Ce chapitre examine la situation des immigrés sur le marché du travail entre 2007 et 2018. Il accorde une attention plus particulière à l’évolution de la situation professionnelle des immigrés arrivés récemment et à celle de la qualité des emplois occupés par les immigrés, en période de reprise économique et alors que les flux récents d’immigration sont élevés, notamment les migrations pour raisons humanitaires. La seconde partie de ce chapitre s'intéresse à l’évolution récente des politiques d'intégration dans les pays de l’OCDE, en mettant plus particulièrement l’accent sur la manière dont les immigrés s’intègrent au marché du travail du pays d’accueil.
Perspectives des migrations internationales 2019
Chapitre 2. Situation des immigrés sur le marché du travail et politiques d’intégration dans les pays de l’OCDE
Abstract
Les données statistiques concernant Israël sont fournies par et sous la responsabilité des autorités israéliennes compétentes. L’utilisation de ces données par l’OCDE est sans préjudice du statut des hauteurs du Golan, de Jérusalem‑Est et des colonies de peuplement israéliennes en Cisjordanie aux termes du droit international.
Introduction
L’amélioration de la situation des immigrés et des personnes nées dans le pays sur le marché du travail s’est confirmée en 2018. Dans cet environnement favorable en termes d’emploi, les immigrés admis pour raisons humanitaires au cours des dernières années s’insèrent progressivement sur le marché du travail. Toutefois, l’intensité de ces flux d’immigration n’a pas été la même selon les pays, d’où des effets divergents sur la situation globale des immigrés sur le marché du travail. La première partie du chapitre replace ces évolutions récentes dans une perspective de plus long terme et examine la situation des immigrés sur le marché du travail selon leurs caractéristiques socio-économiques. La deuxième partie du chapitre étudie l’évolution récente des politiques relatives à l’intégration des immigrés au marché du travail.
Principaux résultats
L’évolution de la situation des immigrés sur le marché du travail en 2018 a confirmé l’embellie constatée dans la plus grande partie des pays de l’OCDE ces cinq dernières années. En moyenne dans la zone OCDE, le taux de chômage des immigrés a baissé de 9.4 % à 8.7 % entre 2017 et 2018 ; par ailleurs, deux tiers des immigrés occupaient un emploi en 2018, soit une hausse de 1 point de pourcentage par comparaison avec 2017.
Pour la première fois en 2018, dans l’Union européenne, le taux de chômage global des immigrés est tombé en deçà de son niveau d’avant la crise de 2007 pour atteindre 10.6 %, soit quatre points de pourcentage de plus que celui des personnes nées dans le pays. À titre de comparaison, la situation des immigrés sur le marché du travail en Australie, au Canada et en Nouvelle‑Zélande était comparable à celle des personnes nées dans le pays, et meilleure aux États‑Unis.
L’accès à l’emploi reste difficile pour certaines catégories d’immigrés, notamment les jeunes et les moins qualifiés. Les femmes et les seniors (55‑64 ans) ont enregistré la plus forte amélioration de leur taux d’emploi. Toutefois, les femmes immigrées restent systématiquement moins bien loties sur le marché du travail comparé aux femmes nées dans le pays et à leurs homologues masculins.
Dans l’Union européenne en 2018, plus de 18 % des immigrés de 15 à 24 ans étaient sans emploi et sortis du système éducatif, contre 11 % pour leurs homologues nés dans le pays. Dans les pays de l’OCDE non européens, cette proportion était moins élevée. On observe toutefois des progrès dans la plupart des pays.
Contrairement à la plupart des autres catégories d’immigrés, la situation des immigrés nés au Moyen‑Orient sur le marché du travail s’est à peine améliorée entre 2013 et 2018 dans l’UE : plus d’un immigré sur cinq originaire de cette région était au chômage en 2018, une proportion globalement stable depuis 2013.
L’amélioration du taux d’emploi des immigrés arrivés récemment est plus marquée dans les pays où il était déjà relativement élevé, comme l’Irlande ou le Royaume‑Uni. En revanche, aucune embellie n’est observée dans les pays où leur situation sur le marché du travail était moins favorable au départ, comme l’Italie et la France, où 40 % seulement environ des immigrés récents occupaient un emploi en 2018.
L’augmentation des taux d’emploi est souvent associée à une augmentation de la proportion de travailleurs immigrés vivant sous le seuil de pauvreté. C’est dans les pays d’Europe du Sud et aux États‑Unis que la proportion de travailleurs pauvres est la plus élevée. En 2017, dans l’Union européenne, 18 % environ des travailleurs immigrés étaient pauvres, contre 8 % de leurs homologues nés dans le pays.
Les immigrés, et surtout les femmes, sont plus nombreux à travailler à temps partiel, et la proportion de ceux qui souhaitent travailler plus est en hausse.
Face à la baisse continue du flux de demandeurs d'asile et de réfugiés, la priorité des pouvoirs publics est progressivement passée de l’accueil des nouveaux arrivants à l’élaboration ou l’ajustement des politiques d’intégration. Quelques pays ont renforcé les ressources allouées aux autorités locales à l’appui de l’intégration des nouveaux arrivants.
Plusieurs pays ont pris des mesures en vue d’améliorer les compétences linguistiques des immigrés.
Les cours d’éducation civique occupent une place de plus en plus importante dans la stratégie d’intégration mise en œuvre dans les pays de l’OCDE.
Plusieurs pays ont instauré des systèmes d’évaluation et de reconnaissance des diplômes de l’enseignement professionnel.
Les pouvoirs publics accordent plus d’attention à la promotion de l’intégration des jeunes, notamment dans le système scolaire. Si certains pays ont axé leurs efforts sur l’accès des mineurs non accompagnés au logement, d’autres ciblent les familles avec enfants d’une manière plus générale.
De plus en plus, les impératifs de suivi et d’évaluation influent sur la conception des politiques d’intégration et les innovations dans ce domaine.
Les conditions de naturalisation mettent de plus en plus l’accent sur les résultats en matière d’intégration, parmi lesquels l'apprentissage de la langue du pays d'accueil, plutôt que sur le nombre d’années de résidence.
Évolutions récentes de la situation des immigrés sur le marché du travail dans la zone OCDE
Cette section s’ouvre sur un tour d’horizon des évolutions constatées au regard de la situation des immigrés sur le marché du travail entre 2017 et 2018, pour les replacer ensuite dans une perspective de plus long terme couvrant toute la période 2007‑18, en vue de déterminer si les conséquences de la crise économique sur les immigrés ont été entièrement effacées et comment leurs conditions de travail ont évolué. Cette section permettra d’apporter des éléments de réponse aux questions suivantes : i) Quels ont été les effets de la reprise économique sur les différentes catégories d’immigrés ? ii) Les immigrés récents sont-ils aujourd’hui mieux intégrés que par le passé ? iii) L’amélioration des possibilités d’emploi a-t-elle contribué à réduire la proportion de travailleurs immigrés vivant sous le seuil de pauvreté ?
Les immigrés ont profité de l’embellie globale enregistrée ces dernières années sur le front économique
L’évolution de la situation des immigrés sur le marché du travail en 2018 confirme les évolutions positives constatées dans la majorité des pays de l’OCDE ces cinq dernières années. En moyenne dans la zone OCDE, le taux de chômage des immigrés a reculé de 9.4 % à 8.7 % entre 2017 et 2018 (Tableau 2.1).
Le taux d’emploi des immigrés a lui aussi enregistré une évolution positive. En 2018, plus de deux tiers des immigrés occupaient un emploi en moyenne dans les pays de l’OCDE, soit près d’un point de pourcentage de plus qu’en 2017. Pour autant, les écarts entre immigrés et personnes nées dans le pays en termes de taux de chômage et de taux d’emploi restent inchangés.
L’amélioration de la situation des immigrés sur le marché du travail a été particulièrement marquée dans l’Union européenne, comme en témoigne la progression de 1.6 point de pourcentage du taux d’emploi des personnes nées à l’étranger en 2018, à 66 %. C’est en Autriche, en Pologne et en République slovaque que l’embellie a été la plus notable, sur fond d’amélioration globale de l’état du marché du travail. À l’inverse, la situation s’est détériorée en Estonie, en Hongrie et en Islande.
En dehors de l’Europe, la situation des immigrés sur le marché du travail s’est améliorée en Australie, aux États‑Unis et en Nouvelle‑Zélande, ainsi qu’en Turquie, et elle est restée stable au Canada. Le Chili a enregistré une forte baisse du taux d’inactivité des immigrés depuis 2015, qui s’est traduit par une hausse à la fois du taux de chômage et du taux d’emploi. Dans tous ces pays (à l’exception de la Turquie), plus de 70 % des immigrés d’âge actif occupaient un emploi en 2018.
À l’échelle de l’UE, les progrès enregistrés sur le front de l’emploi ont profité, en moyenne, à la fois aux femmes et aux hommes nés à l’étranger (Tableau d’annexe 2.A.1). Néanmoins, dans la plus grande partie des pays européens, l’embellie a été plus prononcée pour les hommes. Dans les pays de l’OCDE non européens, la variation annuelle enregistrée est généralement inférieure à un point de pourcentage pour les hommes comme pour les femmes, à l’exception de l’Australie où les immigrées ont vu leur taux d’emploi progresser de deux points et du Mexique où leur taux d’emploi a diminué dans les mêmes proportions.
L’analyse de l’évolution des taux d’emploi et de chômage des immigrés depuis 2007 met en évidence des tendances divergentes
Au cours des dix dernières années, la population immigrée a augmenté de manière relativement sensible dans plusieurs pays de l’OCDE, notamment dans l’Union européenne, en Australie, au Canada et aux États‑Unis. Dans ces pays, les populations nées dans le pays et d’âge actif ont soit augmenté à un rythme beaucoup plus modéré (Australie et États‑Unis) soit diminué (UE et Canada) (Tableau 2.2). Dans l’Union européenne, le nombre de citoyens d’âge actif bénéficiant de la mobilité au sein de l’UE a augmenté beaucoup plus rapidement que celui des immigrés nés dans des pays tiers.
