Le présent chapitre précise le concept d’emploi illégal des étrangers à la lumière des différentes formes d’irrégularité et d’illégalité auxquelles celui-ci peut donner lieu, et le met en relation avec la notion d’emploi informel. Il fournit également des informations concrètes sur l’ampleur de ce phénomène dans les pays de l’OCDE et sur ses caractéristiques. Étant donné la rareté des données, il est toutefois difficile de mesurer précisément le phénomène. L’essentiel du chapitre porte plutôt sur les mesures mises en œuvre dans les pays de l’OCDE pour prévenir, contrôler et sanctionner l’emploi d’étrangers en situation irrégulière ; il s’appuie pour cela sur les réponses à un bref questionnaire adressé aux pays membres de l’OCDE. Il analyse aussi les politiques générales visant à réduire l’emploi informel et l’immigration irrégulière.
Perspectives des migrations internationales 2018
Chapitre 4. Lutter contre le travail illégal des étrangers
Abstract
Ce chapitre a été redigé par Sandrine Cazes. Elle remercie Martina Lubyova, Anna Triandafyllidou, Laura Bartolini et Michele Tuccio pour la documentation qu'ils ont fournie lors de la préparation de ce chapitre.
Les données statistiques concernant Israël sont fournies par et sous la responsabilité des autorités israéliennes compétentes. L’utilisation de ces données par l’OCDE est sans préjudice du statut des hauteurs du Golan, de Jérusalem Est et des colonies de peuplement israéliennes en Cisjordanie aux termes du droit international.
Introduction
Le travail illégal des étrangers est source de problèmes, tant sur le plan économique que sur celui des migrations. Du point de vue économique, il peut induire un manque à gagner pour l’État, pénaliser les travailleurs réguliers, qu’ils soient étrangers ou nés dans le pays, et inciter les employeurs à faire appel aux travailleurs immigrés pour diminuer les coûts de main d’œuvre. Sur le plan de la politique migratoire, la lutte contre ce phénomène contribue à décourager l’immigration clandestine dont il est l’un des principaux moteurs (OCDE, 2015[1]; Reyneri, 2003[2]). Fait important, elle permet aussi de prévenir l’ostracisme et le rejet que l’immigration irrégulière suscite envers l’immigration en général. Mais ce sont surtout des arguments d’ordre humain, social et éthique qui justifient la lutte contre cette pratique, qui touche souvent les segments les plus vulnérables de la population active – les travailleurs illégaux risquent d’être exploités, de n’avoir pas, ou peu, accès aux prestations sociales de base, et d’être privés de leurs droits fondamentaux.
De multiples facteurs peuvent à la fois inciter une personne à quitter son pays et à l’attirer dans un autre, et contribuer ainsi au travail illégal des étrangers, comme par exemple une large économie informelle dans les pays d’accueil pouvant offrir de multiples possibilités d’emplois aux immigrés en situation irrégulière (et pas seulement à eux), ou l’éventuel inadéquation entre de véritables pénuries de main d’œuvre dans certains secteurs à forte intensité de travail et des politiques d’immigration restrictives à l’égard des migrants peu qualifiés. Les faibles perspectives d’emploi dans les pays d’origine, ou des événements soudains qui obligent les gens à immigrer sans avoir le temps de déposer des demandes officielles de visa et de permis de travail peuvent aussi expliquer que des immigrés se retrouvent en situation irrégulière d’emploi. Plus généralement, les tendances lourdes qui influent sur les marchés du travail – comme la mondialisation et l’essor des formes flexibles d’emploi1 – créent aussi des pressions supplémentaires pouvant amener les employeurs à chercher une main d’œuvre toujours plus souple et moins chère.
La lutte contre l’emploi illégal des étrangers n’est pas un thème nouveau ; cette question occupe depuis vingt ans une place prioritaire à l’ordre du jour des responsables publics (OCDE, 2000[3]). Plusieurs évolutions l’ont cependant portée à l’attention nationale et internationale ces dernières années. Dans les pays européens, les problèmes politiques et sécuritaires liés à l’arrivée massive d’immigrés et de demandeurs d’asile ayant irrégulièrement franchi la Méditerranée ont eu un retentissement médiatique considérable. Par ailleurs, le fait qu’un demandeur d’asile sur deux, à l’échelon européen, risque de voir sa demande de protection rejetée soulève immédiatement la double question du retour et du travail illégal. Il se peut en outre que des travailleurs étrangers réguliers soient tombés dans l’illégalité, temporairement au moins, à la suite de la crise économique et financière de 2008‑09, soit parce qu’ils ont perdu leur permis de travail, soit parce qu’ils ont perdu leur emploi formel.
On peut en déduire que de nombreux pays de l’OCDE, en Europe notamment, accueillent une population grandissante de migrants en situation irrégulière ou semi-irrégulière qui travaillent illégalement pour les raisons suivantes :
ils sont entrés illégalement dans le pays d’accueil ;
leur demande d’obtention du statut de réfugié a été rejetée et ils n’ont pas quitté le pays ;
ils ne respectent pas les conditions régissant leurs permis de travail ou de séjour ;
ils remplissent les conditions nécessaires à l’obtention d’un permis de travail mais ne possèdent pas les connaissances administratives nécessaires pour en faire la demande2.
Les combinaisons de ces différentes configurations sont susceptibles de créer des profils de travailleurs étrangers aux caractéristiques très hétérogènes. Qui plus est, l’emploi illégal d’étrangers étant par définition un phénomène dissimulé, il est difficile, voire impossible, d’établir des estimations fiables de son ampleur dans les pays de l’OCDE. Ce chapitre ne s’aventure donc pas sur ce terrain, mais s’efforce en revanche de réunir les différentes pièces d’un puzzle complexe. Il analyse aussi les mesures adoptées pour combattre cette pratique et examine les formes qu’elles peuvent revêtir. Il se penche à la fois sur les mesures générales destinées à réduire l’emploi informel et l’immigration clandestine et sur les dispositions plus spécifiques qui se fondent sur la prévention, la détection et les sanctions pour améliorer la conformité aux règles et leur application sur le lieu de travail.
Le chapitre s’articule comme suit. Tout d’abord, il précise en quoi consiste l’emploi illégal des étrangers en considération des différentes formes d’irrégularité et d’illégalité qu’il peut comporter et le met en relation avec l’emploi informel. Deuxièmement, il décrit les principaux problèmes liés à son évaluation et fournit quelques informations démontrant l’ampleur du phénomène dans les pays de l’OCDE. Compte tenu du manque de données, il s’attache toutefois davantage à définir ses caractéristiques. Ensuite, en s’appuyant sur les réponses à un bref questionnaire adressé aux pays membres de l’OCDE, le chapitre passe en revue et analyse les mesures prises par ces derniers pour prévenir, contrôler et sanctionner l’emploi illégal des étrangers. Les politiques générales en vigueur pour limiter l’emploi informel et l’immigration clandestine sont examinées. Le chapitre est clôt par un résumé de ses principales conclusions et recommandations.
Principaux résultats
Le travail illégal des étrangers est un problème complexe et pluridimensionnel. Il peut résulter du non-respect des règles en matière d’immigration (travailleurs étrangers sans permis de séjour, ou dont le permis est périmé ou n’est pas entièrement conforme, en violation du statut de résident) ou d’emploi (travailleurs étrangers sans permis de travail, ou dont le permis est périmé ou n’est pas entièrement conforme, en situation irrégulière au regard de l’emploi). Compte tenu du large éventail d’irrégularités que de telles situations peuvent entraîner, ce phénomène concerne sans doute des personnes dans des situations très différentes.
Afin de formuler des réponses politiques appropriées, il est indispensable d’établir une distinction entre le travail illégal des étrangers et l’emploi informel. D’une part, des étrangers en situation irrégulière de séjour peuvent travailler dans le secteur formel ; de l’autre, les natifs comme les immigrants peuvent occuper un emploi informel.
Selon les estimations, les États-Unis comptaient environ 11.3 millions d’immigrés irréguliers en 2016 (3.5 % de la population totale), et l’Union européenne (UE27) en recensait entre 1.9 million et 3.8 millions en 2008 (de 0.4 % à 0.8 % de la population). On ne dispose malheureusement pas d’estimations plus récentes pour l’UE, même s’il est raisonnable de supposer que le chiffre actuel est supérieur à celui de 2008, quoique encore nettement inférieur à celui des États-Unis.
Malgré le manque de données comparables, les informations disponibles – tirées de sources comme les registres de régularisation – permettent de penser que le travail illégal des étrangers concerne le plus souvent les hommes relativement jeunes. L’agriculture, la construction, les industries manufacturières et les services domestiques sont les secteurs les plus susceptibles d’y recourir.
Les politiques de lutte contre le travail illégal des étrangers devraient s’appuyer sur un large éventail de mesures, en matière d’emploi et de migration notamment, pour combattre l’emploi informel et privilégier les filières légales, et sur des mesures plus spécifiques conçues pour améliorer le respect des règles en vigueur sur le lieu de travail et contrôler leur application.
Dans les cas où le problème a acquis une dimension importante ou structurelle, des programmes de régularisation paraissent inévitables. Ils doivent cependant être soigneusement conçus, et soutenus par des réformes qui s’attaquent à la racine du phénomène.
Les mesures de contrôle de statut attendent des employeurs qu’ils vérifient que le travailleur étranger est dûment autorisé à exercer un emploi. À cette fin, certains États ont établi un service de vérification auquel les employeurs peuvent ou doivent faire appel. Ces systèmes peuvent sensibiliser les employeurs au problème et faciliter les inspections, mais leur mise en place est encore embryonnaire dans les pays de l’OCDE. Quelques pays ont toutefois mis en service des plateformes de vérification sécurisées en ligne qui permettent aux employeurs de contrôler gratuitement les permis de travail de leurs salariés étrangers et des candidats à l’embauche. Ces systèmes pourraient servir de modèle de bonnes pratiques.
Dans la plupart des pays de l’OCDE, les pratiques en matière d’inspection du travail consistent généralement à associer des inspections ciblées dans des secteurs précis à des contrôles aléatoires plus généraux. Néanmoins, les inspections sont généralement rares, et donc peu susceptibles de dissuader les employeurs d’embaucher illégalement des étrangers. Pour rehausser leur efficacité, il faut améliorer et renforcer la coordination et la coopération entre les différents organismes publics chargés de lutter contre le travail illégal des étrangers, comme les services de police, les services de l’immigration, les administrations fiscale et douanière, et les inspections du travail.
Les pays de l’OCDE ont adopté des approches très différentes en matière de pénalités et sanctions à l’encontre du travail illégal des étrangers, le montant des amendes et la gravité des chefs d’accusation variant considérablement. Il n’en demeure pas moins que les sanctions à l’encontre des employeurs sont un volet essentiel des mesures destinées à les dissuader d’embaucher des étrangers en situation irrégulière. L’efficacité des sanctions est fonction à la fois de leur sévérité et de la crédibilité que les employeurs accordent à leur mise en application.
L’emploi illégal est pluridimensionnel
De quoi s’agit-il ?
L’emploi illégal des étrangers peut être le fruit d’irrégularités ou d’illégalités associées au contenu du travail lui-même (activités illicites par exemple), aux modalités d’emploi (non-déclaration ou sous-déclaration de certaines activités aux pouvoirs publics, comme dans le cas de l’emploi informel3) ou à la situation personnelle du travailleur, qui peut se trouver en situation irrégulière parce qu’il enfreint les lois sur l’immigration, les lois sur le travail, ou bien les deux. Il convient toutefois d’établir une distinction entre l’emploi illégal des étrangers et l’emploi informel ; ce dernier peut en effet tout autant concerner les personnes nées dans le pays comme les immigrés, aucun élément ne démontrant que les étrangers y soient surreprésentés. Au demeurant, les étrangers en situation irrégulière ont parfois des emplois formels4 – ils figurent sur la liste officielle du personnel de l’employeur et s’acquittent même de l’impôt sur le revenu et des cotisations sociales (en toute connaissance de cause, ou pas, de l’employeur).
En outre, les degrés d’illégalité sont très divers – depuis l’absence de permis de travail ou de séjour en bonne et due forme au non-respect des conditions dont ceux-ci sont assortis (la durée du séjour ou d’un emploi, le nombre d’heures de travail, la validité limitée à un employeur, un secteur, une profession ou une région précis par exemple). Autrement dit, l’emploi illégal des étrangers couvre un large éventail de situations, depuis des infractions relativement mineures aux permis accordés jusqu’à des activités criminelles comme la traite d’êtres humains et le travail forcé.
L’emploi illégal des étrangers traité ici porte sur les infractions et le non-respect de certaines règles juridiques ou administratives en matière d’immigration ou de travail (travailleurs étrangers sans permis de séjour ou de travail, ou dont le permis est périmé ou n’est pas pleinement conforme).
C’est là un champ plus large que celui de la définition qu’en donne l’Union européenne dans la Directive concernant les sanctions et les mesures à l’encontre des employeurs de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier 2009/52/CE5 dans la mesure où il comprend également ceux qui se trouvent en séjour régulier mais travaillent sans permis de travail ou sans permis pleinement valide6, ou qui ont un emploi dans le secteur informel. Le Graphique 4.1 illustre ces différentes configurations. En combinant le statut migratoire et le type d’emploi, il établit les profils des travailleurs étrangers. À proprement parler, la seule catégorie qui peut être considérée « légale » est le profil [6]. Le chapitre se limite cependant aux profils [1] à [4] car la situation d’un individu présentant le profil [5] est, du point de vue migratoire, régulier, bien que contrevenant aux réglementations fiscales et du marché du travail.
Préciser les profils des travailleurs étrangers : antécédents et parcours
L’emploi illégal des étrangers a une dimension temporelle dans la mesure où il peut être défini par sa durée. Le Graphique 4.1 illustre la situation des travailleurs à un moment donné, mais ne rend pas compte de leur parcours dans le temps, avant leur arrivée sur le marché du travail, ni du nombre de fois où ils ont acquis et perdu le statut de travailleur régulier. Or, l’aspect temporel joue de manière importante sur l’évaluation et la caractérisation de l’emploi illégal des étrangers et sur la formulation et la mise en œuvre de politiques.
S’agissant de l’évaluation, le caractère insaisissable du phénomène et le fait que le recensement des travailleurs qui perdent et regagnent un statut régulier ou légal repose sur des hypothèses quant à la durée moyenne de la période passée en situation irrégulière ou illégale rendent toute estimation difficile. Un tel calcul est assorti d’une marge d’incertitude importante, même s’il est possible de produire des chiffres qui s’inscrivent dans un intervalle de confiance. Le suivi des parcours individuels fournit aussi des informations qui permettent de détecter les trajectoires prédéterminées et les suites logiques d’un passé marqué par des infractions, et renseignent sur la gravité de ces dernières. Ces informations revêtent aussi une grande importance lorsqu’il s’agit de repérer certaines catégories de travailleurs étrangers – notamment les personnes en dépassement de séjour (qui sont entrées sur le territoire avec un visa de tourisme ou un autre visa temporaire et qui restent au-delà de la période autorisée par exemple) ou, plus généralement, celles qui restent dans le pays malgré une injonction à quitter le territoire.
Les antécédents et trajectoires qui conduisent les travailleurs étrangers à un statut de séjour irrégulier sont très divers :
Ils n’ont jamais été en situation régulière parce qu’ils sont rentrés illégalement sur le territoire.
Ils sont entrés dans le pays avec de faux papiers d’identité, ou sous de fausses identités avec des documents légitimes.
Ils bénéficient d’un statut temporaire régulier (visa de tourisme par exemple) mais en ont enfreint les conditions.
Ils ont déposé une demande d’asile mais se sont vu refuser tout statut de protection et sont tenus de quitter le territoire ;
Ils ont perdu leur droit de séjour parce qu’ils ne satisfont plus aux conditions qui leur avaient permis d’obtenir un permis de séjour à l’origine.
L’irrégularité de la situation au regard de l’emploi peut également revêtir des formes multiples :
Un emploi dans un secteur, un métier, une région ou chez un employeur non autorisés par le permis de travail, surtout quand le salarié mène de front plusieurs emplois ;
Un emploi comportant un nombre d’heures et/ou de jours ouvrés supérieur à celui autorisé par le visa, ce qui est parfois le cas des étudiants en mobilité internationale ou des titulaires d’un visa vacances-travail ;
Un emploi dans le secteur informel malgré un titre de séjour légal.
Les travailleurs étrangers ont aussi parfois des parcours où les périodes de légalité alternent avec les périodes d’illégalité (qui peuvent toutes être de durée différente) et se trouvent souvent dans des situations qui font intervenir diverses combinaisons d’infractions aux règles de séjour et de travail (Tableau d’annexe 4.A.1).
En somme, diverses configurations d’emploi illégal des étrangers sont observables, qui résultent soit de la situation au regard du séjour de la personne concernée - par exemple les étrangers en situation irrégulière (séjour illégal), qui travaillent par conséquent sans autorisation dans le secteur formel ou informel (profils [1] et [2] du Graphique 4.1), soit de sa situation au regard du travail - par exemple les personnes qui n’ont pas de permis, ou dont le permis n’est pas pleinement conforme (celles qui dépassent le nombre d’heures autorisé ou travaillent dans d’autres secteurs que ceux autorisés, ou celles qui ont droit à un permis de travail mais ne l’ont pas demandé ou obtenu) ; dans ce cas également, les étrangers peuvent travailler aussi bien dans le secteur formel qu’informel (profils [3], [4] et [5] du Graphique 4.1).
Les facteurs qui favorisent l’emploi illégal des étrangers
Le travail illégal des étrangers est déterminé par l’action combinée de facteurs incitant une personne à quitter son pays avec des facteurs l’attirant dans le pays d’accueil, et qui résultent à la fois des politiques de migration et du marché du travail, notamment :
La taille de l’économie informelle dans le pays d’accueil. Si le secteur informel est important, il offre aux travailleurs étrangers des possibilités de travailler illégalement, même s’il recrute aussi des natifs et des étrangers en situation régulière (Reyneri, 2003[2]).
Le déséquilibre entre la demande de travailleurs peu qualifiés – parfois particulièrement forte dans des secteurs à forte intensité de main d’œuvre comme l’agriculture – et les politiques d’immigration qui limitent, voire interdisent, l’entrée des personnes peu qualifiées.
Les possibles lacunes, insuffisances ou incohérences des règles et cadres administratifs, comme la législation autorisant les travailleurs étrangers à régulariser leur situation (lois autorisant le changement de statut par exemple), ou la lenteur et la complexité des formalités administratives. Les barrières linguistiques et culturelles aussi peuvent empêcher les travailleurs d’accéder aux informations relatives aux procédures administratives et aux lois et droits du travail ; ils risquent ainsi de se trouver malgré eux en situation irrégulière, ou en infraction aux formalités de travail ou de séjour.
La faible motivation des employeurs à embaucher des travailleurs en règle étant donné la rareté des contrôles sur le lieu de travail et la faiblesse des sanctions. Les employeurs choisissent parfois de recruter des travailleurs étrangers en situation irrégulière parce que ceux-ci acceptent des bas salaires, mais aussi parce que cela leur permet de se soustraire à des réglementations et des taxes coûteuses (Sumption, 2011[4]).
Les raisons qui conduisent à l’emploi illégal des étrangers varient selon les secteurs. Dans le secteur du travail domestique et celui des soins aux personnes, par exemple, celui-ci s’est développé sous l’effet conjugué de l’augmentation globale de la demande de services (due au vieillissement démographique et au taux d’activité croissant des femmes) et du recours abusif aux dispositifs de prise en charge comme les programmes de prestations en espèces7 et le travail au pair. Il se peut aussi que ces secteurs, traditionnellement dévolus aux femmes, aient particulièrement attiré les travailleurs étrangers dont le permis est lié à celui de leur conjoint ou ceux qui n’ont pas forcément besoin de prouver qu’ils ont un emploi pour garder ou renouveler leur permis de séjour (Triandafyllidou, 2013[5]). De manière générale, le caractère personnel et privé du secteur des soins à domicile et les possibilités d’emploi informel qu’il offre sont des facteurs qui ont fortement contribué à attirer les travailleurs étrangers clandestins.
