Le présent chapitre propose un tour d’horizon des principales modifications apportées aux politiques d’intégration des pays de l’OCDE en 2023‑24, dans un contexte d’instabilité géopolitique et économique, et face au nombre croissant d’arrivées pour raisons humanitaires dans l’OCDE. Outre des tendances plus générales, comme une plus grande attention accordée à l’intégration sociale et à la lutte contre le racisme et la discrimination, ce chapitre aborde tout particulièrement les initiatives visant à résoudre les problèmes liés à l’insertion professionnelle et au logement.
Perspectives des migrations internationales 2024
3. Évolutions récentes des politiques d’intégration des immigrés
Copier le lien de 3. Évolutions récentes des politiques d’intégration des immigrésAbstract
En bref
Copier le lien de En brefPrincipaux messages
Plusieurs pays de l’OCDE, notamment l’Islande, la Lituanie, la Pologne et la Slovénie, ont révisé ou amorcé l’élaboration de stratégies d’intégration plus larges, afin de tenir compte à la fois des évolutions des flux migratoires et des nouveaux enjeux qui apparaissent.
Parallèlement à de nouvelles mesures, la priorité a récemment été donnée à l’amélioration de la capacité à proposer des services d’intégration aux groupes d’immigrés, en privilégiant la promotion d’une participation active et l’amélioration de l’accès. Différentes approches sont mises en œuvre à ces fins, notamment pour mieux atteindre les communautés éloignées, améliorer la transformation numérique et cibler des groupes de migrants spécifiques.
Des activités d’intégration civique renforcées sont encouragées, axées sur l’identité, le sentiment d’appartenance, la lutte contre la discrimination, les attitudes et les valeurs. La Belgique et les Pays‑Bas notamment ont revu leurs politiques d’intégration civique, en imposant de nouvelles obligations et responsabilités.
La lutte contre la discrimination et le racisme reste une priorité majeure des responsables politiques, par la mise en place de nouveaux plans d’action et de mesures, notamment dans les pays de l’Union européenne, où l’antisémitisme et l’islamophobie suscitent une inquiétude grandissante.
Les lois sur la nationalité continuent de susciter un regain d’intérêt, notamment en France, en Allemagne, en Corée et en Suède, prolongeant ainsi une tendance observée ces dernières années. Les modifications apportées aux politiques sont toutefois différentes, traduisant des priorités distinctes.
La progression du taux d’emploi des personnes nées à l’étranger est une priorité pour tous les pays de l’OCDE. Bien que la situation globale des immigrés en matière d’emploi se soit améliorée ces dix dernières années, elle reste moins favorable que celle des personnes nées dans le pays, les migrants humanitaires et les demandeurs d’asile étant confrontés à des difficultés spécifiques.
De nombreux pays de l’OCDE encouragent une intégration durable et adaptée aux compétences des migrants. Pour que les emplois des nouveaux arrivants soient mieux adaptés à leur capital humain, les pays améliorent la reconnaissance et la validation des compétences et investissent dans la formation linguistique, le renforcement des compétences et la reconversion.
Il est toutefois reconnu que ces efforts doivent être contrebalancés par une entrée rapide sur le marché du travail. De nouvelles initiatives, comme le Job-Turbo en Allemagne, visent à s’assurer que l’entrée sur le marché du travail n’est pas retardée même si la maîtrise de la langue n’est pas encore suffisante.
La pénurie de logements abordables et accessibles constitue un défi de taille pour l’OCDE dans son ensemble, mais elle a un impact disproportionné sur les communautés immigrées en raison des obstacles supplémentaires auxquels elles peuvent être confrontées, notamment le manque d’informations, l’absence des documents requis et la discrimination.
Les instances gouvernementales et autres parties prenantes de plusieurs pays de l’OCDE, dont les Pays-Bas, la Norvège et les États-Unis, ont donc mis en œuvre des réformes juridiques, de nouvelles politiques et des mesures de soutien pour apporter une aide financière et d’autres formes d’accompagnement visant à améliorer l’accès au logement pour les immigrés.
Si la disponibilité des données est problématique, des estimations donnent à penser que les migrants sont souvent surreprésentés parmi les populations sans abri. Très souvent, les migrants ont deux fois plus de risque de se trouver sans abri, particulièrement en Suède, en Finlande, en Italie, en Espagne et en Colombie.
La situation en matière de logement est particulièrement difficile compte tenu de la nécessité d’accueillir, dans les pays de l’OCDE, un nombre croissant de migrants humanitaires, d’où les collaborations engagées avec diverses parties prenantes pour améliorer les capacités d’accueil. Plusieurs pays de l’OCDE, parmi lesquels l’Italie, la Grèce, l’Espagne et le Royaume‑Uni, s’appuient de plus en plus sur des prestataires de service externes, ainsi que sur les ménages et les particuliers.
Introduction
Copier le lien de IntroductionCes dernières années, les pays de l’OCDE enregistrent des niveaux d’immigration sans précédent, ce qui se traduit par un afflux hétérogène de nouveaux arrivants. Ces flux croissants s’inscrivent dans un contexte d’instabilité géopolitique et économique grandissante, accentuant les tensions sociales dans le monde entier. En conséquence, les pays d’accueil ont renforcé leurs efforts sur les différents aspects de l’intégration, en couvrant toutes les étapes du processus, de l’accueil à la naturalisation. L’essor des arrivées a exacerbé les problèmes structurels de logement, tandis que la diversité des nouveaux arrivants a entraîné différentes conséquences sur le marché du travail, incitant les pays à reconsidérer leurs approches de l’insertion professionnelle afin d’améliorer la participation et les résultats pour toutes les catégories d’immigrés. Le présent chapitre approfondira ces thèmes, ainsi que les principales évolutions des politiques d’intégration au cours des dernières années.
Principales évolutions des politiques d’intégration
Copier le lien de Principales évolutions des politiques d’intégrationLes pays d’accueil améliorent leur capacité à atteindre un large éventail de groupes de migrants
Tandis que les pays de l’OCDE continuent d’élaborer de nouvelles mesures, politiques et stratégies (voir Encadré 3.1) pour améliorer l’aide à l’intégration des immigrés, un objectif commun à un grand nombre d’entre eux est d’atteindre plus efficacement les groupes cibles et de rendre les services existants accessibles à un plus grand nombre d’immigrés. Pour ce faire, ils suivent différentes approches, notamment en veillant à la participation active des nouveaux arrivants aux activités d’intégration, en améliorant l’accès dans les communautés isolées et l’accès à distance, et en s’assurant que certains groupes spécifiques, comme les enfants immigrés, bénéficient de l’attention nécessaire.
Plusieurs pays responsabilisent davantage les nouveaux arrivants pour qu’ils participent à des programmes d’intégration, souvent en rendant ces programmes obligatoires. De nombreux pays de l’OCDE, dont l’Autriche, le Danemark, l’Estonie et la Lituanie, imposent aux migrants humanitaires de participer à des programmes d’intégration et d’apprentissage de la langue. Des pays comme la Belgique et les Pays‑Bas ont récemment étendu cette obligation à un plus grand nombre de groupes d’immigrés. Avec les changements de politique en 2023 dans la Région de Bruxelles-Capitale, les programmes d’intégration civique sont désormais obligatoires pour les immigrés récents hors UE dans toute la Belgique. Dans d’autres cas, les programmes d’intégration ne sont plus proposés gratuitement, comme en Allemagne et en Suisse, en partie afin d’encourager l’engagement des immigrés. Des dispositions d’exonération des frais sont toutefois souvent prévues pour les personnes à faible revenu.
Les pays de l’OCDE cherchent également à mieux atteindre certains groupes spécifiques. Ces dernières années, une attention particulière a été portée aux femmes, et notamment aux mères immigrées (OCDE, 2023[1]), mais les pays s’efforcent également de soutenir l’inclusion des enfants immigrés et de veiller à ce qu’ils ne soient pas oubliés dans les activités d’intégration. Il est en général reconnu que les établissements scolaires et les systèmes éducatifs constituent des vecteurs efficaces d’intégration pour les enfants immigrés, en particulier les enfants réfugiés, en améliorant leurs perspectives sur le marché du travail, leur inclusion sociale et leur bien-être émotionnel (Cerna, 2019[2]), mais cela suppose qu’ils soient inscrits à l’école et suivent une scolarité active.
Les récentes crises de déplacements à grande échelle qui touchent les pays de l’OCDE ont mis en lumière ces groupes cibles. En Türkiye, le ministère de l’Éducation rapporte que sur la période 2021‑22, 65 % des enfants syriens d’âge scolaire étaient inscrits dans un établissement. Ce taux d’inscription variait selon le niveau scolaire, de 75 % dans le primaire à 42 % dans le deuxième cycle du secondaire. De même, la scolarisation des élèves ukrainiens déplacés a été un problème majeur dans les pays européens de l’OCDE (OCDE, 2023[3]). En 2023, l’UNESCO a réalisé un inventaire dans sept pays d’accueil européens (Bulgarie, Hongrie, Pologne, République de Moldova, République slovaque, Roumanie et Tchéquie) et conclu que le taux brut estimé de scolarisation des enfants ukrainiens déplacés dans l’enseignement primaire et secondaire dans ces pays était de 43 %, avec un taux individuel par pays variant de 4 % à 59 % (UNESCO, 2023[4]). Cela signifie qu’en moyenne, 6 enfants ukrainiens déplacés sur 10 n’étaient alors pas scolarisés dans le pays d’accueil.
Pour remédier à ces problèmes, différentes mesures ont été mises en œuvre pour améliorer la scolarisation des enfants immigrés aux niveaux préscolaire et scolaire. En Suède, de nouvelles réglementations imposent aux communes d’informer les aidants sur les objectifs de l’enseignement préscolaire et le droit des enfants à en bénéficier. Elles doivent également réserver des places dans l’enseignement préscolaire pour les enfants récemment arrivés en Suède. Ces réglementations s’appliquent depuis juillet 2023. La Norvège a également apporté des modifications temporaires à la Loi sur l’enseignement préscolaire afin de mieux répondre à la situation des réfugiés ukrainiens, en simplifiant la création de structures préscolaires temporaires et en réduisant les frais d’inscription. En outre, les subventions ont été augmentées pour recruter davantage d’enseignants de niveau préscolaire dans les zones urbaines où les conditions de vie sont très difficiles et pour renforcer l’acquisition de la langue chez les enfants issus de minorités linguistiques. La Roumanie a élargi les possibilités éducatives pour les enfants ukrainiens en créant des centres éducatifs au sein des écoles et des structures d’accueil, en les reconnaissant comme des environnements éducatifs valables et en mettant à disposition des ressources humaines spécialisées pour assurer un enseignement en langue ukrainienne dans plusieurs comtés. Au Japon, les collectivités locales ont été invitées par le gouvernement à promouvoir la scolarisation des enfants étrangers et à veiller à ce qu’ils ne perdent pas leur chance d’aller à l’école.
