementation ne sont pas pleinement convaincus que ces instruments pourront (sans modification) les aider à atteindre leurs objectifs stratégiques. C’est pourquoi il importe de renforcer les mécanismes et règles de discipline susceptibles de rassurer les régulateurs et législateurs nationaux quant à la qualité des règles internationales, et de favoriser l’adoption plus fréquente d’instruments internationaux de qualité dans la législation nationale. La deuxième partie du présent chapitre y est consacrée.
Encadré 5.3. Australie et États-Unis : modalités de la sensibilisation à la prise en compte des normes et autres cadres réglementaires internationaux pertinents
En Australie, il existe une règle transversale imposant la prise en compte de « la cohérence avec les obligations internationales de l’Australie et les normes et pratiques internationales acceptées pertinentes » (Réglementation sur les bonnes pratiques du COAG). Lorsque c’est possible, les mesures ou normes réglementaires doivent être compatibles avec les normes et pratiques internationales ou internationalement acceptées pertinentes afin de minimiser les obstacles aux échanges. Les réglementations nationales et les normes contraignantes doivent également être cohérentes avec les obligations internationales de l’Australie, y compris l’Accord du GATT sur les Obstacles techniques au commerce (Code des normes OTC) et le Code de l’Organisation mondiale du commerce sur les mesures sanitaires et phytosanitaires (SPS). Les organismes de réglementation peuvent se référer au Code des normes en lien avec le Code de l’ISO des bonnes pratiques concernant la préparation, l’adoption et l’application des normes. Toutefois, l’OCDE indique que pour favoriser une plus grande cohérence des pratiques, le gouvernement australien a mis au point un Guide des bonnes pratiques concernant l’emploi des normes et des évaluations des risques dans les politiques et réglementations, et qu’il envisage la création d’une base d’informations sur les normes (nationales et internationales) référencées dans la réglementation au niveau national et infranational (Abbott, Kauffmann and Lee, 2018[9]).
Aux États-Unis, les orientations de l’Office de la gestion et du budget (OMB) sur l’emploi de normes consensuelles volontaires précisent que « dans l’intérêt de la promotion du commerce et de la mise en œuvre des dispositions des accords contenus dans les traités internationaux, votre agence doit tenir compte des normes internationales dans les mécanismes de passation de marchés et de réglementation ». En outre, l’Ordonnance exécutive 13609 relative à la promotion de la coopération réglementaire internationale dispose que les agences devront, « pour les réglementations significatives à propos desquelles il existe, selon l’agence, des effets internationaux importants, tenir compte dans la mesure du possible, en tant que de besoin et en conformité avec la loi, de toute approche réglementaire d’un gouvernement étranger que les États-Unis sont convenus de prendre en compte dans le cadre du plan de travail d’un conseil de coopération en matière de réglementation ». Le champ d’application de cette règle est limité aux plans de travail sectoriels dont les États-Unis sont convenus dans le cadre des Conseils de coopération réglementaire. À ce jour, il n’existe que deux Conseils de cette nature, l’un avec le Mexique et l’autre avec le Canada.
Source : Australia COAG Best Practice Regulation Guide: www.finance.gov.au/obpr/docs/COAG_best_practice_guide_2007.pdf et Best Practice Guide to Using Standards and Risk Assessments in Policy and Regulation: https://industry.gov.au/industry/IndustryInitiatives/PortfolioRegulationReform/Using-Standards-and-Risk-Assessments-in-Policy-Regulation/Pages/default.aspx; US OMB Circular A 119: www.whitehouse.gov/omb/circulars_a119; et US Executive Order 13609: www.whitehouse.gov/thepress-office/2012/05/01/executive-order-promoting-international-regulatory-cooperation.
Évaluation des effets de la CRI
Prise en compte des effets internationaux dans les analyses d’impact de la réglementation ex ante
Outre l’incorporation des instruments internationaux dans leurs processus d’élaboration des règles, les pays peuvent également promouvoir la CRI par la prise en compte plus systématique des impacts internationaux des nouvelles réglementations lors du processus d’AIR. Comme l’illustre le Graphique 5.7, les pays indiquent en 2014 comme en 2017 qu’une série d’effets liés à la CRI sont inclus dans les AIR. Ainsi, les trois quarts environ des pays tiennent compte des effets produits sur l’ouverture des marchés et sur les échanges, et la moitié des juridictions tiennent compte des effets sur les pays étrangers, une tendance relativement stable depuis 2014. Toutefois, il semble que la prise en compte de ces effets soit moins systématique : la part des pays tenant compte de ces effets dans certaines réglementations seulement, et non dans toutes les réglementations, a nettement augmenté. À ce stade, il est difficile d’en conclure si cette tendance révèle une approche plus proportionnée de l’AIR ou un recul de cette pratique.