Étant donné la grande flexibilité dont il a besoin, pour le travail saisonnier notamment, et les modalités de travail informel qu’il autorise, le secteur agricole regroupe aussi d’importantes concentrations de travailleurs étrangers illégaux. Les fortes pressions qui s’exercent pour maintenir les coûts de production à un bas niveau et rester compétitif ont en outre augmenté la demande de main d’œuvre bon marché, surtout chez les petits producteurs dont la marge d’adaptation est généralement étroite. Sur le plan de l’offre, les personnes nées dans le pays sont de plus en plus réticentes à accepter des emplois subalternes mal rémunérés, soumis à des astreintes et à des conditions de travail difficiles, sans grande perspective de mobilité ascendante. Qui plus est, comme les permis de travail saisonniers requièrent parfois des formalités administratives longues et complexes, les employeurs et les travailleurs étrangers ne sont guère disposés à recourir aux programmes de visas temporaires en vigueur. Certains programmes de travail saisonnier illimité ont été relativement peu utilisés – le programme H-2A aux États-Unis par exemple –, les employeurs leur reprochant leur complexité (Martin, 2016[6]).
Le secteur de la construction est généralement mieux protégé que les deux secteurs précédents dans la mesure où il fait appel à des compétences plus spécialisées. Il offre parfois des possibilités de mobilité ascendante, moyennant la création d’une entreprise indépendante de sous-traitance notamment. Le travail y demeure cependant difficile, souvent dangereux et exigeant sur le plan physique, et les natifs sont généralement très peu enclins à choisir ces métiers8. Quoique très réglementé par la loi et les conventions collectives, le secteur est aussi profondément segmenté en raison du recours généralisé à l’emploi temporaire, au travail indépendant et à la sous-traitance en chaîne, ce qui peut occulter le lien entre l’employeur principal et le salarié, et éventuellement se traduire par des fraudes ou le recours abusif à certaines formes de contrat, comme les dispositifs de travailleurs détachés9. Une main d’œuvre relativement restreinte, bien protégée, coexiste ainsi avec un vaste segment périphérique non réglementé susceptible d’employer un grand nombre d’étrangers en situation irrégulière (Krings et al., 2011[7]).
L’emploi illégal des étrangers dans les pays de l’OCDE
Problèmes d’évaluation
Parce que l’emploi illégal des étrangers est difficile à appréhender, les statistiques à son sujet sont rares, sujettes à caution et malaisément comparables d’un pays à l’autre10. Des rapports ponctuels et des articles de presse, qui ne brossent qu’un tableau impressionniste du phénomène, fournissent des informations parcellaires. De surcroît, il est généralement très difficile de distinguer les irrégularités de séjour de celles liées au travail, ou d’obtenir des données ventilées entre emploi formel et informel. Il est donc impossible d’évaluer la composition de l’emploi illégal des étrangers, telle qu’illustrée au Graphique 4.1, dans les différents pays.
Les statistiques sur l’immigration irrégulière peuvent servir de référence pour évaluer l’ampleur du travail illégal des étrangers. En effet, si les immigrés en situation irrégulière ne sont pas tous d’âge actif ou ne parviennent pas tous à trouver un emploi, la plupart décident d’émigrer pour chercher du travail11. Comme ils n’ont généralement pas accès aux prestations sociales et à la garantie de ressources, ils n’ont concrètement pas d’autre choix que celui de travailler. Cela dit, s’en tenir à cette catégorie ne permet pas de prendre en compte ceux qui possèdent un titre de séjour régulier mais sont en situation de travail irrégulière (profils [3], [4] et [5] du Graphique 4.1).
Les chercheurs ont mis au point différentes méthodes d’estimation de la population immigrée irrégulière, qui font appel à des mesures directes du nombre d’individus en situation irrégulière ou susceptibles de l’être, au moment où ils franchissent la frontière (arrestations et mesures d’éloignement du territoire par exemple), durant leur séjour (arrestations et régularisations), et au travail (inspections). Ces mesures se fondent généralement sur des statistiques administratives, mais peuvent aussi s’appuyer sur des enquêtes avec ou sans échantillonnage, qui font appel à différentes techniques (technique « boule de neige », méthode Delphi, recensement par capture-recapture) qui peuvent être exposées à des biais de sélection et reposer sur des hypothèses fortes (Encadré 4.1). En parallèle, les démographes ont également établi des estimations indirectes, fondées sur les méthodes de la population attendue et du rapport de masculinité, qui intègrent des informations complémentaires tirées des données fournies par les pays d’accueil (pour une synthèse, voir (OCDE, 2000[3])).
Toutes ces méthodes et mesures présentent cependant des failles et doivent être manipulées avec prudence. Les statistiques portant sur les interpellations et arrestations, par exemple, ont trait à des événements et doivent être ajustées de manière à tenir compte du nombre de fois qu’un individu a tenté de franchir la frontière. Elles risquent en outre de rendre surtout compte de l’efficacité des services de police et d’immigration du pays d’accueil en matière d’application de la loi. Les programmes de régularisation aussi peuvent fournir des informations intéressantes, bien que celles-ci portent uniquement sur un moment précis et sur les personnes qui déposent une demande de régularisation.
Encadré 4.1. La méthode de recensement par capture-recapture : estimation du nombre de travailleurs étrangers illégaux au Danemark et aux Pays-Bas
Deux enquêtes (une danoise, l’autre néerlandaise) illustrent la façon dont certaines hypothèses relatives aux taux d’émigration de retour et de renouvellement de la population immigrée irrégulière produisent une très large fourchette (et une fourchette seulement) de chiffres dans un intervalle de confiance donné.
Une étude récente de la Rockwool Foundation, au Danemark, a tenté d’évaluer le nombre d’immigrés en séjour irrégulier dans le pays à partir de données portant sur les arrestations aux postes de contrôle de police (Tranæs and Jensen, 2014[8]). Elle a fait appel à la méthode d’estimation par capture-recapture initialement mise au point pour évaluer la population de truites d’un lac moyennant l’enregistrement répété de poissons individuellement identifiés. Cette démarche reposait sur l’hypothèse selon laquelle on pouvait évaluer approximativement la taille de la population immigrée clandestine à partir du nombre de récidivistes enregistrés par la police. En bref, plus il y avait de chances que la police arrête les mêmes individus, plus le nombre d’immigrés irréguliers devait être faible. Les auteurs de l’étude ont estimé à 10 000 le nombre travailleurs illégaux au Danemark en 2013 – chiffre qui marque une forte augmentation par rapport à celui de 2008 (2 800). Cette hausse a en outre été observée durant une période de dégradation générale du marché du travail. Près d’un tiers des travailleurs immigrés en situation irrégulière au Danemark en 2013 étaient originaires du Nigéria et de Chine, et étaient en grande majorité (72 %) de sexe masculin. Il convient toutefois de noter que ces estimations n’ont pas été officiellement confirmées et sont matière à débat.
Van der Heijden et al. (2006[9]) ont utilisé une méthode de capture-recapture similaire pour estimer le nombre d’immigrés séjournant illégalement aux Pays-Bas. L’étude s’est également fondée sur les arrestations enregistrées par les services de police, qui mentionnent le sexe, l’âge, le pays d’origine de la personne concernée et la raison ayant motivé son enregistrement. Les auteurs ont fait appel à un modèle de Poisson linéaire pour estimer la probabilité qu’un individu soit arrêté (plusieurs fois), ce qui leur a permis de déduire la taille de la population immigrée clandestine. Lorsqu’ils l’ont pu, les auteurs ont distingué les migrants qui ont été renvoyés dans leur pays d’origine de ceux qui sont restés après leur arrestation. Néanmoins, ceux qui ont été renvoyés dans leur pays n’ont pas pu être « recapturés » ; cet élément, non pris en compte, a pu donner lieu à une surestimation substantielle. D’après l’étude, le nombre total d’immigrés clandestins aux Pays-Bas en 2005‑06 se situerait entre 75 000 et 185 000 personnes. De 62 500 à 115 000 d’entre eux venaient de pays non européens, dont 10 % se sont trouvés en situation irrégulière après avoir déposé une demande d’asile aux Pays-Bas.
La diversité et les limites des techniques d’évaluation et des sources de données, associées à la difficulté inhérente à la mesure d’un phénomène inobservable, conduisent à penser que les statistiques disponibles sur un sujet donné ne peuvent fournir que des informations très hétérogènes de qualité inégale. En conséquence, la suite de cette section fait le point sur les données existantes dans les pays de l’OCDE et examine en parallèle d’autres indicateurs. Elle approfondit en outre l’analyse dans les cas où des informations fiables et détaillées sont disponibles, même si celles-ci sont limitées à un petit nombre de pays, comme les États-Unis, ou de régions, comme la Lombardie (Italie) (voir la section sur le cas de la Lombardie en Italie). Enfin, elle ne se polarise pas sur le nombre de travailleurs étrangers irréguliers, mais sur leurs caractéristiques.
Population immigrée en situation d’irrégularité, personnes en dépassement de séjour et arrestations : ampleur et évolutions
Ampleur
Sans perdre de vue les problèmes d’évaluation susmentionnés, le Tableau 4.1 fournit diverses estimations du nombre de migrants en situation irrégulière établies à partir de méthodes et de sources différentes dans plusieurs pays de l’OCDE. Les chiffres varient considérablement d’un pays à l’autre. Les 11.3 millions d’immigrés irréguliers aux États‑Unis en 201612, soit 3.5 % de la population, se détachent nettement. Les estimations pour l’Union européenne (UE27)13, qui remontent à 2008, aboutissent à des chiffres nettement inférieurs – entre 1.9 million et 3.8 millions de personnes, soit de 0.4 % à 0.8 % de la population. Malheureusement, aucune estimation plus récente n’a été établie pour l’ensemble de l’Europe, alors que l’on peut raisonnablement supposer que le chiffre actuel, tout en restant nettement inférieur à celui des États-Unis, est supérieur à celui de 2008.
Certains pays de l’OCDE – Australie, Israël, Japon, Corée et Nouvelle-Zélande – communiquent le nombre de personnes ayant dépassé la durée légale de leur séjour, calculé à l’aide de statistiques fondées sur les données d’entrées/sorties du système de double carte. Les chiffres récents indiquent que les personnes restées illégalement sur le territoire représentent de 0.2 % à 0.5 % de la population totale, mais ils ne donnent qu’une idée partielle de l’emploi illégal des étrangers car ils ne comprennent pas, par exemple, ceux qui sont entrés clandestinement dans le pays.
Informations partielles sur les tendances
Les informations sur les tendances sont rares et difficiles à comparer compte tenu de la grande diversité des indicateurs. Dans les pays où les données d’entrée du système de double carte fournissent des renseignements sur les personnes restées sur le territoire après expiration de leur visa, les chiffres annuels permettent de suivre les évolutions dans le temps. En Australie, par exemple, les estimations montrent une hausse du nombre de personnes en dépassement de séjour entre 2010 et 2015, à un rythme toutefois décroissant14 entre 2010 et 2014, suivie d’une légère baisse (Graphique 4.2). En Corée aussi, les chiffres témoignent d’une augmentation durant cette période, avec une progression substantielle en 2014 par rapport à l’année précédente15, tandis qu’ils indiquent des taux plutôt stables en Israël16. À l’autre bout du spectre, les chiffres concernant le Japon et la Nouvelle-Zélande font état d’une diminution du nombre de personnes restées au-delà de la période de validité de leur visa au cours de cette période, mais selon des rythmes différents : leur nombre a reculé au Japon jusqu’à 2014, avant de se redresser entre 2014 et 201517, alors qu’il a régulièrement progressé en Nouvelle-Zélande entre 2010 et 2015 (SOPEMI (Permanent System of Observation of International Migration), 2015[10]).
Tableau 4.1. Estimations des populations immigrées irrégulières dans certains pays de l’OCDE, dernière année disponible pour les pays de l’OCDE non-membres de l’Union européenne, et 2008 pour l’UE
Pays |
Estimation |
% de résidents étrangers |
% de la population |
---|---|---|---|
Allemagne |
196 000 - 457 000 |
2.9 - 6.8 |
0.2 - 0.6 |
Australie (2015) |
62 000 (dépassement de séjour) |
.. |
0.3 |
Autriche |
18 000 - 54 000 |
2.1 - 6.2 |
0.2 - 0.6 |
Belgique |
88 000 - 132 000 |
8.7 - 13 |
0.8 - 1.2 |
Corée (2015) |
214 168 (dépassement de séjour) |
.. |
.. |
Danemark |
1 000 - 5000 |
0.3 - 1.6 |
0 - 0. 1 |
Espagne |
280 0000 - 354 000 |
5 - 6.3 |
0.6 - 0.8 |
Estonie |
5 000 - 10 000 |
2.2 - 4.5 |
0.4 - 0.7 |
États-Unis (2016) |
11.3 millions |
26 |
3.5 |
Finlande |
8 000 - 12 000 |
5.6 - 8.4 |
0.2 - 0.2 |
France |
178 000 - 354 000 |
4.8 - 9.6 |
0.3 - 0.6 |
Grèce |
172 000 - 209 000 |
23.4 - 28.5 |
1.5 - 1.9 |
Hongrie |
10 000 - 50 000 |
5.4 - 27.1 |
0.1 - 0.5 |
Irlande |
30 000 - 62 000 |
7.3 - 15 |
0.7 - 1.4 |
Israël (2016) |
94 160 (dépassement de séjour) |
.. |
1.1 |
Italie |
279 000 - 461 000 |
7.2 - 11.8 |
0.5 - 0.8 |
Japon (2016) |
60 000 (dépassement de séjour) |
2.7 |
0.0 |
Lettonie |
2 000 - 11 000 |
0.5 - 2.8 |
0.1 - 0.5 |
Lituanie (2016) |
900 |
4.4 |
0.1 |
Luxembourg |
2 000 - 4 000 |
0.9 - 1.9 |
0.4 - 0.8 |
Norvège |
10 500 - 32 000 |
3.5 - 10.6 |
0.2 - 0.7 |
Nouvelle-Zélande (2014) |
12 162 (dépassement de séjour) |
.. |
0.3 |
Pays-Bas |
62 000 - 131 000 |
8.6 - 18.2 |
0.4 - 0.8 |
Portugal |
80 000 - 100 000 |
18.1 - 22.6 |
0.8 - 0.9 |
Pologne |
50 000 - 300 000 |
.. |
0.1 - 0.8 |
République slovaque |
15 000 - 20 000 |
28.6 - 38.1 |
0.3 - 0.4 |
République tchèque |
17 000 - 100 000 |
3.9 - 22.9 |
0.2 - 1 |
Royaume-Uni |
417 000 - 863 000 |
21.2 |
0.73 |
Slovénie |
2 000 - 10 000 |
2.4 - 12.2 |
0.1 - 0.5 |
Suède |
8 000 - 12 000 |
1.4 - 2.2 |
0.1 |
Suisse (2015) |
76 000 |
4 |
0.9 |
UE 27 (2008) |
1.9 - 3.8 millions |
6.6 - 13.9 |
0.4 - 0.8 |
Note : Les méthodes de calcul varient d’un pays à l’autre : les chiffres de HWWI sont extrapolés à partir des sources nationales disponibles ; les chiffres pour les États-Unis sont obtenus par la méthode résiduelle. Pour Israël, on recense 78 500 personnes restées sur le territoire après expiration de leur visa de tourisme et 15 660 travailleurs étrangers illégaux (Ministère de l’Intérieur).
Source : pour les pays de l’Union européenne, base de données du Hamburg Institute of International Economics (HWWI), www.irregular-migration.hwwi.net ; Pour la Lituanie, Ministère des Migrations. Système d'observation permanente des migrations (SOPEMI), rapports de 2015 portant sur l’Australie, Israël, le Japon, la Corée et la Nouvelle-Zélande ; Pew Research Center (2016[11]) pour les États-Unis.
Pour l’Union européenne, les chiffres des interpellations et arrestations publiés chaque année par EUROSTAT depuis 2008 (nombre de ressortissants de pays tiers constatés en situation irrégulière sur le territoire d'un État membre qui ont été arrêtés ou ont autrement attiré l’attention des services nationaux de l’immigration) permettent de dégager des schémas. En gardant à l’esprit les réserves importantes concernant l’utilisation de ces données pour évaluer l’immigration irrégulière, le nombre de ressortissants étrangers constatés en situation irrégulière dans les pays de l’UE28 est passé de 429 050 en 2013 à 669 575 en 2014, avant d’exploser en 2015 pour atteindre 2 152 340. La hausse générale du nombre d’arrestations est imputable à la détermination des États membres de l’UE de combattre l’immigration irrégulière et de juguler la hausse des franchissements illégaux de frontières dus à la crise humanitaire en 201518. Dans le contexte de l’UE, cela se traduit par une surestimation considérable du problème car les personnes en quête de protection internationale cessent d’être en situation irrégulière à compter du moment où elles déposent une demande d’asile, et jusqu’à ce que celle-ci soit acceptée ou rejetée19. Il arrive aussi que les individus soient comptés deux fois dans un même État membre ou dans des États membres différents.
D’autres pays de l’OCDE communiquent également des statistiques sur les arrestations à leurs frontières, mais la diversité des pratiques de gestion de l’immigration irrégulière et des situations géographiques empêche les comparaisons internationales (Tableau 4.2). De manière générale, alors que les données relatives aux arrestations sont aisément disponibles et couvrent de longues périodes, elles donnent une idée fausse de l’évolution du phénomène car elles ne tiennent pas compte des sorties de territoire et des changements de statut.
Tableau 4.2. Interpellations et arrestations dans une sélection de pays de l’OCDE, 2008‑15
A. Pays européens (ressortissants étrangers constatés en situation irrégulière sur le territoire) |
||||||||
---|---|---|---|---|---|---|---|---|
|
2008 |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
2015 |
Allemagne |
53 660 |
49 540 |
50 230 |
56 320 |
64 830 |
86 255 |
128 280 |
376 395 |
Autriche |
14 470 |
17 140 |
15 225 |
20 085 |
23 110 |
25 955 |
33 065 |
86 205 |
Belgique |
13 780 |
13 675 |
12 085 |
13 540 |
15 070 |
15 065 |
15 530 |
16 275 |
Danemark |
600 |
625 |
625 |
375 |
610 |
400 |
485 |
2 140 |
Espagne |
92 710 |
90 480 |
70 275 |
68 810 |
52 450 |
46 185 |
47 900 |
42 595 |
Estonie |
1 030 |
835 |
845 |
995 |
890 |
895 |
715 |
955 |
Finlande |
5 340 |
6 655 |
3 770 |
3 285 |
3 615 |
3 330 |
2 935 |
14 260 |
France |
111 705 |
76 345 |
56 200 |
57 975 |
49 755 |
48 975 |
96 370 |
109 685 |
Grèce |
106 690 |
108 295 |
115 605 |
88 805 |
72 420 |
42 605 |
73 660 |
911 450 |
Hongrie |
1 880 |
2 290 |
3 235 |
3 790 |
6 410 |
8 235 |
56 155 |
424 045 |
Irlande |
3 160 |
5 010 |
4 320 |
2 450 |
2 020 |
1 440 |
890 |
2 295 |
Italie |
68 170 |
53 445 |
46 925 |
29 490 |
29 325 |
23 920 |
25 275 |
27 290 |
Lettonie |
305 |
215 |
170 |
100 |
195 |
150 |
245 |
735 |
Luxembourg |
.. |
235 |
205 |
255 |
325 |
240 |
430 |
170 |
Norvège |
750 |
1 565 |
.. |
1 920 |
2 770 |
3 155 |
3 700 |
5 405 |
Pays-Bas |
7 490 |
7 540 |
7 550 |
6 120 |
.. |
.. |
.. |
.. |
Pologne |
5 410 |
4 500 |
3 990 |
6 830 |
8 110 |
9 260 |
12 030 |
16 805 |
Portugal |
.. |
11 125 |
10 050 |
9 185 |
9 080 |
5 120 |
4 510 |
5 115 |
République slovaque |
2 300 |
1 680 |
1 420 |
1 110 |
1 360 |
1 010 |
1 120 |
1 955 |
République tchèque |
3 315 |
3 950 |
2 615 |
3 035 |
3 305 |
3 685 |
4 405 |
8 165 |
Royaume-Uni |
69 840 |
69 745 |
53 675 |
54 155 |
49 345 |
57 415 |
65 315 |
70 005 |
Slovénie |
1 545 |
1 045 |
3 415 |
4 345 |
1 560 |
1 030 |
1 010 |
1 010 |
Suède |
.. |
22 230 |
27 455 |
20 750 |
23 190 |
24 380 |
72 835 |
1 410 |
Suisse |
.. |
9 830 |
9 940 |
11 735 |
14 135 |
15 045 |
13 790 |
15 565 |
UE28 |
579 835 |
563 970 |
505 130 |
468 810 |
433 320 |
429 050 |
669 575 |
2 152 340 |
2008 |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
2015 |
|
États-Unis |
1 043 759 |
889 212 |
796 587 |
678 606 |
671 327 |
662 483 |
679 996 |
462 388 |
Note : Les « interpellations et arrestations » se rapportent aux ressortissants de pays tiers constatés en situation irrégulière sur le territoire d'un État membre qui ont été arrêtés ou ont autrement attiré l’attention des services nationaux de l’immigration.
