Perspectives économiques de l'OCDE, Volume 2022 Numéro 1

Lettonie

L’économie devrait croître au rythme de 3.5 % en 2022 et de 1.6 % en 2023. La croissance des exportations ralentira en raison des répercussions de la guerre en Ukraine, des pénuries de matériaux et du fléchissement de l’activité économique au sein de l’UE, même si une forte demande pour certains des principaux produits d’exportation de la Lettonie, comme les produits du bois et les produits alimentaires, atténuera quelque peu ce ralentissement. L’inflation restera quant à elle élevée, entraînant la diminution des salaires réels et le repli de la consommation privée. Les fluctuations de la demande extérieure conduiront à une hausse modérée du chômage.

Avec la suppression progressive des mesures sanitaires dictées par la pandémie, la politique budgétaire deviendra moins expansionniste. Les mesures de soutien prises pour atténuer les effets néfastes de la hausse des prix de l’énergie et de l’alimentation devaient être désormais plus ciblées et continuer d’inciter à des économies d’énergie et à la réduction des émissions de carbone. Accélérer les investissements dans les énergies renouvelables et achever l’intégration des marchés régionaux de l'électricité et du gaz favoriseraient la sécurité énergétique. Enfin, continuer de faciliter l'insertion des réfugiés ukrainiens sur le marché du travail, en améliorant l’accès aux services de garde d’enfants et à l'école et la reconnaissance de leurs qualifications, contribuera à réduire les pénuries de compétences.

La guerre donne un coup d’arrêt à la reprise et alimente l’inflation

L’allégement des restrictions liées à la pandémie de COVID-19 depuis janvier a permis un vif rebond de la consommation privée, notamment dans le secteur des services. Le PIB a progressé de 3.6% (par rapport au trimestre précédent, corrigé des variations saisonnières) au premier trimestre de 2022. Cependant, le marché du travail ne s’est pas encore complètement redressé ; le taux de chômage est plus élevé qu’avant la pandémie d’environ 1 % et le taux d’activité inférieur d’environ 1.2 %. L’inadéquation des compétences et l’obligation vaccinale en place dans certains secteurs freinent son redressement. L'inflation grimpe rapidement depuis le second semestre de 2021 et s’est accélérée pour atteindre 16.4 % en mai 2022, essentiellement à cause d’une augmentation des prix du chauffage, des carburants et des produits alimentaires. Toutefois, la hausse des prix tend à se généraliser depuis le début de 2022 et l'inflation sous-jacente (hors alimentation, énergie, alcool et tabac) s’est établie à 6 % en avril 2022.

Lettonie : Indicateurs sur l’activité économique et sur l’inflation

Source : Calculs de l'OCDE d’après la base de données Eurostat ; et base de données des Perspectives économiques de l'OCDE, nº 111.

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Lettonie : Demande, production et prix

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Si les entreprises lettonnes ont limité leur dépendance à l’égard de la Russie au cours de ces dix dernières années, en particulier depuis l’annexion de la Crimée en 2014, ce pays reste le cinquième partenaire commercial de la Lettonie et un fournisseur essentiel de gaz naturel (couvrant la totalité des importations lettonnes de gaz naturel), de pétrole, d’engrais et de matières premières. Le montant des factures de chauffage et les prix des carburants augmentent fortement depuis quelques mois malgré le mécanisme de compensation tarifaire, tandis que les coûts de l’électricité ont diminué grâce aux aides publiques, lesquelles ont été supprimées à la fin du mois d’avril. La confiance des entreprises a quant à elle fortement chuté, l’indicateur du climat économique ayant accusé une forte baisse en mars et s’étant légèrement replié à nouveau en avril. Depuis l’invasion russe, près de 28 500 réfugiés ukrainiens ont franchi les frontières de la Lettonie (soit environ 1.5 % de la population), principalement des femmes et des enfants.

