Perspectives économiques de l'OCDE, Volume 2024 Numéro 1

Ukraine

L’économie ukrainienne s’est montrée résiliente en 2023, l’activité enregistrant une progression de 5.3 % selon les estimations. La croissance devrait ralentir en 2024, en raison des dégâts infligés aux infrastructures par les attaques russes, mais aussi à mesure que s’estomperont les avantages de la réouverture des voies maritimes d’exportation et des bonnes récoltes. L’inflation connaîtra probablement une légère hausse du fait des perturbations causées par la guerre d’agression menée par la Russie contre le pays. En 2025, la croissance atteindra 4.5 % à condition qu’une amélioration de la situation sécuritaire permette d’accélérer la reconstruction. Ces projections sont exceptionnellement incertaines puisqu’elles dépendent de l’évolution de la guerre et du rôle fondamental du soutien international.

L’économie bénéficie de mesures de stabilisation macroéconomique, mais sur fond de besoins considérables en financements publics et externes et de très grandes incertitudes. Il sera essentiel de continuer d’éviter les déficits publics monétisés, et de veiller à ce que la politique du taux de change et la politique monétaire continuent de maintenir l’inflation à un niveau modéré. Améliorer l’environnement des entreprises encouragerait de nouveaux investissements et stimulerait la reprise.

L’activité s’est montrée résiliente

La croissance en 2023 a été tirée par les bonnes récoltes, la reprise des exportations et la baisse de l’inflation. La réouverture des routes maritimes en mer Noire a favorisé les exportations, plus particulièrement de matières premières non transformées, et compensé les effets du blocage des voies routières. Dans le secteur manufacturier et celui des services, plusieurs branches ont maintenu ou augmenté leur production, et ce, en dépit de défis sécuritaires colossaux conjugués aux difficultés de recrutement de travailleurs qualifiés. La production et les exportations énergétiques ont été freinées par des attaques russes ciblées en mars 2024. L’inflation était tombée à 3.2 % en glissement annuel en mars 2024. De bonnes récoltes, un hiver clément et la réorientation vers les marchés intérieurs des produits frais ne pouvant pas être exportés à cause du blocage des routes ont entraîné la baisse des prix de bon nombre de produits alimentaires ; la hausse des prix des produits importés a quant à elle été limitée en raison de la dépréciation modérée du taux de change et de la hausse des prix du pétrole. En mars 2024, la confiance des entreprises et des consommateurs ainsi que les anticipations à court terme avaient renoué avec les niveaux enregistrés à la mi-2023, après une phase de dégradation fin 2023 causée par des revers militaires et une incertitude accrue sur le soutien financier et militaire international.

La guerre d’agression menée par la Russie contre l’Ukraine continue d’infliger des dégâts considérables. Environ 6 500 000 émigrés se trouvaient hors du territoire ukrainien à cause de la guerre au début de 2024, soit 15 % de la population en 2021. Le gouvernement ukrainien, la Banque mondiale et la Commission européenne ont estimé à 152 milliards USD les dégâts matériels à la fin de 2023. Ils concernent notamment une part importante de l’infrastructure de transport et 10 % du parc de logements. L’activité de construction augmente à mesure que ces dégâts sont réparés. Les attaques de mars et avril 2024 ayant réduit les capacités des infrastructures énergétiques, industrielles et sociales, l’Ukraine importe à nouveau de l’électricité du réseau européen.

Ukraine : indicateurs sur la croissance économique et sur l'inflation

Source : Base de données des Perspectives économiques de l’OCDE, n° 115 ; Banque nationale d’Ukraine ; et Service national des statistiques de l’Ukraine (State Statistics Service of Ukraine).

