Le Programme d’État repose depuis sa création sur la Doctrine de la sécurité alimentaire de 2010. Son premier objectif déclaré est d’atteindre les taux d’autosuffisance fixés dans cette doctrine pour les principaux produits alimentaires1. Le contexte politique de la seconde moitié des années 2010 a donné lieu à un nouveau renforcement de cette orientation de la politique agricole de la Fédération de Russie.
Le Programme d’État a fait l’objet de révisions en 2018 et 2019 (Gouvernement russe, 2019[2]). Son échéance a été prolongée de cinq ans, jusqu’en 2025, et si la sécurité alimentaire par la substitution de la production nationale aux importations demeure le principal objectif de la politique agricole, le développement des exportations et la hausse du revenu des ménages ruraux sont venus s’y ajouter. Les objectifs ci-après – définis par rapport à 2017 – doivent être atteints d’ici 2025, dernière année de la première phase du Programme : hausse de la production agricole de 16.3 % ; augmentation de la valeur ajoutée agricole de 2 079.6 milliards RUB (31.6 milliards USD)2 pour atteindre un total de 5 774 milliards RUB (88 milliards USD) ; multiplication par plus de deux des exportations ; progression des investissements en capital fixe dans l’agriculture de 21.8 % ; enfin, hausse du revenu disponible des ménages ruraux de 3 560 RUB (54 USD) par personne et par mois, afin d’atteindre un montant de 21 870 RUB (332 USD).
Un autre changement concerne la structure du Programme. Il existe désormais une distinction entre les « projets » et les « programmes » ministériels. Les projets se déroulent selon un calendrier prédéfini, alors que les programmes ont un caractère permanent. Depuis 2018, le Programme d’État se compose de six projets et de six programmes ministériels. Les projets sont les suivants : 1) modernisation technique ; 2) stimulation de l’investissement ; 3) développement des filières permettant d’accélérer le remplacement des importations ; 4) exportation des produits du complexe agroindustriel ; 5) système de soutien à l’agriculture familiale et développement de la coopération rurale ; 6) agriculture numérique. Les six programmes sont : 1) administration du Programme d’État ; 2) développement durable des zones rurales ; 3) conditions générales de fonctionnement du complexe agroindustriel3 ; 4) surveillance vétérinaire et phytosanitaire ; 5) soutien scientifique et technologique au développement du complexe agroindustriel ; 6) amélioration des terres.
L’agriculture numérique et les exportations agricoles sont de nouvelles composantes du Programme d’État. Dans sa nouvelle version, ce programme insiste aussi plus explicitement sur l’agriculture familiale et le développement rural. Par conséquent, alors qu’il était auparavant inclus dans d’autres parties du Programme d’État, le soutien aux exploitations familiales et aux coopératives rurales fait aujourd’hui l’objet d’un projet à part entière (voir plus haut). À partir de 2020, en outre, le programme ministériel de développement des zones rurales (point 2) ci-dessus) deviendra un Programme d’État indépendant intitulé « Développement intégré des territoires ruraux jusqu’en 2025 ». Selon les premières informations, ce programme devrait recevoir de l’État fédéral une enveloppe de 225 milliards RUB (3.3 milliards USD) par an en moyenne, ce qui représente une hausse sensible par rapport aux 14 milliards RUB (212 millions USD) dont il a bénéficié sur la période 2014-19. Comme antérieurement, ces financements seront complétés par des fonds provenant des budgets régionaux et de sources extrabudgétaires, tels que les bénéfices des activités commerciales d’organismes publics, des investissements d’entreprises privées, des organisations non gouvernementales, etc. Hormis ces nouvelles caractéristiques, la version actuelle du Programme d’État conserve les mêmes axes de soutien et les dispositifs existants. L’approche par projets et programmes a pour but d’améliorer l’administration des activités et l’efficience des dépenses.
