Les investissements et les financements ont un rôle majeur à jouer pour accompagner la transition vers un développement touristique bas carbone, économe en ressources et favorisant l’inclusion sociale. Ce chapitre se penche sur la nécessité de passer à des pratiques d’investissement et de financement propices à un tourisme durable, et examine les politiques, institutions et instruments de financement et d’investissement verts à retenir pour le secteur. Il met en lumière les bonnes pratiques qui catalysent et étayent la transition vers une économie du tourisme verte, décarbonée et résiliente au changement climatique, et propose aux autorités des pistes à suivre.
Tendances et politiques du tourisme de l'OCDE 2018
Chapitre 3. Développer les investissements et les financements propices à un tourisme durable1
Abstract
Le tourisme est l’un des vecteurs de croissance les plus prometteurs pour l’économie mondiale. À ce titre, il peut jouer un rôle moteur dans la transition vers une économie verte et favoriser une croissance plus durable et inclusive. Étant donné ses liens étroits avec de nombreux secteurs, au niveau des destinations et à l’échelle internationale, toutes les améliorations même mineures ayant pour effet de renforcer sa durabilité auront un retentissement considérable.
Les investissements et les financements revêtent à cet égard une importance cruciale. Les possibilités sont nombreuses, de l’investissement public et privé dans des modes de transport bas carbone et la construction d’infrastructures touristiques économes en ressources aux programmes qui appuient l’innovation, favorisent l’adoption par les entreprises de pratiques responsables et encouragent l’intégration des entreprises du secteur à des chaînes logistiques touristiques faiblement émettrices de carbone et durables (Encadré 3.1).
Encadré 3.1. Créneaux d’investissement pour une innovation verte dans le tourisme
Transition vers l’efficience énergétique : dans le secteur de l’hébergement, il existe de nombreuses possibilités d’investissements dans l’efficacité écologique, par exemple en améliorant les systèmes de réfrigération, de télévision et de vidéo, de climatisation, de chauffage et de blanchisserie.
Gestion de l’eau : financement d’entreprises écologiques qui mettent en place des programmes internes visant à améliorer l’efficience de l’utilisation de l’eau par hôte.
Gestion des déchets : l’amélioration de la gestion des déchets peut augmenter la durabilité du tourisme sur de nombreux plans : favoriser une utilisation plus rationnelle des ressources, attrait renforcé des destinations et création d’emplois.
Biodiversité : la préservation des écosystèmes est au cœur du tourisme durable. Des possibilités s’offrent aux entreprises et aux innovateurs verts de protéger les ressources naturelles tout en prenant systématiquement en compte la question du tourisme durable.
Patrimoine culturel : des investissements qui entretiennent le patrimoine culturel et offrent dans le même temps des possibilités de préserver, revitaliser ou renforcer les traditions améliorent l’offre touristique et contribuent à diffuser les effets bénéfiques du tourisme au sein des populations locales.
Source : OCDE (2013a).
Dans ce chapitre, le rapport examine la nécessité d’adopter des pratiques d’investissement et de financement propices à un tourisme durable, et analyse les politiques, institutions et instruments de financement et d’investissement verts utiles pour le secteur. L’objectif sera de mettre en lumière les bonnes pratiques qui catalysent et étayent la transition vers une économie touristique soucieuse de l’environnement, peu polluante et résiliente au changement climatique, et de proposer aux autorités des pistes à suivre.
Remédier au déficit d’investissements dans le développement du tourisme durable
Le développement durable du tourisme renvoie à un tourisme qui tient compte des retombées économiques, sociales et environnementales, actuelles et futures, et qui remplit les besoins des visiteurs, des professionnels du tourisme, de l’environnement et des populations hôtes. L’intégration de pratiques durables dans la consommation et la production de services touristiques suppose un changement de mentalité des parties prenantes, qui doivent prendre conscience du fait que des pratiques durables au quotidien leur sont bénéfiques à terme puisqu’elles contribuent à la préservation de l’environnement, qui est l’un des facteurs déterminants du tourisme.
Étant donné la forte croissance du tourisme mondial prévue à l’horizon 2030, des investissements non négligeables s’imposeront pour fournir les hébergements, les transports et les autres services et infrastructures touristiques nécessaires pour satisfaire la demande attendue et consolider dans le même temps les résultats économiques, sociaux et environnementaux. Il faudra pour cela mettre en place une approche intégrée mobilisant de nombreux ministères (transports, environnement, agriculture, innovation, éducation, tourisme) et échelons de l’administration (national, régional, local), et s’assurer des apports et du soutien des professionnels du secteur. Des investissements seront également indispensables pour assurer une gestion durable de cette expansion du tourisme.
L’OCDE s’emploie à améliorer les conditions d’investissement et à mieux mobiliser les ressources publiques et privées au profit d’une croissance résiliente, durable, verte, inclusive et profitant à l’ensemble de la société. Comme les budgets publics vont sans doute rester assujettis à des restrictions pendant quelques temps encore, tous les échelons de la sphère publique vont devoir faire mieux avec moins, en investissant de manière plus efficiente (OCDE, 2014). Il apparaît aussi de plus en plus clairement que des stratégies de financement plus novatrices et sophistiquées sont nécessaires ; les autorités sont donc en quête de nouveaux outils faisant la part belle au secteur privé.
À l’instar de nombreux autres secteurs, le tourisme est confronté, à travers le développement durable, à toute une série d’enjeux de taille. Néanmoins, la prise de conscience croissante de la nécessité et de l’intérêt de préserver des actifs naturels, sociaux et culturels irremplaçables accroît l’inclination des secteurs privé comme public à investir dans un tourisme plus durable. Ces investissements offrent des avantages sur le plan environnemental et social, et des possibilités de rendements substantiels, notamment dans les domaines de l’énergie, de l’eau, des déchets et de la biodiversité.
L’intervention du secteur public vise à préserver le potentiel de développement économique et d’inclusion sociale que présente le tourisme, et à corriger les actions qui donnent lieu à des investissements trop importants dans des techniques polluantes, et trop faibles dans les techniques bas carbone, résilientes au changement climatique ou économes en ressources. La qualité environnementale élevée qui attire les touristes est souvent entamée par ces mêmes touristes et par les services qui leur sont proposés, qui provoquent entre autres un accroissement de la pollution et un appauvrissement des ressources naturelles, des ressources hydriques et de la biodiversité.
Un autre domaine d’action prioritaire consiste à mettre au point des mécanismes de mobilisation de l’investissement privé, en raison notamment du resserrement des budgets publics. L’investissement et le financement à l’appui d’un développement durable du tourisme n’appellent pas nécessairement la création de nouveaux outils, mais plutôt une meilleure mise en relation des projets touristiques avec les instruments de financement, écologiques et autres, disponibles. Il existe des mécanismes de financement classiques et innovants qui intègrent les caractéristiques propres au tourisme (flux saisonniers, production de biens immatériels), depuis l’emprunt classique, qui est la principale source de financement extérieur des petites entreprises touristiques, jusqu’à l’apport de fonds propres et aux instruments hybrides que privilégient les entreprises à forte croissance et novatrices. On peut aussi concevoir des mécanismes de financement inspirés d’autres secteurs tributaires d’actifs naturels (renouvelables), et d’autres objectifs d’action, comme les prêts de groupe des institutions de microfinancement.
Pour obtenir un développement plus durable et remplir les objectifs ambitieux de réduction de la pauvreté et de lutte contre le changement climatique énoncés dans l’Agenda 2030 et dans l’Accord de Paris, il faudra, au cours des prochaines décennies, investir dans l’économie verte à bien plus grande échelle. En effet, l’Accord de Paris définit pour objectif de rendre « les flux financiers compatibles avec un profil d’évolution vers un développement à faible émission de gaz à effet de serre et résilient aux changements climatiques ». Par son ampleur, la transition vers une économie verte, faiblement émettrice et résiliente au changement climatique est peut-être le plus grand ajustement structurel jamais proposé dans le domaine de la gouvernance internationale.
Le tourisme a un rôle essentiel à jouer à cet égard et, compte tenu de sa forte dimension locale, il est particulièrement bien placé pour contribuer à relever les taux d’emploi, renforcer la cohésion sociale, améliorer la productivité et stimuler la croissance économique dans de nombreux domaines d’action. Par ailleurs, étant donné sa nature transversale, une évolution, même modérée, vers des modèles de production et de consommation plus durables aura des retombées notables.
Le financement de la transition vers un modèle plus durable de développement touristique ne va pas sans difficultés, qui ont notamment trait à l’adéquation des instruments financiers disponibles, aux informations concernant les retombées de l’investissement vert dans le tourisme, aux contre-incitations à l’adoption de pratiques commerciales écologiques et à l’efficacité de l’appui que procure le cadre de l’action publique. La réussite de l’intervention publique exige un degré substantiel de coopération et la coordination des stratégies des différentes instances gouvernementales et des différents niveaux d’administration, dans le cadre d’un plan national de portée générale et de long terme, compte tenu du temps nécessaire à la concrétisation de nombreuses mesures de protection de l’environnement. Elle appelle aussi la participation du secteur privé et de la société civile, et la mise en commun de pratiques exemplaires et d’idées novatrices par les divers acteurs du passage à un nouveau modèle de développement du tourisme durable.
Éléments de réflexion pour l’action publique
Compte tenu des analyses évoquées dans ce chapitre, les principaux éléments que les responsables publics doivent prendre en considération pour promouvoir et systématiser des investissements et des financements propices à un développement du tourisme durable sont les suivants :
Favoriser l’accès à des financements pour les projets touristiques durables, quelle que soit leur taille. Les pouvoirs publics peuvent intervenir directement au travers de subventions et de prêts bonifiés sur critère environnemental, pour financer le démarrage et les premières phases de projets durables proposés par les entreprises, ainsi que les entreprises disposées à intégrer des pratiques durables à leurs opérations courantes. Ils peuvent aussi encourager l’adoption d’instruments de financement écologiques pour les projets touristiques. Des aides adaptées aux petites entreprises touristiques peuvent se justifier dans les cas où elles servent des objectifs de protection de l’environnement et de durabilité. Il faut veiller à ne pas évincer le secteur privé. On peut faire appel à des instruments de financement indirects (cautionnement public) pour pallier l’absence de garanties liées à la production d’actifs immatériels fondés sur des services et à l’adoption progressive de processus plus respectueux de l’environnement. D’autres pistes consistent à favoriser les partenariats public-privé pour financer les investissements dans des infrastructures durables et la rénovation, et à mettre au point des mécanismes de répartition des risques afin d’encourager la participation du secteur privé au financement du développement du tourisme durable.
