Constituant l’un des plus grands défis liés au vieillissement de la population dans le monde, la démence désigne un ensemble de troubles du cerveau, dont la maladie d’Alzheimer, qui entraînent des lésions cérébrales provoquant une détérioration progressive des capacités fonctionnelles et des relations sociales de l’individu. Les milliards de dollars investis depuis de nombreuses années dans la recherche sur les troubles liés à la démence n’ont commencé à porter leurs fruits que récemment, avec le premier traitement contre la maladie d’Alzheimer approuvé par les États-Unis depuis des décennies en juillet 2023. Malgré ces avancées médicales prometteuses, il n’existe toujours pas de remède, et même les traitements modifiant l’évolution de la maladie ne devraient que ralentir sa progression, avec peut-être des effets secondaires préoccupants.
On estime que plus de 21 millions de personnes souffraient de démence dans les pays de l’OCDE en 2021. Si les tendances actuelles se confirment, sa prévalence devrait augmenter de près de 50 % d’ici 2040, pour atteindre près de 32 millions d’individus dans l’OCDE. L’âge reste le premier facteur de risque de la démence, ce qui signifie qu’avec le vieillissement des pays, le nombre de personnes souffrant de démence augmentera aussi – en particulier avec la hausse du pourcentage des plus de 80 ans. Les pays de l’OCDE dont les populations sont les plus âgées (notamment le Japon, l’Italie et l’Allemagne) affichent déjà les plus forts de taux de prévalence de la démence. En moyenne dans l’OCDE, on estime que 15 personnes sur 1 000 souffrent de démence en 2021 (Graphique 10.8). Dans neuf pays membres, plus de 18 personnes sur 1 000 sont atteintes de démence. En l’absence de nouvelles mesures de prévention et d’avancées médicales, en 2040, 12 pays de l’OCDE (Estonie, Finlande, Hongrie, Italie, Japon, Lettonie, Lituanie, Pologne, Portugal, République slovaque, République tchèque et Slovénie) connaîtront un taux de prévalence d’au moins 25 sur 1 000, et dans trois pays (Japon, Lettonie, Slovénie) plus de 30 personnes sur 1 000 souffriront de démence.
Malgré l’absence de traitement disponible dans la plupart des pays de l’OCDE, les systèmes de santé et de protection sociale peuvent contribuer à améliorer les soins et la qualité de vie des personnes atteintes de démence et de leur famille. Au moins 25 pays de l’OCDE ont récemment mis en place ou annoncé des stratégies ou des plans nationaux de prise en charge de la démence. Par ailleurs, la lutte contre la stigmatisation liée à la maladie et l’adaptation des collectivités et des centres de soins aux besoins des personnes atteintes de démence font l’objet d’une attention croissante (OCDE, 2018[1]).
La récente approbation du Leqembi (également connu sous le nom de Lecanemab) par la Food and Drug Administration (FDA) aux États-Unis, et les possibles approbations futures de ce traitement, ainsi que d’autres en cours, dans d’autres pays de l’OCDE, soulignent la nécessité pour les pays de veiller à ce que les personnes souffrant de démence soient correctement diagnostiquées, afin de leur permettre de bénéficier de traitements qui leur seraient favorables. Alors qu’il contribue à ralentir la progression de la maladie d’Alzheimer chez les personnes aux premiers stades de la démence ou souffrant de troubles cognitifs légers, le procédé d’administration du traitement et le suivi des patients qu’il exige (administration en intraveineuse toutes les deux semaines, et scanners cérébraux pour surveiller les saignements) nécessitent d’importantes ressources. Les systèmes de santé sont donc amenés à faire le point sur leur degré de préparation en matière de prise en charge des personnes souffrant de démence aujourd’hui, et d’administration et de financement des traitements à mesure qu’ils seront mis sur le marché.
Les neuroleptiques peuvent réduire les symptômes comportementaux et psychologiques dont souffrent de nombreuses personnes atteintes de démence, mais compte tenu de la disponibilité d’une gamme d’interventions non pharmacologiques efficaces – ainsi que des risques associés et des questions éthiques que pose leur prescription – ils ne sont recommandés qu’en dernier ressort. Toutefois, l’utilisation inappropriée de ces médicaments reste répandue et la réduction de leur surconsommation est une priorité des pouvoirs publics dans de nombreux pays de l’OCDE. Dans 15 pays de l’OCDE disposant de données comparables, en moyenne plus de 5 % des plus de 65 ans reçoivent une prescription de neuroleptiques. Ce chiffre masque de grandes disparités entre les pays : Exception faite de la Lettonie qui affiche des chiffres très bas, les prescriptions de neuroleptiques peuvent varier de 1 à 5 dans les pays de l’OCDE, allant d’à peine 16 prescriptions pour 1 000 personnes de 65 ans et plus en Suède, à plus de 90 en Irlande. En outre, les taux standardisés suivant l’âge de prescription de neuroleptiques étaient plus élevés pour les femmes que pour les hommes dans tous les pays de l’OCDE. En moyenne dans 19 pays de l’OCDE, les femmes étaient 25 % plus susceptibles de se voir prescrire des neuroleptiques que les hommes (Graphique 10.9).