Tableau 2.1. Situation des immigrés sur le marché du travail dans les pays de l’OCDE en 2018
|
2018 |
Variation annuelle |
Écart avec les personnes nées dans le pays en 2018 |
||||
---|---|---|---|---|---|---|---|
|
Pourcentages |
Points de pourcentage |
|||||
Taux de chômage |
Taux d'emploi |
Taux de chômage |
Taux d'emploi |
Taux de chômage |
Taux d'emploi |
||
Allemagne |
6.0 |
69.5 |
-0.4 |
1.4 |
3.1 |
-8.1 |
|
Australie |
5.5 |
72.0 |
-0.4 |
1.2 |
0.1 |
-3.0 |
|
Autriche |
9.4 |
68.0 |
-1.3 |
2.5 |
5.7 |
-6.4 |
|
Belgique |
11.5 |
58.3 |
-1.8 |
1.8 |
6.8 |
-7.7 |
|
Canada |
6.4 |
72.3 |
-0.4 |
-0.4 |
0.6 |
-2.0 |
|
Chili |
7.5 |
76.9 |
1.7 |
3.1 |
-0.8 |
16.7 |
|
Corée |
4.6 |
70.9 |
- |
- |
- |
- |
|
Danemark |
9.8 |
66.4 |
-0.8 |
1.4 |
5.5 |
-10.6 |
|
Espagne |
20.7 |
61.6 |
-2.7 |
1.9 |
6.5 |
-1.0 |
|
Estonie |
7.9 |
70.1 |
1.4 |
-1.6 |
2.7 |
-5.2 |
|
États-Unis |
3.5 |
71.6 |
-0.5 |
0.7 |
-0.6 |
2.4 |
|
Finlande |
14.1 |
62.2 |
-1.7 |
1.9 |
7.0 |
-10.6 |
|
France |
14.6 |
58.5 |
-0.8 |
1.9 |
6.3 |
-7.9 |
|
Grèce |
28.6 |
52.8 |
-1.3 |
0.1 |
10.0 |
-2.3 |
|
Hongrie |
4.6 |
71.7 |
1.2 |
-2.0 |
0.9 |
2.5 |
|
Irlande |
7.2 |
70.7 |
-1.0 |
1.7 |
1.8 |
2.7 |
|
Islande |
5.1 |
82.5 |
2.4 |
-5.6 |
2.6 |
-2.8 |
|
Israël |
3.5 |
78.8 |
-0.2 |
-0.1 |
-0.8 |
12.1 |
|
Italie |
13.7 |
60.9 |
-0.5 |
1.0 |
3.4 |
2.8 |
|
Lettonie |
7.7 |
69.0 |
-0.3 |
2.4 |
0.1 |
-3.0 |
|
Lituanie |
7.4 |
71.1 |
0.9 |
1.0 |
1.2 |
-1.4 |
|
Luxembourg |
6.4 |
71.4 |
-1.5 |
0.6 |
2.0 |
9.6 |
|
Mexique |
4.1 |
51.8 |
-0.1 |
-0.4 |
0.7 |
-9.7 |
|
Norvège |
7.9 |
69.7 |
-1.2 |
0.3 |
5.0 |
-6.8 |
|
Nouvelle-Zélande |
4.1 |
77.2 |
-0.5 |
0.8 |
-0.5 |
-0.5 |
|
Pays-Bas |
7.0 |
64.9 |
-1.9 |
1.9 |
3.6 |
-14.3 |
|
Pologne |
4.7 |
73.0 |
-3.6 |
3.1 |
0.8 |
5.7 |
|
Portugal |
8.5 |
75.1 |
-1.5 |
0.8 |
1.4 |
6.0 |
|
République slovaque |
n.r. |
73.3 |
n.r. |
3.5 |
n.r. |
5.7 |
|
République tchèque |
2.5 |
79.4 |
-0.5 |
1.9 |
0.2 |
4.8 |
|
Royaume-Uni |
4.7 |
73.7 |
-0.5 |
1.2 |
0.7 |
-1.2 |
|
Slovénie |
6.5 |
67.0 |
-2.0 |
0.7 |
1.4 |
-4.6 |
|
Suède |
15.7 |
66.7 |
0.2 |
0.4 |
11.8 |
-14.1 |
|
Suisse |
7.9 |
76.6 |
-0.1 |
0.7 |
4.5 |
-5.3 |
|
Turquie |
12.1 |
47.4 |
-3.3 |
1.2 |
1.0 |
-4.7 |
|
Moyenne OCDE |
8.7 |
68.3 |
-0.7 |
0.8 |
2.9 |
-2.4 |
|
Total OCDE |
7.1 |
69.0 |
-0.7 |
1.0 |
1.4 |
1.9 |
|
UE 28 |
10.6 |
66.0 |
-1.0 |
1.6 |
4.1 |
-2.9 |
Notes : Corée : les taux portent sur les personnes nées à l’étranger résidentes de longue durée âgées de 15 à 59 ans, qui sont étrangères ou ont été naturalisées au cours des cinq dernières années ; Chili : les chiffres portent sur l’année 2017 et l’évolution présentée correspond à la période 2015‑17 ; « Total OCDE » (moyenne pondérée) et « Moyenne OCDE » (moyenne simple) n’incluent pas le Chili, la Corée, ni le Japon.
Sources : Pays européens et Turquie : Enquêtes sur les forces de travail (Eurostat) ; Australie, Canada, Israël ; Nouvelle‑Zélande : Enquêtes sur les forces de travail ; Chili : Encuesta de Caracterización Socioeconómica Nacional (CASEN); Corée : Enquête sur les conditions de vie des immigrés et Enquête sur les forces de travail et la population active des ressortissants coréens ; Mexique : Encuesta Nacional de Ocupación y Empleo (ENOE) ; États‑Unis : Current Population Surveys.
Tableau 2.2. Évolution des effectifs de population en emploi ou d’âge actif selon le lieu de naissance, 2007‑18
Évolution entre 2007 et 2018 |
Part des personnes nées à l'étranger dans la population âgée de 15 à 64 ans en 2018 |
||||
---|---|---|---|---|---|
Nés à l'étranger |
Nés dans le pays |
||||
UE 28 |
Population d'âge actif |
Nés dans un autre pays de l'UE |
+ 67.3 |
4.5 |
|
Nés hors de l'UE |
+ 22.8 |
9.1 |
|||
Population totale |
+ 34.6 |
- 5.0 |
13.6 |
||
Population en emploi |
Nés dans un autre pays de l'UE |
+ 79.9 |
4.8 |
||
Nés hors de l'UE |
+ 24.3 |
8.2 |
|||
Population totale |
+ 40.3 |
+ 0.2 |
13.1 |
||
Australie |
Population d'âge actif |
+ 36.3 |
+ 9.3 |
32.1 |
|
Population en emploi |
+ 43.1 |
+ 9.5 |
31.2 |
||
Canada |
Population d'âge actif |
+ 42.5 |
- 2.3 |
27.7 |
|
Population en emploi |
+ 45.9 |
- 2.2 |
27.1 |
||
États-Unis |
Population d'âge actif |
+ 16.4 |
+ 3.3 |
11.1 |
|
Population en emploi |
+ 16.1 |
+ 1.7 |
18.7 |
Note : La population d’âge actif fait référence à la population âgée entre 15 et 64 ans.
Sources : Pays européens : Enquêtes sur les forces de travail (Eurostat) ; Australie, Canada : Enquêtes sur la population active ; États‑Unis : Current Population Surveys.
Par conséquent, l’emploi total des immigrés a progressé dans la totalité des pays de l’OCDE. Dans l’UE, le nombre d’immigrés occupant un emploi nés dans un autre pays de l’UE a progressé de 80 %, alors que le nombre d’immigrés nés en dehors de l’UE n’a crû que de 24 % seulement. En Australie et au Canada, l’emploi des immigrés a augmenté de plus de 40 % depuis 2007, contre une progression plus modeste de l’ordre de 16 % aux États‑Unis.
Durant la crise de l’emploi en 2007‑08, le taux de chômage moyen dans la zone OCDE est passé de 5.6 % à 7.9 % entre 2007 et 2013, avant de retomber à 5.3 % en 2018.
Entre 2007 et 2013, le chômage global a augmenté plus particulièrement dans les pays d’Europe du Sud, ainsi qu’en Irlande et dans les pays baltes. Dans plus de 15 pays de l’OCDE, le taux de chômage en 2018 est resté supérieur à celui enregistré en 2007 (Graphique 2.1), notamment en Grèce, en Espagne et en Italie. Le taux de chômage total est aussi resté élevé en Turquie et en France. À l’inverse, dans l’autre moitié des pays de l’OCDE, le taux de chômage était inférieur à 5 % en 2018 et généralement en deçà ou proche du niveau d’avant la crise. Parmi les pays concernés figurent notamment le Royaume‑Uni, les États‑Unis et les Pays‑Bas.
Les immigrés ont été durement touchés par la récession économique de 2007‑08. En Europe, entre 2009 et 2014, le taux de chômage des immigrés s’est maintenu au-dessus de 15 %, soit cinq points de pourcentage de plus que celui des personnes nées dans le pays (Graphique 2.2). Il est repassé en deçà de son niveau d’avant la crise pour la première fois en 2018. Toutefois, des obstacles importants doivent encore être surmontés dans les pays d’Europe du Sud (à l’exception du Portugal), en Suède, en Finlande et en France, où plus de 13 % des immigrés étaient sans emploi en 2018.
Les États‑Unis ont également été frappés par une grave crise de l’emploi dans les années 2007 et 2008. Néanmoins, l’écart entre personnes nées dans le pays et immigrés est resté limité et le taux de chômage actuel se situe à un niveau historiquement bas. L’Australie et le Canada ont enregistré des fluctuations plus limitées.
La reprise de l'emploi n'a pas profité à tous les groupes d'immigrés dans la même mesure
Au-delà de l’amélioration globale de la situation des immigrés sur le marché du travail dans la plupart des pays de l’OCDE, on constate des différences importantes parmi les immigrés, selon leur sexe, leur âge, leur niveau d’études et leur région d’origine. Cette section examine dans quelle mesure les progrès observés en moyenne pour les immigrés ont profité aux différents sous-groupes.
Les Graphique 2.3 et Graphique d’annexe 2.A.1 présentent l’évolution, entre 2007 et 2018, des taux d’emploi des immigrés et des personnes nées dans le pays, par sexe, âge et niveau d’études dans l’UE28, en Australie, au Canada et aux États‑Unis. L’évolution de la situation des immigrés sur le marché du travail en fonction de leur niveau d’études est visible sur le Graphique : dans l’Union européenne, aux États‑Unis et au Canada, les taux d’emploi des étrangers peu qualifiés ont diminué entre 2007 et 2018, de manière particulièrement prononcée au Canada avec un repli de 5 points de pourcentage. Parallèlement, les immigrés très qualifiés installés au Canada ont vu leur taux d’emploi augmenter nettement (+3 points). Dans l’Union européenne, le taux d’emploi des immigrés très qualifiés n’a progressé que d’un point de pourcentage, tandis qu’il a reculé aux États‑Unis (‑2 points).
Dans l’Union européenne, ce sont les femmes et les seniors (55‑64) qui ont enregistré la plus forte progression de leurs taux d’emploi. Néanmoins, l’amélioration du taux d’emploi des immigrées est plus limitée que pour les personnes nées dans le pays. La très forte progression du taux d’emploi des immigrés plus âgés est comparable à celle observée pour les travailleurs seniors nés dans le pays (à +14 points). Cette tendance tient dans une large mesure à la hausse de leur taux d’activité dans le contexte du vieillissement démographique.
Au Canada et en Australie, les évolutions les plus frappantes ont aussi été les hausses des taux d’emploi des seniors et des femmes. Dans ces deux pays, les immigrées ont profité d’une amélioration plus importante de leurs perspectives d’emploi que les femmes nées dans le pays.
Aux États‑Unis, en 2018, la situation des immigrés sur le marché du travail était globalement comparable à celle de 2007 quelles que soient les catégories considérées, à l’exception des jeunes, dont le taux d’emploi a chuté de six points de pourcentage environ. Dans l’Union européenne, les jeunes immigrés ont aussi accusé une nette détérioration de leur situation sur le marché du travail, comme en témoigne le repli de plus de six points de leur taux d’emploi. À titre de comparaison, leurs homologues nés dans le pays ont accusé une contraction beaucoup plus limitée de leur taux d’emploi (‑1.5 point).