Promouvoir la transition vers des investissements bas carbone et résilients au changement climatique, et encourager des pratiques commerciales plus responsables dans le tourisme. Les stratégies du secteur privé peuvent contribuer à combler le déficit d’investissement dans le tourisme durable ; une politique active de ciblage et d’accompagnement des investisseurs soucieux de l’environnement est donc recommandée. Les entreprises touristiques doivent être mieux informées des arguments économiques justifiant l’adoption de pratiques durables, et encouragées à tenir compte des répercussions de leurs interventions sur l’environnement. Des critères environnementaux et sociaux doivent être intégrés aux politiques et programmes intéressant le tourisme, y compris aux mesures de facilitation et de promotion de l’investissement dans le secteur. Dans le cas où des mesures visant à limiter les activités écologiquement préjudiciables des entreprises touristiques s’imposeraient, comme la tarification ou la taxation de la congestion, les distorsions que ces mesures risquent de créer doivent être prises en considération.
Renforcer les capacités et mieux coordonner les actions des différentes instances gouvernementales pour accompagner l’évolution vers des pratiques d’investissement et de financement touristiques plus durables. Un cadre d’action publique cohérent et uniforme s’impose pour instaurer un environnement propice aux investissements touristiques durables. Cela suppose la coordination de différents domaines de l’action publique, dont le tourisme, l’environnement et l’innovation, et des différents niveaux d’administration. Il faut responsabiliser les investisseurs en évaluant l’incidence des critères de durabilité sur la stabilité financière et l’investissement à long terme. Il convient aussi de recenser et diffuser les informations disponibles sur les moyens d’utiliser plus efficacement les investissements de manière à gérer la demande touristique croissante dans une optique durable et inclusive.
Améliorer les données relatives au financement et à l’investissement dans le développement du tourisme durable et leur analyse, notamment le recours aux financements verts dans le secteur. Les informations relatives à l’efficacité des instruments de financement et des incitations actuellement utilisées pour favoriser des processus de production plus durables et encourager des pratiques commerciales plus responsables dans le tourisme sont rares. Des données factuelles plus fournies sont également nécessaires pour intégrer correctement le risque environnemental dans les décisions de financement et d’investissement touristiques, et pour mieux prendre la mesure des résultats économiques, sociaux et environnementaux des investissements dans le secteur. L’adoption de définitions normalisées des financements verts et des biens et services environnementaux liés au tourisme permettrait de caractériser les prêts visant des objectifs de développement durable du tourisme.
Sources de financement des investissements dans le tourisme durable
Les financements des investissements dans le tourisme peuvent être d’origine publique ou privée, nationale ou étrangère. Auparavant, la gamme des établissements financiers qui offraient des capitaux à long terme pour remplir les besoins de financement durable des entreprises touristiques, petites et moyennes entreprises (PME) comprises, manquait de diversité (Programme des Nations Unies pour l’environnement, 2017), et les montants négociés mondialement à l’appui d’un développement du tourisme durable demeurent aujourd’hui peu importants.
Mais la situation évolue. La motivation des secteurs public et privé vis-à-vis de l’investissement dans un tourisme plus durable augmente, et le marché des obligations à visée écologique et d’autres sources de financement vert est en expansion. En Finlande, par exemple, 25 % des sommes allouées par le Fonds européen de développement régional sont affectés, sur la période 2014-20, à des opérations à faible intensité carbonique. Ils ont financé des activités commerciales nouvelles et développement qui réduisent les émissions de carbone, notamment dans le secteur hôtelier. En parallèle, l’Initiative financière du Programme des Nations Unies pour l’environnement réunit plus de 200 établissements financiers, notamment des banques, des compagnies d’assurance et des investisseurs déterminés à intégrer des considérations environnementales et sociales à toutes les facettes de leurs opérations, dont certaines financent le tourisme (Encadré 3.2).
Encadré 3.2. Appui au tourisme au travers de l’Initiative financière du Programme des Nations Unies pour l’environnement
L’Initiative financière du Programme des Nations Unies pour l’environnement est un partenariat entre ONU-Environnement et le secteur financier mondial qui a pour mission de promouvoir la finance durable. Les établissements financiers participants, dont des banques, des compagnies d’assurances et des investisseurs, signent la Déclaration d’engagement des institutions financières en faveur du développement durable du PNUE, des programmes de financement spécifiques étant prévus pour le tourisme durable :
La Banque Triodos, par exemple, accorde aux entreprises de tourisme durable des prêts destinés aux investissements dans l’achat et l’aménagement de biens immobiliers, la production d’énergie renouvelable sur site et l’accréditation écotouristique. Elle a financé l’aménagement d’hôtels durables au Royaume-Uni, notamment par un prêt accordé à Wheatland Farm pour l’installation d’une turbine éolienne destinée à alimenter l’écogîte Balebarn. Elle prête uniquement aux entreprises qui ont obtenu ou sont en train d’obtenir la certification d’écotourisme. Elle abaisse de 1 % le taux d’intérêt accordé aux entreprises qui s’emploient à obtenir la certification Or. Un autre exemple de ces financements est celui accordé à Biosphere Responsible Tourism, un organisme de certification des destinations durables.
TSKB, une banque turque de développement et d’investissement, fournit des financements et des services de conseil en matière d’investissement dans des bâtiments écologiques dans le secteur du tourisme. Elle finance les investissements dans l’énergie, la gestion de l’eau et des déchets, l’utilisation de matériaux écologiques et la gestion des retombées sociales. Le secteur du tourisme représente 8 % de son portefeuille de prêts, soit 309 millions EUR de crédits alloués et 24 projets d’investissement dans la construction et la rénovation d’hôtels.
Source : PNUE, www.tridos.com, www.tskb.com.
La participation du secteur public au financement du développement du tourisme durable est essentielle pour débloquer les financements, fournir des incitations et renforcer les capacités. Preuve en est donnée par les activités des établissements financiers publics supranationaux, nationaux et infranationaux, banques d’investissement vertes comprises, qui orientent et adaptent les financements de manière à faciliter l’investissement privé dans les infrastructures bas carbone résilientes au changement climatique. Il importe aussi de disposer d’un large éventail d’instruments de financement, couvrant tous les profils de risque et de rendement, et s’adressant à des entreprises à différents stades de leur développement.
Les institutions financières publiques ont une mission de développement qui va au‐delà de la viabilité économique et financière, et peuvent accorder des subventions et d’autres aides à des projets environnementaux et sociaux. Celles qui opèrent à l’échelon régional ou local sont particulièrement bien placées pour surmonter les obstacles locaux à l’investissement ; les organisations de financement multilatérales peuvent quant à elles intervenir à grande échelle et diversifier les risques écologiques en participant à plusieurs projets environnementaux dans différents pays.
La Banque d’investissement nordique, par exemple, finance la réalisation de projets durables, quelle que soit leur taille, dans la région de la Baltique, notamment des projets d’infrastructure routière respectueux de l’environnement en Finlande et des projets environnementaux pour les PME en Norvège. En octobre 2017, cinq projets liés au tourisme étaient financés. En Norvège, la ville de Bergen, où le tourisme est en expansion, a mis en place un programme de prêts sur 20 ans d’un montant de 108 millions EUR pour financer le système de traitement des eaux usées. La ville accueille quelque 500 000 visiteurs et 350 navires de croisière par an. En Islande, le secteur du tourisme bénéficie (ainsi que ceux de la pêche, de l’immobilier et de l’agriculture) d’un programme de prêt de 66.6 millions EUR sur sept ans pour financer les investissements et les projets écologiques des PME, et d’un programme de prêt sur 10 ans d’un montant de 12 millions EUR pour financer des projets de R-D et d’infrastructures informatiques.
L’Union européenne a mis en œuvre plusieurs programmes pour appuyer le développement et la promotion d’un tourisme durable et responsable. La Commission européenne a financé une centaine de projets au cours de la période 2014-16, par exemple dans le cadre du Programme pour la compétitivité des entreprises et des PME (COSME). Ceux-ci portent notamment sur l’aménagement de pistes cyclables ou de circuits de randonnée, sur l’écotourisme et sur les Itinéraires culturels européens. Dans le cadre de l’initiative EDEN (« Destinations européennes d’excellence »), la Commission a cofinancé, avec les administrations nationales, la promotion de 140 destinations moins connues qui se distinguent par leur engagement envers le tourisme durable. Le secteur du tourisme peut en outre bénéficier d’aides plus générales à l’investissement durable pour promouvoir une économie bas carbone, les énergies durables et la gestion viable des ressources naturelles, dont les Fonds structurels et d’investissement européens 2014-20 et le Fonds européen pour les investissements stratégiques. La Commission a rédigé un Guide des financements de l’UE pour le secteur du tourisme pour aider les entités qui en ont besoin à prendre connaissance des différentes sources de financement des investissements disponibles.
Le secteur public peut intervenir directement, par le financement ou le cofinancement de projets de tourisme durable par exemple, ou par la création et le financement d’entreprises conceptrices de processus ou de services qui diminuent les effets nocifs sur l’environnement et augmentent simultanément la productivité. Le Canada, la Finlande, la France et Singapour ont ainsi lancé des projets d’écotechnologies mais, à ce jour, le potentiel de ces approches pour le développement du tourisme durable demeure inconnu.
En Espagne, le ministère de l’Énergie, du Tourisme et du Numérique a récemment introduit un programme de subventions d’un montant de 60 millions EUR pour encourager la transformation numérique et l’efficacité énergétique reposant sur les TIC dans les localités touristiques. Le premier appel ouvert à propositions apporte un financement d’un montant maximum de 6 millions EUR par projet, la participation de chaque entreprise oscillant entre 20 % et 40 % du montant du financement demandé. Ce programme est en partie financé par le Fonds européen de développement régional (Encadré 2.4). L’Institut espagnol de crédit officiel et l’Institut espagnol pour la diversification et les économies d’énergie ont également lancé en 2017 une ligne semestrielle de subventions, dotée d’un budget de 30 millions EUR, en faveur de l’efficacité énergétique dans le secteur de l’hôtellerie et de l’hébergement.
Le secteur public intervient cependant plus souvent de manière indirecte, pour appuyer le financement et l’investissement du secteur privé. Dans ce cas, l’instrument financier adapté aux projets à visée écologique peut revêtir deux formes : il s’agira soit d’instruments d’emprunt et de capitaux propres classiques intégrant des critères environnementaux, soit de produits innovants destinés à répondre aux besoins particuliers de l’économie verte – autres structures de prêt, financement de l’efficacité énergétique des biens immobiliers, et assurances d’actifs écologiques par exemple. Ces interventions indirectes peuvent être soit subventionnées, soit effectuées au prix du marché pour éviter d’évincer le secteur privé, et portent normalement sur la solution environnementale et non sur des secteurs particuliers comme le tourisme.