D’autres pays cherchent à étendre la portée des efforts d’intégration aux communautés éloignées. La plupart des immigrés s’installent le plus souvent dans les grands centres urbains. Il s’agit également des zones où les structures d’aide à l’intégration sont les mieux développées et les plus étendues. En revanche, les immigrés qui vivent en dehors de ces centres ont souvent un accès plus limité aux services d’intégration en raison de leur situation géographique. Pour remédier à cette disparité, plusieurs pays ont lancé des initiatives visant à étendre les services d’intégration aux régions situées en dehors des grands centres urbains, ce qui permet d’atteindre efficacement les différents groupes d’immigrés. Les États‑Unis, par exemple, cherchent à mieux atteindre les communautés éloignées et mal desservies, en soulignant l’importance de la collaboration entre les autorités locales, régionales et nationales dans le cadre de ces efforts. En Corée, les collectivités locales sont encouragées à faire appel à des services de conseil pour améliorer les efforts d’intégration des immigrés, en bénéficiant d’évaluations de leurs politiques et de conseils sur les objectifs futurs. Le programme KIIP (Korea Immigration & Integration Program) aide les étrangers à acquérir une maîtrise élémentaire de la langue et de la culture coréennes. Afin d’offrir un meilleur accès, les cours du programme KIIP sont maintenant aussi dispensés dans des lieux de travail éloignés, comme dans le secteur de la construction navale, au lieu de se limiter à des centres spécifiques.
Encadré 3.1. Plusieurs pays de l’OCDE revoient leurs stratégies d’intégration
Copier le lien de Encadré 3.1. Plusieurs pays de l’OCDE revoient leurs stratégies d’intégrationCes dernières années, plusieurs pays de l’OCDE ont revu leurs stratégies d’intégration, pour tenir compte à la fois de l’évolution des tendances migratoires et des nouveaux défis à relever. L’Allemagne, par exemple, a réorienté ses politiques d’intégration afin d’élargir l’accès aux mesures d’intégration. Depuis le début de 2023, tous les demandeurs d’asile, quelle que soit leur origine ou leur situation professionnelle, peuvent désormais participer à des cours d’intégration. Par ailleurs, le nouveau droit de séjour inclut la possibilité de suivre ces cours. Le 1er mai 2023, le gouvernement fédéral a introduit la « règle des bas revenus », accordant des exonérations de frais aux personnes bénéficiant d’allocations de chômage ou d’aide sociale en vertu du Quatrième règlement modifiant le Règlement sur les cours d’intégration.
La Finlande a remanié le tronc commun de son programme de formation à l’intégration, en privilégiant la sensibilisation à la langue, l’inclusion et l’orientation professionnelle personnalisée. La nouvelle Loi sur l’intégration des immigrés, qui entre en vigueur en 2025, vise à améliorer l’efficacité de l’intégration et à étendre les services à une plus large population d’immigrés, notamment les parents au foyer. Cette législation renforce aussi le rôle que doivent jouer les autorités locales dans la promotion de l’intégration. En avril 2024, le gouvernement a soumis au parlement une proposition supplémentaire visant à modifier la réforme, qui insisterait davantage sur les obligations des migrants dans le cadre du processus.
À l’inverse, l’Italie a réduit ses mesures d’intégration pour certains groupes. À la suite du naufrage survenu à Crotone le 26 février 2023, le gouvernement a promulgué le décret-loi n° 20 de 2023, dit « décret Cutro ». Ce décret, converti en loi n° 50 le 5 mai 2023, porte essentiellement sur le contrôle de l’entrée des travailleurs et la réduction des arrivées irrégulières. En outre, elle modifie les procédures d’accueil et les services proposés aux demandeurs d’asile, notamment en supprimant l’assistance juridique, le soutien psychologique et l’enseignement de l’italien dans les centres de premier accueil.
D’autres pays, comme l’Islande, la Lituanie et la Slovénie, cherchent à étendre leurs efforts d’intégration à une plus grande échelle. En Islande, en mai 2024, un livre blanc sur les questions relatives aux immigrés a été publié. Il comprend un projet de politique proposé sur une période de 15 ans. Il expose la vision de l’avenir du gouvernement, ainsi que des objectifs et des cibles concrètes. Les domaines couverts sont les suivants : participation, égalité et diversité, y compris des objectifs sur la participation civique et la pauvreté ; information, accès et services, y compris des objectifs sur la diffusion d’informations et le soutien aux jeunes dont les parents sont immigrés ; communication et langue, y compris des objectifs sur la quantité et la qualité des services dédiés à l’Islandais.
En Slovénie, la Loi modifiant la Loi sur les étrangers exige que le gouvernement adopte une stratégie globale d’intégration des étrangers dans la vie culturelle, économique et sociale du pays. De son côté, la Lituanie élabore une approche stratégique de l’intégration dans le cadre du programme de développement pour la période 2021‑30. Approuvé le 20 septembre 2022, ce programme présente des activités d’analyse, de réglementation, d’investissement et de communication visant à répondre aux nouveaux défis en matière d’intégration.
Des changements significatifs sont aussi en cours en Pologne. Une feuille de route pour une nouvelle politique d’immigration est en cours d’élaboration et devrait accorder beaucoup plus d’importance à l’inclusion des nouveaux arrivants, ce qui souligne la nécessité de renforcer les mesures d’intégration pour soutenir la population immigrée croissante.
Les pays améliorent la transformation numérique des services d’intégration
Les pays s’appuient également sur la technologie et le numérique pour améliorer l’accessibilité et l’expérience utilisateur des immigrés, et lever les obstacles à la participation et à l’intégration. Fin 2023, l’Estonie a lancé le service « Settling in Estonia » dédié aux démarches du quotidien, un programme numérique complet pour faciliter l’adaptation des nouveaux arrivants et accessible sur la plateforme consacrée aux services de l’État (eesti.ee). Ce service consiste en une plateforme centralisée permettant d’accéder aux informations et à une assistance pour la déclaration de la résidence, l’apprentissage de la langue, l’intégration culturelle, l’éducation, les soins de santé, la conduite automobile et les prestations sociales. Grâce à ce parcours numérique, les nouveaux immigrés peuvent gérer efficacement leur intégration dans la société estonienne, ce qui leur assure une transition plus fluide et une intégration réussie dans leur nouvelle communauté.
L’Allemagne a créé le portail « Anerkennung in Deutschland » pour la reconnaissance des qualifications des professionnels étrangers. Cette plateforme comprend le moteur de recherche « Anerkennungs-Finder », disponible en 11 langues, qui offre une ressource centralisée pour les procédures de reconnaissance et les coordonnées des centres compétents. L’objectif est de dématérialiser entièrement les procédures correspondantes, et le gouvernement a récemment commencé à financer le passage au numérique des procédures de demande par l’intermédiaire de la plateforme, qui est actuellement testée dans six États fédéraux pour l’exercice de la médecine.
Les efforts en faveur de la transformation numérique portent aussi sur la naturalisation. Le Canada poursuit la modernisation de ses dispositions en matière de nationalité, avec la création de services numériques, comme les demandes en ligne en 2020 et les certificats de nationalité électroniques en 2022. En juin 2023, des modifications supplémentaires ont été apportées pour améliorer l’efficacité du traitement, le service apporté au public et l’intégrité du programme grâce à l’administration électronique, à l’automatisation et à la collecte d’informations biométriques. En Irlande, depuis le 16 octobre 2023, il est possible de demander un certificat de naturalisation en ligne, conformément à l’objectif plus large de modernisation du système d’immigration et d’intégration irlandais.
L’intégration sociale prend de l’importance
La diversité croissante des groupes de migrants a suscité des inquiétudes dans l’ensemble des pays de l’OCDE quant aux différences potentielles de comportements et de valeurs entre les communautés nées à l’étranger et celles nées dans le pays, qui pourraient avoir un impact sur la cohésion sociale dans les pays d’accueil. Des politiques et des mesures ont donc été élaborées pour améliorer l’intégration sociale des nouveaux arrivants. L’intégration sociale recouvre généralement des aspects non économiques tels que l’identité et le sentiment d’appartenance, la discrimination, les comportements et les valeurs, ainsi que la participation civique.
Ces dernières années, les pays de l’OCDE ont activement renforcé leurs activités d’intégration civique. La Belgique a revu la politique flamande d’intégration civique afin de promouvoir l’autonomie économique, la participation sociale active, l’acquisition du néerlandais et la connaissance des valeurs flamandes. Les principaux changements incluent une activité de 40 heures pour créer du lien social, une inscription obligatoire auprès des services publics de l’emploi, un test d’orientation sociale normalisé et un niveau plus élevé exigé en néerlandais. À partir de septembre 2023, le programme obligatoire n’est plus gratuit, des frais étant applicables pour les cours de néerlandais, les examens et les cours d’orientation sociale.
En Grèce, la Stratégie nationale pour l’intégration sociale des demandeurs et des bénéficiaires d’une protection internationale a instauré un processus de préintégration. Ce processus comprend l’apprentissage du grec et la familiarisation avec le mode de vie européen, les principes de la démocratie, l’égalité des sexes, du sport et des programmes spéciaux sur le handicap, la prévention de la violence domestique et la lutte contre la traite des êtres humains. Cette stratégie a donné lieu à plusieurs initiatives. Citons par exemple le projet pilote « Multaka : visites interculturelles à Athènes », qui s’est déroulé de juin 2022 à juin 2023. Ce projet a permis aux migrants, aux réfugiés et aux personnes nées dans le pays et ayant des ascendants immigrés de se familiariser avec la civilisation et l’histoire grecques.
La Finlande a également transféré l’obligation d’intégration civique aux autorités locales, qui devront dispenser des services d’orientation civique multilingues à partir de 2025. L’objectif est que les immigrés disposent d’informations essentielles sur la société finlandaise, la vie et le travail en Finlande, ainsi que sur leurs droits et obligations, dans leur langue maternelle ou dans une langue bien comprise.
