Le rythme des réformes n'est pas suffisamment rapide. Après avoir atteint un point culminant tant dans les économies avancées que dans les économies de marché émergentes à la suite de la crise financière mondiale, le rythme des réformes structurelles a de nouveau ralenti, ce qui signifie qu'une occasion de renforcer la croissance a été perdue. Nous évaluons dans ce chapitre les progrès accomplis globalement en matière de réformes structurelles par les pays de l'OCDE et par des économies non membres clés au cours de la période 2017-18, dans les domaines prioritaires identifiés précédemment dans Objectif croissance. Les informations précises concernant chaque économie sur lesquelles reposent ce chapitre figurent dans les notes par pays (Chapitre 4).
Réformes économiques 2019
2. Objectif croissance 2019 : mesures de réforme prises en 2017-18
Abstract
Les données statistiques concernant Israël sont fournies par et sous la responsabilité des autorités israéliennes compétentes. L'utilisation de ces données par l'OCDE est sans préjudice du statut des hauteurs du Golan, de Jérusalem-Est et des colonies de peuplement israéliennes en Cisjordanie aux termes du droit international.
En bref
Au cours de la période 2017-18, le rythme global des réformes structurelles est resté similaire à celui observé au cours des cinq dernières années et à celui enregistré avant la crise financière. Cette cadence des réformes est inférieure au pic qu'elle avait atteint immédiatement après la crise.
Néanmoins, malgré ce rythme globalement modéré des réformes, certains pays ont récemment mis en œuvre des réformes majeures.
Ainsi, le Japon a pris des mesures pour renforcer le taux d'activité de toutes les catégories de population, en particulier celui des femmes, notamment en améliorant ses capacités d'accueil des jeunes enfants. En outre, tant le Japon que la Corée ont adopté de nouvelles dispositions législatives destinées à limiter les heures supplémentaires et à améliorer l'équilibre entre vie professionnelle et vie privée. La France a adopté de vastes réformes du marché du travail pour améliorer le système de négociation collective des salaires, faciliter les transitions sur le marché du travail, réduire le coin fiscal sur les travailleurs faiblement rémunérés, et renforcer la formation tout au long de la vie. Elle a également élargi de champ d'application des allocations de chômage aux travailleurs indépendants, tout en durcissant les contrôles en matière de recherche d'emploi.
Le Danemark a adopté une réforme majeure de la fiscalité du logement en 2017, renforçant la progressivité de son système d'imposition de l'immobilier d'habitation. L'Inde a mis en place une taxe sur les biens et services de portée nationale, tandis que l'Argentine a réduit l'impôt sur les sociétés et alourdi la fiscalité des bénéfices distribués pour favoriser l'investissement. L'Espagne et la Pologne ont pris des mesures importantes pour améliorer le recouvrement de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), et les États-Unis ont réduit le taux de leur impôt sur les sociétés.
La Grèce et l'Italie ont mis en place des dispositifs nationaux de lutte contre la pauvreté, garantissant aux ménages l'accès à un revenu minimum. La Chine a accompli des progrès en matière de réduction de la fracture entre zones rurales et urbaines qui caractérise son système de santé, notamment en favorisant la transférabilité des droits en matière d'assurance maladie, tandis que l'Inde a lancé un système national de santé destiné à couvrir 100 millions de familles pauvres.
Le rythme des réformes structurelles a également varié suivant les domaines de l'action publique. Les économies avancées se sont attachées avant tout à remédier à des pénuries croissantes de main‑d'œuvre en levant les obstacles à l'activité des femmes, en renforçant les politiques sociales et en restructurant les systèmes d'imposition. Les économies de marché émergentes, quant à elles, se sont de plus en plus efforcées de favoriser l'emploi formel en réformant la réglementation du marché du travail, en renforçant les compétences et en réduisant des prélèvements élevés sur les revenus du travail.