1. Les « arrestations » se rapportent au nombre total d’étrangers en situation irrégulière arrêtés à la frontière pour chaque exercice.
Source : Base de données Eurostat, Enforcement of Immigration Legislation (migr_eipre), http://ec.europa.eu/eurostat/cache/metadata/en/migr_eil_esms.htm. Department of Homeland Security.
Aux États-Unis, le nombre estimé de 11.3 millions d’immigrés irréguliers en 2016 n’a pour ainsi dire pas varié depuis 2009. Avant cette date, ce chiffre avait augmenté pendant toutes les années 90 et au début des années 2000, atteignant son niveau maximum (12.2 millions) en 2007 avant de reculer au cours des deux années suivantes, durant la grande récession (Pew Research Center, 2006[12]). Le nombre d’immigrés en situation irrégulière dans la population active avait aussi accusé une forte progression, de près de 2.7 millions de personnes, entre 2000 et 2008 – avant d’atteindre son maximum (8.3 millions) en 2008. Il est depuis resté globalement stable, aux environs de 8 millions (Graphique d’annexe 4.A.1).
Encadré 4.2. Qui sont les travailleurs immigrés régularisés en France?
La France a régularisé annuellement 5 300 travailleurs étrangers non ressortissants de l’Union européenne en 2014 et 2015, et 6 400 en 2016 et en 2017. Au cours des cinq dernières années, quatre immigrés régularisés sur cinq sont des hommes, proportion qui s’établit à deux-tiers pour les autres travailleurs immigrés légalement recrutés à l’étranger. En 2015, les régularisations portent en moyenne sur des personnes âgées de 35 ans qui séjournent en France depuis sept ans. Près de 60 % des travailleurs étrangers régularisés sont des ressortissants africains, essentiellement originaires du Mali (12 %), du Maroc (10 %) et de Tunisie (9 %). Si la majeure partie des régularisations concerne encore les ressortissants africains, une diversification notable des régions d’origine est intervenue depuis l’adoption de nouvelles règles en 2012. Une hausse substantielle du nombre de personnes originaires d’Asie du Sud, en particulier du Bangladesh et, dans une moindre mesure, du Sri Lanka, est observée depuis. Le nombre de régularisations de travailleurs en provenance d’Asie du Sud-Est, des femmes originaires des Philippines notamment, a aussi sensiblement progressé. La région parisienne compte pour la grande majorité des régularisations de travailleurs étrangers – 84 % en 2015, par exemple.
Les données relatives aux permis de séjour sont stockées dans l'Application de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en France du ministère de l’Intérieur, l’AGDREF. Elles ne comprennent pas les caractéristiques socioéconomiques de leurs titulaires, que fournit en revanche l’Enquête longitudinale sur l'intégration des primo-arrivants (ELIPA) de 2010. Cette enquête est la seule source de données socioéconomiques sur les travailleurs étrangers régularisés.
Les ressortissants de pays non membres de l’UE qui ont été régularisés exercent des professions peu qualifiées et sont concentrés dans les secteurs qui emploient les plus forts pourcentages d’immigrés en situation irrégulière – en 2009, 63 % d’entre eux sont des ouvriers (dont 34 % occupent des postes peu qualifiés) et 27 % travaillent dans le secteur des services. Un travailleur régularisé sur dix seulement trouve un emploi plus qualifié, de technicien ou dans une profession intermédiaire par exemple. Globalement, 39 % des travailleurs étrangers régularisés en 2009 travaillent dans les secteurs du commerce de détail, de l’hôtellerie et de la restauration, 22 % dans celui de la construction, 12 % dans celui des services aux entreprises et 12 % dans celui des services aux ménages. Ils occupent des emplois peu qualifiés parce que leur niveau d’éducation est nettement inférieur à celui des autres migrants de travail : 53 % ne possédent aucun diplôme, contre 39 % pour les autres migrants de travail exerçant des emplois peu qualifiés, et 27 % pour ceux exerçant des emplois plus qualifiés. Un dixième des travailleurs étrangers régularisés seulement est titulaire d’un diplôme de l’enseignement supérieur, soit quatre fois moins que les autres migrants de travail (et même deux fois moins que les autres migrants). Cette situation tient également au fait que 52 % des migrants de travail en France sont qualifiés. Les profils des travailleurs étrangers régularisés peuvent compromettre leur employabilité sur le marché du travail français, d’autant que 31 % d’entre eux signalent ne pas parler français couramment, proportion supérieure à celle des autres migrants de travail étrangers (21 %), y compris les peu qualifiés.
L’enquête ELIPA constate que 54 % des travailleurs étrangers régularisés en 2009 sont entrés en France légalement, mais que quatre cinquièmes d’entre eux étaient titulaires de visas (de tourisme essentiellement) qui ne les autorisaient pas à travailler. Ils sont restés après expiration de leur visa, et ont parfois déposé une demande d’asile (un sur quatre). Les 46 % restants sont entrés en France illégalement (sans visa) et n’avaient pas de permis de séjour avant d’être régularisés. Deux tiers d’entre eux ont cependant obtenu un document de séjour à un moment donné dans le cadre d’une demande d’asile. Soixante pour cent avaient un contrat de travail avant d’être régularisés. Enfin, 37 % des travailleurs étrangers entrés légalement en France ont été régularisés alors qu’ils exerçaient leur premier emploi, autrement dit avec l’appui de leur premier employeur dans le pays. Pour ceux qui sont entrés illégalement sur le territoire, ce pourcentage est de 44 %.
Source : Ministère français de l’Intérieur, base de données AGDREF et Enquête longitudinale sur l'intégration des primo-arrivants (ELIPA) 2010 ; (OCDE, 2017[13]).
Emploi illégal des étrangers : caractéristiques des travailleurs et secteurs d’activité
Caractéristiques des travailleurs : sexe, âge, qualifications et pays d’origine
Les données tirées des programmes de régularisation antérieurs, bien qu’elles ne donnent qu’une image partielle de la situation, indiquent que les personnes en situation irrégulière sont généralement des hommes plutôt jeunes. En Italie et en Espagne, par exemple, trois quarts d’entre eux avaient moins de 40 ans (OCDE, 2000[3]) (Tableau 4.3). Si les nationalités les plus représentées parmi la main d’œuvre étrangère illégale varient sur le temps, elles sont généralement déterminées par la proximité géographique ou par la langue (voir Encadré 4.2 pour les profils des travailleurs régularisés en France). Enfin, des informations détaillées disponibles au États-Unis permettent de comparer les profils des immigrés irréguliers à ceux des personnes nées dans le pays et d’autres immigrés (Encadré 4.3).
Tableau 4.3. Programmes de régularisation dans une sélection de pays
Pays |
Année |
Nombre de bénéficiaires |
Part de femmes |
Secteurs |
Principales nationalités |
---|---|---|---|---|---|
Espagne |
2000 |
244 327 demandes |
|
Agriculture et pêche (28%), employés de maison (17%), construction (14%), hôtels et restaurants (12%) |
|
2005 |
690 679 demandes |
44% |
Employés de maison (32%), construction (21%), agriculture (15%), hôtels et restaurants (10%), vente (5%) |
Équateur (20%), Roumanie (17%), Maroc (13%), Colombie (8%), Bolivie (7%) |
|
France |
1997 |
108 684 demandes examinées |
|
|
Algérie (14%), Maroc (13%), Chine (9%), République démocratique du Congo (7%), Tunisie (6%)* |
Italie |
1986 |
105 000 |
26% |
Employé (65%), recherche d'emploi (35%) |
Maroc (26%), Tunisie and Sénégal (8%), Philippines et Yougoslavie (6%) |
1990 |
217 626 |
26% |
Employé (10%), recherche d'emploi (86%), travailleurs indépendants (4%) |
Maroc (22%), Tunisie (12%), Sénégal (7%), Philippines (6%), Yougoslavie (4%) |
|
1995 |
244 492 |
31% |
Employé (73%), recherche d'emploi (21%) |
Maroc (14%), Albanie (12%), Philippines (9%), Chine (6%), Pérou (5%) |
|
1998 |
217 124 |
28% |
Employé (78%), recherche d'emploi (5%), travailleurs indépendants (14%) |
Albanie (18%), Maroc (11%), Roumanie (11%), Chine (8%), Sénégal (5%) |
|
2002 |
700 033 demandes |
46% |
Employés de maison (18%), aides aux personnes âgées ou handicapées (13%), industrie et construction (16%), professions élémentaires (8%) |
Roumanie (20%), Ukraine (15%), Maroc et Albanie (8%), Équateur (5%) |
|
2009 |
294 744 demandes |
|
Employés de maison/gardiens d'enfants (61%), aides aux personnes âgées (39%) |
Ukraine (13%), Maroc (12%), Moldavie (9%), Chine (7%), Bangladesh (6%) |
|
2012 |
134 775 demandes |
|
Employés de maison (92%), employé (8%) |
Bangladesh et Maroc (11%), Inde et Ukraine (10%), Pakistan (9%) |
|
115 988 régularisations |
|||||
Portugal |
1992-1993 |
80 000 demandes, 38 400 régularisations |
|
|
|
1996 |
31 000 |
|
|
67% des Pays africains de langue officielle portugaise (PALOP) |
|
2001 |
123 700 demandes |
23% |
|
Ukraine (36%), Brésil (18%), Moldova (7%), Roumanie (6%), Cabo Verde (5%) |
|
2003 |
19 408 |
|
|
Brésil (100%) |
|
2004 |
40 000 demandes, 19 261 régularisations |
|
|
|
* Sur la base des premiers 60 % de demandes traitées.
Encadré 4.3. Qui sont les immigrés irréguliers qui travaillent aux États-Unis ?
En 2014, les immigrés irréguliers représentaient 3.5 % de la population des États-Unis, 5 % de leur population active, et 26 % des résidents nés à l’étranger. Ils comptaient pour une plus grande part de la population active (5 %) que de la population totale (3.5 %), en partie parce qu’ils étaient nettement plus susceptibles d’être en âge de travailler : 92 % d’entre eux étaient âgés de 18 à 64 ans, contre 60 % de la population autochtone et 76 % des immigrés en situation régulière, et 67 % étaient âgés de 18 à 44 ans. Un pour cent seulement étaient âgés de plus de 65 ans, et 7 % de moins de 18 ans.
Parmi les immigrés irréguliers, les hommes étaient plus susceptibles d’exercer une activité que les citoyens américains nés aux États-Unis et les immigrés en situation régulière, les femmes l’étaient moins. Sur l’ensemble des hommes âgés de 18 à 64 ans, 91 % étaient en activité ou cherchaient du travail, contre 79 % et 84 % respectivement pour les natifs et immigrés en situation régulière de sexe masculin de la même tranche d’âge. Le taux d’activité des immigrées irrégulières était de 61 %, contre 72 % pour les femmes autochtones et 67 % pour les immigrées en situation régulière. L’une des raisons qui explique cette disparité est que les immigrées irrégulières qui n’exercent pas d’activité sont bien plus susceptibles que d’autres catégories d’avoir de jeunes enfants.
Les immigrés irréguliers aux États-Unis sont originaires de tous les pays du globe, mais ceux en provenance du Mexique en constituent depuis longtemps la majorité. Leur nombre, qui s’élevait à 5.8 millions en 2014 (52 % du total), est cependant inférieur au record de 6.9 millions enregistré en 2007. En 2014, on recensait 1.7 million d’immigrés irréguliers d’autres pays d’Amérique centrale, 1 million d’Amérique du Sud et des Caraïbes, et 1.4 million d’Asie. Moins nombreux étaient les natifs d’Europe et du Canada (600 000), ainsi que ceux originaires du Moyen-Orient, d’Afrique et d’autres pays (500 000).
Quoique géographiquement très dispersés, la plupart des immigrés irréguliers (59 %) vivaient dans les six États les plus peuplés en 2014, à savoir la Californie, la Floride, l’Illinois, le New Jersey, l’État de New York et le Texas.
S’agissant du niveau d’éducation des adultes âgés de plus de 25 ans, les immigrés irréguliers étaient moins susceptibles d’avoir achevé des études secondaires ou supérieures de premier cycle que les natifs ou les immigrés réguliers en 2014. Ils n’étaient que 27 % à avoir suivi quelques études post-secondaires au moins, contre 58 % des adultes autochtones et 53 % des immigrés réguliers.
Enfin, deux-tiers environ des immigrés irréguliers adultes vivaient dans des familles nucléaires en 2014 (c’est-à-dire avec leur conjoint et/ou des enfants). Sur les 3.9 millions dont ce n’était pas le cas, 800 000 environ vivaient seuls ou en cohabitation. Les familles des immigrés irréguliers représentaient 17.1 millions de personnes au total, dont les 11.1 millions d’immigrés irréguliers eux-mêmes, le reste étant en grande partie constitué de leurs enfants nés dans le pays – 5 millions de moins de 18 ans et 400 000 d’âge adulte. Environ 4.5 millions d’immigrés irréguliers – 43 % d’adultes – vivaient avec leurs enfants âgés de moins de 18 ans nés aux États-Unis.
Source: Passel, J. (2016[14]) Pew Research Center (2014[15])
Secteurs et professions
L’emploi illégal des étrangers est une pratique observée dans l’ensemble de l’économie, surtout dans les secteurs faisant appel à une main d’œuvre flexible, mal rémunérée et saisonnière (la cueillette de fruits par exemple), et dans des endroits (exploitations agricoles et services en ligne) ou chez des employeurs (ménages ou entreprises familiales) difficiles à contrôler et inspecter.
Aux États-Unis, les données disponibles permettent d’établir le profil des immigrés irréguliers par secteur. Ceux-ci sont généralement concentrés dans les secteurs de l’agriculture, de la construction, des loisirs et de l’hôtellerie (Tableau 4.4). Les informations tirées des programmes de régularisation révèlent que les étrangers en situation irrégulière sont surreprésentés dans les secteurs du travail domestique, de la construction, de l’industrie manufacturière, de l’agriculture, de l’hôtellerie et de la restauration (Tableau 4.3 et Encadré 4.2). Néanmoins, comme déjà souligné, ces données de rendent pas entièrement compte de l’emploi illégal des étrangers.
Tableau 4.4. Profils sectoriels par statut migratoire aux États-Unis, 2014
Pourcentages
Immigrés irréguliers |
Immigrés réguliers |
Nés aux États-Unis |
|
---|---|---|---|
Agriculture |
4.6 |
1.6 |
1.2 |
Industries exctractives |
0.5 |
0.4 |
0.7 |
Construction |
16.3 |
6.2 |
5.9 |
Industrie |
12.5 |
11.1 |
10.0 |
Commerce de gros/détail |
11.7 |
12.8 |
14.8 |
Transports/énergie et infrastructures |
3.3 |
5.5 |
4.9 |
Information |
1.3 |
1.9 |
2.3 |
Activités financières |
3.3 |
5.9 |
6.6 |
Services aux entreprises |
14.0 |
12.5 |
11.0 |
Enseignement et santé |
7.2 |
23.0 |
23.3 |
Services récréatifs/hôtels et restaurants |
17.6 |
10.1 |
9.8 |
Autres services |
7.7 |
6.1 |
4.6 |
Administration publique |
0.0 |
3.1 |
5.0 |
Total |
100.0 |
100.0 |
100.0 |
Note : Cette répartition est tirée de Passel, J. (2016[14]), et obtenue en appliquant aussi la ventilation par secteur des personnes nées à l’étranger en activité ou en quête d’emploi de l’enquête American Community Survey de 2014 aux estimations des immigrés irréguliers âgés de plus de 16 ans, en tenant compte de leur âge, de leur région d’origine, de leur relations familiales et d’autres caractéristiques sociodémographiques.
Source : Estimations du Pew Research Center (2014[15]).
Les données disponibles aux États-Unis permettent aussi de ventiler les travailleurs étrangers irréguliers par profession (Tableau 4.5). Un tiers environ des immigrés irréguliers (31.9 % en 2014) travaillaient dans le secteur des services, contre 17.4 % de leurs homologues autochtones. On en recensait 16 % dans les métiers de la construction, pourcentage trois fois supérieur à celui des personnes nées dans le pays (5 %). Les secteurs de la production et de la maintenance employaient 14 % des travailleurs immigrés irréguliers en 2014, contre 9 % à peine des personnes nées dans le pays. Le degré de précision des données permet de repérer les professions qui en emploient des nombres particulièrement élevés : poseurs de cloisons sèches (31 %), ouvriers agricoles (30 %), couvreurs (29 %), peintres en bâtiment (26 %) et maçons en briques (26 %).
Dans les pays européens, les données relatives aux ressortissants de pays tiers régularisés indiquent qu’ils occupent des emplois moins qualifiés et sont concentrés dans les secteurs qui recrutent le plus d’immigrés irréguliers (Encadré 4.2 sur la France).
Tableau 4.5. Profils professionnels par statut migratoire aux États-Unis, 2014
Pourcentages
|
Immigrés irréguliers |
Immigrés réguliers |
Nés aux États-Unis |
---|---|---|---|
Gestion, opérations commerciales et financières |
5.5 |
13.5 |
15.1 |
Professions intellectuelles et scientifiques et assimilées |
8.1 |
23.0 |
22.0 |
Services |
31.9 |
21.3 |
17.4 |
Ventes et activités connexes |
7.1 |
9.1 |
11.2 |
Services aux entreprises |
5.8 |
9.7 |
13.9 |
Agriculture, pêche et sylviculture |
4.1 |
1.3 |
0.5 |
Construction et extraction |
15.7 |
5.3 |
4.6 |
Installation, maintenance et réparations |
3.0 |
2.5 |
3.2 |
Industrie |
10.6 |
7.0 |
5.6 |
Transports |
8.3 |
6.9 |
6.3 |
Total |
100.0 |
100.0 |
100.0 |
Note : Cette répartition est tirée de Passel, J. (2016[14]). Les auteurs l’ont obtenue en appliquant la ventilation par profession des personnes nées à l’étranger en activité ou en quête d’emploi de l’enquête American Community Survey 2014 aux estimations des immigrés clandestins âgés de plus de 16 ans, en tenant compte de leur âge, de leur région d’origine, de leur relations familiales et d’autres caractéristiques sociodémographiques.
Source : Estimations du Pew Research Center (2014[15]).
Pour un panorama complet de l’emploi illégal des étrangers : étude de cas en Italie
Comme déjà signalé, les données ne donnent généralement qu’une idée partielle de la situation car elles parviennent rarement à isoler et à recenser les étrangers qui sont titulaires d’un droit de séjour mais n’ont pas de permis de travail ou dont le permis n’est pas pleinement conforme, et ceux qui ne possèdent aucun permis. Autrement dit, elles ne permettent généralement pas d’établir les différents profils des travailleurs, ni de distinguer le travail illégal des étrangers de l’emploi informel.