La raison d’être de ces interventions est d’apporter un complément financier et économique en proposant des instruments que le secteur privé ne fournit pas, et en guidant l’élaboration d’objectifs de tourisme durable moyennant, par exemple, des prêts ciblés à visée écologique.
Les modes de financement proposés par le secteur privé sont les instruments classiques d’emprunt et de capitaux propres, ou des instruments hybrides. Les instruments d’emprunt, prêts compris, sont une source courante de financement extérieur pour les entreprises touristiques de toutes tailles, tandis que les instruments hybrides, qui combinent emprunts et capitaux propres, sont moins utilisés par les PME du secteur. Le financement participatif peut apporter soit des prêts, soit des capitaux propres, et recèle un fort potentiel pour le tourisme. Les innovations technologiques financières qui réduisent les coûts de transaction et d’emprunt, dites fintech, ouvrent également de nouvelles perspectives de financement dans le secteur du tourisme. Les organisations de la société civile remplissent aussi une fonction d’aide à l’investissement privé au travers du financement participatif, de bailleurs de capital-risque, d’investisseurs-tuteurs et d’institutions de microfinance, et en orientant la finance à impact positif de manière à combler le déficit d’investissement dans le tourisme durable (Responsible Finance au Royaume-Uni par exemple) (Encadré 3.3).
Encadré 3.3. Instruments de financement du développement du tourisme durable
Instruments publics :
Directs : création ou financement d’entreprises conceptrices de procédés ou de services qui diminuent les effets nocifs sur l’environnement et augmentent dans le même temps la productivité – projets écotechnologiques par exemple.
Indirects : prêts ou subventions, prêts commerciaux (écoprêts, autres structures de prêt, prêts écoénergétiques portant sur des biens immobiliers), garanties de crédit (partielles), assurance d’actifs écologiques.
Instruments privés :
Commerciaux : financement par l’emprunt (prêts, obligations vertes, mini-obligations), par apport de capitaux propres et instruments hybrides (financements mezzanine, financement participatif), et technologies financières innovantes qui réduisent les coûts de transaction et d’emprunt (chaînes de blocs, algorithmes d’apprentissage, contrats intelligents).
Investissement à impact : comprend le financement mixte, la finance à impact positif, la microfinance et le financement participatif assorti de primes.
Traiter les obstacles aux investissements et aux financements touristiques durables
Le financement de la transition à un modèle touristique plus durable se heurte à divers obstacles que l’on peut regrouper en quatre catégories. Sur le plan de l’offre, il y a pénurie d’instruments de financement adaptés aux projets de tourisme durable. Sont également nécessaires des définitions normalisées de ce qui constitue un investissement « vert », celui-ci étant une composante essentielle de l’action en faveur d’un développement durable. En ce qui concerne la demande, les mesures visant à inciter les entreprises de toutes tailles à adopter des pratiques durables sur le plan environnemental et social sont insuffisantes, et la capacité des responsables publics à concevoir, coordonner, mettre en œuvre et appliquer des politiques de développement touristique durable pose également problème.
Disponibilité d’instruments de financement adaptés aux projets de tourisme durable
Le manque d’instruments de financement adaptés peut compromettre l’aptitude à financer de grands projets d’investissement dans le tourisme durable (hôtels et lieux de villégiature, attractions, transports, voyagistes et autres services). Il s’explique en partie par l’asymétrie des échéances : les déposants et investisseurs souhaitent d’ordinaire liquider rapidement les actifs, ce qui fait que les instruments de financement disponibles sont généralement assortis d’échéances inférieures à la durée nécessaire pour réaliser le projet d’investissement et le rentabiliser. Tel est le cas des investissements infrastructurels.
Le financement de petits projets touristiques présente des difficultés liées à leur taille, et appelle parfois une intervention publique du fait que le montant plus élevé des coûts de transaction (lié à la faiblesse des volumes négociés) fait obstacle à l’obtention de financements extérieurs (OCDE, 2006 ; 2013b). Les rigidités réglementaires et les failles du cadre juridique peuvent également brider la capacité du système financier à fournir des produits adaptés aux besoins des petites entreprises. Ce problème est particulièrement aigu lorsque les entreprises sont saisonnières, ce qui est le cas de nombreuses activités touristiques.
En ce qui concerne les petites et moyennes entreprises touristiques désireuses d’instaurer des pratiques durables dans leurs opérations commerciales existantes, des investissements visant à améliorer la productivité des ressources ou à rénover pour une meilleure efficacité énergétique pourraient être considérés comme des besoins en fonds de roulement. Or ces PME risquent de ne pas disposer des garanties nécessaires pour obtenir un financement extérieur. Le problème des garanties est particulièrement complexe dans la mesure où bon nombre de ces entreprises sont spécialisées dans la production de biens « immatériels » fondés sur des services, et que l’on ne sait trop si ni comment ceux-ci peuvent faire office de garantie.
Un autre écueil tient à ce que l’éventail limité de produits de financement durable disponibles vise principalement la transition énergétique, et ne tient pas compte d’autres mesures de développement durable (PNUE, 2017). Ainsi s’explique en partie, peut-être, le fait que les projets de développement durable recensés pour la rédaction de ce chapitre portent en majorité sur l’efficacité énergétique, surtout dans le secteur hôtelier. Il a été plus difficile de trouver des cas d’utilisation de financements verts pour appuyer et encourager des projets d’investissement plus divers sur l’ensemble de la chaîne de valeur touristique, notamment la création de produits, de services et d’offres touristiques plus durables.
En outre, l’incapacité des établissements financiers à se fonder sur une évaluation complète et précise du risque environnemental pour formuler une décision lorsque des demandes de financement portant sur des projets de tourisme durable leur sont soumises bride la création ’adaptation d’instruments de financement et leur adaptation au profit du développement durable de ce secteur. C’est le cas en particulier des projets innovants, plus risqués par nature compte tenu de leur caractère original et inexploré.
Les investissements innovants dans des projets environnementaux se heurtent à un autre risque : la non-intégration des effets de la dégradation des actifs naturels sur l’investissement. Ce problème est important pour le tourisme, car la qualité de l’environnement est l’un des principaux déterminants de son activité. Les investissements dans le tourisme, et les flux de visiteurs qu’ils accompagnent, peuvent endommager et épuiser les ressources naturelles, tandis que les événements extrêmes (comme les inondations) dus au changement climatique risquent d’avoir une incidence négative sur des projets d’infrastructures ou d’autres projets d’ordre touristique. D’autres risques pèsent sur la transition vers un tourisme durable, notamment les modifications apportées à la réglementation, l’évolution des marchés de consommation ou les innovations techniques des entreprises cherchant à parer à la dégradation de l’environnement – risque qui, chacun, peuvent accentuer la volatilité du rendement de l’investissement (ministère italien de l’Environnement, de la Protection du territoire et de la Mer et PNUE, 2017).
L’intervention du secteur public vise à créer des conditions propices à ce que le secteur privé investisse dans des projets de tourisme durable. Cela consiste à réserver des fonds pour les objectifs environnementaux et sociaux, et à collecter et diffuser des informations pour aider les acteurs concernés à créer des instruments adaptés. Cela suppose en outre d’évaluer si des réformes des marchés financiers sont nécessaires pour stimuler l’investissement privé à l’appui d’une croissance verte, et d’élaborer des mesures pour que la tarification du risque et les décisions de financement prennent systématiquement en compte le coût des externalités environnementales et sociales (OCDE, 2017a).
Ces interventions doivent être crédibles, c’est-à-dire tenir compte des situations nationales et des éventuelles retombées sur la compétitivité. Les instruments d’action varieront selon que le problème de tarification dans le secteur du tourisme tient à l’insuffisance de données, au manque d’expertise des établissements financiers, ou au déficit de capacités à l’échelon régional ou local. L’élaboration de politiques d’investissement à l’appui d’un développement touristique durable doit aussi faire appel à des techniques d’évaluation environnementale afin que l’analyse coûts-avantages tienne compte du coût associé à l’épuisement des ressources et à la dégradation de l’environnement. Le Cadre d’action pour l’investissement de l’OCDE (2015a) suggère de recenser clairement les mécanismes en place pour stimuler l’investissement privé en faveur d’une croissance verte et garantir l’optimisation des ressources.
Si les institutions de financement font de plus en plus appel à des financements du développement durable pour appuyer le passage à une économie bas carbone résiliente au changement climatique, les volumes négociés ne sont aujourd’hui pas suffisamment importants pour permettre d’obtenir immédiatement des effets palpables. Cette situation n’est pas particulière au tourisme, et tient en partie à ce que la rémunération des investissements est jugée trop faible en regard du niveau de risque réel ou perçu ; les établissements financiers ne sont donc guère incités à investir dans des secteurs qui influent fortement sur le développement (MATTM/PNUE, 2017). Certaines caractéristiques du cadre de l’activité économique peuvent aussi faire obstacle au développement durable du tourisme, comme le déficit de connaissances ou de capacités des investisseurs privés, et un climat d’investissement éventuellement difficile au niveau local et mondial.
L’enjeu pour les pouvoirs publics consiste à assurer que les politiques publiques et les conditions d’investissement favorisent la réaffectation des investissements des projets à fortes émissions de carbone vers des projets à faible intensité carbonique et résilients au changement climatique, y compris dans le domaine du tourisme (OCDE, 2015b). Un autre défi consiste à mobiliser les financements privés pour des projets qui appuient le passage à la croissance verte, sans pour autant évincer le secteur privé (OCDE, 2011). Les pays avancés, en particulier, doivent moderniser et réhabiliter les infrastructures existantes (investissements dans les friches industrielles), alors que les pays émergents ont besoin de nouveaux investissements infrastructurels (ex nihilo).
Évaluation des opérations de financement écologique du tourisme
La finance écologique est constituée d’instruments financiers qui ont pour finalité spécifique de contribuer à l’amélioration de l’environnement dans le cadre d’opérations portant par exemple sur la production d’énergie propre, la pollution atmosphérique, l’appauvrissement de la biodiversité, le changement climatique et l’efficacité énergétique, ainsi que la gestion des déchets et de l’eau (MATTM/PNUE, 2017). En font partie les obligations labellisées vertes, dont le produit est réservé à des projets et des actifs environnementaux. Dans son rapport sur la croissance verte, l’OCDE souligne que le volume d’obligations vertes négocié demeure faible par rapport au marché obligataire mondial, mais estime toutefois qu’il se montait à 42 milliards USD en 2015.