Introduction
Objectif croissance met à profit les compétences de l'OCDE en matière de réformes structurelles et de performances économiques pour offrir aux responsables de l'action publique des recommandations de réformes concrètes en vue de renforcer la croissance de façon inclusive et durable (Chapitre 1). Le suivi des progrès accomplis en matière de réformes structurelles est une composante essentielle de l'élaboration d'Objectif croissance. Les mesures de réforme sont donc recensées par période de deux ans, à la lumière des priorités qui avaient été identifiées pour chaque pays dans l'édition précédente d'Objectif croissante. Cette édition, et plus particulièrement ce chapitre, est axée sur les réformes adoptées en 2017 et 2018.
En 2017, Objectif croissance faisait état d'une modération des efforts de réforme structurelle après le pic consécutif à la crise (OCDE, 2017a). Le rythme des réformes s'est stabilisé à des niveaux similaires à ceux observés à la crise, tant dans les économies avancées que dans les économies de marché émergentes. Ce rythme modéré a perduré en 2017-18, même si des mesures de réforme importantes ont été prises dans certains pays.
Évolution des réformes par domaine de l'action publique
En moyenne, l'intensité des réformes dans les économies avancées et les économies de marché émergentes, telle que mesurée par l'indicateur de réactivité aux priorités de réforme (IRPR) (Encadré 2.1), est demeurée similaire à celle observée au cours des cinq dernières années et à celle enregistrée avant la crise financière (Graphique 2.1). Ce rythme des réformes est inférieur à la cadence relativement soutenue observée immédiatement après la crise. Cette évolution générale dissimule l'hétérogénéité des mesures prises dans les principaux domaines de l'action publique (Graphique 2.2), ainsi que de l'importance des différentes réformes considérées isolément.
Encadré 2.1. L'indicateur de de réactivité aux priorités de réforme : une mesure quantitative des efforts de réforme
Un indicateur de réactivité aux priorités de réforme (IRPR) est élaboré pour chacun des domaines prioritaires et des pays étudiés dans Objectif croissance, afin d'obtenir une mesure synthétique des progrès accomplis par les pays au regard des priorités de réforme identifiées. L'IRPR mesure la proportion de l'ensemble des recommandations d'action, dans chaque domaine prioritaire et tous domaines confondus, ayant donné lieu à des mesures de réforme prises par les pouvoirs publics dans chaque pays.
L'IRPR est fondé sur un système de notation dans lequel chaque recommandation formulée dans la précédente édition d'Objectif croissance se voit attribuer une valeur de 1 si elle débouche sur l'adoption d'une mesure de réforme, et une valeur de 0 dans le cas contraire. Une mesure est prise en compte si elle traduit dans les faits la recommandation d'action formulée dans Objectif croissante et si elle est consacrée par la loi ou mise en œuvre. Les mesures simplement annoncées ou projetées par les pouvoirs publics ne sont pas prises en considération.
L'IRPR est donc un ratio dont le dénominateur est la somme des recommandations d'action. Or, une priorité donnée définie dans Objectif croissance se traduit généralement par plusieurs recommandations. Ainsi, les priorités de réforme des marchés de biens et de services peuvent porter à la fois sur des obstacles affectant l'ensemble de l'économie (tels que des procédures longues et bureaucratiques de création d'entreprise, des obligations excessives et opaques liées aux régimes d'autorisation, des obstacles d'ordre général aux échanges et à l'investissement) et sur des obstacles sectoriels (tels qu'une concurrence faible dans le commerce de détail, des obstacles à l'entrée sur le marché dans le secteur de l'électricité ou dans les télécommunications).
Pour la période 2017-18, l'IRPR est axé sur les mesures prises en 2017 et en 2018 pour donner suite aux recommandations formulées dans l'édition 2017 d'Objectif croissance. Des agrégats ont également été créés pour l'ensemble des pays, par groupe de pays et par domaine de réforme.