Pour les 17 juridictions qui déclarent examiner les effets à l’étranger, les pays les plus fréquemment ciblés sont les voisins et les principaux partenaires commerciaux (Graphique 5.8). Les pays disent avoir recours à une combinaison de méthodes pour évaluer les effets, notamment des échanges avec les régulateurs des autres pays, l’utilisation de sondages d’opinion auprès des entreprises et d’autres parties prenantes, et des exercices de modélisation plus théoriques.
Malgré ces résultats qui montrent qu’il existe une évaluation des effets internationaux de la réglementation, il peut y avoir un écart entre les politiques et leur mise en œuvre. En effet, on constate que seuls quelques juridictions – l’Autriche, le Canada et l’Union européenne – fournissent des orientations formelles sur la prise en compte du contexte réglementaire international dans le cadre de leurs orientations pour l’AIR, ce qui laisse planer un doute sur la manière dont en tiennent compte en pratique les pays dans lesquels les organismes de réglementation ne bénéficient pas d’un tel soutien (Basedow and Kauffmann, 2016[6]).
Évaluation des conséquences d’un écart réglementaire par l’évaluation ex post des effets
La pleine mesure des effets d’une mesure réglementaire n’est connue qu’après sa mise en œuvre. C’est pourquoi l’évaluation ex post fournit une occasion essentielle de déceler les écarts éventuels avec les cadres internationaux ainsi que les effets des lois et réglementations sur les échanges et les autres effets en matière de CRI (Basedow and Kauffmann, 2016[6]).
L’évaluation d’impact ex post en matière de CRI est une pratique encore émergente dans la plupart des pays mais les données montrent que des progrès ont été accomplis depuis 2014. Par exemple, dans l’enquête 2017, les pays qui déclarent avoir achevé une évaluation de la cohérence avec les normes et règles internationales comparables dans le cadre d’examens ex post au cours des douze dernières années sont trois fois plus nombreux qu’en 2014 (8 contre 3). Toutefois, cela ne représente qu’un sous-ensemble de pays de l’OCDE – environ un sur cinq.
De surcroît, ces pratiques sont loin d’être systématiques. En effet, les pays tiennent rarement compte des conséquences imprévues liées au non-respect des instruments internationaux existants dans l’évaluation ex post. Lorsqu’ils le font, c’est sur une base ad hoc (pour certaines évaluations ex post). De même, parmi les pays qui évaluent les coûts dans les évaluations ex post des textes législatifs et règlementaires (27), un tiers seulement (10) déclarent inclure des évaluations des coûts commerciaux et des autres coûts liés au non-respect des normes internationales (Graphique 5.9).
Association des parties prenantes étrangères aux processus réglementaires
L’association des parties prenantes étrangères aux processus réglementaires est susceptible de faire connaître les approches réglementaires dans d’autres pays ou de fournir des informations sur les effets non désirés du maintien d’approches réglementaires identiques ou différentes sur les tierces parties (Basedow and Kauffmann, 2016[6]). Un tiers seulement des pays étudiés déclarent déployer des efforts spécialement consacrés à l’association des parties prenantes étrangères lors de l’élaboration de textes législatifs et réglementaires. Même dans ces cas, la vaste majorité d’entre eux ne le fait que pour certains textes mais pas pour tous, ni pour les principaux.
En pratique, la plupart des pays n’appliquent pas de procédures impliquant les parties prenantes étrangères, et s’appuient sur une procédure ouverte et non discriminante, par exemple au moyen d’une plateforme en ligne en accès ouvert à tous, y compris aux parties prenantes étrangères. Seule une poignée de pays pratiquent l’association ciblée des parties prenantes étrangères, par exemple en traduisant les projets de réglementation (dans 4 cas), en diffusant l’information sur des portails destinés aux entreprises (dans 5 cas) ou en organisant des ateliers spécifiques avec des parties prenantes étrangères (dans 6 cas). Compte tenu de l’absence de mécanismes particuliers et du fait que les pays n’assurent généralement pas le suivi de la participation des parties prenantes, il est difficile d’apprécier la réalité et les effets de l’association des parties prenantes étrangères.