À l’heure où nous rédigeons ces lignes, il n’existe pas de définition internationale reconnue de la finance écologique (OCDE, 2017b), et le manque de données relatives aux investissements verts demeure problématique, d’autant qu’il participe de l’incapacité à prendre correctement en compte le risque environnemental dans les décisions de financement. Les petites entreprises touristiques se heurtent à des problèmes particuliers à cet égard, car un faible niveau de productivité et un certain manque d’intérêt pour un développement de l’activité font que les établissements financiers sont peu disposés à accorder des prêts (OCDE, 2017a), même dans les cas où la productivité risque d’être sous-estimée – lorsque les entreprises touristiques investissent dans des technologies plus propres et dans un usage plus efficient des ressources naturelles par exemple. Par ailleurs, les interventions financières sont généralement classées en fonction de la solution environnementale fournie, et non du secteur concerné, le tourisme dans le cas présent.
Les informations disponibles sont diffusées dans leur globalité, sans ventilation sectorielle possible, y compris pour le tourisme. Autrement dit, il est impossible de savoir dans quelle mesure les instruments à visée écologique financent des projets environnementaux dans le secteur du tourisme, et d’évaluer leurs retombées. Dans les cas où l’on dispose de données, celles-ci indiquent que les financements verts servent à financer des investissements dans des infrastructures de transport utiles au tourisme, comme le nouvel aéroport de Mexico (Mexique) et l’infrastructure ferroviaire en France (Encadré 3.4).
Encadré 3.4. Le financement des infrastructures de transport par des obligations vertes en France et au Mexique
France : en 2017, la SNCF a émis des obligations vertes pour financer les investissements ferroviaires. Les fonds ainsi mobilisés financeront en premier lieu les investissements dans le réseau existant, mais serviront aussi à lancer de nouveaux projets et à renforcer la stratégie de SNCF Réseau en matière de développement durable. SNCF Réseau a mis au point une méthode pour mesurer les retombées de la modernisation du réseau ferroviaire en termes d’émissions de CO2 et de consommation de ressources naturelles. Un rapport annuel, certifié par un auditeur externe, permettra aux investisseurs de contrôler l’utilisation des fonds et leur incidence environnementale, qui va au-delà de la réduction des émissions de carbone. Un programme de rénovation d’envergure du réseau ferré vise à encourager un transfert modal vers le rail.
Mexique : les obligations vertes contribuent au financement de la construction du nouvel aéroport de Mexico. Elles sont émises par le Mexico City Airport Trust, et leur produit servira à financer des projets écologiques, dont une nouvelle aérogare, un centre de transport terrestre et un centre de contrôle du trafic aérien. Les projets environnementaux envisagés admissibles ont été estimés à 5.9 milliards USD ; ils seront financés conformément au cadre et aux principes régissant les obligations vertes, et s’inscriront dans les six catégories environnementales y donnant droit : bâtiments durables, énergies renouvelables, efficacité énergétique, gestion de l’eau et des déchets, prévention et réduction de la pollution, conservation et biodiversité.
Source : www.sncf-reseau.fr, www.moodys.com.
Un projet récemment conduit par l’OCDE et Eurostat a catégorisé les biens et services environnementaux de manière à pouvoir caractériser leur utilisation par d’autres secteurs à des fins statistiques ou analytiques : lutte contre la pollution atmosphérique ; gestion des eaux usées ; gestion des déchets solides ; dépollution/assainissement du sol et de l’eau ; lutte contre le bruit et les vibrations ; surveillance, analyse et évaluation ; Groupe technologies et produits moins polluants ; et Groupe gestion des ressources (Commission européenne, 2016).
Cette structure pourrait offrir une référence utile pour mesurer la consommation et la production durables de biens environnementaux liés au tourisme. L’association des ressources publiques et privées aux catégories qu’elle contient fournirait des données systématiques à des fins analytiques, et permettrait de mieux connaître les volumes négociés dans le cadre du financement du développement durable du tourisme.
Incitations à l’adoption de pratiques respectueuses de l’environnement
Un problème essentiel lié aux entreprises, petites et grandes, est qu’elles négligent souvent de prendre en compte l’impact de leurs opérations sur l’environnement, et sur la société dans son ensemble. S’il existe un mode de fonctionnement moins coûteux, elles opteront rationnellement pour ce dernier, à moins d’être mieux informées des raisons justifiant l’adoption de pratiques durables, d’avoir des incitations financières à évoluer vers ces pratiques, et d’être assujetties à des contraintes réglementaires visant à limiter les opérations écologiquement non viables.
Grâce aux progrès techniques, la transition vers des sources d’énergie vertes devient compétitive en termes de coûts, ce qui peut encourager les entreprises à prendre des décisions plus écologiques. On estime cependant que le passage à des investissements d’infrastructure bas carbone entraînera une hausse de 4.5 % des coûts (OCDE, 2015b), ce chiffre pouvant toutefois s’avérer inférieur pour les producteurs de services, par exemple touristiques. Autrement dit, les politiques publiques ont un rôle à jouer pour inciter les entreprises touristiques à intégrer les effets environnementaux et sociaux à leurs processus de décision, et les encourager à adopter des pratiques plus durables.
Les autorités peuvent inciter les entreprises à agir en faisant appel à des instruments de tarification dont l’objectif est de modifier les comportements dans les domaines de l’eau, des déchets et des transports (redevances de congestion dans les villes et sur les sites touristiques fréquentés, déplacement de la charge fiscale au profit des écotaxes et élimination des incohérences préjudiciables à l’environnement dans les régimes d’imposition par exemple), ou à un système de subventions favorisant les technologies vertes et supprimant progressivement les aides qui ont des effets pervers sur l’environnement (OCDE, 2015b). Les dispositions prises par les pouvoirs publics à cet égard peuvent avoir des retombées substantielles compte tenu de l’effet multiplicateur des investissements dans le tourisme et du caractère transversal du secteur.
Coordination des actions aux différents niveaux d’administration
Faute d’une évaluation précise des externalités environnementales des projets touristiques, on risque de ne pas prendre correctement en compte les externalités négatives, ce qui peut se traduire par des volumes excessifs d’investissements préjudiciables à l’environnement (technologies polluantes par exemple), et des volumes insuffisants d’investissements écologiques (nouveaux services écosystémiques). Dans de tels cas, une intervention de l’État se justifie pour rétablir l’équilibre.
Néanmoins, lorsque l’intervention publique est inefficace, la distorsion qui en résulte peut être pire que le problème qu’elle cherche à résoudre. On peut être confronté à cet inconvénient en présence de l’une ou plusieurs des situations suivantes :
Politiques climatiques fragmentées : maintien de réglementations chaotiques, trop rigides ou dépassées qui créent des barrières à l’entrée, au détriment d’entreprises innovantes désireuses d’introduire de nouveaux produits, procédés ou modèles d’organisation durables dans le secteur du tourisme (connues sous le nom d’innovateurs verts).
Politiques incohérentes ou inexistantes en faveur d’un tourisme durable : maintien de subventions à des technologies obsolètes, comme les subventions agricoles préjudiciables à l’environnement, en parallèle à la promotion d’investissements touristiques respectueux de l’environnement aux mêmes endroits, ou orientations insuffisantes pour permettre aux systèmes d’innovation de promouvoir les priorités de la croissance verte.
Médiocrité de la gouvernance : à l’échelon mondial, local ou régional, des mécanismes institutionnels et des structures de gouvernance fragiles peuvent empêcher la mise en œuvre ou l’exécution de politiques d’innovation au service des priorités de la croissance verte – accélérer les progrès en matière d’efficacité énergétique, favoriser l’aménagement d’infrastructures vertes ou récompenser les résultats en matière environnementale et sociale par exemple.
Insuffisance de capital humain : au niveau local en particulier, ce déficit peut entraver l’intégration du tourisme au développement de la collectivité, ainsi que la participation du secteur privé.
Problèmes d’infrastructures : la fourniture des infrastructures auxiliaires nécessaires, y compris l’écologisation des aménagements touristiques existants, pourrait encourager le développement d’un tourisme plus durable.
Dans ces cas, l’existence d’une défaillance du marché ne justifie pas en soi une intervention de l’État puisque, comme l’indiquent les trois premiers points de la liste ci‐dessus, les responsables publics ne sont pas en mesure de remédier au problème (Banque interaméricaine de développement, 2014). Une autre difficulté consiste à faire accepter l’idée selon laquelle l’intégration de critères de durabilité aux objectifs d’investissement, de suivi et de résultats dans le secteur du tourisme sera perçue par les investisseurs comme une conduite responsable des opérations, et n’aura pas d’effet dissuasif sur eux (OMT, 2014).
Investir dans le tourisme au profit des objectifs de développement durable
Le Programme de développement durable à l’horizon 2030 énonce une stratégie globale et ambitieuse de réduction de la pauvreté mondiale qui mobilise la participation des pays avancés et émergents. Le tourisme peut concourir, directement ou indirectement, à la réalisation de tous les objectifs de développement durable (ODD), mais il figure plus particulièrement parmi les cibles des objectifs 8, 12, et 14 relatifs à une croissance économique inclusive et durable, à des modes de consommation et de production durables, et à l’exploitation durable des océans et des ressources marines (Encadré 3.5).
Encadré 3.5. Cibles des bjectifs de développement durable relatives au tourisme
Objectif 8 : Promouvoir une croissance économique soutenue, partagée et durable, le plein emploi productif et un travail décent pour tous.
Cible 8.9 : d’ici à 2030, élaborer et mettre en œuvre des politiques visant à développer un tourisme durable qui crée des emplois et mette en valeur la culture et les produits locaux.
Objectif 12 : Établir des modes de consommation et de production durables.
Cible 12b : mettre au point et utiliser des outils de contrôle des impacts sur le développement durable, pour un tourisme durable qui crée des emplois et met en valeur la culture et les produits locaux.
Objectif 14 : Conserver et exploiter de manière durable les océans, les mers et les ressources marines aux fins du développement durable.
Cible 14.7 : d’ici à 2030, faire mieux bénéficier les petits États insulaires en développement et les pays les moins avancés des retombées économiques de l’exploitation durable des ressources marines, notamment grâce à une gestion durable des pêches, de l’aquaculture et du tourisme.
La réalisation des objectifs de développement durable suppose un degré substantiel d’intervention publique, notamment pour assurer les conditions nécessaires au développement du secteur privé, mais aussi pour coordonner et diffuser les stratégies à l’échelon national et infranational. La proclamation de l’année 2017 « Année internationale du tourisme durable pour le développement des Nations Unies », par exemple, visait à favoriser une évolution de l’action publique, des pratiques des entreprises et des comportements des consommateurs propre à améliorer la durabilité du secteur du tourisme, et à concourir à la réalisation des ODD.