L'IRPR est une mesure simple offrant une vue d'ensemble, comparable entre les pays et dans le temps, mais qui présente certaines limites. Premièrement, cet indicateur est axé sur les réformes relatives aux 5 domaines d'action prioritaires identifiés dans Objectif croissance comme étant les plus cruciaux pour favoriser une croissance inclusive, et ne couvre pas toutes les mesures prises par les pouvoirs publics. Deuxièmement, il n'a pas pour objectif d'évaluer ou de distinguer l'importance des différentes mesures, qu'il s'agisse de leur caractère suffisant pour remédier au problème sous-jacent, de l'efficacité de leur mise en œuvre, ou du contexte dans lequel elles s'inscrivent en termes d'économie politique. Pour en savoir plus, voir l'Encadré 2.2 et l'Annexe 2.A1 dans l'édition 2010 d'Objectif croissance (OCDE, 2010a).
Réformes destinées à renforcer la productivité du travail
S'agissant des réformes destinées à renforcer la productivité du travail en 2017-18, les économies avancées ont été les plus actives dans le domaine de la fiscalité, dans le cadre d'une tendance générale des pouvoirs publics à soutenir l'investissement et à améliorer l'inclusivité des systèmes d'imposition (OCDE, 2018a). À titre d'exemples :
l'Australie a allégé l'impôt sur les sociétés pour les petites et moyennes entreprises (PME) en 2017 et s'est engagée sur la voie de réductions à court et moyen terme de l'impôt sur le revenu des personnes physiques ciblées sur les personnes ayant des revenus d'activité faibles ou moyens ;
les États-Unis ont réduit le taux de leur impôt sur les sociétés à la fin de 2017, dans le cadre d'une réforme fiscale majeure (Encadré 2.2) ;
le Japon a continué de réduire le taux de l'impôt sur les sociétés, même si la hausse du taux de la taxe sur la consommation prévue en 2017 a été reportée à 2019 ;
le Danemark a adopté une réforme majeure de la fiscalité du logement en 2017, mettant en place un nouveau système de détermination de la valeur imposable des biens immobiliers d'habitation et remplaçant le gel nominal des impôts sur la propriété immobilière par un impôt proportionnel, tout en conservant un système progressif (Encadré 2.3) ;
plusieurs pays ont aussi pris des mesures pour élargir leur base d'imposition ; ainsi, dans le cadre de son budget fédéral, le Canada a supprimé diverses dépenses fiscales inefficientes, notamment en limitant le fractionnement des revenus entre membres d'un même ménage dans le cadre du régime d'imposition des petites entreprises ;
plusieurs pays ont pris des mesures pour améliorer le respect des règles de TVA. Ainsi, l'Espagne a mis en place un système de déclaration électronique pour lutter contre la fraude. La Pologne a créé un entrepôt de données centralisé, a fusionné les activités de l'administration fiscale, de l'administration des douanes et des services de contrôle fiscal et d'inspection du ministère des Finances pour améliorer leur coordination, a mis en place des outils de modélisation améliorés pour mieux détecter les irrégularités, et a facilité les échanges de renseignements avec les banques en cas de soupçon de fraude fiscale. La République slovaque a également pris des mesures pour lutter contre la fraude fiscale et améliorer le recouvrement de la TVA, en particulier en améliorant l'évaluation des risques représentés par les contribuables et en leur imposant une obligation de communication par voie électronique.