Les activités d’intégration civique sont parfois liées à des initiatives plus larges de naturalisation. Aux États-Unis, le gouvernement fédéral a continué d’octroyer des subventions en faveur de la nationalité et de l’intégration, pour un montant total de plus de 22 millions USD, à 65 organisations dans 29 États en 2023. Ces subventions soutiennent des initiatives visant à promouvoir l’intégration civique en améliorant la connaissance de l’anglais, de l’histoire des États-Unis et de l’éducation civique, et en préparant les immigrés à la naturalisation. Outre les programmes traditionnels finançant la formation à la nationalité et l’apprentissage de l’anglais, les subventions les plus récentes portent sur des approches créatives et novatrices de l’intégration civique. Ces initiatives comprennent une clinique mobile dédiée à la nationalité qui dispense des services directement aux communautés espagnoles et créoles haïtiennes à faibles revenus en Floride, ainsi qu’un programme complet de sensibilisation et de nationalité pour les immigrés âgés dans le Maine. En outre, de nouveaux centres d’assistance éphémères ont été créés dans différents endroits du pays afin de veiller à ce que les nouveaux arrivants tissent des liens à l’échelon local. L’implication du secteur privé dans ces activités est considérée comme indispensable pour promouvoir ces liens à l’échelle locale.
Favoriser des liens locaux et sociaux plus étroits, ainsi que des interactions entre les groupes, est également apparu comme une priorité dans d’autres pays. Au Luxembourg, depuis 2023, le « vivre‑ensemble interculturel » a remplacé le concept d’intégration dans le contexte national. Ces dernières années, la Belgique a également mis en œuvre différentes activités visant à impliquer les communautés locales. Dans le cadre de sa politique d’intégration, le gouvernement flamand a lancé le plan « Vivre ensemble » en 2022, qui vise à aider les autorités locales à promouvoir une coexistence civile dans la diversité. En s’appuyant sur des programmes belges antérieurs, une nouvelle initiative intitulée « Duo vers l’inclusion » a été mise en place dans la Région wallonne. Ce programme fait appel au parrainage, qui consiste à établir sur une base volontaire une relation individuelle avec une personne étrangère afin de favoriser les échanges interculturels.
Les programmes « Connexions communautaires » du Canada continuent de soutenir les approches locales qui facilitent l’installation et l’intégration en luttant contre les obstacles et en créant des communautés accueillantes et inclusives grâce à des activités telles que les cercles de discussion et les activités d’apprentissage pour les jeunes.
Malgré les difficultés à définir précisément l’intégration sociale, un nombre croissant de pays de l’OCDE, parmi lesquels l’Allemagne, l’Australie, l’Autriche, le Danemark, la France, la Norvège et la Suisse, ont lancé des enquêtes spécifiques pour mesurer les résultats de l’intégration sociale et améliorent activement la collecte de données dans ce domaine (OCDE, 2024[5]). Ces efforts visent à mieux comprendre les facteurs qui facilitent ou entravent les progrès dans ce domaine, à la fois dans le temps et d’une génération à l’autre.
La lutte contre la discrimination et le racisme reste une priorité de l’action politique face à des inquiétudes grandissantes concernant l’antisémitisme et l’islamophobie
L’accent mis sur l’intégration sociale souligne l’importance de considérer l’intégration comme un processus à double sens, qui suppose également l’acceptation et un traitement équitable de la part de la communauté d’accueil. Cependant, de nombreux immigrés se heurtent à des préjugés et à des discriminations qui peuvent créer des obstacles importants à leur intégration. C’est pourquoi les pays de l’OCDE ont pris des mesures actives pour lutter contre la discrimination et le racisme, dans le but de favoriser des sociétés inclusives où chacun peut s’épanouir.
En Australie, le gouvernement a lancé en juin 2023 l’étude Multicultural Framework Review, qui s’est achevée au printemps 2024. Cette étude avait pour but d’explorer les possibilités de collaboration entre les pouvoirs publics et les communautés locales pour soutenir la cohésion d’une société multiculturelle et promouvoir un avenir prospère pour tous les Australiens. Elle formule des recommandations de réformes et d’actions possibles.
En novembre 2023, le gouvernement norvégien a lancé un nouveau plan d’action de lutte contre le racisme et la discrimination pour 2024‑27. Ce plan se concentre sur la lutte contre le racisme et la discrimination sur le marché du travail et dans les domaines qui touchent particulièrement les jeunes, comme l’éducation. Les mesures clés comprennent la sensibilisation des employeurs, l’amélioration de la gestion de la diversité, le renforcement des droits au travail et la création d’environnements scolaires plus sûrs. Le rôle des conseillers en matière de diversité dans les établissements scolaires sera élargi, et les communes bénéficieront d’un soutien sous la forme de financements, de formations en ligne et de réunions régionales pour partager leurs expériences. Par ailleurs, le dispositif d’application de la loi sera passé en revue afin de garantir des réponses efficaces au racisme et à la discrimination.
Dans les pays de l’Union européenne, les dernières évolutions sont nées de la dynamique créée par la publication du plan d’action de l’UE contre le racisme 2020‑25 par la Commission européenne en septembre 2020. Ce plan préconise une approche intersectionnelle des politiques de lutte contre le racisme et la discrimination, et souligne l’importance du suivi. Au cours des années suivantes, de nombreux États membres de l’UE, dont l’Allemagne, la Belgique, l’Espagne, la Finlande, la France, l’Irlande, la Pologne et la Suède, ont lancé des plans d’action nationaux contre le racisme (PANAR).
Plusieurs pays mettent activement en œuvre de nouvelles initiatives visant à combattre le racisme et promouvoir l’égalité. En 2023, le gouvernement irlandais a alloué des fonds à 24 ONG et organisations locales pour des projets visant à lutter contre le racisme et à promouvoir l’égalité raciale et la cohésion à l’échelon local. L’Allemagne a également pris plusieurs initiatives. En 2023, le « respekt*land – Antidiskriminierungsberatung für ganz Deutschland » (centre de conseil anti-discrimination pour tous en Allemagne) a été lancé par l’Agence fédérale de lutte contre les discriminations. Doté d’un budget de 5 millions d’euros, ce programme vise à étendre le réseau de centres de conseil de la société civile et à renforcer l’aide fournie en cas de discrimination. Dans le cadre du projet « Réseau autodéterminé, mémoire et éducation », le Commissaire fédéral à la lutte contre le racisme soutient également des initiatives visant à lutter contre les attaques racistes et d’extrême droite. L’objectif est de promouvoir des conseils professionnels et accessibles en matière de lutte contre le racisme par l’intermédiaire des organisations de migrants afin de mieux soutenir les personnes concernées et d’améliorer la documentation et le suivi des incidents racistes.
En Espagne, des efforts sont en cours pour améliorer la coordination de la lutte contre la discrimination et le racisme. Ils comprennent notamment le projet européen CISDO (novembre 2022‑24) coordonné par OBERAXE (l’Observatoire espagnol du racisme et de la xénophobie). Ce projet implique des parties prenantes telles que le Bureau national de lutte contre les crimes de haine, les forces de l’ordre, des établissements d’enseignement, les autorités locales et des sociétés de conseil. Il vise à améliorer la formation des forces de police, à promouvoir la coopération entre les autorités répressives et la société civile, à mieux soutenir les victimes et à produire des preuves scientifiques de l’efficacité des réseaux d’apprentissage dans la lutte contre les incidents de nature discriminatoire.
En dépit de ces nouveaux plans d’action et initiatives, la discrimination et le racisme continuent de poser des problèmes urgents. À la suite des attaques terroristes du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023, l’antisémitisme et l’islamophobie ont considérablement augmenté dans de nombreux pays de l’OCDE. Pour les seuls États-Unis, l’Anti-Defamation League (ADL) a enregistré 3 291 incidents antisémites au cours des trois mois qui ont suivi le 7 octobre, soit une augmentation de 360 % par rapport à la même période de l’année précédente (ADL, 2024[6]). De même, le Conseil des relations américano‑islamiques (CAIR) a fait état de 3 578 plaintes pour discrimination et haine antimusulmane et anti-palestinienne au cours de la même période, ce qui représente une augmentation de 180 % par rapport à l’année précédente (CAIR, 2024[7]). En réponse aux tensions croissantes, plusieurs pays de l’OCDE ont adopté des mesures supplémentaires contre l’antisémitisme. L’Autriche a étendu les cours obligatoires d’orientation et de sensibilisation aux valeurs pour les nouveaux arrivants en les faisant passer de un à trois jours, y compris un nouveau module sur l’antisémitisme. En Allemagne, l’initiative « respekt*land » a été complétée par un projet visant à renforcer et étendre les conseils sur les incidents de nature antisémite dans l’ensemble du pays. En juillet 2024, l’Australie a nommé un envoyé spécial pour lutter contre l’antisémitisme et a annoncé son intention de nommer également un envoyé pour lutter contre l’islamophobie, dans le but de préserver la cohésion sociale dans un contexte de tensions croissantes.
Les lois sur la nationalité continuent d’être mises à jour et affinées
Le regain d’intérêt pour les lois sur la nationalité persiste, et marque une tendance continue au cours des dernières années. Les pays ont adopté des politiques différentes, reflétant des priorités et des réponses variables aux évolutions mondiales des flux migratoires.
L’Allemagne a facilité l’accès à sa nationalité. Le 26 mars 2024, l’Allemagne a finalisé le processus législatif d’une nouvelle loi sur la nationalité, qui est entrée en vigueur le 27 juin 2024. Ce texte réduit la période de résidence requise pour prétendre à la naturalisation de huit à cinq ans, voire à trois ans dans certains cas exceptionnels. Il permet également aux citoyens allemands de détenir plusieurs nationalités, une évolution notable par rapport aux restrictions antérieures. En outre, les enfants nés de ressortissants étrangers en Allemagne recevront la nationalité à la naissance si au moins l’un des parents a résidé en Allemagne pendant cinq ans et détient un titre de séjour permanent, contre huit ans auparavant. Ces réformes visent à augmenter le nombre de citoyens allemands et à faire de l’Allemagne pays plus attractif pour les talents étrangers.