Concernant les jeunes immigrés, il est aussi crucial d’aller au-delà de l’emploi pour déterminer quelle proportion est sans emploi et sortie du système éducatif. Dans l’ensemble, au sein de l’Union européenne, plus de 18 % des immigrés âgés de 15 à 24 ans étaient sans emploi et sortis du système éducatif en 2018, contre 11 % des personnes nées dans le pays de la même classe d’âge. La proportion de jeunes sans emploi et sortis du système éducatif était inférieure dans les pays de l’OCDE non européens (Graphique 2.4), tandis que l’écart entre personnes nées dans le pays et immigrés était plus limité dans l’UE, à l’exception de la Nouvelle‑Zélande et du Mexique.
Dans les pays de l’OCDE, la proportion de jeunes sans emploi et sortis du système éducatif a globalement reculé de manière marquée depuis 2013, aussi bien chez les immigrés que chez les personnes nées dans le pays. Dans l’UE, elle a respectivement diminué de 2.1 et 2.6 points de pourcentage. La baisse du nombre de jeunes sans emploi et sortis du système éducatif aux États‑Unis a été encore plus prononcée (‑2.9 et ‑3.4 points, respectivement), alors qu’elle a été relativement modeste au Canada.
Le Graphique 2.4 montre qu’une large majorité des jeunes sans emploi et non scolarisés, qu’ils soient nés dans le pays ou immigrés, n’était pas en recherche d’emploi en 2018. Néanmoins, cette proportion était légèrement plus élevée parmi les jeunes nés à l’étranger que parmi les jeunes nés dans le pays, à l’exception du Mexique. Dans l’Union européenne, deux tiers des jeunes immigrés sans emploi et non scolarisés âgés de 15 à 24 ans n’étaient pas en recherche active d’emploi (contre 59 % de leurs homologues nés dans le pays) et ils étaient plus nombreux à déclarer ne pas pouvoir chercher de travail faute d’une solution de garde pour leurs enfants en 2018. Par ailleurs, deux tiers d’entre eux indiquaient ne pas être inscrits auprès du service public de l’emploi.
Dans la plupart des pays de l’OCDE, les perspectives d’emploi des travailleurs diplômés de l’enseignement supérieur se sont améliorées. Pour autant, la proportion de travailleurs immigrés diplômés du supérieur qui occupent des emplois peu à moyennement qualifiés demeure très élevée dans la zone OCDE. Le Graphique 2.5 montre que, à l’exception de la Suisse, les travailleurs immigrés très qualifiés sont systématiquement plus exposés au risque de déclassement que leurs homologues nés dans le pays. Dans les pays de l’OCDE, l’écart moyen entre les personnes nées dans le pays et les immigrés s’est creusé de 1.5 point de pourcentage, pour atteindre 12 points de pourcentage. C’est au Royaume‑Uni, en Allemagne, en Autriche et au Danemark que les taux de déclassement ont le plus augmenté, tandis qu’ils ont fortement diminué en Grèce et en Espagne.
Des évolutions contrastées selon la région de naissance
La situation des immigrés sur le marché du travail varie généralement selon leur région d’origine. Par ailleurs, depuis 2014, leur composition a changé sous l’effet de la poussée des migrations humanitaires.
À l’image de l’évolution globale de l’emploi, de nombreuses catégories d’immigrés ont vu leur situation sur le marché du travail s’améliorer sur la période 2013‑18, quoique dans des proportions variables selon les groupes (Tableau 2.3).
Une exception notable toutefois : dans l’Union européenne, les immigrés originaires du Moyen‑Orient, l’une des principales régions d’origine des immigrés pour raisons humanitaires. En 2018, plus d’un immigré sur cinq né dans cette région était sans emploi dans l’UE, soit une proportion quasiment inchangée depuis 2013. De précédentes études de l’OCDE ont montré que la situation des réfugiés et des autres immigrés pour raisons humanitaires sur le marché du travail est moins favorable que celle d’autres catégories d’immigrés (OCDE, 2019[1]). On peut distinguer plusieurs facteurs de vulnérabilité : ces immigrés ont un niveau d’études global inférieur à celui d’autres catégories d’immigrés, qui freine leur intégration sur le marché du travail (même si les niveaux de compétence varient selon le pays de naissance) ; de plus, nombre d’entre eux souffrent de traumatismes et le fait que leur immigration a été forcée fait obstacle à leur intégration.
Tableau 2.3. Taux d’emploi et de chômage par région d’origine dans certains pays de l’OCDE en 2013 et en 2018
Pourcentages
Taux d'emploi |
Taux de chômage |
||||
---|---|---|---|---|---|
Région de naissance |
2013 |
2018 |
2013 |
2018 |
|
Australie |
Autres pays d'Océanie |
75.7 |
77.2 |
6.2 |
5.7 |
Europe |
73.9 |
77.9 |
4.5 |
4.0 |
|
Afrique du Nord et Moyen-Orient |
47.7 |
50.9 |
12.1 |
10.7 |
|
Afrique subsaharienne |
74.1 |
75.6 |
6.1 |
6.9 |
|
Asie |
66.7 |
69.4 |
6.4 |
5.7 |
|
Amériques |
73.7 |
79.1 |
5.3 |
5.0 |
|
Personnes nées à l’étranger (total) |
69.7 |
72.0 |
5.9 |
5.2 |
|
Personnes nées dans le pays |
73.3 |
74.9 |
5.8 |
5.4 |
|
Canada |
Afrique subsaharienne |
65.3 |
69.9 |
12.3 |
9.5 |
Afrique du Nord |
60.8 |
69.5 |
14.8 |
8.0 |
|
Moyen-Orient |
59.1 |
61.4 |
12.0 |
9.7 |
|
Asie |
69.4 |
72.6 |
8.1 |
5.7 |
|
Europe |
74.3 |
77.3 |
5.8 |
5.4 |
|
Océanie |
79.2 |
76.4 |
5.8 |
3.4 |
|
Amérique centrale, Amérique du Sud et Caraïbes |
71.8 |
73.2 |
8.7 |
7.0 |
|
Autre pays d’Amérique du Nord |
70.8 |
69.5 |
6.4 |
5.1 |
|
Personnes nées à l’étranger (total) |
69.9 |
73.8 |
8.2 |
5.9 |
|
Personnes nées dans le pays |
73.2 |
74.4 |
6.9 |
5.7 |
|
États-Unis |
Mexique |
66.2 |
70.9 |
7.7 |
3.7 |
Autres pays d'Amérique centrale |
73.6 |
74.9 |
6.5 |
3.5 |
|
Amérique du Sud et Caraïbes |
69.0 |
73.6 |
8.7 |
4.1 |
|
Canada |
73.2 |
71.3 |
6.2 |
2.7 |
|
Europe |
70.6 |
75.4 |
6.2 |
3.0 |
|
Afrique |
66.9 |
71.4 |
9.4 |
4.5 |
|
Asie et Moyen-Orient |
68.1 |
69.2 |
5.3 |
3.0 |
|
Autres régions |
63.6 |
68.8 |
7.8 |
4.6 |
|
Personnes nées à l’étranger (total) |
68.4 |
71.6 |
7.0 |
3.5 |
|
Personnes nées dans le pays |
65.7 |
69.2 |
7.7 |
4.1 |
|
Pays de l'UE |
UE 28 et AELE |
66.2 |
72.0 |
13.5 |
8.3 |
Autres pays européens |
54.9 |
62.2 |
19.7 |
13.0 |
|
Afrique du Nord |
45.6 |
50.3 |
28.9 |
21.1 |
|
Afrique subsaharienne |
58.7 |
64.9 |
21.1 |
14.0 |
|
Moyen-Orient |
50.6 |
50.2 |
22.0 |
22.0 |
|
Amérique du Nord |
69.1 |
70.8 |
6.4 |
6.9 |
|
Amérique centrale, Amérique du Sud et Caraïbes |
56.8 |
64.7 |
27.2 |
16.1 |
|
Asie |
64.3 |
66.1 |
10.4 |
6.9 |
|
Autres régions |
62.6 |
66.2 |
11.4 |
11.2 |
|
Personnes nées à l’étranger (total) |
60.9 |
65.0 |
17.1 |
12.0 |
|
Personnes nées dans le pays |
64.3 |
67.4 |
10.3 |
7.2 |
Note : La population de référence est la population en âge de travailler (15‑64 ans) pour les taux d’emploi et de participation, et la population active âgée de 15 à 64 ans pour le taux de chômage. Les chiffres des pays de l’UE n’incluent pas l’Allemagne faute de données disponibles par région de naissance en 2013. C'est pourquoi les résultats ne sont pas comparables avec ceux présentés au Tableau 2.1. Il n'est pas possible d'assurer une parfaite comparabilité des régions de naissance entre les pays de résidence à cause du niveau d’agrégation des données fournies au Secrétariat. Les données relatives aux pays européens ne portent que sur les trois premiers trimestres.
Sources : Pays européens : Enquêtes sur les forces de travail (Eurostat) ; Australie, Canada : Enquêtes sur la population active ; États‑Unis : Current Population Surveys.
Depuis 2013, le taux de chômage des immigrés nés en Afrique du Nord a reculé de plus de 7 points de pourcentage dans l’Union européenne, même s’il demeure toujours relativement élevé en 2018 (21 %) (Tableau 2.3). Le taux de chômage des immigrés originaires d’Amérique centrale et du Sud est aussi resté relativement élevé (à 16 %) même s’il a baissé de 10 points depuis 2013. Les immigrés originaires d’Afrique subsaharienne, de même que les immigrés intra‑UE, ont également vu leur taux de chômage diminuer sensiblement.
En 2018, aux États‑Unis, le taux de chômage de toutes les catégories d’immigrés était au moins deux fois plus bas que celui constaté en 2013. Néanmoins, l’évolution du taux d’emploi varie selon les différentes origines. Si le taux d’emploi des immigrés originaires du Canada, d’Asie et du Moyen‑Orient est resté pratiquement inchangé sur la période, il a progressé de plus de 5 points de pourcentage pour d’autres catégories, notamment pour les immigrés originaires du Mexique et d’Amérique du Sud.
Au Canada, le taux de chômage est compris entre 3.4 % pour les immigrés nés en Océanie et près de 10 % pour les immigrés originaires du Moyen‑Orient et d’Afrique subsaharienne. En Australie, en dépit de l’amélioration de leur situation sur le marché du travail depuis 2013, les immigrés originaires d’Afrique du Nord et du Moyen‑Orient demeuraient le groupe le plus défavorisé en 2018, avec un taux de chômage proche de 11 %, soit le double du taux de chômage moyen des personnes nées à l’étranger.
Les disparités constatées en terme d’accès à l’emploi entre les immigrés originaires de différentes régions révèlent des obstacles rencontrés par ces groupes. Ces écarts traduisent également l’hétérogénéité de la durée de séjour moyenne selon les groupes. En effet, pour les immigrés en âge de travailler, la durée du séjour dans le pays d’accueil est l’un des principaux déterminants de la situation au regard de l’emploi. La situation économique du pays d’accueil à l’arrivée constitue aussi un déterminant clé de la réussite de l’intégration.