Encadré 2.2. Exemple de réforme des impôts : la fiscalité des entreprises aux États-Unis
Une réforme fiscale majeure a été promulguée à la fin de décembre 2017. Le principal objectif de cette réforme est de réduire les taux marginaux d'imposition de droit commun applicables aux revenus des personnes physiques et aux bénéfices des sociétés, et de simplifier le système fiscal. Parmi les modifications apportées à l'impôt sur les sociétés figurent une réduction du taux l'égal de l'impôt fédéral sur les sociétés de 35 % à 21 %, et une hausse du taux d'amortissement fiscal supplémentaire (taux majoré de déduction immédiate pour amortissement, qui a été porté à 100 % pour la période 2018-22 et doit être progressivement supprimé d'ici à 2026). Des déductions au titre de l'impôt sur le revenu des personnes physiques ont été instaurées pour les individus recevant des revenus d'entreprises intermédiaires (c'est-à-dire d'entreprises qui reversent à leurs propriétaires l'intégralité de leurs recettes, lesquelles sont donc assujetties à l'impôt sur le revenu, afin d'éviter une double imposition), sachant que ces déductions doivent expirer à la fin de 2025. Pour les entreprises, la déductibilité des charges d'intérêts est plafonnée à 30 % de leurs bénéfices (mesurés d'une manière spécifique). La possibilité de report en arrière des pertes d'exploitation nettes aux fins de déduction fiscale a été supprimée. Enfin, une taxe ponctuelle sur les bénéfices réalisés à l'étranger non rapatriés sera prélevée au taux de 8 % ou de 15.5 %, en fonction de leur liquidité. Cette réforme a également représenté un glissement vers un système d'imposition semi-territoriale, caractérisé par l'adoption d'importantes mesures destinées à dissuader les acteurs économiques de transférer leurs actifs de propriété intellectuelle pour enregistrer des bénéfices dans des juridictions à faible pression fiscale.
Les taux de l'impôt sur le revenu des personnes physiques ont été réduits pour la plupart des tranches d'imposition à partir de 2018 (sachant que ces réductions doivent expirer en 2025), tandis que le mécanisme d'indexation des tranches d'imposition été modifié de manière à mieux prendre en compte l'inflation. L'abattement forfaitaire a été revu à la hausse et le crédit d'impôt pour enfant à charge a été majoré. La réforme a plafonné les déductions fiscales appliquées par les États et les collectivités locales à 10 000 USD, et les déductions accordées au titre des dépenses d'éducation et médicales ont été réduites. Le seuil d'assujettissement aux droits de succession a été multiplié par deux et porté à 22 millions USD, tandis que la déductibilité des intérêts d'emprunt hypothécaire a été plafonnée au montant des intérêts dus sur 750 000 USD de capital emprunté (contre 1 million USD auparavant).
Encadré 2.3. Exemple de réforme des impôts : la fiscalité du logement au Danemark
Le Danemark a apporté d'importantes modifications à la fiscalité de l'immobilier d'habitation. À partir de 2021, les impôts sur les logements – qui recouvrent à la fois l'impôt immobilier (prélevé sur la valeur des biens immobiliers) et l'impôt foncier (prélevé sur la valeur des terrains) – correspondront à la valeur de marché des biens immobiliers ; cela mettra fin au gel des valeurs immobilières en place depuis 2002, qui s'est traduit par une diminution des taux effectifs d'imposition des logements dont la valeur augmentait. Pour de nombreux biens immobiliers d'habitation, cette modification débouchera sur une augmentation de la valeur imposable. Les taux d'imposition seront néanmoins abaissés, et tout alourdissement de la charge fiscale globale au titre du logement subi par un propriétaire occupant du fait de la mise en place du nouveau système sera compensé par un dégrèvement fiscal. En vue de protéger les propriétaires occupants contre une augmentation de leurs impôts, le règlement des hausses d'impôts intervenant après 2021 sera par ailleurs reporté jusqu'à la vente du logement qu'ils habitent.
Dans les économies de marché émergentes, les domaines dans lesquels les pouvoirs publics ont été les plus actifs en matière de réformes destinées à renforcer la productivité du travail ont été les prestations de services d'infrastructure et l'éducation. À titre d'exemples :
en Inde, un programme massif d'électrification a permis de fournir de l'électricité à tous les villages en 2018 ;
l'Argentine a renforcé ses investissements en infrastructures en mettant en œuvre plusieurs projets fondés sur des partenariats public-privé (PPP). De même, en Indonésie, les investissements dans les infrastructures de transport se sont accrus et des réformes ont levé certains obstacles liés à l'acquisition des terrains ;
le Chili a continué d'étoffer ses centres d'accueil des jeunes enfants, en créant plus de 70 000 places supplémentaires en 2017 et en mettant en place de nouveaux organismes chargés de surveiller ces centres, d'actualiser les programmes et de définir des normes de qualité ;
la Colombie a lancé un programme destiné à améliorer la qualité et l'accessibilité de l'enseignement supérieur, fondé en particulier sur des prêts aidés destinés aux étudiants défavorisés.
