Perspectives économiques de l'OCDE, Volume 2024 Numéro 1

Inde

La croissance du PIB devrait atteindre 7.8 % pour l’exercice financier 2023‑24, et environ 6.5 % pour chacun des deux exercices suivants. La demande intérieure sera soutenue par la formation brute de capital, plus particulièrement dans le secteur public, la croissance de la consommation privée restant atone. Les exportations, et surtout celles de services, poursuivront leur progression. Dans le domaine des services de technologie de l’information et de conseil, l’Inde continue d’accroître sa part de marché mondiale, aidée par l’investissement étranger. L’inflation globale va décliner progressivement, mais une forte incertitude persiste sur la hausse des prix des produits alimentaires.

La politique monétaire devrait être assouplie à compter du second semestre une fois la baisse de l’inflation confirmée. Le budget intérimaire de 2024 de l’Union indienne est un budget d’assainissement fixant un objectif de déficit budgétaire de 5.1 % du PIB pour l’exercice financier 2024‑25. Les mesures de soutien budgétaire devraient continuer de cibler les ménages vulnérables. La hausse de l’endettement limite la marge de manœuvre budgétaire et rend encore plus nécessaire de remédier aux problèmes structurels pour parvenir à une croissance plus équitable et plus soutenable. Les gains des réformes pourraient être importants dans l’agriculture, laquelle représente l’essentiel de l’emploi et absorbe des subventions publiques considérables en raison de sa faible productivité et de la pauvreté encore très répandue.

L’investissement public a stimulé la demande globale

La croissance s’est faite plus dynamique dans la seconde moitié de l’exercice 2023‑24, stimulée par un investissement public important dans les infrastructures des transports et de l’énergie, ainsi que dans les exportations de services. La demande privée de biens immobiliers est elle aussi solide. La consommation privée a pour sa part été moins vigoureuse, confirmant les conclusions préliminaires d’une nouvelle enquête sur les dépenses de consommation des ménages. Quelques indicateurs à haute fréquence, dont les E‑way bills (déclaration numérique de transport de marchandises), les recettes de péages et les ventes de véhicules et scooters neufs indiquent une hausse de l’activité. D’autres, comme les paiements numériques et la production de ciment, restent relativement stables. Dans les zones urbaines, les conditions sont devenues plus favorables pour les demandeurs d’emploi sur le marché du travail. Dans les zones rurales, à l’inverse, la demande de travail au titre de la loi nationale Mahatma Gandhi de garantie de l’emploi rural s’est essoufflée, même si elle reste élevée. Le resserrement de la politique monétaire et des conditions de liquidité ont contribué à ancrer les anticipations d’inflation malgré des chocs successifs affectant l’offre. L’inflation globale a diminuée, passant à 4.9 % en mars 2024 sous l’effet du ralentissement de la hausse des prix à l’importation et de prix des intrants plus favorables, et l’inflation sous-jacente s’est établie à 3.2 %. La Bourse a récemment atteint de nouveaux sommets, les plus-values boursières favorisant la consommation discrétionnaire. La croissance du crédit bancaire à l’industrie a ralenti, passant à 7.8 % en janvier 2024.

Inde : indicateurs sur la croissance économique

1. Le PIB réel par habitant est calculé à partir du PIB mesuré à prix constants (à PPA de 2015, USD). Les données trimestrielles sur la population sont calculées par interpolation à partir de données annuelles. Estimation, par l’OCDE, des données relatives à la population en 2023.

2. Part de la valeur ajoutée brute aux prix de base (à prix constants de 2011-12).

Source : Base de données des Perspectives économiques de l’OCDE, n° 115 ; base de données de l’OCDE sur la population ; et ministère indien des Statistiques et de la Mise en œuvre des programmes (Ministry of Statistics and Programme Implementation).

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Inde : demande, production et prix

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Inde : indicateurs sur l'inflation et sur l'activité économique

1. Correction des variations saisonnières faite par l’OCDE à partir de l’indice mensuel des prix à la consommation et de l’IPC sous‑jacent (indice 2012 = 100) du ministère indien des Statistiques et de l’Exécution des programmes (Ministry of Statistics and Programme Implementation ou MOSPI).

2. Le rendement est mesuré par la quantité produite par unité de surface de terre utilisée pour la culture (tonnes par hectare). L’indice est calculé pour chaque récolte à partir du rendement du plus performant des pays émergents du G20 (parmi Afrique du Sud, Argentine, Brésil, Chine, Inde, Indonésie, Mexique, Russie et Türkiye), fixé à 100.

Source : CEIC ; Our World in data (2024) ; et calculs de l’OCDE.

