Ce chapitre examine l’impact sur le marché du travail des flux récents de réfugiés en Europe, en tirant des enseignements des expériences passées et en allant au-delà des évolutions les plus récentes afin de prendre en compte les entrées en cours de réfugiés sur le marché du travail. Ce chapitre comporte une évaluation rigoureuse de l’impact potentiel des flux récents de réfugiés sur la population en âge de travailler et sur la population active des pays européens jusqu’en 2020, en tenant compte des spécificités des réfugiés et de leurs interactions avec le marché du travail. Bien que cet exercice ne confirme ni n’infirme les espoirs ou les craintes relatifs à l’impact des réfugiés sur le marché du travail, il contribuera au moins à cadrer les attentes.
Perspectives des migrations internationales 2018
Chapitre 3. Contribution des flux récents de réfugiés à la population active
Abstract
Ce chapitre a été rédigé par Gilles Spielvogel.
Les données statistiques concernant Israël sont fournies par et sous la responsabilité des autorités israéliennes compétentes. L’utilisation de ces données par l’OCDE est sans préjudice du statut des hauteurs du Golan, de Jérusalem Est et des colonies de peuplement israéliennes en Cisjordanie aux termes du droit international.
Introduction
La population mondiale de réfugiés a considérablement augmenté ces dernières années, passant de 11.1 millions au milieu de l’année 2013 à 18.5 millions au milieu de l’année 20171. Au cours de cette période, la population de réfugiés a triplé dans les pays de l’OCDE, passant de 2 millions à 5.9 millions, et a doublé dans l’Union européenne (de 920 000 à 2.1 millions).
Dans un certain nombre de pays de l’OCDE, cette hausse rapide a suscité un débat public sur l’impact économique potentiel de ces flux importants. D’aucuns soulignent que l’accueil d’un nombre croissant de réfugiés a un coût budgétaire non négligeable, ou le risque qu’ils diminuent les opportunités d’emploi des personnes nées dans les pays de destination. En revanche, d’autres sont d’avis que les réfugiés peuvent contribuer à ralentir le vieillissement démographique, atténuer les pénuries de main-d’œuvre dans certains secteurs, ou générer de nouvelles opportunités commerciales.
Bien que l’on ait tenté d’évaluer rigoureusement certains de ces arguments, le débat est souvent alimenté par des opinions extrêmes extrapolant à partir d’évènements dramatiques ou d’anecdotes. De plus, considérer l’impact économique et sur le marché du travail uniquement au travers du prisme des arrivées récentes peut être trompeur, en raison du temps nécessaire au traitement d’un grand nombre de demandes d’asile et au démarrage de l’intégration des réfugiés qui resteront dans le pays d’accueil.
Ce chapitre se concentre sur l’impact sur le marché du travail de l’afflux récent de réfugiés dans les pays européens, en tirant des enseignements des expériences passées et en allant au-delà des évolutions les plus récentes afin de prendre en compte les entrées en cours de réfugiés sur le marché du travail. Il analyse la contribution des réfugiés à la dynamique de la population d’âge actif et de la population active. Il est en effet indispensable d’examiner l’offre de travail pour permettre une analyse plus complète de l’équilibre du marché du travail, ainsi que des éventuels effets transitoires. Ce chapitre propose une évaluation rigoureuse de l’impact potentiel des flux récents de réfugiés sur la population d’âge actif et la population active des pays européens jusqu’en 2020, en tenant compte des spécificités des réfugiés et de leurs interactions avec le marché du travail.2 Bien que cet exercice ne confirme ni n’infirme les espoirs ou les craintes relatifs à l’impact des réfugiés sur le marché du travail, il contribuera au moins à cadrer les attentes.
La première section examine l’évolution récente des demandes d’asile et des admissions de réfugiés dans les pays européens, ainsi que les données relatives aux conséquences économiques de ces flux. La deuxième section analyse l’impact sur le marché du travail de l’afflux massif de réfugiés observé dans les pays de l’OCDE au cours des dernières décennies, afin de mettre l’expérience européenne actuelle en perspective. La troisième section présente la méthode utilisée pour estimer l’impact de l’afflux de réfugiés sur la population d’âge actif et la population active dans les pays européens jusqu’en 2020. La quatrième section présente les résultats de ces estimations et complète l’analyse principale en s’intéressant au rôle potentiel des demandeurs d’asile déboutés et des membres de la famille des réfugiés.
Principaux résultats
Les pays européens ont reçu 4 millions de demandes d'asile entre janvier 2014 et décembre 2017, soit trois fois plus qu'au cours des quatre années précédentes. Quelque 1.6 million de personnes ont obtenu une forme quelconque de protection au cours de cette même période (2014-17).
Les données historiques indiquent que l’afflux massif de migrants humanitaires dans les pays de l'OCDE a généralement eu peu d'impact au niveau national sur le devenir professionel des personnes nées dans les pays de destination.
Au niveau local, ou pour certains sous-groupes démographiques spécifiques, il a été démontré que l’afflux de réfugiés peut avoir un impact négatif, surtout lorsque les réfugiés et les personnes neés dans le pays sont en concurrence pour les mêmes emplois. C'est par exemple le cas en Turquie, où les réfugiés syriens ont évincé des travailleurs turcs dans le secteur informel.
En ce qui concerne les pays européens dans leur ensemble, l'impact relatif estimé des flux récents de réfugiés sur la population d’âge actif est restreint et ne devrait pas dépasser un-tiers de 1% en décembre 2020. En termes de population active, puisque le taux d’activité des réfugiés est généralement très bas au début de leur séjour dans le pays d'accueil, l'impact net global est encore plus faible, à moins d'un-quart de 1% en décembre 2020.
Dans environ la moitié des pays européens, les entrées récentes de réfugiés n'auront pratiquement aucun impact sur la population active d’ici à la fin de l’année 2020, et, dans la plupart des autres pays européens, cet impact sera modéré.
Cet impact devrait être nettement plus important en Autriche, en Grèce et en Suède, avec une augmentation de la population active d'au moins 0.5%, voire de 0.8% en Allemagne.
L'impact devrait également être beaucoup plus important dans certains segments du marché du travail, dans les pays où les effets globaux sont les plus marqués : il pourrait atteindre environ 15% chez les hommes jeunes au niveau d’éducation faible en Allemagne et en Autriche.
Puisque l'accès à l'emploi prend du temps, l’essentiel de l'augmentation de la population active se traduira par une augmentation du chômage plutôt que de l'emploi. C'est notamment le cas en Allemagne, où le nombre de chômeurs pourrait augmenter d'environ 6% d'ici la fin de l’année 2020.
En l'absence de retours, le nombre cumulé de demandeurs d'asile déboutés pourrait atteindre 1.2 million d'ici la fin de l’année 2020. L'effet sur le marché du travail informel dépendra de la fréquence des retours volontaires et de l'efficacité des mesures mises en application.
Du fait du regroupement familial, les flux de migrants familiaux en provenance des principaux pays d'origine des réfugiés récents ont augmenté, et cette hausse devrait se poursuivre. Dans le cas des Syriens, par exemple, le regroupement familial pourrait accroître l’impact des flux de réfugiés de 50 %.
Les hommes jeunes au niveau d’éducation faible sont surreprésentés parmi les réfugiés. Étant donné que cette catégorie de la population est déjà vulnérable dans la plupart des pays d’accueil, des mesures ciblées sont nécessaires pour leur fournir un soutien adéquat. Une nouvelle dégradation de leurs résultats sur le marché du travail pourrait avoir une incidence négative sur la perception du public de l'impact des réfugiés sur l'économie.
L’accès rapide au marché du travail est un déterminant important de nombreuses dimensions de l'intégration sociale des réfugiés. Il est impératif de favoriser des politiques d'intégration qui maximisent l'accès des réfugiés à l'emploi.
Évolution récente des flux de migrants humanitaires à destination des pays européens
L’afflux de migrants humanitaires observé dans les pays européens depuis 2014 est le plus important enregistré depuis la Seconde Guerre mondiale. Cela est dû en partie à des déplacements massifs de population occasionnés par la guerre en Syrie, mais les conflits et les crises humanitaires survenus dans d’autres pays ont également joué un rôle (p. ex. en Afghanistan, en Iraq, au Soudan ou dans la Corne de l’Afrique). Au total, les pays européens3 ont reçu 4 millions de demandes d’asile entre janvier 2014 et décembre 2017, soit presque trois fois plus qu’au cours des quatre années ayant précédé cette période (jan. 2010-déc. 2013). Environ un quart de ces demandes (960 000) ont été déposées par des ressortissants syriens (Graphique 3.1). Au cours de cette même période, environ 1.6 million de personnes ont obtenu une forme quelconque de protection en première instance (asile en vertu de la Convention de Genève, ou protection subsidiaire ou temporaire), dont 780 000 Syriens.
Bien que les flux de migrants humanitaires à destination de l’Europe aient été plus élevés que par le passé au cours des trois dernières années, ils sont restés très inférieurs aux flux enregistrés par les pays voisins de la Syrie en termes absolus et relatifs. En mars 2018, quelque 3.5 millions de Syriens bénéficiaient d’une forme de protection temporaire en Turquie, 1 million au Liban et environ 660 000 en Jordanie (HCR, 2018[1]).
D’autres pays de l’OCDE ont également enregistré une hausse des flux de migrants humanitaires. Au Canada, par exemple, les entrées permanentes pour raisons humanitaires ont augmenté, passant de 25 000 par an en moyenne en 2011-14 à 32 000 en 2015, et près de 60 000 en 2016. Ce chiffre inclut tant les réfugiés admis après avoir demandé l’asile au Canada que les réfugiés réinstallés depuis l’étranger dans le cadre de programmes de parrainage. La majeure partie de cette hausse est imputable à l’engagement pris fin 2015 par le gouvernement canadien de réinstaller spécifiquement des réfugiés syriens. En 2017, les entrées permanentes pour raisons humanitaires ont baissé de 30 % du fait de la diminution du nombre de réfugiés réinstallés.
Aux États-Unis, il existe également un double système de demandes d’asile au niveau local et de réinstallation des réfugiés, ce dernier volet étant soumis à un plafond annuel. Au cours des exercices budgétaires 2013 à 2015, les admissions de réfugiés dans le cadre du programme de réinstallation ont atteint le plafond de 70 000 réfugiés par an. En réponse au conflit syrien notamment, ce plafond a été relevé au cours de l’exercice budgétaire 2016, et le nombre d’entrées est passé à 85 000. Toutefois, au cours de l’exercice budgétaire 2017, le nombre de réfugiés réinstallés dans le pays a été plafonné à 50 0004. Bien que les demandes d’asile déposées localement aient augmenté régulièrement au cours des dernières années (de 45 000 au cours de l’exercice budgétaire 2013 à environ 140 000 au cours de l’exercice budgétaire 2017), le nombre de demandes acceptées est resté stable, autour de 10 000 à 15 000 par an, tandis que le nombre de demandes en attente a augmenté (près de 300 000 à la fin de l’exercice budgétaire 2017, contre seulement 30 000 à la fin de l’exercice budgétaire 2013).
