Perspectives économiques de l'OCDE, Volume 2022 Numéro 1

Irlande

Alors que les taux de vaccination contre le COVID-19 atteignent des niveaux élevés, la réouverture complète de l’économie favorise une reprise généralisée : le PIB devrait croître de 4.8 % en 2022 et de 2.7 % en 2023. La conjoncture alimente une amélioration sensible de l’emploi, tandis que l’excès d’épargne des ménages et les hausses de salaire soutiennent les dépenses de consommation. Toutefois, la montée des tensions inflationnistes, provoquée par les perturbations des chaînes d’approvisionnement mondiales et les craintes géopolitiques, entamera le revenu réel des ménages et bridera la croissance de la consommation.

Face aux évolutions défavorables, le gouvernement a pris des mesures pour protéger les ménages contre le niveau élevé des prix de l’énergie et apporter une aide aux réfugiés. Les mesures budgétaires supplémentaires devraient mieux cibler les ménages les plus pauvres, notamment en cas de nouveau renchérissement des produits alimentaires. En parallèle, l’affectation des plus-values de recettes fiscales réalisées au titre de l’impôt sur les sociétés à des fonds de réserve spécifiques renforcerait la viabilité des finances publiques.

L’activité des entreprises est solide, mais les pressions inflationnistes s’accentuent

Portée par l’amélioration de la situation épidémiologique grâce à des taux de vaccination élevés, la croissance économique a été vigoureuse au début de 2022. La production industrielle et les ventes au détail ont été bien supérieures à leurs niveaux antérieurs à la pandémie, tout comme les dépenses de consommation, étayées par la progression des salaires et l’excédent d’épargne des ménages. En raison du fort taux d’emplois vacants, le marché du travail demeure relativement tendu, malgré le retrait de l’allocation de chômage liée à la pandémie de COVID-19 (PUP, COVID-19 Pandemic Unemployment Payment) et du dispositif de subvention salariale pour l’emploi (EWSS, Employment Wage Subsidy Scheme). Toutefois, la hausse régulière des prix à la consommation, associée aux inquiétudes liées à la guerre en Ukraine, alimente les incertitudes, d’où une nette dégradation de la confiance des consommateurs. La flambée des prix de l’énergie et des transports a en outre attisé les tensions inflationnistes. Ces dernières se sont récemment propagées aux secteurs de l’hôtellerie-restauration et des communications, ainsi qu’à certains produits alimentaires. L’inflation globale harmonisée a atteint 8.2 % en mai, selon des estimations.

Irlande : Indicateurs sur l’activité économique et sur le marché du logement

1. La moyenne sur longue période de l’indice de confiance des consommateurs est calculée à partir des valeurs mensuelles enregistrées entre janvier 1985 et mai 2022.

2. Sommes cumulées sur quatre trimestres.

Source : Office central des statistiques (CSO, Central Statistics Office) d’Irlande ; et Eurostat.

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Irlande : Demande, production et prix

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L’Irlande est peu exposée à des risques macroéconomiques directs causés par la guerre en Ukraine, car ses échanges de marchandises avec la Russie, l’Ukraine et le Bélarus sont modestes. Cependant, des chocs spécifiques pourraient frapper l’agriculture et certains secteurs qui dépendent d’intrants énergétiques spécialisés, en particulier lorsque l’embargo pétrolier entrera en vigueur. S’agissant des échanges de services, le secteur de la location d’avions pourrait être affecté, mais l’impact sur l’économie nationale serait négligeable. Sachant que le gouvernement a exclu de plafonner le nombre de réfugiés accueillis en Irlande, ces derniers sont actuellement plus de 33 000 et environ deux tiers d’entre eux vivent dans des centres d’hébergement public. Un sous-comité ministériel a récemment été créé avec pour mission de superviser la réponse de l’ensemble des administrations publiques à la crise.