Quand ces informations sont disponibles, leur analyse fournit des résultats déterminants pour l’action publique, d’une part parce qu’elles confirment des observations antérieures, d’autre part parce qu’elles font apparaître des schémas importants en termes d’écarts de revenus, de transferts de fonds et d’intégration. Des données de cette nature sont produites par une enquête sans équivalent que mène chaque année dans la région italienne de la Lombardie un organisme italien indépendant sans but lucratif, la Fondation Initiatives et Études sur la Multiethnicité (ISMU). Les conclusions de l’enquête de 2016, qui a porté sur près de 3 300 individus, permettent de procéder à l’analyse qui suit des travailleurs étrangers illégaux dans cette région (pour d’autres informations concernant les enquêtes de l’ISMU, voir (Guriev, Speciale and Tuccio, 2016[16]). Le jeu de données complet de l’ISMU a pour avantage particulier d’établir une distinction claire entre les travailleurs étrangers en situation irrégulière (qui séjournent illégalement en Italie) et ceux qui possèdent un visa ou un permis de séjour (en séjour régulier), ainsi qu’entre emploi formel et informel20.
Analyse des résultats de l’enquête menée en Lombardie
La Lombardie est la première région d’Italie en termes de revenus (elle représente un cinquième du PIB national), et la plus peuplée (un sixième de la population). Elle est aussi la région qui compte la plus forte population d’immigrés – près d’un quart des immigrés en situation régulière dans le pays y vivaient en 2005. Depuis 2001, l’ONG ISMU réalise chaque année une enquête sur les immigrés qui y résident. Grâce à cette source exceptionnelle d’informations, il est possible d’appliquer le cadre conceptuel illustré au Graphique 4.1 au cas lombard.
En 2016, par exemple, 82 % de la population immigrée de la Lombardie était en situation régulière et travaillait dans le secteur formel (profil [6] du Graphique 4.1). Neuf pour cent étaient titulaires d’un permis de séjour valide mais avaient un emploi informel (profil [5]). La moitié environ des 9 % restants, qui ne possédaient pas de permis de séjour valide, travaillaient dans le secteur informel (profil [1]) et l’autre dans le secteur formel, peut-être sous de fausses identités et avec de faux documents (profil [2])21.
La partie A du Graphique 4.3 montre des variations considérables de la répartition des travailleurs étrangers par pays d’origine. Parmi les ressortissants de pays d’Europe de l’Est membres de l’UE, qui jouissent légalement des pleins droits de séjour et de travail en Italie, 1 sur 10 occupe un emploi informel (profil [5]). La situation est légèrement différente pour les ressortissants de pays d’Europe de l’Est non-membres de l’UE. La moitié travaille dans le secteur formel, l’autre dans le secteur informel, 11 % étant en situation de séjour irrégulier (et se répartissant à parts égales entre emploi formel et informel). S’agissant des immigrés d’Afrique subsaharienne, 67 % étaient titulaires de permis valides et occupaient un emploi formel (profil [6]), 18 % avaient un permis valide mais travaillaient dans le secteur informel (profil [5]), et 15 % étaient en situation irrégulière (profils [1] and [2]).
L’examen des caractéristiques des travailleurs étrangers indique que ceux qui sont en situation régulière et occupent un emploi formel sont en moyenne plus âgés (39 ans), plus susceptibles d’être de sexe féminin (43 %) et mariés (62 %) – et par conséquent d’avoir plus d’enfants – que les travailleurs étrangers en situation irrégulière, qui sont en moyenne âgés de 33 ans, de sexe masculin (32 % de femmes seulement parmi eux), et célibataires (38 % sont mariés). La durée de leur séjour en Italie varie aussi considérablement. La durée de séjour moyenne des immigrés irréguliers travaillant dans le secteur informel est de cinq ans seulement, alors que les résidents légaux employés dans le secteur formel y vivent depuis 14 ans.
Les niveaux d’éducation sont également divers (partie B du Graphique 4.3). Si la plupart des immigrés en séjour irrégulier qui travaillent dans le secteur informel (53 %) ont un niveau de premier cycle du secondaire, 40 % des travailleurs en séjour régulier du secteur formel affichent un niveau de deuxième cycle du secondaire, dont 26 % possèdent un diplôme post-secondaire, contre 6 % seulement des étrangers en situation de travail irrégulière.
Les travailleurs étrangers en séjour irrégulier qui ont un emploi informel ne gagnent que 42 % du salaire mensuel net de leurs collègues en situation régulière qui travaillent dans le secteur formel (partie A du Graphique 4.4). Cette disparité est en partie imputable à leur plus faible niveau d’éducation, mais les résidents légaux qui ont un emploi informel ne gagnent que la moitié du salaire de leurs homologues du secteur formel malgré des niveaux d’éducation analogues. Un examen approfondi des données laisse penser que cet écart tient, en partie au moins, à l’instabilité de l’économie informelle : les étrangers qui ont un emploi dans le secteur formel travaillent environ 40 heures par semaine (quel que soit leur statut juridique), cette durée étant de 25 heures pour ceux qui travaillent dans le secteur informel.
Malgré ces écarts de revenu, les envois de fonds des immigrés en situation de travail irrégulière ne sont pas moins importants : les immigrés en séjour irrégulier qui travaillent dans le secteur informel envoient en moyenne un quart de leur revenu mensuel à leur communauté d’origine, alors que ceux qui sont en situation régulière et ont un emploi formel ne transfèrent que 18 % de leur salaire. Les métiers varient aussi considérablement (partie B du Graphique 4.4) : à titre d’exemple, 26 % des immigrés en situation régulière (en séjour légal) employés dans le secteur informel travaillent à temps partiel comme employés de maison, chiffre qui tombe à 4 % seulement pour leurs homologues du secteur formel. Fait intéressant, 29 % des étrangers en situation de travail irrégulière exercent une activité commerciale sur le marché noir, alors que ce pourcentage est nettement inférieur pour les autres catégories de travailleurs. Les travailleurs étrangers en situation irrégulière (en séjour illégal) employés dans le secteur informel sont aussi beaucoup plus susceptibles que ceux en situation régulière employés dans le secteur formel de travailler dans le secteur de la construction (16 % contre 8 %) et dans les services de nettoyage (13 % contre 5 %).
Données relatives à l’intégration
Enfin, pour ce qui est de l’intégration dans la société d’accueil, les travailleurs informels en séjour irrégulier sont les moins intégrés (Tableau d’annexe 4.A.2). Alors que 2 % d’entre eux seulement ont surtout des amis italiens, ce pourcentage passe à 10 % pour les immigrés réguliers travaillant dans le secteur formel. Dans le même ordre d’idée, les premiers fréquentent généralement des étrangers de même origine, ce qui renforce leur isolement et l’asymétrie de leur situation sur le marché du travail. On constate sans surprise que plus de 95 % d’entre eux estiment (à juste titre) ne pas avoir les mêmes débouchés que les Italiens, alors que 38 % seulement des travailleurs étrangers du secteur formel en situation régulière partagent cet avis. La dureté de la vie dans des conditions de précarité est peut-être l’une des raisons qui expliquent qu’une plus forte proportion d’immigrés du secteur informel en situation irrégulière souhaitent quitter l’Italie - 19 % ont l’intention de retourner dans leur pays d’origine, et 21 % souhaitent se rendre dans un pays tiers, contre 4 % et 6% respectivement pour les travailleurs en situation de séjour régulière du secteur formel.
Combattre l’emploi illégal des étrangers
La lutte contre l’emploi illégal des étrangers est un objectif qui relève à la fois de la politique économique et de la politique migratoire, et appelle en réponse de ce fait un large éventail de mesures. Cette section examine les mesures d’ordre général destinées à combattre l’emploi informel (à la fois chez les immigrés et les natifs) et l’immigration irrégulière. Elle se penche aussi sur les mesures qui visent spécifiquement à réduire l’emploi illégal des travailleurs étrangers en améliorant le respect de leurs dispositions et leur application sur le lieu de travail (moyennant des campagnes d’information, des systèmes de vérification, des inspections, des sanctions et pénalités, etc.). Cette discussion utilise la littérature disponible et s’enrichit par ailleurs de nouvelles informations collectées dans un petit questionnaire adressé aux pays membres de l’OCDE concernant les mesures qu’ils ont prises pour prévenir, détecter et sanctionner l’emploi illégal des travailleurs étrangers22.
Réduire l’emploi informel
Les mesures qui visent à mettre un frein à l’emploi informel, même si elles ne sont pas explicitement conçues à cette fin, doivent être examinées dans le cadre des politiques de lutte contre l’emploi illégal des travailleurs étrangers. L’OCDE a réalisé plusieurs études sur le sujet et formulé des recommandations quant aux moyens de promouvoir la formalisation de l’économie et de limiter le travail non déclaré (OCDE, 2004[18]; OCDE, 2008[19]). Les principales recommandations pour l’action publique sont les suivantes :
Les entreprises et les travailleurs doivent clairement se rendre compte des avantages d’un passage à l’économie formelle. Les autorités doivent donc s’employer à améliorer la qualité des services publics qu’elles fournissent et consolider le lien entre cotisations et prestations dans les dispositifs de protection sociale. La prestation de services publics de meilleure qualité renforcera la confiance des populations dans leur gouvernement et les incitera à entrer dans le secteur formel.
Réduire le coût de l'emploi formel pour les employeurs et les travailleurs indépendants. La simplification des régimes fiscaux et administratifs, la rationalisation des procédures de déclaration et l’allègement des formalités sont des mesures déterminantes à cet égard. Les réglementations du travail doivent également être élaborées avec soin de manière à neutraliser leurs effets éventuellement défavorables sur le recrutement et la création d’emplois dans le secteur formel.
Renforcer les mesures de détection et de répression, comme l’échange d’informations, la coopération entre les inspections du travail, de la sécurité sociale et des impôts, et améliorer les méthodes de contrôle. Les organismes chargés de faire respecter les règlementations, comme les inspections du travail, devraient notamment disposer de moyens suffisants pour mener à bien leur mission23.
Comme déjà signalé, les réglementations du marché du travail, comme la législation en matière de protection de l’emploi (LPE), peuvent créer, si elles sont trop contraignantes, des incitations à l’embauche informelle. Les études empiriques sur le lien entre règlementations du travail et informalité restent toutefois contestées, et dépendent de nombreux facteurs institutionnels et macroéconomiques (Djankov, Lieberman and Mukherjee, 2003[20]; Schneider, 2013[21]). Les effets sur la composition de l’emploi, en revanche, sont plus nets.
Les données montrent que l’asymétrie des règlementations (comme la protection assurée par la LPE24) accroît la segmentation et accentue les inégalités entre les travailleurs protégés titulaires de contrats permanents (insiders sur le marché du travail) et les titulaires de contrats non permanents (outsiders) – en particulier lorsque les marchés du travail sont très réglementés, comme le marché coréen et ceux d’Europe du Sud (OCDE, 2014[22]). Un effet de déplacement risque donc de se produire, les employeurs faisant de plus en plus appel à des travailleurs étrangers en situation irrégulière parce qu’ils constituent la catégorie la plus flexible et la moins protégée de la population active – notamment dans les secteurs dangereux comme celui de la construction.
Aussi importantes soient-elles, les mesures de lutte contre l’économie et l’emploi informels ne sont pas la panacée contre l’emploi illégal des étrangers. Des pays comme la France et les États-Unis, par exemple, comptent une population substantielle d’immigrés irréguliers, mais relativement peu d’emplois informels.
Mettre un frein à l’immigration irrégulière
Il existe un certain nombre de mesures pour lutter contre l’immigration irrégulière. Les trois principales sont l’instauration de contrôles plus rigoureux aux frontières, la création de filières d’immigration légale et les régularisations.
Contrôle aux frontières et détection dans les pays
Les mesures de contrôle aux frontières et de prévention des entrées illégales sont un instrument fondamental pour endiguer l’immigration irrégulière. Elles peuvent revêtir deux formes principales : des procédures plus rigoureuses de vérification aux frontières pour intercepter les étrangers qui essaient d’entrer illégalement sur le territoire, et des mesures qui facilitent la détection de migrants en situation irrégulière dans le pays. Les pays d’installation traditionnels (Australie, Canada, États-Unis et Nouvelle-Zélande) et les États insulaires – comme l’Irlande, le Royaume-Uni et le Japon – ont tendance à privilégier les contrôles aux frontières dans les aéroports et les ports maritimes pour juguler l’immigration irrégulière. Dans ce contexte, les efforts et les moyens sont concentrés à ces endroits pour limiter l’entrée des étrangers. Les pays européens ont également resserré les contrôles aux frontières extérieures. Ceux-ci ne résoudront cependant pas le problème des personnes restées sur le territoire après expiration de leur titre de séjour, qui constituent la majeure partie de l’immigration irrégulière. Selon les chiffres concernant l’Italie et le Japon, 70 % environ des immigrés en situation irrégulière seraient des personnes qui ont outrepassé la durée de leur visa (OCDE, 2009[23]); même aux États-Unis, on estimait à pas moins de 45 %, au milieu des années 2000, la population irrégulière entrée légalement sur le territoire et restée illégalement par la suite (Pew Research Center, 2006[12]).
Ces dernières années, les pays de l’OCDE, en Europe notamment, ont intensifié les éloignements et les expulsions d’étrangers en séjour irrégulier. Or, ces mesures sont généralement coûteuses, tant sur le plan social qu’économique, et s’accompagnent souvent de détentions et de reconduites à la frontière. Aux États-Unis, le nombre d’éloignements s’est élevé de 380 000 à 400 000 entre les exercices 2008 et 2012, année où il a atteint son niveau maximum (410 000) avant de reculer à 240 000 environ en 2015 et 2016, et à 216 000 au cours de l’exercice 2017. En Europe, d’après les données d’Eurostat, un peu moins de la moitié des 494 000 non-ressortissants de l’Union européenne (226 000 environ) ayant fait l’objet d’une injonction de quitter le territoire d’un pays membre de l’UE en 2016 ont été renvoyés dans leur pays d’origine.
Création de filières d’immigration légale dans certains secteurs
En théorie, et si l’immigration régulière et l’immigration irrégulière étaient de parfaits substituts, l’augmentation de l’immigration régulière de travail irait de pair avec une baisse de l’immigration irrégulière. Si les données à l’appui de cette hypothèse sont rares et peu convaincantes (Clemens, Michael; Gough, 2018[24]), des exemples nationaux antérieurs, en Europe, en Asie ou sur le continent américain, montrent que l’absence de filières d’immigration légale appropriées quand la demande de main d’œuvre demeure insatisfaite sur de longues durées se traduit généralement par une progression de l’emploi illégal de travailleurs étrangers à terme.
Plus généralement, si l’on peut s’attendre à ce que l’augmentation des flux de migration régulière de travail ait pour effet, à court terme, de diminuer les embauches illégales, on ne sait précisément combien de visas d’entrée réguliers il faudrait accorder pour qu’une réduction sensible des flux irréguliers intervienne. En fait, sur les grands marchés informels du travail et/ou dans les pays où les contrôles d’identité sur le territoire national sont limités, un accroissement des flux réguliers non accompagné de mesures visant à décourager l’emploi illégal d’étrangers risque de se traduire par un stock stable, sinon grandissant, de main d’œuvre immigrée en situation irrégulière25.
Pour satisfaire à la demande d’employeurs qui risquent autrement de recourir à l’emploi illégal d’étrangers, les mesures destinées à favoriser l’immigration de travail régulière doivent être précisément orientées : il serait par exemple facile d’ouvrir des filières d’immigration légale pour les travailleurs des secteurs de l’agriculture, des soins et des services aux ménages, où la demande est forte et l’offre locale faible, car l’opinion publique y est souvent plus favorable que pour d’autres secteurs (Ambrosini, 2013[25]; Triandafyllidou and Marchetti, 2013[26]). Plusieurs pays26 ont d’ailleurs mis sur pied des programmes de visas d’emploi, généralement temporaires, pour certains secteurs. Ceux-ci peuvent se fonder sur des accords bilatéraux, éventuellement assortis d’un engagement du pays d’origine à renforcer les contrôles. Des projets pilotes d’immigration légale suivant cette approche sont actuellement à l’étude dans l’Union européenne (Commission européenne, 2017[27]).
Un autre moyen majeur de privilégier l’immigration légale consiste à améliorer l’efficacité des procédures de délivrance de permis (traitement rapide des dossiers par exemple) pour permettre aux employeurs d’embaucher rapidement et selon leurs besoins– leur inefficience est l’une des raisons pour lesquelles les entreprises, les petites en particulier, font appel à la main d’œuvre illégale. La durée de validité des permis accordés dans le cadre des programmes de migration temporaire pourrait être assouplie, car les dates d’expiration rigoureuses risquent en fait d’augmenter le travail illégal lorsque les perspectives d’obtenir un statut légal permanent sont inexistantes (OCDE, 2009[23]). De manière générale, la simplification des obligations réglementaires, le raccourcissement des délais pour les employeurs et les travailleurs, et l’allègement consécutif des procédures de demande et de renouvellement de visa pourraient améliorer le respect des réglementations et éviter certaines des irrégularités évoquées à la section sure l’aspect pluridimensionnel de l’emploi illégal.
Programmes de régularisation
L’une des toutes premières mesures instaurées, et l’une des plus répandues, pour lutter contre l’emploi illégal des travailleurs étrangers consiste à donner aux immigrés la possibilité de régulariser ou de légaliser leur situation pour leur permettre de travailler légalement. La régularisation continue cependant de susciter de vifs débats dans la mesure où elle constitue un remède ex post et non une stratégie en bonne et due forme pour résoudre les problèmes fondamentaux à l’origine de l’emploi illégal des travailleurs étrangers. En conséquence, le concept même de régularisation a fait l’objet d’un examen rigoureux et a été en fait disqualifié (pour une analyse plus détaillée des arguments évoqués, voir OCDE et Rosenblum (2009[23]; 2010[28])).
L’argument essentiel en faveur de la régularisation est qu’elle est un moyen pragmatique de réduire les stocks de travailleurs étrangers en situation irrégulière et qu’elle peut, en favorisant l’entrée des immigrés dans le secteur structuré de l’économie, avoir des retombées économiques et sociales favorables. De fait, elle offre dans de nombreux cas le seul moyen de remédier, à un moment donné, aux effets cumulés de l’échec des politiques de migration du travail à répondre aux besoins insatisfaits au niveau local des marchés du travail.
À l’inverse, l’argument le plus souvent avancé à l’encontre de la régularisation est qu’elle « récompense » l’illégalité et pénalise ceux qui suivent la file d’attente et empruntent les voies officielles pour entrer dans un pays et y travailler27. La régularisation, surtout lorsqu’elle intervient à grande échelle, est aussi accusée de saper les mesures en vigueur pour maîtriser l’immigration. Une autre critique est qu’elle crée une sorte d’aléa moral en encourageant une migration irrégulière « spéculative » qui tablerait sur des programmes ultérieurs de régularisation. Ce risque peut toutefois être atténué si la régularisation s’accompagne de mesures visant à remédier aux causes fondamentales de la progression de l’emploi illégal d’étrangers.
Quoi qu’il en soit, lorsqu’un État décide de mener un programme de régularisation, il doit prendre plusieurs paramètres en considération :
Règles d’admissibilité. La régularisation doit- elle s’appliquer à des individus ou à des groupes, et doit-elle tenir compte du parcours migratoire et des relevés d’emploi ?
Autres conditions. D’autres critères doivent-ils être respectés, comme le paiement intégral des amendes, droits et arriérés d’impôts, ou des preuves de compétence linguistique et d’intégration ?
Fréquence le programme de régularisation doit-il être ponctuel ou permanent ?
Avantages. Quelle forme le nouveau statut juridique de l’immigré revêtirait-il ? Les permis seraient-il temporaires seulement, temporaires mais reconductibles, provisoires, ou permanents ? Cette question est extrêmement importante, car l’expérience montre que lorsque l’emploi illégal des étrangers est structurel, y remédier au moyen de visas temporaires peut créer un cercle vicieux de programmes de régularisation périodiques toujours plus vastes.
Améliorer la conformité aux règlements et leur contrôle sur le lieu de travail : prévention, détection et sanction
De nombreux pays de l’OCDE, prenant les accords et règlements internationaux comme cadre de référence pour lutter contre l’emploi illégal des étrangers (la Directive 2009/52/CE de l’UE concernant les sanctions et les mesures à l’encontre des employeurs de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier et les conventions de l’OIT28) par exemple, ont instauré des mesures pour prévenir, combattre et sanctionner cette pratique – les trois piliers fondamentaux d’un système bien administré d’application de la réglementation sur le lieu de travail.