Dans les pays européens, la baisse des demandes d’asile débutée au deuxième semestre 2016 s’est poursuivie en 2017, avec quelque 60 000 demandes mensuelles, contre 130 000 entre juillet 2015 et septembre 2016 (ce nombre ayant culminé entre août et novembre 2015, avec une moyenne mensuelle supérieure à 170 000). Malgré ce ralentissement, dû au délai de traitement des demandes d’asile, le nombre de demandes en attente demeure très élevé, à 950 000 en décembre 2017, dont 110 000 Syriens (Graphique 3.2).
Par rapport aux années précédentes, la forte hausse des entrées de demandeurs d’asile en 2015 et 2016 a eu peu d’impact sur la répartition par âge et par sexe des demandeurs d’asile ou des réfugiés admis dans les pays européens (Graphique 3.3. ). Au cours de la période 2011-17, environ 79 % des demandeurs d’asile étaient âgés entre 15 et 64 ans, et quelque 21 % étaient des enfants5. Parmi les demandeurs d’asile d’âge actif (c’est-à-dire âgés entre 15 et 64 ans), la part des 18-34 ans était d’environ 68 %. En outre, trois quarts des demandeurs d’asile d’âge actif étaient des hommes. Comme nous l’avons vu dans le Graphique 3.3. (parties A et B), ces caractéristiques des demandeurs d’asile ne diffèrent pas sensiblement de celles des réfugiés admis.
Impact économique : Que savons-nous ?
Ces entrées récentes sont susceptibles d’avoir un impact économique, en raison du coût budgétaire de l’accueil de demandeurs d’asile et de réfugiés plus nombreux qu’à l’accoutumée, et en termes d’ajustement du marché du travail, dans un contexte où une part importante des nouveaux réfugiés est en âge de travailler.
De précédentes analyses de l’OCDE se sont penchées sur le coût du traitement d’un grand nombre de demandes d’asile, et plus important encore, de la mise à disposition de moyens de subsistance aux demandeurs d’asile pendant l’examen de leur demande, (OCDE, 2015[2]; OCDE, 2017[3]). Dans de nombreux cas, avant d’être en mesure de gagner leur vie en exerçant une activité rémunérée, un part importante des réfugiés continueront de dépendre des systèmes de protection sociale des pays d’accueil. En outre, pour de nombreux réfugiés, l’accès au marché du travail et une intégration sociale réussie dépendent d’une formation linguistique, voire d’une formation professionnelle adaptées, qui sont souvent largement financées par des fonds publics. Bien que ces dépenses puissent grever les budgets locaux et nationaux à court terme, elles peuvent également avoir un impact positif sur l’économie en stimulant la demande globale.
Une analyse de l’OCDE (2017[4]), qui met l’accent sur les pays ayant reçu une part relativement élevée de demandes d’asile par rapport à leur population6, a montré que les coûts budgétaires en proportion du PIB ont atteint un niveau record en 2016 dans la plupart des pays, s’échelonnant entre 0.1 % du PIB en Suisse et quelque 0.9 % en Suède. Ces coûts budgétaires dans les huit pays à l’étude (à l’exclusion de la Turquie et de la Suisse) représentent en cumulé 0.6 % du PIB de l’UE sur la période 2016-18 (1.2 % du PIB total des 8 pays de l’UE à l’étude). Ce phénomène risque de conduire à une sous‑évaluation des dépenses à l’échelle de l’ensemble de l’UE, vu que d’autres pays de l’Union ont également engagé des dépenses pour faire face à des effectifs accrus de demandeurs d’asile. Cette stimulation des dépenses et de la demande aura eu des retombées positives modestes sur d’autres pays européens et partenaires commerciaux.
La Commission européenne (2016[5]) a publié les premières prévisions de l’impact macroéconomique, en mettant l’accent sur la dimension budgétaire et sur la croissance économique. Le modèle utilisé dans ce rapport, qui tient compte de l’ajustement du marché du travail, prévoit une légère hausse de l’emploi et une baisse modeste des salaires (+0.2 % and -0.2 % respectivement en 2018 par rapport aux données de référence). Ce rapport souligne le rôle déterminant des politiques d’intégration pour minimiser le coût budgétaire des réfugiés à long terme, une conclusion partagée en particulier par Aiyar et al. (2016[6]), qui examinent les aspects économiques de l’afflux de demandeurs d’asile dans l’Union européenne.
Des exercices similaires ont été réalisés à l’échelle des pays. Par exemple, Burggraeve et Piton (2016[7]) ont étudié l’impact des flux de réfugiés sur l’économie belge, et prévoient une hausse modeste de la population active (+30 000 d’ici à 2020 par rapport au scénario de référence, soit moins de 0.6 % de la population active totale). En ce qui concerne l’Allemagne, la Commission européenne (2016[8]) a évalué l’impact économique des flux de réfugiés enregistrés entre 2014 et 2016. Globalement, elle a constaté un impact négatif restreint sur l’emploi des personnes nées dans le pays, ainsi qu’une légère hausse du chômage, notamment chez les personnes peu qualifiées qui sont potentiellement plus exposées à la concurrence avec les réfugiés. Stähler (2017[9]) a également analysé l’impact sur l’économie allemande, et a constaté qu’une mauvaise intégration des réfugiés était susceptible d’avoir des conséquences économiques négatives, tant sur le marché du travail qu’en termes de production par habitant.
Les résultats décrits ci-dessus ont tous été obtenus dans le contexte de modèles macroéconomiques, et s’appuient sur un certain nombre d’hypothèses relatives à l’évolution des flux de réfugiés et à leur intégration sur le marché du travail. Une évaluation complète de leur impact réel sur le marché du travail des pays européens, en termes de salaires et d’emploi, sur la base de résultats observés, ne sera possible que dans quelques années, lorsque l’on aura suffisamment de recul.
Dans certains cas, la population active additionnelle que représentent les réfugiés est également considérée comme un moyen potentiel d’atténuer les pénuries de main‑d’œuvre dans un contexte de vieillissement de la population active européenne7. Toutefois, les flux récents de réfugiés sont survenus alors que de nombreux pays européens se remettaient de la crise financière mondiale et faisaient encore face à des taux de chômage élevés. Dans ce contexte, l’afflux de réfugiés n’a pas toujours été bien perçu par le public, qui craint qu’il n’ait des effets préjudiciables sur les salaires ou l’emploi, des travailleurs peu qualifiés nés dans le pays notamment (Graphique 3.4). Il convient de noter, cependant, qu’il peut être difficile de démêler les inquiétudes relatives à l’impact des réfugiés sur le marché du travail des autres préoccupations, comme la perception d’une insécurité croissante et de la dilution de l’identité nationale ou culturelle. Dans la pratique, les préoccupations identitaires ou économiques sont souvent fortement corrélées, et l’expression de ces dernières ne signifie pas nécessairement que les premières jouent un rôle moindre dans la formation de l’opinion publique à propos des réfugiés (ou des immigrés en général). De fait, comme le montre le Graphique 3.4, les pays accueillant un grand nombre de réfugiés, comme la Suède et l’Allemagne, ont généralement un avis très positif sur la contribution économique des réfugiés.
Opinion publique mise à part, la plupart des publications économiques analysant l’impact de l’immigration en général, et des flux de migrants humanitaires en particulier, sur le marché du travail, n’ont guère mis en évidence de répercussions sensiblement négatives. Toutefois, cette question continue de faire débat dans les cercles académiques et politiques (Dustmann, Glitz and Frattini, 2008[10]; Dustmann, Schönberg and Stuhler, 2016[11])8.
Données existantes sur l’impact des migrations humanitaires à destination des pays de l’OCDE
Avant d’analyser plus en détail l’impact des migrations humanitaires récentes dans le contexte européen, il est utile d’élargir le champ historique et géographique afin de donner un aperçu de quelques grands flux de migrants humanitaires observés dans les pays de l’OCDE par le passé, et des flux récents à destination de certains pays non européens de l’OCDE. Dans certains cas examinés ici, les éventuels effets économiques de ces entrées de réfugiés dans les pays de destination ont été peu étudiés, alors que d’autres ont suscité de vastes débats entre spécialistes.
En effet, les flux de réfugiés jouent un rôle spécifique dans les travaux spécialisés visant à analyser l’impact économique de l’immigration. En raison de la difficulté à identifier des liens de cause à effet entre l’immigration et l’emploi ou les salaires dans des contextes où le choix du lieu de destination des migrants peut lui-même être déterminé par les perspectives d’emploi local ou les différences de salaires, un certain nombre de publications ont utilisé les flux de migrants humanitaires comme terrain d’analyse pour identifier ces effets. Du fait de la nature involontaire de ces flux, ils peuvent parfois constituer une source exogène de variation du niveau de l’immigration dans l’espace ou dans le temps (Borjas and Monras, 2017[12]; Clemens and Hunt, 2017[13]).
L’un des principaux résultats de ces études est que les flux de migrants humanitaires n’ont généralement qu’un impact négatif relativement modeste sur les résultats des personnes nées dans le pays sur le marché du travail (salaires et emploi), voire pas d’impact du tout. Certaines études ont identifié des effets négatifs plus significatifs, alors que d’autres travaux ont établi que la complémentarité des compétences des réfugiés et des personnes nées dans le pays peut avoir des répercussions positives sur ces dernières. Certains résultats pertinents de ces études sont évoqués plus bas. Toutefois, conformément à l’objectif du présent chapitre, les différents cas examinés sont avant tout l’occasion d’évaluer l’ampleur de l’évolution de la population d’âge actif et de la population active dans différents contextes, ce qui fournira un point de comparaison utile pour les résultats relatifs à la situation européenne actuelle qui seront analysés ensuite.
La crise des réfugiés indochinois, 1975-95
Après les victoires communistes de 1975 et au cours des deux décennies suivantes, plus de trois millions de personnes ont fui les anciennes colonies françaises d’Indochine – le Viet Nam, le Cambodge et le Laos. Il s’agit là d’une des premières grandes vagues migratoires dans laquelle plusieurs pays de l’OCDE ont joué un rôle après la Seconde Guerre mondiale (HCR, 2000[14]; OCDE, 2016[15]). La plupart des réfugiés ont commencé par gagner d’autres pays d’Asie du Sud-Est (Thaïlande, Malaisie, Hong Kong (Chine), Indonésie, Philippines, etc.), souvent par bateau. À la fin des années 1970, après avoir accueilli quelque 700 000 réfugiés en cinq ans, ces pays de premier asile ne pouvaient pas et ne souhaitaient pas en accueillir davantage. En 1995, dans le sillage de la Conférence de Genève de 1979 sur les réfugiés et les personnes déplacées en Asie du Sud-Est, organisée par les Nations Unies, plus de 1.3 million de réfugiés établis dans des camps en Asie du Sud-Est avaient été réinstallés dans les pays de l’OCDE, dont la moitié environ entre le milieu de l’année 1979 et le milieu de l’année 1982. Les Vietnamiens représentaient environ 57 % des réfugiés réinstallés, les Laotiens 24 % et les Cambodgiens 18 %.