Réformes destinées à renforcer l'utilisation de la main-d'œuvre
S'agissant des priorités d'action axées sur le renforcement de l'emploi en 2017-18, plusieurs économies avancées se sont efforcées de remédier à des pénuries de main-d'œuvre en engageant des réformes destinées à lever les obstacles à l'activité féminine, ainsi qu'en réorganisant leurs régimes de prestations de chômage et de retraite. Cela prolonge la tendance déjà observée en matière de réformes dans la dernière édition d'Objectif croissance. À titre d'exemples :
en République tchèque, en Allemagne et au Japon, les services d'accueil des jeunes enfants ont été étoffés. Ainsi, en République tchèque, depuis 2018, les enfants de plus de 3 ans sont assurés d'avoir une place en structure d'accueil des jeunes enfants, et au Japon, les enfants âgés de 3 à 5 ans bénéficieront d'un accès gratuit au système d'éducation et d'accueil des jeunes enfants à partir d'octobre 2019. Tant le Japon que la Corée ont adopté de nouvelles dispositions législatives destinées à limiter les heures supplémentaires et à améliorer l'équilibre entre vie professionnelle et vie privée ;
la Hongrie a supprimé en 2018 les cotisations de sécurité sociale pour les titulaires de pensions de vieillesse demeurant sur le marché du travail ;
l'Estonie a réduit le coin fiscal sur les bas salaires en 2017 en augmentant l'abattement d'impôt sur le revenu des personnes physiques ;
en 2018, Israël a revu à la hausse le crédit d'impôt sur les revenus d'activité applicable aux hommes, en le portant au niveau de celui accordé aux femmes ;
s'agissant du taux d'activité des seniors, l'Autriche a légèrement renforcé les incitations fiscales des entreprises à employer des travailleurs âgés, en procédant à des réductions successives des prélèvements sur les salaires ;
la Corée a revalorisé les pensions minimums tout en étoffant les programmes de formation destinés aux travailleurs âgés et en augmentant les aides financières accordées aux participants ;
la France a allégé les cotisations patronales de sécurité sociale pour les travailleurs faiblement rémunérés et augmenté les prestations liées à l'exercice d'un emploi.
Quant aux économies de marché émergentes, c'est dans les domaines de la réglementation du marché de l'emploi et de la fiscalité du travail qu'elles ont été les plus actives en matière de réformes. Une réglementation du marché de l'emploi mal conçue et excessivement lourde ainsi que des impôts élevés sur les revenus du travail peuvent contribuer fortement à alimenter l'économie informelle et le chômage, entravant la croissance et l'inclusion sociale.
En 2018, le Costa Rica a lancé une stratégie nationale visant à ramener à 33 % d'ici à 2025 le taux d'emploi informel, dont le niveau est estimé à 43 %. Cette stratégie recouvrait notamment des mesures destinées à encourager les dénonciations, des allègements de cotisations de sécurité sociale et une légère réduction du nombre de catégories de salaire minimum.
L'Afrique du Sud a progressé dans la réforme de son système de négociations salariales, en instaurant un salaire minimum national en 2019.
La Turquie a réduit les cotisations patronales de sécurité sociale prélevées sur les salaires, et pour les entreprises ayant créé des emplois en termes nets en 2016, les nouvelles embauches bénéficieront d'une exonération de cotisations de sécurité sociale pendant un an.