Sensibilisation
Les mesures de prévention – comme la sensibilisation aux risques liés à l’emploi de travailleurs en situation irrégulière – reposent sur le principe selon lequel les individus se conforment de plein gré aux règles s’ils sont pleinement conscients de leurs responsabilités et des conséquences d’un non-respect de la législation. De nombreux pays de l’OCDE ont pris toute une série de mesures pour informer, sensibiliser et aviser les employeurs, les employés et les entreprises dans le cadre de leurs efforts pour combattre l’emploi illégal des étrangers. Il s’agit notamment de campagnes d’information, de services d’assistance et de conseil aux employeurs et aux employés concernant leurs droits et leurs devoirs, d’accords de partenariat avec des partenaires sociaux, et d’obligations de notification. Les efforts déployés varient toutefois substantiellement d’un pays à l’autre et demeurent généralement limités.
Si presque tous les pays ont fait appel à un moyen d’information au moins (circulaires, sites web, guides, brochures, bulletins d’information, ou campagnes d’information complètes), l’éventail des instruments utilisés et leur diffusion (traduction comprise) varient considérablement. De plus, les grandes campagnes d’information échouent très souvent à cibler explicitement l’emploi illégal des étrangers ou la fraude aux prestations sociales et les activités illicites.
Enfin, les pays de l’OCDE s’associent et coopèrent à des degrés divers avec les partenaires sociaux, les ONG, les intervenants locaux et les communes pour mener des actions préventives et auxiliaires - séminaires, stages de formation, échange de bonnes pratiques, et service d'assistance téléphonique destinés aux employeurs et aux employés (Tableau 4.6).
Tableau 4.6. Mesures préventives dans les pays de l’OCDE et en voie d’adhésion
|
Campagnes d’information et assistance |
Systèmes de vérification en ligne à l’usage des employeurs |
---|---|---|
Allemagne |
Campagnes d’information pour informer les employeurs de leurs responsabilités dans le cas où ils embaucheraient des ressortissants de pays tiers, et des avantages associés à l’emploi légal de ces derniers. Les campagnes ont été diffusées dans différents secteurs et à l’échelon local, régional et fédéral. Elles ont été organisées et financées par l’État et des entités non publiques. Partenariats trilatéraux entre le ministère fédéral des Finances et les partenaires sociaux des secteurs à risque aux fins de sensibilisation et d’information. |
Non |
Australie |
Le Department of Immigration and Border Protection (DIBP) australien mène une vaste campagne de communication pour faire connaître les obligations législatives et prévenir les infractions. Il organise par exemple des opérations d’information et publie des guides. Pour encourager l’emploi de travailleurs étrangers en situation régulière, il a mené une campagne dont le slogan était : « embauchez légalement, protégez vos bénéfices ». |
Oui : le Visa Entitlement Verification Online (VEVO) du DIBP, lancé en 2004, vérifie les visas et les restrictions au travail qui s’y rattachent éventuellement. Il peut être consulté par les titulaires de visas et par les employeurs : www.border.gov.au/Busi/visas-and-migration/visa-entitlement-verification-online-(vevo) |
Autriche |
s.o. |
Non |
Belgique |
La Belgique mène des opérations d’information et applique des mesures à l’échelon sectoriel pour prévenir la fraude sociale et le travail illégal; voir par exemple le site web ; www.emploi.belgique.be/defaultTab.aspx?id=377). Les partenaires sociaux, les inspections du travail et les autorités ont signé un protocole de coopération. Des groupes de volontaires et des associations –comme Coordination et Initiatives pour réfugiés et étrangers (CIRÉ) ou le Centre fédéral Migration, dit Myria – distribuent des brochures, organisent des séminaires et publient des bulletins d’information, les meilleures pratiques (plateformes, syndicats, employeurs) et des guides sur les droits légaux et la façon de trouver un avocat. |
Non |
Canada |
s.o. |
Non |
Corée |
|
Le système de permis de travail renferme des informations relatives au statut des travailleurs étrangers (il peut être consulté par les centres publics de l’emploi). Les cas d’illégalité repérés sont signalés aux autorités. |
Espagne |
A mené une campagne sur la lutte contre la fraude à la sécurité sociale et à l’emploi |
Non |
Estonie |
Séminaires et pages web mis en place par l’Office de police et des gardes-frontières. |
Non |
États-Unis |
Campagnes d’information avec brochures et webinaires sur les sites https ://www.ice.gov/doclib/image/pdf/image-pamphlet.pdf et https ://www.uscis.gov/sites/default/files/files/nativedocuments/Employee_Rights_Webinar_Flyer_0.pdf) https ://www.uscis.gov/e-verify/about-program/trademark-and-logo-usage-guidelines |
Oui. E‑Verify est un système que les employeurs utilisent pour vérifier que leurs employés ont le droit de travailler. Il est géré par le Department of Homeland Security (DHS) et la sécurité sociale : https ://www.uscis.gov/e-verify |
Finlande |
A mené une campagne d’information d’envergure « économie grise, avenir noir », en 2012. Signature d’un accord de coopération tripartite pour combattre l’économie informelle et l’emploi illégal. |
Non |
France |
Campagne nationale lancée en 2017. À l’échelon local, les préfets informent le public des conséquences de l’emploi illégal de travailleurs étrangers et des sanctions connexes par des communiqués de presse et des articles dans les médias régionaux. Des réunions de sensibilisation sont organisées avec les entreprises des secteurs les plus concernés. Les sites internet de l’administration publique fournissent des informations. L’État et les partenaires sociaux ont signé des conventions de partenariat pour lutter contre le travail illégal dans les secteurs très exposés. |
Non |
Grèce |
L’Inspection du travail (SEPE) a un site internet, distribue des brochures, et gère un centre d’assistance, une permanence téléphonique pour les plaintes, et des services en ligne pour les utilisateurs inscrits. La feuille de route pour combattre l’emploi non déclaré (avec l’Organisation internationale du travail [OIT]) prévoit des campagnes de sensibilisation du public. |
Pas de plateforme, mais un outil en ligne (non obligatoire) pour vérifier les permis de séjour. |
Hongrie |
s.o. |
Non |
Irlande |
Nouvelle législation pour améliorer l’application des droits du travail. |
Non |
Israël |
Campagnes d’information, publicités et banderoles gérées par l’Autorité de la population et de l’immigration (PIBA). |
Non |
Italie |
Les syndicats, les employeurs et la société civile ont travaillé en collaboration à l’édition de publications et à l’organisation de campagnes de sensibilisation dans le secteur agricole. |
Non |
Japon |
Brochures, affiches, séminaires, campagnes de sensibilisation et d’information, débats. |
Pas de plateforme, mais un outil en ligne pour vérifier les permis de séjour |
Lettonie |
s.o. |
Non |
Lituanie |
Informations d’ordre général publiées sur les sites internet du ministère de l’Immigration et la Bourse lituanienne du travail. |
Non |
Luxembourg |
Campagnes d’information dans le secteur de la construction et opérations de sensibilisation durant les programmes de régularisation de 2001 et 2013. |
Oui |
Mexique |
s.o. |
Non |
Norvège |
Sites internet et services d’information. |
Non, mais un numéro de téléphone et une adresse électronique pour les employeurs qui souhaitent vérifier la situation juridique de futurs employés. |
Nouvelle-Zélande |
Publie des directives opérationnelles qui énoncent les règles et les critères que les personnes désireuses de se rendre en Nouvelle-Zélande doivent respecter pour obtenir un visa. |
VisaView est un système en ligne qui permet aux employeurs de vérifier toutes les informations concernant les permis de travail. Il conserve l’historique de toutes les demandes déposées par les employeurs. Il n’est pas obligatoire, mais peut servir de preuve pour réfuter une accusation en application de la loi sur l’immigration https ://www.immigration.govt.nz/about-us/our-online-systems/visaview |
Pays-Bas |
Le ministère des Affaires sociales (SZW) administre un site web et un outil d’information sur le respect de la réglementation |
Oui : outil d’auto-inspection non obligatoire pour les employeurs. |
Pologne |
Publication de brochures et campagnes d’information : https ://www.pip.gov.pl/pl/f/v/128295/PracLegalnie %20Ang2 %20Internet.pdf |
Non |
Portugal |
Publicités radiophoniques. A mené une campagne d’affichage. Publication de brochures dans cinq langues. |
Non |
Rép. slovaque |
s.o. |
Non |
Rép. tchèque |
Sites web, brochures, distribution de dossiers d’information avant le départ et à l’arrivée, campagnes de sensibilisation, stages de formation et réunions conjointes avec des partenaires étrangers. |
Non |
Royaume-Uni |
Le UK Visas and Immigration Group publie des documents sur la prévention de l’emploi illégal et les pénalités dont sont passibles les employeurs: https ://www.gov.uk/government/collections/employers-illegal-working-penalties. Le Home Office Immigration Enforcement Department (HOIE) a lancé « Operation Magnify » en 2015, une opération de lutte contre le travail illégal qui aide également les employeurs à respecter la réglementation dans les secteurs les plus exposés de l’économie. |
|
Slovénie |
Site internet |
Non |
Suède |
Brochures d’information dans différentes langues. L’Office suédois de l'environnement du travail gère un site internet. Le syndicat suédois représentant les employés municipaux a mené des campagnes de sensibilisation – portant souvent sur le travail saisonnier dans l’agriculture, l’horticulture et la construction. |
Non |
Suisse |
s.o. |
Non |
Turquie |
Sites internet. Production de vidéos. Publication de fascicules et brochures dans plusieurs langues. Organisation de séminaires et d’ateliers. |
Oui : système obligatoire de demande de permis de travail lancé en 2010 : e-Government Gateway |
Note : « s.o. » signifie « sans objet ».
Source : Questionnaires de l’OCDE.
Encourager le recours aux systèmes de vérification du statut légal des travailleurs
Les procédures et mécanismes de vérification sont des outils particulièrement pratiques pour sensibiliser les employeurs et faciliter les inspections. Ils ont une fonction de support en ce qu’ils encouragent les employeurs à respecter volontairement les réglementations, et servent de preuve ou de « sphère de sécurité » - autrement dit, en l’absence d’un tel système, les employeurs peuvent nier tout acte répréhensible et éviter les pénalités.
Les mesures de vérification consistent généralement à contrôler la validité des autorisations de travail et, pour ce faire, à assurer un service de vérification public (et, parfois, à imposer son utilisation). Dans tous les États membres de l’UE, les employeurs doivent tenir – au moins pendant la durée d’emploi d’un travailleur – un registre d’autorisations en vue d’une éventuelle inspection. Ils doivent également informer les autorités compétentes (les services publics locaux de l’emploi, le centre de sécurité sociale, les autorités fiscales), généralement dans un délai donné, de la date à laquelle le contrat d’un ressortissant d’un pays tiers débute et celle à laquelle il se termine. La plupart des pays de l’UE exigent des employeurs qu’ils accomplissent ces formalités quelques jours avant le début de la période d’emploi et avant la fin du contrat. Si les employeurs respectent cette obligation, ils sont dégagés de toute responsabilité, sauf s’il apparaît qu’ils savaient que les documents produits étaient faux.
Il est toutefois difficile de mettre en place un système de vérification du statut légal des travailleurs qui soit économique, à l’épreuve des fraudes, et qui assure une protection contre les faux négatifs (ou les faux positifs). Plusieurs pays de l’OCDE ont établi des registres et outils électroniques en ligne, notamment l’Australie, la Corée29, les États-Unis, la Grèce, le Japon30, le Luxembourg, les Pays-Bas31, la Nouvelle-Zélande, le Royaume-Uni et la Turquie32 (Tableau 4.6). Certains systèmes sont plus complets et fonctionnels que d’autres. L’Australie, les États-Unis et la Nouvelle-Zélande33, par exemple, ont mis sur pied des systèmes fiables qui assurent des services sécurisés et gratuits en ligne pour vérifier les autorisations de travail des étrangers.
Le système australien Visa Entitlement Verification Online (VEVO) est un service en ligne sécurisé gratuit34 qui a été mis en place en 2004. Il tient les employeurs et les titulaires d’un visa informés des droits et restrictions en matière de travail des employés potentiels. Le système n’oblige pas les employeurs à signaler un éventuel refus de permis de travail. En fait, quel que soit l’aboutissement de la demande, VEVO crée automatiquement une fiche qui sert de preuve que les employeurs ont suivi la procédure appropriée pour embaucher des travailleurs en situation légale. Les données relatives à l’utilisation de VEVO indiquent que le système fonctionne bien et que les employeurs y font de plus en plus appel – le nombre de vérifications est passé de 1 489 122 en 2010‑11 à 2 641 245 en 2014‑15 (SOPEMI (Permanent System of Observation of International Migration), 2015[10]).
Le Department of Homeland Security (DHS) des États-Unis administre aussi un service gratuit en ligne, E‑Verify35, qui permet aux employeurs de vérifier que leurs employés ont le droit de travailler sur le territoire national. Les employeurs fournissent des informations (nom, numéro de sécurité sociale, numéro d'inscription au registre des étrangers, etc.) qui sont alors vérifiées par recoupement avec les bases de données de la Social Security Administration (SSA) et du DHS. En cas de non-confirmation définitive, l’employeur peut estimer que l’employé n’est pas autorisé à travailler et mettre terme au contrat. S’il continue de l’employer après avoir reçu l’avis de non-confirmation définitif, il fait l’objet d’une présomption réfutable selon laquelle il a employé un étranger en situation irrégulière en toute connaissance de cause. En 2017, plus de 700 000 employeurs étaient inscrits à E-Verify. Plus de 34 millions de demandes ont par ailleurs été déposées et traitées la même année. E‑Verify, malgré un démarrage lent, a connu un développement rapide ces dernières années, en partie sous l’effet des conditions imposées par l’administration publique au niveau fédéral et local ou à celui des États. Les évaluations du programme signalent quelques inexactitudes en termes d’attribution de statut et une capacité limitée à détecter les fraudes à l’identité, mais reconnaissent que des améliorations sont intervenues : selon l’enquête Westat E-Verify, la plupart des employeurs inscrits estiment que le système est efficace (92 %) et 89 % le jugent très fiable (Westat, 2014[29]).
Le Luxembourg et, récemment, la France ont instauré des dispositifs électroniques d’identification par badge dans certains secteurs, comme la construction. La Finlande et la Norvège y font aussi appel pour gérer les chaînes de sous-traitance et améliorer la transparence dans des secteurs comme la construction et le nettoyage. Le Luxembourg a mis le système de badge en place principalement pour faire obstacle aux abus éventuels en matière de travail détaché. Le badge comporte un code-barres qui permet à l’Inspection du travail de consulter toutes les informations pertinentes. Les problèmes liés aux travailleurs détachés au Luxembourg ont incité les autorités à simplifier la procédure de détachement et à instaurer le transfert électronique de tous les documents exigés par téléchargement sur une plateforme électronique appelée e‑Détachement. Celle-ci permet aux entreprises étrangères de soumettre les déclarations de détachement par l’intermédiaire d’une personne de référence de leur choix.
Assurer des inspections efficaces et adéquates
Outre l’affectation de moyens plus importants aux services d’inspection du travail afin de renforcer l’application de la réglementation en général (dans le cadre des mesures clefs de lutte contre l’emploi informel), les autorités doivent s’efforcer d’identifier et de cibler les secteurs qui présentent des risques sur ce plan et de favoriser la coopération et la coordination entre les organismes chargés de faire respecter la loi si elles veulent mieux réfréner l’emploi illégal des étrangers. Pour mettre les travailleurs à l’abri des abus et de l’exploitation, il faut en outre appliquer les normes de travail quelle que soit leur situation au regard de l’emploi. Il va de soi que les employeurs peu scrupuleux seront plus enclins à embaucher les travailleurs étrangers en situation irrégulière si ces derniers ne peuvent réclamer des salaires impayés ou poursuivre leur employeur pour pratiques déloyales. Si les travailleurs ne peuvent réclamer des salaires non versés après expulsion, les employeurs auront aussi intérêt à demander leur éloignement du territoire. La possibilité pour les tribunaux du travail ou d’autres instances juridiques de traiter ces affaires, même quand elles concernent des travailleurs expulsés, pourrait parer à ce risque. Cela suppose à l’évidence un arbitrage entre, d’une part, la séparation des fonctions d’inspection de l’immigration et d’inspection du travail et, d’autre part, une utilisation plus efficiente des ressources et du personnel de l’inspection du travail36.
Il y aurait moyen d’améliorer le contrôle de l’application de la loi – par la transmission plus rapide de rapports plus complets par exemple, comme l’indique la Commission européenne dans sa communication sur l’application de la Directive de l’UE concernant les sanctions (Commission européenne, 2014[30]). En outre, pour que leur action soit plus efficace, les inspecteurs du travail devraient disposer des compétences nécessaires et maîtriser les techniques statistiques modernes, notamment le profilage statistique, qui permet de repérer les travailleurs et les entreprises les plus susceptibles de pratiques informelles et de choisir les mesures les plus adaptées pour faire respecter la loi. L’autorité nationale compétente devrait en conséquence procéder à une évaluation des risques pour repérer les secteurs d’activité les plus susceptibles d’employer illégalement des travailleurs étrangers. Elle devrait ensuite élaborer une stratégie, en prévoyant le plus grand nombre d’inspections dans les secteurs présentant le plus de risques à cet égard.
La plupart des pays de l’OCDE concentrent les inspections sur certains secteurs (Tableau 4.7), s’appuyant pour cela sur la collecte d’informations, l’évaluation des risques, des inspections antérieures, les plaintes, les dénonciations, et d’autres pratiques. En parallèle, ils continuent toutefois de procéder à des contrôles aléatoires37.
Les données disponibles quant au nombre d’inspections réalisées dans les différents pays brosse un panorama contrasté38. Cela dit, elles ne sont souvent pas pleinement comparables, car certains pays établissent des statistiques portant sur le nombre absolu d’inspections tandis que d’autres fournissent des pourcentages ou énumèrent les objectifs fixés et les inspections réalisées en conséquence. Il serait particulièrement utile de disposer d’informations sur le pourcentage de travailleurs étrangers recensés au cours des inspections. Malheureusement, ces données sont difficiles à obtenir et à rassembler. L’un dans l’autre, les chiffres concernant les inspections effectuées demeurent généralement faibles et ne semblent guère en mesure de décourager les employeurs de recruter illégalement des travailleurs étrangers.
Par ailleurs, alors que les inspections du travail gagnent en importance dans la lutte contre l’emploi illégal des étrangers39, un renforcement de la coordination et de la coopération entre les différents organismes publics est également indispensable. Divers organismes, comme les services de police, les services d’immigration et les inspections du travail, sont chargés de faire respecter la loi et ont pour responsabilité commune de lutter contre l’emploi illégal des étrangers. Or, ils ignorent parfois lequel d’entre eux doit prendre la conduite des opérations parce qu’ils n’ont pas de mandats précis, que les prérogatives sont mal définies, et que la coordination globale laisse à désirer (Tableau 4.7).
Dans certains pays, l’inspection du travail joue un rôle central de coordination des opérations sur le terrain, alors qu’ailleurs elle travaille en étroite coopération avec d’autres instances, surtout les organismes d’application de la loi et d’assistance sociale. Au Luxembourg, par exemple, la loi établit que l’Inspection du travail et des mines (ITM) est l’autorité chargée d’inspecter les entreprises pour vérifier si elles emploient des ressortissants de pays tiers en situation irrégulière. L’ITM conduit les inspections en collaboration avec l’Administration des douanes et accises, ses contrôles portant tout particulièrement sur les travailleurs détachés.
Les syndicats aussi peuvent participer aux inspections. La République tchèque et la Slovaquie, par exemple, leur délèguent les pouvoirs de surveillance et d’inspection de l’hygiène et de la sécurité sur le lieu de travail. Et bien que l’emploi illégal des étrangers ne soit pas spécifiquement visé, les représentants syndicaux élus disposent bel et bien de vastes pouvoirs et attributions qui leur donnent implicitement compétence pour mener des inspections portant sur d’autres questions, dont les conditions de travail des travailleurs étrangers.
