Ce chapitre présente une vue d’ensemble des modifications apportées aux politiques d’immigration dans les pays de l’OCDE au cours de la période 2023‑24, et notamment des grandes tendances et des évolutions stratégiques majeures en lien avec les étudiants en mobilité internationale et la transformation numérique des procédures d’immigration.
Perspectives des migrations internationales 2024
2. Évolutions récentes des politiques migratoires
Copier le lien de 2. Évolutions récentes des politiques migratoiresAbstract
En bref
Copier le lien de En brefPrincipaux résultats
Dans de nombreux pays de l’OCDE, l’immigration a atteint des niveaux records, qui pèsent sur les systèmes de gestion des migrations. Face aux fortes pressions exercées sur les infrastructures d’accueil publiques, les pays continuent de durcir leur législation sur l’asile. Certains des principaux pays de destination ont commencé à imposer des restrictions sur d’autres voies d’immigration légales afin de limiter l’immigration nette et d’atténuer les pressions sur le marché du logement et les services publics.
Cependant, pour que des travailleurs étrangers et des étudiants en mobilité internationale viennent pallier les pénuries de main-d’œuvre et de compétences et contribuer à la réalisation d’autres objectifs stratégiques, les pays doivent trouver un juste équilibre afin de rester des destinations compétitives pour les travailleurs étrangers, de sorte à soutenir le développement économique et, parfois, remédier aux problèmes démographiques.
Plusieurs pays européens de l’OCDE ont durci leur législation en matière d’asile à la suite d’une explosion des demandes et des franchissements irréguliers de frontières, et se montrent toujours intéressés par l’externalisation des procédures d’asile.
De nouvelles étapes importantes ont été franchies dans la coopération régionale en matière de gestion des migrations. À l’échelle de l’UE, le Pacte sur la migration et l’asile a été adopté après plusieurs années de négociations. Sur le continent américain, des pays ont pris des engagements supplémentaires afin de renforcer leur collaboration dans le cadre de la Déclaration de Los Angeles sur la migration et la protection.
Les technologies et outils numériques sont de plus en plus intégrés aux systèmes de gestion des migrations et de l’asile afin d’améliorer leur efficacité et la prestation des services. Ces innovations permettent de simplifier les procédures, d’alléger la charge administrative et d’améliorer la précision des données tout en fournissant des conseils et des services d’intégration qui optimisent l’expérience des utilisateurs.
La mobilité internationale des étudiants fait l’objet d’une attention accrue en 2023-24 compte tenu de la hausse continue des inscriptions. Dans de nombreux pays, les effectifs d’étudiants en 2023 dépassent largement ceux constatés avant le COVID‑19. Les principaux pays de destination des étudiants adoptent donc des mesures plus sélectives et restrictives afin de limiter les inscriptions des étudiants en mobilité internationale. Ces mesures interviennent en réaction à la pression croissante exercée sur les infrastructures et ont pour objectif de garantir l’intégrité du système de visa étudiant.
Si la capacité à faire face à un nombre élevé d’inscriptions d’étudiants en mobilité internationale suscite certaines craintes, l’objectif majeur pour de nombreux pays de l’OCDE reste de retenir les étudiants internationaux et de les intégrer au marché du travail. Plusieurs pays ont élargi certaines mesures, notamment concernant les possibilités d’emploi à l’issue des études et les visas pour recherche d’emploi, afin d’accroître les taux d’installation et de faciliter la transition des étudiants vers l’emploi et leur intégration sur le marché du travail.
Politiques d’immigration : les évolutions majeures en 2023‑24
Copier le lien de Politiques d’immigration : les évolutions majeures en 2023‑24En 2023-2024, les politiques d’immigration ont été influencées par un afflux record d’immigrés et de demandeurs d’asile. Au niveau national, de nombreux pays de l’OCDE, notamment en Europe, entreprennent de réformer leur système migratoire et d’asile afin d’atténuer les tensions qui pèsent sur la capacité à accueillir et intégrer les immigrés. Dans le même temps, dans de nombreux pays de l’OCDE, l’emploi des travailleurs étrangers reste l’un des principaux moyens de remédier aux pénuries de main-d’œuvre importantes. Pour certains pays où le chômage est faible et les taux d’emplois vacants élevés, il reste essentiel d’attirer et de retenir les travailleurs qualifiés, mais d’autres pays durcissent les conditions applicables à l’immigration de travail.
La gestion des migrations de travail permet de répondre aux besoins de main-d’œuvre, mais peut aussi être utilisée pour réduire l’immigration nette
Dans l’OCDE, plusieurs grands pays d’immigration ont récemment adopté des mesures qui limitent l’immigration de travail. Ainsi, le Canada a choisi, pour la première fois de son histoire, de plafonner le nombre de résidents temporaires, de sorte que leur proportion passe de 6.2 à 5 % de la population d’ici 2027. Cette diminution résultera notamment d’une baisse, au sein des entreprises, du nombre limite des travailleurs relevant du Programme des travailleurs étrangers temporaires au titre des postes à bas salaire, qui sera ramené de 30 % à 20 % des effectifs dans la plupart des entreprises à l’exception des secteurs de la construction et de la santé. Dans le même temps, le Canada entend stabiliser le nombre des permis de résidence permanente octroyés, qui a augmenté ces dernières années, avec un objectif fixé à 485 000 pour 2024 et à 500 000 pour 2025 et 2026. Le Royaume‑Uni a annoncé plusieurs modifications concernant la voie d’accès des travailleurs qualifiés (Skilled Worker – SW) afin de réduire l’immigration nette, notamment en limitant la possibilité donnée aux soignants immigrés de faire entrer des membres à charge de leur famille, en relevant le seuil du revenu minimum de 26 200 GBP à 38 700 GBP, et en alignant le taux de rémunération en vigueur de la profession exercée sur le salaire à temps plein médian à emploi équivalent en 2023. De plus, la liste des métiers en pénurie sera remplacée par une liste des salaires des travailleurs immigrés (Immigration Salary List – LSI), qui met fin à la réduction de 20 % sur le salaire en vigueur pour les professions en pénurie. Cette mesure réduira dès lors le nombre de professions pour lesquelles il sera possible de parrainer quelqu’un pour l’obtention d’un visa SW à un salaire inférieur au salaire habituel. La Nouvelle‑Zélande a durci les règles d’octroi de visas au titre de son dispositif Accredited Employer Work Visa (AEWV), en imposant un niveau minimum requis en anglais pour les immigrés qui postulent pour des emplois peu qualifiés, et un niveau minimum de compétences et d’expérience professionnelle pour la plupart des emplois relevant du dispositif AEWV, et en abaissant de 5 à 3 ans la durée maximale de séjour continu pour la plupart des professions peu qualifiées (niveaux 4 et 5 de l’ANZSCO). Dans le même temps, l’Australie a fixé l’objectif de son programme d’immigration permanente à 185 000 pour 2024-25, soit une baisse de 5 000 personnes par rapport à l’objectif de 2023-24 fixé à 190 000.
À l’inverse, d’autres pays continuent d’assouplir leurs programmes en faveur des immigrés hautement qualifiés et, dans certains cas, des professionnels moyennement ou peu qualifiés, afin de remédier à des pénuries de main-d’œuvre et de compétences de plus en plus criantes. L’Italie a mis en place un nouveau système de quotas pour les migrants de travail, qui n’est plus fondé sur des quotas annuels, mais sur une planification à trois ans. En octobre 2023, l’Italie a approuvé les quotas d’entrée de migrants de travail sur trois ans pour la période 2023-2025, fixés à 136 000 pour 2023, 151 000 pour 2024 et 165 000 pour 2025, soit une nette hausse par rapport aux quotas annuels précédents (69 700 en 2021 et 75 000 en 2022). Pour s’attaquer plus avant aux pénuries de main-d’œuvre, un quota supplémentaire de 40 000 travailleurs saisonniers a été annoncé en août 2023 pour les secteurs de l’agriculture et de l’hôtellerie. Il concerne les demandes déjà déposées au titre des quotas annuels de 2022. De plus, l’Italie a prolongé de 2 à 3 ans la durée maximale des permis de séjour délivrés pour exercer un emploi permanent ou une activité indépendante ou dans le cadre d’un regroupement familial, et donné la possibilité aux ressortissants de pays hors UE de travailler immédiatement après leur entrée en Italie avec un visa de travail au lieu de devoir accomplir des procédures supplémentaires. Le gouvernement coréen va élargir l’éventail de secteurs autorisés à recruter des travailleurs temporaires non professionnels (visas E‑9). Dès 2024, les secteurs concernés seront ceux de la restauration, de l’exploitation minière et de la sylviculture. Les travailleurs étrangers titulaires d’un visa E‑9 pourront désormais aussi travailler légalement dans des entreprises comptant moins de cinq salariés. La Lituanie a revu à la hausse ses quotas d’immigration de travail pour 2023 et 2024, fixés à 40 250 contre 35 600 en 2022, pour les métiers qui connaissent des pénuries de main-d’œuvre, et simplifié la procédure d’embauche en supprimant la nécessité d’une évaluation du marché du travail. Le Japon a annoncé un objectif de 820 000 admissions de travailleurs moyennement qualifiés entre 2024 et 2029, dans le cadre de son dispositif dédié aux travailleurs qualifiés spécialisés.