Un cadre de référence international comme l’Agenda 2030 peut susciter des investissements et des financements dans le tourisme en orientant l’aide internationale au développement que les pays avancés versent aux pays moins développés de manière à encourager la création d’emplois, les modes de consommation et de production durables, et une exploitation responsable des ressources marines et hydriques. Outre l’effet financier direct de ces décaissements, la mise en œuvre des ODD impose aux pays d’établir des rapports normalisés, ce qui peut faciliter la systématisation et la collecte de données relatives aux investissements liés au développement du tourisme. Cela encouragera aussi le déclenchement de mesures d’accompagnement qui indiquent clairement la direction à suivre et assurent la stabilité nécessaire à des décisions d’investissement propices à des pratiques plus durables.
Le tourisme peut aussi servir d’instrument pour l’accomplissement des ODD, ce qui peut relever les normes d’investissement et de financement en faveur d’un tourisme durable, en intégrant dans les décisions de financement un élément de croissance inclusive et de régénération environnementale. La logique qui sous-tend l’articulation des cibles de ces trois ODD avec les objectifs de développement du tourisme se fonde sur le caractère intrinsèquement local des activités touristiques, puisque l’attrait des collectivités locales (culture, patrimoine) et l’environnement (actifs naturels et aménagements) sont les moteurs du tourisme. L’intégration des PME touristiques locales aux chaînes de valeur internationales peut aussi favoriser les modes de consommation et de production durables.
À titre d’exemple, quand les pays investissent dans une utilisation plus rationnelle des ressources naturelles (technologies plus propres) et que les effets n’en sont pas pleinement appréhendés, la productivité risque d’être sous-estimée. Des mesures plus précises de la productivité du secteur du tourisme et de l’économie dans son ensemble permettraient de mieux connaître les retombées économiques d’une utilisation durable des ressources, et concourraient ainsi à la réalisation de la cible 12.b, à savoir améliorer l’évaluation des actions en faveur d’un développement durable. Le tourisme peut aussi contribuer à la réalisation de nombreux autres ODD, mais des travaux plus approfondis s’imposent pour préciser les concepts, élaborer et adopter des définitions et des techniques d’évaluation, et appuyer leur mise en œuvre et la formation (Laimer, 2017).
L’investissement a un rôle essentiel à jouer dans l’atteinte des cibles des ODD, notamment ceux ayant trait au tourisme. Or la CNUCED (2014) estime le déficit d’investissement annuel à 2 500 milliards USD, car les formules de financement adaptées ne sont pas à la mesure des besoins en la matière. Il est difficile d’établir précisément quelle part de ces besoins est directement associable aux cibles relatives au tourisme. Cependant, les estimations concernant l’aménagement des infrastructures liées au tourisme (routes, voies ferrées et ports ; centrales électriques, réseaux de distribution d’eau et d’assainissement ; mesures d’adaptation au changement climatique et d’atténuation de ce phénomène), et la sécurité alimentaire, la santé et l’éducation associées aux ODD dans les pays en développement sont comprises entre 3 300 milliards USD et 4 500 milliards USD par an.
Les responsables publics peuvent contribuer à combler ce déficit, et faire appel pour cela à des instruments destinés à mobiliser la participation du secteur privé, celle-ci étant toutefois plus prévisible dans certains domaines (investissements infrastructurels dans les sources d’énergie électriques et renouvelables, les transports, l’eau et l’assainissement) que dans d’autres (CNUCED, 2014). Le tourisme est un secteur dans lequel on peut raisonnablement compter sur cette participation. Néanmoins, pour amener le secteur privé à œuvrer à la réalisation des ODD, les responsables publics doivent concilier les besoins contradictoires consistant d’une part à promouvoir et faciliter les investissements moyennant l’assouplissement des réglementations, et d’autre part à protéger l’intérêt public (OMT, 2014 ; CNUCED, 2014 ; OCDE, 2015c).
Pour remédier au déficit d’investissement et réaliser les ODD à l’horizon 2030, une coopération plus étroite entre les pays avancés, les pays émergents et les pays en développement s’imposera. Il apparaît que les pays émergents se heurtent à des difficultés pour adapter leurs modes de production de manière à y intégrer des mesures de durabilité, ce qui tient à l’évolution rapide de l’urbanisation. La croissance dynamique du tourisme dans ces pays appelle aussi des solutions innovantes et efficaces. Le transfert des écotechnologies des pays avancés aux pays en développement et émergents au travers des chaînes de valeur du tourisme durable est un moyen de remédier à ce problème, puisque les pays de l’OCDE sont à l’origine de 90 % des innovations dans ce domaine (OCDE, 2017b).
Les pays avancés ont aussi la possibilité de moderniser les infrastructures existantes dans le cadre d’une démarche qui appuie la transition vers une économie bas carbone résiliente au changement climatique, aide les entreprises à adopter des pratiques respectueuses de l’environnement, et favorise des modes de consommation et de production touristiques plus durables. Accompagner cette transition est utile, directement et indirectement, au tourisme, et des travaux antérieurs de l’OCDE (2013a) ont recensé divers domaines propices à l’investissement dans le tourisme durable (Encadré 3.1).
Les pays avancés, de même que les organisations internationales, peuvent également aider les pays en développement à mettre sur pied des projets de tourisme durable susceptibles de bénéficier d’un concours financier ; ils peuvent aussi leur transférer les connaissances et leur permettre d’obtenir les financements nécessaires pour atteindre les cibles des ODD. L’un des principaux écueils évoqués par les investisseurs est l’absence de projets touristiques concrets et d’envergure dans les pays en développement ; une assistance technique, en termes de financement et de conseils spécialisés, s’impose pour remédier à cette situation (CNUCED, 2014). Par ailleurs, orienter l’aide internationale au développement vers le tourisme peut concourir à la construction d’infrastructures durables et encourager les innovateurs verts et les écoentreprises de toutes tailles.
Systématiser les investissements et les financements propices au développement du tourisme durable
Cette section présente et analyse diverses mesures envisageables pour encourager et systématiser les investissements et les financements propices à un développement du tourisme durable. Il s’agit notamment de mesures destinées à débloquer les financements, à créer des incitations et à renforcer les capacités ; de mesures de facilitation et de promotion visant à améliorer le climat des affaires et à encourager la diffusion de l’information ; de programmes propres à promouvoir le comportement responsable des entreprises ; et de dispositions susceptibles d’améliorer la coordination entre les différents niveaux d’administration et de rehausser la capacité des responsables publics à élaborer, appliquer et faire respecter la réglementation.
Le constat de base est que les investissements dans les innovations bénéfiques pour l’environnement et la société sont insuffisants. Investir dans le développement du tourisme durable offre l’occasion d’examiner les arbitrages et les complémentarités avec l’ensemble des politiques commerciales, financières, d’investissement et de concurrence, de coordonner les actions et d’éviter des effets antithétiques. La difficulté réside dans le fait que l’allocation de financements publics au développement durable du tourisme requiert une évaluation confirmant que cette approche constitue la meilleure utilisation des deniers publics, étant donné les effets secondaires et les distorsions résultant du processus de choix des entreprises et/ou secteurs bénéficiaires.
Promouvoir les investissements et les financements propices au développement du tourisme durable
Les mesures propices aux investissements dans le tourisme durable peuvent aller de la production directe d’écotechnologies à des instruments de financement fondés sur les mécanismes de marché. Les interventions les plus courantes consistent à subventionner des investissements bas carbone et résilients au changement climatique au moyen de subventions et de prêts à taux bonifiés, ou à offrir au secteur des prêts de marché si on estime que la simple mise à disposition de financements suffit.
Certains pays ont mis en place des programmes particuliers d’investissement dans le tourisme. Plus souvent, le tourisme compte parmi les secteurs admis à bénéficier des outils et instruments de financement et d’investissement, écofinancements compris. La difficulté dans ce cas consiste à mieux faire connaître ces dispositifs aux acteurs de la filière.
Au Mexique, un projet visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre et à encourager l’adoption des énergies vertes dans le secteur hôtelier par le biais de prêts à longue échéance et de garanties publiques a été mis en œuvre dans les États de Quintana Roo, de Campeche et du Yucatán. L’objectif est de dégager des enseignements de ce programme pilote afin d’évaluer si son extension à l’ensemble du territoire mexicain est viable (Encadré 3.6).
Encadré 3.6. Stimuler l’investissement des hôtels dans les énergies vertes au Mexique
Depuis 2015, un programme pilote est mis en œuvre dans la péninsule du Yucatán, au Mexique, pour encourager les hôtels à adopter des énergies vertes. Il a été mis au point par le gouvernement fédéral, le ministère de l’Énergie, la Commission nationale pour une utilisation efficiente de l’énergie et le Programme des Nations unies pour le développement afin d’atténuer l’empreinte environnementale du secteur du tourisme en réduisant les émissions de gaz à effet de serre. Le programme fournit aux hôtels indépendants des conseils techniques, des formations et des financements pour l’acquisition et l’installation de systèmes de chauffe-eau solaires, et vise à leur faire réaliser des économies en réduisant leur consommation de gaz.
Le programme propose des prêts à long terme pour financer le remplacement des systèmes de chauffage de l’eau par des systèmes écologiques (solaires). Les prêts sont assortis d’une échéance maximale de cinq ans et de taux d’intérêt fixes, et peuvent porter sur un montant maximum de 15 millions MXN. Le programme permet également de cautionner les prêts commerciaux par l’intermédiaire de Bancomext, la banque publique de développement pour le financement du commerce international, ainsi que des taux d’intérêt bonifiés du Fonds fiduciaire mexicain pour la transition énergétique et l’adoption de systèmes énergétiques durables. Dans ce cadre, 2.5 millions de mètres carrés de systèmes de chauffage solaire ont été installés, qui permettent d’alimenter 3 000 chambres d’hôtel en eau chaude. La fin du programme pilote et, partant, son évaluation, sont prévues pour 2018.
Une autre initiative publique, le programme autrichien klimaactiv mobil apporte 80 millions EUR sous forme de subventions pour faciliter la transition vers une mobilité verte (mobilité électrique, gestion de la mobilité, promotion du vélo et de la marche, flexibilité des transports publics et covoiturage). Il apporte son concours aux entreprises, aux autorités locales et aux associations de la société civile en prenant en charge jusqu’à 20 % des coûts de financement du projet. Bien que non limité au tourisme, il offre une bonification du financement propice aux projets de mobilité conduits par les associations touristiques à l’échelle régionale.