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Ukraine : demande, production et prix

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Les finances publiques sous pression face à un soutien international instable

La politique budgétaire demeure fortement tributaire d’entrées de fonds étrangers. Le déficit public, qui flirtait avec les 20 % du PIB en 2023, devrait à peine diminuer en 2024 à la faveur de la mobilisation de ressources intérieures supplémentaires par les pouvoirs publics pour financer les dépenses militaires et limiter les autres dépenses. Les ressources intérieures augmentent grâce à l’amélioration du paiement de la TVA et des droits d’accise, à laquelle s’ajoute la hausse des taux d’imposition des bénéfices des banques. L’aide extérieure au financement a elle aussi repris en février et mars 2024. Les moins-values de recettes, en particulier la perte de soutien extérieur au début de 2024, ont entraîné le report de paiements en rapport avec la défense et la réduction d’autres dépenses. À la suite de l’abaissement du taux d’intérêt directeur de la banque nationale de plus de 10 points de pourcentage, à 14.5 % entre juin 2023 et mars 2024, les taux d’intérêt devraient maintenir plus ou moins les niveaux actuels. Les taux d’intérêt réels demeurent positifs, l’évolution de l’offre dicte les perspectives d’inflation, les anticipations d’inflation sont bien ancrées et le taux de change contribue davantage à absorber les chocs économiques. La transition entre un régime d’ancrage du taux de change et un régime de flottement administré s’est faite sans heurts. Les entrées d’aide financière extérieure, supérieures aux remboursements de la dette extérieure, ont entraîné la hausse des réserves de change, de 40.5 milliards USD en décembre 2023 à 43.8 milliards USD, soit l’équivalent de 5.8 mois d’importations, en mars 2024.

L’activité devrait rester résiliente sur fond d’incertitude exceptionnelle

La croissance devrait ralentir en 2024 du fait d’une activité perturbée par de nouveaux dégâts aux infrastructures énergétiques, industrielles et sociales, mais aussi de l’atténuation des effets de la forte récolte et de la réouverture des routes d’exportation en 2023. Les entrées d’aide financière extérieure maintiendront les dépenses et la confiance publiques. La production augmentera progressivement, à mesure que les entreprises reprendront leurs opérations et que l’activité se développera dans le domaine de la défense et dans d’autres nouveaux secteurs. Une hausse modeste de l’inflation par rapport au niveau actuel est à prévoir en raison de perturbations continues de l’offre. Les risques qui entourent ces projections sont exceptionnels étant donné la situation sécuritaire, la durée inconnue des hostilités et le rôle crucial de l’aide internationale. La diminution de cette aide aggraverait la situation budgétaire et la monétisation des déficits publics fragiliserait la stabilité des prix et du taux de change. La réduction de l’accès aux marchés étrangers nuirait à l’activité et amplifierait les difficultés de financement externe et budgétaire. À l’inverse, l’arrêt des hostilités et une aide financière extérieure confirmée plus importante permettraient une montée en puissance de l’investissement et le retour d’un plus grand nombre de réfugiés.

La stabilité macroéconomique et un meilleur environnement des entreprises favoriseront la résilience

La stabilité macroéconomique doit rester l’axe d’action prioritaire. Le maintien d’une politique monétaire crédible, notamment en évitant de monétiser les déficits publics non financés et en gardant ouverts les marchés des changes, peut limiter l’inflation et favoriser la croissance et l’investissement. En assouplissant encore les contrôles des changes et en assurant un taux de change unifié tout en intervenant pour limiter la volatilité des taux de change, comme prévu, il pourrait être possible d’encourager les exportateurs à rapatrier leurs recettes en devises. La marge de manœuvre budgétaire et la viabilité de la dette peuvent être renforcées en maximisant la part de dons dans l’aide budgétaire extérieure. L’Ukraine a accéléré ses réformes structurelles dans le but d’améliorer l’environnement des entreprises, de rendre le secteur public plus efficace, de lutter contre la corruption et de renforcer l’état de droit. L’exécution du programme de réformes et des mesures visant à assurer que les réformes de la réglementation débouchent sur des améliorations concrètes stimuleraient l’investissement privé et accéléreraient la reprise. Le renforcement du système de formation des adultes serait un moyen de préparer les travailleurs pour les nouveaux emplois qui s’ouvriront à eux.