Il conviendrait de donner la priorité aux aides budgétaires ciblées

Afin d’atténuer les répercussions de l’augmentation rapide des factures d’énergie sur le revenu des ménages, les autorités ont mis en place des mesures de soutien représentant environ 0.5 % du PIB de 2021. Il s’agit principalement de crédits d’électricité et de baisses d’impôts, taxes et prélèvements indirects liés à l’énergie ; ces mesures ne sont pas ciblées et n’ont fourni qu’une protection limitée aux ménages les plus pauvres. Les nouvelles initiatives devraient viser en priorité à apporter une aide temporaire aux plus vulnérables et à réaliser des investissements porteurs de gains de productivité. En outre, les coûts de la crise des réfugiés, jusqu’à présent couverts par les fonds de réserve liés au COVID‑19 non utilisés, pèseront sur les dépenses publiques en 2023. La règle budgétaire récemment adoptée, qui plafonne les hausses annuelles des dépenses pérennes autour de 5 %, devrait permettre de maîtriser les dépenses, tandis que la vigueur des recettes fiscales continuera d’améliorer les finances publiques.

La montée des incertitudes freinera la reprise

La réouverture complète de l’économie et la perspective d’une saison touristique estivale relativement normale, combinées à un ample excédent d’épargne des ménages, soutiendront les dépenses de consommation en 2022. En revanche, la montée des incertitudes, accentuée par les tensions géopolitiques et la persistance de perturbations des chaînes d’approvisionnement mondiales, aura l’effet inverse. La progression des salaires sera vive en 2022, du fait de la situation tendue du marché du travail, avant de ralentir quelque peu, parallèlement à l’essoufflement de la croissance. Cela dit, le taux élevé de l’inflation fera baisser le revenu disponible réel des ménages et pèsera sur les décisions des entreprises en matière d’investissement, en particulier en 2023, lorsque l’embargo sur le pétrole russe entrera en vigueur.

Si les coûts de financement devaient augmenter plus rapidement que projeté, un plus grand nombre d’entreprises irlandaises pourraient réduire leurs activités ou abandonner leurs projets d’investissement. De même, une hausse des taux d’intérêt pourrait nuire à l’accessibilité financière des logements. En outre, les incertitudes prolongées concernant l’application de l’intégralité des accords du Brexit risquent d’affaiblir encore un peu plus la compétitivité des entreprises. Une augmentation persistante des prix des intrants pèserait sur la rentabilité des entreprises, mais pourrait également compromettre la viabilité budgétaire de l’ambitieux programme du gouvernement, qui vise à subventionner la construction et la rénovation de logements dans le but d’accroître l’offre de logements et de desserrer les tensions provoquées par le niveau élevé des prix des logements et des loyers. À l’inverse, la croissance du PIB pourrait s’avérer plus vigoureuse qu’anticipé, dans la mesure où les exportations de produits pharmaceutiques et médicaux dominées par des entreprises multinationales, ainsi que les services liés aux technologies de l’information et de la communication (TIC), pourraient de nouveau réserver quelques bonnes surprises.

Soutenir la croissance exigera des réformes structurelles

L’Irlande doit relever des défis importants si elle souhaite soutenir la croissance et accroître le bien-être à moyen et long terme. Elle doit ainsi réaliser des objectifs ambitieux et demandant beaucoup d’investissements tels qu’assurer l’accessibilité financière du logement, procéder à une refonte du système de santé afin d’améliorer la qualité des soins et d’optimiser les ressources, et mener à bien une transition bas carbone juste d’ici à 2050. S’agissant de ce dernier volet, le gouvernement s’est récemment engagé à maintenir le calendrier prévu de relèvement des prix du carbone tout en protégeant les personnes les plus exposées à la précarité énergétique. De cette façon, il pourrait préserver le signal-prix de la taxe carbone et accroître les incitations en faveur des économies d’énergie. En outre, l’adoption de mesures incitant, en particulier les travailleurs ayant perdu leur emploi, à acquérir des compétences dans le numérique et la construction écologique et renforçant l’accès des petites et moyennes entreprises (PME) innovantes aux financements rehausserait le taux d’activité et la productivité dans les secteurs économiques axés sur le marché intérieur.