D’autres politiques liées au tourisme visent à instaurer des modes de consommation et de production plus durables, notamment celles qui encouragent le renouvellement et la modernisation des infrastructures existantes. La Bulgarie a mis en place des programmes et des mesures pour favoriser les économies d’énergie et le recours aux technologies respectueuses de l’environnement dans les bâtiments, et pour améliorer la gestion des visiteurs sur les sites touristiques. Ces initiatives visent essentiellement à assurer le contrôle de la qualité de l’air et de l’eau, et la gestion durable des déchets.
En Australie, une banque d’investissement verte chargée de développer les flux de financement affectés aux projets à visée écologique intervient activement dans le secteur du tourisme. Le Reef Funding Program de la Clean Energy Finance Corporation est un programme d’investissement d’un montant d’un milliard AUD destiné aux projets d’énergie propre dans les bassins hydrographiques de la Grande Barrière de corail. Il soutient les investissements dans les énergies renouvelables, l’efficience énergétique et les technologies bas carbone dans différents secteurs, dont le tourisme et l’agriculture.
Dans le cadre d’un autre programme, la Clean Energy Finance Corporation propose aux hôtels des mécanismes de financement innovants et abordables pour qu’ils puissent améliorer plus facilement leur productivité énergétique et diminuer leurs coûts d’exploitation. Elle a ainsi participé au financement d’un projet d’énergie solaire sur le site d’Ayers Rock, près d’Uluru, qui devrait fournir 15 % environ de la consommation énergétique annuelle du site. Le projet démontre ainsi que, pour de nombreuses entreprises et de nombreux consommateurs éloignés, la production d’énergie renouvelable sur place est plus propre et moins coûteuse que les autres sources d’énergie (Clean Energy Finance Corporation, Australie, 2017).
Les budgets publics peuvent aussi financer ou cofinancer des projets privés de tourisme durable en faisant appel à des fonds spéciaux, à des partenariats public-privé afin de répartir les risques, ou à des crédits d’impôt. L’Italie, par exemple, a instauré en 2015 un système de crédit d’impôt pour la rénovation des établissements d’hébergement touristique spécifiquement axé sur l’efficience énergétique et les mesures antisismiques. Le crédit d’impôt couvre entre 30 % et 65 % des coûts et, à compter de 2018, porte également sur la rénovation des structures les plus liées à l’écotourisme, comme les sites de camping et l’agrotourisme. Initialement dotée d’une enveloppe de 170 millions EUR pour la période 2015-17, cette mesure a été prorogée jusqu’à 2020 et assortie d’un budget de 240 millions EUR. Un nouveau crédit d’impôt portant sur les infrastructures numériques lui a en outre été rattaché.
En Espagne, une nouvelle écotaxe de 2 EUR par nuitée s’applique depuis 2016 à tous les séjours de plus de 24 heures dans les Îles Baléares, qu’il s’agisse d’hôtels, de navires de croisière, de locations touristiques ou de terrains de camping. Ses recettes serviront entre autres à financer les investissements visant à préserver et améliorer la qualité du tourisme sur les îles, et à améliorer la gestion de son impact territorial et environnemental. Les demandes de financement des projets sont évaluées par la Commission pour la promotion d’un tourisme durable, qui réunit des représentants des autorités locales, des associations professionnelles, des écologistes et d’autres intervenants concernés. Un site internet spécialisé a été mis en place pour informer les visiteurs, les voyagistes et la population locale de la façon dont les taxes perçues sont utilisées, et des différents projets et programmes ainsi financés.
Dans les cas où les budgets publics sont limités, les partenariats public-privé sont un instrument viable de financement des projets d’infrastructures touristiques : le secteur privé apporte l’expertise et les financements, le secteur public assure les conditions structurelles (un environnement économique stable), et les risques associés au projet sont répartis entre les deux parties. Néanmoins, la promotion de partenariats public-privé pour procéder à des investissements qui ne pourraient être réalisés autrement peut poser des problèmes si les pays ne disposent pas des capacités nécessaires pour faire respecter les règles du partenariat et contrôler le partenaire privé.
Un exemple de fonds spécialisé est celui du Tourism Infrastructure Fund néo-zélandais, qui apporte 100 millions NZD de cofinancements sur quatre ans pour l’aménagement d’infrastructures touristiques (parcs de stationnement, sites de camping sauvage, stations d’assainissement et de traitement des eaux, projets de transport). Le fonds prête assistance aux collectivités locales qui sont confrontées à des pressions résultant de la croissance du tourisme et ont besoin d’aide – les régions qui accueillent de nombreux touristes mais dont l’assiette fiscale est étroite par exemple. Un cofinancement est requis, mais seuls les candidats aux moyens financiers limités sont admissibles (Ministère des Entreprises, de l’Innovation et de l’Emploi, Nouvelle-Zélande, 2017).
En complément, selon la pratique habituelle de tous les projets de financement bénéficiant d’un concours public, une assistance technique et un renforcement des capacités sont assurés pour garantir la réussite des innovations et leur éventuelle montée en puissance (OCDE, 2017a ; OCDE, 2017c ; MATTM/PNUE, 2017).
En Turquie, un programme mené conjointement par le ministère de la Culture et du Tourisme et le Programme des Nations Unies pour le développement en vue de promouvoir le développement économique local grâce au tourisme comporte un volet qui met chaque année un financement compris entre 50 000 et 120 000 TRY à la disposition de trois projets conduits par des acteurs locaux du tourisme et des organisations non gouvernementales. Le programme « L’avenir est dans le tourisme » réunit des intervenants publics, privés et de la société civile pour mettre en œuvre des projets touristiques durables et locaux et fournir les orientations, les outils et les ressources nécessaires pour renforcer leur capacité à œuvrer ensemble au développement du tourisme durable. Depuis 2007, le programme a financé 13 projets. Les investissements touristiques à l’appui de la préservation culturelle, du développement régional et d’autres investissements prioritaires peuvent également bénéficier d’une fiscalité allégée.
En Italie, un programme d’aide en nature a été lancé en 2014 pour encourager la valorisation touristique des sites du patrimoine culturel appartenant à l’État. Le programme accorde gratuitement des droits de concession aux organismes ou aux particuliers disposés à prendre à leur charge les coûts d’investissement dans l’aménagement de ces sites à des fins touristiques. Il s’agit de favoriser la réalisation de circuits pédestres et cyclables et d’itinéraires faisant appel à d’autres formes de locomotion humaine le long des voies cyclables et des circuits culturels historico-religieux, afin de développer le tourisme et de stimuler le développement régional. Le programme met en jeu une collaboration entre le ministère de la Culture et du Tourisme, le ministère des Infrastructures et l’Agence domaniale de l’État.
Un autre mode de financement susceptible de concourir à des pratiques et des investissements durables de la part des entreprises est celui, en plein essor, de « l’investissement à impact positif » (impact investment). À l’instar des sources publiques, les instruments de financement privés peuvent avoir d’autres objectifs que la rentabilité, et chercher à stimuler le développement local en aidant les petites entreprises et la création d’emplois. L’investissement à impact positif comprend les instruments de financement mixtes, de financement à impact positif et d’investissement à impact social, qui apportent des fonds aux organismes s’efforçant de satisfaire les besoins environnementaux et sociaux dans la perspective explicite d’un rendement social et financier mesurable. La microfinance et le financement participatif assorti de primes peuvent être rangés dans cette catégorie. Ces modes de financement trouvent leur utilisation optimale lorsque l’allocation des ressources par le marché est déficiente, ou lorsque d’autres considérations que l’efficience économique dominent (objectifs d’équité ou de redistribution par exemple).
Au Royaume-Uni, l’investissement à impact positif a ainsi été utilisé à Londres pour transformer un immeuble de bureau désaffecté en un hôtel écologique innovant, des chambres préfabriquées essentiellement composées de matériaux recyclés étant intégrées à la structure existante de manière à réduire les retombées environnementales du processus de construction. Le financement initial a été apporté par un investisseur spécialisé, Bridges Fund Management, et l’hôtel a par la suite intégré divers dispositifs durables, dont des panneaux solaires, des éclairages LED et économes en énergie, et des économiseurs d’eau.
L’appui du secteur public peut aussi avoir pour objectif de favoriser le regroupement d’entreprises dans une localité afin de produire le volume de financement nécessaire à des projets de tourisme durable. L’analyse d’expériences de microfinance liées au tourisme montre qu’il existe plusieurs manières d’augmenter le volume de prêt et d’améliorer par exemple les résultats en termes de développement touristique. On citera notamment les programmes qui réunissent des entreprises de la filière afin de procéder à un emprunt collectif pour atténuer le problème de la fragmentation et de la faiblesse des volumes, qui augmente le coût du crédit, et en parallèle sensibilisent et forment à la gestion entrepreneuriale pour optimiser le potentiel des prêts.
Ce modèle économique peut être transféré aux pays avancés afin d’accroître les investissements dans le tourisme durable, par exemple en constituant des regroupements d’entreprises touristiques à l’échelon local (artisans, fournisseurs de produits alimentaires, guides touristiques, etc.) pour diminuer les coûts de transaction. Le Mexique a une riche expérience en la matière, dont la création d’un logo indiquant que les entreprises touristiques sont inscrites auprès des autorités publiques, et l’organisation de formations d’une journée sur la gestion des relations avec les touristes (OCDE, 2017e).
Instaurer un climat d’investissement harmonieux et propice au développement durable
Les mesures mises en place par les autorités pour supprimer les obstacles aux investissements et aux financements en matière de développement du tourisme durable doivent s’inscrire dans une approche globale qui place l’instauration d’un environnement propice à l’investissement et au développement au centre de l’élaboration des politiques et qui intègre de manière cohérente les mesures en faveur d’un développement bas carbone et résilient au changement climatique. Dans cette optique, la mise au point d’un cadre stratégique coordonné pour l’investissement dans le tourisme durable s’impose.
Il convient par ailleurs d’assurer la coordination entre les différents niveaux de l’administration publique, avec des objectifs bien définis et une mise en œuvre ordonnée, y compris en ce qui concerne la mobilisation de la société civile (Corfee-Morlot et al., 2012). Cela suppose, en matière d’investissements liés au tourisme, de coordonner les mesures dans différents domaines d’action comme l’innovation, les transports et l’environnement, ainsi qu’aux différents échelons administratifs.
