Perspectives économiques de l'OCDE, Volume 2022 Numéro 1

Colombie

La croissance du PIB devrait s’établir à 6.1 % en 2022, puis à 2.1 % en 2023. Tirée par un redressement progressif de l’emploi, la consommation privée constitue le principal moteur de la reprise. La vigueur des prix des matières premières a amélioré les termes de l’échange et étaye les résultats budgétaires du pays, dans un contexte d’augmentation de la demande extérieure. L’inflation s’est hissée nettement au-dessus de l’objectif visé, initialement du fait de la hausse des prix des produits alimentaires et de l’énergie, particulièrement préjudiciable aux ménages à faible revenu. Les tensions inflationnistes sont cependant devenues de plus en plus généralisées dernièrement.

Le durcissement de la politique monétaire s’est nettement accéléré et les conditions financières devraient rester restrictives jusqu’à la fin de 2023. La politique budgétaire soutiendra les ménages vulnérables tout au long de l’année 2022, tandis que les réductions de dépenses effectuées dans d’autres domaines ouvriront la voie à un ajustement budgétaire progressif, qui devrait s’intensifier en 2023. La récente réforme budgétaire a jeté les bases de cet ajustement, mais des efforts supplémentaires seront nécessaires pour stabiliser la dette publique. Par ailleurs, la Colombie pourrait enregistrer une reprise plus inclusive si elle parvient à remédier à des problèmes posés de longue date comme le faible niveau des recettes fiscales, le manque de progressivité du système d’imposition et la couverture limitée des prestations sociales.

La hausse des prix des matières premières favorise les exportations et les recettes publiques

Le vif rebond de l’activité au cours du second semestre 2021 a ramené le PIB à peu près aux niveaux prévus avant la pandémie. Au début de 2022, la reprise a ralenti sur fond de dégradation brutale de la confiance des consommateurs, bien que le chômage continue de reculer tandis que l’emploi reste orienté à la hausse. La progression de l’emploi féminin a réduit l’écart de taux d’emploi entre les hommes et les femmes. Le taux d’inflation annuel a atteint 9.2 % et pèse sur les dépenses de consommation, en particulier pour les ménages à faible revenu, étant donné que les prix des produits alimentaires ont augmenté de 26 % en glissement annuel. Le salaire minimum a été revalorisé de 10 % à la suite de récentes négociations, et la croissance des salaires est vigoureuse dans le secteur manufacturier et le commerce de détail. L’exposition commerciale et financière directe de la Colombie vis-à-vis de la Russie et de l’Ukraine est faible, mais elle est un grand pays exportateur de matières premières et le renchérissement du pétrole et des minéraux renforce ses exportations et étaye ses résultats budgétaires.

Colombie : Indicateurs sur l’inflation

Source : Département administratif national de la statistique (DANE, Departamento Administrativo Nacional de Estadistica) ; Banque de la République de Colombie (BRC) ; Refinitiv ; et base de données des Perspectives économiques de l’OCDE, n^° 111.

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Colombie : Demande, production et prix

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Les politiques monétaire et budgétaire se resserreront en 2022 et en 2023

Le taux directeur a augmenté de 425 points de base depuis 2021, et le resserrement de la politique monétaire s’est accéléré cette année. Compte tenu des tensions inflationnistes généralisées, les autorités monétaires devront sans doute continuer de relever les taux d’intérêt à un rythme soutenu jusqu’à ce qu’ils atteignent un niveau restrictif de 8 %, avant de les laisser inchangés jusqu’à la fin de 2023. Quant aux autorités budgétaires, elles sont passées d’une politique de soutien sans précédent à un assainissement progressif des finances publiques à mesure que la reprise montait en régime. Les mesures exceptionnelles d’aide au revenu destinées aux ménages vulnérables seront maintenues jusqu’à la fin de 2022, tandis que d’autres postes de dépenses devraient faire l’objet de coupes importantes, notamment l’investissement public et les services généraux des administrations publiques. L’assainissement budgétaire devrait s’accélérer en 2023, si le prochain gouvernement s’en tient aux plans budgétaires actuels. L’amélioration des résultats budgétaires étayera la confiance, compte tenu de l’augmentation de la dette publique brute, qui est passée de 50 % du PIB en 2019 à 62 % du produit intérieur brut en 2021.

La croissance ralentira, mais restera vigoureuse

La croissance redémarrera à un rythme modéré en 2022, avant d’accélérer légèrement tout au long de l’année 2023. La consommation privée montera en régime en 2023 parallèlement au repli de l’inflation, jusque-là élevée, et au recul du chômage. L’investissement sera tiré par le dynamisme du secteur de la construction, même s’il sera freiné par le durcissement des conditions financières. Les exportations de produits primaires des secteurs pétrolier et minier bénéficieront, au moins temporairement, du niveau élevé des prix mondiaux, qui favorisera également l’investissement dans ces secteurs. Des risques potentiels pèsent sur le respect des plans budgétaires, étant donné qu’une part importante de l’assainissement des finances publiques prévu devra être mise en œuvre par le prochain gouvernement. De brusques changements de perception sur les marchés financiers mondiaux, éventuellement liés à l’évolution des taux d’intérêt à l’échelle mondiale, pourraient faire augmenter les coûts de financement et modifier les flux d’investissement de portefeuille. Ces derniers ont été volatils récemment, même si l’impact de leurs fluctuations a été amorti par des réserves considérables et un accès continu aux financements multilatéraux.

Une réforme ambitieuse pourrait permettre de remédier aux goulets d’étranglement structurels et améliorer l’équité

La pandémie a exacerbé les problèmes antérieurs de pauvreté, d’inégalités et de travail informel, et interrompu la scolarisation de nombreux élèves pendant une période allant jusqu’à 18 mois pour certains. Des dépenses supplémentaires de protection sociale, de santé et d’éducation seront nécessaires pour réparer ces séquelles. Pour cela, la Colombie devra mobiliser des recettes publiques supplémentaires, tout en conservant un niveau d’investissement public adéquat. Cette situation donne également au pays l’occasion de mener une réforme progressive du système fiscal et de ses nombreux taux spéciaux et exemptions, dont la plupart profitent aux plus aisés. Remplacer les cotisations de sécurité sociale prélevées sur les salaires dans le secteur formel par des recettes fiscales générales permettrait de réduire des coûts de main-d’œuvre non salariaux élevés et de faire reculer l’emploi informel, qui concerne aujourd’hui 60 % de la population active. Une remise à plat du système de retraite fragmenté pourrait permettre d’élargir son étroite couverture actuelle et de réduire la pauvreté parmi les personnes âgées ; par ailleurs, les autorités pourraient fusionner les dispositifs morcelés de prestations monétaires dans un système de protection sociale universelle, en s’appuyant sur les récentes avancées en matière de registres sociaux. L’adoption de mesures visant à réduire les obstacles aux échanges et à intensifier la concurrence pourrait faciliter les processus de redéploiement nécessaires et stimuler la productivité. L’électricité produite en Colombie provient déjà essentiellement de sources d’énergie renouvelable, principalement hydraulique, ce qui garantit sa sécurité énergétique, mais le pays peut exploiter davantage les énergies éolienne et solaire pour réduire sa dépendance aux combustibles fossiles. Définir un calendrier pour le relèvement de la taxe carbone et l’élargissement de son assiette pourrait étayer ces efforts.