Perspectives économiques de l'OCDE, Volume 2022 Numéro 1

Roumanie

Après un rebond de 5.9 % en 2021, la croissance du PIB devrait refluer à 3.1 % en 2022 et à 2.6 % en 2023, en raison d’une forte incertitude, du niveau élevé des prix des matières premières et de l’ampleur des pénuries d’approvisionnement. Étayée par l’absorption des fonds de l’Union européenne (UE) et par la résilience du marché du travail, la demande intérieure demeurera le principal moteur de la croissance. En revanche, le déficit commercial devrait rester volumineux, ce qui contribuera au niveau relativement élevé des primes de risque sur les marchés financiers. L’inflation devrait atteindre 11.9 % en 2022 et 8.5 % en 2023, malgré le resserrement de la politique monétaire et le plafonnement des prix de l’électricité et du gaz.

Les autorités monétaires devraient veiller à ce que les anticipations d’inflation restent ancrées. Les aides budgétaires devraient être ciblées sur les ménages et les entreprises les plus vulnérables, dans la mesure où les marges de manœuvre budgétaire sont limitées. Si le mouvement de reprise enclenché redémarre comme prévu à la fin de 2022, l’assainissement des finances publiques devrait commencer en 2023. Il sera crucial d’élargir la base d’imposition, car la Roumanie ne peut guère réduire ses dépenses publiques. Pour favoriser une croissance durable, il est primordial de verdir le mix énergétique et de réaliser des économies d’énergie, en particulier dans le secteur du logement.

La croissance ralentit

La diminution du nombre de cas d’infection par le COVID-19, qui avait atteint un pic au début de février, et la levée des mesures d’endiguement ont soutenu la demande intérieure. La confiance des entreprises est restée solide, mais les perturbations des chaînes d’approvisionnement et la flambée des prix de l’énergie et des produits alimentaires, exacerbée par la guerre en Ukraine, ont freiné l’activité, en particulier dans le secteur manufacturier, les transports et l’agriculture. L’inflation à deux chiffres est de plus en plus généralisée, mais les tensions salariales sont restées limitées jusqu’à présent. Le taux de chômage s’est stabilisé au-dessus de son niveau de 2019, malgré l’aggravation des pénuries de main-d’œuvre dans certains secteurs.

Roumanie : Indicateurs sur l’inflation et budgétaires

Source : Base de données des Perspectives économiques de l’OCDE, n° 111.

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Roumanie : Demande, production et prix

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La Roumanie a peu de liens commerciaux et financiers directs avec la Russie et l’Ukraine. La demande d’énergie du pays est satisfaite à hauteur de 70 % environ par la production intérieure. L’activité pâtit cependant des répercussions de la guerre, telles que les ruptures d’approvisionnement (notamment de composants importés d’Ukraine dans le secteur automobile). En outre, le pays dépend fortement des importations d’énergie russe, en particulier de pétrole brut. Par ailleurs, la Roumanie est un des pays d’Europe où l’afflux de réfugiés ukrainiens a été le plus massif. Son impact sur le marché du travail devrait être limité, car la plupart de ces réfugiés devraient quitter le pays : au début du mois de mai, seulement 4 300 d’entre eux environ (0.5 %) avaient déposé une demande d’asile en Roumanie. Les écarts de rendement des obligations souveraines ont augmenté pour atteindre leur plus haut niveau depuis la crise financière mondiale, mettant en évidence une hausse sensible des primes de risque.

La politique macroéconomique conservera une orientation accommodante

Compte tenu des tensions inflationnistes et du resserrement des politiques monétaires dans la région, la banque centrale roumaine devrait continuer à relever son taux directeur pour le porter de 3.75 % à 6 % à la fin de 2022. Le déficit budgétaire devrait se creuser en 2022, sous l’effet conjugué du ralentissement de l’activité, des nouvelles dépenses de défense et des mesures temporaires visant à atténuer les conséquences négatives de la guerre en Ukraine. Les autorités ont plafonné les prix de l’électricité et du gaz jusqu’en mars 2023 pour préserver le pouvoir d’achat des consommateurs. Les mesures de soutien adoptées par les pouvoirs publics, qui représentent environ 1.5 % du PIB, ont également pris la forme de chèques octroyés aux ménages à faible revenu et de subventions accordées aux secteurs les plus durement touchés. L’investissement public financé par les fonds de l’UE se redressera à la fin de 2022. On s’attend à ce que la mise en œuvre du plan de relance « Next Generation EU » prenne du retard, de sorte que 20 % seulement environ de l’enveloppe totale devraient être absorbés d’ici à 2023. L’assainissement des finances publiques commencera lentement en 2023, parallèlement au démantèlement progressif des mesures de soutien.

Les tensions inflationnistes continueront de peser sur la croissance

Après un vif rebond au premier trimestre, la croissance du PIB devrait refluer à 3.1 % en 2022 et à 2.6 % en 2023. Le ralentissement de l’activité en Europe et la forte incertitude pèseront sur les exportations, l’investissement des entreprises et la création d’emplois. Compte tenu de l’absence de tensions majeures sur le marché du travail, la croissance des salaires conservera un rythme modéré. Le pouvoir d’achat des ménages diminuera, ce qui freinera la consommation. L’inflation devrait rester bien au-dessus de la limite supérieure de la fourchette retenue comme objectif par la banque centrale, en raison de la fin du plafonnement des prix du gaz et de l’électricité et de l’application de l’embargo de l’UE sur les importations de pétrole russe en 2023. Les principaux risques qui pèsent sur la reprise résident dans une augmentation accélérée et durable des prix des matières premières ainsi que d’éventuelles perturbations des approvisionnements en énergie, qui saperaient la capacité des entreprises à mener leurs activités et à investir. Des sorties de capitaux et un durcissement des conditions financières pourraient compromettre l’accès au crédit et réduire les marges de manœuvre budgétaire. L’apparition de nouveaux variants du COVID-19 qui imposeraient l’adoption de restrictions constitue un autre risque à la baisse, étant donné que la Roumanie figure parmi les pays de l’UE où les taux de vaccination sont les plus faibles. À l’inverse, une absorption plus rapide que prévu des fonds de l’UE soutiendrait l’activité, en particulier si ces derniers financent des projets d’infrastructure.

Des politiques ciblées peuvent favoriser une croissance durable

Une articulation prudente des politiques macroéconomiques sera essentielle pour éviter l’émergence d’une spirale inflationniste et des hausses intenables des coûts d’emprunt. Un assainissement budgétaire permettrait d’atténuer les tensions sur la demande et de préserver la crédibilité extérieure de la Roumanie. Élargir la base d’imposition, notamment en éliminant des exonérations et des dispositions fiscales spéciales, améliorerait la viabilité des finances publiques et l’équité du système fiscal. Parallèlement, élargir la couverture du système d’aide sociale et améliorer sa qualité permettraient de renforcer le soutien apporté aux ménages vulnérables. La forte dépendance de la Roumanie vis-à-vis des combustibles fossiles requiert une intensification des investissements dans les énergies renouvelables, passant par une extension du périmètre des aides aux nouvelles installations et la mise en place d’une infrastructure de réseau adaptée. Accélérer la rénovation des bâtiments dans les zones défavorisées pourrait permettre de réaliser des gains d’efficacité énergétique considérables et contribuerait à réduire la précarité énergétique. La mise en œuvre de telles mesures, tout à la fois susceptibles d’améliorer la sécurité énergétique et de contribuer à la réalisation des objectifs de décarbonation, exige de renforcer les capacités administratives d’absorption des fonds de l’UE.