D’autres pays ont instauré des modifications visant des groupes spécifiques. L’Australie a mis en place une voie de naturalisation accélérée pour les citoyens néo-zélandais. Depuis le 1er juillet 2023, les citoyens néo-zélandais vivant en Australie depuis au moins quatre ans peuvent directement demander la nationalité australienne, sans devoir d’abord obtenir un visa permanent. Parallèlement, la Corée a mis en place une procédure accélérée en 2023 pour accorder la résidence permanente ou la nationalité aux talents étrangers remarquables. Cette politique s’applique aux personnes nées à l’étranger et titulaires d’un master ou d’un doctorat délivré par des établissements coréens spécialisés dans les sciences et l’ingénierie. La procédure, auparavant longue, a été simplifiée en trois étapes, ce qui permet aux personnes éligibles d’obtenir la résidence permanente ou la nationalité en seulement trois ans.
Dans certains cas, ces évolutions concernent spécifiquement les mineurs. En Belgique, le Code de la nationalité a été modifié afin de simplifier la procédure pour les enfants apatrides. La reconnaissance légale de la qualité d’apatride n’est plus nécessaire pour accorder la nationalité belge à un enfant né en Belgique sans nationalité. L’Irlande a également procédé à des réformes législatives en matière de naturalisation des mineurs. En 2023, l’obligation de résidence pour les enfants nés en Irlande de parents non irlandais a été ramenée de cinq à trois ans. Des ajustements ont également été apportés au processus d’évaluation des demandes de naturalisation au nom des mineurs. Auparavant, la durée de résidence et la bonne moralité des parents étaient prises en compte. Désormais, seules la résidence et la moralité de l’enfant sont évaluées.
Inversement, certains pays ont durci les mesures. La France a mis en place plusieurs restrictions dans le cadre de sa nouvelle loi sur l’immigration, entrée en vigueur le 27 janvier 2024. Il s’agit notamment de limiter le droit du sol. Les enfants nés en France de parents étrangers doivent désormais demander la nationalité entre 16 et 18 ans, au lieu de la recevoir automatiquement à leur majorité. Le niveau de compétence requis en français pour l’obtention de la nationalité a en outre été relevé de B1 à B2.
La Finlande et la Suède envisagent également de renforcer leurs lois sur la nationalité. En Finlande, les amendements proposés à la loi sur la nationalité, présentés en avril 2024, porteraient de cinq à huit ans la période de résidence requise pour l’obtention de la nationalité finlandaise. Seul le temps passé en Finlande dans le cadre d’un permis de séjour serait pris en compte dans le calcul de la période de résidence, en excluant le temps nécessaire au traitement d’une demande d’asile.
Le 29 mai 2024, le parlement suédois a adopté des amendements à la loi sur la nationalité, qui durcissent les conditions d’obtention de la nationalité par notification, essentiellement pour les enfants. Ces amendements devraient entrer en vigueur à l’automne 2024. Par ailleurs, d’autres évolutions sont prévues au cours des prochaines années, notamment de nouvelles obligations de connaissance de la langue suédoise. Une enquête lancée en septembre 2023 étudiera la possibilité de prolonger la période de résidence, d’imposer des critères plus stricts en matière d’autosuffisance et de mode de vie honnête, d’exiger des connaissances plus poussées de la société et de la culture suédoises, et de rendre obligatoire une déclaration de loyauté.
Les pays de l’OCDE s’efforcent de trouver un équilibre entre une entrée rapide sur le marché du travail et une intégration durable et adaptée aux compétences
Copier le lien de Les pays de l’OCDE s’efforcent de trouver un équilibre entre une entrée rapide sur le marché du travail et une intégration durable et adaptée aux compétencesL’amélioration des taux d’emploi des personnes nées à l’étranger est une priorité
Ces dix dernières années, les pays de l’OCDE ont connu une augmentation des entrées de différents types de migrants, avec des parcours et des résultats d’intégration socioéconomique différents. Les pays de l’OCDE accueillent un nombre croissant de migrants de travail, qui arrivent avec des offres d’emploi ou parviennent à en obtenir rapidement. Les autres groupes de migrants sont toutefois souvent confrontés à des résultats moins favorables, les personnes nées à l’étranger affichant généralement des taux d’emploi plus faibles. Dans l’ensemble de l’UE par exemple, 65 % des immigrés occupent un emploi, contre 69 % des personnes nées dans le pays (OCDE/Commission européenne, 2023[8]). Les écarts sont plus marqués pour les migrants humanitaires, qui sont souvent confrontés à une entrée tardive sur le marché du travail et ont tendance à y obtenir de moins bons résultats.
Les préoccupations des pays face aux différences de résultats des immigrés sur le marché du travail se sont encore accrues avec l’afflux de personnes déplacées en provenance d’Ukraine. Si, dans l’ensemble, ces nouveaux arrivants se sont intégrés au marché du travail plus rapidement que d’autres groupes de réfugiés par le passé, leurs résultats varient considérablement d’un pays à l’autre. Le taux d’emploi des personnes déplacées d’Ukraine atteint 50 à 60 % dans certains pays, tandis que dans d’autres, il se situe aux alentours de 20 % (REM/OCDE, 2024[9]). Ces chiffres cachent également d’importantes inadéquations des qualifications.
Point positif, les résultats globaux des immigrés en matière d’emploi se sont améliorés depuis dix ans (OCDE/Commission européenne, 2023[8]). Bien que cette amélioration soit attribuable en partie aux conditions du marché du travail et à l’amélioration du niveau d’instruction des nouveaux arrivants, le renforcement des politiques d’intégration et des mesures de soutien joue également un rôle. Ces résultats encouragent de nombreux pays de l’OCDE à investir du temps et des ressources dans des activités d’insertion professionnelle afin d’améliorer les taux d’emploi de tous les immigrés.
La France a fait de l’insertion professionnelle l’une de ses grandes priorités dans le domaine de l’immigration et de l’intégration. L’objectif principal est d’aider les ressortissants étrangers à devenir économiquement indépendants et autonomes, à interagir davantage avec la société et à pourvoir les postes vacants dans les secteurs en manque de main-d’œuvre grâce à l’amélioration de la formation linguistique et de l’aide à l’emploi. Dans ce domaine, il s’agit principalement d’encourager le recours aux services publics de l’emploi pour la recherche d’emploi, de promouvoir l’acquisition d’une nouvelle expérience professionnelle, de préparer les migrants à l’emploi, de veiller à l’apprentissage du français à des fins professionnelles et de proposer du mentorat. Des actions spécifiques ciblent les femmes immigrées en France, qui rencontrent davantage de difficultés, notamment un taux de chômage de 30 % et un taux d’activité plus faible.
En Australie, 17.8 millions AUD ont été alloués en 2023 au programme Economic Pathways to Refugee Integration (EPRI). Ce programme vise à augmenter les taux d’emploi des réfugiés et des migrants humanitaires les moins qualifiés et ayant un niveau d’anglais limité. Les services proposés dans le cadre du programme EPRI comprennent une expérience professionnelle et une formation sur le lieu de travail, une formation complémentaire en anglais et dans d’autres compétences, des qualifications, de la gestion de cas, du mentorat et des conseils aux entreprises, ainsi qu’un placement direct dans un emploi stable.
Certains pays adoptent des mesures sectorielles pour résoudre à la fois les problèmes d’intégration sur le marché du travail et les pénuries de main-d’œuvre. La Slovénie a adopté le 7 avril 2023 des amendements à la loi sur l’emploi, le travail indépendant et le travail des étrangers, qui simplifient notamment l’emploi dans le secteur médico-social, en particulier pour les employeurs établis par l’État, y compris les centres de soins de santé, les établissements d’accueil de personnes âgées, les centres de soins professionnels et les établissements publics de services sociaux. Dans la même veine, la Tchéquie a mis en place des mesures spécifiques au secteur de la santé, en particulier pour les travailleurs ukrainiens confrontés à une barrière linguistique qui les empêche de pouvoir réussir les examens de reconnaissance des qualifications. Il s’agit notamment de mettre en place un permis d’exercice professionnel temporaire, permettant à ces travailleurs d’acquérir une expérience professionnelle ou pratique pendant 12 mois sous supervision directe. Ce système de stage leur permet d’améliorer leurs compétences linguistiques, de comprendre le système de santé tchèque et de se préparer à l’examen. Au Japon, l’accent est mis sur la promotion de l’emploi des travailleurs étrangers dans les domaines professionnels et techniques par l’intermédiaire des centres de services de l’emploi pour les étrangers situés à Tokyo, Aichi, Osaka et Fukuoka. Ces centres offrent des services de consultation, de placement et d’aide à la gestion de l’emploi.
Les politiques et les mesures sont de plus en plus conçues pour promouvoir une insertion professionnelle adaptée aux compétences
Si l’amélioration des taux d’activité et d’emploi est jugée cruciale, un nombre croissant de pays de l’OCDE adoptent des politiques d’intégration pour s’assurer que l’emploi des nouveaux arrivants correspond à leur niveau de compétences. Ces mesures visent à remédier aux décalages entre l’offre et la demande de compétences et à améliorer le développement du capital humain des migrants, d’une manière qui soit bénéfique aux sociétés d’accueil et aux marchés du travail à l’échelon local. Cependant, les approches pour atteindre ces objectifs varient d’un pays à l’autre et se concentrent sur des domaines différents.
La reconnaissance efficace des compétences et des qualifications est un élément clé pour une insertion professionnelle réussie. Dans la pratique, cependant, au cours des 15 dernières années, le nombre de personnes demandant la reconnaissance de diplômes acquis à l’étranger n’a pas évolué de manière significative en moyenne dans les pays européens. Les personnes dont les qualifications sont reconnues ont pourtant trois fois plus de chances de trouver un emploi correspondant à leurs compétences que celles qui ne sont pas en mesure de franchir les étapes d’une procédure de reconnaissance complexe, coûteuse ou obscure (OCDE, à paraître[10]). Les responsables publics prennent de plus en plus conscience que l’amélioration de ces systèmes pourrait aider de nombreuses personnes à trouver un emploi approprié.
En 2023, la Convention mondiale sur la reconnaissance des qualifications relatives à l’enseignement supérieur est entrée en vigueur, en appui à l’Objectif de développement durable 4 (ODD 4) des Nations Unies. Outre l’amélioration de la qualité de l’enseignement supérieur et l’accroissement de la mobilité des étudiants, elle vise aussi à améliorer la reconnaissance des titres universitaires à l’échelle mondiale et à normaliser les procédures de reconnaissance. Les pays de l’OCDE signataires de cette convention sont l’Australie, l’Estonie, la Finlande, la France, la Hongrie, l’Islande, le Japon, la Lituanie, la Norvège, la République slovaque, le Royaume‑Uni et la Suède.