D’autres pays de l’OCDE ont adopté des mesures spécialement ciblées sur les immigrés hautement qualifiés. La Suède a lancé un nouveau modèle de traitement des demandes de permis de travail afin de favoriser l’immigration des travailleurs qualifiés, qui propose notamment de meilleurs services aux employeurs qui recrutent des travailleurs hautement qualifiés, ainsi que des unités spécialisées dans le recrutement international. La Suisse a mis fin à l’examen de la situation du marché du travail pour les ressortissants de pays tiers hautement qualifiés dans les secteurs confrontés à des pénuries de compétences. La Lituanie a adopté un plan pour le développement du secteur de la technologie financière (2023-28), qui comprend des mesures permettant aux secteurs à forte valeur ajoutée de recruter un plus grand nombre de spécialistes en informatique provenant de pays tiers. L’Estonie a facilité l’embauche de travailleurs étrangers hautement qualifiés grâce à la révision du seuil salarial applicable aux travailleurs qualifiés et a introduit des mesures incitant les entreprises à forte croissance à recruter des travailleurs étrangers. En décembre 2023, l’Australie a dévoilé sa nouvelle stratégie d’immigration qui comprend la mise en place d’un nouveau visa de travail temporaire délivré aux travailleurs qualifiés pour une durée de 4 ans, ce qui leur donne plus de temps et d’occasions de changer d’employeur et leur offre une voie d’accès direct à la résidence permanente. L’Australie a également introduit de nouvelles voies d’entrée simplifiées pour les travailleurs les plus qualifiés à l’échelle mondiale.
Plusieurs pays de l’OCDE ont également conclu de nouveaux accords bilatéraux avec des pays d’origine afin d’encourager la mobilité de la main-d’œuvre et de s’assurer que les travailleurs immigrés possèdent les compétences recherchées. L’Autriche prévoit d’instaurer un partenariat en faveur de la mobilité des travailleurs qualifiés avec l’Inde, l’Indonésie et les Philippines afin de remédier aux pénuries de main-d’œuvre qualifiée. En juin 2023, la Suisse et le Royaume‑Uni ont signé un accord sur la reconnaissance des qualifications professionnelles qui prévoit un système de transition jusqu’à la fin 2024 et dont l’objectif est d’instaurer un cadre permanent de reconnaissance mutuelle à compter de 2025, en attendant la ratification par l’Assemblée fédérale. En mars 2024, l’Italie et la Tunisie ont signé un accord afin de faciliter l’entrée de 12 000 travailleurs tunisiens sur une période de trois ans pour répondre aux difficultés de recrutement de main-d’œuvre en Italie. Cet accord simplifie les procédures d’admission des travailleurs tunisiens et leur permet de prolonger leur séjour. De plus, un accord signé en avril 2024 a inauguré un projet pilote de « corridors de travailleurs » d’une année pour faire venir 300 travailleurs principalement de Libye. En 2023, la Grèce a signé un accord bilatéral avec l’Égypte au sujet de l’emploi de travailleurs saisonniers dans le secteur agricole, et a régularisé le statut de 3 400 immigrés bangladais dans le cadre du Protocole d’accord signé avec le Bangladesh en février 2022. En juillet 2023, le Japon a conclu un Protocole de coopération avec le Kirghizistan dans le cadre du système japonais des travailleurs qualifiés spécialisés afin d’éliminer les organisations intermédiaires malveillantes et de renforcer la mobilité de la main-d’œuvre entre le Kirghizistan et le Japon. L’Allemagne et le Kenya s’apprêtent à conclure un accord bilatéral en septembre 2024 qui a pour objectif d’instaurer un cadre de coopération sur les migrations et la mobilité de la main-d’œuvre pour remédier aux pénuries de travailleurs en Allemagne, en simplifiant les procédures d’immigration pour les travailleurs kényans qualifiés tout en favorisant le développement socioéconomique au Kenya grâce aux envois de fonds et aux transferts de compétences. Israël a de plus en plus recours à des accords bilatéraux et des voies d’admission privées pour recruter rapidement un plus grand nombre de travailleurs étrangers compte tenu de la baisse significative du nombre de travailleurs non israéliens survenue après les attentats terroristes commis par le Hamas contre Israël en octobre 2023 (Encadré 3.1). De plus, d’autres actions et programmes ont été mis en place ou renforcés par les pays de destination de façon unilatérale, ciblant les ressortissants de certains pays, afin de simplifier et contrôler au mieux la mobilité des travailleurs. L’Allemagne a notamment prolongé pour une durée indéterminée la réglementation applicable aux ressortissants des Balkans occidentaux, qui devait à l’origine expirer fin 2023. Cette réglementation permet aux citoyens d’Albanie, de Bosnie‑Herzégovine, du Kosovo1, du Monténégro, de la République de Macédoine du Nord et de Serbie d’obtenir un visa de travail temporaire pour l’Allemagne s’ils ont reçu une offre d’emploi d’un employeur allemand. Le quota annuel de ces visas a également doublé, passant de 25 000 à 50 000. Afin de renforcer les partenariats entre l’Australie et le Pacifique, l’Australie a lancé en juin 2024 un nouveau programme de titres de séjour permanent qui permet d’accueillir 3 000 ressortissants des îles du Pacifique et du Timor-Leste. Les demandeurs retenus doivent avoir reçu une offre d’emploi formelle valide en Australie et satisfaire à des critères de base concernant leur niveau d’anglais, leur santé et leur qualité morale. En Nouvelle‑Zélande, le plafond du dispositif RSE (Recognised Seasonal Employer) a été relevé de 500 places et permet à 19 500 travailleurs originaires des pays du Pacifique remplissant les conditions requises d’être embauchés pour la saison 2023/24.
Encadré 2.1. Recrutement de travailleurs étrangers en Israël depuis 7 octobre 2023
Copier le lien de Encadré 2.1. Recrutement de travailleurs étrangers en Israël depuis 7 octobre 2023Le 7 octobre 2023, près de 310 000 travailleurs non israéliens occupaient un emploi en Israël, la moitié était des travailleurs palestiniens transfrontaliers et l’autre moitié venait d’autres pays, représentant près de 5 % de l’emploi total. Près de 156 000 Palestiniens occupaient un emploi en Israël, dont 34 000 sans permis. De plus, 157 000 travailleurs étrangers étaient salariés, près de la moitié dans le secteur des soins à domicile et les autres essentiellement dans la construction (27 000) et l’agriculture (24 000).
Dans la construction, les travailleurs non israéliens représentaient un tiers environ du total de la main-d’œuvre, et la grande majorité des ouvriers présents sur les chantiers. Ils étaient majoritaires dans les emplois qui impliquent notamment le travail du métal, du plâtrage, du coffrage et du carrelage, nécessaires au début et à la fin du processus de construction. Au lendemain des attentats terroristes commis le 7 octobre par le Hamas contre Israël, une grande partie de la main-d’œuvre étrangère a disparu puisque près de la totalité des travailleurs transfrontaliers palestiniens avait interdiction d’entrer sur le territoire et de nombreux travailleurs étrangers avaient quitté le pays. Les effets ont été particulièrement marqués dans l’agriculture, où les travailleurs étrangers représentaient la moitié de la main-d’œuvre, et dans la construction. Le nombre de travailleurs palestiniens en Israël était tombé à 10 000 fin 2023.