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L’évolution de la situation mondiale à court terme constitue un obstacle à une croissance plus soutenue. Les retombées favorables des termes de l’échange des dernières années vont s’estomper, tandis que le conflit au Moyen-Orient et les menaces qui pèsent sur les voies de navigation en mer Rouge amplifient les risques pour les échanges commerciaux de l’Inde ; autant de facteurs qui contribuent à une baisse des exportations de diesel vers l’Europe. Les flux de capitaux étrangers vers les bourses indiennes se poursuivent, y compris vers les entreprises à petite et moyenne capitalisation. On observe des signes d’intégration croissante de l’Inde dans les réseaux de production mondiaux par les échanges d’intrants intermédiaires et de services aux entreprises. Cependant, l’important basculement attendu vers l’Inde de la part des entreprises mondiales désireuses de diversifier leurs chaînes d’approvisionnement et de s’éloigner de la Chine, principalement pour les biens électroniques, ne s’est pas encore concrétisé.

La politique monétaire va commencer à s’assouplir et l’assainissement budgétaire reste une priorité

La Banque de réserve de l’Inde (RBI) reste attachée à son objectif à moyen terme, à savoir un taux d’inflation mesurée par l’indice des prix à la consommation à 4 %, assorti d’une marge de fluctuation de +/- 2 %, tout en soutenant la croissance. En supposant une saison de mousson normale et l’absence de tout autre choc d’offre susceptible d’entraîner un désancrage des anticipations d’inflation, un premier abaissement du taux directeur est prévu à la fin de 2024, suivi de réductions cumulées pouvant aller jusqu’à 125 points de base avant mars 2026. La RBI attendra le courant de l’année 2025 pour adopter une orientation neutre.

Le budget 2024-25 devrait réaliser l’objectif ambitieux du budget intérimaire, à savoir un recul du déficit à 5.1 % du PIB, principalement en continuant d’améliorer la collecte des impôts (à des taux largement inchangés) et, dans une moindre mesure, en diminuant les dépenses de défense et de transport. Un budget en année pleine sera présenté après les élections législatives d’avril-juin, avec un exposé détaillé de la stratégie du nouveau gouvernement. La réduction de la dette publique nécessitera une combinaison d’augmentation des recettes, d’amélioration de l’efficience des dépenses et de renforcement des règles budgétaires. Il faudrait à nouveau envisager la cession d’actifs publics, notamment de banques d’État et de services d’utilité publique.

Un ralentissement modéré est attendu

La croissance du PIB de l’Inde ralentira à 6.6 % pendant l’exercice financier 2024‑25. L’assainissement budgétaire, bien que nécessaire, pèsera sur l’investissement public et ne sera qu’en partie compensé par des investissements privés renforcés grâce à l’amélioration de la confiance des entreprises. La consommation des ménages (la demande discrétionnaire des consommateurs en particulier) ne devrait pas s’accélérer dans un contexte de création d’emplois décevante, de résultats ruraux mitigés et de conditions financières qui restent restrictives. Le renforcement de la demande extérieure permettra l’amélioration de la croissance des exportations. Pour l’exercice financier 2025‑26, la croissance du PIB restera conforme à la moyenne des 20 dernières années.

Les risques sur les perspectives sont équilibrés. Les risques de divergence à la baisse comprennent les perturbations des chaînes d’approvisionnement causées par l’instabilité géopolitique, la hausse persistante des prix des produits alimentaires due à des épisodes météorologiques extrêmes, et les conséquences défavorables des fluctuations sur les marchés financiers mondiaux. Cependant, la croissance pourrait être plus rapide que prévu si la désinflation en cours renforce le pouvoir d’achat des consommateurs, ce qui stimulerait la consommation des ménages, l’investissement des entreprises et la création d’emplois.

L’assainissement budgétaire devrait être accompagné de réformes, y compris dans l’agriculture

L’Inde doit parvenir à un niveau élevé de croissance du PIB réel pour faire face à ses multiples enjeux de développement, en particulier celui de la création d’emplois. L’assainissement budgétaire est une mesure appropriée dans le contexte actuel, compte tenu du niveau d’endettement public élevé, lequel freine l’investissement privé. L’assainissement budgétaire nécessite la hiérarchisation des priorités de dépenses consacrées aux infrastructures, notamment aux écoles et aux hôpitaux, à l’atténuation du changement climatique et à la transformation numérique. L’élimination des distorsions de marché est elle aussi indispensable pour faciliter la répartition des ressources et encourager une croissance plus dynamique, plus viable et plus inclusive, y compris dans l’agriculture. Ce secteur emploie 44 % de la main-d’œuvre et représente 56 % des émissions de CO₂ non énergétiques, mais environ 15 % seulement du PIB. Les rendements agricoles sont insuffisants et les revenus sont faibles. D’autre part, les subventions destinées aux engrais et à la production d’aliments représentent un cinquième du budget global de l’État. Pour permettre des progrès significatifs, les limitations aux exportations et les surtaxes imprévisibles devraient être évitées, les subventions des engrais et des pesticides réduites, et les garanties de prix minimum rationalisées (en passant en même temps aux paiements directs pour les cultures spécialisées). Par ailleurs, l’obligation de vente des récoltes sur les mandis (marchés de gros régulés par l’État) devrait être assouplie. Ces mesures audacieuses doivent être accompagnées d’une communication proactive, d’un dialogue ouvert avec les parties prenantes et de garanties réglementaires.