L’État exerce ses droits d’actionnaire d’entreprises publiques au service de l’intérêt général. Il lui appartient d’évaluer soigneusement et de rendre publics les motifs justifiant sa participation, et de soumettre ceux-ci à des réexamens périodiques.
L’État exerce ses droits d’actionnaire d’entreprises publiques au service de l’intérêt général. Il lui appartient d’évaluer soigneusement et de rendre publics les motifs justifiant sa participation, et de soumettre ceux-ci à des réexamens périodiques.
Les membres du public dont les droits d’actionnaires sont exercés par les pouvoirs publics devraient être les actionnaires effectifs des entreprises publiques. Cela signifie que ceux qui exercent ces droits sur les entreprises publiques ont des obligations envers la collectivité qui ne sont pas sans rappeler les obligations fiduciaires du conseil d’administration à l’égard des actionnaires, et qu’ils devraient agir en tant que représentants de l’intérêt général. Des normes rigoureuses de transparence et de redevabilité sont nécessaires pour permettre au public de s’assurer que l’État exerce les pouvoirs dont il est investi en servant au mieux ses intérêts et que les ressources des entreprises publiques sont utilisées de manière efficiente et durable, conformément aux motifs justifiant sa participation.
Dans les pays de l’OCDE, les motifs justifiant l’acquisition ou la conservation d’un actionnariat public recouvrent en principe une ou plusieurs des activités suivantes : (1) la fourniture de biens ou de services publics lorsque l’actionnariat public est censé offrir une meilleure efficacité et une plus grande fiabilité que des organismes publics ou le recours à des intervenants privés ; (2) l’exploitation de monopoles naturels lorsque la réglementation des marchés est jugée irréaliste ou inefficace ; et (3) le soutien à des objectifs économiques et stratégiques restreints poursuivis dans l’intérêt général, comme le maintien d’industries ou de secteurs bien déterminés dans le giron de la puissance publique ou le renflouement de sociétés d’importance systémique en difficulté. Ces motifs devraient être bien définis, faire l’objet d’un réexamen périodique et respecter un calendrier raisonnable. Les réexamens devraient être soumis à des normes rigoureuses de redevabilité à l’égard des instances représentatives compétentes, et les résultats devraient être portés à la connaissance du public en toute transparence. Les entreprises publiques ne devraient pas se voir imposer des objectifs de politique publique sans rapport avec le type d’activité et les motifs justifiant l’actionnariat public. Les objectifs devraient être assignés de manière transparente et soumis à des niveaux rigoureux de redevabilité.
I.A. La finalité ultime de l’actionnariat public devrait être de maximiser la valeur à long terme pour la société, d’une manière efficiente et durable.
Les missions qui sont assignées aux entreprises publiques et les motifs justifiant l’actionnariat public diffèrent radicalement selon les pays. L’observation des bonnes pratiques est toutefois une invitation pour les pouvoirs publics à étudier et préciser comment une entreprise donnée créé de la valeur pour ses actionnaires et les membres de la société qui sont les bénéficiaires effectifs, d’une manière efficiente et durable. Afin d’éclairer leur décision de faire entrer ou de maintenir une entreprise dans le giron de la puissance publique, les pouvoirs publics devraient étudier si une affectation plus efficace des ressources au profit de la collectivité pourrait être obtenue grâce à une autre forme d’actionnariat ou à des mesures telles que la réglementation, les subventions, les impôts, les marchés publics, les avantages ou la création d’organismes publics.
Lorsqu’une entreprise publique est censée atteindre des objectifs de politique publique, notamment en assumant des obligations de service public, un certain nombre d’exigences d’efficacité s’imposent d’elles-mêmes. Le service public est assuré au mieux si les services sont fournis dans de bonnes conditions d’efficacité, de transparence et de durabilité et si une autre utilisation des mêmes ressources budgétaires n’aurait pas permis de procurer de meilleurs services. Ce sont ces considérations qui devraient guider les responsables de l’action publique dans leur choix de faire jouer à des entreprises publiques le rôle d’instruments au service de la réalisation d’objectifs de politique publique, y compris des obligations de service public. Lorsqu’une entreprise publique exerce des activités économiques, celle-ci sert l’intérêt général en maximisant au mieux la valeur à long terme de l’entreprise de manière durable et en générant un flux de recettes suffisant au bénéfice du Trésor public.
I.B. Les pouvoirs publics devraient élaborer une stratégie actionnariale définissant notamment les motifs et les objectifs globaux de l’actionnariat de l’État, son rôle et le rôle des autres actionnaires dans la gouvernance des entreprises publiques, la manière dont il met en œuvre cette stratégie actionnariale ainsi que les missions et responsabilités respectives des services de l’administration participant à cette mise en œuvre.