Comme indiqué dans HCR (2000[14]), les États-Unis ont été le principal pays de destination des réfugiés indochinois réinstallés, avec quelque 825 000 personnes, suivis de l’Australie, du Canada (137 000 chacun) et de la France (95 000). En outre, dans le cadre de l’Orderly Departure Programme (ODP), par lequel les autorités vietnamiennes ont autorisé le départ organisé d’individus vers les pays de réinstallation, plus de 400 000 Vietnamiens ont été réinstallés aux États-Unis.
Malgré l’ampleur de ces flux, et le fait que la majeure partie des réinstallations aient eu lieu à un moment où un certain nombre de pays de l’OCDE faisaient face à deux crises pétrolières, avec une croissance relativement faible et une hausse du chômage, leur impact économique sur les pays de réinstallation n’a étonnamment fait l’objet que d’un très petit nombre de recherches académiques.
La comparaison de ces flux de réfugiés à la population d’âge actif des pays d’accueil est une première étape pour évaluer leur impact potentiel sur le marché du travail. Un aspect important à prendre en compte est que l’ensemble des chiffres susmentionnés concernent des réfugiés réinstallés sur une période de 20 ans. Il est possible d’obtenir une estimation haute de l’impact de ces flux sur la population d’âge actif des pays d’accueil en mettant l’accent sur les premières entrées recensées au début des années 1980, et en partant de l’hypothèse que les trois quarts des entrées totales ont eu lieu à ce moment-là (une part très probablement surestimée). Pour obtenir cette estimation haute, on suppose que tous les réfugiés étaient en âge de travailler. Pour les États-Unis et le Canada, on arrive à une hausse de 0.6 % de la population d’âge actif en estimation haute suite à l’arrivée de ces réfugiés indochinois réinstallés. Cette hausse est estimée à environ 1 % en Australie, et 0.2 % en France9.
Dans le cas des États-Unis, comme l’ont rapporté Parsons et Vézina (2018[16]), la Californie a accueilli près de 22 % de la première vague de réfugiés vietnamiens réinstallés dans le pays (1975), suivie du Texas (8 %). Cette concentration a augmenté au fil du temps et en 1995, 45 % des Vietnamiens vivant aux États-Unis étaient établis en Californie. En supposant que la répartition géographique des réfugiés cambodgiens et laotiens était similaire à celle des Vietnamiens, cet État pourrait donc avoir accueilli quelque 28 % des réfugiés réinstallés originaires de cette région en 1980, ce qui aurait augmenté la population d’âge actif de la Californie de 1.7 % à cette époque10. Bien que cette estimation soit sensiblement supérieure à celle obtenue pour l’ensemble des États-Unis, il s’agit d’un nombre relativement faible. Toutefois, comme c’est souvent le cas pour les immigrés arrivés récemment, ces réfugiés avaient tendance à se regrouper dans des enclaves ethniques. Il est donc possible que l’impact local ait été plus important dans ces régions.
L’exode de Mariel, 1980
L’exode de Mariel, qui s’est produit entre Cuba et les États-Unis d’avril à septembre 1980, concerne des flux de migrants humanitaires beaucoup plus réduits, mais également beaucoup plus concentrés dans le temps et l’espace. En avril 1980, après qu’environ 10 000 Cubains ont tenté d’obtenir l’asile à l’ambassade péruvienne de la Havane, plusieurs pays d’Amérique du Sud, ainsi que les États-Unis, se sont engagés à en accueillir quelques-uns. Le gouvernement cubain a alors laissé la possibilité à ceux qui voulaient partir de quitter Cuba par le port de Mariel. Les exilés cubains établis aux États-Unis ont rapidement organisé un exode par bateau afin de transporter les candidats à l’exil entre Mariel (appelés les « Marielitos ») et les États-Unis.
Du fait de la proximité géographique avec leur pays, la moitié des Cubains vivant aux États‑Unis dans les années 1980 étaient établis dans l’aire métropolitaine de Miami, et la majeure partie des Marielitos ont accosté là-bas. Au total, quelques 125 000 Cubains se sont installés aux États-Unis durant cet exode qui a duré six mois. D’après Borjas (2017[17]), environ 60 % d’entre eux sont restés à Miami. Le recensement de 1980, qui a eu lieu juste avant l’exode de Mariel, indique que la population d’âge actif (15-64 ans) de l’aire métropolitaine de Miami totalisait 1.1 million de personnes à cette époque. En supposant que tous les Marielitos appartenaient à cette classe d’âge, la population d’âge actif de Miami a augmenté de 7 % suite à cet exode. Puisque la plupart des réfugiés cubains avoient un niveau d’éducation faible, il est possible que leur arrivée ait eu un effet préjudiciable sur le devenir professionnel des travailleurs au niveau d’éducation faible déjà présents à Miami.
Card (1990[18]) a examiné l’impact de l’exode de Mariel sur le marché du travail de la ville en comparant Miami à d’autres villes similaires des États-Unis n’ayant pas enregistré cette hausse soudaine de l’offre de travail. Il n’a trouvé aucune preuve d’un impact préjudiciable sur les salaires ou les possibilités d’emploi des travailleurs peu qualifiés non cubains. Cet événement particulier a récemment fait l’objet d’une nouvelle analyse par Borjas (2017[17]), ainsi que par Peri et Yasenov (2018[19]). Bien que Borjas ait constaté que les salaires des personnes ayant abandonné leurs études secondaires ont diminué de pas moins de 10 à 30 % à Miami suite à l’exode de Mariel, Peri et Yasenov ont obtenu les mêmes résultats que Card. Faisant le point sur ce débat, Clemens et Hunt (2017[13]) constatent que certaines estimations très négatives présentent des problèmes méthodologiques, et que la petite taille des échantillons des études sur lesquelles s’appuie l’analyse ne permet pas de tirer des conclusions définitives. Ils montrent que l’exode de Mariel pourrait avoir eu temporairement un léger impact négatif sur les salaires des personnes de faible niveau d’éducation à Miami (-2 % à -8 %), mais qu’il pourrait tout aussi bien n’avoir eu aucun impact du tout.
Les réfugiés des guerres yougoslaves des années 1990
L’Europe a été le témoin de déplacements importants de migrants humanitaires dans le contexte de la dislocation de la Yougoslavie. Quelque 700 000 personnes ont trouvé refuge en Europe occidentale pendant la guerre de Bosnie (1992-95), dont 345 000 en Allemagne et 80 000 en Autriche. La Guerre du Kosovo (1998-99) a conduit quelque 100 000 personnes à fuir vers l’Europe occidentale. Naturellement, au cours des années 1990, un nombre bien plus important de personnes a franchi les frontières d’ex-Yougoslavie, à destination des pays voisins ou à l’intérieur même du pays, pour gagner la Bosnie, la Croatie et la Serbie (HCR, 2000[14]; OCDE, 2016[15]).
Il est possible de faire une estimation haute de l’impact de ces flux sur les populations d’âge actif des pays d’accueil en partant de l’hypothèse que tous les réfugiés étaient en âge de travailler, et en divisant leur nombre par la population correspondante des pays de destination en 1990. L’impact le plus important est constaté en Autriche (1.5 %), alors qu’il atteint 0.6 % en Allemagne. Du fait de la concentration de réfugiés dans certaines régions de ces pays, il est possible que l’impact ait été plus important localement. Selon Borjas et Monras (2017[12]), 34 % des réfugiés arrivés en Autriche se sont installés à Vienne. En 1990, la population viennoise d’âge actif totalisait 1 million de personnes, ce qui implique un impact local (maximal) de 2.7 % sur la population d’âge actif de la capitale.
Certaines études ont examiné l’impact de ces flux de réfugiés sur le marché du travail. Angrist et Kugler (2003[20]), analysant le marché du travail des pays de l’UE, se concentrent sur l’évolution de l’immigration en provenance des pays hors UE engendrée par les guerres de Bosnie et du Kosovo dans les années 1990. Utilisant comme instrument la distance entre les pays de destination et Sarajevo ou Pristina, ils mettent en évidence des effets négatifs sur l’emploi des personnes nées dans le pays, notamment dans les pays dotés de marchés du travail moins flexibles. Foged et Peri (2016[21]) étudient l’impact des flux de réfugiés sur le marché du travail au Danemark entre 1995 et 2003, dont les immigrés originaires d’ex-Yougoslavie représentent une part importante. Ils s’appuient sur une politique de dispersion géographique des réfugiés qui a eu des conséquences à long terme sur la répartition des immigrés dans le pays. En s’appuyant sur des données longitudinales, ils constatent un impact positif de ces flux sur le devenir professionnel des personnes nées dans le pays, en termes de complexité et de mobilité professionnelles, et de salaires.
Les flux de réfugiés syriens en Turquie depuis 2011
Le nombre de Syriens accueillis actuellement par la Turquie est plus de deux fois supérieur au nombre total de personnes originaires de ce pays ayant reçu une forme quelconque de protection dans l’ensemble des pays de l’UE depuis janvier 2014. Comme noté plus haut, en mars 2018, quelque 3.5 millions de Syriens bénéficiaient d’une protection temporaire en Turquie (dont 45 % d’enfants de moins de 18 ans et 3 % de personnes âgées de 60 ans et plus). Parmi eux, quelque 240 000 personnes résident dans des camps de réfugiés administrés par l’Autorité de gestion des catastrophes et urgences du gouvernement turc (AFAD) ; la plupart de ces camps sont situés à proximité de la frontière syrienne. En dehors de ces camps, les réfugiés syriens représentent désormais près de 10 % de la population de plusieurs villes frontalières. Les principales zones métropolitaines, notamment Istanbul et Ankara, ainsi que le littoral de la mer Égée, attirent également de nombreux réfugiés à la recherche d’un emploi.
L’accès au marché du travail est un enjeu fondamental pour les réfugiés syriens, et un grand nombre d’entre eux occupent des emplois informels. En effet, avant janvier 2016, les réfugiés ne pouvaient demander une autorisation de travail que s’ils étaient titulaires d’un permis de séjour, ce qui n’était le cas que d’une petite minorité d’entre eux. En vertu de la réglementation en vigueur, les réfugiés syriens peuvent demander une autorisation de travail six mois après avoir été enregistrés au titre de la protection temporaire. Toutefois, ces permis sont valables uniquement dans la localité d’enregistrement, ce qui les rend peu attractifs du fait que la plupart des réfugiés syriens sont enregistrés dans des régions frontalières offrant peu de possibilités d’emploi. L’obtention d’un emploi formel dans une autre localité nécessite de s’enregistrer et d’obtenir un permis de travail là-bas. Du fait de ces contraintes, moins de 14 000 permis de travail avaient été délivrés à des Syriens fin 2016. Malgré une hausse en 2017, avec quelque 21 000 permis délivrés à des réfugiés syriens, et bien que les Syriens exerçant un emploi saisonnier agricole soit toujours exemptés de permis de travail, ces chiffres demeurent très inférieurs au nombre potentiel de réfugiés syriens ayant besoin de travailler en Turquie.