Israël a changé son mode de recrutement de travailleurs étrangers qui passait par des intermédiaires privés pour s’appuyer sur des canaux intergouvernementaux régis par des accords bilatéraux de recrutement conclus avec des pays d’origine de ces travailleurs. Les ouvriers du secteur de la construction sont généralement employés par des agences de placement de personnel ou des sous-traitants étrangers et recrutés dans le cadre d’accords bilatéraux et après évaluation de leurs compétences.
Dans le secteur agricole, en novembre 2023, 5 000 travailleurs ont été exceptionnellement recrutés en passant par des agences privées et non par le biais d’accords bilatéraux. Le quota des travailleurs agricoles a été augmenté de 10 000 en janvier 2024. Le quota total est passé à 70 000 en 2024.
D’autres quotas ont été revus à la hausse : 13 200 dans l’industrie, 6 800 dans le tourisme, 6 400 dans le commerce et les services, et 4 300 dans les soins infirmiers en établissement.
En juin 2024, le gouvernement a fixé un quota général de travailleurs étrangers à 3.3 % de la population, soit environ 325 000 personnes. Temporairement, les quotas dans chaque secteur pouvaient être dépassés de 15 %, sous réserve que le gouvernement donne son accord via une procédure accélérée (moins de 48 h). Une nouvelle méthodologie a été adoptée pour fixer des quotas dans d’autres secteurs. Le gouvernement a également précisé comment déterminer les pays pour lesquels le recrutement privé pouvait être autorisé et quand le recrutement privé pouvait se produire dans un pays avec lequel Israël avait signé un accord bilatéral de recrutement. Des programmes pilotes peuvent être mis en œuvre pour tester la faisabilité du recrutement privé avant d’autoriser un recrutement supplémentaire. Des mesures d’information sont encouragées afin d’éviter aux travailleurs de payer des coûts de recrutement trop élevés.
L’élargissement du recrutement dans le secteur de la construction n’a pas été facile. Les procédures d’évaluation existantes pour les travailleurs du secteur de la construction ont été mises à rude épreuve par la hausse brutale de la demande : une autorisation temporaire du recrutement privé, avec et sans évaluation sur place, a été mise en place, parallèlement au recrutement et aux évaluations qui se poursuivaient dans le cadre des accords bilatéraux. Début juin 2024, près de 30 000 travailleurs avaient été sélectionnés dans des pays d’origine et près de 8 000 ont été admis. Le nombre d’entreprises de placement de personnel a triplé. Le recrutement d’un grand nombre de travailleurs originaires de pays avec lesquels les entreprises n’avaient eu qu’une expérience limitée, ou pour les nouvelles entreprises, a suscité des réclamations selon lesquelles certains de ces travailleurs n’avaient pas les compétences requises et conduit des entreprises de construction à refuser de les employer à leur arrivée. De plus, il a été difficile de loger les travailleurs à leur arrivée.
Source : Bank of Israel Annual Report 2023, www.boi.org.il/publications/regularpublications/boi-reports/d2023/ ; Ministry of Agriculture and Food Security, Ministry of Construction and Housing, Government Resolutions.
Les pays de l’OCDE adoptent des politiques d’asile plus strictes
Plusieurs pays européens de l’OCDE ont durci leur législation en matière d’asile afin de réduire le nombre de demandes et de lutter contre l’immigration irrégulière, notamment en imposant des mesures plus strictes pour l’accueil des immigrés. En Allemagne, une nouvelle loi entrée en vigueur en janvier 2024 impose des périodes de rétention plus longues, un accès restreint aux prestations sociales, et des mesures qui facilitent l’expulsion. En 2023, l’Italie a entrepris de réformer son système de traitement des demandes d’asile et d’accueil. Elle a notamment durci les conditions d’accès à la protection internationale, en limitant les motifs ouvrant droit à la « protection spéciale », une forme de protection complémentaire. De plus, les bénéficiaires d’une protection spéciale ne peuvent plus convertir leur titre de séjour en permis de travail, même s’ils continuent d’avoir le droit de travailler. Le système d’accueil des demandeurs d’asile a également été modifié avec l’allongement de la période de rétention dans des centres d’État, la restriction de certains services comme le soutien psychologique, l’assistance juridique et les cours de langue proposés dans les centres d’accueil, et l’impossibilité faite aux demandeurs d’asile d’accéder aux centres d’accueil prévus pour combattre l’exclusion sociale. Le gouvernement des Pays-Bas nouvellement nommé a annoncé un durcissement de sa législation en matière d’asile, notamment pour mettre fin au « titre de séjour permanent à des fins d’asile » et au regroupement familial automatique, l’instauration de conditions plus strictes pour obtenir un titre de séjour temporaire, l’augmentation des expulsions en cas de rejet de la demande d’asile, et une abrogation de la loi sur la répartition des demandeurs d’asile qui avait pour but de répartir les demandeurs d’asile et les réfugiés plus uniformément dans le pays.
Dans le cadre des réformes de grande ampleur de leurs systèmes d’immigration, la Suède et la Finlande cherchent à réduire fortement les demandes d’asile. Ces dernières années, la Suède a durci sa législation en matière d’asile, en limitant notamment la possibilité d’obtenir un permis de séjour pour des motifs particuliers ou en raison de situations extrêmement difficiles (raisons humanitaires) et en durcissant les conditions d’autonomie financière requises pour le rapprochement familial pour les bénéficiaires d’une protection subsidiaire. Le gouvernement a également lancé une enquête pour examiner le cadre réglementaire relatif à l’asile et l’adapter au niveau minimum prévu par la législation de l’UE, notamment les moyens employés pour abandonner progressivement la délivrance de permis de séjour permanent aux réfugiés au profit de permis temporaires au titre de la protection internationale. De la même façon, la Finlande a réalisé un examen approfondi des systèmes d’asile d’autres États membres de l’UE pour recenser et adopter les mesures les plus strictes compatibles avec la législation de l’UE. Début 2024, le gouvernement a proposé un train de réformes, comprenant des permis de plus courte durée au titre de la protection internationale, une baisse des allocations d’accueil des demandeurs d’asile et des réfugiés pour rejoindre le minimum légal, et l’annulation de la possibilité, pour les demandeurs d’asile et les réfugiés, de transformer leur permis en un visa de travail ou d’études. De plus, des projets sont en cours d’étude concernant la mise en place d’un nouveau système de procédures aux frontières pour certains demandeurs d’asile. Ce système serait instauré à la frontière avec la Russie et dans les aéroports internationaux et empêcherait les demandeurs de sortir du centre d’accueil auquel ils ont été assignés pendant la procédure de demande. Une procédure comparable de demande à la frontière a récemment été proposée dans le pacte de l’UE sur la migration et l’asile pour les demandeurs originaires de pays où le taux d’admission est faible (voir Encadré 3.2).
Début juin 2024, l’administration Biden-Harris a annoncé des mesures pour restreindre l’asile et limiter l’entrée des demandeurs lorsque l’afflux de migrants à la frontière sud des États-Unis dépasse un certain seuil. Ces mesures ont été présentées sous la forme d’un décret présidentiel qui suspend temporairement l’entrée de non-ressortissants à la frontière sud, à l’exception des résidents permanents, des enfants voyageant seuls, des victimes de la traite des êtres humains, et d’autres non-ressortissants titulaires d’un visa en cours de validité ; et d’une loi adoptée par le Secrétaire à la Sécurité intérieure et le ministre de la Justice. Cette loi empêche les personnes entrées de façon irrégulière dans le pays par la frontière sud de demander l’asile. Ces mesures resteront en vigueur pendant 14 jours dès que le nombre d’entrées par la frontière sera inférieur à 1 500 en moyenne par jour, sur une semaine. D’autres pays membres de l’OCDE sur le continent américain ont assoupli leurs conditions d’accueil des immigrés bénéficiant d’une protection internationale afin de remédier aux pénuries de main-d’œuvre. Depuis 2022, le Mexique a délivré plus de 17 500 visas temporaires à des personnes ayant demandé une protection internationale afin de remédier aux pénuries de main-d’œuvre dans le pays, et introduit un programme pilote pour élargir les possibilités d’immigration de travail en permettant aux immigrés haïtiens d’accéder à des offres d’emploi et d’obtenir des permis de travail. La Colombie a annoncé un plan de régularisation par le biais de permis spéciaux accordés aux parents et aux tuteurs légaux d’enfants vénézuéliens qui bénéficient d’un statut de protection temporaire.
