La situation économique mondiale a commencé à s’améliorer, mais la reprise demeure fragile. La baisse des prix de l’énergie contribue au recul de l’inflation globale et à l’atténuation des tensions pesant sur le budget des ménages, la confiance des entreprises et des consommateurs, qui était tombée à un bas niveau, se redresse, et la réouverture totale de la Chine, plus précoce que prévu, a stimulé l’activité mondiale. Dans le même temps, l’inflation sous-jacente s’avère persistante en raison de l’augmentation des bénéfices dans certains secteurs et des fortes tensions qui s’exercent toujours sur les coûts du fait de la résilience des marchés du travail. Les effets de la hausse des taux d’intérêt dans le monde se font en outre de plus en plus sentir, en particulier sur les marchés immobiliers et les marchés financiers. Des signes de tensions ont commencé à apparaître dans certains segments des marchés financiers, sur fond de réévaluation des risques par les investisseurs et de durcissement des conditions de crédit. La croissance du PIB mondial devrait ralentir et passer de 3.3 % en 2022 à 2.7 % en 2023, avant de se redresser légèrement pour s’établir en 2024 à 2.9 %, un taux encore modéré. L’orientation restrictive des politiques monétaires freinera la croissance de la demande pendant un certain temps, sachant que les effets du resserrement monétaire opéré en 2022 ne se feront pleinement sentir qu’à la fin de cette année ou au début de 2024. Dans les économies du G20, l’inflation annuelle mesurée par les prix à la consommation devrait refluer de 7.8 % en 2022 à 6.1 % en 2023 puis à 4.7 % en 2024, à la faveur de la baisse des prix de détail de l’énergie et des produits alimentaires, de l’atténuation des tensions exercées par la demande et de l’atténuation des goulets d’étranglement au niveau de l’offre. L’inflation sous-jacente devrait se révéler relativement persistante mais revenir progressivement vers l’objectif retenu dans les grandes économies avancées d’ici la fin de l’année prochaine.
Les perspectives économiques demeurent marquées par des incertitudes considérables et les principaux risques qui entourent les projections sont orientés à la baisse. L’une des préoccupations majeures tient au fait que l’inflation pourrait rester plus persistante que prévu. Le cas échéant, un nouveau resserrement sensible des politiques monétaires pourrait se révéler nécessaire pour réduire l’inflation, ce qui accroîtrait la probabilité d’un brusque réajustement des prix des actifs et d’une réévaluation des risques sur les marchés financiers. De plus, l’intensité des effets induits par le durcissement déjà opéré des politiques monétaires est difficile à évaluer du fait de la longue période de politiques très accommodantes qui a précédé et de la vitesse à laquelle les taux d’intérêt directeurs ont été ensuite relevés. Bien qu’une détente des marchés en surchauffe et une modération de la croissance du crédit soient les canaux par lesquels la politique monétaire se matérialise habituellement, l’effet sur la croissance économique pourrait être plus marqué que prévu si le durcissement des conditions financières venait à provoquer des tensions dans le système financier et à mettre en péril la stabilité financière. De brusques variations de la valeur de marché des portefeuilles obligataires pourraient exposer une nouvelle fois les risques de liquidité et de duration. L’alourdissement de la charge du service de la dette des ménages et des entreprises et la probabilité plus grande de défauts de remboursement de prêts accroissent également le risque de crédit encouru par les banques et les établissements financiers non bancaires et sont susceptibles de provoquer un nouveau durcissement des critères d’octroi des prêts. Des conditions financières mondiales plus restrictives qu’attendu pourraient en outre amplifier les vulnérabilités dans les économies de marché émergentes, faisant augmenter le coût du service de la dette et les sorties de capitaux et restreignant l’accès au crédit auprès de prêteurs étrangers. L’évolution incertaine de la guerre d’agression menée par la Russie contre l’Ukraine et les perturbations qu’elle pourrait de nouveau provoquer sur les marchés mondiaux de l’énergie et des produits alimentaires constituent un autre risque important de divergence à la baisse par rapport aux projections. À l’inverse, un recul de l’incertitude dû à une fin précoce de la guerre, des conditions financières plus favorables que prévu, une croissance de la main-d’œuvre plus forte qu’anticipé et une utilisation accrue de l’épargne accumulée par les ménages et les entreprises sont autant de facteurs qui amélioreraient les perspectives de croissance et d’investissement. Cela dit, l’impact de chacun de ces chocs sur l’inflation peut varier.