Sélection d'exemples de réformes importantes
Le rythme globalement modeste des réformes décrit dans cette édition d'Objectif croissance masque le fait que certains pays ont pris des mesures importantes dans des domaines prioritaires spécifiques. À titre d'exemples :
l'Inde a remplacé de multiples impôts indirects prélevés par les États fédérés et l'administration centrale par la taxe sur les biens et services (GST, Goods and Services Tax) en 2017 (Encadré 2.4) ;
en France, une réforme majeure a été adoptée pour renforcer le rôle des accords d'entreprise en matière de détermination des salaires, améliorer la sécurité juridique des procédures de licenciement et simplifier le système de représentation des travailleurs en 2017 (Encadré 2.4) ;
le Japon a pris des mesures pour étoffer les capacités d'accueil des jeunes enfants et offrir un accès gratuit au système d'éducation des jeunes enfants. Les autorités ont renforcé le cadre juridique afin de s'attaquer au dualisme du marché du travail et à la discrimination dont font l'objet les travailleurs non réguliers (Encadré 2.4) ;
la Grèce a déployé au niveau national son « revenu de solidarité sociale » pour mettre en place un système de protection contre la pauvreté, tout en réformant l'infrastructure administrative qui permet d'identifier les ménages admissibles au bénéfice de cette prestation et de transférer les fonds par voie électronique (Encadré 2.4) ;
dans le même ordre d'idée, l'Italie a mis en place un revenu minimum garanti conditionnel, ciblé sur les ménages en situation de pauvreté ;
dans le domaine de la santé, la Chine a amélioré l'accès aux soins en renforçant la transférabilité des droits en matière d'assurance maladie ;
l'Inde a mis en place un régime national de protection sanitaire destiné à permettre à 100 millions de familles pauvres de bénéficier de soins secondaires et tertiaires.
Encadré 2.4. Sélection d'exemples de réformes importantes
La taxe sur les biens et services en Inde
L'entrée en vigueur de la taxe sur les biens et services (GST, Goods and Services Tax) en 2017 a remplacé différentes taxes sur les biens et services prélevées par l'administration centrale et les États fédérés par une seule et même taxe sur la valeur ajoutée. La réforme instaurant la GST a harmonisé les taux des impôts indirects appliqués aux biens et services, qui différaient précédemment d'un État à l'autre et se traduisaient par une « imposition en cascade » (les impôts indirects payés par les entreprises sur leurs intrants ne pouvaient pas tous être déduits des impôts indirects appliqués à leurs produits, de sorte qu'elles devaient acquitter des impôts sur d'autres impôts). Dans le cadre du régime de GST, les biens et services sont divisés en quatre catégories assorties de taux d'imposition distincts : 5 % (qui s'applique essentiellement à des produits alimentaires, ainsi qu'aux transports ferroviaire et routier de passagers), 12 % (qui s'applique au transport aérien ainsi qu'aux hôtels et restaurants), 18 % (le taux normal, qui s'applique à de nombreux produits alimentaires, aux produits chimiques, aux matériaux de fabrication, aux produits en cuir et en papier, aux chaussures et à de nombreux produits manufacturés), et 28 % (qui s'applique à certains produits de luxe et nocifs, tels que les sodas, le chocolat, le café, les hôtels de luxe, le tabac et les voitures de luxe). Plusieurs produits bénéficient d'une exonération, notamment l'alcool, le tabac et les produits pétroliers. Les entreprises dont le chiffre d'affaires est inférieur à 4 millions INR sont exemptées de la GST. Le Conseil de la GST détermine ses taux ainsi que les règles relatives à cette taxe. Il se compose du ministre des Finances du gouvernement fédéral ainsi que des ministres des Finances de tous les États fédérés.
Les réformes du marché du travail en France
Les réformes du marché du travail de 2017 visaient à faciliter les négociations collectives en général et au niveau de l'entreprise en particulier. Elles avaient également pour but de réduire l'incertitude juridique entourant les licenciements de titulaires de contrats à durée indéterminée, notamment en instaurant un barème obligatoire d'indemnités de licenciement abusif. Les accords d'entreprise prévalent maintenant sur les accords de branche en ce qui concerne les primes et le temps de travail. En outre, l'extension d'un accord de branche ne sera plus possible s'il ne comporte pas des dispositions spécifiques relatives aux petites entreprises, et un groupe d'experts indépendant peut apprécier les effets économiques et sociaux des extensions administratives d'accords de branche avant qu'elles n'aient lieu. En outre, de nouveaux droits à l'assurance chômage ont été ouverts à certains travailleurs indépendants et salariés démissionnaires.