En mars 2018, 1.9 million de réfugiés syriens en âge de travailler étaient établis en Turquie, ce qui représentait environ 3 % de la population totale en âge de travailler dans le pays, et une part beaucoup plus importante de cette même population dans les villes frontalières, ainsi qu’à Istanbul et Ankara. En raison des contraintes liées à l’obtention des permis de travail, on estime que la plupart des réfugiés syriens occupant un emploi travaillent dans le secteur informel, qui est très développé en Turquie (environ 20 % de l’emploi total).
Plusieurs études récentes ont tenté d’estimer l’impact des réfugiés syriens sur l’économie turque en général, et le marché du travail en particulier. Ceritoglu et al. (2017[22]) ont utilisé la vague massive et soudaine d’immigration forcée en provenance de Syrie et à destination de la Turquie comme terrain d’analyse pour estimer l’impact des réfugiés syriens sur le devenir professionnel des personnes nées dans le pays. S’appuyant sur une stratégie des doubles différences, ils constatent que l’immigration a eu un impact négatif sur les résultats professionnels des personnes nées dans le pays dans la région frontalière du Sud-Est, alors que son impact sur les salaires est négligeable. Ils rapportent des pertes d’emploi considérables parmi les travailleurs informels suite à l’afflux de réfugiés, bien que l’emploi formel ait légèrement augmenté, notamment du fait de la hausse de la demande de services sociaux. Ils constatent également que les groupes défavorisés (femmes, travailleurs jeunes et travailleurs au niveau d’éducation faible) ont été davantage touchés, et que la prévalence de l’emploi informel sur les marchés du travail turc a amplifié l’impact négatif des flux de réfugiés syriens sur les résultats des personnes nées dans le pays sur le marché du travail. En utilisant des données similaires mais une approche empirique différente reposant sur des variables instrumentales, Del Carpio et Wagner (2016[23]) trouvent des résultats similaires : les réfugiés syriens induisent une éviction massive des personnes nées dans le pays dans le secteur informel. Des hausses de l’emploi formel des Turcs sont également constatées – bien qu’elles concernent uniquement les hommes non titulaires d’un diplôme de l’enseignement secondaire. Les personnes au niveau d’éducation faible et les femmes subissent des pertes nettes d’emploi et voient leurs possibilités de revenu décliner, à l’instar des personnes travaillant dans le secteur informel.
Dans une étude connexe, Akgündüz, van den Berg et Hassink (2018[24]), analysent la manière dont les flux de réfugiés syriens à destination de la Turquie ont affecté la création et les performances des entreprises. Ils constatent que l’accueil de réfugiés est favorable aux entreprises : alors que le nombre total de créations d’entreprises ne semble pas très affecté, ils observent une hausse considérable du nombre de nouvelles entreprises sous contrôle étranger, probablement imputable aux réfugiés entrepreneurs.
Approche empirique
Hypothèses et données de base
Pour estimer le nombre de réfugiés qui intégreront la population d’âge actif et la population active des pays européens d’ici à décembre 2020, différentes informations sont nécessaires. Les entrées de réfugiés dans la population d’âge actif d’un pays donné au fil du temps résultent de l’interaction de plusieurs facteurs : l’afflux de demandeurs d’asile dans le pays en question, qui détermine le nombre potentiel d’individus concernés, les délais nécessaires pour traiter les demandes d’asile, qui affectent le rythme des entrées potentielles sur le marché du travail, et le taux d’admission, c’est-à-dire la part de demandeurs d’asile obtenant le statut de réfugié, ou une autre forme de protection. En outre, le nombre de réfugiés intégrant la population active peut être estimé à l’aide d’hypothèses relatives à l’évolution du taux d’activité des réfugiés au fil du temps. Le taux d’activité des réfugiés est lui-même déterminé par leurs caractéristiques sociodémographiques, notamment leur sexe, leur âge et leur niveau d’éducation, et la durée de leur séjour dans le pays.
Certaines données relatives au nombre de migrants humanitaires, comme les entrées de demandeurs d’asile, sont directement disponibles auprès d’Eurostat pour l’ensemble des pays de l’UE (plus la Norvège et la Suisse). D’autres informations, comme les taux d’admission, ne peuvent pas être obtenues facilement, et doivent faire l’objet d’estimations. Enfin, certaines données ne sont pas collectées de manière systématique, et ne peuvent pas être déduites facilement. C’est notamment le cas des délais de traitement. Bien que certains pays publient certaines informations sur les délais de traitement (p. ex. la Suède), la plupart ne le font pas, et les données publiées ne sont pas forcément comparables d’un pays à l’autre ou disponibles pour chaque pays d’origine. La méthode élaborée pour estimer la répartition des délais de traitement par pays est décrite à l’Encadré 3.1.
Les estimations du taux d’activité des réfugiés sont fondées sur les informations relatives pour deux raisons aux arrivées antérieures. La première raison est que l’intégration des réfugiés au marché du travail est progressive (Bevelander and Pendakur, 2014[25]). La deuxième raison tient à la disponibilité des données, les données relatives aux résultats des réfugiés arrivés récemment n’étant disponibles que pour quelques pays (Brücker et al., 2016[26]). Ainsi, l’analyse du présent chapitre est fondée sur le module ad hoc de l’Enquête européenne sur les forces de travail de 2014, qui inclut des questions sur les raisons de la migration. Cette enquête est assez récente et couvre la plupart des pays de l’UE (OCDE et Commission européenne, 2016[27]). Il convient toutefois de garder à l’esprit que les réfugiés issus des vagues récentes d’immigrations peuvent présenter des caractéristiques différentes des réfugiés arrivés précédemment dans plusieurs dimensions, ce qui peut affecter leur parcours d’intégration dans le temps. En outre, les délais d’attente entre la demande d’asile et la décision peuvent avoir un impact négatif sur les perspectives d’intégration des réfugiés sur le marché du travail (Hainmueller, Hangartner and Lawrence, 2016[28]). Puisque que l’afflux récent de réfugiés a entraîné un allongement considérable des délais de traitement dans plusieurs pays européens, il est tout à fait possible que les résultats de ces réfugiés sur le marché du travail soient affectés négativement et que leur intégration prenne plus de temps que celle des cohortes antérieures. En outre, même si les réfugiés et les personnes nées dans le pays ne se disputent pas nécessairement les mêmes emplois du fait qu’ils possèdent des compétences différentes, les réfugiés sont plus susceptibles de se concurrencer entre eux. Lorsqu’un grand nombre de réfugiés présentant des caractéristiques similaires entrent en même temps sur le marché du travail, cela peut engendrer des effets d’encombrement qui peuvent ralentir leur accès à l’emploi. Enfin, la situation sur le marché du travail au moment de l’entrée peut avoir des effets durables sur les perspectives d’intégration.
L’évaluation de l’ampleur de la modification de l’offre de travail est encore compliquée par la participation potentielle des demandeurs d’asile en attente d’une décision au marché du travail : en vertu des réglementations européennes, les demandeurs d’asile sont normalement en mesure de travailler dans un délai maximum de 12 mois suivant leur demande, même si elle est toujours en cours d’examen, certains pays appliquant des délais d’attente plus courts (Graphique 3.5). Il existe toutefois certaines restrictions à l’accès des demandeurs d’asile au marché du travail, dans la mesure où ils peuvent avoir besoin d’obtenir un permis de travail, ou n’être autorisés à n’exercer que des professions spécifiques. En outre, la possibilité pour les demandeurs d’asile de trouver du travail peu après leur arrivée est limitée par d’autres obstacles, comme la barrière linguistique, la reconnaissance limitée des diplômes et de l’expérience antérieure, la méconnaissance du marché du travail du pays d’accueil, le manque de capital social, et dans de nombreux cas, des traumatismes liés à la guerre et à la fuite. Leur participation au marché du travail est donc susceptible d’être encore inférieure à celle des individus ayant obtenu récemment le statut de réfugié.
L’analyse présentée dans ce chapitre examine la contribution au marché du travail des personnes ayant besoin d’une protection uniquement à partir du moment où elles ont obtenu officiellement le statut de réfugié ou un autre type de protection. Elle ne tient pas compte de la contribution potentielle des personnes dans l’attente d’une décision concernant leur demande d’asile, bien que certaines d’entre elles puissent être autorisées à travailler.
Admissions de réfugiés au fil du temps
Les taux d’admission sont supposés être indépendants du sexe et de l’âge, et sont estimés par pays d’origine, pays de destination et mois de demande. Malheureusement, il n’existe pas de source de données globale établissant un lien entre les demandes et les décisions au fil du temps pour l’ensemble des pays européens. Les taux d’admission attendus pour chaque cohorte mensuelle de demandeurs sont donc estimés en rapportant le nombre de décisions positives au cours des 12 derniers mois au nombre total de décisions rendues au cours de la même période. Cette approche est justifiée par le fait que la plupart des demandes reçues au cours d’un mois donné sont traitées dans un délai d’un an. Bien que ce ratio rassemble des décisions rendues au sujet de demandes reçues à différents moments, le recours à une fenêtre de 12 mois lisse la série de taux d’admission.
La méthode élaborée pour estimer les délais de traitement est détaillée dans l’Encadré 3.1. Le nombre de nouveaux réfugiés peut donc être calculé pour chaque mois en combinant les nouvelles de demandes d’asile, les taux d’admission, et le délai de traitement correspondant.
Encadré 3.1. Estimation de la distribution des délais de traitement
Les délais de traitement sont estimés en puisant dans les enseignements des modèles de listes d’attente. Dans un système stable (c’est-à-dire lorsque les entrées et les sorties sont équilibrées), la loi de Little stipule que le délai de traitement moyen est égal au nombre de clients dans la file d’attente (soit dans ce contexte, au nombre demandeurs d’asile en attente d’une décision) divisé par le taux d’arrivées (les nouvelles entrées de demandeurs d’asile dans la « queue »). Manifestement, les systèmes d’asile européens n’ont pas été dans un état stable ces derniers temps, le nombre d’entrées excédant la capacité de traitement dans de nombreux pays, d’où une hausse du nombre de demandes en attente. Le recours à la loi de Little risque de donc d’entraîner une sous-estimation du délai de traitement moyen. En outre, cette méthode d’estimation de la modification de l’offre de travail suite à l’arrivée des réfugiés nécessite davantage d’informations sur la distribution des délais de traitement qu’une simple moyenne. Pour chaque période et chaque couple pays d’origine-de destination, un ratio effectif-flux « prospectif » est calculé, tenant compte à la fois des demandes en attente actuelles et futures, et des demandes d’asile actuelles et futures.