Par l’intermédiaire de bureaux pour la sécurité des déplacements (Safe Mobility Offices – SMO) établis en Colombie, au Costa Rica, en Équateur et au Guatemala, les États-Unis, ainsi que le Canada et l’Espagne, autorisent les personnes à demander une protection internationale ou faire valoir d’autres voies d’admission avant leur immigration et à un stade précoce du processus afin de lutter contre les passages irréguliers de la frontière. Grâce à des accords conclus récemment, les conditions de recevabilité des demandes déposées dans les bureaux du Costa Rica et du Guatemala ont récemment été assouplies pour inclure celles d’autres ressortissants présents dans ces pays.
Alors que la guerre d’agression de la Russie contre l’Ukraine entame sa troisième année, la Commission européenne a soumis une proposition de prolongation de la protection temporaire jusqu’au 4 mars 2026. Dans le même temps, plusieurs pays de l’OCDE encouragent à passer de la protection temporaire à un permis de résidence pour d’autres motifs, comme le travail. Cela passe, dans plusieurs pays de l’OCDE, par la possibilité d’accéder à d’autres voies d’admission pour les Ukrainiens déplacés qui séjournent au titre de protections temporaires diverses, de sorte à faciliter les séjours de longue durée. La Pologne et la Tchéquie ont récemment proposé de nouvelles options pour que les Ukrainiens déplacés qui remplissent les conditions requises et le désirent puissent bénéficier d’un permis de séjour de longue durée remplaçant la protection temporaire. Dès 2025, les citoyens ukrainiens bénéficiant de la protection temporaire en Pologne pourront demander un titre de séjour valable trois ans à condition qu’ils remplissent certaines conditions (comme avoir bénéficié du statut temporaire de façon ininterrompue pendant un an à la date de la demande). En Tchéquie, le gouvernement a proposé de modifier sa loi « lex Ukraine » pour permettre aux citoyens ukrainiens économiquement actifs (financièrement autonomes et ne nécessitant pas l’aide de l’État) d’obtenir un permis de séjour de longue durée. L’Autriche prévoit d’étendre sa carte rouge‑blanc-rouge plus, un permis qui associe travail et résidence, aux Ukrainiens déplacés qui ont travaillé en Autriche pendant au moins 12 mois au cours des deux années précédant la demande. La Nouvelle‑Zélande a annoncé la création de voies d’accès à la résidence pour les bénéficiaires du visa spécial Ukraine. Pourront y accéder les titulaires d’un visa si le demandeur principal a obtenu un visa spécial Ukraine et est arrivé en Nouvelle‑Zélande avant le 15 mars 2024. La Suisse a décidé de mettre fin à la période d’attente de trois mois que les personnes sous protection temporaire devaient respecter avant de pouvoir accéder au marché du travail, afin de faciliter l’insertion professionnelle des Ukrainiens déplacés.
L’intérêt pour le traitement externe des demandes d’asile ne s’est pas démenti en 2023-24. En novembre 2023, l’Albanie et l’Italie ont signé un accord de collaboration dans le but d’établir en Albanie un centre de traitement pour les demandeurs d’asile secourus en mer par des navires italiens. Le Royaume‑Uni a fait un pas de plus vers l’envoi d’immigrés irréguliers au Rwanda pour le traitement de leur demande d’asile, en adoptant la loi Safety of Rwanda (Asylum and Migration) en avril 2024. Cependant, à la suite des élections qui se sont déroulées au début du mois de juillet 2024, le nouveau Premier ministre a indiqué que le gouvernement abandonnerait cette loi et mettrait fin à l’accord avec le Rwanda.
Poursuite de la coopération régionale en Europe et en Amérique
Le Pacte sur la migration et l’asile de l’Union européenne (UE) a été adopté en mai 2024 après plusieurs années de négociations entre les États membres au sujet de son contenu. Il a pour objectif d’harmoniser les politiques publiques sur les migrations et l’asile entre les États membres et s’articule autour de quatre grands piliers (voir Encadré 3.2). Mi-juin, la Commission européenne a présenté le plan de la mise en œuvre conjointe du Pacte, conçu pour servir de modèle aux plans de mise en œuvre nationaux, qui seront déployés au cours des deux prochaines années. Ce plan comporte dix modules permettant de mettre en œuvre les mesures définies dans les différents piliers du pacte.
Dans le même temps, les pays de l’OCDE du continent américain renforcent leur coopération régionale dans un contexte où l’immigration et le déplacement des populations atteignent des niveaux historiques. En mai 2024, deux ans après la signature par 20 États d’Amérique de la Déclaration de Los Angeles sur la migration et la protection, le Guatemala a accueilli la troisième réunion ministérielle et des réunions parallèles pour passer en revue les activités de coopération en cours et définir le programme d’action de l’année à venir. La priorité reste accordée à trois domaines : s’attaquer aux causes profondes de l’immigration et favoriser l’intégration des immigrés, étendre les voies d’entrée légales, et s’assurer que l’application des lois respecte les droits humains. Pendant la réunion, les pays signataires se sont engagés à poursuivre la coopération, avec notamment l’engagement pris par les États-Unis de verser 578 millions USD pour aider les communautés partenaires et d’accueil à répondre aux besoins en matière d’aide humanitaire, à élargir les voies d’accès et à favoriser la régularisation et l’intégration. Par ailleurs, les États-Unis et le Costa Rica ont annoncé un partenariat pour le partage des données biométriques et la poursuite de leur coopération dans le cadre des centres SMO (Safe-Mobility Offices).
Encadré 2.2. Les quatre piliers du Pacte de l’UE sur la migration et l’asile
Copier le lien de Encadré 2.2. Les quatre piliers du Pacte de l’UE sur la migration et l’asileLe 14 mai 2024, le Conseil de l’UE a officiellement adopté le Pacte sur la migration et l’asile qui comporte un ensemble de règles pour la gestion des flux migratoires et l’instauration d’un système commun en matière d’asile à l’échelle de l’UE. Il a pour but de proposer une démarche globale qui intègre les principales politiques de l’UE relatives à l’immigration, l’asile, la gestion des frontières et l’intégration, et qui les renforce.
Le Pacte est conçu pour parvenir à un équilibre entre le contrôle aux frontières et la solidarité dans l’accueil des réfugiés, et repose sur quatre grands piliers :
Des frontières extérieures sécurisées
Des procédures rapides et efficaces
Un système de solidarité et de responsabilité efficace
L’inclusion de la question des migrations dans les partenariats internationaux.
La mise en œuvre du pacte mettra l’accent sur le traitement accéléré à la frontière, afin de déterminer rapidement la procédure à suivre (asile ou retour) grâce à de nouvelles procédures de filtrage. Un retour à la frontière efficace assorti d’une aide à la réinstallation sera assuré pour ceux qui ne peuvent prétendre à une protection internationale. La base de données Eurodac existante sur l’asile sera enrichie pour devenir une base de données consacrée à la fois à l’asile et à la migration, de sorte que ces informations soient rassemblées et partagées entre les pays de l’UE. La base de données Eurodac sur l’asile et la migration enregistrera les données de tous ceux qui entreront dans l’UE en tant que demandeur d’asile ou de migrant irrégulier. Figureront dans la base de données les empreintes digitales, la reconnaissance faciale et la copie des documents d’identité et de voyage. A priori, ces informations seront conservées pendant une durée pouvant aller jusqu’à cinq ans, avec la possibilité d’allonger cette durée à 10 ans pour les demandeurs d’asile.
Le Pacte prévoit également de créer un mécanisme de solidarité fondé sur les besoins à la fois efficace et obligatoire, mais aussi plus souple, qui remplacera le règlement de Dublin. Les besoins en matière de réinstallation des demandeurs d’asile parmi les États membres seront déterminés grâce à une évaluation des pressions migratoires réalisée par la Commission, qui formulera des recommandations sur le nombre de réinstallations nécessaires et le montant des contributions financières au titre de la solidarité pour l’année à venir. À partir de ces éléments, le Conseil adoptera à la fin de chaque année une loi relative à la mise en œuvre pour fixer le fonds de solidarité, fondée sur les engagements pris par chaque État membre au regard de chaque type de contribution solidaire. La contribution est obligatoire, mais les pays auront la possibilité de choisir entre différentes formes de participation, soit avec des relocalisations, des contributions financières ou d’autres mesures de solidarité (comme la mise à disposition de personnel ou d’une aide matérielle pour d’autres pays).
