Le Programme d’État pour 2013-20 a été dès le départ orienté par la Doctrine de sécurité alimentaire de 2010. Il se fixait, comme objectif premier, la réalisation des objectifs d’autosuffisance énoncés dans cette doctrine pour les principaux produits alimentaires1. Le contexte politique dans la seconde moitié des années 2010 a donné lieu à un nouveau renforcement de l’orientation de la politique agricole de la Fédération de Russie dans ce sens. Cela dit, bien que la substitution des productions nationales aux importations agroalimentaires par ait été jusqu’à récemment un objectif central de la politique agricole, en 2017, le gouvernement a annoncé un nouvel objectif, celui du développement des exportations.
Pendant la période considérée, les autorités ont continué d’agir pour atténuer aussi les impacts de la situation macroéconomique sur le secteur agricole, même si les conditions se sont améliorées. Le rouble s’est progressivement affermi et l’inflation a considérablement marqué le pas, ce qui a incité la Banque centrale à abaisser ses principaux taux. Le ralentissement de l’inflation et un certain assouplissement des conditions monétaires ont aussi relâché la pression exercée par les coûts dans le secteur, notamment par les coûts du crédit. L’affermissement du rouble a cependant érodé en partie la compétitivité de certains produits locaux au plan national et international.
La structure du Programme d’État pour 2013-20 a été à nouveau revue en 2017. Ces modifications font suite à celles de 2015 visant à « accélérer le remplacement des importations » des produits prioritaires et à aider le secteur dans des conditions économiques dégradées. Les changements de 2017 a notamment consisté à refondre les 11 sous-programmes existants pour ramener leur nombre à sept : (i) modernisation technique et technologique et développement tiré par l’innovation ; (ii) développement du système de financement et de crédit ; (iii) développement des sous-secteurs du complexe agro-industriel ; (iv) création de conditions générales favorables pour le complexe agro-industriel2 ; (v) stimulation des activités d’investissement ; (vi) administration du Programme d’État ; et (vii) nouveau projet prioritaire sur l’exportation de produits agricoles. Par ailleurs, différentes mesures de soutien ont été regroupées dans un dispositif appelé Paiement unifié. Ce dispositif intègre 27 mesures réparties dans les précédentes composantes du Programme d’État. Toutes ces reconfigurations n’ont cependant pas affecté la liste des activités pouvant bénéficier d’un soutien. Le principal changement a été l’élargissement de la marge de manœuvre des régions dans la répartition des fonds entre les différentes activités d’une même rubrique ; l’objectif était aussi de simplifier et d’accélérer les flux de financement de l’administration fédérale vers les régions. Le Programme d’État pour 2013-20 continue aussi en 2017 d’intégrer les deux « programmes fédéraux ciblés » : le premier sur le développement rural et le second sur l’amélioration des terres ; ces programmes cesseront toutefois d’exister séparément en 2018 et seront intégrés dans d’autres composantes du Programme d’État.
En 2017, 234 milliards RUB (4 milliards USD) du budget fédéral ont été alloués au Programme d’État, soit 7 % de plus que l’année précédente (Trésor public, 2018; Ministère de l’Agriculture, 2017). Quelque 25 % de ce montant ont été affectés au développement des sous-secteurs (iii ci-dessus) et 35 % à la stimulation des activités d’investissement (v), ce deuxième poste consistant à financer des bonifications d’intérêt pour des prêts à l’investissement et à cofinancer des projets d’investissement. Ces fonds ont été complétés par les contributions des régions qui, outre leur cofinancement du Programme d’État, ont apporté un soutien strictement régional.
Le budget fédéral alloué au Programme d’État pour 2018 est de 242 milliards RUB (4.1 milliards USD), ce qui est légèrement inférieur à ce qui était prévu début 2017 (FL, 2017a ; Trésor public, 2018). Pour certaines composantes du Programme, les objectifs de financement sont presque identiques à l’année précédente. En revanche, le volet relatif à la stimulation des activités d’investissement devrait bénéficier d’environ 9 % de crédits supplémentaires, alors que la modernisation technique et le développement des exportations verront leur enveloppe diminuer.