Situation sur le marché du travail des immigrés selon la durée de séjour
Ces dix dernières années, la part des immigrés récents dans la population immigrée d’âge actif des pays de l’OCDE a fluctué à la fois sous l’effet de la crise économique et des flux importants d’immigration pour raisons humanitaires en 2014‑16. Au cours des années qui ont précédé la crise économique mondiale, plusieurs pays de l’OCDE, notamment l’Europe du Sud, avaient enregistré une croissance économique soutenue et accueilli des flux d’immigration économique relativement importants. En conséquence, la part des immigrés récents s’élevait à 20 % environ dans l’UE28 en 2007, voire beaucoup plus dans des pays comme l’Irlande, l’Espagne, le Royaume‑Uni ou l’Italie (Graphique 2.6). La récession économique a contraint nombre de ces immigrés récents à retourner dans leur pays d’origine et a dissuadé d’autres candidats potentiels à l’émigration.
En 2013, année du pic de chômage dans l’UE, la part des immigrés récents avait reculé dans la plupart des pays de l’UE, de manière particulièrement notable en Irlande, en Espagne, en Italie, en Belgique et au Portugal. Dans l’ensemble de l’UE28, en 2013, la proportion d’immigrés récents n’atteignait que 15 %. En 2018, la part des immigrés récents dans la population née à l’étranger en âge de travailler s’élevait à 18 %.
Les pays non européens, comme les États‑Unis ou l’Australie, ont enregistré des fluctuations moins marquées. Ainsi, la part des immigrés arrivés récemment est restée stable aux États‑Unis depuis 2013, à 13 % environ. Elle a légèrement augmenté en Australie mais ne représentait que 7 % de la population immigrée totale en 2018.
Depuis 2007, la répartition par niveau d’études des immigrés récents d’âge actif (arrivés au cours des cinq dernières années) a beaucoup changé (Graphique 2.7) : la part des diplômés de l’enseignement supérieur a ainsi augmenté de 14 points de pourcentage dans l’UE et de 24 points de pourcentage aux États‑Unis. Autre élément frappant : la hausse de la part des immigrés récents originaires du Moyen‑Orient dans l’UE, de 2 % en 2007 à 8 % en 2018 (13 % si l’on tient compte des données relatives à l’Allemagne, qui ne sont pas décomposées par région de naissance avant 2018). Aux États‑Unis, la part des immigrés originaires d’Amérique du Sud et des Caraïbes dans les effectifs d’immigrés récents est passée de 15 à 21 %, tandis que celle des immigrés originaires d’Asie (Moyen‑Orient inclus) a progressé de 26 à 40 %. Par ailleurs, la part des immigrés récents venus du Mexique a quant à elle fortement reculé, de 32 à 12 %.
Le taux d’emploi des immigrés récents a beaucoup fluctué dans de nombreux pays de l’UE et aux États‑Unis entre 2007 et 2018, avec des variations généralement plus marquées que pour les immigrés installés. Dans l’UE, le taux d’emploi des immigrés récents ressortissants de pays extérieurs à l’UE n’a cessé de diminuer jusqu’en 2014 avant de se redresser légèrement (Graphique 2.8). À l’inverse, le taux d’emploi des immigrés récents nés dans un autre pays de l’UE ne cesse de progresser depuis 2012. À la fin de la période considérée, 75 % d’entre eux occupaient un emploi, soit une proportion plus élevée qu’en 2007. Aux États‑Unis, le taux d’emploi des immigrés arrivés récemment a diminué jusqu’en 2010, pour rester globalement stable par la suite, avec quelques signes de redressement dernièrement.
L’amélioration des taux d’emploi des immigrés récents est plus marquée dans les pays où ils étaient déjà élevés, comme en Irlande ou au Royaume‑Uni et, dans une moindre mesure, aux États‑Unis. En revanche, le taux d’emploi des immigrés récents est resté quasiment inchangé dans les pays où leur situation était la moins favorable en 2013 : c’est ce qui s’est produit en Italie, en Grèce et en France, où 40 % environ seulement des immigrés récents occupaient un emploi en 2018, mais aussi en Suède et aux Pays‑Bas où leur taux d’emploi stagne à 50 % environ (Graphique 2.9).
Dans les pays qui ont enregistré des arrivées massives d’immigrés pour raisons humanitaires ces cinq dernières années, comme l’Allemagne, la Suède et l’Autriche, le taux d’emploi des immigrés récents est resté presque inchangé par comparaison avec celui de la cohorte arrivée entre 2008 et 2013. Les conditions économiques favorables couplées aux efforts supplémentaires consentis pour intégrer les nouveaux arrivants, pourraient avoir contribué à limiter la détérioration de la situation des immigrés récents sur les marchés du travail de ces pays.
Des taux d’emploi plus élevés souvent associés à une hausse de la part de travailleurs pauvres
En dépit de l’amélioration globale de la situation du marché du travail sur la période, la proportion de travailleurs immigrés vivant sous le seuil de pauvreté a augmenté dans de nombreux pays de l'UE, généralement à un rythme plus soutenu que pour les personnes nées dans le pays.
En 2017, dans l’Union européenne, 18 % environ des travailleurs immigrés âgés de 18 à 64 ans étaient pauvres, contre 8 % pour leurs homologues nés dans le pays (Graphique 2.10). Ces dix dernières années, l’écart entre personnes nées dans le pays et immigrés s’est creusé, pour passer de 6 points de pourcentage environ à près de 10 points de pourcentage. L’augmentation des taux de pauvreté parmi les travailleurs immigrés a été particulièrement marquée en Espagne et en Italie, où 30 % environ des travailleurs nés à l’étranger étaient pauvres en 2017‑18. Ces taux ont aussi augmenté rapidement depuis une dizaine d’années au Danemark, en Allemagne et aux Pays‑Bas, bien qu’ils ne soient pas aussi élevés qu’en Europe du Sud.
Dans certains pays européens comme la Belgique, la France, la Norvège la Suède, et les États‑Unis, la proportion de travailleurs immigrés vivant sous le seuil de pauvreté avait augmenté entre 2007 et 2013 avant de reculer quelque peu entre 2013 et 2017‑18. Enfin, au Royaume‑Uni, le taux de pauvreté des travailleurs immigrés a enregistré un recul modeste entre 2007 et 2017, alors que les travailleurs nés dans le pays ont vu leur risque de pauvreté s’accroître.
La forte concentration des travailleurs immigrés dans les emplois peu qualifiés est l’un des principaux facteurs expliquant la pauvreté des travailleurs. À l’échelle de l’OCDE, près d’un travailleur immigré sur cinq occupait un emploi peu qualifié en 2017, contre un travailleur né dans le pays sur dix (OCDE, 2019[2]). Ces proportions sont restées stables ces dix dernières années. C’est en Corée, aux États‑Unis et dans les pays d’Europe du Sud (hors Portugal) que ces proportions étaient les plus élevées, de même que les écarts avec les personnes nées dans le pays (OCDE/UE, 2019[3]). Les immigrées sont encore plus susceptibles que leurs homologues masculins d’occuper un emploi peu qualifié.
Les conditions de travail (nombre d’heures de travail, type de contrat, etc.) influent aussi sur les salaires et le revenu des ménages. Des études de l’OCDE ont montré que les conditions de travail des immigrés se sont globalement détériorées ces dernières années (OCDE/UE, 2019[3]). Dans une majorité de pays de l’OCDE, les immigrés (et surtout les femmes) sont plus nombreux à travailler à temps partiel (Graphique 2.11) et la proportion de ceux qui souhaitent travailler plus a augmenté. Bien que la part des contrats temporaires soit restée relativement stable ces dix dernières années dans la zone OCDE, elle a considérablement augmenté dans plusieurs pays, comme la France, l’Allemagne, l’Italie, la Grèce et le Danemark.
Évolutions récentes des politiques d’intégration dans la zone OCDE
Dans la plupart des pays, les afflux les plus importants de demandeurs d’asile et de réfugiés remontent maintenant à plusieurs années. Les responsables de l’action publique ont ainsi moins pour priorité d’organiser l’accueil des nouveaux arrivants que d’affiner les mesures d’intégration existantes, en veillant à ce que les ressources soient correctement utilisées et en répondant aux besoins de tous les groupes vulnérables, qu’ils soient dus à des flux humanitaires ou non. Cette section passe en revue les changements récents apportés aux politiques d’intégration dans les pays de l’OCDE ainsi qu’en Bulgarie, dans la Fédération de Russie et en Roumanie.
Les interventions précoces restent la clé d’une intégration réussie des nouveaux arrivants
Les pays continuent de créer des programmes d’intégration pour structurer les activités d’intégration précoce
Pendant toute la période 2017‑18 et jusqu’au début de l’année 2019, plusieurs pays de l’OCDE ont adopté des stratégies d’intégration précoce structurées ou des réformes importantes de mesures existantes. Pendant cette période, de nouveaux programmes ou stratégies ont par exemple été instaurés en Norvège, aux Pays‑Bas, en Belgique et en Pologne. Le gouvernement norvégien a présenté une nouvelle stratégie d’intégration fin 2018, ce qui a entraîné la révision de la Loi sur l’accueil, avec pour objectif d’améliorer les résultats et d’élargir l’accès aux cours d’accueil. Cette stratégie s’articule autour de quatre axes : éducation et qualifications ; travail ; intégration au quotidien ; droit à une vie exempte de contrôle social négatif. En mars 2018, les autorités néerlandaises ont lancé le programme « Migration intégrale » qui définit plusieurs objectifs d’action à long terme et accentue la nécessité de coordonner les différents acteurs. Outre les objectifs liés à la politique migratoire, ce programme cherche à renforcer les efforts d’intégration, notamment à un stade précoce.
En Belgique, le programme d’intégration de la Communauté germanophone est devenu obligatoire en janvier 2018 pour la plupart des étrangers adultes recensés au niveau local et possédant un permis de séjour de plus de trois mois.
En Pologne, depuis 2018‑19, tous les résidents étrangers peuvent bénéficier d’une aide à l’intégration globale. Cette aide est disponible dans tout le pays sous la forme de projets sur deux ou trois ans mis en place par les gouverneurs provinciaux en collaboration avec des ONG et avec le soutien du Fonds Asile, migration et intégration (FAMI) de l’Union européenne. Depuis 2018, les titulaires d’un permis de travail peuvent également percevoir une allocation d’éducation pour leurs enfants et, depuis 2019, ils peuvent aussi bénéficier d’une allocation de logement au titre du programme Flat for Start.
La Colombie a également présenté une nouvelle stratégie en novembre 2018 face à l’afflux massif de Vénézuéliens. Cette stratégie consiste à répondre aux besoins fondamentaux des nouveaux arrivants, notamment services de santé, aide à l’éducation et à la petite enfance, mesures d’insertion professionnelle, aide au logement et mesures de sécurité. Le budget devrait s’élever à 120 millions USD environ pour la période 2019‑21, notamment via l’Institut colombien de protection de la famille.
Lorsque des programmes d’accueil existent depuis un certain temps, les services sont restructurés
Dans la plupart des pays ayant mis en place des programmes d’accueil depuis plusieurs années, les nouvelles mesures prises visent à renforcer l’efficacité et à améliorer l’organisation et la coordination entre ces programmes.