Des mesures de soutien budgétaire ciblées sont indispensables pour soutenir les ménages vulnérables

Les mesures d’aide au revenu liées au COVID-19 ont expiré en février 2022. Le gouvernement a cependant mis en place de nouvelles mesures pour compenser la hausse des prix de l’énergie pour les ménages et les entreprises. Il avait entrepris de baisser le montant des factures d'électricité et de couvrir le surcoût des frais de chauffage dans les régions où ces derniers avaient brusquement grimpé, mais ces mesures ont pris fin en avril 2022. Au total, 150 000 ménages vulnérables percevront une allocation mensuelle d’environ 20 EUR jusqu’à la fin de 2022, et il est envisagé de revaloriser l’allocation versée sous conditions de ressources aux ménages modestes. Pour autant, il faudra aller plus loin encore, car le filet de protection sociale est réduit en Lettonie, les taux de pauvreté y sont élevés par rapport à la moyenne de l’UE et les ménages pauvres sont ceux qui prennent de plein fouet la hausse des prix de l’énergie et de l’alimentation. Ces mesures, une fois mises en place, devraient représenter 1.3 % du PIB selon les estimations du gouvernement. Celui-ci prévoit également d’augmenter la rémunération des agents des administrations publiques et les dépenses militaires (qui passeront de 2.2 % à 2.5 % du PIB d’ici à 2025). Il n’en reste pas moins qu’un important effort d’assainissement budgétaire interviendra probablement du fait de la levée des aides liées au COVID-19 et de l’accroissement des recettes fiscales, le déficit public étant censé diminuer de 7.3 % du PIB en 2021 à 2.5 % en 2023. La Lettonie recevra environ 6.7 % de son PIB de 2020 sous forme de subventions au titre du programme « Next Generation EU » d’ici à 2026, dont 35 % devraient être décaissées d’ici à 2023. Le gouvernement se fixe comme objectif d’arrêter les importations de gaz naturel russe à partir du début de 2023 et de les remplacer par des importations de gaz naturel liquéfié provenant principalement des pays voisins.

La croissance économique ralentira et les risques à la baisse demeureront considérables

La nécessité de remplacer les importations de matières premières et d'énergie depuis la Russie et le Bélarus entraînera une baisse de la production et une hausse des prix, et affectera négativement l'investissement privé. Les investissements financés sur des fonds de l’UE augmenteront, mais le climat de vive incertitude et l’envolée des coûts de la construction provoquée par les pénuries de main-d’œuvre et les difficultés d’approvisionnement viendront modérer la croissance de l’investissement privé. Malgré les pénuries de main-d'œuvre, la croissance des salaires nominaux sera modérée, le choc économique freinant la progression de l’emploi et l’afflux de réfugiés gonflant la population active d’environ 0.75 %. Le redressement de la consommation privée sera modeste en raison d'un fort climat d’incertitude et de l’inflation. Si l’inflation globale doit se replier quelque peu en 2023, elle restera cependant élevée en raison de l’embargo sur le pétrole russe. Le taux annuel de l'inflation sous-jacente restera quant à lui supérieur à 5% à la fin de 2023. La croissance du PIB pourrait chuter et l’inflation continuer de grimper sous l’effet de perturbations dans les chaînes d’approvisionnement et des difficultés à remplacer les livraisons énergétiques provenant de Russie. Enfin, une pénurie de matériaux de construction pourrait également contribuer au ralentissement de l’investissement. En revanche, l’arrivée de réfugiés pourrait atténuer les pénuries de main-d'œuvre plus que prévu et soutenir la croissance de la production.

Remédier aux pénuries de compétences pourrait contribuer à alléger les tensions inflationnistes

Afin de favoriser une reprise inclusive sans exacerber les tensions inflationnistes, les mesures de soutien budgétaire devraient rester ciblées sur les ménages vulnérables. Ces mesures devraient préserver les incitations par les prix pour que les entreprises et les ménages se tournent vers des sources d’énergie moins carbonées. Mettre en place des aides financières plus généreuses pour les étudiants, créer des fonds de financement de la formation pour élargir l’accès à celle-ci et améliorer les services de transport public devraient permettre de renforcer la productivité du travail et d’atténuer les pénuries de main-d'œuvre. Enfin, il conviendrait de faciliter encore la reconnaissance des qualifications, notamment des diplômes de l’enseignement et la formation professionnels (EFP), d’améliorer l’accès aux services de garde d’enfants, d’alléger les restrictions linguistiques et d’apporter des aides financières : autant de mesures qui sont primordiales pour favoriser l'insertion des réfugiés sur le marché du travail.