Comme il s’agit d’un problème de longue date, les pays de l’OCDE ont mis en place une série de mesures et de politiques visant à faciliter la reconnaissance des compétences et des qualifications pour les nouveaux arrivants. Au Québec (Canada), le programme de Prêts pour la reconnaissance des titres de compétences étrangers (PRTCE) apporte une aide financière aux organisations permettant l’octroi de prêts à de faibles taux d’intérêt aux personnes formées à l’étranger. Ces prêts permettent de surmonter les obstacles financiers à la reconnaissance des diplômes et des qualifications professionnelles au Québec, en aidant les personnes à faire reconnaître leurs compétences. Au Danemark, les employeurs peuvent demander une « évaluation turbo » des diplômes étrangers à l’Agence danoise pour l’enseignement supérieur et la science dans le cadre de processus de recrutement spécifiques. Ce service gratuit, généralement réalisé dans un délai de cinq jours ouvrables, évalue les diplômes et les qualifications officiels, mais ne prend pas en compte l’expérience professionnelle ni les formations de courte durée. Il est particulièrement utile pour les candidats présélectionnés et la fixation des salaires, mais ne s’applique pas aux professions réglementées, pour lesquelles l’Agence oriente les candidats vers l’autorité compétente.
De nouvelles mesures sont également mises en place. En Allemagne, le Centre de services pour la reconnaissance professionnelle (ZSBA) a été créé en vertu de la loi sur l’immigration qualifiée, et vise les travailleurs qualifiés qui sont encore à l’étranger, afin d’entamer les procédures de reconnaissance avant leur arrivée. En plus de faciliter la transition vers le marché du travail pour les migrants potentiels souhaitant s’installer en Allemagne, le ZSBA réduit la pression sur les autorités compétentes en offrant des conseils avant et pendant la procédure de reconnaissance et a rendu les processus plus transparents. Il s’agit d’un service temporaire, mais le gouvernement fédéral envisage de le rendre permanent d’ici 2026. Un autre programme pilote a également été lancé en Allemagne, qui s’est poursuivi jusqu’à la mi‑2024, qui propose une « subvention de reconnaissance » pouvant aller jusqu’à 600 euros (ou jusqu’à 3 000 euros pour les mesures d’adaptation) pour les travailleurs à faibles revenus.
La maîtrise de la langue du pays d’accueil est essentielle pour valoriser les compétences des nouveaux arrivants et leur permettre d’accéder à des emplois qualifiés. Favoriser l’acquisition de la langue pour améliorer l’insertion professionnelle est un enjeu commun à l’ensemble des pays de l’OCDE. En Australie, le ministère de l’Intérieur a approuvé 18 projets innovants émanant de huit prestataires de services du programme AMEP (Adult Migrant English Program) en 2022 afin de mieux orienter les clients et améliorer la flexibilité de l’enseignement de l’anglais au niveau local et sur le lieu de travail. Ces projets soutiennent les voies d’accès à l’emploi dans des secteurs tels que l’hôtellerie, la beauté, l’horticulture, l’assistance domestique, le service public et les entreprises sociales, avec un soutien spécifique pour les femmes afghanes, les jeunes, les survivants de traumatismes et les personnes en rupture sociale. De son côté, la Suède a augmenté le financement de la formation linguistique des salariés du secteur des soins aux personnes âgées, à la suite de la pandémie de COVID‑19 qui a mis en évidence la nécessité de renforcer le niveau en suédois des personnels de ce secteur. En Lituanie, tous les ressortissants de pays tiers peuvent désormais demander au service de l’emploi d’apprendre la langue nationale si leur permis de séjour en Lituanie est valable au moins un an.
Plusieurs pays de l’OCDE renforcent les possibilités de formation, de perfectionnement des compétences et de reconversion pour les nouveaux arrivants et les communautés d’origine étrangère, en accordant une attention particulière à l’amélioration de la formation en milieu professionnel et de la formation professionnelle. En Suisse, l’objectif du programme PAI (Préapprentissage d’intégration) est de préparer les migrants à un apprentissage certifié au niveau national sur une période d’un an, afin d’accélérer et de soutenir leur intégration socioéconomique. Lancé en 2018, le programme est continuellement amélioré. Depuis 2024, les adolescents et les jeunes adultes qui arrivent en Suisse et qui ont besoin d’une formation sont systématiquement identifiés, informés et mis en relation avec des services d’orientation professionnelle peu après leur arrivée par les services de la population ou les autorités migratoires. Après évaluation, ceux éligibles au PAI peuvent participer au programme et se préparer à un apprentissage.
En Allemagne, le ministère fédéral de l’Éducation et de la Recherche gère le programme « Berufliche Orientierung für Personen mit Flucht- und Migrationserfahrung » (BOFplus, orientation professionnelle pour les personnes ayant une expérience de réfugié ou de migrant). En s’appuyant sur l’expérience d’un programme antérieur, cette initiative, lancée en 2024, prépare les immigrés qui ont dépassé l’âge de la scolarité obligatoire et qui ont besoin d’un soutien particulier et de connaître la langue pour suivre une formation professionnelle, en proposant des cours d’une durée maximale de 26 semaines. Les participants bénéficient d’une formation linguistique et technique spécifique, ainsi que d’un accompagnement individuel social et professionnel. Les participants intéressés peuvent bénéficier d’une phase d’orientation préliminaire au centre de formation professionnelle avant de s’engager dans le programme.
Depuis 2023, le gouvernement danois s’est associé aux confédérations des employeurs danois, à la confédération des syndicats danois et aux associations nationales des gouvernements locaux pour élargir le « Programme efficace pour l’emploi et la formation ». Ce nouvel accord s’adresse à tous les réfugiés et migrants de la catégorie du regroupement familial âgés de 18 à 50 ans qui vivent au Danemark depuis 20 ans au maximum et qui rencontrent des difficultés pour entrer sur le marché du travail.
Une partie des initiatives de formation et de reconversion s’adressent à des groupes spécifiques d’arrivants, comme les Ukrainiens déplacés (OCDE, 2024[11]). En octobre 2023, l’UNITAR a lancé le projet « Bolstering Livelihoods: Digital Reskilling for Ukrainian Women Evacuees in Poland », financé par le Japon. Ce programme hybride sur 6 mois a permis de former environ 500 femmes à des compétences numériques très demandées afin d’améliorer les perspectives d’emploi et les revenus potentiels. Il a également accompagné les participants dans la création de start-ups numériques socialement responsables et l’acquisition de compétences en matière de leadership et d’entrepreneuriat. En Tchéquie, l’UNICEF a lancé l’initiative CESTY, un partenariat conçu pour soutenir les jeunes Ukrainiens déplacés articulé autour de trois parcours de renforcement des compétences : (1) des stages et apprentissages rémunérés, (2) des emplois peu qualifiés donnant accès au développement professionnel et à l’acquisition de la langue, et (3) des bourses couvrant les besoins de base pour des études à temps plein. Le projet vise à faire connaître en 2024 ces opportunités à 1 500 jeunes déplacés ukrainiens grâce à une collaboration avec le secteur privé. L’UNICEF prévoit d’étendre cette initiative à d’autres pays d’accueil.
La crise du déplacement des Ukrainiens a entraîné de plus amples changements pour tous les nouveaux arrivants. Un exemple notable est l’initiative allemande Job-Turbo, lancée en octobre 2023 pour promouvoir l’insertion professionnelle des Ukrainiens déplacés. Ce programme envisage l’insertion professionnelle de tous les réfugiés comme un parcours en plusieurs étapes, dans lequel l’entrée sur le marché du travail est encouragée sans attendre l’acquisition d’une maîtrise suffisante de la langue. La phase 1 correspond à l’arrivée, l’orientation et l’acquisition des compétences linguistiques de base au moyen de cours d’intégration. Les personnes qui trouvent un emploi n’exigeant pas la connaissance de l’allemand peuvent immédiatement commencer à travailler. Au cours de la phase 2, la personne doit porter ses efforts sur l’entrée en formation et sur le marché du travail, car un chômage prolongé rend le retour à l’emploi plus difficile. Les centres d’aide à l’emploi et les agences de placement mettent en relation les diplômés des cours d’intégration avec les employeurs appropriés. Au cours de cette phase, les compétences et les qualifications du réfugié sont également enregistrées, et de nouvelles mesures sont mises en place dans le cadre d’accords d’intégration. Le respect de ces plans est obligatoire pour éviter les réductions de prestations sociales. La phase 3 est celle de l’acquisition et de la consolidation des compétences, pour promouvoir un emploi durable et le développement professionnel. Les entreprises sont encouragées à employer des réfugiés, même si leur niveau d’allemand est limité (inférieur à B2), et à les former pendant qu’ils travaillent, avec l’aide de l’État allemand. Différentes options de financement sont disponibles pour la reconnaissance des qualifications professionnelles étrangères, y compris des mesures compensatoires et une aide supplémentaire à la formation linguistique.
La Suisse étudie également les moyens d’améliorer l’insertion professionnelle des personnes déplacées d’Ukraine, avec l’objectif d’atteindre un taux d’emploi de 40 % d’ici à la fin de 2024. Pour soutenir ces efforts, le Département fédéral de justice et police (DFJP) a nommé un conseiller en insertion professionnelle chargé de renforcer les relations avec le secteur privé. En outre, le Conseil fédéral prévoit de simplifier la reconnaissance des qualifications, de promouvoir l’inscription auprès des offices régionaux de placement (ORP), y compris en étudiant la possibilité d’en faire une obligation légale, et d’améliorer les services qui y sont proposés. En collaboration avec l’industrie et les universités, une plateforme d’emploi adaptée aux besoins des réfugiés est également en cours de création.