En Allemagne, le nouvel accord de coalition de mars 2018 prévoit plusieurs mesures d’intégration, notamment en vue d’améliorer la coordination entre le niveau fédéral, les Länder et les communes. L’un des objectifs affichés est de mieux encadrer les cours d’intégration afin de cibler des groupes particuliers et de personnaliser les cours en fonction des compétences des participants. Parallèlement, les personnes susceptibles de rester assez longtemps en Allemagne devraient bénéficier de cours de langue et d’offres d’emploi. D’autres mesures visent à améliorer l’insertion professionnelle des personnes dont le départ a déjà été suspendu pendant plusieurs années.
La France a adopté une nouvelle loi sur l’asile et l’immigration pendant l’été 2018 avec entre autres objectifs d’améliorer l’efficacité de la politique d’intégration. Pour ce faire, le gouvernement prévoit de renforcer les aides sociales et administratives à compter de 2019, afin d’aider les nouveaux arrivants (santé, droits sociaux, formation, etc.) pendant les premiers mois suivant l’obtention du statut de réfugié. En outre, les fonds alloués au programme HOPE (Hébergement, orientation, parcours vers l’emploi) sont multipliés par trois, ce qui permet d’obtenir huit mois de cours de langue et d’apprentissage dans des secteurs en tension comme le bâtiment. Il est également prévu de mettre à disposition 20 000 unités d’hébergement supplémentaires pour les réfugiés d’ici la fin de l’année, de créer des structures spécialisées pour les femmes réfugiées vulnérables et de faciliter la gestion des syndromes post-traumatiques.
Pour faire face à l’afflux récent de demandeurs d’asile en Suède, les fonds versés aux communes et aux comtés qui reçoivent le plus grand nombre de demandeurs d’asile et de nouveaux arrivants ont été relevés en 2017‑18. On a également augmenté les ressources attribuées aux programmes des partenaires sociaux sur les « parcours accélérés » (instruction, formation ou expérience professionnelle) destinés aux réfugiés dans des secteurs où la demande de main-d’œuvre est forte.
Le Canada a aussi pris des mesures pour faire face à la hausse récente du nombre de demandeurs d’asile, notamment en augmentant les fonds alloués à l’hébergement temporaire dans les villes et provinces les plus concernées.
L’importance croissante de l’intégration transparaît également en Suisse, où il est désormais possible de lier la délivrance d’un permis de séjour à la signature d’un accord d’intégration. Celui-ci devient obligatoire et en cas de non-respect, la personne peut être sanctionnée (et passer par exemple d’un permis de séjour illimité à un permis de séjour renouvelable).
La Belgique a approuvé un nouveau plan en mars 2018 destiné à réduire le nombre de places d’accueil pour les demandeurs de protection internationale. Le réseau d’accueil reviendrait ainsi à sa capacité « structurelle » d’avant l’afflux massif de demandeurs de protection internationale en 2015‑16. D’autres changements ont été apportés à la procédure de demande d’asile, pour dissuader les demandeurs d’asile de faire une deuxième demande.
Les cours de langue restent une priorité de l’intégration…
La barrière de la langue occupe une place importante parmi les difficultés d’intégration des immigrés. De nombreux pays ont pris des mesures pour améliorer la maîtrise de la langue par les immigrés, y compris l’Allemagne, la France, la Belgique, la Pologne, la Norvège, la Grèce et l’Estonie. Ainsi, le nouvel accord de coalition allemand prévoit de développer l’apprentissage de l’allemand, en Allemagne et à l’étranger. Cela représente par exemple, des programmes d’enseignement professionnel avec cours de langue intégrés, notamment dans le secteur des soins de longue durée.
En France, depuis 2019, la durée standard des cours de langue a doublé, passant de 200 à 400 heures au maximum. En outre, 600 heures de cours sont prévues pour les immigrés qui ne savent pas lire ou écrire (environ 3 500 personnes concernées) et un dispositif de garde d’enfants est prévu pour que les parents puissent plus facilement suivre les cours. Il est désormais obligatoire d’atteindre le niveau A1 du Cadre européen commun de référence pour les langues (CECR) pour obtenir un contrat d’intégration républicaine et/ou une carte de résident de longue durée/permanent en France. Des mesures analogues s’appliquent en Autriche, en Belgique (Communauté flamande) et en République tchèque. Dans la même veine, le niveau B1 doit être atteint en Autriche, en Estonie et en France pour acquérir la nationalité. Enfin, depuis 2018, en Suisse, il faut, pour être naturalisé, maîtriser l’une des langues officielles suisses au niveau B1 minimum à l’oral et A2 à l’écrit.
En juillet 2018, les principes applicables à une nouvelle politique linguistique en Belgique ont été approuvés (« politique linguistique dans le cadre d’une politique d’intégration horizontale »). Ils stipulent que la langue constitue un facteur essentiel de participation et que la participation est cruciale pour développer ses compétences linguistiques. De plus, l’apprentissage des langues est un progrès social, qui nécessite des interactions, de la motivation, un cadre d’apprentissage sûr, un rôle actif de l’apprenant et un contexte pertinent.
En Pologne, une Loi modifiée sur les étrangers est entrée en vigueur en février 2018. Elle subordonne le droit de séjour permanent à la maîtrise du polonais (niveau B1 ou certificat adéquat), sauf pour les enfants de moins de 16 ans, les bénéficiaires d’une protection internationale, les victimes de trafic humain et les étrangers d’origine polonaise. En outre, depuis 2018, tous les résidents étrangers peuvent suivre des cours gratuits de langue et d’adaptation (adultes et enfants scolarisés dans des écoles polonaises). D’autres mesures existent, notamment une formation interculturelle pour les enseignants polonais et les employés des services sociaux, ainsi que des événements d’intégration. De plus, les titulaires d’un permis de travail peuvent désormais percevoir une allocation scolaire pour leurs enfants.
Plusieurs pays scandinaves ont également pris des mesures pour renforcer la composante linguistique en rendant les cours de langue obligatoires dans le cadre de leur politique d’intégration. En Norvège, les cours de langue pour les demandeurs d’asile en centres d’accueil sont obligatoires depuis septembre 2018. Les demandeurs d’asile doivent suivre 175 heures de cours de norvégien. Les communes sont maintenant obligées de fournir ces cours – démarche auparavant facultative. La Suède envisage également des cours de langue obligatoires pour les demandeurs d’asile. Les autorités nationales ont également décidé de consacrer 9.3 millions EUR par an à la formation des enseignants pouvant enseigner le suédois aux immigrés. Cette somme permettra par exemple aux enseignants de percevoir 80 % de leur salaire pendant leur formation sur le suédois en tant que deuxième langue.
En Grèce, le ministère de la Politique migratoire a annoncé l’instauration de nouveaux programmes d’instruction linguistique et culturelle destinés aux réfugiés. Cette stratégie a pour objectif d’atteindre 10 000 réfugiés par an, tandis que les enfants suivront des cours de langue accélérés pour faciliter leur scolarisation.
En Estonie, un amendement à la Loi sur la nationalité a été adopté début 2019 afin de mettre en place des cours d’estonien gratuits pour les adultes qui souhaitent obtenir la nationalité estonienne, sous réserve qu’ils vivent légalement en Estonie depuis au moins cinq ans et qu’ils remplissent toutes les conditions nécessaires pour demander la nationalité. Ces cours de langue peuvent prendre la forme d’un congé-formation rémunéré. Par ailleurs, les personnes ayant suivi une formation en estonien ne sont pas obligées de passer l’examen de langue et les personnes âgées de 65 ans ou plus ne passent que l’épreuve orale.
…tandis que les pays cherchent de plus en plus à améliorer la qualité des cours de langue
Outre les efforts consentis pour élargir l’accès aux cours de langue, les pays de l’OCDE cherchent également à en améliorer la qualité. L’accord de coalition adopté par le gouvernement allemand en mars 2018 prévoit par exemple d’améliorer la qualité des cours de langue (« cours d’intégration ») en ciblant plus précisément les groupes concernés. Parallèlement, des sanctions renforcées seront imposées en cas de non-participation. Des incitations supplémentaires et d’autres mesures seront également prises à l’appui des cours de langue. Les cours d’accueil et d’intégration comprendront également un volet numérique.
En janvier 2018, pour réussir à recruter des enseignants dans les territoires et les régions isolées, l’Australie a facilité l’accès des immigrés adultes aux cours de langue (Adult Migrant English Program – AMEP) en élargissant les qualifications acceptées pour devenir enseignant au titre de l’AMEP. Dans la même veine, l’Agence belge de l’intégration et de l’intégration civique a lancé en 2018 un projet pilote visant à engager des interprètes et des traducteurs sociaux « en formation » dans les administrations et agences locales.
Aux Pays‑Bas, les autorités locales cherchent à réglementer le recours aux interprètes et à améliorer la qualité de l’interprétation. La Norvège travaille à une nouvelle Loi sur l’interprétation, qui réglementera le recours aux interprètes dans le secteur public et précisera les responsabilités afin de donner des orientations et des informations à cet égard. La Suède a lancé une enquête publique sur les interprètes visant à améliorer l’accès à la formation pour les interprètes et à rendre leur utilisation plus efficace. Par ailleurs, la nouvelle Loi française sur l’asile met spécifiquement l’accent sur l’amélioration des cours de langue, avec des classes plus petites et plus homogènes, et des outils pédagogiques plus modernes.
L’éducation civique à l’appui de la cohésion sociale
Les cours d’instruction civique prennent une place de plus en plus importante dans les stratégies d’intégration des pays de l’OCDE. Ces cours ont pour objectif de donner aux immigrés des informations sur le pays d’accueil, son histoire, son fonctionnement et ses valeurs, afin de promouvoir la cohésion sociale et d’aider les nouveaux arrivants à s’adapter et à vivre de manière autonome. Plusieurs pays de l’OCDE ont instauré de nouvelles mesures pour faciliter l’intégration civique et sociale au sens large. La Lettonie et la Lituanie, par exemple, ont établi des centres régionaux proposant aux immigrés des informations et des conseils sur les services publics et les mesures d’aide. En 2018, l’Allemagne a lancé un projet type de cours d’accueil dans la langue du pays d’origine dans les centres AnkER destinés aux demandeurs d’asile. Ces cours portent essentiellement sur la culture allemande et les étapes suivantes du processus de demande d’asile. De même, la Norvège a modifié le périmètre des activités d’accueil pour y inclure les demandeurs d’asile. Depuis juin 2018, les communes doivent également prodiguer aux demandeurs d’asile hébergés en centre d’accueil des cours de langue, mais aussi sur la culture et les valeurs du pays.
La Belgique et les Pays‑Bas ont aussi mis en place de nouvelles mesures d’éducation civique. En 2018, les autorités flamandes ont approuvé un projet de modification du Décret d’intégration et d’intégration civique. Les changements proposés permettent de mettre en œuvre des programmes d’éducation civique plus souples (par ex., combinés avec un emploi ou une formation). En outre, les commissions communautaires flamande, française et commune sont parvenues à un premier accord sur l’intégration civique à Bruxelles, qui entrera en vigueur en 2020. À compter de cette date, les nouveaux arrivants à Bruxelles provenant de pays hors EEE devront suivre le programme d’intégration civique actuellement facultatif. Ils pourront choisir entre le programme proposé par la Communauté flamande et celui proposé par la Communauté française. En Flandre et en région wallonne, le programme est déjà obligatoire pour les nouveaux arrivants de pays tiers et facultatif pour les ressortissants européens.