Tableau 4.7. Inspections dans les pays de l’OCDE et en voie d’adhésion
|
Méthodes et instruments de ciblage ou d’identification des secteurs à risque |
Services d’inspection concernés |
Nombre d’inspections visé |
---|---|---|---|
Allemagne |
Poursuites à l’encontre de toutes les formes de travail non déclaré et d’emploi illégal. Critères fondés sur les risques (les secteurs touchés par le travail non déclaré par exemple). |
Toutes les autorités participant à la lutte contre le travail non déclaré : autorités fiscales, services publics de l’emploi, organismes de contrôle de la sécurité sociale, services de police, services d’immigration et États. |
Objectifs minimum de 275 000 contrôles d’employés et de 30 000 contrôles d’employeurs (dépassés en 2016). |
Australie |
Fondés sur les informations et axés sur les risques. |
Department of Immigration and Border Protection (DIBP) et Fair Work Ombudsman. |
900 vérifications des entités parrainantes pour 2017. |
Autriche |
Domaines dans lesquels le risque est élevé et modifications du comportement sur le marché. |
Police financière, Centre de compétence pour la lutte contre le dumping salarial et social de la Caisse régionale d’assurance- maladie de Vienne, organismes régionaux de sécurité sociale. |
27 000 en 2017. Pas de quota par membre du personnel, mais un objectif fédéral pour la police financière fixé par le ministère des Finances. |
Belgique |
Approche pluridisciplinaire axée sur les secteurs présentant des risques élevés et l’exploitation de données. |
Inspection du travail : service public de l'emploi (SPE), Contrôle des lois sociales et du bien-être au travail ; Inspecteurs de la Sécurité sociale (ONSS) et de l’Office national de l’emploi (ONEM) ; Services d’inspection des régions ; Le Service d’information et de recherche sociale (SIRS) définit les plans stratégiques et coordonne l’ensemble des opérations. |
9 935 pour la fraude sociale, 500 pour les faux indépendants, 150 inspections sur place et 450 inspections administratives pour 2015. |
Canada |
Secteurs présentant des risques élevés identifiés grâce à des renseignements, des signalements de partenaires et du public, et la ligne de surveillance frontalière ouverte 24h/24 et 7 jours/7. |
Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) et Emploi et Développement social Canada (ESDC) inspectent les employeurs qui ont embauché des travailleurs étrangers. L’Agence des Services frontaliers du Canada (ASFC) mène des enquêtes criminelles sur la fraude en matière d’immigration et l’emploi illégal de ressortissants et consultants étrangers. |
Non |
Corée |
L’Inspection du travail effectue des contrôles aléatoires des entreprises qui ont déjà été sanctionnées pour des infractions comme l’emploi illégal de travailleurs étrangers ou la violation des lois du travail. |
Le ministère de la Justice dirige les inspections, mais conduit des inspections du travail communes avec le ministère de l’Emploi et les services nationaux de police. |
3 000 sites qui emploient des travailleurs étrangers. |
Espagne |
Exploitation de données fondée sur l’expérience antérieure et les cas détectés dans le cadre d’inspections. |
Inspecteurs du ministère du Travail et de la Sécurité sociale en coopération avec les organismes de répression et le ministère de l’Intérieur. |
Oui, par province. Les objectifs fixés doivent être réalisés par les services de chaque inspection provinciale. 26 156 pour 2015. |
Estonie |
Secteurs présentant des risques élevés, expérience acquise, cas détectés dans le cadre d’inspections. |
Police et gardes-frontières, en collaboration avec l’inspection du travail et les administrations fiscale et douanière. |
n.d. |
États-Unis |
Le service Immigration and Customs Enforcement (ICE) utilise une triple approche pour contrôler le respect de la loi sur le lieu de travail : contrôle au travers du formulaire I-9, amendes civiles et recommandations d’exclusion ; répression moyennant l’arrestation des employeurs qui emploient en toute connaissance de cause des travailleurs irréguliers, et celle des travailleurs irréguliers pour violation des lois en matière de permis de travail ; et action de sensibilisation, dans le cadre de l’ICE Mutual Agreement, ou du programme IMAGE, pour instaurer une culture du respect de la réglementation et de responsabilité. |
Service ICE du Department of Homeland Security. |
n.d. |
France |
Secteurs les plus exposés. |
Police, gendarmerie, inspection du travail et autorités de contrôle aux frontières, Office central de lutte contre le travail illégal (OCLTI). |
2 986 inspections effectuées en 2015. |
Grèce |
Secteurs les plus exposés sur la base des statistiques tirées des inspections du travail des années précédentes Les récidives sont prises en compte. Inspections conduites dans le cadre de plans annuels/mensuels ou suite à des plaintes. |
Inspection nationale du travail (SEPE), services de contrôle des fonds d’assurance sociale, services de police, unité de lutte contre la délinquance économique et financière (SDOE) du ministère des Finances. |
Non |
Hongrie |
Secteurs les plus exposés sur la base des statistiques tirées des inspections du travail des années précédentes |
Autorités du travail en collaboration avec celles de l’immigration. |
100 employés par inspecteur du travail pour 2016 et 2017. |
Irlande |
Les inspecteurs de la Workplace Relations Commission (WRC) procèdent régulièrement à des inspections de nuit dans toutes les entreprises ouvertes la nuit. |
National Employment Rights Authority (NERA). |
5 600 inspections effectuées en 2014, 600 infractions potentielles. |
Israël |
Les inspecteurs reçoivent des informations de l’unité de renseignement de l’Autorité de la population, de l’immigration et des frontières (PIBA), et du public par un service de permanence téléphonique. |
La PIBA et, dans les cas graves, les services de police. Pas de coordination officielle, mais des contacts et des rapports rédigés en vue d’échanger les informations stratégiques. |
Oui, mais pas publics. |
Italie |
Tient compte du lien structurel entre l’économie souterraine et certains comportements illicites, comme le « caporalato », l’esclavagisme chez les travailleurs agricoles en Italie du Sud. |
Sécurité sociale (INPS), Institut national d'assurance contre les accidents du travail (INAIL), services de police, police financière, administration fiscale – leur coordination étant assurée par une commission présidée par le ministère du Travail et de la Protection sociale. |
200 000 pour 2017. |
Japon |
Informations sur les employeurs qui emploient illégalement des travailleurs étrangers. |
Services de police, ministère de la Justice, et ministère de la Santé, du Travail et de la Protection sociale. Le Conseil de lutte contre le travail illégal des étrangers coordonne, examine et applique les mesures. |
Non |
Lettonie |
Sur la base d’inspections antérieures, des cas détectés, de l’analyse des permis de séjour révoqués. |
Inspection nationale du travail (SLI) et service nationale des gardes-frontières |
Non |
Lituanie |
Contrôles de l’Inspection nationale du travail sur la base du mécanisme d’évaluation des risques des entreprises. |
Inspection nationale du travail, Fonds national d'assurance sociale (SSIFB), Service d'enquête sur la délinquance financière, Inspection nationale des impôts, Services de police. |
7 012 en 2016. Interpellation de 1 129 travailleurs illégaux, dont 58 étrangers. |
Luxembourg |
Analyse des risques effectuée par l’Inspection du travail (ITM) d’après l’expérience antérieure et le nombre de plaintes enregistrées par les services du centre d’assistance (Help Centre) et du centre d’appel. |
Services de police, Inspection du travail, Administration des douanes et accises et fonctionnaires de l’administration qui délivre l’autorisation d’établissement. |
n.d. |
Mexique |
Inspections sur le lieu de travail lorsque de nombreux étrangers y sont employés. Secteurs très exposés identifiés grâce aux informations fournies par les organismes de statistiques, des études, et les plaintes déposées au ministère du Travail. |
Inspection fédérale du travail et Institut national des migrations. |
115 889 prévues et 115 041 effectuées en 2016. |
Norvège |
Expérience et suggestions, alertes et informations des centres de services pour les travailleurs étrangers |
Inspection du travail, Administration fiscale, Administration du travail et des affaires sociales, Direction de l’immigration, services de police et municipalités. |
Non, mais 60 % des inspections conjointes visent le secteur de la construction. |
Nouvelle-Zélande |
Plaintes, renseignements communiqués par des informateurs anonymes et anonymes et identifiés, d’autres organismes et des collègues. Secteurs très exposés. |
Economic intelligence unit d’Immigration New Zealand en coopération avec l’Inspection du travail. |
Non |
Pays-Bas |
Large éventail de sources : rapports d’études, notes d’information, chiffres du Bureau central de la statistique (CBS) et du Bureau d’analyse des politiques économiques (CPB) pour identifier les secteurs très exposés dans l’agriculture, la construction, la restauration, les services de nettoyage et les services intermédiaires. |
Inspecteurs du ministère des Affaires sociales (SZW), services de police, service national des gardes-frontières, et service de recettes publiques. |
Entre 2 500 et 3 000 inspections en 2016. |
Pologne |
n.d. |
Inspecteurs de l’Inspection nationale du travail et agents du Service des gardes-frontières. |
n.d. |
Portugal |
Fondés sur l’expérience : demande de travailleurs manuels ou peu qualifiés dans les secteurs à forte intensité de main d’œuvre comme l’agriculture, la construction, l’hôtellerie et la restauration. |
Service de l'immigration et des frontières (SEF) et services de contrôle de l’Autorité pour les conditions de travail (ACT). |
17 000 inspections des conditions de travail et 17 000 inspections de l’hygiène et de la sécurité prévues en 2017 ; 8 324 visites d’inspection et 3 714 amendes infligées aux employeurs en 2016. |
République slovaque |
Données d’inspections antérieures dans les secteurs du commerce, des services, de la restauration et de la construction. |
Inspections du travail et inspecteurs des bureaux de l’emploi locaux, et ministère des affaires sociales et familiales. |
2 500 employeurs et 5 300 employés (dont 190 étrangers) par an. |
République tchèque |
Sur la base de l’expérience acquise et des cas détectés lors d’inspections antérieures, et des plaintes du grand public, des employés et des partenaires sociaux. |
Inspections nationale et régionales du travail, services des douanes (ministère des Finances), police de l’immigration. |
7 000, mais le nombre d’inspections effectuées s’est élevé à 9 308. 2 290 travailleurs illégaux détectés en 2016, dont 1 530 étaient des étrangers. |
Royaume-Uni |
n.d. |
L’Immigration Enforcement Directorate du Home Office est responsable des opérations de contrôle de l’immigration à l’échelon local, mission dont elle s’acquitte par l’intermédiaire de 19 équipes ICE (Immigration, compliance and enforcement teams). Les équipes locales spécialisées dans la délinquance et le renseignement travaillent en étroite coopération avec ces dernières. |
n.d. |
Slovénie |
Analyse des risques, sélection aléatoire, rapports reçus. |
Administration financière, inspecteurs du travail et services de police. |
4 656 contrôles de l’emploi illégal prévus, 8 281 réalisés en 2016 ; 5 000 prévus en 2017. |
Suède |
Expérience tirée d’inspections antérieures et évaluations des risques. |
L’agence des migrations vérifie les conditions de travail et les permis de travail. L’Office suédois de l’environnement du travail contrôle les horaires de travail et les conditions de santé et de sécurité au travail. Les services de police, l’administration fiscale et les partenaires sociaux conduisent les inspections menées dans le cadre de la lutte contre le travail illégal. |
Non |
Suisse |
Secteurs et activités très exposées, contrôles aléatoires et dénonciations (au niveau cantonal). |
Autorités compétentes en matière de lutte contre le travail non déclaré, la fraude sociale et l’évasion fiscale. |
Échelon cantonal. |
Turquie |
n.d. |
L’Inspection du Ministère du Travail est le principal organisme responsable de l’application de la législation en matière d’immigration, mais d’autres organismes y participent également. |
Inspections réalisées par le ministère du Travail : 2 710 en 2016. |
Note : « n.d. » signifie que l’information n’est pas disponible.
Source : Questionnaires de l’OCDE et enquêtes ponctuelles du Réseau européen des migrations, 2015.
Renforcer l’efficacité des sanctions à l’encontre des employeurs
Les travailleurs comme les employeurs sont passibles de sanctions et de pénalités dans les pays de l’OCDE (Tableau 4.8). Les sanctions à l’égard des employeurs, qu’il s’agisse d’amendes ou de poursuites pénales, comptent cependant parmi les principaux outils visant à dissuader ces derniers d’employer illégalement des travailleurs étrangers. Elles ont pour objectif d’uniformiser les règles en augmentant les coûts liés à l’utilisation d’une main d’œuvre étrangère illégale et en réduisant les incitations à y faire appel. Leur efficacité dépend toutefois de leur sévérité, et de la crédibilité que leur confèrent les employeurs.
Les sanctions varient selon la gravité de l’infraction, à savoir :
dans quelle mesure les conditions de travail sont abusives ;
si des mineurs sont concernés ;
le nombre de travailleurs étrangers illégalement employés constaté, les sanctions s’alourdissant à chaque travailleur en situation irrégulière recensé ou si leur nombre dépasse un seuil donné ;
si l’employeur est récidiviste ;
le statut juridique de l’employeur – personne physique ou morale par exemple.
Certains pays imposent aux employeurs le paiement d’une amende, pour chaque travailleur illégal ou d’un montant fixe. D’autres exigent parfois qu’ils assument en outre les frais d’expulsion.
Les pays de l’OCDE appliquent des méthodes différentes pour sanctionner l’emploi illégal des étrangers. Même au sein de l’UE, et malgré les efforts déployés par les États membres pour transposer la Directive concernant les sanctions40 dans les législations nationales, de fortes disparités persistent. À titre d’exemple, dans les pays de l’UE où les amendes augmentent à chaque travailleur illégal découvert41, le montant minimum par travailleur varie de 800 EUR en Belgique à 10 001 EUR en Espagne. Dans d’autres, où la loi donne une idée générale de l’amende à appliquer mais laisse les tribunaux en définir le montant effectif, celui-ci peut aller de 500 EUR en Lettonie à 500 000 EUR en Allemagne, selon le nombre de travailleurs illégaux concerné (Commission européenne, 2014[30]; Réseau européen des migrations, 2017[31]). L’énorme disparité entre les pénalités financières montre qu’elles ne font pas toujours le poids face aux avantages liés à l’emploi illégal d’étrangers, ce qui soulève la question de leur application concrète.
La gravité des sanctions pénales varie aussi considérablement selon les pays de l’OCDE – d’un maximum de six ans d’emprisonnement en Lettonie et aux États-Unis à sept ans en France, en Espagne, au Portugal et en Nouvelle-Zélande, et jusqu’à 14 ans au Canada. Bon nombre de pays de l’OCDE associent l’incarcération à une amende, d’autres la remplacent par cette dernière. Les pénalités peuvent aussi s’appliquer à des personnes morales, les entreprises étant liquidées, privées de leurs droits aux prestations publiques, exclues des marchés publics, ou voir leur matériel ou leurs biens confisqués (Réseau européen des migrations, 2017[31]) (Tableau 4.8).
Enfin, pour bien faire comprendre la gravité de l’infraction, la loi de nombreux pays de l’OCDE ‑ les États membres de l’UE notamment42 – prévoit des dispositions visant à sanctionner tous les employeurs, quelle que soit leur relation juridique avec les travailleurs en situation irrégulière, et tous les fournisseurs en cas d’infractions commises par des fournisseurs ou sous-traitants. Ces dispositions peuvent revêtir une importance cruciale compte tenu du recours croissant à des intermédiaires (les agences d’intérim par exemple) et dans des secteurs, comme la construction, qui font fortement appel à la sous-traitance et aux travailleurs immigrés. Bien que ce chapitre ne les étudie pas, des sanctions à l’encontre des personnes ayant aidé ou facilité l’entrée ou le séjour irréguliers d’étrangers sont en place dans de nombreux pays de l’OCDE et ont aussi un rôle de premier plan à jouer pour remédier au problème plus général de l’immigration irrégulière.