Problèmes de logement rencontrés par les immigrés dans les pays de l’OCDE
Copier le lien de Problèmes de logement rencontrés par les immigrés dans les pays de l’OCDELes nouveaux arrivants sont particulièrement exposés aux problèmes d’accessibilité et de disponibilité des logements, d’où l’adoption de différentes mesures de soutien
L’accès à un logement abordable et accessible reste un enjeu mondial majeur. Les préoccupations liées au logement sont très répandues parmi les populations des pays de l’OCDE. En 2022, en moyenne dans l’OCDE, 49 % des personnes âgées de 30 à 54 ans et 38 % des personnes âgées de 55 à 64 ans ont exprimé un certain degré d’inquiétude quant à la possibilité de trouver et de conserver un logement adéquat. L’incidence est particulièrement forte sur les jeunes adultes âgés de 18 à 29 ans, puisque 60 % d’entre eux se disent préoccupés par le logement (OCDE, 2022[12]). La question du logement joue un rôle crucial au quotidien et a des répercussions sur la santé, le bien-être, l’éducation, les loisirs et les opportunités professionnelles. Elle représente en outre une part importante du revenu des ménages dans les pays de l’OCDE. En 2022, les dépenses liées au logement constituaient le poste de dépenses des ménages le plus élevé dans l’ensemble de l’OCDE, avec une moyenne d’environ 22.5 % des dépenses de consommation finale des ménages dans les pays de l’OCDE (OCDE, 2022[12]). Ces dépenses augmentent également, souvent plus vite que les revenus. Entre 1995 et 2021, la part des dépenses liées au logement a augmenté en moyenne de 15 % dans l’OCDE, avec des écarts marqués d’un pays à l’autre. Par exemple, entre 1995 et 2022, la part des dépenses de logement dans les dépenses totales des ménages a bondi de plus de 80 % en Irlande et de plus de 50 % en Espagne (OCDE, 2022[12]).
Les raisons qui sous-tendent les difficultés actuelles en matière de logement au sein de l’OCDE sont multiples et découlent de problématiques interconnectées, notamment des problèmes structurels plus larges sur le marché du logement, les conséquences de la pandémie de COVID‑19, la guerre d’agression de la Russie contre l’Ukraine, l’inflation élevée, les pénuries de main-d’œuvre dans le secteur du bâtiment et la transition vers des économies à faible émission de carbone, qui ont toutes un impact direct ou indirect sur le secteur du logement (OCDE, 2023[13]). Le marché immobilier a connu une baisse de l’investissement résidentiel, en grande partie en raison de la hausse des taux d’intérêt au cours des deux dernières années. Entre le premier trimestre 2022 et le dernier trimestre 2023, l’investissement résidentiel a chuté de près de 6.5 % dans l’économie médiane de l’OCDE, des baisses encore plus importantes étant observées dans certaines économies du G7, notamment aux États-Unis (OCDE, 2024[14]).
Il est fréquent que les immigrés rencontrent des obstacles distincts en matière de logement, qui affectent leur intégration dans les communautés d’accueil. L’obtention d’un logement est vitale pour les migrants, car cette question est souvent déterminante pour l’obtention d’un emploi et l’accès à des services tels que l’éducation, les soins de santé et l’aide sociale. Or, les nouveaux arrivants sont souvent confrontés à de nombreuses difficultés supplémentaires pour trouver un logement : manque d’informations, obstacles bureaucratiques, documents non disponibles (comme des quittances de loyer ou des références), accès limité aux aides financières et aux aides au logement, discrimination, etc.
Par conséquent, 26 % des immigrés vivent dans des logements insalubres, contre 20 % des personnes nées dans le pays (OCDE/Commission européenne, 2023[8]). Plus d’un immigré sur six vit dans des conditions de promiscuité, aussi bien dans les pays de l’OCDE que dans l’UE, un taux supérieur de 70 % à celui des personnes nées dans l’UE. La surreprésentation des migrants parmi les personnes sans abri constitue également un problème dans plusieurs pays de l’OCDE (Encadré 3.2). Parallèlement, environ un immigré sur cinq dans l’UE déclare consacrer plus de 40 % de son revenu disponible au loyer, contre environ une personne sur huit née dans le pays. Les migrants sont en outre plus susceptibles de résider dans des logements surpeuplés et insalubres. Les immigrés ont également un taux d’accession à la propriété inférieur à celui de leurs homologues nés dans le pays. Dans l’UE, les immigrés sont environ deux fois moins susceptibles d’être propriétaires de leur logement que les résidents nés dans le pays. La disparité est plus prononcée dans l’Europe du Sud, en Amérique latine et en Corée.
Encadré 3.2. Selon les estimations, les immigrés sont surreprésentés parmi les personnes sans abri dans les pays de l’OCDE
Copier le lien de Encadré 3.2. Selon les estimations, les immigrés sont surreprésentés parmi les personnes sans abri dans les pays de l’OCDEActuellement, il n’existe pas de données complètes et comparables sur le nombre de migrants sans domicile dans les pays de l’OCDE, car moins de la moitié des pays de l’OCDE et de l’UE incluent les migrants dans leurs statistiques nationales sur les personnes sans domicile (Tableau 3.1). La plupart des pays de l’OCDE et de l’UE ne publient pas de statistiques sur les personnes sans domiciles ventilées selon le statut des migrants, et ceux qui le font identifient souvent les « migrants » au regard de leur nationalité plutôt que de leur pays de naissance.
Plusieurs difficultés méthodologiques contribuent à cette situation. En effet, il existe des différences entre les pays dans la manière dont les migrants sont définis dans les statistiques sur les personnes sans domicile, des problèmes méthodologiques généraux pour mesurer plus largement l’absence de domicile (notamment parce qu’il n’y a pas de définition harmonisée), et des questions spécifiques aux migrants qui peuvent conduire à leur exclusion des statistiques officielles. Par exemple, les méthodes de collecte de données reposant sur les points de service peuvent ne pas prendre en compte les migrants dont le statut ne permet pas d’accéder à ces services.
Lorsque des données sont disponibles, les estimations indiquent que les migrants ont tendance à être considérablement surreprésentés parmi les personnes sans domicile. Il n’est pas rare que les migrants soient au moins deux fois plus susceptibles de se trouver dans cette situation, en particulier en Colombie, en Espagne, en Finlande, en Italie et en Suède. Au Luxembourg, plus de 90 % des bénéficiaires du programme « Action Hiver » destiné aux sans-abri n’avaient pas la nationalité luxembourgeoise, et environ la moitié d’entre eux étaient des ressortissants d’un pays de l’UE. En Espagne, près de la moitié des personnes ayant recours aux services d’aide aux sans-abris ne sont pas des citoyens espagnols. En Autriche, aux Pays-Bas et en Suède, plus de 40 % des personnes sans domicile sont issues de l’immigration ou n’ont pas la nationalité du pays. En outre, il est probable que les statistiques officielles sur l’absence de domicile sous-estiment la part des migrants concernés, si bien que la surreprésentation réelle pourrait être encore plus élevée que celle indiquée dans le Tableau 3.1.
Tableau 3.1. Part des migrants chez les personnes sans domicile dans les pays de l’OCDE
Copier le lien de Tableau 3.1. Part des migrants chez les personnes sans domicile dans les pays de l’OCDE
Pays |
Part des migrants en pourcentage de la population totale des sans-abri |
Part estimée des migrants parmi la population sans-abri par rapport à leur part dans la population |
Année |
---|---|---|---|
Allemagne |
28 % des personnes sans-abri n’avaient pas la nationalité allemande. |
2 |
2022 |
Autriche |
Environ 43 % des personnes sans-abri ne possèdent pas la nationalité autrichienne. |
2.4 |
2020 |
Belgique |
À Gand, 54 % des sans-abri n’ont pas la nationalité belge. À Liège, près de 34 % des sans-abri n’ont pas la nationalité belge. |
3.4 (Gand), 1.7 (Liège) |
2021 |
Canada |
13 % des personnes sans-abri sont entrées au Canada en tant qu’immigrants, réfugiés ou demandeurs du statut de réfugié. |
0.6 |
2022 |
Colombie |
16 % des personnes sans-abri sont nées hors de Colombie. |
4.3 |
2021 |
Costa Rica |
Environ 21 % des personnes sans-abri ne possèdent pas la citoyenneté costaricaine. |
2.1 |
2019 |
Danemark |
22 % des sans-abri n’ont pas la nationalité danoise. Les données officielles incluent uniquement les migrants ayant une résidence permanente. Les données sur le sans-abrisme parmi les migrants sans résidence permanente sont collectées, mais ne sont pas déclarées. |
2.2 |
2022 |
Espagne |
50 % des personnes qui utilisent les centres d’aide à l’hébergement et les centres de restauration ne possèdent pas la nationalité espagnole. |
4.4 |
2022 |
Finlande |
24 % de la population sans-abri « vivant seule » ne possède pas la citoyenneté finlandaise ou n’a pas le finnois ou le suédois comme langue maternelle. Les données officielles incluent uniquement les migrants inscrits au registre de la population. |
4.4 |
2023 |
Irlande |
Parmi les sans-abri pour lesquels des informations sur la citoyenneté sont disponibles (le taux de non-réponse à cette question était de 53 %), 35 % ne possèdent pas la nationalité irlandaise. |
2.2 |
2022 |
Italie |
38 % des personnes sans-abri n’avaient pas la nationalité italienne. |
4.4 |
2021 |
Luxembourg |
Environ 91 % des bénéficiaires du Programme d’action hivernal pour les sans-abri n’avaient pas la nationalité luxembourgeoise. Parmi eux, 47 % des bénéficiaires étaient des citoyens d’un pays de l’UE et environ 44 % étaient des citoyens de pays tiers. |
1.9 |
2023 |
Norvège |
33 % des personnes sans-abri sont nées hors de Norvège. Parmi elles, 4 % sont nées dans un pays de l’UE. |
3 |
2020 |
Pays-Bas |
42 % des personnes sans-abri sont nées hors des Pays-Bas. Parmi elles, 34 % sont nées hors d’Europe et 8 % sont nées dans un autre pays européen. |
1.6 |
2023 |
Portugal |
(1) Parmi les personnes vivant dans la rue (ETHOS 1), moins de 10 % ne possèdent pas la nationalité portugaise dans la plupart des régions (sauf en Algarve et dans la zone métropolitaine de Lisbonne, où 17 % et 26 % des personnes vivant dans la rue ne possèdent pas la nationalité portugaise, respectivement). (2) Parmi les personnes vivant en hébergement temporaire, dans toutes les régions, 32 % n’ont pas la nationalité portugaise, à l’exception de l’Alentejo, où 55 % n’ont pas la nationalité portugaise. |
(1) 0.9 (moyenne) (2) 3.0 (moyenne) |
2022 |
Royaume‑Uni (Angleterre) |
27 % des personnes sans-abri n’avaient pas la citoyenneté britannique. Parmi elles, 9 % étaient des ressortissants de l’UE. |
2.5 |
2023 |
Suède |
43 % des personnes sans-abri sont nées hors de Suède. |
5.1 |
2017 |
Note : l’estimation de la part des migrants dans la population sans domicile par rapport à leur part dans la population repose sur la même définition des « migrants » que celle utilisée dans les statistiques nationales sur l’absence de domicile de la deuxième colonne. Voir la source ci-dessous pour des informations sur la part des migrants en pourcentage de la population totale utilisée pour calculer la part des migrants parmi la population sans domicile par rapport à leur part dans la population.