Afin que l’État puisse se positionner clairement en tant qu’actionnaire d’une entreprise, il lui faut définir avec précision et hiérarchiser les motifs justifiant l’actionnariat public en élaborant une politique actionnariale cohérente et explicite. La politique actionnariale devrait en principe prendre la forme d’un document d’orientation général et concis décrivant les motifs et les objectifs d’ensemble justifiant la participation de l’État dans des entreprises et chaque entreprise publique individuelle (mère), son rôle et le rôle des autres actionnaires dans la gouvernance des entreprises publiques, la manière dont il met en œuvre cette stratégie actionnariale ainsi que les missions et responsabilités respectives des services de l’administration participant à cette mise en œuvre. Dans certaines juridictions, il peut être nécessaire d’ancrer les motifs justifiant la participation et la politique actionnariale dans un cadre juridique, qui couvre également d’autres aspects liés au rôle d’actionnaire de l’État.
La politique actionnariale devrait être communiquée au public ainsi qu’à tous les services de l’État exerçant des droits d’actionnaire ou associés sous une autre forme à la mise en œuvre de la politique actionnariale de l’État. Cette mesure donnera aux entreprises publiques, au marché et à la collectivité dans son ensemble une bonne visibilité et leur permettra de comprendre les objectifs globaux de l’État en tant qu’actionnaire et son rôle à ce titre. La politique actionnariale devrait être mise à disposition dans un format numérique facilement accessible.
La politique actionnariale devrait, notamment, définir le portefeuille des entreprises publiques, inclure les objectifs de l’État en tant qu’actionnaire, tels que la création de valeur à long terme, la réalisation d’objectifs de politique publique, ou des objectifs stratégiques comme le maintien de certaines branches d’activité dans le giron du secteur public, ou encore des objectifs économiques, environnementaux et sociaux. Il incombe à l’État de décider ses motivations en tant qu’actionnaire, qui devraient en tout état de cause être clairement définies pour chaque entreprise publique. Lorsque les objectifs de l’État concernant son portefeuille d’entreprises publiques sont susceptibles d’interférer avec l’équité des règles du jeu, l’État devrait limiter toute distorsion en adoptant des mesures d’atténuation et divulguer pleinement les motifs, la justification et la portée des distorsions éventuelles de l’équité des conditions de concurrence, en particulier si celles-ci sont susceptibles d’avoir une incidence négative sur les concurrents étrangers. Il importe d’assurer une grande transparence pour détecter et prévenir tout traitement préférentiel.
La politique actionnariale devrait en outre comporter des informations plus détaillées sur la manière dont les droits d’actionnaire sont exercés au sein de l’administration publique, y compris sur le mandat, sur les principales fonctions et sur les missions et responsabilités de l’ensemble des entités publiques exerçant les droits de l’État actionnaire. Elle devrait également faire référence aux principaux éléments de toute politique, loi ou réglementation applicable aux entreprises publiques, et en synthétiser le contenu, ainsi qu’à toute autre directive destinée à éclairer l’État dans l’exercice de ses droits d’actionnaire. Le cas échéant, l’État devrait également mentionner des informations sur ses priorités en matière de réforme ou sur sa politique et ses projets de privatisation d’entreprises publiques et, de préférence, dresser une liste des entreprises publiques auxquelles la politique s’applique.
La multiplicité et la nature contradictoire ou imprécise des motifs ou des objectifs des participations publiques peuvent aboutir à une grande passivité de l’État actionnaire ou, à l’inverse, à une intervention excessive de la puissance publique dans des affaires ou des décisions qui devraient relever de la seule compétence de l’entreprise publique.
I.C. La politique actionnariale devrait faire l’objet de procédures adéquates de redevabilité à l’égard des instances représentatives compétentes et être portée à la connaissance du public. L’État devrait réévaluer à intervalles réguliers sa politique actionnariale et dresser le bilan de sa mise en œuvre.
La politique actionnariale devrait de préférence être élaborée à l’échelle de l’ensemble de l’administration par l’entité actionnaire concernée. Lors de l’élaboration et de la mise à jour de la stratégie actionnariale de l’État, il est recommandé aux pouvoirs publics de faire un usage judicieux des consultations publiques, ce qui implique de prévoir l’information et l’appel à contribution du grand public ou de ses représentants. Ils devraient, entre autres, consulter largement les représentants du secteur privé, notamment des investisseurs et des fournisseurs de services présents sur le marché, ainsi que ceux des organisations syndicales. Utiliser efficacement et précocement la consultation du public peut être un moyen de favoriser l’acceptation de la politique actionnariale par les participants au marché et les principales parties prenantes et de renforcer la transparence. L’élaboration de la politique actionnariale est un processus qui peut également nécessiter la consultation de toutes les entités publiques concernées, notamment des commissions législatives et parlementaires compétentes, de l’institution de vérification des comptes de l’État, et des ministères et organismes de réglementation compétents.
La stratégie actionnariale devrait être accessible à tous et largement diffusée auprès des ministères et organismes concernés, des conseils d’administration des entreprises publiques, de leurs dirigeants et des parlementaires. L’engagement de l’État peut être encore renforcé grâce à des mécanismes adéquats de surveillance, et de redevabilité à l’égard des instances représentatives compétentes, notamment la soumission régulière à l’approbation du parlement et la garantie d’évaluations périodiques.