Le Pacte implique également une coopération plus étroite avec les pays non membres et la prise en compte des questions relatives aux migrations dans les partenariats internationaux afin de lutter contre l’immigration irrégulière et le trafic de migrants tout en favorisant les voies d’accès légales.
Les États membres de l’UE auront jusqu’au mois de mai 2026 pour appliquer la législation contenue dans le Pacte.
Transformation numérique et technologies émergentes dans la gestion de l’immigration
Copier le lien de Transformation numérique et technologies émergentes dans la gestion de l’immigrationCes dernières années, un grand nombre de pays de l’OCDE ont fait évoluer leurs systèmes d’immigration vers le numérique, en s’appuyant sur des plateformes en ligne et des outils numériques pour le traitement des demandes de visa et de permis de séjour, et pour étoffer et améliorer leurs services. Ce changement est né du besoin d’optimiser les ressources et les processus, de gagner en efficacité grâce à l’automatisation et à la dématérialisation des procédures, de réduire les temps de traitement et d’améliorer l’expérience des utilisateurs. Alors que cette transformation numérique est une tendance largement répandue parmi les pays de l’OCDE, ils n’en sont pas tous au même stade d’avancement de leur transition. Plusieurs pays ont déjà totalement remplacé leurs principales procédures d’immigration par des formulaires en ligne ou sont passés au numérique pour la plupart de leurs processus, comme l’Australie, le Canada, le Chili, le Danemark, l’Irlande, la Nouvelle‑Zélande, la Norvège et le Royaume‑Uni. D’autres, comme l’Allemagne, les États-Unis, le Japon, la Pologne et la Suisse ont opéré une transformation numérique partielle. En revanche, dans certains pays comme l’Autriche, l’Islande, la République slovaque et la Tchéquie, les démarches se font encore largement en version papier et en personne (Fragomen, 2024[1]). Malgré ces différences, l’ensemble des pays se sont résolument engagés en faveur du passage au numérique des procédures d’immigration, grâce à la mise à niveau des infrastructures informatiques et à l’intégration d’outils technologiques avancés comme l’intelligence artificielle (IA), les modèles algorithmiques complexes et la technologie de la blockchain.
Cette transformation est en train de redéfinir la gestion des demandes et la fourniture des services en lien avec l’immigration sous tous ses aspects, y compris l’immigration de travail, la mobilité internationale des étudiants, les procédures d’asile, la gestion des frontières, et les services d’appui à l’intégration. Ces évolutions concernent également les mesures d’atténuation des risques, en particulier concernant le bien-fondé de l’automatisation des prises de décision et le respect de la confidentialité et de la protection des données à caractère personnel. Par exemple, la technologie de la blockchain est utilisée pour sécuriser les échanges d’informations sensibles, relier différents services et systèmes, et améliorer les flux d’informations entre les autorités.
La transformation numérique des systèmes de migrations peut contribuer à l’optimisation des ressources et la réduction des délais de traitement des dossiers
Les pays optent de plus en plus pour un traitement en ligne des demandes en matière d’immigration et une version numérique de leurs documents officiels, simplifiant ainsi le parcours des demandeurs et améliorant de façon générale l’expérience des utilisateurs. L’Allemagne a ouvert une nouvelle plateforme numérique qui permet de déposer par voie électronique des demandes de permis divers et qui permet de suivre en temps réel l’état d’avancement du dossier. En mars 2023, le Portugal a lancé une plateforme en ligne qui simplifie la procédure de demande de permis de séjour pour les citoyens de la Communauté des pays de langue portugaise – Angola, Brésil, Cap-Vert, Guinée‑Bissau, Guinée équatoriale, Mozambique, São Tomé et Príncipe et le Timor oriental. Cette démarche évite à ces personnes de faire la queue pour avoir un rendez-vous en personne lorsqu’elles déposent une demande de permis de séjour. De la même façon, l’Irlande est passée au numérique pour une grande partie de son système d’immigration, pour ce qui concerne la gestion de l’identité, la prise de décision et le service client. Le pays a adopté une approche qui prévoit un enregistrement unique et des contrôles fréquents, et qui s’appuie sur une plateforme centrale offrant une vue globale du dossier et du profil du demandeur.
Fin 2023, le Canada a commencé à mettre progressivement en place un nouveau guichet unique d’accès aux programmes et services qui gèrent l’immigration, les réfugiés et la citoyenneté canadienne, qui propose une interface facile à utiliser pour le dépôt des demandes et des mises à jour en temps réel pour le suivi. Les provinces canadiennes ont elles aussi adopté les demandes en ligne : par exemple, la province de Québec est passée aux demandes en ligne pour les Certificats d’acceptation du Québec et les offres d’emploi validées par l’employeur. En Italie, les demandes et délivrances de permis de séjour sont entièrement au format numérique, ce qui élimine la nécessité de présenter des documents en version papier et les visites en personne. La Lituanie a fait face à l’afflux de personnes déplacées venues d’Ukraine en délivrant des permis de séjour temporaires numériques par le biais de la plateforme MIGRIS et éliminé ainsi les visites en personne et les cartes d’identité au format papier. La Pologne a adopté les pièces d’identité numériques et simplifié les procédures tout en les rendant plus pratiques et sécurisées. La Lettonie a commencé à moderniser la plateforme logicielle de son système unifié d’information sur les migrations en rendant les services en ligne pour les permis de séjour plus simples d’emploi et en simplifiant le dépôt de documents à distance.
Outre la transformation numérique partielle ou complète des procédures d’immigration, certains pays de l’OCDE améliorent leur infrastructure informatique en se tournant vers l’IA et les modèles d’algorithme sophistiqués pour simplifier les procédures, optimiser les ressources et gagner du temps. L’intervention humaine se limite ainsi aux analyses de cas et aux prises de décision plus complexes. Le Canada a étendu l’utilisation d’un outil d’automatisation assorti d’un système de triage pour le traitement des demandes de prolongation des permis de travail, dans le cadre du programme Expérience internationale Canada (EIC) et des permis de travail postdiplôme (PTPD). Cet outil trie les demandes selon leur complexité et approuve automatiquement les demandes courantes afin d’accélérer la prise de décision tout en continuant de faire valider la décision finale par une personne. De plus, le Canada a commencé une modernisation globale de son infrastructure numérique dans le cadre du programme pour la modernisation de la plateforme numérique (MPN), qui comprend le remplacement du système mondial de gestion des cas par une nouvelle plateforme numérique d’ici la fin 2024, conçue pour optimiser les processus opérationnels. La Finlande a adopté une nouvelle infrastructure numérique pour aider la prise de décision et automatiser les décisions relatives aux permis de séjour délivrés à des fins de travail et d’études, à la citoyenneté et au renouvellement des permis et des cartes de séjour, laissant au personnel de l’immigration le soin de traiter les dossiers refusés et nécessitant un examen particulier. Ces dernières années, la France a sensiblement accéléré la transformation numérique de ses procédures d’immigration, en particulier pour les étudiants étrangers et les demandeurs de la carte Passeport talent. Depuis 2021, la plateforme numérique « Études en France » centralise toutes les procédures administratives des étudiants étrangers résidant dans l’un des 69 pays concernés. Les demandeurs peuvent gérer en ligne l’ensemble des démarches d’inscription dans un établissement d’enseignement supérieur, y compris déposer une demande d’inscription, suivre l’état d’avancement du dossier, communiquer avec les établissements et faire une demande de visa. Pour le Passeport talent, conçu pour les travailleurs hautement qualifiés, les chercheurs, les artistes et les entrepreneurs, la demande de visa initiale peut être déposée sur le site internet France‑Visas. Une fois en France, les demandes de permis de séjour, les renouvellements, et les changements de statut, comme le passage du permis étudiant au Passeport talent, peuvent être gérés en ligne par le biais du site de l’Agence nationale des titres sécurisés (ANTS). De plus, le ministère de l’Intérieur prévoit de mettre en œuvre un outil fondé sur l’IA pour détecter les fraudes dans les documents téléchargés.
