Sur la période 2017-19, les transferts nets dispensés à leur secteur agricole par les 54 pays étudiés dans le présent rapport se sont montés à 619 milliards USD (542 milliards EUR) par an1. Ils se sont composés de 708 milliards USD (620 milliards EUR) versés au secteur agricole, diminués de taxes implicites acquittées par les agriculteurs dans certains pays s’établissant à 89 milliards USD (78 milliards EUR). Sur la totalité des transferts, les dépenses budgétaires au titre des différents programmes de soutien ont représenté 425 milliards USD (373 milliards EUR), le solde résultant du soutien des prix du marché.
Environ les trois quarts de l’ensemble des transferts positifs, plus précisément 536 milliards USD (469 milliards EUR) par an, ont été versés directement aux producteurs, la moitié de ce montant étant dispensée au moyen des instruments les plus susceptibles de fausser les marchés, en particulier le soutien des prix du marché et les subventions liées à la production et à l’utilisation sans contraintes d’intrants variables. Parallèlement, six pays, notamment l’Argentine et l’Inde, ont implicitement taxé leurs producteurs agricoles en appliquant des mesures qui ont minoré les prix intérieurs de certains produits. Même si elles abaissent globalement le niveau du soutien, ces taxes implicites n’en accentuent pas moins les distorsions du marché en général.
Parmi les changements notables intervenus en 2019 figurent des mesures importantes visant à accroître la contribution du secteur agricole à l’atténuation du changement climatique et d’autres initiatives destinées à améliorer la durabilité environnementale du secteur, ainsi que la conclusion ou l’entrée en vigueur de plusieurs accords commerciaux régionaux majeurs. De manière générale, toutefois, les réformes marquent le pas depuis quelques années et les formes de soutien qui créent des distorsions restent bien ancrées dans beaucoup des pays étudiés dans le présent rapport.
La conjoncture a brutalement changé début 2020 sous l’effet de la pandémie de COVID‑19. Les pouvoirs publics ont pris un large éventail de mesures en réponse à la propagation du virus et le confinement qui en a découlé. Ces réponses comprennent, entre autres, un soutien dispensé sous différentes formes aux agriculteurs et aux autres acteurs de la chaîne d’approvisionnement alimentaire ; des initiatives visant à maintenir en activité les chaînes d’approvisionnement agricoles et alimentaires ; et des mesures de soutien à l’intention des consommateurs et des populations vulnérables. Plusieurs pays ont agi résolument pour faciliter les échanges, tandis que d’autres restreignaient leurs exportations pour faire en sorte que leur marché intérieur soit approvisionné.
En 2016, les ministres de l’Agriculture des pays de l’OCDE se sont accordés à déclarer que des approches intégrées étaient nécessaires pour permettre aux secteurs agricole et alimentaire de devenir plus productifs, plus durables du point de vue environnemental et résilients face à tout type de risques. En ce qui concerne la productivité et la durabilité, les résultats obtenus sont mitigés :
La productivité agricole s’est améliorée dans l’ensemble des pays étudiés au cours de la dernière décennie, nonobstant de fortes variations des taux de croissance.
Les performances environnementales du secteur, mesurées par les indicateurs choisis, sont moins homogènes. La plupart des pays sont parvenus à améliorer leur bilan azoté ou voient au moins son solde augmenter moins vite que la productivité. Par ailleurs, dans la majorité des pays, les émissions de gaz à effet de serre (GES) par hectare continuent d’augmenter, quoique plus lentement que la productivité.
Les progrès dans le découplage entre la croissance de la productivité et les pressions exercées sur l’environnement mentionnées ci-dessus, ont ralenti au cours de la décennie écoulée, en écho à un essoufflement du mouvement de réformes observé dans les années 2000, pendant lesquelles les mesures faussant les marchés ont été affectées plus fortement.
Plusieurs stratégies sont envisageables pour aider l’agriculture à devenir plus productive, durable et résiliente, mais elles sont sous-employées par les pouvoirs publics.
Le soutien budgétaire au secteur agricole pourrait privilégier l’innovation et l’amélioration de l’environnement économique plus large. Cela permettrait aux systèmes agricoles et agro-alimentaires de répondre plus efficacement aux besoins de l’industrie, aux attentes de la société et aux pressions sur l’environnement. Pourtant, seul un huitième de la totalité du soutien est consacré aux systèmes d’innovation agricole, d’inspection et de contrôle, et aux infrastructures rurales.
Les pouvoirs publics pourraient mettre en place des paiements ciblés sur la fourniture de biens d’intérêt public ; néanmoins, les mesures de ce type ne sont adoptées que par une poignée de pays et représentent une petite partie du soutien total à l’agriculture.
Au contraire, dans la plupart des pays, les pouvoirs publics continuent de soutenir l’agriculture au moyen de mécanismes qui ne répondent pas efficacement à ces objectifs et vont souvent à leur encontre :
Plus des deux tiers des transferts publics totaux dont bénéficie le secteur dans l’ensemble des pays passent par les instruments qui ont le potentiel de créer le plus de distorsions. Ces formes de soutien ont une forte tendance à maintenir les agriculteurs dans des activités non compétitives et peu rémunératrices, qui nuisent à l’environnement, brident l’innovation, ralentissent l’évolution structurelle et intergénérationnelle et affaiblissent la résilience.
Le soutien des revenus est rarement un appui aux objectifs de productivité et de durabilité, et il est déconnecté des revenus totaux des ménages agricoles. Dans les cas où il est subordonné à des contraintes environnementales, les paiements ne sont généralement pas ciblés sur des résultats, ce qui limite leur efficacité.
Les mesures de gestion des risques visent rarement à aider le secteur à se préparer et à améliorer sa résilience à long terme. Dans leur majorité, les dispositifs reposent sur des mécanismes subventionnés d’assurance et de stabilisation ou sur des aides apportées au coup par coup en cas d’événement extrême, lesquels sont susceptibles d’étouffer les initiatives privées de gestion des risques.
Il est trop tôt pour évaluer les premières dispositions adoptées face au COVID‑19, mais l’absence de clause de caducité de certaines mesures de soutien liées à la production et l’assouplissement de la réglementation environnementale risquent de conduire à une rigidité institutionnelle pérenne problématique sur le plan économique et environnemental.