Une application directe de la loi de Little s’appuierait uniquement sur des informations actuelles pour définir le ratio effectifs-flux comme , où correspond au nombre de demandes en attente à la fin de la période , et au nombre de nouvelles demandes pendant la période . Au lieu de cela, le ratio effectifs-flux est calculé en utilisant une fenêtre prospective de 6 mois après la période actuelle : . Il s’agit simplement d’une moyenne géométrique des ratios effectifs-flux actuels et futurs, plaçant un tiers du poids sur le ratio actuel et deux tiers sur les ratios futurs.
Ainsi, pour chaque période et pays de destination, les quartiles des ratios effectifs-flux sont calculés pour l’ensemble des pays d’origine et sur une fenêtre de 5 mois. Ces quartiles sont ensuite rééchelonnés par un ratio effectifs-flux moyen pays d’origine-de destination-mois. Pour les nouvelles demandes d’asile reçues au cours d’un mois donné, cela permet d’estimer le mois au cours duquel les décisions seront rendues pour les 25 % de demandes qui ont été traitées le plus rapidement, les 25 % suivants, et ainsi de suite.
Taux d’activité par pays et taux d’emploi
Les microdonnées de l’Enquête européenne sur les forces de travail de 2014 sont utilisées pour estimer le taux d’activité des réfugiés par pays, durée de séjour, et caractéristiques sociodémographiques (à savoir sexe, groupe d’âge et niveau d’éducation). Du fait que la taille de l’échantillon de réfugiés de cette enquête est relativement restreinte, et que des catégories d’individus manquent dans plusieurs pays, il n’est pas possible de s’appuyer sur des taux d’activité moyens calculés directement à partir de l’enquête pour les différentes catégories de réfugiés. À la place, on estime un modèle économétrique pour expliquer le taux d’activité à partir des caractéristiques essentielles des individus (sexe, groupe d’âge [14-17 ans ; 18-34 ans ; 35-64 ans], durée de séjour dans le pays d’accueil [de moins d’un an à 10 ans], et niveau d’éducation [CITE 1 ou moins, CITE 2, CITE 3, CITE 4 et plus11]). Une simple régression linéaire, englobant tous les pays de l’enquête, est estimée en tenant compte des effets fixes des pays d’accueil pour rendre compte des différences entre les taux d’activité moyens12. En utilisant les coefficients estimés, il est possible de prédire le taux d’activité de toutes les catégories de réfugiés, y compris hors échantillon. Ces taux d’activité peuvent ensuite être appliqués aux groupes de réfugiés concernés. Cette même méthode est utilisée pour calculer le taux d’emploi par sexe, groupe d’âge et niveau d’éducation.
Les résultats de ces estimations, présentés dans le Graphique d’annexe 3.A.1, correspondent à des tendances déjà identifiées dans les publications relatives à l’intégration des migrants humanitaires sur le marché du travail, notamment dans les pays européens (Åslund, Forslund and Liljeberg, 2017[29]; Bratsberg, Raaum and Røed, 2017[30]; Schultz-Nielsen, 2017[31]; Fasani, Frattini and Minale, 2018[32]; OCDE, 2017[33]). Les taux d’activité et d’emploi des réfugiés sont initialement faibles, et bien que leurs résultats s’améliorent avec la durée de leur séjour, ils demeurent inférieurs à ceux des personnes nées dans le pays et des autres catégories d’immigrés. Dans la plupart des cas, les femmes réfugiées ont encore plus difficultés à accéder à l’emploi que les hommes réfugiés ou les femmes ayant immigré pour des raisons non humanitaires.
Répartition des réfugiés par niveau d’éducation
Les perspectives d’intégration des réfugiés sur le marché du travail dépendent, comme pour les autres groupes de migrants, de leur niveau d’éducation : en moyenne, les individus ou niveau d’éducation le plus élevé ont des perspectives d’emploi bien meilleures que ceux n’ayant qu’un niveau d’éducation de base. Cela peut s’expliquer par une meilleure adéquation à la demande de travail dans les pays d’accueil, une meilleure capacité à acquérir des compétences linguistiques, et d’autres facteurs non observables corrélés à l’éducation formelle13. En outre, puisque les niveaux d’éducation des personnes nées dans le pays et des réfugiés sont susceptibles d’être très différents, l’éducation est également une dimension essentielle de l’analyse de l’impact sur le marché du travail. En effet, les réfugiés risquent d’être concentrés au bas de la distribution des niveaux d’éducation du pays d’accueil, et dans une moindre mesure au sommet ; ainsi, l’impact sur le marché du travail risque de varier considérablement d’un niveau d’éducation à l’autre.
Bien que certaines enquêtes ou sources administratives récentes donnent des informations sur le niveau d’éducation des demandeurs d’asile ou des réfugiés (Buber-Ennser et al., 2016[34]; Brücker et al., 2016[26]), il n’existe pas de données globales ou comparables au niveau européen.
Afin d’obtenir des informations générales sur la distribution potentielle des niveaux d’éducation parmi les demandeurs d’asile récents, l’analyse réalisée dans ce chapitre utilise des données relatives à la distribution des niveaux d’éducation dans les pays d’origine en 2010 (Lutz, Butz and KC, 2014[35]). En l’absence d’effets de sélection majeurs, ces distributions seraient des approximations acceptables de la distribution des niveaux d’éducation parmi les demandeurs d’asile. Comme nous pouvons le voir dans le Graphique 3.6, qui décrit la répartition des Syriens et des Afghans par niveau d’éducation dans leur pays d’origine (partie A), et dans les différents pays de transit ou de destination (parties B, C et D), il est toutefois probable que la sélection ne soit pas négligeable (c’est particulièrement frappant dans le cas des Syriens). En effet, les individus ou niveau d’éducation plus élevé sont probablement plus susceptibles de disposer des ressources nécessaires pour fuir les zones de conflit et chercher refuge au-delà des pays voisins. En présence d’une sélection positive, le recours à la distribution des niveaux d’éducation dans les pays d’origine induirait deux types de biais : (i) il surestimerait l’impact sur la partie inférieure de la distribution des pays d’accueil, et (ii) puisque l’éducation est un déterminant essentiel des taux d’activité et d’emploi, il sous-estimerait les résultats globaux des réfugiés sur le marché du travail.
Projections pour 2018-20
Au moment de la rédaction du présent chapitre, des données complètes relatives aux demandes et décisions en matière d’asile étaient disponibles auprès d’Eurostat pour l’ensemble des pays européens, jusqu’en décembre 2017. Comme nous l’avons vu plus haut, si l’on tient compte du délai entre la demande d’asile et l’éventuelle entrée sur le marché du travail, les demandeurs d’asile ayant finalisé leur demande fin 2017 commenceront à entrer sur le marché du travail de leur pays d’accueil au bout de quelques mois au plus tôt. Afin d’obtenir des estimations cohérentes des entrées sur le marché du travail fin 2020, il est donc nécessaire de formuler certaines hypothèses concernant l’évolution des demandes d’asile au cours des deux prochaines années. Deux scénarios sont analysés : un dans lequel les demandes d’asile déposées entre 2018 et 2020 retournent au niveau moyen « pré-crise » de 2011-13, et l’autre dans lequel elles sont égales à la moyenne de 2017 (pour ces projections, on conserve la même désagrégation par origine, destination, sexe et groupe d’âge). Ces deux scénarios distincts aboutissent à des prévisions très différentes des flux de demandeurs d’asile à destination des pays européens. Dans le premier scénario (moyenne de 2011-13), le nombre total de demandes entre 2018 et 2020 atteint environ 1.1 million, alors qu’il s’élève à 2.1 millions dans le second scénario (moyenne de 2017).
Résultats
Les réfugiés dans la population d’âge actif
Pour estimer la contribution de la hausse récente des flux de demandeurs d’asile à la population d’âge actif (15-64 ans), la variation absolue de la population induite par cette hausse observée est comparée à un scénario contrefactuel dans lequel les demandes d’asile (ainsi que les décisions) entre 2014 et 2020 sont supposées être restées en permanence au niveau moyen observé entre 2011 et 2013.
Comme nous l’avons vu dans le Graphique 3.7, la population de réfugiés d’âge actif a augmenté de 1.3 million entre janvier 2011 et la fin 2017, contre 460 000 dans le scénario contrefactuel (c’est-à-dire en l’absence de l’afflux de réfugiés observé depuis 2014). L’effet net se monte donc à 880 000. Les projections pour la fin 2020 indiquent que cet effet net pourrait atteindre entre 990 000 (si les demandes d’asile reviennent à leur niveau moyen de 2011-13 en 2018-20) et 1.2 million (si les demandes d’asile enregistrées en 2018-20 restent au niveau observé en 2017).
En termes relatifs, cela correspond à une hausse supplémentaire de 0.26 % de la population d’âge actif des pays européens entre janvier 2014 et décembre 2017 (Graphique 3.8). En décembre 2020, cet effet net pourrait atteindre 0.29à 0.36 %14. L’effet net global est donc limité. En effet, les projections de population des Nations Unies montrent que sur la même période 2014-20, la population d’âge actif des pays européens devrait diminuer de 2 %.
L’estimation de l’impact des demandeurs d’asile sur la population d’âge actif varie considérablement d’un pays à l’autre, comme le montre le Graphique 3.8. Dans 15 pays européens (Pologne, République slovaque, République tchèque, Croatie, Estonie, Royaume-Uni, Lituanie, Lettonie, Roumanie, Portugal, Espagne, Slovénie, Irlande, Hongrie, Bulgarie), on ne constate quasiment aucun impact des flux de réfugiés supplémentaires sur la population d’âge actif en décembre 2020 (c’est-à-dire moins de 0.1 %). Moins de 10 pays sont dans une situation intermédiaire, avec un effet restreint mais non négligeable, à près de 0.4% (Norvège, France, Belgique, Pays-Bas, Finlande, Italie, Danemark, Suisse). Enfin, dans cinq pays (Luxembourg, Grèce, Suède15, Autriche, Allemagne), l’effet net est supérieur à 0.5 %, et pourrait atteindre au moins 1 % avant fin 2020 en Suède, en Autriche et en Allemagne.
En raison de la répartition spécifique des demandeurs d’asile et des réfugiés par âge et par sexe (voir Graphique 3.3. ), qui diffère considérablement de celle de la population générale dans les pays de destination, ainsi que de la prédominance d’individus faible relativement ou niveau d’éducation parmi eux, les différents segments de la population d’âge actif ne sont pas affectés de la même façon. Le Graphique 3.9 décrit le même effet net relatif que dans le Graphique 3.8, par sexe et groupe d’âge (partie A) et par sexe et niveau d’éducation (partie B). Ces comparaisons aboutissent à trois résultats fondamentaux:
Tout d’abord, l’effet global est bien moins marqué chez les femmes que l’effet estimé chez les hommes : en décembre 2020, l’effet net atteint presque 0.2 % chez les femmes, contre 0.5 % chez les hommes.
Ensuite, les différences entre les groupes d’âge sont encore plus importantes : chez les hommes, en décembre 2020, l’effet net est inférieur à 0.2 % chez les 35‑64 ans, alors qu’il atteint 1.2 % chez les 18-34 ans.