Source : OCDE (2024[15]), « Challenges to measuring homelessness among migrants in OECD and EU countries », www.oecd.org/en/publications/challenges-to-measuring-homelessness-among-migrants-in-oecd-and-eu-countries_b9855842-en.html.
De nombreux pays de l’OCDE mettent en œuvre des mesures pour soutenir les communautés d’origine étrangère, notamment au moyen de plans d’action et de réformes juridiques visant à améliorer les conditions et l’accès au logement pour les immigrés. Au niveau de l’UE, il s’agit d’une priorité stratégique, l’accès des migrants à un logement approprié et abordable constituant l’un des plans d’action 2021‑27 en faveur de l’intégration et l’inclusion de la Commission européenne.
Aux Pays-Bas, la Loi sur la location immobilière, entrée en vigueur le 1er juillet 2023, définit des règles pour la location de logements aux personnes immigrées, notamment la séparation obligatoire entre les contrats de travail et les contrats de location pour les travailleurs immigrés. Les communes appliquent ces normes et un plan d’action a été élaboré pour mieux soutenir les citoyens de l’UE sans domicile. Par ailleurs, le plan d’action national pour le logement étudiant vise à créer 60 000 nouveaux logements pour étudiants d’ici à 2030. Ce plan encourage les universités à organiser le logement des étudiants internationaux en première année et demande une plus grande transparence dans les loyers pratiqués par les bailleurs de logements étudiants. Les étudiants internationaux, qui paient souvent plus cher leur chambre que les étudiants néerlandais et qui n’ont pas accès aux maisons d’étudiants, sont particulièrement vulnérables sur le marché néerlandais du logement.
En Norvège, le gouvernement a créé en juin 2023 une commission relative à la loi sur la location. Cette commission devra évaluer les lois actuelles et suggérer des améliorations pour renforcer les droits des locataires, garantir la sécurité d’occupation et adapter la loi aux circonstances actuelles. Un point clé consistera à réduire les discriminations sur le marché immobilier.
Dans certains pays, les immigrés peuvent bénéficier d’aides au loyer et d’aides prévues pour tous les résidents légaux, comme au Danemark et en Finlande. Le Portugal propose également une série de programmes nationaux visant à garantir l’accès à un logement décent à tous les résidents légaux, y compris les immigrés. Ces programmes comprennent le programme de location abordable, Chave na Mão (clé en main), et Reabilitar Para Arrendar (réhabiliter pour louer).
Ce n’est pourtant pas toujours le cas et divers pays de l’OCDE privilégient souvent l’aide consistant à fournir aux immigrés un soutien financier ciblé. Les aides au loyer sont, par exemple, fréquemment utilisées. En Colombie, le programme Acogida, financé par le Département d’État américain, offre une aide au loyer aux migrants vénézuéliens et aux Colombiens vulnérables, pour leur faciliter l’accès à un logement sûr. Aux États‑Unis, certains États et certaines communes proposent des programmes pour aider les nouveaux arrivants qui satisfont aux critères requis. Pendant la pandémie de COVID‑19, le Connecticut a alloué 28 millions USD à des programmes d’aide au loyer destinés aux immigrés qui ne pouvaient pas accéder à d’autres formes d’aides au loyer au niveau fédéral et de l’État. Dans le Michigan, le programme Newcomer Rental Subsidy permet aux ménages de réfugiés et de nouveaux arrivants qui remplissent les conditions requises de recevoir jusqu’à 500 USD par mois pendant 12 mois, en fonction de leur statut au regard de l’immigration et des revenus du ménage. Le programme ASERAP (Asylum Seekers Emergency Rental Assistance Program) procure aux demandeurs d’asile de l’Illinois une aide au loyer pouvant atteindre 15 000 USD, ou 6 mois de location si cette limite est atteinte en premier.
Dans de rares cas, les immigrés peuvent bénéficier d’une aide financière pour l’achat d’un logement. La Norwegian State Housing Bank accorde des prêts et des subventions aux particuliers, aux communes et aux promoteurs immobiliers, les dispositifs de prêts ayant été considérablement augmentés en 2022 et 2023. Une part importante de ce financement est consacrée à des prêts de démarrage à l’échelon local, qui aident les immigrés et d’autres personnes rencontrant des difficultés d’accès au crédit hypothécaire à long terme à acheter ou à adapter leur logement. Le dispositif de prêt aide aussi les communes à fournir des logements en location aux personnes défavorisées, y compris immigrées. En Pologne, une mesure temporaire prise en juillet 2023 a permis aux étrangers vivant et payant des impôts dans le pays d’accéder au programme « Prêt immobilier garanti à 2 % », qui accorde aux primo‑accédants un taux d’intérêt fixe de 2 % sur 10 ans, dans les mêmes conditions que les ressortissants polonais. Ce prêt subventionné par l’État était ouvert aux personnes de moins de 45 ans ne détenant aucun bien immobilier en Pologne. Le programme a toutefois pris fin en janvier 2024.
Outre l’aide financière, des dispositifs existent pour aider les immigrés à surmonter d’autres obstacles sur le marché de la location, comme la discrimination et l’absence de documents. À titre d’exemple, la Croix-Rouge australienne a été mandatée par le ministère de l’Intérieur pour mettre en œuvre un programme visant à garantir un hébergement à long terme pour les réfugiés en Australie‑Occidentale, en Nouvelle‑Galles du Sud et dans le Territoire de la Capitale australienne. Il est souvent difficile pour les réfugiés de trouver un logement sur le marché locatif privé, du fait que leur revenu initial provient des prestations sociales et qu’ils n’ont pas d’antécédents de location en Australie. La Croix-Rouge agit en tant que médiateur, en préparant les usagers à devenir des locataires fiables et autonomes.
Les administrations centrales collaborent avec diverses parties prenantes pour améliorer les capacités d’accueil face à des arrivées humanitaires sans précédent
Les demandeurs d’asile et les migrants humanitaires bénéficient généralement de conditions d’accueil différentes de celles des autres immigrés, notamment en ce qui concerne la mise à disposition d’un logement. Ces conditions varient d’un pays à l’autre et dépendent de facteurs tels que le nombre d’arrivées, la situation socioéconomique du pays d’accueil, les problématiques démographiques et sécuritaires à l’échelle nationale et régionale, la complexité du système d’asile et les modalités d’arrivée des immigrés. Il est devenu de plus en plus difficile de respecter ces obligations en raison du grand nombre de demandeurs d’asile arrivant dans l’OCDE, qui a atteint des niveaux sans précédent pendant deux années consécutives.
En Europe, l’invasion massive de l’Ukraine par la Russie a provoqué la plus grande crise de déplacement depuis la Seconde Guerre mondiale, exerçant une forte pression sur les capacités d’accueil existantes (OCDE, 2022[16]). En vertu de la directive de l’UE relative à la protection temporaire, les bénéficiaires d’une protection temporaire dans les États membres de l’UE ont droit à un logement ou hébergement approprié, ou aux moyens d’en obtenir un. Dans un premier temps, de nombreuses personnes fuyant l’Ukraine ont été hébergées dans des familles d’accueil ou des centres d’hébergement temporaires, mais la transition vers un logement à plus long terme a posé un problème majeur dans de nombreux pays, notamment en Belgique, en Irlande et aux Pays-Bas. L’Irlande, par exemple, a dû recourir à l’hébergement sous tente en 2023. Les arrivées en provenance d’Ukraine, conjuguées à une augmentation générale des demandes de protection internationale, ont exercé une pression considérable sur les services d’hébergement de l’État en Irlande, sans qu’il soit possible d’augmenter davantage la capacité d’accueil. Au 19 novembre 2023, 25 742 personnes étaient hébergées par l’IPAS (International Protection Accommodation Service), contre 7 244 en décembre 2021. Aux Pays-Bas, le gouvernement estime qu’il manquait 38 000 places d’accueil pour les demandeurs d’asile en 2023.
Le continent américain est également confronté à des difficultés similaires. Une personne déplacée de force sur cinq dans le monde réside en Amérique. La situation au Venezuela reste la plus préoccupante, puisque 6.5 millions des 7.7 millions de réfugiés et migrants vénézuéliens se dirigent vers les pays voisins, en particulier la Colombie (2.9 millions), où 60 % des personnes déplacées vivent dans des logements surpeuplés (OCDE/HCR/BID, 2024[17]). La situation sans précédent à la frontière entre les États-Unis et le Mexique a exacerbé la crise de l’accueil et du logement en Amérique du Nord. Le nombre record d’arrivées a saturé les systèmes d’hébergement dans plusieurs grands centres urbains des États-Unis, notamment Chicago, Los Angeles et New York, obligeant de nombreux demandeurs d’asile à dormir dans la rue. Le manque de capacités d’accueil est particulièrement préoccupant étant donné l’augmentation notable du nombre de familles de migrants avec enfants parmi les arrivées humanitaires, qui sont particulièrement vulnérables.
Les conditions difficiles qui prévalent dans les pays de l’OCDE ont incité les pays d’accueil à explorer d’autres approches pour gérer l’accueil, notamment en élargissant l’éventail des partenaires impliqués dans la prestation de services. Les administrations centrales ont également réorganisé leurs relations avec les partenaires traditionnels, comme les communes et les autorités locales, afin d’améliorer l’offre de logements. Les administrations centrales cherchent notamment à améliorer la répartition régionale et locale des migrants humanitaires et des demandeurs d’asile sur leur territoire. Elles collaborent avec les communes qui accueillent moins de migrants afin d’atténuer la pression sur le logement dans divers pays, comme l’Espagne, la Finlande, la France, la Norvège, la Nouvelle‑Zélande, le Portugal et la Suisse. En Suède, par exemple, des réformes juridiques ont été adoptées pour répartir les réfugiés ukrainiens de manière plus homogène dans le pays, afin de promouvoir le partage des responsabilités et d’éviter la ségrégation. Dans le cadre de cette législation, les communes sont tenues de mettre des logements à la disposition des personnes déplacées, tandis que l’Agence suédoise des migrations les répartit en fonction des conditions du marché du travail local, de la taille de la population et du nombre d’immigrés nouvellement arrivés, de mineurs non accompagnés et de demandeurs d’asile résidant déjà dans la commune.