La notification obligatoire des projets de réglementation aux instances internationales pourrait utilement servir à alerter les parties prenantes étrangères et à tirer parti de leurs contributions. Selon les réponses à l’enquête, ces occasions se produisent surtout en lien avec des accords commerciaux. Dans le cadre des Accords OTC et SPS de l’OMC, par exemple, les pays sont tenus de se doter d’une autorité centrale unique chargée d’adresser les notifications à l’OMC pour garantir la transparence des mesures nationales qui ne sont pas fondées sur les normes internationales et qui ont un effet significatif sur le commerce3.
Dans l’UE, une procédure de notification permet à la Commission européenne et aux pays de l’UE d’examiner les nouvelles réglementations techniques concernant les produits et les services en ligne qu’ils entendent introduire, en vue d’empêcher la création de nouveaux obstacles techniques au commerce. Selon cette procédure, les pays de l’UE sont tenus d’informer la Commission de tout projet de réglementation technique avant son adoption, et de prévoir un délai de trois mois pour permettre à la Commission et aux autres pays de l’UE d’examiner le texte proposé et d’y répondre4. Les pays non membres de l’UE font également état d’obligations de notification des partenaires commerciaux dans le cadre de plusieurs accords de libre-échange.
En outre, les autorités chargées des notifications sont généralement impliquées dans le traitement des commentaires reçus (Graphique 5.10). Ce processus de notification peut compléter les règles de discipline de la politique réglementaire en fournissant une occasion supplémentaire de formuler des commentaires sur les projets de réglementation, notamment de la part des parties prenantes étrangères étant mises au courant des projets de mesures grâce au portail de notification de l’OMC.
Toutefois, les réponses à l’enquête font apparaître un décalage entre le processus de notification à l’OMC et le programme de politique de la réglementation. Les responsables des questions commerciales ont mis au point des règles de transparence approfondies liées à la notification dans les instances commerciales, y compris les orientations connexes, mais ces règles semblent essentiellement fonctionner en vase clos et n’ont qu’un lien limité avec le programme de politique de la réglementation. Ainsi, seuls huit et sept pays indiquent que leurs organes de contrôle réglementaire jouent un rôle concernant la règle de notification des textes respectivement législatifs et réglementaires. Sans doute cette compétence a‑t‑elle été déléguée à d’autres organes dans plusieurs pays – y compris les membres de l’UE. À l’évidence cependant, il est possible de faire la synthèse des bonnes pratiques réglementaires des uns et des autres, et cette possibilité est encore largement inexploitée. De ce point de vue, le Mexique offre un exemple sans équivalent de lien entre les procédures relevant de la politique réglementaire nationale et les notifications à l’OMC. En effet, par une nouvelle procédure instituée en 2016, l’organe central mexicain de contrôle de la politique réglementaire (COFEMER) utilise les AIR pour recenser les projets de réglementation ayant un effet sur le commerce et pour s’assurer que tous ces projets sont notifiés à l’OMC (Encadré 5.4).
Encadré 5.4. L’évaluation d’impact de la réglementation sur le commerce extérieur au Mexique
En 2016, le Mexique a adopté une procédure spécifique visant à tenir systématiquement compte, le cas échéant, des effets commerciaux de la réglementation dans l’évaluation ex ante de l’impact de la réglementation. Cette procédure permet de garantir la coordination automatique entre les autorités compétentes de sorte que les notifications des règlementations ayant des effets sur le commerce soient adressées à l’OMC et aux partenaires d’accords de libre-échange (ALE). Les effets commerciaux sont d’abord estimés par le calculateur d’impact. Les résultats de ce dernier peuvent déclencher des procédures de notification à l’OMC ou à d’autres partenaires d’ALE, ainsi qu’une procédure d’AIR Commerce extérieur.
Au Mexique, le processus d’AIR en tant que tel est déclenché au moyen d’un « calculateur de l’impact réglementaire », qui permet aux organismes de réglementation d’identifier les effets potentiels de leurs projets de réglementation et, ainsi, de déterminer quel type d’AIR il convient de préparer. Ce calculateur comprend trois filtres de vérification : i) effets sur le commerce extérieur, ii) risques et iii) concurrence.