Plus généralement, la réussite de l’intervention publique repose sur une évaluation permanente des réglementations qui régissent et favorisent les activités de tourisme durable et qui, éventuellement, leur font obstacle. Elle suppose également de renforcer la capacité des agents publics concernés, et d’autres intervenants, à veiller à ce que les investissements et financements contribuent effectivement au développement durable du tourisme, par exemple en intégrant des objectifs de biodiversité dans les politiques touristiques. Leur compétence s’étend à l’évaluation et à l’éventuelle suppression des subventions et incitations fiscales préjudiciables à l’environnement.
La difficulté tient en partie à la nécessité d’acquérir une connaissance spécifique du tourisme, en améliorant les capacités et compétences globales, et de trouver les moyens de présenter les informations touristiques de manière concise, en faisant appel à des faits et des données actualisées ainsi qu’aux témoignages d’entreprises touristiques performantes (Banque mondiale, 2013). L’élaboration d’un plan complet de développement durable du tourisme suppose en outre la création d’un modèle de gestion pour intégrer les entreprises locales aux chaînes de valeur touristiques.
En Australie, l’encouragement et l’aide à l’investissement constituent l’un des piliers de Tourism 2020, une stratégie de long terme qui mobilise l’ensemble des administrations publiques et du secteur en vue de renforcer la résilience et la compétitivité de la filière touristique nationale, et d’accroître sa contribution économique. Pour donner corps à cette vision, la stratégie mise en place par l’Australie pour attirer les investissements dans le tourisme a récemment été complétée par un programme d’investissement dans les infrastructures touristiques régionales, mené en coopération avec les autorités locales et territoriales pour instaurer un environnement propice à l’investissement dans les régions australiennes (Encadré 3.7). Compte tenu de leur localisation dans des régions présentant de nombreux attraits naturels et de leur polyvalence, ces projets d’investissement sont souvent subordonnés à de multiples autorisations accordées par différents organismes relevant de divers échelons administratifs.
Encadré 3.7. Faciliter l’investissement à l’appui du développement touristique et régionale en Australie
La stratégie Tourism 2020 du gouvernement australien fait une place prioritaire à l’augmentation de l’investissement dans le tourisme afin de développer les produits nécessaires à la réalisation des objectifs en matière de dépenses d’hébergement. Pour faciliter les investissements dans la filière, le service Tourism Major Project Facilitation met les promoteurs d’investissements importants dans le tourisme en contact avec un interlocuteur central au sein du gouvernement australien. Celui-ci les guide dans les procédures d’agrément des différents niveaux de l’administration publique. Le service travaille en collaboration avec les organismes de l’administration fédérale et des États et Territoires pour traiter les demandes d’agrément selon une procédure simplifiée et efficiente. En rationalisant les échanges avec les organismes compétents, il permet aux investisseurs de gagner du temps et de l’argent, et d’assurer aux projets touristiques l’accès à un service de facilitation de l’investissement intégré pour réduire au minimum les délais.
Ses fonctions sont les suivantes : recenser les différents agréments nécessaires (notamment dans les domaines de l’environnement et du patrimoine, de l’emploi, et des affaires autochtones) ; organiser des réunions avec les organismes compétents ; apporter un appui et une connaissance approfondie des programmes et procédures publics ; aider les investisseurs à accéder aux programmes d’assistance pertinents ; et trouver des solutions aux problèmes qui surgissent pendant la procédure d’agrément. Les projets doivent respecter divers critères d’admissibilité : l’investissement en capital doit être supérieur à 50 millions AUD, la contribution à la croissance économique, aux exportations, à l’emploi et/ou au développement infrastructurel doit être substantielle et ils doivent revêtir une importance stratégique pour Tourism 2020. En 2017, le service appuyait six projets censés créer 13 000 emplois durant les phases de construction et d’exploitation.
Source : Australian Trade and Investment Commission.
Les modalités d’investissement et de financement doivent s’inscrire dans une stratégie touristique soigneusement planifiée et ordonnancée, qui met les systèmes d’innovation au service des priorités de la croissance verte. Une planification méthodique est également indispensable pour atténuer les retombées négatives d’une croissance rapide du tourisme. Pour éviter des investissements dispersés, localisés et sans grand effet, les projets touristiques doivent aussi s’insérer dans un modèle de développement stratégique, et porter sur des formes de tourisme et des destinations bien précises.
L’Islande fait face à un besoin urgent d’investissement car la croissance plus rapide que prévue des flux touristiques a mis l’environnement et les infrastructures existantes à rude épreuve. Un groupe de travail spécialisé réunissant des acteurs publics et privés, dont les ministères du Tourisme, des Finances, de l’Intérieur et de l’Environnement, et censé exercer ses activités jusqu’en 2020, est chargé d’exécuter un plan d’action visant à assurer un développement plus durable du tourisme.
Ce plan a notamment recentré l’action du Fonds de protection des sites touristiques sur de petits projets innovants gérés par les propriétaires privés et les autorités locales. Il fonctionnera en parallèle à un nouveau plan d’infrastructures à long terme portant sur la protection de sites de plus grande superficie placés sous gestion publique et présentant un intérêt naturel, culturel et historique, et sera complété par de nouveaux plans de gestion des destinations destinés à favoriser des aménagements infrastructurels plus ciblés, correspondant davantage aux besoins des collectivités locales. Dans une étude (OCDE, 2017d), l’OCDE a recommandé à l’Islande d’assujettir l’investissement dans les infrastructures touristiques à des analyses coûts-avantages rigoureuses tenant compte de leurs retombées sociales et environnementales (Encadré 3.8).
Encadré 3.8. Le Fonds de protection des sites touristiques en Islande
Le Fonds de protection des sites touristiques, créé en 2011, fournit des capitaux pour assurer la sécurité des touristes et protéger l’environnement naturel islandais. Il a aussi pour objectifs de financer l’aménagement de nouveaux sites et de répartir plus uniformément les flux touristiques dans le pays. Il vise les projets innovants menés par les autorités locales et les propriétaires fonciers. Les financements ne sont accordés à des entités privées que lorsque le site est ouvert au public et que l’accès y est gratuit, bien qu’il soit possible d’imposer des frais de stationnement, d’accès aux toilettes et à d’autres services. À la suite d’amendements apportés à la législation en 2017, les organismes nationaux ne peuvent plus en bénéficier. Les subventions financent 80 % du coût des projets, sur une durée normalement fixée à un an. En 2017, l’enveloppe allouée au Fonds s’est montée à 600 millions ISK.
Depuis sa création, le Fonds a financé 750 projets. Aux chutes de Goðafoss, par exemple, sa subvention a donné à la municipalité les moyens financiers d’améliorer l’accessibilité au site, de protéger l’environnement, de renforcer la sécurité des visiteurs, d’améliorer la signalisation et de gérer l’augmentation des flux de visiteurs. Ont notamment été aménagés une plate-forme panoramique, un sentier pédestre et un parc de stationnement. L’Office du tourisme d’Islande supervise la gestion du Fonds ; le Conseil du Fonds de protection de sites touristiques est constitué de représentants du ministère de l’Industrie et de l’Innovation, de l’Association islandaise des voyagistes, de l’Association islandaise des collectivités locales, et du ministère de l’Environnement et des Ressources naturelles. Toutes les subventions sont approuvées par le ministère du Tourisme, de l’Industrie et de l’Innovation, et les dotations sont rendues publiques.
Source : Office du tourisme islandais et ministère de l’Industrie et de l’Innovation, Islande.
L’investissement dans le tourisme doit par ailleurs s’accompagner d’un engagement environnemental concret, sur le plan tant de la planification que de l’investissement proprement dit. Les programmes d’aménagement touristique doivent équilibrer au mieux l’investissement infrastructurel et le renforcement de la gouvernance touristique locale pour assurer l’élaboration et la mise en œuvre efficaces des politiques. Ces programmes appellent une participation transversale et une capacité d’exécution adaptées au type de tourisme concerné (BID, 2016).
Une fois l’instrument d’action défini, il convient d’évaluer si la capacité nationale et infranationale, et celle du secteur privé et de la société civile, est suffisante pour mener la stratégie à bien (OCDE, 2014).
Au Chili, le programme Foco Destino a pour ambition de renforcer les capacités des gestionnaires locaux afin de donner une impulsion à certaines destinations touristiques, et d’accroître leur compétitivité et leur viabilité dans le cadre du Plan national pour le développement durable du tourisme. Dans un esprit similaire, Invest Tourism a pour objectif de mobiliser l’investissement pour des projets écologiquement viables dans des destinations susceptibles d’intéresser les investisseurs. Les projets doivent avoir des retombées favorables dans la région et prêter une attention particulière à la préservation des ressources naturelles et à l’enrichissement de l’interprétation du milieu écologique (Encadré 3.9).
Encadré 3.9. Stimuler l’investissement et le développement de destinations durables au Chili
Programme Foco Destino : conçu par le ministère de l’Économie, du Développement et du Tourisme et le Service national du tourisme, il vise à remédier au manque de compétitivité des destinations locales et à favoriser le développement durable. Il renforce les capacités à l’échelon local en désignant des gestionnaires dotés d’une expérience minimum de sept ans pour coordonner les politiques touristiques de chaque destination, mettre les acteurs privés et publics en relation, et élaborer et exécuter des stratégies de promotion propres à chaque site. Trente projets touristiques ont été financés sur sept destinations en 2016-17, pour un montant total de 6 millions USD. L’expérience prouve que la reproduction du programme sur différents sites est plus efficace quand la méthode est adaptée et que les gestionnaires sont choisis en fonction de la destination concernée ; quand les interventions durent au moins 12 mois et font en permanence l’objet d’un suivi et d’une coordination ; quand les projets sont préparés conjointement par les professionnels du secteur, des consultants et des organismes techniques ; et quand des acteurs stratégiques privés et publics y participent.
Invest Tourism : le programme Invest Tourism a été lancé en 2016 pour diversifier l’offre touristique et stimuler l’activité économique et la production de revenus dans les régions. Une « carte des perspectives d’investissement dans le tourisme » recense 27 destinations offrant la possibilité d’investir dans des projets de développement touristique durable. Le programme cherche à mobiliser 32 millions USD d’investissements, le montant des projets étant compris entre 70 000 USD et 5 millions USD. Du point de vue écologique, les projets doivent avoir une incidence favorable sur la région environnante eu égard au choix du site, à la conservation des matériaux et des ressources naturelles, à la qualité de l’expérience touristique et à l’enrichissement de l’interprétation du milieu écologique.
Source : OMT, www.invierteturismo.cl.