L’État devrait s’efforcer de se montrer cohérent dans sa politique actionnariale et éviter de modifier trop souvent la logique globale de l’actionnariat public. Cependant, la logique et les objectifs de l’actionnariat public peuvent évoluer avec le temps, auquel cas la stratégie actionnariale devrait être mise à jour en conséquence. Selon le contexte national, la meilleure façon de procéder pour ce faire peut consister à effectuer des évaluations ou une réévaluation de la participation de l’État dans les entreprises publiques dans le cadre de la procédure budgétaire, des prévisions budgétaires à moyen terme ou en fonction du cycle électoral. Ces évaluations peuvent se fonder sur une appréciation de la mise en œuvre de la politique actionnariale, et peuvent inclure des comparaisons et des références sur les entreprises publiques, le recours à une étude externe, et la garantie que la politique elle-même repose sur des objectifs transparents. L’évaluation devrait également porter sur la question de savoir si l’actionnariat public est encore le meilleur instrument pour sauvegarder l’intérêt général.
Toute modification, y compris de nature ponctuelle, de la politique actionnariale devrait être rendue publique au moment où elle survient, en toute transparence et dans son intégralité, y compris les motifs sous-tendant la mise à jour.
Les interventions ponctuelles devraient, en règle générale, être évitées, mais elles peuvent s’avérer nécessaires, par exemple dans le cas d’une aide gouvernementale d’urgence. Dans ce cas, il convient de veiller à ce que les mesures d’urgence ne se transforment pas en soutien structurel à plus long terme sans justification à long terme dans les politiques actionnariales, et à ce que les réponses à court terme à la crise n’aient pas d’incidences négatives involontaires et injustifiées sur la concurrence et le commerce à moyen et à long terme. Les administrations devraient s’inspirer des meilleures pratiques à l’échelle internationale et agir conformément aux accords internationaux sur les aides publiques. Les mesures de crise devraient préserver l’intégrité et la transparence et prévoir un plan de sortie une fois l’urgence passée, en envisageant une évaluation de l’intervention dès la mise en place de la mesure.
I.D. L’État devrait préciser les motifs justifiant sa participation dans telle ou telle entreprise publique et les réévaluer régulièrement. Les motifs justifiant l’actionnariat public et tous les objectifs de politique publique d’une entreprise publique ou d’un groupe d’entreprises publiques devraient être clairement liés à leur principal type d’activité, prescrits par les autorités compétentes et portés à la connaissance du public.
La logique de la participation de l’État dans une entreprise, ou, le cas échéant, dans une catégorie d’entreprises, peut varier. Il arrive que certains groupes d’entreprises soient détenus par l’État parce qu’ils réalisent des obligations de service public du plus haut intérêt alors que d’autres restent aux mains de la puissance publique pour des raisons stratégiques, ou parce qu’ils exercent leur activité dans des secteurs présentant les caractéristiques d’un « monopole naturel ». Pour éclairer dans chaque cas la logique légitimant le maintien de la participation de l’État, il peut parfois se révéler utile de répartir ces entreprises publiques entre des catégories distinctes et de définir pour chacune la logique sous-jacente. Ces logiques devraient faire l’objet d’un réexamen périodique et être portées à la connaissance du public. Lorsqu’elles figurent dans les textes fondateurs et les instruments juridiques régissant les entreprises publiques, l’État agissant en sa qualité d’actionnaire devrait veiller à ce que ces documents soient rendus publics de manière adéquate.
On attend parfois des entreprises publiques qu’elles réalisent des objectifs de politique publique. Ces objectifs devraient être clairement prescrits, s’aligner sur les lois et réglementations du pays, et être manifestement liés à leur principal type d’activité. En outre, les intérêts publics que les objectifs de politique publique sont censés servir devraient être définis sans équivoque et transparents. Les objectifs de politique publique pourraient également être mentionnés dans les statuts des entreprises et transposés ultérieurement par les entreprises publiques dans leur stratégie d’entreprise. Le marché, les actionnaires privés et le grand public devraient être précisément informés de la nature et de l’ampleur de ces obligations, ainsi que de leur impact global sur les ressources et les performances économiques des entreprises publiques et, lorsque cela est possible, de leurs effets sur le marché.
Les autorités mandatées pour assigner des objectifs de politique publique spéciales aux entreprises publiques diffèrent selon les pays. Dans certains pays, seule l’entité actionnaire a ce pouvoir. Dans d’autres, le parlement peut instituer ces obligations par la voie législative. Dans ce cas, il importe que des mécanismes de consultation et de redevabilité adéquats entre le parlement et les organismes publics responsables de l’actionnariat public soient mis en place afin de garantir une coordination idoine et d’éviter de porter atteinte à l’autonomie de l’entité actionnaire.