Troisièmement, il existe une hétérogénéité considérable d’un niveau d’éducation à l’autre : alors que l’effet reste très restreint dans les segments intermédiaire et supérieur de la distribution des niveaux d’éducation, il est beaucoup plus important au bas de cette distribution. En décembre 2020, la population masculine au niveau d’éducation faible d’âge actif aura augmenté de 1.4 % supplémentaire suite à la hausse du flux de réfugiés, tandis que le segment de la population masculine d’âge actif diplômée de l’enseignement supérieur aura enregistré une hausse nette de 0.2 % seulement. Bien que l’ampleur globale de cet effet soit moindre chez les femmes, le gradient relatif au niveau d’éducation est similaire à celui observé chez les hommes.
Ces résultats concernent la population européenne d’âge actif dans son ensemble, mais la concentration de l’effet des flux récents de réfugiés sur certains sous-groupes de la population d’âge actif est encore plus marquée dans les pays où l’effet moyen est plus important. C’est par exemple le cas en Allemagne, en Autriche et en Suède. Le Graphique 3.10 présente l’effet net sur les hommes de 18 à 34 ans au niveau d’éducation faible (deuxième cycle de l’enseignement secondaire ou moins). On estime que d’ici à la fin de l’année 2020, en Autriche, ce segment de la population d’âge actif aura augmenté de 21 % par rapport à la fin 2013 sous l’effet des flux récents de réfugiés. Pour l’Allemagne, l’effet net maximum atteint 18 %, alors qu’il est proche de 10 % pour la Suisse, le Luxembourg et la Suède16. Si ces chiffres sont importants en termes relatifs, c’est à la fois en raison de la surreprésentation des réfugiés dans cette catégorie, mais également parce que ce segment spécifique de la population d’âge actif (hommes au niveau d’éducation faible âgés de 18 à 34 ans) est restreint dans les pays européens. Globalement, ce segment ne représente que 5 % environ de la population européenne masculine d’âge actif, avec une hétérogénéité limitée d’un pays à l’autre.
Les réfugiés dans la population active
En raison du faible taux d’activité des réfugiés au cours des premières années de résidence, l’impact sera beaucoup plus faible sur la population active que sur la population d’âge actif. L’effet net est estimé à 345 000 à la fin de l’année 2017, et entre 515 000 et 590 000 fin 2020 (selon le niveau des demandes d’asile en 2018-20).
Afin d’évaluer la portée économique potentielle de cette hausse de la population active, il est nécessaire de la comparer à la taille de la population active globale. En supposant que la part non réfugiée de la population active aurait suivi la même trajectoire dans les scénarios réel et contrefactuel, l’impact relatif est obtenu en divisant la différence entre la population active réfugiée estimée et contrefactuelle par la population active totale en décembre 2013. Cela peut être effectué pour l’ensemble de la population active européenne, et pour chaque pays individuellement (Graphique 3.11).
En ce qui concerne les pays européens dans leur ensemble, l’impact relatif sur la population active est de 0.14 % en décembre 2017, et de 0.21 % à 0.24% en décembre 202017. Au niveau des pays, la tendance est similaire à celle décrite pour la population d’âge actif : dans environ la moitié des pays européens, les flux supplémentaires de réfugiés n’ont quasiment aucun impact (moins de 0.05 %) sur la main-œuvre, que ce soit en décembre 2017 ou en décembre 2020. Environ 10 pays enregistrent un impact relativement faible – entre 0.1 et 0.3 % fin 2020. Enfin, l’impact devrait être beaucoup plus important en Suède, en Grèce, en Autriche et en Allemagne, avec une hausse d’au moins 0.5 %, et jusqu’à 0.8 % pour l’Allemagne.
Dans quelle mesure le flux de réfugiés récents contribue-t-il à la population active par rapport au taux de croissance « normal » de cette dernière ? Les estimations fondées sur les données Eurostat montrent que la croissance de la population active dans l’ensemble des pays européens atteint actuellement environ 0.4 % par an. En supposant que cette tendance se poursuive jusqu’en 2020, la croissance totale de la population active sur la période 2013-20 atteindrait 2.7 %. C’est environ 10 fois plus que l’effet net estimé des flux récents de réfugiés, qui est donc marginal. Comme pour la population d’âge actif, l’impact sur la population active varie selon le sexe, le groupe d’âge et le niveau d’éducation (Graphique 3.12, parties A et B). Chez les femmes, tous âges et niveaux d’éducation confondus, l’impact global est très réduit, en raison de leur sous-représentation dans les flux de réfugiés et de leur faible taux d’activité. Chez les hommes, à l’instar des résultats obtenus pour la population d’âge actif, l’impact le plus important est constaté chez les plus jeunes et les groupes au niveau d’éducation faible. Pour ces derniers, l’effet net atteint 1.2 % en décembre 2020. Il est toutefois bien moindre chez les hommes plus âgés ou au niveau d’éducation plus élevé (inférieur à 0.2 %).
Le Graphique 3.13 présente les résultats par pays des hommes au niveau d’éducation faible âgés de 18 à 34 ans, groupe pour lequel l’impact global est le plus important. Les flux récents de réfugiés induiront une hausse négligeable ou réduite (inférieure à 2 %) de la population active dans ce groupe d’ici à la fin décembre 2020 dans environ la moitié des pays (par rapport au niveau de décembre 2013). L’impact sur la population active est toutefois relativement important dans quelques pays, bien qu’inférieur au chiffre obtenu pour la population totale de ce groupe (Graphique 3.10) : l’effet net atteint 15 % en Autriche, 14 % en Allemagne et 9 % en Suède et au Luxembourg.
Emploi et chômage parmi les réfugiés
Il n’est pas simple de faire des déductions à partir de ce résultat en termes de salaires ou de perspectives d’emploi de ce segment de la population active, pour les travailleurs déjà présents dans le pays comme pour les réfugiés eux-mêmes. Cela dépend non seulement de la dynamique à court terme de la demande de travail visant les travailleurs débutants et relativement non qualifiés, mais également des ajustements apportés par les entreprises en réponse à l’évolution de l’offre de travail. Par exemple, certaines entreprises peuvent choisir de retarder l’adoption de nouvelles technologies économes en travail pour une certaine catégorie d’activités. Ces ajustements à moyen et long termes n’entrent pas dans le cadre du présent chapitre. À l’aide d’hypothèses complémentaires, l’effet à court terme sur la population active abordé plus haut peut toutefois être décomposé en évolution de l’emploi et du chômage.
Comme nous l’avons vu plus haut, les données de l’enquête européenne sur les forces de travail de 2014 peuvent être utilisées pour estimer le taux d’emploi des réfugiés en fonction de la durée de leur séjour dans les pays d’accueil (voir également Graphique d’annexe 3.A.1). Sur la base de ces prédictions, on peut estimer le nombre de réfugiés en emploi à différents moments dans le temps, bien que la prudence s’impose lors de l’interprétation de ces résultats, puisque cette approche suppose que la demande de travail observée jusqu’en 2020 reste suffisamment proche de celle de 2014. Sans surprise, du fait de leur taux d’emploi relativement bas, les réfugiés ne contribuent pas beaucoup à la hausse de l’emploi dans les pays européens (Graphique 3.14). Globalement, l’effet net à la fin de l’année 2020 est d’environ 0.16 %. Il est supérieur à la moyenne dans les pays où l’impact sur la population active est également relativement important, notamment en Grèce (0.3 % à 0.5 %), en Autriche (0.5 %), en Allemagne (0.4 %) et en Suède (0.4 %).
L’impact sur le chômage est beaucoup plus important, pour deux raisons. Tout d’abord, comme nous l’avons vu plus haut, les perspectives d’emploi des réfugiés arrivés récemment sont souvent mauvaises. Ensuite, la population de base, à savoir le nombre initial de chômeurs ou sein de la population du pays d’accueil, est beaucoup plus réduite. Comme présenté dans le Graphique 3.15, le nombre total de chômeurs dans les pays européens devrait augmenter de 0.8 à 1 % entre décembre 2013 et décembre 2020 du fait des entrées supplémentaires de réfugiés. L’impact sera beaucoup plus marqué dans les principaux pays de destination, notamment l’Allemagne, où l’impact cumulé attendu d’ici à décembre 2020 atteint 6.1 à 6.7 %. D’après ces estimations, l’Autriche, le Luxembourg et la Suède devraient également enregistrer une hausse globale du nombre de chômeurs de 2 à 4 % sur cette période.
En Allemagne, les statistiques officielles de l’emploi corroborent ces résultats. Entre décembre 2013 et juin 2017, la part des ressortissants syriens18 dans l’emploi total a été multipliée par six en Allemagne, passant de 0.03 % à 0.17 %, alors que leur part parmi les demandeurs d’emploi a été multipliée par 20, passant de 0.3 % à 6.3 % (Graphique 3.16). Des données plus spécifiques, mais relatives à une période plus restreinte, montrent que la part des réfugiés (toutes nationalités confondues) parmi les demandeurs d’emploi en Allemagne a atteint 9.3 % en février 2018, contre 4.8 % en juillet 201619. Cette forte hausse, qui est liée au fait que les réfugiés nouvellement admis en Allemagne arrivent actuellement sur le marché du travail plus rapidement qu’ils ne trouvent un emploi, a eu jusqu’à présent peu d’impact sur le taux de chômage total.
Dans le cas de l’Allemagne, il existe une dimension spatiale non négligeable dans la distribution des réfugiés. Fin 2016, la part des réfugiés dans la population des Länder s’échelonnait d’environ 0.5 % dans la Saxe, le Bade-Wurtemberg et en Bavière, à 1.8 % dans la Sarre et 2.2 % dans la Brême, contre 0.8 % en moyenne dans tout le pays. Ces différences régionales en termes de population sont également visibles lorsque l’on s’intéresse à la distribution des réfugiés à la recherche d’un emploi. Le Graphique 3.17 présente une carte des districts allemands indiquant la part des réfugiés (et des demandeurs d’asile) parmi les demandeurs d’emploi en février 2018. Dans la plupart des districts d’Allemagne de l’Est, les réfugiés et demandeurs d’asile représentaient moins de 7 % de l’ensemble des demandeurs d’emploi, contre 10.5 % en moyenne dans le pays. Dans un certain nombre de districts d’Allemagne de l’Ouest, cette part dépassait 15 %, surtout dans les grandes villes.
Demandeurs d’asile déboutés
Même si l’impact de la hausse récente des flux de migrations humanitaires à destination de l’Europe se matérialisera essentiellement par l’entrée de réfugiés dans la population active, d’autres catégories pourraient également jouer un rôle. C’est notamment le cas des demandeurs d’asile dont la demande a été refusée.
Bien que les taux d’admission aient augmenté dans la plupart des pays européens dans le contexte de l’afflux de réfugiés, un grand nombre de demandes d’asile continuent d’être rejetées (voir Graphique 3.2). En 2016, 354 000 demandes d’asile déposées par des individus d’âge actif dans les pays d’Europe ont été rejetées en première instance. En 2017, ce chiffre se montait à 416 000. La hausse nette des effectifs totaux de demandeurs d’asile déboutés entre décembre 2013 et décembre 2020 est comprise entre 850 000 et 1.2 million, selon le scénario contrefactuel considéré.