Tableau 4.8. Sanctions à l’encontre des travailleurs et des employeurs dans les pays de l’OCDE et en voie d’adhésion
|
Sanctions à l’encontre des travailleurs |
Sanctions à l’encontre des employeurs (financières et pénales) |
---|---|---|
Allemagne |
Amende de 5 000 EUR maximum, révocation du permis de séjour, emprisonnement. |
Amendes : jusqu’à 500 000 EUR Peine de prison de 1 à 3 ans, et jusqu’à 5 ans pour exploitation abusive ou traite d’êtres humains. |
Australie |
Avertissements, annulations de visas, rapatriements, détention si le travailleur ne quitte pas le pays, suivie d’une interdiction d’entrée de trois ans. |
Amendes d’un montant compris entre 3 240 AUD et 270 000 AUD, selon que le contrevenant est une personne physique ou un récidiviste et selon la gravité de l’infraction. Peine de prison de 2 à 5 ans. |
Autriche |
n.d. |
Amendes : de 1 000 EUR à 50 000 EUR par travailleur, selon le nombre de travailleurs irréguliers, selon qu’il s’agit d’une récidive, et selon la gravité de l’infraction. Peine de prison de 6 mois à 2 ans Interdiction d’exercer une activité commerciale et de bénéficier de subventions publiques. Retrait de l’autorisation d’activité. Le travailleur dépose une demande d’indemnisation contre l’employeur. |
Belgique |
Pas de sanctions administratives ou pénales, mais des avertissements, des éloignements et des expulsions. L’employeur assume les frais de rapatriement du travailleur irrégulier. |
Amendes entre 800 EUR et 48 000 EUR, selon la gravité de l’infraction. Confiscation du matériel. Fermeture de l’entreprise. Peine de prison de 6 mois à 3 ans |
Canada |
Arrêté d’expulsion éventuel, éloignement. |
Amende comprise entre 10 000 CAD et 50 000 CAD et/ou peine de prison de 6 mois à 2 ans pour emploi d’un ressortissant étranger non autorisé à travailler. Amende comprise entre 50 000 CAD et 100 000 CAD ou peine de prison de 5 à 14 ans pour fausse déclaration. Autres sanctions administratives. Exclusion des programmes donnant droit à des permis de travail réguliers. |
Corée |
Jusqu’à 3 ans d’emprisonnement en cas de travail irrégulier, ou amende de 20 millions WON maximum. Expulsion ou interdiction de territoire également possibles. |
Amendes |
Espagne |
Aucune |
Amendes comprises entre 10 001 EUR et 100 000 EUR par travailleur irrégulier. Peine de prison comprise entre 3 et 18 mois (règle générale), et entre 6 mois et 6 ans en cas de circonstances aggravantes (exploitation de nombreux travailleurs). Risque de fermeture. |
Estonie |
Amendes, détention. |
Amendes comprises entre 1 200 EUR et 3 200 EUR par travailleur. Confiscation du matériel. Fermeture de l’entreprise. Exclusion des contrats publics, etc. Peine de prison maximale de 3 ans. |
États-Unis |
Amendes comprises entre 110 USD et 1 100 USD. |
Amendes comprises entre 275 USD et 2 200 USD par travailleur étranger en situation irrégulière (première infraction), entre 3 200 USD et 6 500 USD (deuxième infraction), et entre 4 300 USD et 16 000 USD (troisième infraction et infractions ultérieures). Peine de prison : 6 mois maximum |
France |
Amendes : jusqu’à 45 000 EUR. Peine de prison. maximale de 3 ans. Interdiction du territoire français pendant 5 ans. |
Amendes comprises entre 15 000 EUR et 75 000 EUR pour une personne morale, de 100 000 EUR pour une organisation. Frais de rapatriement des travailleurs en situation irrégulière. Peine de prison de 5 à 10 ans. Interdiction d’exercer de 5 ans maximum, et exclusion des marchés publics pour une durée de 5 ans au plus. Confiscation du matériel. Déchéance des droits civiques, civils et familiaux. Interdiction de séjour d’une durée maximale de 5 ans. |
Grèce |
En cas de séjour et de travail irréguliers, la Directive 2008/115/CE s’applique (les ressortissants de pays tiers en situation irrégulière sont expulsés). En cas de situation régulière de séjour mais sans autorisation de travail, pas de pénalités ou sanctions financières. |
Travail et séjour irréguliers : Amende de 5 000 EUR, doublée en cas de récidive. Fermeture de l’entreprise. Exclusion des marchés publics, etc. Peine de prison minimum de 5 mois. Travailleurs en situation régulière de séjour mais non autorisés à travailler : Amende de 1 500 EUR par travailleur irrégulier. |
Hongrie |
n.d. |
Amendes : 2 à 4 fois le salaire minimum pour une personne physique ; de 4 à 8 fois le salaire minimum pour une personne morale ; de 8 à 15 fois le salaire minimum pour les récidivistes. |
Irlande |
Aucune |
Amende pouvant atteindre 3 000 EUR pour les déclarations de culpabilité par procédure sommaire, et jusqu’à 250 000 EUR pour les mises en accusation. Peine de prison : jusqu’à 12 mois pour les déclarations de culpabilité par procédure sommaire et jusqu’à 10 ans pour les déclarations de culpabilité par mise en accusation. |
Israël |
Expulsion et interdiction de retour sur le territoire. Régularisation possible pour les contrevenants titulaires de permis mais qui ne travaillent pas dans les secteurs autorisés et qui n’ont pas accompli quatre années de travail |
Amendes comprises entre 1 200 ILS et 5 000 ILS, et 7 500 ILS pour les récidivistes et les agences d’intérim ou de recrutement. Si des poursuites sont engagées, les amendes administratives sont doublées, leur montant pouvant atteindre 36 500 ILS, et les contrevenants purgent une peine de prison d’un an maximum. |
Italie |
Si le contrevenant est en situation régulière de séjour mais n’est pas autorisé à travailler, il est renvoyé de son lieu de travail. |
Amendes comprises entre 5 000 EUR et 15 000 EUR, selon le nombre de travailleurs concerné et la gravité de l’infraction. L’employeur assume les frais de rapatriement. Peine de prison comprises entre 6 mois et 3 ans, ou entre 5 ans et 15 ans si les travailleurs ont été exploités. Interdiction d’embaucher des ressortissants de pays tiers pendant 5 ans. Confiscation du matériel. |
Japon |
Peine de prison comprise entre un an et trois ans, que la personne en situation irrégulière travaille ou pas, ou amende comprise entre 2 et 3 millions JPY, ou bien les deux. Expulsion. |
Amende : entre 2 et 3 millions JPY Peine de prison de un à trois ans, ou les deux (respectivement,). Expulsion et interdiction de territoire. Interdiction d’employer des travailleurs étrangers pendant 5 ans si les travailleurs ont été exploités. Confiscation du matériel. |
Lettonie |
Amende comprise entre 140 EUR et 700 EUR. Demande de visa de longue durée rejetée, permis de séjour et enregistrement refusés, permis de séjour temporaire annulé. Arrêté d’expulsion. |
Amende comprise entre 140 EUR et 700 EUR, selon le nombre de travailleurs irréguliers et selon qu’ils sont titulaires ou pas d’un permis de séjour (bien qu’ils n’aient pas de permis de travail). Amende comprise entre 210 EUR et 500 EUR si le travailleur est en séjour irrégulier. Peine de prison pour exploitation de travailleurs, interdictions. |
Lituanie |
Aucune |
Amendes comprises entre 868 EUR et 2 896 EUR par travailleur, et entre 2 896 EUR et 5 792 EUR pour les récidivistes. Exclusion des marchés publics, retrait du droit aux subventions, etc. Peine de prison de 2 ans maximum. |
Luxembourg |
Rapatriement |
Amendes comprises entre 2 500 EUR et 20 000 EUR en cas de récidive, de grands nombres de travailleurs irréguliers, d’exploitation et d’emploi de mineurs. Peine de prison comprise entre 8 jours et 1 an. Interdiction d’une durée maximale de 3 ans d’exercer l’activité professionnelle. Fermeture temporaire de l’entreprise pour une durée maximale de cinq ans ou fermeture définitive. |
Mexique |
Amendes d’un montant représentant entre 20 et 100 jours du salaire minimum dans le district fédéral concerné. |
Amendes d’un montant représentant entre 250 et 2 500 fois le salaire minimum. |
Norvège |
Amendes ou emprisonnement d’une durée maximale de 6 mois. Mesures d’éloignement et d’interdiction d’entrée sur le territoire. |
Amende illimitée. Peines de prison initiales de 2 ans maximum, de 6 mois à 4 ans (récidivistes), de 6 ans maximum (crime organisé) et de 10 ans maximum (traite d’êtres humains). Confiscation des bénéfices réalisés pendant la période d’emploi illégal. |
Nouvelle-Zélande |
Aucune, mais contrevenants passibles d’expulsion. |
Amendes de 10 000 NZD si l’employeur emploie des travailleurs illégaux sans le savoir, et de 50 000 NZD s’il le fait en connaissance de cause. Amende de 100 000 NZD ou peine de prison de 7 ans, ou bien les deux, pour quiconque facilite et encourage l’emploi illégal. |
Pays-Bas |
Aucune |
Amendes de 8 000 EUR (personne morale), 4 000 EUR (fondation ou association d’intérêt public), de 2 000 EUR à 4 000 EUR (personne physique). Leur montant est augmenté de 50 % en cas de récidive ou si l’infraction porte sur trois travailleurs au moins. |
Pologne |
Amendes comprises entre 1 000 PLN et 5 000 PLN. Expulsion possible, assortie d’une interdiction de retour sur le territoire. |
Amendes comprises entre 3 000 PLN et 10 000 PLN, selon le nombre de travailleurs irréguliers, selon que l’employeur est un récidiviste, et selon que les travailleurs sont exploités. L’employeur assume les frais de rapatriement (si le rapatriement est associé au travail effectué). Peine de prison d’un maximum de 3 ans en cas de conditions de travail particulièrement abusives. |
Portugal |
Aucune |
Amendes comprises entre 300 EUR et 90 000 EUR, selon le nombre de travailleurs irréguliers. Peine de prison comprise entre 1 et 6 ans. Interdiction temporaire d’exercer une activité professionnelle. |
République slovaque |
Amende de 331 EUR. Expulsion et interdiction de retour dans la zone de Schengen si l’infraction est grave. |
Amendes comprises entre 2 000 EUR et 200 000 EUR, selon le nombre de travailleurs irréguliers. Révocation de licence. Exclusion d’une durée de trois ans des appels d’offres portant sur des marchés publics. |
République tchèque |
Des amendes de 100 000 CZK peuvent s’appliquer. |
Amendes comprises entre 50 000 CZK et 10 000 000 CZK selon le nombre de travailleurs irréguliers. |
Royaume-Uni |
Amendes maximum de 5 000 GBP (tribunaux de première instance et de sheriffs). Amendes illimitées (Crown Court) pour les infractions plus graves. Peine de prison de 3 mois maximum en Écosse et en Irlande du Nord, et de 6 mois maximum en Angleterre et aux Pays de Galles. |
Amendes maximum de 10 000 GBP, mais illimitées si l’employeur a embauché un travailleur en situation irrégulière en toute connaissance de cause. Peine de prison de 5 ans maximum. |
Slovénie |
Amendes de 500 EUR à 2 500 EUR. |
Amendes des 5 000 EUR à 26 000 EUR. |
Suède |
Expulsion des contrevenants qui font l’objet d’un arrêté d’expulsion. Dans les autres cas, les services de police s’efforcent de résoudre le problème avec l’aide des services nationaux de l’immigration. Les ressortissants de pays tiers en situation irrégulière de travail peuvent toutefois faire valoir des droits par rapport à leurs employeurs. |
Amendes de 44 800 SEK maximum. Peine de prison d’un an maximum. Exclusion des marchés publics. Retrait de l’autorisation d’activité. |
Suisse |
Peine pécuniaire ou peine privative de liberté d’un an au plus (maximum de 180 unités pénales d’un montant maximum de 3 000 CHF par jour, selon l’infraction et la situation personnelle et économique du contrevenant). |
Peine pécuniaire définie par le Code pénal (maximum de 180 unités pénales d’un montant maximum de 3 000 CHF par jour, selon l’infraction et la situation personnelle et économique du contrevenant) ou peine privative de liberté de 3 ans maximum. |
Turquie |
Amendes et expulsion. |
Amendes comprises entre 415 TRY et 6 229 TRY, selon la gravité de l’infraction et selon que l’employeur est récidiviste ou pas. |
Note : « n.d. » signifie que l’information n’est pas disponible.
Source : Questionnaires de l’OCDE et enquêtes ponctuelles du Réseau européen des migrations, 2015.
Conclusions
Ce chapitre s’est attaché à apporter quelques éclairages sur l’emploi illégal des étrangers dans les pays de l’OCDE, en examinant de près les différentes formes d’illégalité et d’irrégularité qui l’accompagnent. Il s’est notamment efforcé de montrer en quoi l’emploi illégal des étrangers est associé à l’emploi informel. Il constate que si les deux sont clairement liés, il convient de les distinguer dans la mesure où l’emploi illégal peut exister dans le secteur formel de l’économie, et où l’emploi informel ne concerne pas forcément des travailleurs étrangers.
Le suivi de l’emploi illégal des étrangers dans le temps permet en outre de comprendre leurs trajectoires et leurs parcours, la façon dont ils perdent et retrouvent un statut légal, et si ces changements de situation sont dus à leurs permis de séjour ou de travail. La dimension temporelle met en lumière la grande diversité de l’emploi illégal des étrangers, tant par les différentes formes qu’il revêt que par la gravité des infractions.
Si toutes ces informations sont indispensables à l’élaboration et au suivi des politiques, la rareté des données fiables et détaillées empêche généralement d’établir une distinction entre l’emploi illégal et l’emploi informel des étrangers. Les pouvoirs publics doivent manifestement redoubler d’efforts sur le plan statistique. La ventilation des différentes catégories de travailleurs étrangers employés illégalement, selon la classification établie dans le présent chapitre, pourrait fournir des données essentielles concernant les profils individuels et les secteurs d’activité. Surtout, elle apporterait des informations sur leurs conditions d’emploi et d’intégration, comme le font les enquêtes annuelles réalisées par ISMU en Lombardie. De manière générale, la distinction entre travail illégal et travail informel permettrait aussi de mieux cibler les politiques et d’adopter des mesures plus efficaces.
La lutte contre l’emploi illégal des étrangers est aussi bien un objectif de politique économique que de politique migratoire. Les autorités doivent donc se munir d’un large éventail de mesures pour intervenir sur le marché du travail et dans le domaine de l’immigration. Pour favoriser une approche stratégique intégrée, elles doivent en outre utiliser ces instruments de manière à ce qu’ils se renforcent mutuellement. Compte tenu des moyens limités dont elles disposent, elles doivent surtout s’employer à améliorer la coordination et la cohésion entre les autorités chargées de faire appliquer la loi.
Les pays de l’OCDE doivent également mener des opérations de sensibilisation et faire appel à des systèmes perfectionnés de vérification du statut des étrangers pour prévenir l’emploi illégal de la main d’œuvre immigrée. Une meilleure conception des règlementations favoriserait aussi considérablement leur observation et leur application.
Néanmoins, lorsque le problème de l’emploi illégal des étrangers acquiert une dimension importante ou structurelle, les programmes de régularisation semblent constituer une réponse inévitable. Ceux-ci doivent être élaborés avec soin de manière à remédier aux causes fondamentales du problème, et être accompagnés des modifications appropriées aux filières légales de migration de travail et d’un renforcement des mesures d’exécution.
Enfin, les mesures de lutte contre l’emploi illégal des étrangers ne doivent pas seulement s’appliquer aux niveaux national et sectoriel (le problème est profondément lié aux secteurs d’activité) mais aussi à l’échelon international. Les États doivent en particulier s’efforcer de promouvoir la coopération internationale, un volet essentiel de la lutte contre la falsification de documents et la prévention de concurrence déloyale.
Références
[25] Ambrosini, M. (2013), Irregular Migration and Invisible Welfare, Palgrave Macmillan UK, London, http://dx.doi.org/10.1057/9781137314321.
[40] Angelucci, M. (2012), “US Border Enforcement and the Net Flow of Mexican Illegal Migration”, Economic Development and Cultural Change, Vol. 60/2, pp. 311-357, http://dx.doi.org/10.1086/662575.
[54] Chiswick, B. (1984), “Illegal aliens in the United States labor market: Analysis of occupational attainment and earnings”, International Migration Review, http://www.jstor.org/stable/2545894, pp. 714-732.
[24] Clemens, Michael; Gough, K. (2018), Can Regular Migration Channels Reduce Irregular Migration? Lessons for Europe from the United States | Center For Global Development, https://www.cgdev.org/publication/can-regular-migration-channels-reduce-irregular-migration-lessons-europe-united-states.
[27] Commission européenne (2017), Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions, relative à la mise en oeuvre de l'agenda européen en matière de migration COM (2017)558, http://ec.europa.eu/transparency/regdoc/rep/1/2017/EN/COM-2017-558-F1-EN-MAIN-PART-1.PDF.
[30] Commission européenne (2014), Communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil sur l’application de la directive 2009/52/CE du 18 juin 2009 prévoyant des normes minimales concernant les sanctions et les mesures à l’encontre des employeurs de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, https://publications.europa.eu/en/publication-detail/-/publication/0586d310-e197-11e3-8cd4-01aa75ed71a1/language-en.
[57] De Haas, H. (2011), The determinants of international migration: Conceptualising policy, origin and destination effects (IMI/DEMIG Working Paper No. 32), International Migration Institute, University of Oxford, https://scholar.google.fr/scholar?hl=en&as_sdt=0%2C5&q=De+Haas%2C+H.+%282011%29%2C+%E2%80%9CThe+Determinants+of+International+Migration+%E2%80%93+Conceptualizing+Policy%2C+Origin+and+Destination+Effects%E2%80%9D%2C+Working+Paper+32%2C+International+Migrat.
[20] Djankov, S., I. Lieberman and J. Mukherjee (2003), “Going informal: Benefits and costs”, Citeseer, http://citeseerx.ist.psu.edu/viewdoc/download?doi=10.1.1.467.6893&rep=rep1&type=pdf#page=49 (accessed on 03 May 2018).
[38] Fellini, I., A. Ferro and G. Fullin (2007), “Recruitment processes and labour mobility: the construction industry in Europe”, Work, Employment and Society, Vol. 21/2, pp. 277-298, http://dx.doi.org/10.1177/0950017007076635.
[39] Forde, C., R. MacKenzie and A. Robinson (2009), “Built on Shifting Sands: Changes in Employers’ Use of Contingent Labour in the UK Construction Sector”, Journal of Industrial Relations, Vol. 51/5, pp. 653-667, http://dx.doi.org/10.1177/0022185609346182.
[16] Guriev, S., B. Speciale and M. Tuccio (2016), “How do regulated and unregulated labor markets respond to shocks? Evidence from immigrants during the Great Recession”, CEPR Discussion Papers, Centre for Economic Policy Research 11403, https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=2814078.
[58] Hussmanns, R. (2004), Measuring the informal economy: From employment in the informal sector to informal employment, document de travail 53, Département d'intégration des politiques, D'epartement de statistique, Bureau international du Travail, http://www.ilo.org/wcmsp5/groups/public/---dgreports/---integration/documents/publication/wcms_079142.pdf.
[59] International Labour Office (2002), Resolution concerning decent work and the informal economy, http://www.cpahq.org/cpahq/cpadocs/ILO%20Informal%20Economy.pdf.
[32] Kovacheva, V. and D. Vogel (2009), The size of the irregular foreign resident population in the European Union in 2002, 2005 and 2008: aggregated estimates.
[7] Krings, T. et al. (2011), “From boom to bust: Migrant labour and employers in the Irish construction sector”, Economic and Industrial Democracy, Vol. 32/3, pp. 459-476, http://dx.doi.org/10.1177/0143831X10387651.
[6] Martin, P. (2016), Migrant Workers in Commercial Agriculture, International Labour Office, Geneva, http://www.ilo.org/wcmsp5/groups/public/---ed_protect/---protrav/---migrant/documents/publication/wcms_538710.pdf.
[13] OCDE (2017), Le recrutement des travailleurs immigrés: France 2017, Éditions OCDE, Paris, http://dx.doi.org/10.1787/9789264276741-fr..
[61] OCDE (2017), Le recrutement des travailleurs immigrés: France 2017, Éditions OCDE, Paris, http://dx.doi.org/10.1787/9789264276741-fr.
[42] OCDE (2016), OECD Reviews of Labour Market and Social Policies: Colombia 2016, OECD Reviews of Labour Market and Social Policies, Éditions OCDE, Paris, http://dx.doi.org/10.1787/9789264244825-en.
[1] OCDE (2015), “Can we put an end to human smuggling?”, Migration Policy Debates, Vol. No.9, https://www.oecd.org/migration/Can%20we%20put%20an%20end%20to%20human%20smuggling.pdf.
[22] OCDE (2014), Perspectives de l'emploi de l'OCDE, Éditions OCDE, Paris, http://dx.doi.org/10.1787/empl_outlook-2014-fr.
[23] OCDE (2009), Perspectives des migrations internationales, Éditions OCDE, Paris, http://dx.doi.org/10.1787/migr_outlook-2009-fr.
[19] OCDE (2008), Perspectives des migrations internationales, Éditions OCDE, Paris, http://dx.doi.org/10.1787/migr_outlook-2008-fr.
[18] OCDE (2004), Perspectives de l'emploi de l'OCDE 2004, Éditions OCDE, Paris, http://dx.doi.org/10.1787/empl_outlook-2004-fr.
[3] OCDE (2000), Combattre l'emploi illégal d'étrangers, Éditions OCDE, Paris, http://dx.doi.org/10.1787/9789264282391-fr.
[17] ORIM (2017), L'immigrazione Straniera in Lombardia, Éupolis Lombardia, Milan, http://www.ismu.org/wp-content/uploads/2017/02/RapportoORIM2016.pdf.
[34] Pallini, M. and R. Pedersini (2016), Exploring the fraudulent contracting of work in the European Union, [Publications Office], Luxembourg, https://www.eurofound.europa.eu/publications/report/2016/industrial-relations-law-and-regulation/exploring-the-fraudulent-contracting-of-work-in-the-european-union (accessed on 03 May 2018).
[14] Passel, J., E. (2016), “Unauthorised immigrant workers in the U.S., 2014”, Éditions OCDE, Paris.
[11] Pew Research Center (2016), Estimations des populations immigrées irrégulières dans certain pays de l'OCDE.
[15] Pew Research Center (2014), Unauthorised Immigrant Workers in the U.S., estimations fondées sur l'enquête American Community Survey (IPUMS).
[12] Pew Research Center (2006), Modes of Entry for the Unauthorized Migrant Population, Pew Research Center: Hispanic Trends, http://www.pewhispanic.org/2006/05/22/modes-of-entry-for-the-unauthorized-migrant-population/.
[31] Réseau européen des migrations (2017), Illegal employment of third-country nationals in the European Union, Commission européenne, https://ec.europa.eu/home-affairs/what-we-do/networks/european_migration_network_en.
[2] Reyneri, E. (2003), “Illegal immigration and the underground economy”, National Europe Centre Paper 68, https://openresearch-repository.anu.edu.au/handle/1885/41778.
[37] Reyneri, E. (1998), “The Mass Legalization of Migrants in Italy: Permanent or Temporary Emergence from the Underground Economy?”, South European Society and Politics, Vol. 3/3, pp. 83-104, http://dx.doi.org/10.1080/13608740308539548.
[41] Rivera-Batiz, F. (1999), “Undocumented workers in the labor market: An analysis of the earnings of legal and illegal Mexican immigrants in the United States”, Journal of Population Economics, Vol. 12/1, pp. 91-116, http://dx.doi.org/10.1007/s001480050092.
[28] Rosenblum, M. (2010), “Immigrant Legalization in the United States and European Union: Policy Goals and program design, Migration Policy Brief”, Migration Policy Brief, https://www.migrationpolicy.org/pubs/legalization-policydesign.pdf.
[36] Sarris, A. and S. Zografakis (1999), “A computable general equilibrium assessment of the impact of illegal immigration on the Greek economy”, Journal of Population Economics, Vol. 12/1, pp. 155-182, http://dx.doi.org/10.1007/s001480050095.
[21] Schneider, F. (2013), “The Shadow Economy in Europe, 2013”, http://www.atkearney.fr/documents/10192/1743816/The+Shadow+Economy+in+Europe+2013.pdf (accessed on 03 May 2018).
[10] SOPEMI (Permanent System of Observation of International Migration) (2015), New Zealand National Report, Unpublished.