Dans un contexte de faiblesse des prix mondiaux et de stocks publics abondants, l’État est intervenu sur le marché des céréales lors de la campagne 2016/17. Afin de réduire les coûts de stockage, les vendeurs au fonds d’intervention ont été pour la première fois autorisés à racheter leurs céréales durant la campagne 2016/17. Après une excellente récolte de céréales en 2016/17, un volume record a été atteint pendant la campagne 2017/18, ce qui s’est traduit par une baisse ininterrompue du prix de ces produits. Des achats de céréales par l’État ont été annoncés, puis reportés à début 2018. Une baisse des tarifs du transport de céréales à l’intérieur du pays est entrée en vigueur en décembre 2017. Les pertes subies en conséquence par la compagnie des chemins de fer russe sont dédommagées sur le budget fédéral. L’État prévoit de subventionner le transport de 3.181 millions de tonnes de céréales de 13 régions ayant des excédents vers 12 autres. Cette mesure s’ajoute à la suspension temporaire du droit frappant les exportations de blé, qui avait été décidée lors de la campagne précédente et qui restera en vigueur jusqu’en juillet 2018.
Des achats d’intervention de produits laitiers ont été introduits en 2017 dans le but de lisser les prix. L’État a annoncé des prix planchers pour le beurre ainsi que pour le lait en poudre (entier et écrémé). Onze régions ayant une production de produits laitiers supérieure à certains niveaux ont été sélectionnées pour des achats d’intervention. Ces achats sont déclenchés lorsque le prix du lait liquide en juillet est inférieur d’au moins 15 % à son niveau du mois de février. Cela dit, aucun achat d’intervention n’a eu lieu en 2017 car les prix sont restés au-dessus des niveaux de déclenchement de la mesure.
Les bonifications d’intérêts pour les emprunts à court terme et les crédits d’équipement constituent l’une des principales formes de soutien aux producteurs. L’orientation de la politique au moment du lancement du Programme d’État pour 2013-20 visait à limiter les nouveaux engagements au titre de l’aide au crédit. Cependant, la décision d’accélérer le remplacement des importations et la forte dégradation des conditions de prêt fin 2014 ont bouleversé les projets initiaux. La décision de mettre un terme aux bonifications d’intérêts pour les prêts à l’investissement accordés aux unités de production industrielle avicoles à compter de 2015 et les unités de production industrielle porcines à compter de 2017 a été suspendue. Il a été décidé de maintenir les aides aux prêts à l’investissement dans ces secteurs jusqu’au 1er janvier 2019 en se concentrant sur les régions de Trans-Ouralie, de Sibérie et d’Extrême-Orient. L’aide de l’État privilégie aujourd’hui les crédits d’équipement, en particulier les prêts à long terme non remboursés. L’enveloppe totale des bonifications d’intérêts pour les crédits d’équipement a atteint presque 54.7 milliards RUB (938 millions USD) en 2017, dont quelque 10 % provenaient des régions (Ministère de l’Agriculture, 2018).
Un nouveau mécanisme a été introduit en 2017 pour mettre en œuvre une partie des crédits bonifiés. Auparavant, toutes les bonifications étaient versées aux emprunteurs finals et représentaient un pourcentage du taux de refinancement pratiqué par la Banque centrale. Avec le nouveau mécanisme, les fonds sont versés non pas aux emprunteurs finals mais aux banques, afin de compenser l’écart entre les taux d’intérêts appliqués par les banques et un intérêt de 5 % à la charge de l’emprunteur. Ce dispositif s’applique à la fois aux prêts à court et à long terme. Il simplifie les procédures et vise à éliminer les retards dans le versement des aides. Il n’est pas encore possible de dire dans quelle mesure le nouveau mécanisme influencera le coût du crédit pour les différents bénéficiaires et types d’emprunts. Pour atténuer les craintes d’un accès plus difficile au crédit pour les petits emprunteurs, l’État a fixé en 2018 des quotas minimums de crédits devant être alloués aux petits emprunteurs sur la compensation totale accordée aux banques.
Comme en 2015 et 2016, l’État a contribué à la recapitalisation de RosSelkhozBank3, à hauteur de 5 milliards RUB (86 millions USD) en 2017 (Trésor public, 2018).
