Perspectives économiques de l'OCDE, Volume 2024 Numéro 1

Estonie

Après une forte contraction de l’économie, qui se poursuit cette année avec un repli de 0.4 % du PIB, l’Estonie verra sa croissance se redresser pour atteindre 2.6 % en 2025, grâce au renforcement des échanges, à l’augmentation de l’investissement public et à la baisse des taux d’intérêt. L’inflation continuera de refluer, pour s’établir à 3.9 % en 2024 et à 2.1 % en 2025. L’Estonie est exposée à des risques importants tenant à l’évolution des marchés d’exportation, en particulier dans les pays nordiques, et aux tensions géopolitiques, mais aussi à l’éventualité d’une progression des salaires plus rapide qu’anticipé, ce qui maintiendrait l’inflation sous-jacente à un niveau élevé.

La politique budgétaire devra concilier reconstitution des marges de manœuvre budgétaires et soutien de l’activité économique. Les autorités mettent actuellement en œuvre une stratégie d’assainissement, mais les mesures supplémentaires pour l’année prochaine ne sont pas encore approuvées. Afin de faire face aux tensions sur les dépenses qui se font jour, il sera nécessaire d’appliquer de nouvelles réformes fiscales et d’accorder une attention particulière à l’efficience des dépenses pour mener à bien cet assainissement. Une montée en compétences est indispensable pour accélérer la croissance de la productivité et de nouveaux progrès doivent être réalisés pour réussir la transition énergétique.

L’activité reste fragile

L’économie estonienne s’est contractée de 3 % en 2023. Ce fléchissement a été particulièrement marqué au niveau des exportations, en raison de l’évolution défavorable des principaux marchés d’exportation, mais la consommation et l’investissement ont également reculé. Le taux de chômage a grimpé au second semestre l’an dernier, en partie à cause de la prise en compte des migrants ukrainiens, s’affichant à 7.7 % en février. L’inflation poursuit son reflux. Elle s’est établie à 4.1 % en mars, après une hausse de deux points de pourcentage du taux de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), une augmentation des droits d’accise et une revalorisation du salaire minimum au début de l’année. Également en repli, l’inflation sous‑jacente s’est établie à 4.9 % au cours du même mois. La consommation des ménages a amorcé une reprise au quatrième trimestre de 2023, mais ce mouvement pourrait tenir à une anticipation du relèvement de la TVA. Les indicateurs à court terme laissent entrevoir une activité en demi-teinte en début d’année. La production industrielle, les exportations et les ventes au détail sont restées faibles, bien que certains indicateurs de la confiance des entreprises et des consommateurs semblent se redresser.

Les échanges continuent de pâtir des médiocres résultats économiques de la région, en particulier du ralentissement du marché du logement dans les pays nordiques et des ajustements opérés après la perte de marchés à l’Est. Tant les exportations que les importations ont reculé l’an dernier, surtout dans le secteur manufacturier et la construction, bien que les exportations de services aient affiché une légère amélioration à la fin de l’année. Le resserrement de la politique monétaire de la zone euro s’est rapidement répercuté sur les conditions financières locales. Cependant, la proportion de prêts non performants et des faillites reste faible.

Estonie : indicateurs sur le commerce et sur la croissance économique

Source : Base de données des Perspectives économiques de l’OCDE, n° 115.

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Estonie : demande, production et prix

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La politique budgétaire doit concilier reconstitution des marges de manœuvre et stabilisation de l’économie

La politique budgétaire est axée sur la reconstitution des marges de manœuvre, dans un contexte de déficit des administrations publiques supérieur à 3 % cette année et l’année à venir, et d’accentuation des tensions sur les dépenses. Les autorités mènent un rééquilibrage budgétaire et, à ce titre, elles ont relevé cette année la TVA et les droits d’accise. En 2025, elles relèveront de deux points de pourcentage les taux nominaux de l’impôt sur les sociétés et de l’impôt sur le revenu des personnes physiques. Par ailleurs, l’instauration d’une taxe sur les véhicules est en cours. La mise en place progressive d’une actualisation de l’estimation des biens fonciers permettra également d’accroître les recettes issues de la fiscalité foncière. Toutefois, l’élargissement de l’abattement à la base aux fins du calcul de l’impôt sur le revenu des personnes physiques neutralisera en grande partie cette hausse des recettes et les autorités prévoient d’adopter des mesures supplémentaires. L’investissement public demeure lui aussi soutenu, appuyé par de substantielles entrées de fonds au titre des programmes de cohésion de l’UE et de la Facilité pour la reprise et la résilience.

La croissance s’affermira en 2025

Le PIB réel devrait refluer de 0.4 % en 2024, sous l’effet de l’atonie persistante de la demande au début de l’année. La croissance se redressera pour s’établir à 2.6 % en 2025, à la faveur de l’augmentation des revenus, du renforcement de la demande extérieure et de la hausse de l’investissement public et de l’investissement des entreprises. L’assouplissement des conditions financières et l’atténuation des tensions inflationnistes seront les principaux moteurs de cette reprise. La situation sur le marché du travail devrait se détériorer légèrement, marquée par un pic du taux de chômage attendu cette année et la modération de la croissance des salaires. L’inflation globale devrait revenir à 2.1 % en 2025. Parmi les risques, qui sont orientés à la baisse, figurent notamment à une reprise moins vigoureuse que projeté dans les marchés d’exportation et une dégradation de la situation géopolitique, tandis qu’une croissance des salaires plus forte qu’anticipé pourrait faire perdurer l’inflation sous-jacente.

Des réformes sont nécessaires pour soutenir la croissance de la productivité

Sous réserve que les pressions inflationnistes restent faibles, les autorités budgétaires devraient laisser jouer les stabilisateurs automatiques, tout en mettant l’accent sur la réduction du déficit à moyen terme et la gestion des tensions budgétaires à long terme. Les dépenses consacrées à la défense, aux prestations sociales, à la santé et aux charges d’intérêts ont augmenté, créant un déficit budgétaire structurel. Parallèlement aux examens des dépenses prévus, l’Estonie devrait passer au crible son système fiscal afin de trouver des moyens d’accroître les recettes à moyen terme, comme la mise en place d’un taux d’imposition plus élevé pour les hauts revenus et un nouveau relèvement des impôts sur le patrimoine. Dans le même temps, pour favoriser une croissance continue de la productivité, il faudra redoubler d’efforts en vue d’accroître les compétences, de soutenir l’innovation dans les entreprises et d’intensifier la concurrence dans les services professionnels. Augmenter l’offre de services d’accueil des jeunes enfants et le « quota de jours réservé aux pères » dans les modalités du congé parental pourrait permettre à l’économie de mieux tirer parti de la réserve de main-d’œuvre féminine sur le marché du travail. Enfin, pour atteindre ses objectifs climatiques, le pays devra moderniser son réseau électrique, développer les transports en commun et harmoniser la tarification du carbone.