[4] Sumption, M. (2011), Policies to Curb Unauthorized Employment, Migration Policy Institute, Washington, http://www.qqq-zzz.com/system/files/MPI_Policies_to_Curb_Unauthorized_Employment.pdf.
[44] Swiss Federal Migration Office, S. (2015), Sans-papiers en Suisse: étude 2015.
[8] Tranæs, T. and B. Jensen (2014), Illegal immigration to Europe - and to Denmark. Causes, extent and significance., The Rockwool Foundation Research Unit and Gyldendal, Copenhagen.
[5] Triandafyllidou, A. (2013), “Irregular Migrant Domestic Workers in Europe: Who Cares?”, Research in Migration and Ethnic Relations Series, https://scholar.google.fr/scholar?hl=en&as_sdt=0%2C5&q=Triandafyllidou%2C+A.+%282013%29%2C+Irregular+Migrant+Domestic+Workers+in+Europe.+Who+Cares%3F%2C+Research+in+Migration+and+Ethnic+Relations+Series%2C+Ashgate+Publishing+Ltd.+&btnG=.
[33] Triandafyllidou, A. and L. Bartolini (2016), Irregular Employment of Migrant Workers in Europe.
[26] Triandafyllidou, A. and S. Marchetti (2013), “Migrant Domestic and Care Workers in Europe: New Patterns of Circulation?”, Journal of Immigrant & Refugee Studies, Vol. 11/4, pp. 339-346, http://dx.doi.org/10.1080/15562948.2013.822750.
[9] Van Der Heijden, P. et al. (2006), Een schatting van het aantal in Nederland verblijvende illegale vreemdelingen in 2005, https://repository.tudelft.nl/view/wodc/uuid:488f6330-030b-4126-accd-1003ec991f9c/.
[35] Van Hooren, F. (2012), “Varieties of migrant care work: Comparing patterns of migrant labour in social care”, Journal of European Social Policy, Vol. 22/2, pp. 133-147, http://dx.doi.org/10.1177/0958928711433654.
[29] Westat (2014), Findings of the E-verify User Survey, Westat, Rockville.
Annexe 4.A. Tableaux et graphiques supplémentaires
Tableau d’annexe 4.A.1. Emploi des travailleurs étrangers par situation de séjour et permis de travail
Permis de séjour |
Situation de séjour |
Connu/enregistré par les autorités |
Permis de travail |
Emploi illégal d’un étranger |
---|---|---|---|---|
Permanent, de longue durée |
Situation régulière/séjour légal |
Oui, enregistré |
Oui |
Non : légal (mais n’empêche pas le travail non déclaré ou dissimulé) |
Lié au travail, au regroupement familial, aux études, au travail saisonnier, etc. |
Situation régulière/séjour légal |
Oui, enregistré |
Oui, certains permis limitent le nombre d’heures de travail (visas d’études, de travail à temps partiel) |
Non : légal (mais n’empêche pas le travail non déclaré ou dissimulé) |
Réfugié/ protection humanitaire |
Situation régulière/séjour légal |
Oui, enregistré |
Oui |
Non : légal (mais n’empêche pas le travail non déclaré ou dissimulé) |
Pas de visa exigé ou visa de tourisme |
Oui |
Non |
Oui |
|
Procédure en cours - pour renouvellement - pour régularisation - pour statut de réfugié |
Procédure en cours |
Oui, enregistré /dépend de l’aboutissement de la demande |
Oui / dépend de l’aboutissement de la demande |
Incertain : semi-légal /légal/illégal (les salariés continuant de travailler durant la période d’attente) |
Permis ou documents d’identité falsifiés |
Situation irrégulière/ Séjour illégal |
Non |
Officiellement, oui : peut travailler et vivre dans le pays en qualité de travailleur en séjour régulier jusqu’à ce qu’il soit découvert |
Oui |
s.o. : dépassement de la durée de validité du visa |
Situation irrégulière/ Séjour illégal |
Non |
Non |
Oui |
s.o. : les conditions du permis ne sont plus satisfaites : perte de statut ; documents arrivés à expiration ; pas de prorogation car fin de la période d’étude, expiration du permis familial pour les plus de 18 ans, expiration du permis saisonnier |
Situation irrégulière/ Séjour illégal |
Non |
Non |
Oui |
s.o. |
Situation irrégulière/ Séjour illégal |
Pas de statut : demande d’asile rejetée |
Non |
Oui |
s.o. |
Situation irrégulière/ Séjour illégal |
Pas de statut : n’en a jamais eu car entré illégalement sur le territoire |
Non |
Oui |
s.o. |
Situation irrégulière/ Séjour illégal (transit) |
Pas de statut |
Non |
Oui |
s.o. |
Situation irrégulière/ Séjour illégal mais toléré (mesure d’éloignement ou expulsion suspendues, donc connu et toléré) |
Enregistré quand découvert |
Non |
Oui |
Source : Établi à partir de OCDE (OCDE, 2000[3]), Kovacheva et Vogel (2009[32]); et Triandafyllidou et Bartolini (2016[33]).
Tableau d’annexe 4.A.2. Degré d’intégration des travailleurs étrangers dans la société italienne, 2015
Caractéristiques estimées des ressortissants de pays tiers constatés en situation irrégulière, en pourcentages
|
Régulier-Formel |
Régulier-Informel |
Irrégulier-Formel |
Irrégulier-Informel |
---|---|---|---|---|
"Les amis que vous fréquentez actuellement pendant vos loisirs sont…" |
||||
Essentiellement des Italiens |
10.5 |
5.0 |
6.2 |
1.8 |
Essentiellement des compatriotes |
41.1 |
52.6 |
62.5 |
52.5 |
Essentiellement d’autres personnes |
10.7 |
16.4 |
19.7 |
22.9 |
À parts égales |
37.7 |
26.0 |
11.6 |
22.9 |
"Vos voisins sont…" |
||||
Essentiellement des Italiens |
50.9 |
37.2 |
41.9 |
34.4 |
À parts égales |
37.7 |
39.2 |
37.8 |
22.0 |
Essentiellement des étrangers |
11.4 |
23.6 |
20.3 |
43.5 |
"Comment vous définiriez-vous ?" |
||||
Italien |
4.1 |
3.2 |
0.5 |
0.5 |
Italien/[nationalité d’origine] |
28.9 |
12.1 |
21.8 |
6.4 |
Nationalité d’origine |
52.6 |
71.5 |
67.2 |
73.3 |
Citoyen du monde |
11.5 |
10.4 |
7.4 |
12.8 |
Ne sait pas |
3.0 |
2.8 |
3.1 |
7.0 |
"Pensez-vous avoir les mêmes débouchés professionnels que les Italiens de la même cohorte ?" |
||||
Oui, toujours |
28 |
18 |
25 |
3 |
Oui, mais en déployant des efforts particuliers |
34 |
25 |
15 |
3 |
Non |
38 |
58 |
60 |
95 |
"Choisissez le type de logement dans lequel vous habitez" |
||||
Propriétaire |
25.8 |
10.3 |
1.9 |
3.4 |
Locataire |
63.5 |
69.8 |
72.2 |
73.7 |
Hébergé |
2.3 |
10.3 |
4.0 |
13.8 |
Abri |
0.3 |
2.2 |
0.8 |
0.1 |
Autres |
8.1 |
7.3 |
21.1 |
9.1 |
"Sur une échelle de 1 à 5, quelle est votre niveau de compréhension de l’italien ?" |
||||
1 (inexistant) |
0.7 |
3.7 |
3.0 |
0.3 |
2 |
3.8 |
6.4 |
7.6 |
20.9 |
3 |
17.2 |
28.7 |
29.3 |
36.5 |
4 |
35.1 |
35.0 |
47.7 |
34.4 |
5 (très bon) |
43.3 |
26.3 |
12.4 |
8.0 |
Source : Secrétariat de l’OCDE d’après ORIM (2017[17]).
Notes
← 1. La complexité tient à ce que la multiplicité des nouvelles formes de travail et de contrats (travailleurs détachés, travailleurs non-salariés dépendants, ou autres formes d’emploi non régulier par exemple) peut autoriser ou favoriser les irrégularités, voire induire des comportements frauduleux (Pallini and Pedersini, 2016[34]).
← 2. Figurent dans ce dernier groupe les demandeurs d’asile dont la demande est en cours, les immigrés en situation irrégulière qui ne peuvent être renvoyés dans leur pays d’origine, les personnes dotées d’un statut temporaire, toléré ou indéterminé, etc.
← 3. Pour une étude approfondie de l’emploi informel, voir le chapitre 5 des Perspectives de l’emploi de l’OCDE (2004[18]). L’emploi informel englobe la production des ménages pour leur propre usage (travail non rémunéré, travailleurs familiaux), le travail non déclaré ou sous-déclaré (qui fait partie de l’emploi salarié) et/ou le travail clandestin et l’évasion fiscale pure et simple (chez les travailleurs indépendants) (International Labour Office, 2002[59]; Hussmanns, 2004[58]).
← 4. Aux États-Unis, par exemple, on estimait à plus de 75 % le pourcentage de migrants irréguliers déclarés par leurs employeurs sous des numéros de sécurité sociale fictifs ou empruntés en 2005 (OCDE, 2009[23]). Une situation analogue est observable en France, où des données empiriques font état de clandestins titulaires d’un contrat de travail, qui perçoivent le salaire minimum, payent des taxes et des cotisations sociales, et pourraient saisir le tribunal des prudhommes pour contester un traitement inéquitable ou un licenciement injustifié.
← 5. La Directive concernant les sanctions à l'encontre des employeurs 2009/52/CE définit l’emploi illégal comme l’emploi de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier (à savoir toute personne qui n’est pas un citoyen de l’Union et ne jouit pas du droit communautaire à la libre circulation, telle que définie à l’article 2, point 5, du code frontières Schengen). Le terme « Ressortissant d’un pays tiers en séjour irrégulier » désigne un ressortissant d’un pays tiers présent sur le territoire d’un État membre, mais qui ne remplit pas ou qui ne remplit plus les conditions de séjour ou de résidence dans cet État membre.
← 6. Cette définition est proche de la notion de « travailleurs illicites » en Nouvelle-Zélande, de celle de « travailleurs non autorisés » aux États-Unis, et de celle de « travailleurs clandestins » utilisée dans les ouvrages spécialisés.
← 7. Van Hooren (2012[35]) a par exemple constaté que les dispositifs italiens, qui accordent aux familles des allocations en espèces sans vérifier comment elles les dépensent, favorisent le modèle « du travailleur émigré à domicile ».
← 8. Sarris and Zografakis (1999[36]) montrent que dans les deux tiers des cas, en Grèce, les immigrés occupent des emplois que les personnes nées dans le pays refusent, mais qu’ils contribuent également à la création d’emplois (ou au maintien d’emplois existants) car leur travail permet à de petites et moyennes entreprise d’atteindre la viabilité économique, redynamise l’économie et, en diminuant les salaires des travailleurs peu qualifiés, augmente comparativement ceux des travailleurs qualifiés. Reyneri (1998[37]) met en évidence une dynamique analogue dans l’économie et sur le marché du travail italiens.
← 9. L’Allemagne a déjà connu les dispositifs de travailleurs détachés et un afflux de travailleurs étrangers dans le secteur de la construction dans la seconde moitié des années 90, malgré les protestations des syndicats (Fellini, Ferro and Fullin, 2007[38]). Les pratiques de sous-traitance et le faux travail indépendant sont répandus dans le secteur (Forde, MacKenzie and Robinson, 2009[39]; Krings et al., 2011[7]).
← 10. Des études antérieures ont souvent examiné des échantillons non aléatoires de migrants en situation irrégulière, comme les détenus de prisons américaines ou les migrants mexicains de retour dans leur pays (Angelucci, 2012[40]; Chiswick, 1984[54]; Rivera-Batiz, 1999[41]). Néanmoins, le manque de données limite encore considérablement la compréhension du phénomène.
← 11. Plusieurs études portant sur les immigrés clandestins constatent que le taux d’emploi des immigrés en situation irrégulière se situe aux alentours de 90 %, dont 70 % sont des hommes célibataires (Migrant Rights Centre, Irlande [2014] ; rapport de l’Office fédéral des migrations, Suisse par exemple (2015[44])).
← 12. Ce chiffre est tiré des estimations établies par le Pew Research Center sur la base de l’enquête American Community Survey augmentée (IPUMS). Le centre produit les estimations des immigrés irréguliers au moyen d’une méthode en plusieurs étapes qui soustrait d’abord la population étrangère en situation régulière aux États-Unis de la population étrangère totale corrigée pour calculer une estimation résiduelle de la population immigrée irrégulière. Les estimations résiduelles servent ensuite de totaux de contrôle pour imputer un statut aux individus ayant répondus à l’enquête. La principale source de données pour la période 2005‑2014 est l’enquête American Community Survey réalisée par le US Census Bureau. Pour de plus amples détails, voir l’annexe méthodologique dans Passel, J. (2016[14]).
← 13. Projet CLANDESTINO, 2009.
← 14. De 53 900 en 2010 à 62 000 en 2015 en Australie.
← 15. De 183 106 en 2013 à 208 797 en 2014, et à 214 168 en 2015.
← 16. 95 000 en 2010, 90 000 en 2013 et 91 000 en 2014 selon les estimations.
← 17. Le nombre de personnes en dépassement de séjour a même diminué de moitié en Nouvelle-Zélande entre 2000 et 2016. Au Japon, il a reculé entre 2010 et 2014 et se situait autour de 60 000 personnes en 2015.
← 18. Le renforcement des mesures de sécurité aux frontières et la pénalisation pourront toutefois difficilement mettre terme à l’immigration (De Haas, 2011[57]). Les États membres de l’UE ont notamment pris les mesures suivantes : renforcement des frontières, élargissement du mandat de Frontex et de l’EASO, mise en application du système d’information EURODAC pour la collecte coordonnée des empreintes digitales de tous les demandeurs d’asile, examen de la possibilité de suspendre l’accord de Schengen (1985), et examen des amendements au règlement de Dublin récemment actualisé (1990, 2003 et 2013).
← 19. La hausse considérable du nombre d’arrestations de ressortissants de pays tiers « constatés en situation irrégulière sur le territoire » de la Grèce entre 2014 et 2015 illustre ce phénomène. Elle résulte de l’afflux de réfugiés en 2015, dont le nombre a diminué après la Déclaration UE-Turquie du 20 mars 2016.
← 20. L’emploi informel concerne : i) les salariés titulaires de contrats mais dont les cotisations sociales sont sous-déclarées ; ii) les travailleurs indépendants qui ne paient pas de cotisations sociales ou dont l’activité n’est pas déclarée ; iii) les travailleurs sans contrat.
← 21. Dans le cas de l’Italie, il est impossible d’estimer le nombre de personnes relevant des profils [3] et [4], car la plupart des permis et visas délivrés autorisent leur titulaire à travailler – c’est le cas des permis de séjour pour raisons familiales, des permis de séjour humanitaires et pour raisons de protection sociale, et des permis de séjour pour études.
← 22. Cette courte enquête ad hoc a été adressée au Groupe de travail de l’OCDE sur les migrations et a recueilli les informations disponibles en décembre 2016. Elle comprend trois sections portant : i) sur les mesures préventives en place (hors législation) ; ii) sur les mesures de mise en conformité et de contrôle (par les employeurs et les inspections) ; iii) sur les pénalités et sanctions applicables aux employeurs, aux intermédiaires et aux salariés.
← 23. Les problèmes liés à l’insuffisance des moyens et du personnel d’inspection sont communs à tous les pays de l’OCDE, même si la situation varie considérablement d’un pays à l’autre – de 4 000 salariés par inspecteur du travail en Grèce à 65 000 aux États-Unis en 2014 (OCDE, 2016[42]).
← 24. Des disparités considérables sont notamment observables en ce qui concerne les règles de recrutement et de licenciement qui gouvernent les contrats permanents d’une part, les contrats temporaires, occasionnels et saisonniers d’autre part.
← 25. Les travailleurs qui outrepassent la durée du séjour autorisée dans le cadre de programmes de travail temporaire et sont peu mobiles sur le plan professionnel posent un problème particulier.
← 26. Le Sector Based Scheme mis en place par le Royaume-Uni pour les travailleurs de l’industrie agro-alimentaire, en vigueur jusqu’en 2013, en est un exemple. Israël et le Canada ont établi un programme de cette nature pour le secteur des soins. De nombreux pays de l’OCDE ont des programmes de visas saisonniers pour l’agriculture.
← 27. Dans de nombreux pays, il n’existe d’ailleurs pas de file d’attente car les possibilités d’entrée y sont inexistantes ou très limitées. De nombreux immigrés en situation irrégulière arrivent légalement en qualité de touristes et prolongent illégalement leur séjour lorsqu’ils ont trouvé un emploi.
← 28. Les conventions de l’OIT sur l’administration et l'inspection du travail (C081,C129), sur les travailleurs migrants (C97 et C143) et sur les travailleurs domestiques (C189). Les autres directives pertinentes de l’UE sont celles qui ont trait aux conditions d’entrée et de séjour de ressortissants de pays tiers aux fins d’emploi et aux conditions d'emploi applicables aux travailleurs détachés.
← 29. Que seuls les services publics de l’emploi, et non les employeurs, peuvent consulter.
← 30. En Grèce et au Japon, il n’existe pas de plate-forme en ligne, seulement des outils permettant de vérifier la validité du permis de séjour présenté par l’étranger.
← 31. Aux Pays-Bas, les employeurs peuvent faire appel à un outil d’auto-inspection pour vérifier s’ils respectent les règles relatives aux permis de travail et d’autres conditions.
← 32. En Turquie, les employeurs peuvent déposer une demande de permis de travail pour leurs employés. Durant la procédure, le système e-Government Gateway peut vérifier que ces derniers remplissent les conditions nécessaires à l’obtention du permis.
← 33. En Nouvelle-Zélande, VisaView permet aux employeurs de vérifier si un employé potentiel est muni du visa approprié pour travailler, la date d’expiration du permis de travail éventuel, et si ce dernier est assorti de conditions. Le système établit un historique de toutes les demandes déposées par chaque employeur. Le recours à VisaView n’est pas obligatoire, mais les employeurs qui l’utilisent peuvent réfuter toute accusation d’emploi illicite en vertu de la loi sur l’immigration. Le système ne précise pas quelle mesure un employeur doit prendre s’il découvre qu’un employé potentiel n’a pas le droit de travailler pour lui, si ce n’est celle de ne pas l’embaucher.
← 34. VEVO est aussi accessible par téléchargement d’une application mobile gratuite qui permet au titulaire du visa de communiquer directement à un employeur les conditions attachées à son visa pour lui prouver qu’il est autorisé à travailler en Australie.
← 35. Créé en 1997 et autorisé par la loi sur la réforme de l’immigration illégale et la responsabilité des immigrés de 1996.
← 36. Cela signifie que les inspecteurs du travail pourraient également vérifier le statut migratoire des travailleurs, mais cela risque de nuire à leurs relations avec ces derniers.
← 37. La conduite persistante d’un petit nombre d’inspections aléatoires peut de fait maintenir les employeurs en alerte et influer fortement sur le respect de la réglementation.
← 38. Dans l’UE, par exemple, il variait de moins de 1 % des employeurs dans tous les secteurs inspectés en Pologne et en Suède à 17 % environ en Autriche, en Italie et en République tchèque, et atteignait pas moins de 29 % en Slovénie en 2012, selon la Commission européenne (op. cit.).
← 39. Dans les pays de l’UE notamment, sur la base de l’article 14 de la Directive de l’UE concernant les sanctions.
← 40. En particulier l’article 5 de la Directive (qui établit que les sanctions pour emploi illégal comprendront des sanctions financières dont le montant augmente en fonction du nombre de ressortissants de pays tiers employés), et les articles 9 et 10 (qui prévoient des sanctions pénales pour les cas particulièrement graves d’emploi illégal).
← 41. Seize pays membres de l’OCDE, dont les pays européens suivants : l’Autriche, la Belgique, l’Espagne, l’Estonie, la France, la Grèce, la Hongrie, l’Italie, la Lituanie, le Luxembourg, les Pays-Bas, la Slovénie et la Suède.
← 42. Comme l’exigent les articles 8, 9(2) et 11 de la Directive sur les sanctions de l’UE.