Ces chiffres sont fondés sur les décisions de première instance, et doivent donc être considérés comme des estimations hautes. En outre, une part non négligeable des individus n’ayant pas obtenu de protection sont susceptibles retourner volontairement ou non dans leur pays d’origine. En Europe, les retours volontaires assistés et les retours forcés se montaient à environ 260 000 en 2016. À terme, seule une partie des demandeurs d’asile déboutés resteront illégalement dans leur pays de destination, mais il est légitime de supposer que la plupart d’entre eux chercheront un emploi pour gagner leur vie, très vraisemblablement sur le marché du travail informel.
Il convient de noter que les nationalités principales des demandeurs d’asile déboutés sont très différentes des nationalités principales des demandeurs d’asile et des réfugiés. Les principales régions d’origine des demandeurs d’asile déboutés au cours de la période 2014‑17 sont l’Afghanistan, l’Albanie, l’Iraq, le Pakistan, le Kosovo, la Serbie, le Nigeria, la Russie, le Bangladesh, l’ex-République yougoslave de Macédoine, l’Iran et la Gambie. Ces régions représentent 60 % de l’ensemble des demandeurs d’asile déboutés, mais « seulement » 45 % des demandes. Les pays d’origine enregistrant les taux d’admission les plus faibles sont l’ex-République yougoslave de Macédoine, la Serbie, la Bosnie-Herzégovine et l’Albanie. Pour les ressortissants de ces pays, le taux global d’admission dans un pays de l’UE (plus la Norvège et la Suisse) était inférieure à 15 % en 2014-17. Si l’on ajoute le Kosovo (pour lequel le taux d’admission est plus élevé, à 40 %) à cette liste, ces régions représentent près d’un quart de l’ensemble des demandes d’asile refusées en 2014-17. Puisque toutes ces régions sont géographiquement proches de l’UE, la probabilité de retour (volontaire ou non) après le rejet d’une demande d’asile est plus importante que pour les régions plus éloignées. En effet, ces régions sont majoritaires dans la liste des régions d’origine dont les ressortissants sont partis suite à un ordre de quitter le territoire, l’Albanie, le Kosovo et la Serbie étant les trois régions les plus représentées en 2014-16.
Le Graphique 3.18 présente le nombre réel de demandeurs d’asile d’âge actif déboutés dans l’ensemble des pays européens sur la période 2012-17, l’équivalent contrefactuel (c’est-à-dire supposant que les flux de demandeurs d’asile en 2014-17 étaient au même niveau qu’en 2011-13), et le nombre de retours de ressortissants de pays tiers suite à des ordres de quitter le territoire. Avant 2014, ainsi qu’en 2014-2017 en vertu du scénario contrefactuel, le nombre annuel de demandeurs d’asile déboutés est resté relativement stable, entre 140 000 et 180 000 personnes. Ce chiffre est inférieur au nombre total de retours, qui a également été relativement stable au cours de la période pour laquelle des données sont disponibles : entre 2008 et 2016, il a varié entre 190 000 et 250 000. Bien que le nombre de retours soit plus élevé en 2016 qu’au cours des quatre années précédentes, il n’est pas supérieur au nombre observé à la fin de la décennie précédente, et les données préliminaires indiquent qu’il a diminué en 2017. Au contraire, suite à la forte hausse du nombre de demandes d’asile, le nombre de demandeurs d’asile déboutés a été multiplié par 2.5 entre 2014 et 2017.
Cela implique qu’en 2016 et 2017, les demandeurs d’asile récemment déboutés sont beaucoup plus nombreux que les ressortissants de pays tiers repartis après avoir reçu un ordre de quitter le territoire. Une fourchette de valeurs plausibles peut être estimée en tenant compte de deux scénarios opposés. Le premier scénario suppose que tous les migrants de retour sont des demandeurs d’asile déboutés. Dans ce cas, pour chaque pays, le nombre estimé de demandeurs d’asile déboutés restant dans le pays correspond à la différence entre le nombre de demandeurs d’asile qui se voient refuser une protection une année donnée, et le nombre de retours. Dans le second scénario, on part de l’hypothèse que tous les demandeurs d’asile déboutés restent dans le pays de destination, d’où une valeur naturellement plus élevée.
Selon cette approche, la fourchette des valeurs possibles pour le nombre de demandeurs d’asile déboutés restant dans les pays européens était comprise entre 200 000 et 395 000 en 2016 et 305 000 et 470 000 en 2017. Il est également possible de reproduire cette procédure dans le cadre du scénario contrefactuel pour les flux de demandeurs d’asile afin d’obtenir une estimation nette de la hausse du nombre de demandeurs d’asile déboutés restant dans le pays en raison des flux récents importants. Le nombre contrefactuel de demandeurs d’asile déboutés restant dans les pays européens était compris entre 50 000 et 170 000 en 2016 et 2017. L’effet net est donc compris entre 155 000 et 230 000 en 2016 et 260 000 et 300 000 en 2017.
Bien que cette estimation ne tienne pas compte du nombre inconnu de demandeurs d’asile déboutés ayant quitté le pays de leur propre chef avant d’en avoir reçu l’ordre, ni du fait que les personnes ne repartent pas forcément l’année où leur demande d’asile a été rejetée, cela implique que le nombre de demandeurs d’asile déboutés qui restent dans les pays européens augmente assez vite et continuera probablement d’augmenter au cours des quelques prochaines années, à moins que les efforts continus déployés par de nombreux pays de l’UE pour accroître l’efficacité des retours ne se concrétisent dans la pratique. Les pays les plus concernés par cette question sont l’Allemagne, qui représente 45 à 52 % de la hausse globale nette en 2016-2017, l’Italie (18 à 23 %), la Suède et la France (4 à 8 % chacune).
Membres de famille de réfugiés
Outre la contribution directe des réfugiés à la population d’âge actif et à la population active, il convient également de prendre en compte les effets dynamiques potentiels dus au regroupement familial. En effet, une fois qu’un individu a obtenu le statut de réfugié dans un pays de destination, il/elle peut demander à être rejoint/e par son conjoint et ses enfants (OCDE, 2017[37]). Afin d’évaluer l’impact potentiel du regroupement familial sur la population d’âge actif et la population active, on peut estimer le nombre potentiel de conjoints de réfugiés susceptibles d’immigrer dans ce contexte.
En l’absence de données sur le délai entre l’admission en tant que réfugié et le regroupement familial, cette analyse met l’accent sur les effectifs de réfugiés à la fin de l’année 2017, et donne une estimation du nombre de membres de leur famille d’âge actif susceptibles de les rejoindre. Pour les réfugiés admis en 2015, par exemple, ce processus pourrait déjà avoir eu lieu et les membres de la famille pourraient déjà être établis dans le pays de destination, mais ce n’est probablement pas le cas pour ceux admis fin 2017. Comme dans les sections précédentes, seuls les réfugiés en excès par rapport au scénario contrefactuel sont pris en compte. Pour simplifier encore le problème, l’analyse prend uniquement en compte le regroupement familial avec les conjoints, et suppose que les enfants appartiennent à des groupes d’âge dont le taux d’activité est négligeable.
Comme mentionné ci-dessus, la répartition par sexe des demandeurs d’asile et des réfugiés n’est pas équilibrée : parmi ceux d’âge actif, 75 % sont des hommes. Si l’on part de l’hypothèse que toutes les réfugiées mariées sont arrivées dans le pays de destination accompagnées de leur conjoint, il reste un nombre considérable de réfugiés de sexe masculin susceptibles d’essayer de faire venir leur famille.
Dans la plupart des pays d’origine des réfugiés récents, le taux de mariage des adultes est généralement très élevé. Par exemple, en Afghanistan, en 2007-2008, 88 % des hommes âgés de 25 à 39 ans étaient mariés, et cette part atteignait 96 % pour ceux âgés de 40 à 64 ans. Le taux de mariage des femmes était tout aussi élevé. En Syrie (2001) et en Iraq, (2004), la part des hommes mariés était proche de 95 % chez les 40-64 ans, mais le mariage avant 30 ans n’était pas si fréquent : en Syrie, seuls 9 % des 20-24 ans étaient mariés, et 38 % des 25-29 ans ; en Iraq, ces parts atteignaient 18 et 49 %. La part des femmes mariées était quelque peu inférieure, à environ 80 % pour les 30-44 ans en Iraq, et environ 85 % en Syrie. Malgré des particularités nationales, on constate des tendances similaires dans la plupart des pays dont sont originaires les réfugiés (ONU, 2017[38]).
On suppose que les réfugiés arrivés à l’âge adulte ont des comportements matrimoniaux similaires à ceux de la population générale de leur pays d’origine. Cela impliquerait que 80 % des réfugiés (hommes et femmes) âgés de 35 à 64 ans sont mariés. Pour le groupe des 18-34 ans, puisque le gradient relatif à l’âge est important, deux taux de mariages sont envisagés : 20 % et 60 %, hommes et femmes confondus.
En décembre 2017, on dénombrait 204 000 hommes et 103 000 femmes parmi les réfugiés âgés de 35 à 64 ans. En supposant que 80 % étaient mariés et que toutes les femmes mariées étaient accompagnées de leur conjoint, cela signifie que 81 000 d’entre eux étaient potentiellement candidats au regroupement avec leur famille restée à l’étranger. Si l’on intègre le groupe des 18-34 ans, et que l’on tient compte du surplus « habituel » d’hommes mariés parmi les réfugiés mis en évidence par le scénario contrefactuel, le nombre total de conjointes potentielles à réunir avec les réfugiés est compris entre 120 000 et 250 000 (toutes étant des femmes d’âge actif).
Par rapport à l’estimation obtenue ci-dessus, à savoir 920 000 réfugiés d’âge actif supplémentaires entrés dans les pays européens entre 2014 et 2017, cet afflux supplémentaire de conjoints d’âge actif par le biais du regroupement familial n’est donc pas négligeable (13 à 27 % d’entrées supplémentaires).