Une profonde réforme du système d’intégration civique sera également entreprise en 2019 aux Pays‑Bas. Les autorités souhaitent que les communes (plutôt que les immigrés eux-mêmes) prennent en charge l’organisation des cours d’intégration civique. Le nouveau système vise à proposer une approche personnalisée à chaque nouvel arrivant. Les familles avec enfants et les mineurs non accompagnés ont désormais le droit et l’obligation de participer à des cours d’accueil. Les communes doivent également financer les cours sur les fonds du pouvoir central, en surveiller la qualité et définir des plans d’intégration individuels avec chaque immigré. Les Pays‑Bas ont également relevé le niveau de langue nécessaire pour obtenir l’examen d’intégration civique de A2 à B1.
Enfin, en France, une réforme du contrat d’intégration républicaine (CIR) adoptée en 2018 pour les nouveaux arrivants obtenant une carte de séjour prévoit le renforcement de l’instruction civique. Les cours d’éducation civique passent de 12 à 24 heures et s’étalent sur plusieurs sessions, au lieu de se concentrer au début. Pour les participants qui ne maîtrisent pas le français, l’accent est mis sur le contenu du pacte républicain (valeurs de la République, laïcité, égalité entre les femmes et les hommes), et la formation, plus adaptée, prévoit des intervenants extérieurs et des visites. D’autres mesures connexes existent : doubler le nombre d’ateliers en direction des parents à l’école pour améliorer les chances de réussite de leurs enfants (10 000 parents bénéficiaires en 2019), étendre les bourses sur critères sociaux aux jeunes bénéficiant d’une protection subsidiaire et l’attribution d’un chèque-culture de 500 euros aux jeunes étrangers en situation régulière.
L’insertion professionnelle rapide reste une priorité des programmes d’action
Au cours des années précédentes, de nombreux pays de l’OCDE ont mis en œuvre des mesures visant à réduire les obstacles à l’embauche des immigrés, dans la mesure où l’insertion professionnelle reste essentielle pour faire naître un sentiment d’appartenance à la société du pays d’accueil. En février 2018, l’Irlande a instauré pour les demandeurs d’asile un nouveau droit à travailler en supprimant les dispositions précédentes de la Loi de protection internationale de 2015, lesquelles interdisaient l’accès au travail aux demandeurs de protection internationale.
En outre, depuis fin 2017, en Estonie, la caisse d’allocations chômage propose un service, « Mon premier emploi en Estonie », qui cible les demandeurs d’asile et les bénéficiaires d’une protection internationale. Les employeurs peuvent percevoir des subventions salariales s’ils emploient des bénéficiaires d’une protection internationale. De plus, certains coûts sont remboursés (services de traduction, cours d’estonien ou formation professionnelle) et une prime au tutorat a été instaurée début 2018.
Les efforts déployés pour faciliter l’insertion professionnelle des bénéficiaires d’une protection internationale se sont également poursuivis en Bulgarie. Parmi les nouvelles mesures du programme de 2018 figurent des sessions de recrutement spécialement destinées à ces personnes et organisées par le Service national de l’emploi (SNE) ainsi que des incitations en direction des employeurs pour embaucher des réfugiés (les bénéficiaires doivent cependant être inscrits au SNE).
Pour faciliter une insertion rapide sur le marché du travail, la Suisse a lancé un nouveau programme de « préapprentissage » pour les réfugiés et les personnes admises provisoirement. Au milieu de l’année 2018, la Confédération a conclu des accords avec 18 cantons et les premiers contrats d’apprentissage ont démarré en août 2018. Les cantons perçoivent 13 000 CHF par contrat d’apprentissage et par an pour 3 600 personnes maximum, pendant les quatre années du programme. Le 1er janvier 2019, des mesures facilitant l’accès des réfugiés et des personnes admises provisoirement au marché du travail sont également entrées en vigueur, les personnes concernées pouvant désormais accepter un emploi après en avoir simplement informé les autorités en charge du marché du travail.
Enfin, la nouvelle loi française sur l’asile et l’immigration comprend également des mesures visant à promouvoir l’insertion professionnelle. Il est notamment prévu de mobiliser les réseaux d’entreprises pour faciliter la mise en relation des demandeurs d’emploi et des offres adaptées à leurs compétences, de mettre en place des cours de langue adaptés aux besoins des travailleurs dans chaque région et de réduire de neuf à six mois le temps d’attente avant de pouvoir accéder au marché du travail.
L’évaluation des compétences et la reconnaissance des titres et diplômes officiels continuent de se développer
Dans la logique de la personnalisation des politiques d’intégration selon les besoins et la situation des individus, il convient également, pour qu’une mesure d’intégration soit efficace, de partir des compétences et de l’expérience que possèdent déjà les immigrés pour les aider à valoriser, renforcer et utiliser leurs qualifications et leurs aptitudes. L’évaluation des compétences joue à cet égard un rôle important et aide aussi à diminuer l’incertitude des employeurs quant aux compétences des immigrés.
La Norvège prévoit d’élargir la reconnaissance des compétences professionnelles à de nouveaux programmes et pays. Comme il est généralement difficile de trouver des formations passerelles adaptées pour les professions réglementées, un nouveau projet a été lancé en août 2018 pour proposer des formations complémentaires aux réfugiés diplômés en science ou technologie (ingénieurs) afin d’améliorer leur employabilité. Ces formations passerelles sont utiles aux immigrés pour qu’ils puissent rapidement combler leurs lacunes et obtenir une validation complète de leurs acquis afin de faciliter leur insertion professionnelle (OCDE, 2017[4]).
D’autres pays ont également pris des mesures pour faciliter la reconnaissance des titres et diplômes professionnels, comme l’Allemagne ou le Chili. Le projet de loi sur les travailleurs immigrés qualifiés adopté par le gouvernement allemand en décembre 2018 propose d’accélérer les procédures de reconnaissance des titres et diplômes étrangers et d’améliorer l’efficacité et la transparence des démarches administratives. Ce projet de loi, qui doit encore être soumis au Parlement, pourrait, s’il est adopté, entrer en vigueur début 2020. La nouvelle politique migratoire chilienne vise également à faciliter la procédure de reconnaissance des titres et diplômes professionnels. Les diplômes professionnels obtenus à l’étranger peuvent désormais être validés par toutes les universités agréées sous certaines conditions. En outre, si une université a déjà validé un diplôme professionnel, les demandes suivantes concernant le même diplôme seront accélérées.
Pour aider les immigrés à valoriser, renforcer et utiliser leurs compétences de manière individualisée, les acquis informels doivent également être pris en compte. En France, la loi sur l’asile et l’immigration prévoit certaines dispositions facilitant l’évaluation et la validation des acquis informels des nouveaux arrivants. Dans ce contexte, mille parcours de validation des acquis de l’expérience (VAE) sont prévus pour les nouveaux arrivants.
Les mesures sont de plus en plus ciblées sur les groupes les plus vulnérables, comme les jeunes…
Même si nombre des initiatives publiques présentées dans ce chapitre ont été entreprises à la suite de l’afflux massif de demandeurs d’asile et de réfugiés arrivés en 2015‑16, d’autres groupes font de plus en plus l’objet de mesures particulières, comme les individus très peu qualifiés ou les enfants (surtout non accompagnés).
En Australie, les services Youth Transition Support (services d’accueil des jeunes admis pour raisons humanitaires et autres jeunes immigrés vulnérables) ont été prolongés jusqu’en décembre 2019. La Norvège applique également de nouvelles dispositions législatives pour les personnes les plus vulnérables. Par exemple, les mineurs accompagnés âgés de 16 à 18 ans peuvent désormais obtenir un permis de séjour illimité si les autorités en charge de l’immigration en font la demande. En outre, les mineurs non accompagnés ayant déjà un permis de séjour limité dans le temps peuvent maintenant voir leur dossier réexaminé. De plus, en Norvège, depuis septembre 2018, les familles avec enfants et les demandeurs d’asile mineurs non accompagnés sans papiers d’identité ont également le droit et l’obligation de suivre des cours de norvégien et des études sociales. Également, le Canada a développé un programme innovant d’intégration destiné à aider les jeunes immigrés vulnérables.
…et les femmes
Malgré les difficultés supplémentaires auxquelles on sait que les femmes immigrées sont confrontées par rapport aux hommes sur le marché du travail, les initiatives qui leur sont réservées étaient jusqu’à présent rares. Toutefois, le fait de laisser les femmes immigrées en marge du marché du travail et de la société a de telles conséquences à long terme et d’une génération à l’autre que les pays ont décidé de s’attaquer aux obstacles particuliers auxquels elles font face pour s’intégrer.
Pour améliorer le taux d’activité et la promotion professionnelle des femmes, le Canada a lancé un projet pilote sur les femmes de minorités visibles. Ce pilote bénéficiera de plus de 21.7 millions EUR sur trois ans. Par ailleurs, pour réduire les différences en termes d’emploi, le ministère danois de l’Immigration et de l’Intégration a annoncé en octobre 2018 que 18.8 millions EUR sur quatre ans seraient consacrés à l’amélioration de l’emploi des femmes immigrées, notamment celles qui vivent au Danemark depuis de nombreuses années. Les fonds ainsi réservés visent à aider les communes à proposer aux femmes concernées des formations, des interlocuteurs et des tuteurs. Les Pays‑Bas ont également mis en place des mesures ciblées.
L’amélioration du taux d’emploi des femmes nées à l’étranger constitue une priorité de la politique d’intégration en Suède. Le Service public de l’emploi a élaboré un plan d’action destiné à réduire le taux de chômage des femmes nées à l’étranger. Les autorités ont également prévu des aides aux communes pour proposer aux nouveaux arrivants en congé parental des cours de langue et d’accueil ainsi que des services de garde. En outre, le gouvernement a proposé de modifier les dispositions du système d’assurance qui concernent particulièrement les parents venant s’installer en Suède avec leurs enfants.
Comme en Suède et au Canada, l’intégration des femmes immigrées fait également partie des principales priorités en Allemagne. Le Bureau fédéral allemand des migrations et des réfugiés (BAMF) finance des cours d’intégration ciblés sur les femmes immigrées. Le programme est adapté en continu pour mieux répondre aux besoins de ces femmes. D’autres mesures ont été prises : le programme Stark Im Beruf (« Fortes au travail ») financé par le ministère fédéral des Affaires familiales, des Personnes âgées, des Femmes et de la Jeunesse (BMFSFJ) et le Fonds social européen (FSE), vise à encourager l’insertion professionnelle des mères issues de l’immigration et à leur faciliter l’accès aux offres disponibles. Depuis février 2015, le programme Stark Im Beruf a été à l’origine de 90 projets environ sur tout le territoire pour soutenir des mères de famille, les aider à améliorer leur maîtrise de l’allemand, faire évaluer leurs compétences et reconnaître leurs qualifications, et les accompagner depuis une formation professionnelle (par le biais d’un stage, d’un apprentissage ou d’un diplôme supplémentaire) jusqu’à leur premier emploi.