Le Programme d’État devrait bénéficier au total de 6 881 milliards RUB (104 milliards USD) sur les huit années de la période 2018-25. Par rapport aux niveaux de 2013-17 (première phase du Programme), cela équivaut à une hausse annuelle de 17 % en moyenne. Sur l’ensemble de la période, ce financement proviendra pour 40 % environ de sources budgétaires (État et régions) et pour 60 % de sources extrabudgétaires. Les six projets du Programme représentent un peu plus de 90 % du budget global de l’ensemble de la période ; ils devraient absorber la quasi-totalité des ressources extrabudgétaires et plus de 70 % des ressources budgétaires (Gouvernement russe, 2019[2]).
En 2018, le budget fédéral a alloué 258 milliards RUB (3.9 milliards USD) au Programme d’État, soit 10 % de plus que l’année précédente (Trésor fédéral, 2019[3]) ; (Ministère de l'Agriculture, 2019[4]). Quelque 36 % de cette somme ont été affectés à la stimulation de l’investissement (projet b) ci-dessus), c’est-à-dire à des bonifications d’intérêts sur des prêts à l’investissement et au cofinancement de projets d’investissement, et 25 % ont été consacrés au développement des filières (projet c) ci-dessus), ce qui couvre les principales subventions à la production (Trésor fédéral, 2019[3]). Ces fonds ont été complétés par les contributions des régions aux différentes composantes du Programme d’État, parallèlement aux mesures de soutien purement régionales.
La dotation du budget fédéral au Programme d’État pour 2019 se monte à 303.6 milliards RUB (4.6 milliards USD), soit plus que ce qui était prévu début 2018 (Parlement russe, 2018[5]) ; (Trésor fédéral, 2019[3]). Les objectifs de financement restent plus ou moins les mêmes que l’année précédente pour les programmes ministériels, alors que des changements importants sont prévus en ce qui concerne les projets. Ainsi, le projet de stimulation de l’investissement devrait bénéficier d’environ 20 % de crédits supplémentaires par rapport à l’année précédente. Une hausse substantielle est également prévue pour le développement des exportations, dont le budget était toutefois relativement modeste en 2018, et le nouveau projet relatif à l’agriculture numérique recevra son premier financement. Les projets de modernisation technique et de développement des filières de production verront quant à eux leurs budgets diminuer (Fastova, 2019[6]).
Après une excellente campagne en 2016/17, la récolte de céréales a atteint un niveau record en 2017/18, ce qui a continué de faire pression sur les prix. Les prix du transport intérieur on été abaissés afin d’encourager les expéditions de céréales des régions excédentaires vers les autres. Les pertes subies en conséquence par la compagnie des chemins de fer russe ont été compensées à compter de 2018 par le budget fédéral, pour un montant de 1.7 milliard RUB (26 millions USD) (Trésor fédéral, 2019[3]). Cette mesure s’est ajoutée à l’exonération temporaire des droits sur les exportations de blé en vigueur depuis septembre 2016. À la mi-2018, les subventions au transport des céréales ont été arrêtées en prévision d’une récolte moins favorable pour la campagne 2018/19.
Les bonifications d’intérêts sur les emprunts à court terme et les crédits d’équipement constituent l’une des principales formes de soutien aux producteurs. Au début du Programme d’État pour 2013-20, l’intention des pouvoirs publics était de limiter les nouveaux engagements au titre du crédit bonifié. Cependant, la décision d’accélérer le remplacement des importations et la forte dégradation des conditions de prêt fin 2014 ont bouleversé les projets initiaux. La priorité actuelle en matière de soutien est au crédit d’équipement, sous la forme de bonifications d’intérêts et de taux d’intérêt fixes préférentiels. Mis en place en 2017, le dispositif des taux préférentiels devrait progressivement remplacer les bonifications d’intérêts (qui ne sont maintenues que pour les crédits d’équipement contractés avant 2017). Cinq grandes banques – Rosselkhozbank, Sberbank, Gazprombank, Alfa-Bank et VTB Bank – ont fourni 95 % de l’ensemble des crédits d’équipement à taux préférentiel accordés au secteur de l’agriculture et de l’agroalimentaire en 2017-18. Sur ces crédits, 57 % environ concernaient l’élevage, 27 % les cultures, 9 % la transformation agroalimentaire, 4 % le développement des petites exploitations et 3 % l’achat de machines agricoles.