Il est également utile d’utiliser les données directes relatives aux permis familiaux délivrés à des ressortissants des principaux pays d’origine des réfugiés pour évaluer les entrées potentielles par cette filière. Par exemple, on a enregistré une hausse considérable du nombre de permis délivrés par les pays européens à des ressortissants syriens pour des raisons familiales au cours des dernières années. Si seuls environ 3 000 permis de cette catégorie ont été délivrés en 2010 et en 2011, ce nombre a été multiplié par 20 en cinq années pour atteindre 60 000 en 2016, ce qui a coïncidé avec l’afflux massif de demandeurs d’asile syriens dans les pays européens (Graphique 3.19). En supposant que ces permis familiaux supplémentaires sont directement liés à l’arrivée de réfugiés syriens dans les pays européens, cela ajoute jusqu’à 100 000 membres de familles syriennes déjà arrivés au cours de la période 2014-16. En supposant un délai d’un an entre l’admission en tant que réfugié et le regroupement familial, on peut estimer un « multiplicateur de regroupement » en divisant le nombre de permis familiaux accordés au cours de l’année t par le nombre de réfugiés de même nationalité admis l’année t−1. Pour les Syriens, le multiplicateur moyen se monte à environ 0.5 pour les réfugiés admis en 2012-15. Sur la base de cette estimation et du nombre de réfugiés syriens admis en 2016 et 2017, on peut s’attendre à l’entrée supplémentaire de quelque 240 000 membres de familles syriennes en 2017-18. Pour les Syriens, l’effet net global du regroupement familial sera donc de 340 000 immigrés, contre une hausse nette du nombre de réfugiés syriens de 700 000 entre 2014 et 2017. Puisque cette estimation inclut les enfants, l’effet sur la population d’âge actif serait toutefois moindre.
Conclusion
Dans le contexte de la hausse récente du nombre de demandeurs d’asile et de réfugiés dans les pays européens, une évaluation de son impact économique est nécessaire tant pour des raisons économiques que politiques. Le soutien de l’opinion publique est indispensable pour maintenir le système d’asile européen et prévenir toute réaction de rejet à l’encontre des réfugiés (et des immigrés en général). Pour garantir ce soutien, une évaluation appropriée de l’impact de ces flux est nécessaire pour identifier toute conséquence négative éventuelle pour les personnes nées dans les pays de destination et encourager des mesures complémentaires appropriées afin de minimiser ces effets.
Si les réfugiés récents possèdent un profil d’intégration sur le marché du travail similaire à celui des réfugiés précédents, les effets globaux de l’afflux récent sur le marché du travail sont susceptibles d’être restreints et progressifs. La plupart des migrants admis en tant que réfugiés dans les pays européens depuis 2013 viennent tout juste de commencer à entrer sur le marché du travail, et les entrées des réfugiés arrivés depuis 2015 sur le marché du travail s’étaleront sur plusieurs années.
L’analyse présentée dans ce chapitre s’intéresse uniquement à l’évolution de l’offre de travail, et ne tient pas compte des effets négatifs potentiels dû à une variation imprévue de la demande de travail. Toutefois, sur la base de ce qui a été observé par le passé dans l’ensemble des pays européens, l’effet modeste sur l’offre de travail exclut probablement tout risque d’impact négatif considérable des flux récents sur le marché du travail.
Dans certains pays toutefois, des segments spécifiques du marché du travail enregistrent une hausse de l’offre de travail supérieure à la moyenne et les populations nées dans le pays peuvent être considérablement affectés. C’est par exemple le cas de l’emploi informel, qui est susceptible de concentrer la plupart des demandeurs d’asile déboutés restant illégalement dans les pays de destination. C’est également le cas des hommes jeunes au niveau d’éducation faible, en raison d’une surreprésentation des réfugiés dans ce groupe de population. Dans ce segment, notamment en Allemagne, en Suède et en Autriche, l’augmentation de l’offre de travail est considérable. Puisque cette catégorie de la population est déjà vulnérable, cette évolution de l’offre de travail nécessite un renforcement des mesures en faveur de ce groupe.
Même si ce sous-groupe de population est relativement restreint, une nouvelle détérioration de ses résultats sur le marché de l’emploi, liée à la concurrence avec les réfugiés pour l’accès à l’emploi, pourrait entraîner une forte dégradation de l’opinion publique relative à l’impact moyen des réfugiés sur l’économie.
Dans le même temps, il est également nécessaire d’aider les réfugiés à réussir leur intégration sur le marché du travail, et plus généralement dans les sociétés d’accueil, aussi rapidement et facilement que possible. Favoriser l’intégration des réfugiés sur le marché du travail conduira mécaniquement à une augmentation plus importante et plus rapide de l’offre de travail, mais accroîtra également la demande. Puisqu’un accès rapide des réfugiés au marché du travail est un déterminant essentiel des autres dimensions de leur intégration sociale et réduit également leur dépendance aux prestations sociales, il demeure essentiel de promouvoir des politiques d’intégration maximisant leur accès à l’emploi.
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[19] Peri, G. and V. Yasenov (2018), “The labor market effects of a refugee wave: Synthetic control method meets the Mariel Boatlift”, Journal of Human Resources, p. 0217_8561R1, http://dx.doi.org/10.3368/jhr.54.2.0217.8561R1.
[31] Schultz-Nielsen, M. (2017), “Labour market integration of refugees in Denmark”, Nordic Economic Policy Review, Vol. 2017, pp. 55-89, http://dx.doi.org/10.6027/TN2017-520.
[9] Stähler, N. (2017), “A model-based analysis of the macroeconomic impact of the refugee migration to Germany”, Discussion Papers, No. 05/2017, Deutsche Bundesbank.
Annexe 3.A. Graphiques supplémentaires
Notes
← 1. Les chiffres inclus dans ce paragraphe sont tirés des rapports Mid-Year Trends du HCR (HCR, 2013[39]; HCR, 2018[40]).
← 2. Dans ce chapitre, sauf indication contraire, le terme « réfugié » inclut les personnes ayant obtenu le statut de réfugié (tel que défini par la Convention de 1951), mais aussi les personnes sous protection subsidiaire ou autorisées à rester pour des raisons humanitaires en vertu du droit national.
← 3. Dans ce chapitre, les pays européens désignent l’ensemble des 28 pays de l’UE, plus la Norvège et la Suisse.
← 4. Bien que le nombre de réfugiés réinstallés ait été plafonné à 50 000 par décret, les États-Unis ont admis plus de 53 000 réfugiés au cours de l’exercice budgétaire 2017 suite à une décision de la Cour suprême autorisant, même après que le plafond a été atteint, l’admission de ceux qui revendiquaient de bonne foi une relation avec une personne ou une entité aux États-Unis.
← 5. Moins de 1 % des demandeurs d’asile ou des réfugiés admis dans les pays européens étaient âgés de 65 ans et plus.
← 6. Ces pays sont l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, le Danemark, la Grèce, l’Italie, les Pays-Bas, la Suède, la Suisse et la Turquie.
← 7. Ce point de vue a été exprimé en particulier en Allemagne en 2015 par de nombreuses parties prenantes, notamment le gouvernement. Voir p. ex. http://www.spiegel.de/international/germany/refugees-are-an-opportunity-for-the-german-economy-a-1050102.html ; http://www.dw.com/en/tapping-refugees-to-combat-germanys-labor-shortage/a-18688541
← 8. La nature apparemment intuitive du cadre fondamental d’analyse de l’offre et de la demande, associée aux fondements politiques qui sous-tendent la question, explique probablement la persistance de la quête d’un « vrai » résultat dans la littérature économique, et la polarisation du débat.
← 9. Pour obtenir ces estimations, le nombre de réfugiés réinstallés dans chaque pays d’accueil, tiré de HCR (2000[14]), est multiplié par 75 % (part supposée des entrées totales enregistrée en 1980) et divisé par la population d’âge actif (15-64 ans) du pays d’accueil en 1980. Aux États-Unis, le nombre total de réfugiés indochinois réinstallés entre 1975 et 1995, notamment par le biais de l’ODP, se monte à 1.28 million. L’estimation haute du nombre de réfugiés d’âge actif en 1980 se monte donc à 75 %×1.28 million. En divisant le résultat par la population des États-Unis en âge de travailler en 1980 (151 millions), on obtient l’estimation de 0.6 %.
← 10. Pour obtenir cette estimation, on applique la même méthode qu’à l’échelle nationale. On suppose que la part des réfugiés indochinois en Californie a augmenté de manière linéaire, passant de 22 % en 1975 à 45 % en 1995, soit une part de 28 % en 1980. Cette part est ensuite appliquée à l’estimation nationale du nombre de réfugiés d’âge actif en 1980 (75 %×1.28 million). Le dénominateur est la population d’âge actif californienne en 1980 (16 millions).
← 11. « CITE » signifie « Classification internationale type de l’éducation ». Le niveau 1 de la CITE correspond à l’enseignement primaire, le niveau 2 au premier cycle de l’enseignement secondaire, le niveau 3 au deuxième cycle de l’enseignement secondaire, le niveau 4 à l’enseignement post‑secondaire non supérieur, et les niveaux 5 à 8 aux différents niveaux de l’enseignement supérieur (cycle court, licence, master et doctorat).
← 12. Ce modèle permet à la durée de séjour d’affecter différemment le taux d’activité en fonction de l’âge ; en outre, les coefficients de chaque niveau d’instruction sont mis en interaction avec le sexe, ce qui permet d’obtenir des rendements de l’éducation différents pour les hommes et les femmes. Dans ce contexte, puisque seules des prédictions globales (plutôt qu’individuelles) sont nécessaires, les problèmes de spécification liés à l’utilisation d’un modèle linéaire plutôt que non linéaire sont anodins. En raison de contraintes de données, il n’est pas possible de prendre en compte les effets du pays d’origine.
← 13. Toutefois, cela ne veut pas dire que les réfugiés très instruits occuperont forcément des emplois très qualifiés, puisqu’il existe de nombreuses preuves d’un déclassement des réfugiés (et des immigrés en général) sur les marchés du travail européens.
← 14. La variation nette relative est de 0.29 % si les demandes d’asile reviennent à leur niveau moyen de 2011-2013 en 2018-2020, et de 0.36 % si elles sont égales à la moyenne de 2017 en 2018-2020.
← 15. Pour la Suède, l’effet net est plus important en décembre 2017 qu’en décembre 2020, du fait de la forte diminution des flux de demandeurs d’asile en 2016 et 2017 par rapport à 2015. Bien que les résultats pour 2017 soient fortement influencés par les flux très importants enregistrés en 2015, les projections pour 2018-2020 sont définies soit sur la base de la moyenne de 2011-2013, soit de la moyenne de 2017. Les flux de demandeurs d’asile en 2017 étaient encore plus faibles qu’en 2011-2013, période définissant la trajectoire hypothétique. Par conséquent, l’effet net en 2020 est plus faible qu’en 2017. C’est également vrai pour la Norvège, dans une moindre mesure toutefois.
← 16. Pour la Norvège et la Suède, l’effet net est plus important en décembre 2017 qu’en décembre 2020. Voir note 16.
← 17. Pour 2020, les limites inférieure et supérieure de la fourchette correspondent aux deux hypothèses relatives au niveau des demandes d’asile : retour à la moyenne de 2011-2013 (limite inférieure), ou moyenne de 2017 (limite supérieure).
← 18. Ces statistiques font référence à l’ensemble des Syriens vivant en Allemagne, pas seulement aux réfugiés. Les réfugiés représentaient 55 % de l’ensemble des ressortissants syriens présents fin 2016, contre 39 % fin 2013.
← 19. Statistik der Bundesagentur für Arbeit, Migrations-Monitor : Personen im Kontext von Fluchtmigration. Cette part est passée à 10.5 % en février 2018, demandeurs d’asile inclus.