De nombreux pays mettent de plus en plus l’accent sur l’intégration scolaire des enfants
Courant 2018, plusieurs pays de l’OCDE ont mis en œuvre des mesures visant à améliorer l’intégration des enfants issus de l’immigration. Les autorités australiennes ont, par exemple, réservé plus de 310 millions EUR sur les quatre prochaines années à l’Inclusion Support Programme (ISP), dont l’objectif est d’améliorer l’accès aux structures de préscolarisation et le taux d’inscription des enfants ayant des besoins spécifiques, parmi lesquels les enfants issus de l’immigration sont surreprésentés. Par ailleurs, en Pologne, le programme d’aide globale, débutant en 2018‑19, met l’accent sur les enfants scolarisés. En outre, les titulaires d’un permis de travail peuvent désormais percevoir une allocation d’éducation pour couvrir les frais de scolarité de leurs enfants. Le Danemark a renforcé ses efforts d’intégration en direction des jeunes enfants avec un plan proposé en mars 2018 par le ministère danois de l’Économie et de l’Intérieur. Il est prévu notamment des services de garde obligatoire et des cours de langue avant l’entrée à l’école ainsi que des incitations supplémentaires pour les parents, par le biais d’un congé parental facilité et de la suppression potentielle des allocations pour enfant à charge.
La Belgique a relancé son Plan stratégique sur la compréhension de l’écrit en septembre 2018. Le plan révisé privilégie notamment les actions menées pour renforcer la préscolarisation des enfants de deux ans et demi à cinq ans, avec une attention particulière accordée aux enfants issus de l’immigration et à leurs parents. Un nouveau projet est également lancé sur les modèles d’identification dans les établissements secondaires. En Bulgarie, une nouvelle réglementation a également été adoptée sur l’accès à l’instruction et la scolarisation des mineurs non accompagnés et des enfants de demandeurs d’asile et de réfugiés.
Aux États‑Unis, l’Office for Refugees Resettlement a lancé en 2018 une nouvelle initiative de tutorat pour les jeunes afin d’accompagner les progrès scolaires et professionnels des jeunes et d’encourager l’esprit civique et la cohésion sociale. Le programme, Youth Mentoring Programme, prévoit des échanges entre les jeunes réfugiés et leur tuteur désigné ainsi qu’un accompagnement scolaire et professionnel individualisé.
Les mesures de lutte contre les discriminations et les mesures favorisant la diversité restent des instruments d’intégration majeurs
Tout au long de 2018, plusieurs pays de l’OCDE ont, soit adopté de nouvelles mesures, soit renforcé des mesures existantes pour lutter contre les discriminations. La Norvège a mis en œuvre en janvier 2018 une nouvelle Loi complète pour l’égalité et contre les discriminations, qui prévoit entre autres la création d’un nouveau tribunal anti-discrimination. En Slovénie, la Loi sur l’offre de services transfrontaliers, entrée en vigueur en janvier 2018, prévoit de nouvelles dispositions contre les discriminations sur le marché du travail. En Belgique, un Décret royal prévoit la mise en œuvre d’actions positives dans le secteur privé. Les employeurs peuvent ainsi réserver des stages ou des postes à des groupes défavorisés spécifiques. Les mesures anti-discriminations concernent également le logement : le ministère belge du Logement a par exemple lancé un plan d’action contre les discriminations au logement dans le secteur privé.
Un rôle accru pour les autorités locales
L’augmentation récente de nouveaux arrivants ayant des besoins d’intégration particuliers a mis en lumière les lacunes des cadres d’intégration – notamment, mais pas uniquement, en termes de capacités. Dans la mesure où les autorités locales sont en première ligne, elles ont dû trouver des solutions pour remédier aux difficultés, du moins au moment de l’accueil.
Les autorités canadiennes continuent d’encourager l’émigration vers les régions et les zones rurales du pays. Le Canada avait déjà lancé en 2017 un programme pilote d’immigration au Canada atlantique afin d’encourager les installations dans les quatre Provinces atlantiques pour remédier aux difficultés d’ordre démographique, combler les pénuries de main-d’œuvre et soutenir la croissance économique. L’une des principales caractéristiques de ce programme tient au rôle accru d’intégration joué par les employeurs, en partenariat avec les services fédéraux et provinciaux d’accueil des immigrés, pour favoriser une installation durable des nouveaux arrivants. Les employeurs sont chargés d’élaborer un plan d’installation pour chaque immigré et sa famille. Fort de cette expérience, le programme pilote d’immigration dans les communautés rurales et du Nord a été annoncé en janvier 2019. Ce nouveau pilote, prévu sur cinq ans, mobilise les collectivités rurales et certaines autorités provinciales et territoriales. Les collectivités participantes disposent d’un ensemble de services pour aider les nouveaux arrivants à s’installer. Le pilote vise à tester de nouvelles approches locales pour répondre aux besoins du marché du travail de zones plus petites et faire en sorte que les immigrés soient plus nombreux à s’installer durablement dans ces territoires. Cette initiative porte sur certaines collectivités de l’Ontario, de la région ouest du Canada et des Territoires.
D’autres pays de l’OCDE insistent également de plus en plus sur l’importance de l’intégration au niveau local. Les autorités slovaques ont par exemple adopté en octobre 2018 une Stratégie sur la mobilité professionnelle des étrangers, qui vise à promouvoir l’intégration des immigrés au niveau local afin de combler les pénuries locales. Les communes jouent également un rôle important dans la nouvelle politique d’intégration néerlandaise.
Le suivi et l’évaluation influencent de plus en plus la conception et l’innovation dans les politiques d’intégration
Pour mieux réagir à l’évolution de la demande de services d’intégration, les pays de l’OCDE ont mis au point de nouveaux instruments de suivi et d’évaluation. La Belgique et l’Irlande ont ainsi publié récemment les résultats d’une nouvelle enquête sur la participation des immigrés et les réactions face à l’immigration. En parallèle, la Belgique élabore une série d’indicateurs et s’efforce d’améliorer la collecte de données. De même, dans le cadre du nouvel accord de coalition, l’Allemagne prévoit un mécanisme de suivi de l’intégration. La Corée mène également un projet de recherche sur des indicateurs, tandis que les Pays‑Bas élargissent le périmètre de leurs indicateurs concernant l’intégration.
Le Canada travaille sur trois grands projets qui devraient améliorer l’évaluation d’impact du programme d’installation : croisement de la base de données sur l’installation avec les données relatives à l’immigration, au recensement, aux impôts et au marché du travail pour aider à interpréter les résultats des nouveaux arrivants ; réalisation de grandes enquêtes annuelles comparant utilisateurs et non-utilisateurs des services (60 000 personnes) ; et formation d’une équipe chargée d’analyser les résultats au sein du ministère. Le Canada a réalisé une évaluation des services de pré-installation et une évaluation des cours de langue est actuellement menée pour mesurer les résultats et déterminer le meilleur modèle de service possible.
Accompagnement et protection sociale des nouveaux arrivants : les pays suivent des voies divergentes
À la suite de changements politiques, certains pays de l’OCDE ont décidé de limiter l’accès des immigrés aux prestations sociales. Une nouvelle loi a été adoptée en janvier 2019 en Autriche, par laquelle les prestations familiales sont adaptées à une valeur proportionnelle au pouvoir d’achat du pays d’origine pour les ressortissants de l’UE qui travaillent en Autriche. De plus, en novembre 2018, une nouvelle loi est passée pour réformer le mécanisme de revenu minimum sous condition de ressources. Le montant est inférieur pour les demandeurs qui n’ont pas suivi leur scolarité obligatoire en Autriche et n’atteignent pas le niveau intermédiaire (B1) en allemand ni le niveau avancé (C1) en anglais. La réforme prévoit aussi l’ajustement des allocations pour enfant à charge, ce qui entraîne dans la majorité des cas une réduction des allocations à partir du deuxième et surtout du troisième enfant.
En mars 2018, le ministère danois de l’Économie et de l’Intérieur a publié un plan comprenant toute une série de mesures visant à démanteler les « ghettos » d’immigrés d’ici 2030. Ce plan prévoit des aménagements dans les zones identifiées comme « ghettos » et des restrictions concernant la mobilité, notamment pour les bénéficiaires de prestations qui prévoient de déménager dans ces zones. Les mesures proposées comprennent la suppression éventuelle des allocations pour enfant à charge.
Parallèlement, d’autres pays de l’OCDE ont élargi l’accès des programmes de protection sociale à des groupes qui en étaient auparavant exclus. Au Chili, par exemple, la Loi sur l’immigration soumise au Parlement en avril 2018 garantit le droit à la santé et à l’éducation à chaque immigré selon les mêmes conditions que pour les citoyens, quelle que soit la catégorie d’immigration. Pour autant, si cette loi est adoptée, un séjour de deux ans minimum sera requis pour pouvoir prétendre au système de sécurité sociale général et donc percevoir des prestations sociales. Par ailleurs, en Norvège, en 2018, pour contribuer à faire en sorte que tous les immigrés bénéficient des services auxquels ils ont droit, 2 millions EUR ont été alloués à la communication en direction des familles immigrées qui ne mettent pas leurs enfants en maternelle.
Le rôle essentiel de la nationalité dans l’intégration
L’acquisition de la nationalité du pays d’accueil constitue un outil important de la politique d’intégration. Les conséquences en sont potentiellement significatives sur l’intégration des immigrés dans de nombreux domaines, comme le marché du travail, le logement, la langue, la participation électorale, etc.
Les conditions d’octroi de la naturalisation reposent de plus en plus sur les résultats en termes d’intégration plutôt que sur la durée du séjour
Au cours de l’année 2018, la tendance à accorder plus de poids aux résultats en termes d’intégration, plutôt qu’à la durée du séjour comme condition essentielle à l’acquisition de la nationalité s’est poursuivie. Les pays ont tendance à moins s’attacher au nombre d’années vécues dans le pays, par exemple en réduisant la durée du séjour légal obligatoire pour demander la naturalisation – en particulier lorsque l’exigence en la matière était auparavant élevée, tout en exigeant des preuves d’intégration dans certains domaines, notamment la maîtrise de la langue du pays d’accueil ou l’intégration civique.
Au Portugal, l’acquisition de la nationalité est désormais possible au bout de cinq ans, contre six auparavant. De même, en Suisse, la nouvelle Loi fédérale sur l’acquisition et la perte de la nationalité suisse, entrée en vigueur en janvier 2018, a réduit la durée de séjour minimum pour obtenir la nationalité, de 12 à 10 ans. Les années de résidence entre les âges de 8 et 18 ans sont comptées comme doubles ; auparavant, cela s’appliquait aux années de résidence des jeunes âgés de 10 à 20 ans. La résidence sur un permis provisoire « F » reçoit un demi crédit et les permis de courte-durée et demandes d’asiles ne sont pas pris en compte.
En parallèle, certains pays ont renforcé l’importance de la langue dans le processus de naturalisation. En Estonie, par exemple, un amendement à la Loi sur la nationalité, entré en vigueur début 2019, renforce l’importance de la maîtrise de la langue pour acquérir la nationalité. En Italie, où la demande de citoyenneté par résidence ou par mariage est désormais possible après quatre ans au lieu de deux, le demandeur doit démontrer qu'il dispose d’un niveau d’italien B1 au CECR. Un niveau intermédiaire (B1) est aussi exigé en Pologne pour permettre aux immigrés d’accéder à la citoyenneté. En Suisse, le seuil minimum dans l'une des quatre langues nationales est le niveau B1 de compétences orales et le niveau A2 de compétences écrites. Des discussions sont également en cours en Australie pour instaurer de nouvelles exigences en matière de langue.