Les pays investissent dans l’infrastructure informatique pour améliorer la gestion et l’échange des données
Afin de renforcer l’interconnectivité entre les systèmes et d’améliorer la gestion des données et des informations au sein des administrations, certains pays de l’OCDE modernisent leur infrastructure informatique. La Pologne a élaboré un nouveau système informatique intégré dont le principal objectif est d’améliorer la collecte des données sur les étrangers grâce à des procédures de déclaration automatisées, en accordant une place centrale à l’automatisation et à la présentation visuelle des données, pour faciliter la gestion des flux migratoires et étayer l’élaboration des politiques entre les différents ministères impliqués dans la gestion des migrations. Un des éléments majeurs de ce nouveau système est la mise à disposition de tableaux de bord dynamiques et interactifs pour l’analyse détaillée des données, une présentation des données qui facilite la lecture et l’analyse des tendances ou des écarts, ainsi que d’un outil pour l’analyse de données et la réalisation de rapports en libre service.
Au Portugal, depuis 2023, une nouvelle agence est responsable de l’ensemble des démarches relatives à l’intégration, aux migrations et à l’asile, ce qui a permis d’accélérer le passage au numérique pour les démarches. Les demandes de permis de séjour pour les enfants au titre du regroupement familial peuvent être déposées en ligne sur le portail dédié et d’autres demandes pourront prochainement être déposées de la même façon. En janvier 2023, la Lituanie a lancé un programme national pour la gouvernance des données afin de favoriser la gestion et l’échange des données sur les étrangers entre les institutions nationales et d’améliorer la supervision de l’immigration légale et des processus d’intégration. Ce programme comporte une tâche spécifique dédiée à « la gestion et l’échange des données sur les bénéficiaires de l’immigration légale et d’une protection internationale », dont l’objectif est d’améliorer l’efficience et l’efficacité de la gestion et du partage d’informations pertinentes au sujet des individus qui bénéficient de l’immigration légale et d’une protection internationale.
De nouveaux outils et mécanismes d’appariement améliorent le parcours des immigrés et leur intégration
Les technologies améliorent également les services proposés aux immigrés dans les pays d’accueil. L’Estonie a lancé le service « Settleinestonia » dédié aux démarches du quotidien, un programme numérique complet pour faciliter l’adaptation des nouveaux arrivants et accessible sur la plateforme consacrée aux services publics. Ce service leur offre un accès centralisé à des informations, des conseils et des services d’aide pour la déclaration de résidence, l’apprentissage de la langue, l’intégration culturelle, l’éducation, la santé, la conduite et les aides sociales. Le Canada a renouvelé son investissement dans les services en ligne de préinstallation et le Québec a lancé un nouveau portail qui rassemble en un seul endroit tous les services d’apprentissage de la langue française pour les nouveaux venus et d’autres résidents, tandis que la Colombie‑Britannique a lancé un nouveau portail d’information en ligne multilingue pour les nouveaux arrivants.
De plus en plus, l’IA est intégrée aux solutions d’appariement sur le marché du travail, notamment pour dispenser des conseils d’orientation professionnelle aux demandeurs d’emploi, leur proposer des emplois qui leur correspondent après analyse de leurs compétences, expériences et préférences, ou en réalisant des projections sur l’évolution du marché du travail, les secteurs qui devraient se développer et les compétences qui seront recherchées (Brioscú et al., 2024[2]). Parmi les pays de l’OCDE, l’Autriche a été le premier à adopter une solution d’IA générative à l’usage des clients. Le service autrichien de l’emploi a modernisé son système d’appariement des offres et des demandes en lançant en janvier 2024 un robot conversationnel alimenté par ChatGPT pour aider les chercheurs d’emploi et les agents en charge des dossiers concernant la gestion de carrière et la recherche d’emploi en fonction des diplômes, de la profession et du salaire.
Les technologies numériques sont de plus en plus utilisées dans la gestion de l’asile et de l’immigration irrégulière
Les technologies numériques interviennent également de plus en plus dans les systèmes de gestion de l’immigration et de l’asile en Europe, notamment dans la gestion des frontières, le traitement des demandes d’asile et le suivi du statut. L’Estonie a investi dans l’infrastructure numérique pour renforcer le contrôle des migrations et s’assurer du respect de la législation. La base de données du contrôle des migrations (MIGIS) et le système d’identification biométrique automatisé (ABIS) ont été lancés en 2023. La base de données MIGIS automatise le contrôle, aide les agents à faire appliquer les lois relatives au séjour et évite les détournements. Des vérifications automatisées permettent aux agents de rester informés des ressortissants de pays tiers résidant en Estonie, ce qui leur donne la possibilité de réagir rapidement en cas de séjour irrégulier. Le système ABIS s’appuie sur l’intelligence artificielle pour comparer les données biométriques et renforce la fiabilité des procédures de contrôle de l’identité. Depuis avril 2021, l’Allemagne teste une infrastructure de blockchain appelée FLORA, dans le centre de Dresde responsable des arrivées, de la prise de décision et des retours (AnkER). Ce système gère les procédures de protection nationale et relatives au règlement de Dublin et simplifie ainsi la procédure d’asile. La technologie de l’IA est également utilisée en Allemagne pour identifier et analyser les voix et les dialectes dans la procédure d’asile (REM/OCDE, 2022[3]).
L’IA permet non seulement d’améliorer la gestion des demandes et de prévoir les afflux de demandeurs d’asile, mais elle aide aussi les réfugiés à s’intégrer. Elle intervient notamment pour déterminer le meilleur endroit où diriger les réfugiés réinstallés, une tâche traditionnellement réalisée par des agents qui tiennent compte notamment de la disponibilité des hébergements et des emplois, ainsi que des communautés existantes. Le premier essai pilote de GeoMatch, un outil d’appariement fondé sur l’IA et mis au point par des chercheurs du laboratoire des politiques de l’immigration de l’université de Stanford et de l’ETH de Zurich, a démarré en Suisse en 2020 et aux États-Unis en 2023. Cet outil aide les instances gouvernementales et les organismes sans but lucratif à recenser les communautés où les familles de réfugiés sont les plus susceptibles de s’épanouir, et les dirige vers les lieux où elles ont le plus de chances de réussir leur intégration. GeoMatch n’est pas un outil d’automatisation de la prise de décision, mais a été conçu pour être intégré à des structures institutionnelles existantes et apporter des informations complémentaires afin d’étayer la prise de décision, parallèlement aux connaissances des experts.
Mesures relatives aux étudiants en mobilité internationale
Copier le lien de Mesures relatives aux étudiants en mobilité internationaleLes pays de l’OCDE attachent de longue date une grande importance aux étudiants en mobilité internationale pour leur contribution au secteur de l’enseignement supérieur et au marché du travail dans les pays de destination. Ces dix dernières années, ils ont pris des mesures actives pour attirer, soutenir et retenir les étudiants en mobilité internationale (OCDE, 2023[4]), dont l’importance a été mise en lumière à la fois par leur baisse relative et par les difficultés rencontrées pendant la pandémie de COVID‑19, ce qui a poussé un grand nombre de pays à mettre en œuvre des stratégies coûteuses pour compenser les pertes de revenus qui en ont découlé. Ces mesures ont permis un retour relativement rapide de ces étudiants en 2021 et 2022 (OCDE, 2023[5]). Toutefois, certains des principaux pays de destination des étudiants en mobilité internationale de l’OCDE ont récemment adopté des mesures plus strictes pour les étudiants internationaux en réaction au nombre croissant d’inscriptions, aux tensions sur les marchés du logement, à la pression exercée sur les infrastructures publiques et, dans certains pays, aux inquiétudes liées aux pratiques abusives. Ces changements stratégiques visent à réguler l’entrée des étudiants en mobilité internationale, améliorer la qualité de l’enseignement international et répondre aux inquiétudes en matière d’immigration.
Le durcissement des conditions d’accès doit également tenir compte de l’importance croissante que représentent les droits de scolarité des étudiants en mobilité internationale pour de nombreux pays en tant que source de financement des universités, mais aussi du fait que les diplômés internationaux constituent un important vivier de talents qui peut contribuer à résorber les pénuries de main-d’œuvre. Certains pays de l’OCDE ont donc plutôt tendance à instaurer des critères sélectifs pour attirer les étudiants en mobilité internationale et adopter des mesures qui permettent de les retenir et de faciliter leur insertion sur le marché du travail.
Des pays de destination importants tendent désormais à limiter l’afflux des étudiants internationaux
Trois des cinq principaux pays de destination de l’OCDE réforment actuellement leurs politiques à l’égard des étudiants internationaux dans le souci d’adopter une démarche proactive pour gérer, réguler et restreindre ces entrées. L’Australie, le Canada et le Royaume‑Uni ont connu une envolée des inscriptions des étudiants internationaux après la pandémie, ainsi qu’une évolution des caractéristiques des nouveaux étudiants et des établissements dans lesquels ils s’inscrivent. Ces pays ont donc profondément modifié, ces dernières années, leurs politiques relatives aux étudiants en mobilité internationale et au secteur de l’enseignement.