La nécessité de réduire durablement l’inflation, d’ajuster les mesures de soutien budgétaire et de relancer une croissance durable sont à l’origine de défis majeurs pour les décideurs publics.
L’orientation des politiques monétaires doit rester restrictive jusqu’à ce que l’on observe des signes clairs de diminution durable des tensions inflationnistes sous-jacentes. De nouvelles hausses des taux d’intérêt pourraient se révéler nécessaires dans les économies où une inflation élevée s’avère persistante. Les mesures prises par les pouvoirs publics devront être soigneusement calibrées, compte tenu de l’incertitude qui entoure l’évolution des marchés financiers et de la nécessité d’évaluer l’effet cumulé de tous les relèvements de taux déjà effectués. En cas d’accentuation des tensions sur les marchés financiers, les banques centrales devraient utiliser tout l’éventail des instruments de politique financière à leur disposition pour accroître la liquidité et réduire le plus possible les risques de contagion. Une communication claire est indispensable pour réduire au minimum l’incertitude liée aux conflits apparents entre les mandats de stabilité des prix et de stabilité financière. Dans la plupart des économies de marché émergentes, la marge de manœuvre est limitée par la nécessité de contenir les anticipations d’inflation et par les conditions financières mondiales restrictives. En cas de pressions sur les taux de change, les pays devraient laisser leur monnaie s’ajuster dans la mesure du possible, de sorte qu’elle reflète les fondamentaux économiques sous-jacents. Cela dit, les autorités pourraient, de manière ponctuelle, intervenir sur le marché des changes ou restreindre les mouvements de capitaux pour atténuer les fluctuations soudaines qui sont fortement susceptibles de mettre en péril la stabilité financière intérieure.
Il est devenu plus difficile d’assurer la viabilité des finances publiques en raison des effets des chocs successifs de la pandémie, la guerre et les prix de l’énergie. La quasi-totalité des pays affichent des déficits budgétaires et des niveaux d’endettement plus élevés qu’avant la pandémie, et nombre d’entre eux devront faire face à une accentuation des tensions sur les dépenses futures liées au vieillissement démographique, à la transition climatique et à l’alourdissement de la charge du service de la dette publique dû à la hausse des taux d’intérêt. Il convient de faire des choix avisés pour préserver les ressources budgétaires limitées et les consacrer aux futures priorités de l’action publique, et pour assurer la viabilité de la dette. La mise en place de cadres budgétaires crédibles, qui fixent l’orientation future des dépenses et de la fiscalité, sont nécessaires pour fournir des indications claires sur la trajectoire à moyen terme des finances publiques. À court terme, compte tenu à la fois du recul récent des prix des produits alimentaires et de l’énergie, et de la revalorisation pérenne des salaires minimums et des prestations sociales fondée sur l’inflation passée dans de nombreux pays, les aides budgétaires destinées à atténuer l’incidence de la hausse des prix des produits alimentaires et de l’énergie devraient être ciblées sur les ménages vulnérables insuffisamment couverts par le système général de protection sociale. Un tel ciblage permettrait de préserver les incitations à réduire la consommation d’énergie, de limiter les tensions exercées par la demande globale sur l’inflation et de mieux aligner les politiques budgétaires sur les politiques monétaires.
La conjoncture et le recul tendanciel des taux de croissance potentielle, conjugués aux enjeux futurs urgents tels que le vieillissement démographique et la transition climatique, montrent clairement la nécessité de réformes structurelles propres à stimuler l’offre. Une relance des efforts de réforme visant à réduire les contraintes sur les marchés du travail et les marchés de produits et à stimuler la croissance de l’investissement, du taux d’activité et de la productivité permettrait d’améliorer les niveaux de vie de manière durable et de renforcer la reprise au sortir du ralentissement actuel. Renforcer la dynamique des entreprises, réduire les obstacles aux échanges internationaux et aux migrations économiques internationales, et favoriser un fonctionnement flexible et inclusif des marchés du travail, notamment en améliorant les compétences et en levant les obstacles à l’entrée sur le marché du travail qui subsistent, sont autant de domaines essentiels de l’action publique dans lesquels des réformes bien conçues permettraient de stimuler la concurrence, de redynamiser l’investissement et d’atténuer les contraintes affectant l’offre.