Les aides à l’investissement qui ont été mises en place en 2015 sont une mesure relativement nouvelle. En 2015-17, quelque 80 % de ces aides ont été utilisées pour construire des unités industrielles de production laitière et des serres, le reste étant consacré à la construction d’installations de stockage de produits horticoles et de centres de distribution de gros, ainsi qu’à la création ou la modernisation de centres de génétique animale et végétale. Le cofinancement des investissements a récemment été réduit : les centres de distribution de gros ont été exclus de la liste des projets de cofinancement en 2018, et les serres en 2019. Pour le reste, le taux de cofinancement de l’État est actuellement fixé à 20 %, hormis pour les usines de transformation de lin et de chanvre et les laiteries industrielles, où il est de 25 %.
Le crédit-bail préférentiel pour financer l’achat de machines, d’équipements et d’animaux est une autre forme d’aide à l’investissement dans les actifs fixes du secteur agricole et agroalimentaire. Il est géré par l’entreprise fédérale RosAgroLeasing. En 2018, cette entreprise a été recapitalisée à hauteur de 4 milliards RUB (61 millions USD) sur le budget fédéral (Trésor fédéral, 2019[3]).
Le montant global des subventions à la production incluses dans le système de paiement unifié était d’environ 49 milliards RUB (741 millions USD) en 2018, soit un peu plus que l’année précédente. Les régions y ont contribué à hauteur d’environ 20 % (Ministère de l'Agriculture, 2019[4]). Le système de paiement unifié, mis en place en 2017, regroupe 27 mesures préalablement réparties entre différentes composantes du Programme d’État, à savoir : des subventions à l’agriculture et à l’élevage, des subventions à l’assurance et des bonifications d’intérêts pour les prêts à court terme, des aides aux petits producteurs et des aides relevant auparavant de la composante « programmes régionaux d’intérêt économique ». L’objectif du paiement unifié était de simplifier la budgétisation et le transfert des fonds de l’administration fédérale aux régions. Les régions complètent ces aides et continuent de les répartir entre les différentes formes de soutien couvertes par le paiement unifié, les producteurs percevant quant à eux, comme auparavant, des aides individuelles. Les régions peuvent toutefois choisir chaque année les types d’aide individuelle qu’elles souhaitent compléter en fonction de leurs priorités.
Des changements ont été annoncés dans la mise en œuvre du paiement unifié et du paiement à la surface pour les cultures, en vue de développer l’assurance agricole. En 2016, 5 % de la superficie totale consacrée aux cultures annuelles et pérennes étaient assurés, et 1.7 % en 2017 (Ministère de l'Agriculture, 2018[7]). L’assurance des cultures et du bétail figure parmi les subventions incluses dans le paiement unifié. À compter de 2019, des subventions distinctes seront prévues à ce titre dans le système du paiement unifié, afin que les régions puissent les utiliser séparément. De même, à partir de 2019, une partie du paiement à la surface sera réservé aux subventions à l’assurance récolte. Un pourcentage supplémentaire – 15 % – de ce paiement sera alloué aux régions proportionnellement aux prévisions de surface assurée (Fastova, 2019[6]).
La Fédération de Russie a adopté sa première loi sur les produits biologiques, qui entrera en vigueur le 1er janvier 2020 (Parlement russe, 2018[8]). Cette loi régira la production, le stockage, le transport, l’étiquetage et la commercialisation des produits biologiques. L’alimentation bio est une nouveauté dans le pays, et l’on espère que la loi favorisera l’essor de ce secteur, dont le potentiel de développement est jugé considérable tant sur le marché intérieur qu’à l’étranger. D’après certaines estimations, les importations de produits biologiques représentent actuellement jusqu’à 80 % de ce marché spécialisé en Russie (USDA, 2019[9]).