Pour compléter ces mesures, les autorités françaises ont allégé le coût du travail pour les bas salaires, et renforcé les incitations au travail en revalorisant les prestations liées à l'exercice d'un emploi. Elles ont également réformé les systèmes de formation tout au long de la vie et d'apprentissage. Il est prévu d'évaluer régulièrement les programmes de formation professionnelle, en vue d'améliorer leur qualité.
Les réformes de la protection sociale en Grèce
Le « revenu de solidarité sociale » a été mis en place au niveau national en février 2017, et les prestations familiales ont été étoffées en 2018. Ces mesures visent à mieux aider les ménages les plus démunis, en veillant à ce qu'ils aient accès à un revenu minimum, même s'ils ne bénéficient d'aucun autre programme de protection sociale. Le revenu de solidarité sociale est destiné aux ménages à faible revenu, et il est fixé à 200 EUR par mois pour le premier membre du ménage, 100 EUR pour le second et 50 EUR pour les enfants. En outre, le revenu de solidarité sociale est complété par deux dispositifs visant à améliorer l'accès des ménages aux programmes du marché du travail et à d'autres services d'aide sociale.
Les réformes destinées à renforcer les taux d'activité et d'emploi au Japon
Pour favoriser la présence de tous les talents disponibles sur le marché du travail, les autorités ont lancé en 2018 un programme de renforcement des capacités d'accueil des jeunes enfants à hauteur de 320 000 places supplémentaires d'ici à 2020. Parallèlement, les enfants âgés de 3 à 5 ans bénéficieront d'un accès gratuit au système d'éducation et d'accueil des jeunes enfants à partir d'octobre 2019. En outre, un programme sera élaboré en 2019 pour améliorer les perspectives d'emploi des individus jusqu'à l'âge de 70 ans. Les pouvoirs publics ont pris des mesures en vue de remédier au dualisme persistant du marché du travail en 2018, notamment en renforçant l'obligation des entreprises de rendre des comptes en cas de traitement discriminatoire des travailleurs non réguliers et en lançant des lignes directrices pour un traitement équilibré des travailleurs réguliers et non réguliers. Le gouvernement a également renforcé le soutien à la formation professionnelle des travailleurs non réguliers.
Évolution des réformes dans les différents pays
La réactivité aux priorités de réforme de 2017 est très disparate suivant les pays (Graphique 2.3, partie A). Les pays ayant eu tendance à mettre en œuvre des réformes de manière plus intensive par le passé sont plus susceptibles de connaître ensuite une baisse de régime (Graphique 2.3, partie B). Cela peut tenir à la nécessité d'approuver les dispositions réglementaires connexes nécessaires, à la transmission de lois de l'administration centrale aux collectivités locales, à des recours en justice, ainsi qu'à l'insuffisance ou l'inefficacité des capacités administratives. Ainsi, en Espagne, l'application de la loi sur l'unité du marché, qui visait à réduire les obstacles entre provinces, soulève des difficultés techniques, dans la mesure où l'ampleur du corps de règles concerné complique singulièrement la tâche. Elle exige également une coopération accrue entre l'administration centrale et les régions (OCDE, 2017b), et une amélioration de la qualité des lois et règlements (OCDE, 2018b).