Lorsque les organismes de réglementation répondent positivement au filtre relatif au commerce, le COFEMER transmet le projet de réglementation à la Direction générale des règles du commerce international (Dirección General de Reglas de Comercio Internacional, DGRCI), qui est chargée de vérifier la cohérence des projets avec les obligations découlant des ALE et de l’OMC, en particulier les Accords sur les obstacles techniques au commerce (OTC) et les mesures sanitaires et phytosanitaires (SPS). Si la DGRCI établit qu’une mesure relève des obligations de notification, en l’occurrence parce qu’elle entraîne des effets significatifs sur le commerce et qu’elle s’écarte des normes internationales, elle adresse alors une lettre officielle à l’agence de réglementation, ainsi qu’une copie au COFEMER, leur demandant de prendre contact avec la Direction générale des normes (Dirección General de Normas, DGN), qui est l’autorité de notification et le point d’information concernant les Accords OTC et SPS.
En parallèle à la notification à l’OMC, le résultat du calculateur d’impact conduit l’organisme de réglementation à répondre à des questions spécifiques sur les effets de la réglementation, ce qui suppose la prise en compte de ses effets sur le commerce international et des normes internationales et étrangères existantes dans le domaine visé.
Source : (OCDE, 2018[8]), Review of International Regulatory Co-operation of Mexico, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/9789264305748-en.
Activité normative observée des organisations internationales et lien entre les initiatives nationales et internationales de CRI
Les résultats de l’enquête iREG 2017 montrent que la prise en compte des instruments internationaux dans l’élaboration des règles nationales est devenue un aspect majeur de la mise en œuvre de la CRI par les organismes nationaux de réglementation. Cette conclusion corrobore celles de travaux de l’OCDE (OCDE, 2013[5]) qui soulignent le rôle croissant des organisations internationales (OI) – qu’elles soient fondées sur un traité ou qu’il s’agisse de la constitution plus récente de réseaux transgouvernementaux d’organismes de réglementation (Abbott, Kauffmann and Lee, 2018[9]) – comme sources normatives et appuis à la CRI. C’est pourquoi la relation entre les processus d’élaboration des règles et des normes internationales et leur mise en œuvre à l’échelle nationale est devenue un élément fondamental de la CRI.
Si les organismes de réglementation doivent notamment tenir compte de manière plus systématique des instruments internationaux lorsqu’ils élaborent et mettent en œuvre des cadres réglementaires nationaux, il leur faut également avoir la garantie que ces instruments sont de qualité élevée, qu’ils sont largement et aisément accessibles, et susceptibles de répondre à l’intérêt général dans leur propre juridiction. Les enseignements tirés de la mise en œuvre systématique de la politique réglementaire au niveau national peuvent utilement éclairer l’élaboration des règles et des normes au niveau international, notamment en recensant les bonnes pratiques d’élaboration de règles transparentes et fondées sur des données probantes. Un suivi plus étroit et une évaluation plus régulière de l’application des instruments internationaux contribueraient sans doute à convaincre de leur utilité et à éclairer les organismes nationaux de réglementation de leurs effets attendus et constatés.
(OCDE, 2016[4]) montre que les OI ont, de manière croissante, mis au point des processus et des pratiques visant à favoriser la qualité des normes et des règles qu’elles élaborent, y compris par l’association des parties prenantes et l’évaluation d’impact. Cette étude contient des données sur les pratiques au niveau international pour améliorer la qualité des normes en s’appuyant sur une enquête réalisée auprès de 50 OI (Encadré 5.5). La présente section expose les conclusions de cette enquête et s’appuie sur les résultats de l’enquête iREG pour mettre au jour les liens qui existent entre les processus d’élaboration des règles nationales et internationales et les améliorations potentielles en la matière.
Encadré 5.5. Enquête 2015 de l’OCDE sur les organisations internationales
Afin de recueillir des données systématiques sur l’organisation et les pratiques des OI normatives, l’OCDE a mis au point une enquête structurée en cinq parties (voir Graphique 5.11) :
La première partie visait à présenter les processus spécifiques qui existent au sein des OI à l’appui de la CRI, les acteurs impliqués dans ces processus et les objectifs et avantages poursuivis.
La deuxième partie traitait principalement des aspects liés à la gouvernance (composition et structure interne de l’organisation, organes de l’organisation chargés de la CRI, etc.) et des modalités d’action visant à promouvoir la CRI (instruments juridiques et stratégiques, rôle du secrétariat, etc.).
La troisième partie visait à recueillir des informations sur les procédures adoptées pour superviser et encourager la mise en œuvre des instruments des OI (par exemple les formes de l’assistance fournie, les mécanismes de suivi des informations sur la mise en œuvre, etc.) et pour en suivre les effets.