Au Royaume‑Uni, les niveaux records de l’immigration de 2022 pourraient en partie s’expliquer par une augmentation rapide du nombre de personnes à charge des étudiants internationaux. Le nombre d’entrées de ces personnes à charge, qui ont le droit de travailler au Royaume‑Uni, a en effet augmenté de 750 % entre 2019 et 2023 (OCDE, 2023[5]). Des restrictions concernant les conjoints qui accompagnent ces étudiants ont été imposées en janvier 2024. Les étudiants n’ont plus le droit de faire venir les membres de leur famille au titre de visas réservés aux personnes à charge, sauf s’ils font partie d’un programme de recherche après des études de troisième cycle.
Le Canada et l’Australie, respectivement troisième et quatrième pays d’accueil de l’OCDE de nouveaux étudiants en mobilité internationale derrière le Royaume‑Uni et les États-Unis, ont récemment annoncé des mesures qui marquent un tournant radical après les efforts déployés précédemment pour accroître le nombre d’étudiants internationaux. En Australie, ces changements s’inscrivent dans le cadre d’une réforme plus vaste du système d’immigration et dans le prolongement d’un examen récent de ce système qui a conclu que l’Australie ne s’était pas suffisamment donné les moyens d’attirer les étudiants internationaux les meilleurs et les plus brillants et que le vivier d’étudiants internationaux n’était pas à la hauteur de son potentiel en tant que réservoir de travailleurs immigrés qualifiés et performants. En vertu de cette nouvelle stratégie en matière d’immigration, le gouvernement souligne aussi la nécessité de renforcer l’intégrité dans l’enseignement international. Pour améliorer la qualité et l’intégrité de l’enseignement international, plusieurs modifications ont été annoncées afin de relever le niveau des étudiants internationaux et des établissements d’enseignement. Les premières réformes, entrées en vigueur début 2024, comprennent une hausse des conditions requises en matière de capacité financière et de niveau en anglais. Il a également été proposé de modifier le visa délivré aux diplômés qui permet aux étudiants internationaux diplômés de s’installer en Australie et d’y chercher du travail. Ces changements prévoient d’abaisser l’âge limite requis de 50 à 35 ans et de réduire la période de séjour à un maximum de 2 ans pour les titulaires d’une licence et d’un master (3 ans pour les titulaires d’un master de recherche et d’un doctorat).
Le Canada, confronté à une hausse du nombre d’étudiants et un marché du logement tendu, a temporairement plafonné les demandes de permis d’études pendant deux ans. L’objectif est de limiter le nombre de nouveaux permis de séjour délivrés aux étudiants internationaux à 360 000 en 2024, soit 35 % de moins qu’en 2023. De plus, les conditions financières pour l’octroi d’un nouveau permis d’études ont plus que doublé, passant de 10 000 CAD à 20 635 CAD.
D’autres pays prennent le même chemin. Après plusieurs années pendant lesquelles le nombre d’étudiants en mobilité internationale a rapidement augmenté et la question du logement étudiant a posé de grosses difficultés, le gouvernement récemment nommé aux Pays-Bas a fait part de son intention de réduire le nombre d’étudiants internationaux grâce à l’adoption de plusieurs mesures. Le pays entend notamment limiter le nombre de programmes d’enseignement en anglais, plafonner le nombre total d’étudiants étrangers, et augmenter les droits de scolarité pour les étudiants internationaux non originaires de l’UE. Dans le sillage de ces annonces, début 2024, 14 universités ont présenté une proposition exposant comment réduire le nombre d’étudiants en mobilité internationale tout en préservant et en renforçant le niveau en néerlandais dans l’enseignement supérieur et la recherche. En mai 2024, le gouvernement a présenté un projet de loi au parlement comprenant des modifications légales pour permettre aux universités de limiter le nombre d’inscriptions d’étudiants étrangers.
Des mesures sont également mises en œuvre pour renforcer l’intégrité et lutter contre la fraude et le détournement du système de visa étudiant. Le Canada et l’Australie ont tous deux annoncé un renforcement des procédures de contrôle des demandes de visas étudiants, tandis que l’agence suédoise responsable de l’immigration a présenté une série de propositions de mesures visant à réduire l’utilisation abusive du permis de séjour à des fins d’études, avec notamment un relèvement du niveau requis en suédois, un renforcement du contrôle de la volonté d’étudier et un système simplifié qui permette aux établissements d’enseignement supérieur de signaler les étudiants qui abandonnent leurs études. Au Royaume‑Uni, le gouvernement a mandaté le Comité consultatif sur les questions migratoires (MAC) pour qu’il réalise un examen rapide du visa accordé aux diplômés, qui donne aux diplômés étrangers des universités britanniques le droit de travailler pendant deux ans et d’occuper un emploi non parrainé, afin de répondre aux préoccupations selon lesquelles les visas d’études seraient utilisés pour entrer sur le marché du travail et non pas pour suivre des études de qualité. Toutefois, les conclusions de l’examen, présentées en mai 2024, n’ont pas révélé de détournement massif.
Ce changement de paradigme quant au traitement des étudiants en mobilité internationale, observé dans les principales destinations anglophones et aux Pays-Bas, n’est pas représentatif de toute la zone OCDE. En effet, d’autres pays ont redoublé d’efforts pour attirer les étudiants étrangers. En Corée et au Japon, le secteur de l’enseignement supérieur s’oriente de plus en plus vers l’international compte tenu de la baisse du nombre d’étudiants nationaux qui s’inscrivent à l’université et de la baisse des taux de natalité. La Corée a présenté un plan visant à attirer 300 000 étudiants en mobilité internationale d’ici 2027, soit une hausse de 30 % par rapport au niveau de 2022. Ce plan quinquennal comprend un assouplissement des règles d’octroi des visas, une baisse des conditions financières requises, et l’obtention accélérée du statut de résident pour les diplômés des filières STIM. Le Japon a réitéré son ambition d’internationaliser son enseignement supérieur après la chute du nombre d’étudiants étrangers pendant la pandémie de COVID- 19, lorsque l’entrée sur le territoire japonais était fortement restreinte. Avant la pandémie, le Japon avait atteint avec succès son objectif de 300 000 étudiants étrangers. Le nouvel objectif du gouvernement est d’attirer 400 000 étudiants en mobilité internationale d’ici 2033.
En 2021, le Danemark avait fortement réduit le nombre de places dans les programmes de master enseignés en anglais afin de faire baisser le nombre d’étudiants internationaux, mais il prend désormais le chemin inverse. En juin 2023, le gouvernement a fait part de son intention de voir augmenter le nombre d’étudiants internationaux et propose 1 100 places annuelles supplémentaires dans les programmes de master enseignés en anglais entre 2024 et 2028, et une augmentation annuelle de 2 500 places après 2029. Ce changement d’approche est largement motivé par la demande de main-d’œuvre, et les places supplémentaires dans l’enseignement en anglais seront principalement attribuées dans des domaines d’études qui correspondent aux besoins du marché du travail danois.
Les pays deviennent plus sélectifs quant aux étudiants qu’ils cherchent à attirer
Les politiques relatives aux étudiants internationaux sont de plus en plus sélectives et ciblent les étudiants d’un domaine d’études spécifique ou originaires de certains pays ou de certaines régions. L’Australie, par exemple, a ouvert une voie d’admission accélérée avec des visas destinés aux étudiants de certaines nationalités ou qui exercent certaines professions. Les ressortissants indiens diplômés d’un établissement d’enseignement supérieur australien ne sont pas concernés par la plupart des modifications apportées au droit à travailler après l’obtention d’un diplôme, et continuent de bénéficier d’un droit de séjour allant jusqu’à 3 ans pour les titulaires d’une licence ou d’un master (dans le domaine des STIM), et jusqu’à 4 ans pour les doctorants. De plus, l’Australie et l’Inde ont adopté un mécanisme de reconnaissance mutuelle des diplômes et une stratégie conjointe en matière d’enseignement. Le programme PTPD (Permis de travail postdiplôme) du Canada est également en cours de révision. À compter du 15 février 2024, les étudiants internationaux qui terminent un programme de master, quelle que soit sa durée, peuvent prétendre à un permis de travail de trois ans, un changement par rapport aux règles précédentes selon lesquelles la durée du permis de travail postdiplôme était uniquement déterminée par la durée du programme d’études. Cependant, le durcissement des conditions d’accès au PTPD s’appliquera à d’autres diplômés, afin de répondre aux inquiétudes quant à la qualité de l’enseignement et aux utilisations abusives dans les programmes d’enseignement supérieur relevant de partenariats public-privé. Depuis mai 2024, les étudiants internationaux qui suivent un cursus dispensé dans le cadre d’un accord de licence de programme d’études ne pourront plus prétendre au permis de travail postdiplôme.