De même, l’intégration civique prend une importance croissante pour la naturalisation. Les réformes entreprises en Australie sur la nationalité renforcent par exemple l’obligation pour les candidats de démontrer leur contribution à la société australienne, d’adhérer aux valeurs du pays et de faire la promesse de leur engagement envers l’Australie. En Suisse également, les candidats à la naturalisation doivent avoir un emploi ou suivre une formation et ne pas bénéficier des programmes d'aide sociale. Ils doivent connaître la Suisse, participer à des activités sociales et culturelles et avoir des contacts avec des citoyens suisses. Les demandeurs ayant des personnes à charge doivent être en mesure de subvenir à leurs besoins. Au Danemark, une loi entrée en vigueur en 2019 stipule que la procédure d'acquisition de la citoyenneté danoise doit inclure une poignée de main obligatoire. Ainsi, le certificat de naturalisation n'est délivré qu'après une poignée de main lors de la cérémonie.
Les pays de l’OCDE continuent de faciliter la naturalisation de certains groupes particuliers…
La République slovaque a simplifié sa procédure administrative générale de naturalisation en 2018. D’autres pays facilitent les procédures applicables à des groupes particuliers, comme les enfants d’immigrés. Au Portugal, les enfants de parents non ressortissants et de parents étrangers vivant au Portugal reçoivent désormais automatiquement la nationalité portugaise si au moins l’un des parents vivait déjà légalement au Portugal deux ans avant la naissance, contre cinq ans auparavant. La Roumanie a également assoupli l’octroi de la nationalité aux enfants d’immigrés. Une réforme de la Loi sur la nationalité bulgare, en cours d’examen, vise à faciliter l’octroi de la nationalité aux personnes d’origine bulgare pour lutter contre le déclin démographique. On cherche également à simplifier la procédure de naturalisation pour faciliter l’accès de certains groupes. Au Canada, par exemple, les juges de la citoyenneté doivent maintenant encourager activement l’acquisition de la nationalité parmi les nouveaux arrivants, notamment en se rapprochant des organisations à but non lucratif. En Slovénie, un nouvel amendement à la Loi sur la nationalité permet l’octroi de la nationalité slovène aux personnes dont la naturalisation est d’un intérêt particulier pour l’État (« naturalisation extraordinaire »).
En décembre 2018, la Fédération de Russie a adopté une nouvelle loi pour simplifier la procédure d’octroi de la nationalité pour certaines catégories d’étrangers. Cette loi élargit également la possibilité pour le Président d’accorder la nationalité à des étrangers vivant dans des pays touchés par des conflits armés ou par un changement de régime politique.
La nouvelle loi suisse sur la nationalité prévoit des assouplissements pour les personnes nées en Suisse de parents étrangers nés en Suisse. L’acquisition de la nationalité est aussi facilitée pour les descendants d’immigrés au Luxembourg, et pour la génération Windrush au Royaume‑Uni (personnes d’origine afro‑caribéenne vivant au Royaume‑Uni).
…tandis que la lutte contre le terrorisme trouve également un écho dans la politique de naturalisation
Dans le contexte de la lutte contre le terrorisme, les pays continuent d’étudier et d’appliquer la déchéance de nationalité pour les ressortissants possédant une double nationalité. Les Pays‑Bas ont par exemple instauré la possibilité de déchoir de leur nationalité néerlandaise des ressortissants possédant une double nationalité et ayant pris part à une organisation terroriste. En Norvège, un amendement à la Loi sur la Nationalité Norvégienne a été adopté en janvier 2019, en réponse aux phénomènes de radicalisation et d’extrémisme violent. Il prévoit la déchéance de nationalité pour les ressortissants possédant une double nationalité et ayant été condamnés pour des faits portant gravement préjudice aux intérêts vitaux de l’État. La décision de déchéance de nationalité est prise par le tribunal dans le cadre de l’action pénale.
Références
[2] OCDE (2019), Perspectives de l’emploi de l’OCDE 2019 : L’avenir du travail, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/b7e9e205-fr.
[1] OCDE (2019), Ready to Help? : Improving Resilience of Integration Systems for Refugees and other Vulnerable Migrants, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/9789264311312-en.
[4] OCDE (2017), Making Integration Work: Assessment and Recognition of Foreign Qualifications, Making Integration Work, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/9789264278271-en.
[3] OCDE/UE (2019), Trouver ses marques 2018 : Les indicateurs de l’intégration des immigrés, Éditions OCDE, Paris/Union européenne, Brussels, https://dx.doi.org/10.1787/9789264309234-fr.
Annexe 2.A.. Tableaux et graphiques supplémentaires
Tableau d’annexe 2.A.1. Situation sur le marché du travail des personnes nées à l’étranger selon le sexe dans les pays de l’OCDE, 2018 comparé à 2017
Pourcentages
Total |
Hommes |
Femmes |
|||||||
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Taux de chômage |
Taux d'emploi |
Taux de participation |
Taux de chômage |
Taux d'emploi |
Taux de participation |
Taux de chômage |
Taux d'emploi |
Taux de participation |
|
Allemagne |
6.0 |
69.5 |
73.9 |
6.6 |
76.7 |
82.1 |
5.1 |
61.8 |
65.2 |
Australie |
5.5 |
72.0 |
76.2 |
4.7 |
79.9 |
83.8 |
6.5 |
64.3 |
68.8 |
Autriche |
9.4 |
68.0 |
75.1 |
9.6 |
75.3 |
83.3 |
9.2 |
61.2 |
67.4 |
Belgique |
11.5 |
58.3 |
65.9 |
12.4 |
65.7 |
74.9 |
10.5 |
51.3 |
57.4 |
Canada |
6.4 |
72.3 |
77.3 |
6.0 |
78.4 |
83.4 |
6.7 |
66.6 |
71.4 |
Danemark |
9.8 |
66.4 |
73.6 |
9.0 |
72.6 |
79.7 |
10.7 |
60.4 |
67.7 |
Espagne |
20.7 |
61.6 |
77.6 |
19.1 |
68.5 |
84.6 |
22.3 |
55.6 |
71.6 |
Estonie |
7.9 |
70.1 |
76.1 |
7.9 |
74.1 |
80.4 |
7.9 |
66.5 |
72.2 |
États-Unis |
3.5 |
71.6 |
74.2 |
3.0 |
82.8 |
85.4 |
4.2 |
60.7 |
63.3 |
Finlande |
14.1 |
62.2 |
72.4 |
11.9 |
70.0 |
79.5 |
16.6 |
54.9 |
65.8 |
France |
14.6 |
58.5 |
68.5 |
13.8 |
67.9 |
78.7 |
15.6 |
50.3 |
59.6 |
Grèce |
28.6 |
52.8 |
73.9 |
22.9 |
67.9 |
88.1 |
35.2 |
40.4 |
62.3 |
Hongrie |
4.6 |
71.7 |
75.2 |
4.3 |
78.6 |
82.2 |
4.9 |
64.8 |
68.2 |
Irlande |
7.2 |
70.7 |
76.2 |
6.4 |
78.4 |
83.7 |
8.2 |
63.3 |
68.9 |
Islande |
5.1 |
82.5 |
87.0 |
n.r. |
87.1 |
91.8 |
n.r. |
78.0 |
82.2 |
Israël |
3.5 |
78.8 |
81.6 |
3.8 |
80.8 |
84.0 |
3.2 |
77.0 |
79.6 |
Italie |
13.7 |
60.9 |
70.6 |
11.9 |
73.9 |
83.8 |
15.8 |
50.2 |
59.6 |
Lettonie |
7.7 |
69.0 |
74.8 |
7.1 |
75.4 |
81.2 |
8.2 |
64.0 |
69.6 |
Lituanie |
7.4 |
71.1 |
76.8 |
8.0 |
73.6 |
80.0 |
6.9 |
68.9 |
74.0 |
Luxembourg |
6.4 |
71.4 |
76.3 |
5.9 |
75.4 |
80.2 |
7.0 |
67.2 |
72.3 |
Mexique |
4.1 |
51.8 |
54.1 |
4.2 |
66.8 |
69.7 |
4.1 |
36.7 |
38.3 |
Norvège |
7.9 |
69.7 |
75.6 |
7.5 |
74.1 |
80.1 |
8.3 |
65.1 |
71.0 |
Nouvelle-Zélande |
4.1 |
77.2 |
80.5 |
3.7 |
83.9 |
87.2 |
4.5 |
70.8 |
74.1 |
Pays-Bas |
7.0 |
64.9 |
69.8 |
6.1 |
73.5 |
78.3 |
7.9 |
57.5 |
62.5 |
Pologne |
4.7 |
73.0 |
76.6 |
4.2 |
78.7 |
82.2 |
5.4 |
66.4 |
70.2 |
Portugal |
8.5 |
75.1 |
82.1 |
6.9 |
79.7 |
85.6 |
10.0 |
71.3 |
79.2 |
République slovaque |
n.r. |
73.3 |
78.9 |
n.r. |
91.2 |
93.4 |
n.r. |
56.1 |
65.1 |
République tchèque |
2.5 |
79.4 |
81.4 |
1.8 |
88.1 |
89.8 |
3.4 |
70.0 |
72.5 |
Royaume-Uni |
4.7 |
73.7 |
77.3 |
3.9 |
82.6 |
86.0 |
5.6 |
65.5 |
69.4 |
Slovénie |
6.5 |
67.0 |
71.7 |
4.6 |
75.6 |
79.3 |
8.9 |
58.0 |
63.7 |
Suède |
15.7 |
66.7 |
79.1 |
15.4 |
70.5 |
83.3 |
16.0 |
63.0 |
75.0 |
Suisse |
7.9 |
76.6 |
83.1 |
7.0 |
83.8 |
90.1 |
8.9 |
69.3 |
76.1 |
Turquie |
12.1 |
47.4 |
53.9 |
11.1 |
68.5 |
77.1 |
14.3 |
27.9 |
32.6 |
Moyenne OCDE |
8.7 |
68.3 |
74.8 |
7.8 |
76.4 |
82.8 |
9.7 |
60.8 |
67.2 |
Total OCDE |
7.1 |
69.0 |
74.3 |
6.4 |
78.4 |
83.8 |
7.9 |
60.0 |
65.1 |
UE 28 |
10.6 |
66.0 |
73.8 |
9.9 |
74.4 |
82.6 |
11.4 |
58.2 |
65.7 |
Note : La couleur bleue (gris) désigne une augmentation (diminution) du taux d’activité ou d’emploi de plus d’1 point de pourcentage ou une diminution (augmentation) du taux de chômage de plus d’1 point de pourcentage. n.s. : non significatif. « Total OCDE » fait référence à la moyenne pondérée et « moyenne OCDE » à la moyenne arithmétique pour les pays présentés, sauf pour le Chili, la Corée et le Japon.
Source : Pays européens et Turquie : Enquêtes sur les forces de travail (Eurostat) ; Australie, Canada, Israël, Nouvelle‑Zélande : Enquêtes sur la population active ; Mexique : Encuesta Nacional de Ocupación y Empleo (ENOE) ; États‑Unis : Current Population Surveys.