En Suède, une initiative de l’Agence suédoise pour la croissance économique et régionale destinée à encourager les modes de consommation et de production durables met en évidence les avantages d’une approche coordonnée à la mise en œuvre de mesures pratiques, adaptées aux besoins des cinq régions participantes. Dotées d’un budget de 6.4 millions EUR sur quatre ans, les destinations ont lancé des opérations visant par exemple à mettre au point des produits et des services plus durables (Encadré 2.2).
Comme pour toutes les mesures publiques, il convient d’évaluer l’efficacité des dispositions mises en œuvre pour stimuler l’investissement dans le développement durable du tourisme et voir si les résultats visés sont réalisés.
Au Costa Rica, le Plan national de tourisme fait appel à un Indice du progrès social pour mieux évaluer l’incidence de l’investissement et de la croissance du tourisme sur le bien-être au niveau des destinations. Ce projet innovant est constitué d’indicateurs environnementaux et sociaux et tient compte des caractéristiques des destinations, notamment la nature du tourisme pratiqué, le degré de développement touristique, et d’autres facteurs qui influent sur le développement durable du tourisme. Les résultats peuvent servir à évaluer les retombées de la croissance économique et de l’investissement sur le bien-être, et l’incidence du développement touristique sur les destinations et les collectivités locales (Encadré 1.22).
Encourager les entreprises à adopter des pratiques durables et responsables
L’investissement privé est indispensable pour assurer une croissance durable et inclusive du tourisme. La plupart des investissements privés sont effectués par des entreprises nationales, mais l’investissement international peut présenter d’autres avantages (transferts de technologies, liens avec les fournisseurs locaux, accès aux marchés mondiaux), et les pays se tournent de plus en plus vers des investisseurs étrangers susceptibles d’apporter les capitaux requis pour développer le tourisme. Les pouvoirs publics doivent étudier les moyens d’attirer les investissements internationaux et nationaux dans le secteur, et de les mobiliser durablement.
La mobilisation de l’investissement privé dans le tourisme est devenue une activité très concurrentielle dans de nombreux pays, et peut être favorisée par divers moyens : garantie de l’État de droit, services de conseil et assouplissement des règles d’entrée et de sortie du marché (OCDE, 2015a). De nombreux pays ont mis en place des programmes très dynamiques de mobilisation et de facilitation des investissements touristiques, comme l’illustre l’exemple de l’Australie évoqué plus haut. De fait, certains jouent de leur réputation environnementale à cette fin. VisitFinland, par exemple, met l’accent sur le caractère vierge et préservé d’une nature exceptionnelle et sur les normes de durabilité élevées qui font de la Finlande un lieu d’investissement touristique sans égal pour attirer les investisseurs respectueux de l’environnement.
Ces mesures de facilitation et de promotion ne cherchent pas seulement à mobiliser la participation du secteur privé ; elles concourent également à diffuser les pratiques responsables parmi les parties prenantes, à accroître les dividendes du tourisme et à les répartir plus largement. L’intégration de critères environnementaux et sociaux à ces politiques et programmes peut inciter les entreprises du secteur à se tourner vers des projets d’investissement dans un tourisme plus durable.
L’investissement dans le développement du tourisme durable fait intervenir des apports financiers du secteur privé ; la nature des investissements financés et le mode opératoire des entreprises touristiques entrent également en ligne de compte. Le comportement responsable des entreprises suppose un engagement en faveur du développement durable, des pratiques commerciales transparentes et responsables, le devoir d’éviter les pratiques préjudiciables même quand elles ne sont pas interdites (évolution du principe « ne pas faire de mal » vers le principe « faire du bien »), et un partenariat avec les autorités pour optimiser les avantages communs de l’investissement (CNUCED, 2014 ; OCDE, 2015a).
Pour mener une politique de nature à favoriser l’investissement, il convient de définir des moyens de mieux diffuser l’information aux investisseurs, en faisant appel aussi bien à des instruments existants qu’à des outils personnalisés, comme les sites internet, des profils sectoriels détaillés et des présentations sur mesure. Parmi les actions adaptées figure le développement d’un réseau de partenaires pour améliorer la prestation des services (Banque mondiale, 2013). Certains choix stratégiques peuvent aussi accroître la création de valeur des investissements directs étrangers ; on pourra ainsi améliorer les chances d’établir des liens avec les entreprises locales en imposant l’utilisation d’intrants locaux et en prêtant appui aux entreprises locales, au moyen de produits financiers et non financiers, pour leur permettre de satisfaire aux normes internationales (CNUCED, 2007).
En Allemagne, plusieurs initiatives publiques mobilisant la participation du secteur privé à l’élaboration des politiques sont en place pour guider la transition vers les sources d’énergie renouvelables dans les secteurs de l’hôtellerie et de la restauration, notamment des campagnes de sensibilisation et de collecte de données pour étayer les arguments en faveur de pratiques commerciales plus responsables et durables, y compris en matière d’investissement.
Le ministère fédéral des Affaires économiques et de l’Énergie mène ainsi, en coopération avec l’Agence allemande de l’énergie, un projet pilote de bâtiments économes en énergie. En 2015, il a lancé dans ce cadre le projet Check-in Energy Efficiency pour démontrer les avantages économiques et sociaux d’un passage à des sources d’énergie renouvelables. Le projet exige des hôtels qu’ils mènent au moins un projet d’investissement qui se traduira par une économie de 30 % à 50 % de l’énergie consommée pour le chauffage et l’électricité par rapport à la consommation antérieure. Les 30 hôtels participants bénéficient de conseils spécialisés pour exploiter le potentiel d’efficacité énergétique et bénéficier d’une hausse des subventions.
Un autre programme du gouvernement allemand s’inspire de la campagne de lutte contre le changement climatique et en faveur de l’efficacité énergétique menée par l’Association allemande des hôtels et des restaurants pour encourager les entreprises à adopter des pratiques plus durables, qui montre en quoi les stratégies privées peuvent également contribuer à combler le déficit d’investissement (Encadré 3.10).
Encadré 3.10. La campagne de l’Association des hôtels et des restaurants en faveur de l’efficacité énergétique et de l’atténuation du changement climatique en Allemagne
L’Association allemande des hôtels et des restaurants (DEHOGA) a lancé une campagne en faveur de l’efficacité énergétique et de l’atténuation du changement climatique dont les grands axes portent sur l’utilisation rationnelle de l’énergie, les sources régionales d’approvisionnement et la mobilité durable. La campagne fait appel à différentes méthodes pour informer les hôtels et restaurants – directives, conseils sur site, réseaux et ateliers notamment. Le Plan d’action national sur l’efficacité énergétique la cite parmi les bons exemples d’une approche sectorielle de la sensibilisation à l’utilisation rationnelle de l’énergie. Le gouvernement allemand a décidé de prolonger l’expérience de la DEHOGA durant sa présidence de la Convention alpine (2014-16). Plusieurs projets ont ainsi été lancés, notamment l’organisation d’ateliers avec des experts, les syndicats et les hôteliers. Un outil en ligne a été mis au point, dans les quatre langues alpines, ainsi qu’un guide pratique de gestion de l’énergie. Il s’agit d’offrir aux hôtels la possibilité de réaliser des économies d’énergie systémiques, et de réduire ainsi les coûts et l’émission de gaz à effet de serre nocifs. Un concours, ClimaHost, est prévu pour mettre en lumière les bonnes pratiques et assurer la sensibilisation à l’atténuation du changement climatique et aux questions d’adaptation à cedernier.
Source : Ministère fédéral de l’Environnement, de la Protection de la nature, de la Construction et de la Sûreté nucléaire, Allemagne.
En France, les chambres de commerce et d’industrie encouragent leurs membres à acquérir une attitude plus responsable vis-à-vis de l’environnement ; selon elle, les coûts élevés et la faible rentabilité liés à l’adoption de pratiques écologiques sont des obstacles au financement du tourisme durable. Pour y remédier, elles ont défini un ensemble de mesures, dont la certification de la durabilité des produits touristiques. Elles ont également mis en place un site internet spécialisé, doté d’un outil de recherche adapté, qui repère les principaux programmes et possibilités de financement à la disposition des entreprises touristiques, selon leur catégorie et leur localisation, la nature du projet proposé (réduction de la pollution, recyclage et gestion des déchets, campagne de sensibilisation) et le type d’aide recherché (don, subvention, prêt, garantie). En font partie des instruments visant à faciliter l’obtention de financements pour la rénovation des bâtiments, les investissements dans la modernisation et une aide à la labellisation.
En Islande, le Centre islandais pour la responsabilité sociale des entreprises et le Pôle touristique islandais, dans le cadre de leurs activités de promotion de l’investissement et d’un tourisme responsable, encouragent aussi les PME du secteur à adopter des pratiques plus durables : faire preuve d’un comportement et d’un respect exemplaires envers la nature ; garantir la sécurité des visiteurs et la courtoisie à leur endroit ; respecter les droits des salariés ; et exercer une influence positive sur le milieu local.
Des mesures récentes visant à instaurer des modes de consommation et de production plus durables font appel à des instruments traitant étroitement le résultat négatif. Cela consiste par exemple à attribuer un prix au carbone en taxant les émissions polluantes plutôt que l’utilisation de combustibles fossiles comme intrants de production (OCDE, 2011). Pour favoriser l’évolution vers des produits et des processus de production plus propres, les autorités peuvent envisager d’allouer des primes aux travaux de R-D visant à remplacer les intrants polluants par d’autres intrants plus propres (entreprises écologiques), d’encourager l’adoption de modes de consommation à moindre empreinte écologique (économie verte) et de développer les dispositifs de réutilisation, de réparation et de recyclage (OCDE, 2011).
Une solution dans le secteur du tourisme consisterait à définir des mesures associant le développement du tourisme durable et l’économie circulaire afin de favoriser des modes de consommation et de production touristiques plus durables. L’économie circulaire est un concept qui couvre l’intégralité du cycle, de la production à la consommation, et prône une démarche fondée sur « la réduction, la réutilisation et le recyclage » pour mieux préserver l’environnement.
L’Union européenne, par exemple, a établi un Plan d’Action en faveur de l’économie circulaire qui prévoit des incitations économiques pour encourager les producteurs à mettre des produits plus respectueux de l’environnement sur le marché, et un soutien aux programmes de récupération et de recyclage. Même si le tourisme ne figure pas, à ce stade, parmi les secteurs visés, il peut tirer profit de bon nombre de ses recommandations.
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Note
← 1. Les données statistiques concernant Israël sont fournies par et sous la responsabilité des autorités israéliennes compétentes. L’utilisation de ces données par l’OCDE est sans préjudice du statut des hauteurs du Golan, de Jérusalem-Est et des colonies de peuplement israéliennes en Cisjordanie aux termes du droit international.