La quatrième partie portait sur l’utilisation d’outils et de procédures spécifiques visant à garantir la qualité des activités d’élaboration des normes, y compris le recours aux évaluations d’impact, à la consultation, à l’examen ex post et à l’examen des règles existantes.
La cinquième partie de l’enquête analysait le contexte dans lequel la CRI a lieu (c’est-à-dire la présence de plusieurs organisations internationales différentes dans le même domaine de CRI) et les principaux enseignements tirés en matière de CRI, en termes de facteurs de succès et de problèmes à résoudre.
L’enquête a été menée en 2015 auprès d’un échantillon de 50 OI. Parmi elles, 32 étaient des organisations intergouvernementales (OIG), 5 étaient des organisations internationales privées d’élaboration de normes, 4 étaient des secrétariats de conventions internationales et 9 étaient des réseaux transgouvernementaux d’organismes de réglementation (RTOR).
Pratiques des organisations internationales en matière d’association des parties prenantes et d’évaluation
L’association des parties prenantes est devenue monnaie courante parmi les OI (Graphique 5.12). La plupart d’entre elles se sont dotées d’organes ou de processus permanents spécifiques pour associer les parties prenantes (sans capacité décisionnelle) aux moments-clés de l’élaboration de leurs instruments. Les OI gèrent souvent leurs parties prenantes en invitant des groupes particuliers à prendre part à leurs activités normatives. En revanche, seule une minorité d’entre elles ouvrent plus largement les commentaires au public.
Au contraire, l’évaluation, qu’elle soit ex ante ou ex post, est peu institutionnalisée dans les OI (Graphique 5.13). Lorsqu’elle l’est, c’est le plus souvent ex post (après l’adoption de l’instrument). La moitié des OI étudiées disent conduire des évaluations ex post systématiques ou fréquentes de la mise en œuvre et des effets de leurs instruments. En revanche, seules 16 OI conduisent des analyses de l’impact de la réglementation ex ante de manière systématique ou fréquente.
Écart entre les pratiques réglementaires nationales et internationales visant à garantir la qualité des règles
L’emploi limité de l’évaluation d’impact ex ante par les OI contraste avec les pratiques nationales. Comme l’illustre le chapitre 2, l’AIR est bien intégrée dans le processus d’élaboration des lois et des réglementations dans les pays de l’OCDE. Il convient aussi de noter que quelque trois quarts des pays déclarent conduire une AIR avant d’adopter ou de transposer des instruments internationaux dans leur législation nationale (Graphique 5.14). Dans la plupart des pays, cela s’explique parce que lorsque les instruments internationaux ne sont pas d’application directe, ils doivent être transposés dans la législation nationale. Ils sont donc soumis aux règles systématiques de la politique réglementaire qui régissent tout texte législatif national, y compris concernant l’AIR et l’association des parties prenantes. Dans quelques pays, cependant, la transposition des engagements internationaux justifie la non-réalisation d’une AIR.
Ces conclusions semblent indiquer qu’il existe des possibilités de transfert d’expertise du niveau national au niveau international pour soutenir une évaluation ex ante plus systématique des effets des instruments internationaux. Elles témoignent aussi de la possibilité d’établir des liens plus étroits entre l’évaluation d’impact conduite au niveau national et celle qui est réalisée au niveau international. Il semble en effet qu’il y ait des occasions manquées pour bâtir une base de données probantes dans les pays et les OI afin d’étayer l’élaboration d’instruments normatifs. Si les évaluations d’impact étaient conduites de façon plus systématique au niveau international, par exemple, elles pourraient utilement éclairer l’adoption d’instruments internationaux dans les pays et fournir de précieuses données que les organismes nationaux de réglementation pourraient utiliser dans leurs propres AIR. À l’inverse, les évaluations d’impact des organisations internationales pourraient utilement s’appuyer sur les données recueillies par les pays, y compris les AIR antérieures conduites dans le même domaine.
Si les deux tiers des OI déclarent conduire au moins certaines évaluations ex post de la mise en œuvre et des effets de leurs instruments, les données indiquent qu’elles n’ont que peu de contrôle ou d’informations sur la mise en œuvre, le suivi et le contrôle des instruments internationaux au niveau national (OCDE, 2016[4]). C’est pourquoi l’intégration plus systématique des évaluations ex post internationales et nationales des instruments internationaux est susceptible de favoriser des pratiques d’évaluation plus efficaces aux deux niveaux. Toutefois, les résultats de l’enquête iREG 2017 indiquent que ce rapprochement des évaluations ex post nationales et internationales est encore à l’état d’ébauche : moins du tiers des pays déclarent examiner la mise en œuvre des instruments internationaux auxquels ils adhèrent (Graphique 5.15), et six d’entre eux disent partager les résultats de ces évaluations avec les OI compétentes – y compris, dans certains cas, en se contentant de publier ces résultats sur un site internet.