Dans le cadre de son plan visant à augmenter le nombre d’étudiants internationaux, la Corée cherche particulièrement à attirer des étudiants dans le domaine des STIM. Elle propose davantage de bourses, augmente les quotas d’étudiants venus de pays où les STIM sont traditionnellement encouragés, comme l’Inde et le Pakistan, et propose aux diplômés des filières STIM un accès accéléré au statut de résident.
Certains pays adoptent également des mesures ciblées pour attirer spécifiquement les étudiants de troisième cycle (master ou doctorat). Au Canada, le permis de travail ouvert délivré au conjoint n’est désormais plus disponible que pour les conjoints d’étudiants de troisième cycle. De même, le Royaume‑Uni permet aux personnes à la charge d’un étudiant de le suivre uniquement s’il est inscrit en doctorat ou dans un programme de recherche du troisième cycle. La Suède adopte des mesures spécifiques pour attirer les étudiants de troisième cycle, notamment en facilitant la transition vers le marché du travail.
Les droits de scolarité sont surveillés de près
Les droits de scolarité des étudiants en mobilité internationale sont examinés de près dans plusieurs pays de l’OCDE. La Norvège a récemment introduit des droits pour les étudiants internationaux ressortissants de pays extérieurs à la zone UE/EEE/AELE. Depuis le semestre d’automne 2023, les universités et les établissements d’enseignement supérieur doivent facturer des droits de scolarité permettant au minimum de couvrir les coûts pour ce qui est des nouveaux étudiants qui suivent une formation diplômante et sont originaires d’un pays hors de cette zone, ce qui a réduit considérablement leur nombre. La Finlande, qui a introduit des droits de scolarité plus élevés pour les élèves non issus de l’UE/EEE en 2017, propose désormais de réintroduire des frais de scolarité qui couvrent les coûts de ces étudiants qui suivent une formation diplômante délivrée dans une langue autre que le finnois ou le suédois. L’objectif de cette hausse est d’améliorer la situation financière des établissements d’enseignement supérieur et d’inciter les étudiants étrangers à rester dans le pays. Ceux qui bénéficient d’une protection temporaire seraient dispensés des frais de scolarité. De plus, le gouvernement finlandais a proposé que les citoyens des pays hors zone UE et EEE s’acquittent de frais de dossier pour améliorer la qualité des candidatures et alléger la charge administrative qui pèse sur les établissements d’enseignement supérieur.
Les Pays-Bas prévoient également d’augmenter les frais de scolarité des étudiants non originaires de l’UE, dans l’objectif de réduire le nombre d’étudiants étrangers. Dans le même temps, le Japon a récemment décidé d’autoriser les universités à demander aux étudiants étrangers des frais de scolarité plus élevés qu’aux étudiants nationaux. Jusqu’à présent, l’ensemble de ces étudiants devait s’acquitter de frais de scolarité identiques.
Il reste important de retenir les étudiants pour remédier aux pénuries de main-d’œuvre
Bien que plusieurs pays de l’OCDE tendent à renforcer le contrôle des inscriptions d’étudiants internationaux, les États continuent d’admettre que ces étudiants contribuent largement à l’économie et à la main-d’œuvre locale. Pour lutter contre les pénuries de main-d’œuvre et de compétences, de nombreux pays de l’OCDE continuent d’accorder une importance prioritaire aux mesures visant à retenir les étudiants et améliorer leur insertion professionnelle, comme l’élargissement des possibilités d’occuper un emploi une fois les études terminées et les voies d’accès à un titre de séjour permanent.
Plusieurs pays ont modifié le droit des étudiants étrangers à travailler pendant leurs études. Pouvoir travailler pendant ses études permet d’acquérir une expérience professionnelle précieuse et favorise une meilleure rétention des étudiants après l’obtention de leur diplôme. L’Allemagne et la Corée ont allongé la durée pendant laquelle les étudiants sont autorisés à travailler, de 120 à 140 jours par an en Allemagne et de 20 à 30 heures par semaine en Corée. De plus, les étudiants en Allemagne peuvent plus facilement changer le motif de leur séjour avant l’obtention de leur diplôme. La Nouvelle‑Zélande a assoupli les conditions que les étudiants doivent remplir pour travailler pendant leurs études et permet maintenant à tous les étudiants de travailler dès lors qu’ils sont inscrits dans un programme d’études à plein temps qui débouche sur l’obtention d’un diplôme national de niveau 4 ou supérieur.
D’autres pays ont récemment adopté des mesures qui facilitent le passage des études au marché du travail. La Suisse simplifie l’accès au marché du travail pour les étudiants étrangers non originaires de la zone UE/AELE diplômés d’un master ou d’un doctorat d’une université suisse, en leur permettant de prendre un emploi dans un secteur en tension, sans tenir compte des quotas. Comme indiqué ci-dessus, le Canada a étendu la durée de son PTPD à trois ans pour tous les diplômés d’un master afin de faciliter la transition vers l’activité professionnelle. Les États-Unis ont précisé et étendu les règles applicables aux étudiants titulaires d’un visa F-1, en donnant la possibilité aux étudiants des filières STIM d’allonger leur période de formation pratique optionnelle afin de chercher un emploi au sein d’une start-up. Le Danemark a récemment adopté des règles permettant aux individus dont le permis de séjour a été refusé de rester dans le pays pour terminer leurs études s’ils visent des métiers considérés comme recherchés sur le marché du travail. En outre, ces personnes auront la possibilité de rester six mois de plus dans le pays après l’obtention de leur diplôme, le temps de trouver un emploi.
La Lituanie a porté de deux à dix ans le délai pendant lequel l’étudiant étranger peut demander un permis de séjour temporaire après l’obtention d’un diplôme. La Suède envisage d’adopter des mesures qui facilitent l’entrée des étudiants et des chercheurs de troisième cycle sur le marché du travail, en les dispensant du seuil de salaire et en supprimant l’obligation de quitter le pays pour demander un permis de travail.
La Corée étudie quant à elle si elle peut conjuguer sa politique relative aux étudiants étrangers et ses besoins en matière de travailleurs saisonniers. Un programme pilote permet aux parents d’étudiants en mobilité internationale inscrits en dehors de la zone métropolitaine de Séoul de rejoindre leurs enfants et de prendre un emploi saisonnier dans l’agriculture ou la pêche pour une durée de trois à huit mois dans le même secteur géographique que l’université. Ce test, qui doit se dérouler en 2024, est accessible aux parents de moins de 55 ans. Les étudiants doivent être inscrits dans une université en dehors de la zone métropolitaine de Séoul depuis au moins un an et avoir encore au moins deux années d’études à suivre.
Références
[2] Brioscú, A. et al. (2024), “A new dawn for public employment services : Service delivery in the age of artificial intelligence”, OECD Artificial Intelligence Papers, No. 19, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/5dc3eb8e-en.
[1] Fragomen (2024), Worldwide Immigration Trends Mid-year report, https://www.fragomen.com/trending/worldwide-immigration-trends-reports/index.html.
[4] OCDE (2023), Perspectives des migrations internationales 2022, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/7244fc44-fr.
[5] OCDE (2023), Perspectives des migrations internationales 2023, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/87c79978-fr.
[3] REM/OCDE (2022), The use of Digitalisation and Artificial Intelligence in Migration Management, https://www.oecd.org/migration/mig/EMN-OECD-INFORM-FEB-2022-The-use-of-Digitalisation-and-AI-in-Migration-Management.pdf.
← 1. Cette désignation est sans préjudice des positions sur le statut et est conforme à la résolution 1244/1999 du Conseil de sécurité des Nations unies ainsi qu’à l’avis consultatif de la Cour internationale de justice sur la déclaration d’indépendance du Kosovo.