Une raison souvent avancée pour expliquer la lenteur du rythme des réformes est la lassitude à leur égard, après le point culminant observé en matière d'intensité des réformes immédiatement après la crise mondiale (OCDE, 2015). Les gouvernements peuvent être réticents à assumer les coûts à court terme des réformes structurelles. Certaines d'entre elles peuvent être préjudiciables aux personnes les plus vulnérables à court terme, même si leur effet global est positif à moyen terme (Bouis et al., 2012). À titre d'exemples, on peut citer les réformes des négociations salariales destinées à rendre les salaires plus réactifs aux évolutions de la conjoncture et de la situation locale, ainsi que les réformes fiscales ayant pour objectif une dévaluation interne en l'absence d'ajustement du taux de change (consistant à réduire les coûts de main-d'œuvre des employeurs de façon neutre sur le plan budgétaire, en augmentant les taxes sur la consommation). Néanmoins, l'enquête annuelle réalisée auprès de ses membres par le Comité consultatif économique et industriel auprès de l'OCDE (BIAC) indique, année après année, que les entreprises sont favorables à la mise en œuvre de réformes structurelles dans les domaines prioritaires identifiés par Objectif croissance (BIAC, 2018).
Le manque de confiance à l'égard des pouvoirs publics peut également rendre difficile la mise en œuvre des réformes. Or, la confiance dans les pouvoirs publics s'est fortement dégradée dans beaucoup de pays de l'OCDE (OCDE, 2017c). De nombreux facteurs influent sur cette confiance, notamment l'incertitude économique et financière, l'utilisation abusive de ressources publiques et le sentiment que la croissance n'a pas été suffisamment inclusive. Les entreprises considèrent que le manque de volonté politique et un manque de cohérence politique ou de cohérence de l'action publique constituent des obstacles essentiels aux réformes dans leur pays (BIAC, 2018). Pour rétablir la confiance dans les pouvoirs publics, il est fondamental d'améliorer l'efficience de l'administration publique et de faire respecter l'état de droit, ainsi que l'illustrent les recommandations d'Objectif croissance (Chapitre 1).
Il est également possible que les différences observées entre pays en matière de réactivité aux priorités de réformes soient liées à l'économie politique des réformes. Elles ont davantage de chances d'être couronnées de succès si les autorités ont un mandat politique clair et une stratégie de communication efficace. Des gouvernements plus soudés, unis autour du projet de réforme et soutenus par une majorité parlementaire plus forte sont également plus susceptibles de réussir à réformer (OCDE, 2010b). Certains travaux indiquent que la probabilité de mettre en œuvre des réformes est plus grande pour les nouveaux gouvernements issus des urnes, la prochaine échéance électorale étant encore éloignée (Alesina, 1993). Ainsi, dans les pays de l'OCDE, les gouvernements tendent à être plus actifs en matière de réformes en début de mandature, s'essoufflant peu à peu à mesure que la fin de la mandature se rapproche (Graphique 2.4).
Les différences entre pays en matière d'intensité des réformes peuvent également s'expliquer par un enlisement, une édulcoration ou une remise en cause des réformes. À titre d'exemples :
certaines réformes prévues, telles que la libéralisation des services professionnels en Espagne, ont été reportées et leurs perspectives de mise en œuvre effective à terme restent incertaines (OCDE, 2017b) ;
en Autriche, la réforme de la loi sur le commerce s'est finalement avérée moins ambitieuse que prévu, et la mise en place des services d'accueil des jeunes enfants à temps plein a quelque peu marqué le pas ;
au Japon, le relèvement à 10 % du taux de la taxe sur la consommation – déjà prévu en 2015 – a encore été reporté et s'accompagnera de l'instauration de taux multiples ;
un certain nombre de pays ont pris des mesures allant à contre-courant des recommandations formulées antérieurement dans Objectif croissance. On peut citer à titre d'exemples l'abaissement de l'âge de la retraite en Pologne, l'augmentation des subventions aux combustibles fossiles en Indonésie, et la hausse des subventions variables aux riz en Corée. En outre, en Corée également, la revalorisation du salaire minimum a été supérieure à celle recommandée.
Bibliographie
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BIAC (Comité consultatif économique et industriel auprès de l'OCDE) (2018), 2018 Economic Policy Survey: a contribution to Going for Growth.
Bouis, R., O. Causa, R. Duval et L. Demmou (2012), « How Quickly Does Structural Reform Pay Off? An Empirical Analysis of the Short-term Effects of Unemployment Benefit Reform », IZA Journal of Labor Policy 2012, pp. 1:12.
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