De même, si l’association des parties prenantes est devenue une composante courante des processus d’élaboration des normes et des règles dans les OI, moins de la moitié des pays de l’OCDE l’imposent avant l’adoption ou la transposition d’instruments internationaux dans leur législation nationale (Graphique 5.16). La convergence de ces processus n’est pas établie, ce qui semble ouvrir la possibilité de promouvoir la CRI par une intégration plus volontariste des pratiques d’association des parties prenantes au niveau national comme international.
Références
[9] Abbott, K., C. Kauffmann and J. Lee (2018), “The contribution of trans-governmental networks of regulators to international regulatory co-operation”, OECD Regulatory Policy Working Papers, No. 10, Éditions OCDE, Paris, http://dx.doi.org/10.1787/538ff99b-en.
[6] Basedow, R. and C. Kauffmann (2016), “International Trade and Good Regulatory Practices: Assessing The Trade Impacts of Regulation”, OECD Regulatory Policy Working Papers, No. 4, Éditions OCDE, Paris, http://dx.doi.org/10.1787/5jlv59hdgtf5-en.
[2] Hoekman, B. (2015), “Fostering Transatlantic Regulatory Cooperation and Gradual Multilateralization”, Journal of International Economic Law, Vol. 18/3, pp. 609-624, http://dx.doi.org/10.1093/jiel/jgv028.
[1] Hoekman, B. (2015), “Trade agreements and international regulatory cooperation in a supply chain world”, RSCAS Working Papers, http://cadmus.eui.eu/handle/1814/34207.
[3] Hoekman, B. and P. Mavroidis (2015), “Regulatory Spillovers and the Trading System: From Coherence to Cooperation”, E15 Task Force on Regulatory Systems Coherence, http://e15initiative.org/wp-content/uploads/2015/04/E15-Regulatory-OP-Hoekman-and-Mavroidis-FINAL.pdf.
[8] OCDE (2018), Review of International Regulatory Co-operation of Mexico, Éditions OCDE, Paris, http://dx.doi.org/10.1787/9789264305748-en.
[4] OCDE (2016), International Regulatory Co-operation: The Role of International Organisations in Fostering Better Rules of Globalisation, Éditions OCDE, Paris, http://dx.doi.org/10.1787/9789264244047-en.
[5] OCDE (2013), La coopération réglementaire internationale : Faire face aux défis de la mondialisation, Éditions OCDE, Paris, http://dx.doi.org/10.1787/g2g2ecc6-fr.
[7] OCDE (2012), Recommandation du Conseil concernant la politique et la gouvernance réglementaires, Éditions OCDE, Paris, http://dx.doi.org/10.1787/9789264209039-fr.
Notes
← 2. Cinquième atelier d’experts sur l’état d’avancement de la mise en œuvre de la Recommandation du Conseil concernant la politique et la gouvernance réglementaires (2012) (www.oecd.org/gov/regulatory-policy/stockholm-workshop.htm) et « Key Practices for Drafting Survey Questions on the Implementation of the Recommendation: Results of Consultation With RPC Delegates », Document de travail n° 2, 10e session du Comité de la politique de la réglementation.
← 3. Notons que dans l’UE, la notification SPS est très largement harmonisée : il existe une Autorité de notification et point d’information SPS de l’UE, placée sous l’autorité de la Commission européenne, qui agit au nom de l’UE et de ses 28 États membres. Les pays de l’UE n’ont pas désigné d’autorités de notification SPS. Ils ont néanmoins établi des points d’information chargés de traiter les commentaires. Pour les OTC, il n’existe aucune distinction entre les autorités de notification et les points d’information, et tous les pays ont désigné une autorité de cette nature (points d’information OTC). De fait, l’UE notifie un très grand nombre de mesures – on compte 1 504 notifications OTC et 1 196 notifications SPS, et les États membres de l’UE adressent également des notifications SPS et OTC en leur nom propre. L’Allemagne, par exemple, a présenté un total de 25 notifications OTC et de 17 notifications SPS. La France a pour sa part adressé 17 notifications SPS et 251 notifications OTC.