On observe en outre un recours croissant à des prestataires de services externes pour des formes alternatives de logement, notamment dans des pays comme l’Allemagne, l’Espagne, les États-Unis, l’Italie, le Luxembourg et la Pologne. En Italie, par exemple, on observe une tendance significative à la privatisation des structures d’accueil résidentielles. Entre 2012 et 2021, le nombre de structures d’accueil résidentielles en Italie a augmenté de 67.5 %, passant de 1 497 à 2 506 unités. Les établissements privés dominent, avec 2 035 unités offrant 33 246 lits, ce qui représente 76 % du total des lits disponibles dans le système d’accueil italien.
Outre les prestataires privés, il est de plus en plus fréquent que les ménages et les particuliers augmentent leurs capacités d’accueil en fonction de l’évolution des besoins, notamment en Australie, en Espagne, en Finlande, en Grèce, aux Pays-Bas et au Royaume‑Uni. Par exemple, le dispositif « Private Rented Sector Leasing Scheme Wales » au Royaume‑Uni permet aux propriétaires de louer leurs biens aux autorités locales, afin qu’elles puissent loger les habitants et les migrants défavorisés, et compléter ainsi le parc de logements décentralisés. Aux Pays-Bas, en raison de la capacité d’accueil limitée, les réfugiés peuvent résider pendant trois mois dans leur famille, chez des amis ou dans une famille d’accueil néerlandaise en attendant de trouver un logement permanent dans une commune. Une évaluation externe a également souligné qu’en plus de réduire les pressions sur le logement, le programme avait des effets positifs sur l’apprentissage de la langue néerlandaise et la création d’un réseau social.
Le recours à des logements privés et à des familles d’accueil a été particulièrement important dans un premier temps pour répondre à la crise des déplacés ukrainiens. En 2022, la Finlande et la Lettonie ont estimé que deux tiers environ des personnes déplacées étaient accueillies dans un hébergement privé temporaire, tandis qu’en Belgique et en Italie, le chiffre a pu atteindre 85 à 90 % (OCDE, 2022[16]). Face à l’ampleur de la situation, la Commission européenne (CE) a lancé le projet « Safe Homes » en 2022 afin de dispenser des conseils ciblés aux États membres, aux administrations régionales et locales, ainsi qu’à la société civile pour organiser les initiatives d’accueil citoyen pour les personnes fuyant l’Ukraine et ayant besoin de protection.
Conscients du poids financier de l’accueil chez l’habitant, certains pays dédommagent les particuliers concernés, notamment la France, la Pologne, la République slovaque, la Tchéquie, le Royaume‑Uni et la Slovénie. Ce système de dédommagement n’est cependant pas exempt de difficultés. En Roumanie, le gouvernement a observé que le remboursement des dépenses liées à l’accueil des personnes déplacées était devenu une source de revenus intéressante pour de nombreux propriétaires. Cette situation a entraîné une augmentation de la demande de logements dans les zones les plus prisées, ce qui a eu pour effet de réduire la disponibilité des logements et d’augmenter les loyers sur le marché libre. En conséquence, les ressortissants roumains à la recherche d’un logement similaire ont été confrontés à des difficultés considérables.
L’implication des différentes parties prenantes permet de répondre aux problèmes d’accueil à court terme, mais il est urgent de trouver des solutions de logement plus globales et pérennes, tant pour les migrants que pour la population en général. L’augmentation des flux de migrants accroît indéniablement la pression sur les infrastructures sociales des pays d’accueil, notamment les logements sociaux, les écoles, les universités, les hôpitaux et les structures médicales. Si ces pressions ne sont pas gérées correctement, elles pourraient influencer l’opinion publique et exacerber les tensions dans les pays de l’OCDE. Les populations nationales vulnérables ont souvent l’impression d’être en concurrence directe avec les nouveaux arrivants, et les immigrés sont souvent tenus pour responsables de la pénurie de ressources. Cette question est particulièrement délicate dans les pays démocratiques développés, qui ont l’obligation légale de prendre en charge les réfugiés, sans pour autant accorder le même niveau de soutien à leurs propres populations vulnérables.
Les pressions liées au logement pourraient influencer les débats publics sur l’immigration dans les années à venir. Ainsi, au Canada, l’augmentation de l’immigration est considérée comme un facteur contribuant à la pression sur les logements accessibles et abordables, en particulier dans les grands centres où de nombreux nouveaux arrivants s’installent. En 2024, un plafond temporaire a été mis en place pour les permis d’études accordés aux étudiants étrangers pendant deux ans, afin précisément d’alléger la pression sur le logement.
Pourtant, les immigrés jouent souvent un rôle crucial dans le secteur du bâtiment, indispensable à la réalisation de nouveaux logements. Entre 2016 et 2018, les migrants représentaient 36 % du total des ouvriers du bâtiment aux Pays‑Bas, 31 % au Canada, en Suède et en Israël, 28 % au Royaume‑Uni, et 26.5 % aux États‑Unis (OCDE, 2020[18]). Au cours de la même période, le secteur du bâtiment était le principal employeur des immigrés en Slovénie et le deuxième en Finlande, en France, en Grèce et en Italie. De manière plus générale, les migrants ne sont pas la cause principale des problèmes de logement dans l’OCDE et peuvent au contraire faire partie de la solution. Des initiatives résolues de la part des pouvoirs publics sont toutefois essentielles pour trouver des solutions à long terme aux problèmes de logement et, plus largement, d’infrastructures sociales dans l’OCDE, afin d’éviter la frustration de l’opinion publique et la mise en cause, à tort, des communautés immigrées.
Références
[6] ADL (2024), U.S. Antisemitic Incidents Skyrocketed 360% in Aftermath of Attack in Israel, according to Latest ADL Data, https://www.adl.org/resources/press-release/us-antisemitic-incidents-skyrocketed-360-aftermath-attack-israel-according (consulté le 12 juin 2024).
[7] CAIR (2024), New Data Shows the End of 2023 was a ‘Relentless’ Wave of Bias, Community Resilience is ‘Impressive’, https://www.cair.com/press_releases/cair-new-data-shows-the-end-of-2023-was-a-relentless-wave-of-bias-community-resilience-is-impressive (consulté le 12 juin 2024).
[2] Cerna, L. (2019), « Refugee education : Integration models and practices in OECD countries », Documents de travail de l’OCDE sur l’éducation, n° 203, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/a3251a00-en.
[15] OCDE (2024), Challenges to measuring homelessness among migrants in OECD and EU countries, Éditions OCDE, Paris, https://www.oecd.org/en/publications/challenges-to-measuring-homelessness-among-migrants-in-oecd-and-eu-countries_b9855842-en.html.
[14] OCDE (2024), Perspectives économiques de l’OCDE, Volume 2024 Numéro 1 : L’amorce d’une reprise, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/bd18c5ae-fr.
[11] OCDE (2024), « Strengthening the human capital of forcibly displaced persons in and from Ukraine : Background note for the Ukraine Recovery Conference 2024 », Les réponses de l’OCDE face aux conséquences de la guerre en Ukraine, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/9afedf7c-en.
[5] OCDE (2024), « What can we learn from surveys on the social integration of immigrants? », Éditions OCDE, Paris, https://www.oecd.org/els/mig/What-can-we-learn-from-surveys-on-the-social-integration-of-immigrants-Migration-Data-Brief-April-2024.pdf.
[3] OCDE (2023), Ensuring Continued Learning for Ukrainian Refugee Students, https://app.powerbi.com/view?r=eyJrIjoiOTViNDUzNDEtOTlmOS00ZmMyLTgxNDMtYzg4Mjk0ZGVmZDEwIiwidCI6ImFjNDFjN2Q0LTFmNjEtNDYwZC1iMGY0LWZjOTI1YTJiNDcxYyIsImMiOjh9&pageName=ReportSection30b8f2ad2be1e97906bc (consulté le 10 juin 2024).
[1] OCDE (2023), Perspectives des migrations internationales 2023, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/87c79978-fr.
[13] OCDE (2023), Pierre par pierre (Volume 2) : De meilleures politiques du logement dans l’après COVID-19, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/43b303bd-fr.
[12] OCDE (2022), Affordable Housing Database, https://www.oecd.org/content/oecd/en/data/datasets/oecd-affordable-housing-database.html (consulté le 18 juin 2024).
[16] OCDE (2022), « Housing support for Ukrainian refugees in receiving countries », Les réponses de l’OCDE face aux conséquences de la guerre en Ukraine, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/9c2b4404-en.
[18] OCDE (2020), « Comment les migrations façonnent-elles le paysage sectoriel ? », dans Perspectives des migrations internationales 2020, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/6ecb3187-fr.
[10] OCDE (à paraître), Améliorer l’évaluation, la reconnaissance et la validation des qualifications et des compétences des bénéficiaires de la protection témporaire d’Ukraine en France, Éditions OCDE, Paris.
[8] OCDE/Commission européenne (2023), Les indicateurs de l’intégration des immigrés 2023 : Trouver ses marques, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/d5253a21-fr.
[17] OCDE/HCR/BID (2024), « Socio-economic Integration of forcibly-displaced populations in Latin America and Caribbean », Éditions OCDE, Paris, https://www.oecd.org/en/publications/socio-economic-integration-of-forcibly-displaced-poplulatios-in-latin-america-and-caribbean_ae813886-en.html.
[9] REM/OCDE (2024), « Labour market integration of beneficiaries of temporary protection from Ukraine: Joint EMN-OECD inform », Réseau européen des migrations, Bruxelles, https://www.oecd.org/content/dam/oecd/en/topics/policy-issues/migration/OECD-EMN%20Inform_%20Labour-market-integration-of-beneficiaries-of-temporary-protection-from-Ukraine.pdf.
[4] UNESCO (2023), Quelles mesures éducatives face à la crise migratoire ukrainienne ?, https://www.unesco.org/fr/ukraine-war/education (consulté le 10 juin 2024).