Les aides à l’investissement qui ont été mises en place en 2015 sont une mesure relativement nouvelle. Les investisseurs peuvent recevoir une aide égale à 20 % ou 30 % du montant de l’investissement en fonction du type de projet, portée à 25 % ou 35 % dans la région d’Extrême-Orient. En 2015-16, presque 90 % de ces aides ont été utilisées pour construire des unités industrielles de production laitière et des serres, le reste étant consacré à la construction d’installations de stockage de produits horticoles et de centres de distribution de gros, ainsi qu’à la création ou la modernisation des centres de génie génétique et de sélection animale et végétale. En 2017, le secteur a reçu quelque 16 milliards RUB (280 millions USD) d’aides à l’investissement, dont plus de 90 % financés par le budget fédéral et le reste par les régions (Ministère de l’Agriculture, 2018).
Un système de paiement unifié a été mis en place en 2017. Ce dispositif intègre 27 mesures réparties autrefois dans les composantes du Programme d’État, à savoir : des subventions à la production animale et végétale, des subventions à l’assurance et des bonifications d’intérêts pour les prêts à court terme, des aides aux petits producteurs et des aides relevant auparavant de la composante appelée « programmes régionaux ayant une importance économique ». Toutes ces formes de soutien ont atteint globalement quelque 44 milliards RUB (748 millions USD) en 2017, avec une contribution des régions de 11 % (Ministère de l’Agriculture, 2018). L’objectif du paiement unifié est de simplifier la budgétisation, ainsi que les flux de financement de l’administration fédérale vers les régions. Les régions complètent ces aides et continuent de les répartir entre les différentes formes de soutien incluses dans le paiement unifié. Elles peuvent toutefois déterminer elles-mêmes le pourcentage de chacun des types de soutien en fonction de leurs besoins.
En 2017, les autorités ont publié pour la première fois une liste de régions présentant des conditions défavorables à la production agricole. Y figurent actuellement 32 régions, dont la majorité se situe dans les districts fédéraux du Nord-Ouest, du Nord Caucase, de Sibérie et d’Extrême-Orient. Les critères appliqués concernent les conditions climatiques, pédologiques, géographiques et socio-économiques. Le concept de régions présentant des conditions défavorables à la production agricole a vu le jour en 2013 dans un amendement à la loi-cadre sur le « développement de l’agriculture ». L’adoption de cette nouvelle liste marque une avancée vers le respect du volet de l’Accord de l’OMC sur l’agriculture visant les programmes régionaux d’aide aux régions défavorisées. Celui-ci permet aux membres de l’OMC de réclamer une exemption des engagements de réduction du soutien interne qui leur seraient autrement applicables.
Dans le domaine fiscal, la liste des produits agroalimentaires pouvant bénéficier d’un taux de TVA réduit (10 % contre 18 % pour le taux normal) a été étendue à certains animaux de boucherie vivants, aux saucisses à base de viande, aux œufs fécondés, aux plants de pommes de terre et à quelques autres produits.
Une autre nouveauté sur le plan fiscal concerne les exploitations ayant opté pour le régime de l’impôt agricole unique. À l’heure actuelle, les contribuables soumis à ce régime sont exonérés d’un certain nombre de taxes, dont la TVA. Les autres peuvent donc se trouver pénalisés, par exemple lorsqu’ils achètent des intrants. Par ailleurs, les exploitations relevant du régime de l’impôt agricole unique ne peuvent pas réclamer le remboursement de la TVA lorsqu’elles exportent des produits agroalimentaires. De ce fait, certains contribuables déposent des demandes abusives de remboursement, ce qui place les entreprises respectueuses des règles dans une situation désavantageuse. À partir de 2019, les exploitations relevant du régime de l’impôt agricole unique seront soumises à la TVA, mais pourront demander à en être exonérées si leur chiffre d’affaires est inférieur à 100 millions RUB (1.7 million USD), ce plafond passant progressivement à 60 millions RUB (1 million USD) à l’horizon 2022 (FL, 2017b). Cette décision des autorités résulte en grande partie de l’action de producteurs de céréales contre la fraude aux remboursements de TVA, qui ont adopté une charte sur le chiffre d’affaires des exploitations agricoles. Début 2018, cette initiative s’est étendue au‑delà de la filière céréalière, plus de 2 000 entreprises de 20 secteurs agroalimentaires adhérant à la charte avec la volonté de rétablir une concurrence équitable et de promouvoir la tolérance zéro face aux infractions à la législation fiscale nationale (Charte APK, 2018).